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REMARQUES HISTORIQUES.

I.

II.

III.

IV.

V.

  

I.

 

Le conseiller des pontifes et le prédicateur des rois s'est fait le maître des enfants; l'immortel écrivain qui burine les oracles de la science dans le style des prophètes, Bossuet, après les Oraisons funèbres et le Discours sur l'histoire universelle, a composé un catéchisme pour la jeunesse chrétienne.

Inspiré par son zèle apostolique et par la parole infaillible de l'Eglise, ce grand évoque regardait l'enseignement de la foi comme « le premier devoir de la charge épiscopale (1). » — « Il se plaignait souvent, dit son biographe, que l'on ne prêchait plus les mystères en un temps où il en croyait le besoin plus pressant que jamais.....Il lui semblait qu'on avait honte de prêcher Jésus-Christ : « Et comment, disait-il, veut-on qu'il soit aimé, si on ne le rend aimable en le faisant connaître?... suivant cette parole du Sauveur même : La vie éternelle consiste à vous connaître vous qui êtes le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé (2) ; et celle-ci de saint Paul : Comment croiront-ils en lui s'ils n'en entendent point parler, et comment en entendront-ils parler si on ne le leur prêche (3)?... » Il voulait qu'on expliquât tous les attributs divins. Il en annonça hautement les mystères dans ses sermons ; et depuis qu'il fut établi évêque de Meaux, il lit revivre l'ancienne discipline et rétablit la prédication du pasteur jointe à l'office pontifical... C'était principalement les mystères que ce savant théologien expliquait à son peuple dans les grandes solennités; et afin d'en répandre davantage la connaissance, il publia un catéchisme de sa façon (4). »

 

1 Conc. Trid., sess. V, De reform., cap. II. — 2 Joan., XVII, 3. — 3 Rom., X, 14. » Mémoires de l'abbé Ledieu, Prédicat, pastor.

 

II

 

Ce Catéchisme en comprend trois : le premier, pour ceux qui commencent; le deuxième, pour ceux qui sont plus avancés; le troisième pour tous les fidèles. Dans le premier, s'adressant à l'enfant qui commence à bégayer, le plus éloquent des évêques lui apprend le signe de la croix, le mystère de la sainte Trinité, le Symbole des apôtres, les commandements de Dieu, les premières notions des sacrements, le Pater et l'Ave, la prière du matin et celle du soir. Dans le deuxième, il traite, comme en cinq sections : 1° des premiers principes de la religion comprenant la création, le péché originel et la rédemption du genre humain; 2° de la foi et du Symbole, qui en est l'expression; 3° de l'espérance et de la prière, qui en est le fruit; 4° de la charité et des commandements de Dieu, qui en sont la loi; 5° des sacrements et de la justice, qui en est l'effet. Enfin dans le troisième, il parle du dimanche, consacré spécialement au culte de Dieu; des fêtes de Notre-Seigneur, instituées pour célébrer les mystères de sa vie ; des fêtes de la sainte Vierge, où l'on honore ses grandeurs et ses souffrances; des fêtes des saints, qui rappellent la mémoire de leurs vertus.

Tous ces rites de la religion, tous ces préceptes de la morale, toutes ces vérités du dogme chrétien, Bossuet les explique avec autant d'élévation que de clarté. Il s'élève partout jusqu'aux sommités de la science, prenant toutes les définitions fondamentales dans les plus grands docteurs, le plus souvent dans saint Thomas. Il n'a jamais pensé que les peuples, « ni même les gens de travail, » fussent incapables d'entendre les plus hautes vérités du christianisme. « On trouve, dit-il, des villages qui, pour avoir eu seulement quelques bons curés, qui se sont donnés tout entiers à les instruire, ont l'ait de si grands progrès dans la doctrine chrétienne qu'on en est surpris; en sorte que quand on crie tant que les peuples sont incapables, il est à craindre que ce ne soit un prétexte pour se décharger de la peine de les instruire (1). » Cependant il ne laisse pas la faiblesse sans appui, l'impuissance sans secours : en même temps qu'il provoque et soutient constamment l'attention par la vivacité des questions, par l'imprévu des réponses et par la soudaineté des aperçus, l'habile catéchiste décompose les formules scientifiques en les expliquant propositions par propositions, termes par termes; il donne pour ainsi dire un corps aux idées abstraites, en les montrant réalisées dans des traits historiques ou sous la forme d'exemples frappants; il emploie mille stratagèmes pour préparer la voie de la vérité dans les plus simples intelligences.

