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Xe SEMAINE. ELEVATIONS SUR LES PROPHÉTIES.
PREMIERE ÉLÉVATION. Les prophéties sous les patriarches.
IIe ÉLÉVATION. La prophétie de Moïse.
IIIe ÉLÉVATION. La prophétie de David.
IVe ÉLÉVATION. Les autres prophètes.
Ve ÉLÉVATION. Réflexions sur les prophéties.
VIe ÉLÉVATION. L'apparition de Dieu d'une nouvelle manière, et ce que fait la
venue du Christ promis.
Encore que les prophéties
éclatent principalement depuis le temps de David, elles ont une plus haute
origine. Nous les avons vues sous Adam, nous les avons vues sous Abraham, Isaac
et Jacob, « dans cette bénie semence en qui la bénédiction se devait répandre
sur toutes les nations de la terre (1). » Mais de ces trois patriarches avec qui
l'alliance avait été faite , le dernier était réservé pour en développer tout le
secret par ces paroles : « Le sceptre, » le gouvernement, la magistrature , « ne
sera point ôté de Juda (2) : » sa tribu, qui sera un jour le seul royaume où la
loi et les promesses seront accomplies, ne cessera point de vivre selon ses lois
et d'avoir ses « gouverneurs» et ses magistrats légitimes , qui sortiront « de
sa race jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé ; » selon une autre
leçon qui revient au même sens : « en qui l'accomplissement des promesses est
réservé ; et il sera l'attente, » l'espérance, le libérateur « de tous les
peuples : » quatre lignes, où est renfermée toute l'histoire du peuple de Dieu
jusqu'à Jésus-Christ. Le caractère particulier qui en devait marquer le temps,
était la chute du royaume judaïque destitué de son propre gouvernement : et la
suite nécessaire de la venue du Christ était marquée par la concurrence de la
réprobation des Juifs, avec l'établissement de son empire parmi tous les peuples
de l'univers.
Il adresse la prophétie à Juda.
C'est à lui qu'il se restreint quand il veut parler du Christ futur; et ce
Christ, que nous
1 Genes., XII, 3 ; XXII. 18. — 2
Ibid., XLIX, 10.
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savions déjà qui devait sortir d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob, nous est désigné comme devant être le fruit de la tribu de Juda. Nous
verrons ensuite que dans la tribu de Juda, David est choisi pour en être le
père, afin que Jésus, fils de David, auteur de la famille royale ; fils de Juda
qui est toujours à la tête du peuple de Dieu ; fils d'Abraham en qui avait
commencé l'alliance ; pour encore remonter plus haut, fils de Sem, béni
au-dessus de ses deux frères, recueillit en lui par la plus belle de toutes les
successions tous les titres de distinction et de bénédiction qui avaient jamais
été, et sortît du plus pur et du plus beau sang qui fût au monde.
O Jésus, que Jacob a vu en
mourant, dans l'extrémité de sa vieillesse avec une vue défaillante, puisse
venir votre règne, et puissions-nous augmenter le nombre de vos sujets
véritables par notre sincère obéissance !
Quoique tout l'état de Moïse et
de la loi soit prophétique dans son fond, comme on a vu , il y a encore sur
Jésus-Christ une prophétie spéciale de Moïse ; et la voici : « Dieu vous
suscitera un prophète comme moi, de votre nation et du milieu de vos frères :
vous l'écouterez (1) : » c'est un prophète particulier que Dieu promet à son
peuple : un prophète « comme moi, » dit Moïse : un prophète « semblable à moi, »
comme il ajoute dans la suite ; c'est-à-dire un prophète législateur. Car au
reste il est écrit des autres prophètes « qu'il ne s'en est jamais élevé comme
Moïse (2). » Josué qui lui succéda dans le gouvernement du peuple de Dieu, était
beaucoup au-dessous de lui, non-seulement en prodiges et en puissance, mais
encore en dignité : « ayant reçu l'esprit de sagesse, parce que Moïse avait mis
les mains sur lui (3). » On lui obéissait donc, non pas comme à un législateur,
mais sur des faits particuliers. Et c'est pourquoi Moïse dit de ce prophète :
1 Deuter., XVIII, 15, 18, 20. — 2 Ibid.,
XXXIV, 10. — 3 Ibid., 9.