Tous les grands hommes du grand siècle ont admiré le Catéchisme de Meaux. L'abbé Fleury se proposa de l'imiter dans son Catéchisme

 

1 Catéchisme, Avertissem. — Les faiseurs de manuels qui ont retranché de la théologie tout ce qu'elle renferme de profond, de scientifique et de lumineux, allèguent pareillement l'incapacité des élèves.

 

III

 

historique. Un émule de Bossuet dans les joutes scolaires, l'abbé de Rancé vantait cet art merveilleux qui joint en quelque sorte le bégaiement de l'enfant a la parole sublime du théologien consommé (19. Mais voici un témoignage non moins impartial et plus décisif encore : l'auteur reconnaissait lui-même, en toute franchise et toute simplicité, « qu'il n'avait rien paru en ce genre de plus accompli (2). » Ajoutons que, jusqu'à ce jour, on n'a rien publié d'aussi parfait ni pour la solidité de la doctrine, ni pour l'ordre des matières, ni pour la clarté de l'exposition, ni pour la beauté du langage.

Le Catéchisme fut composé en 1680, annoncé vers la fin de cette année par un mandement et donné au diocèse de Meaux dans le commencement de 1687. Depuis cette dernière époque, plusieurs éditions parurent chez Cramoisy à Paris, et à Lyon chez Anisson. Les trois premières éditions renferment en entier le Credo, le Pater et l'Ave; les suivantes indiquent seulement ces prières; du reste, aucune différence (3), L'auteur corrigea son ouvrage, et le céda a la veuve Benard en 17013.

 

1 Mémoire de l'abbé Ledieu, ubi supra. — 2 Ibid. — 3 Le contrat de cession, écrit de la main de Bossuet, se trouve à la Bibliothèque impériale, au commencement du troisième volume de ses manuscrits; il montre ce que se proposait le grand écrivain dans la publication de ses ouvrages. Ce contrat, le voici :

 

«Cession du Catéchisme de Meaux, au profit de la veuve Benard, du 10 juin 1701.

 

» Jacques-Bénigne Bossuet, évéque de Meaux, reconnais avoir cédé et transporté à la dame Marie Dallin, veuve de Simon Benard, marchande libraire à Paris, mon droit de privilège à moi accordé par sa Majesté, par lettres-patentée données à Versailles le vingt-sixième de février mil sept cent un, pour la réimpression de tous mes ouvrages déjà imprimés et pour tous ceux que nous voulons faire imprimer dans la suite. Je reconnais avoir cédé et transporté le privilège susdit pour mon Catéchisme seulement, cy-devant imprimé sous ce titre : Catéchisme du diocèse de Meaux, etc., pour le temps de dix années consécutives passé auxdites lettres de privilège; et ce aux conditions d'en fournir et livrer en tout temps pour ledit diocèse de Meaux les nombres qui seront nécessaires, au prix «le huit sols, en blanc (a), le volume in duodecimo, comme il vient d'être imprimé en le présente année, contenant les trois catéchismes, le premier, le second et celui des fêtes; dont la vente et distribution se fera à Meaux par la veuve Claude Charles et par son fils, libraire en ladite ville, ou par telle autre personne qu'il nous plaira de choisir à cet effet.

» Et moi Marie Dallin, veuve de Simon Benard susdite, en acceptant la présente cession pour ledit Catéchisme seulement, je me soumets pareillement aux conditions qui y sont portées; et je promets à mondit Seigneur évêque de Meaux et à tous autres, de les entretenir ainsi qu'elles sont ci-dessus expliquées.

Fait et Signé double en l'hôtel de mondit Seigneur, évêque de Meaux ce deuxième jour de juin mil sept cent un.

 

+ J. BÉNIGNE, Evêque de Meaux.

DALLIN, veuve BENARD. »

 

(a) C'est-à-dire en feuilles. Dans le XVII° siècle, on vendait les livres reliés; dans le milieu du XVIII°, on commença de les vendre cartonnés; plus tard, on les a vendus le plus souvent brochés.

 

 

IV

 

C'est l'édition corrigée, bien entendu, qui nous a servi de modèle dans notre travail préparatoire; et la confrontation nous a fait découvrir, dans les éditions modernes, des fautes aussi nombreuses qu'importantes.

Après le concordat, le Restaurateur du culte en France déclara sur la proposition du ministre Portalis, avec l'assentiment de l'épiscopat, le Catéchisme de Bossuet obligatoire dans tout l'empire. Un nouveau chapitre, ajouté au quatrième commandement de Dieu, rappelait aux François la soumission, la déférence, le respect qu'ils devaient à « Napoléon 1er, leur auguste empereur. »

 

II.

 

Voici un autre monument de la sollicitude du saint évêque : les Prières ecclésiastiques, manuel de piété pour bien entendre le service de la paroisse. Dans cette nouvelle publication, le dessein de l'auteur fut, comme il nous l'apprend lui-même, d'aider les plus ignorans qui ne sont pas capables de hautes méditations, les plus pauvres qui n'ont pas le moyen d'acheter d'autres livres, et les plus occupés qui n'ont pas le temps de faire de longues lectures.

Les Prières ecclésiastiques offrent à l'adulte une nourriture plus substantielle que celle que le Catéchisme présente à l'enfant; ces deux livres, complétés l'un par l'autre, renferment tout ce qui est nécessaire au salut. L'abrégé de la doctrine chrétienne fait connaître les saints mystères qui se célèbrent dans le culte public; le recueil des paroles liturgiques unit les fidèles au ministre des autels qui accomplit les rites sacrés; si bien quelle pasteur et les ouailles, priant dans le même esprit et comme d'un seul cœur, forment un concert de louanges et de supplications qui s'élèvent vers le ciel comme un encens d'agréable odeur.

L'Eglise s'est toujours servie, dans les offices divins, des langues anciennes et primitives, soit pour conserver l'uniformité par toute la terre, soit pour éviter les changements qui se font dans les langues vivantes, soit aussi pour prévenir de funestes interprétations. Cependant Bossuet a voulu procurer aux fidèles l'avantage que peut apporter l'intelligence des paroles liturgiques ; il a traduit les offices de l'Eglise dans sa langue magnifique, en ajoutant aux psaumes de courtes réflexions qui en fixent le véritable sens. Les premiers éditeurs des Prières ecclésiastiques ont publié les psaumes en latin et en français; les éditeurs des oeuvres complètes ont supprimé, parce qu'ils le don-noient ailleurs, le texte original pour ne conserver que le texte traduit. On a pareillement retranché le latin des psaumes dans cette édition, mais on s'est fait un devoir d'imprimer le français avec les commentaires.

Composées un an après le Catéchisme, les Prières ecclésiastiques ont

 

V

 

paru pour la première fois en 1689, puis après correction en 1701, chez la veuve Benard. C'est sur cette édition que la nôtre a été collationnée.

On peut joindre aux Prières ecclésiastiques les Méditations et les Instructions pour le jubilé. Le jubilé séculaire fut donné en 1700. Bossuet en obtint, pour son diocèse, la prorogation à l'année 1702. Il  avait déjà publié, en 1696, les deux écrits dont on vient de voir les titres (1) ; il les corrigea dans l'année 1701 et les fit de nouveau paraître en février 1702, chez Anisson (2). Le dimanche de la Passion, à l'ouverture du jubilé, il prêcha sur ce texte : Cui minus dimittitur minus diligit (3) ; « plus l'Eglise est indulgente, plus on doit s'exciter à l'amour pour mériter ses grâces. » Ce discours était très-tendre et très-édifiant; et M. de Meaux le prononça avec toutes ses grâces et aussi avec une voix nette, forte, sans tousser ni cracher d'un bout à l'autre du sermon, en sorte qu'on l'entendit très-aisément jusqu'aux portes de l'Eglise (4). » Pendant la semaine, trois jours de suite, il conduisit les processions, « récitant à haute voix dans toutes les églises les cinq Pater et les cinq Ave. Et le long du chemin, allant et venant d'une église à l'autre, on récitait les sept psaumes en psalmodiant fort lentement. Un vent froid qui régna tous ces jours-la, môme de la neige dont on fut surpris en procession, rien n'empêcha le prélat d'assister à cette dévotion publique et de donner le premier l'exemple. » Bossuet avait alors soixante-quinze ans.

 

III.

 

Autre ouvrage. Avant les disputes suscitées par la Réforme, quelques docteurs enseignaient que la contrition servile, c'est-à-dire le regret du péché conçu par la crainte de l'enfer, suffisait avec le sacrement pour la justification, si bien que l'homme pouvait obtenir le salut sans jamais avoir aimé son Créateur. Le concile de Trente établit cette proposition : « Les pécheurs se disposent à la justice,... lorsqu'ils commencent à aimer Dieu (5); » d'où il suit que la contrition, pour opérer avec le sacrement la rémission des péchés, doit renfermer un commencement d'amour de Dieu. Malgré cette décision souveraine, plusieurs théologiens, ceux-là même qui se disaient les enfants les plus soumis de l'Eglise, continuèrent de soutenir la suffisance et l'efficacité de la contrition servile.

Bossuet avait souvent combattu cette erreur dans les assemblées ecclésiastiques, dans les synodes qu'il tenait régulièrement et dans les conférences  qu'il présidait lui-même. Plusieurs  prêtres le prièrent

 

1 Mémoire de l'abbé Ledieu, année 1696. — 2 Journal de Ledieu, 27 décembre 1701; 15 février 1702. — 3 Luc., VII, 47. — 4 Journal, 2 avril 1702. — 5 Conc Trid., sess. VI, cap. VI.

 

VI

 

avec instance de leur laisser par écrit ses doctes enseignements; il céda aux sollicitations  de « ses frères et coopérateurs dans le ministère sacré ; » de là le Traité sur l'amour de Dieu nécessaire dans le sacrement de pénitence.

Ce traité est divisé en trois parties : dans la première, l'auteur parle de l'efficacité des sacrements, et prouve qu'ils ne requièrent pas l'amour de Dieu qui justifie par lui-même; dans la deuxième, il traite de l'amour commencé, et montre qu'il est nécessaire pour recevoir avec fruit les sacrements (1); dans la troisième, il résout les objections par des principes incontestables.

Quand le Traité sur l'amour de Dieu a-t-il été composé? Deux citations vont nous l'apprendre. Dans la troisième partie dont on parlait à l'instant même, après avoir réfuté les objections contre l'amour commencé, Bossuet dit : « J'ai si souvent réfuté ces grossières absurdités, que j'ai de la peine à les discuter encore. » Sur quoi l'évêque de Troyes reprend : « Ces paroles prouvent deux choses. La première, que le Traité sur l'amour de Dieu n'a été composé qu'après tous ses écrits contre M. de Cambray, peu de temps avant sa mort, après que la célèbre assemblée du clergé eût fait sur cette même matière ce sage et important décret où il eut tant de part (2). » Or le dernier écrit de Bossuet contre Fénelon fut publié en 1099, et la célèbre assemblée du clergé eut lieu en 1700 : Bossuet composa donc notre ouvrage après celle dernière date; mais il le laissa dans son portefeuille avec tant de chefs-d'œuvre, sans le mettre au jour. C'est un homme qui parlait un nom devenu lourd à porter, c'est Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Troyes, qui reçut en héritage le savant traité, ainsi que tous les manuscrits laissés par le grand écrivain. La reconnaissance pour son bienfaiteur et le zèle pour la saine doctrine, tout lui commandait de le donner promptement au public par l'impression; mais au milieu des soins divers qui l'occupaient quelquefois à la cour du Régent, souvent dans les antichambres, habituellement dans le monde, il n'en trouva le temps qu'en 1730, après l'avoir laissé trente-deux ans dans la poussière de sa bibliothèque.

Il fit passer dans le volume, sous le couvert de l'original latin, la traduction française et un mandement (4). L'original, nous le reproduisons avec une exactitude scrupuleuse ; la traduction, nous la laissons là; le mandement, nous l'avons cité et le citons encore : «Tout le monde se confesse, dit l'évêque de Troyes; où sont les conversions (3)? » Tout le monde se confessait en 1730; que fait aujourd'hui tout le monde, après un siècle de progrès et de libellé ?

 

1 L'auteur parle, comme le concile de Trente, des adultes. — 2 Dans le Mandement joint au Traité. — 3 Ibid. — 4 Quelques bibliographes attribuent ce mandement et cette traduction au P. Lenet, génovéfain.

 

VII

 

IV.

 

Restent quelques Ordonnances administratives. Celle de Cerfroid, portant la date de 1080, montre comment Bossuet savait venir en aidé à ses prêtres dans la répression des abus; elle montre aussi quels heureux effets peut avoir l'union du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Il  appartenait à notre siècle, aussi fécond en catastrophes que fertile en erreurs, de proclamer la séparation de l'Eglise et de l'Etat, c'est-à-dire de séparer le corps et l'esprit, le bras et la raison, c'est-à-dire de destituer la règle de toute force et d'affranchir la force de toute régir.

L'Ordonnance publiée par l'archevêque de Paris contre un livre janséniste, a manifestement Bossuet pour auteur : on y remarque le style qui distingue le grand théologien, la science qu'il apporte dans les discussions dogmatiques, et particulièrement la doctrine qu'il défend contre Richard Simon.

Les Ordonnances diocésaines offrent le plus vif intérêt. Bossuet ouvrait les synodes par un discours : en 1701, il prouva la nécessité dé l'amour commencé dans la réception des sacrements; l'année suivante, il expliqua cette parole de saint Paul : « O Timothée, gardez le dépôt qui vous a été confié (1) : » le dépôt de la doctrine, le dépôt de la discipline et le dépôt des biens temporels des églises. Après avoir instruit les piètres dans les réunions publiques, il les instruisait encore dans des entretiens familiers, les éclairant dans leurs doutes, les consolant dans leurs peines et les encourageant dans leurs combats (2).

Les décisions qui furent prises dans ces saintes assemblées respirent, avec un zèle pur, une prudence consommée ; seulement deux remarques. Dans un conseil qu'il donne à ses prêtres, le pontife indique les ouvrages qui peuvent leur apprendre suffisamment les dogmes de la foi et les préceptes de la morale, afin qu'ils deviennent, selon l'expression de l'Apôtre, « des ouvriers irrépréhensibles, traitant et distribuant droitement la parole de vérité. » Il faut lire le texte de l'article (3); on verra que les ouvrages recommandés renferment, non des phrases retentissantes, mais des doctrines profondes; non les règles de la rhétorique, mais les maximes de l'Evangile. A côté des conseils, on trouve des prescriptions non moins remarquables. A l'exemple de saint François de Sales, pour honorer la présence de Dieu, Bossuet gardait jusque dans l'isolement une attitude noble et digne, à ce point qu'il ne pressait point ses pas sous les torrents de la pluie. Il n'était pas long dans la célébration des saints mystères; même « il ne se

 

1 I Timoth., V, 20. — 2 Journal, 1er septembre 1701; 5 septembre 1702. — 3 Ordonnances de 1691, art. XIV.

 

VIII

 

lassait point de dire qu'il fallait aller rondement, de peur d'ennuyer le peuple et de le faire murmurer (1) ; » mais il observait une gravité si majestueuse et son extérieur révélait une piété si profonde, qu'il inspirait le respect et la dévotion. Il louait les prêtres qui célébraient avec dignité (2), il recommandait la beauté des ornements sacerdotaux, il voulait que les servants à l'autel fussent habillés proprement (3); il établissait partout de bons organistes. C'est dans ce zèle pour le culte divin qu'il porta ce décret : « Nous défendons à tous ecclésiastiques de faire coutume d'user du tabac en poudre, notamment et en tout cas dans les églises, pour exterminer cette indécence scandaleuse de la maison de Dieu (4). »

Sévère dans les dispositions de la loi, il était plein de douceur dans l'application. Je me trompe : il n'appliquait pas la loi; à cette époque de despotisme, les prêtres étaient jugés par l'officialité, c'est-a-dire par leurs pairs, selon les formes canoniques, avec toutes les garanties de la libre défense. Avant le jugement, quand les preuves étaient convaincantes, il engageait l'accusé « de se retirer sans bruit (5); » après la condamnation, quand il n'y avait pas de scandale, le premier signe de repentir, la première marque de sincère amendement trouvait auprès de lui la clémence et le pardon (6). Il fit une pension de trois cents francs au curé de Mareuil, condamné à quitter sa cure pour ses dérèglements notoires (7).

Les Ordonnances diocésaines ont été portées, comme on le voit dans les titres, en 1691 et en 1698 ; puis publiées les mêmes années à Paris, in-4°. Ce sont ces deux éditions qui ont servi de modèle à la nôtre.

 

V.

 

Bossuet ne se contentait pas d'instruire et de diriger la partie active de la milice sacrée : il ramena l'ordre, la discipline et la piété dans la portion de son troupeau dévoué à la vie contemplative. On vit céder plus d'une fois, devant l'ascendant de son nom et de ses vertus, des prétentions longtemps rebelles aux ordres de ses prédécesseurs; à sa prière, bientôt après son avènement, l'abbaye de Farmoutiers rentra volontairement sous la juridiction des évêques de Meaux.

Cependant un monastère devait faire éclater sa fermeté apostolique. L'abbesse qui le gouvernait alors, princesse d'une haute naissance, croyait avoir assez honoré la vie cénobitique en prenant le voile. Pendant les courtes apparitions qu'elle faisait à Jouarre, elle régnait

 

1 Mémoires, 1re Messe de Bossuet. — 2 Ibid. — 3 Les réponses de la messe, hic. — 4 Ordonnances de 1698, art. XXII. — 5 Journal, 9 et 14 décembre 1690 et alibi. — 6 « Procès-verbaux des visites pastorales, particulièrement de la visite de Jouarre en 1690. — 7 Journal, 9 janvier 1701.

 

IX

 

plutôt en souveraine qu'elle ne vivait en religieuse. Non-seulement elle disposait des biens de la communauté comme de son patrimoine, mais elle avait des tribunaux pour porter des sentences et des prisons pour détenir les condamnés. Joignant l'autorité spirituelle à l'autorité civile, elle suspendait et déposait les clercs, elle nommait et confirmait les vicaires, elle conférait et retirait la cure de Jouarre, elle ordonnait des prières publiques, publiait des monitoires et donnait des mandements; en un mot elle exerçait, comme le dit Bossuet, la juridiction épiscopale plus indépendamment que les évêques qui ont sur eux les métropolitains, plus souverainement que les métropolitains qui ont sur eux les patriarches. Et tous ces droits, tous ces pouvoirs, je voulais dire cette théocratie féminine, elle l'appuyait sur des privilèges sanctionnés par une possession cinq fois séculaire. Qui donc oserait troubler dans l'exercice de son autorité Henriette de Lorraine, princesse d'une maison souveraine qui avait mêlé tant de fois son nom à celui des rois de France? Quel tribunal ne prononcerait en sa faveur contre un simple évêque?

Bossuet avait prévu tous les inconvénients, calculé tous les obstacles, pesé toutes les difficultés. Cependant il écrivit à l'abbé de Rancé : Je vais « ôter, si je puis, de la maison de Dieu, le scandale de l'exemption de Jouarre, qui m'a toujours paru un monstre (1). » Après les démarches préliminaires, il porta la cause devant la grande chambre du Parlement de Paris, rédigea plusieurs mémoires, soutint un long procès contre madame Henriette de Lorraine, et ramena l'abbaye de Jouarre sous la juridiction épiscopale. Voilà, comment Bossuet faisait sa cour aux Grands !

Les péripéties de la procédure et la visite pastorale qui fit exécuter la sentence, présentent le plus grand intérêt; elles montrent comment les lois canoniques règlent l'exercice de l'autorité et protègent les droits de tous.

 

1 Lettre du 21 janvier 1690.

 

 

 

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