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« Vous l'écouterez : » qui est aussi la même chose que le
Père éternel a dit de son Christ : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé :
écoutez-le (1). »
Il y a donc deux prophètes d'un
caractère particulier : le ministère de l'un devait succéder à celui de l'autre
; et il est dit singulièrement de chacun d'eux : « Ecoutez-le : » l'un médiateur
de la loi ancienne, et l'autre médiateur de la nouvelle : autant différents
entre eux que les deux lois qu'ils ont établies. Toutefois il y a entre eux
quelque chose de commun : c'est qu'à la tête de chaque loi qui devait pour ainsi
dire régner, il y a un prophète par excellence pour chacune : mais le dernier
l'est « d'autant plus qu'il est le fils, » au lieu que l'autre « était le
serviteur (2). » Celui dont le ministère était passager, montre l'autre dont le
ministère était éternel : aussi ne lui nomme-t-il point de successeur, et il lui
remet pour toujours l'autorité et la prophétie. Que si l'on a écouté Moïse avec
une crainte si religieuse ; et si ceux « qui ont violé sa loi ont été punis de
mort sans miséricorde, de quels supplices seront dignes ceux » qui n'auront pas
obéi à Jésus ?
« Béni soit le nom et le règne
de notre père David (3) : Béni soit le fils de ce » saint « roi (4),» par qui
nous vient la vie et le salut. Les Psaumes de David sont un évangile de
Jésus-Christ tourné en chant, en affections, en actions de grâces, en pieux
désirs. « C'est ici, disait Jésus-Christ, la vie éternelle de vous connaître, ô
Père céleste qui êtes le vrai Dieu, et Jésus-Christ que vous avez envoyé (5). »
C'est par où commencent les Psaumes. Le premier montre la félicité de celui qui
garde la loi de Dieu (6) : et ensuite dès le second on voit paraître
Jésus-Christ : toutes les puissances du monde conjurées contre lui : Dieu qui
s'en rit du plus haut des
1 Matth., XVII, 15. — 2 Hebr.,
III, 3, 5, 6.— 3 Marc., XI, 10.— 4 Matth., XXI, 9 ; Psal.
CXVII, 25. — 5 Joan., XVII, 3. — 6 Psal. I, 1 et seq.
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cieux , et qui adressant la parole à Jésus-Christ même, le
déclare « son fils qu'il engendre dans l'éternité (1). » C'est dès le
commencement l'argument de tous les psaumes.
David l'a vu « dans le sein de
son Père engendré avant l'aurore, » avant tous les temps : il a vu qu'il serait
« son fils » et en même temps « son Seigneur (2). » Il l'a vu roi souverain,
«régnant par sa beauté, par sa bonne grâce, par sa douceur et par sa justice :
perçant le cœur de ses ennemis » par une juste vengeance, ou celui de ses amis
par un saint amour. Il l'a adoré dans « son trône éternel, comme un Dieu que son
Dieu a sacré par une divine onction (3) : » père et protecteur des pauvres, «
dont le nom sera honorable devant lui : » puissant auteur « de la bénédiction
des gentils consacrés et sanctifiés en son nom (4) : prédicateur d'un » nouveau
« précepte dans la sainte montagne de Sion (5). » Il a vu toutes les merveilles
de sa vie et toutes les circonstances de sa mort : il en a médité tout le
mystère (6) : il a maudit en esprit son disciple qui le devait vendre, et il en
a vu « l'apostolat passé en d'autres mains (7) : ses pieds et ses mains percés,
» avec son corps violemment étendu et suspendu, ont été le cher objet de sa
tendresse (8) : il s'est jeté par la foi entre ses bras amoureusement étendus à
un peuple contredisant : « il a goûté le fiel et le vinaigre (9) » qu'on lui a
donné dans sa soif : il voit tout jusqu'à l'histoire « de ses habits divisés et
de sa robe jetée au sort (10) : » il est touché des moindres circonstances de sa
mort, et n'en peut oublier aucune : il se réjouit en esprit de lui voir après sa
mort « annoncer la vérité aux gentils dans la grande Eglise (11), » où tous les
peuples de l'univers devaient se réunir, où les pauvres comme les riches
devaient être assis à sa table. Enfin il l'a suivi « au plus haut des cieux avec
les captifs attachés à son char victorieux (12) : » il l'a adoré « assis à la
droite du Seigneur (13), » où il a été prendre sa place.
O Jésus, les chères délices,
l'unique espérance et l'amour de
1 Psal. II, 7. — 2 Psal.
CIX, 1, 3, 4, 6, 7; Matth., XXII, 44, 45. — 3 Psal., XLIV, 3-8.— 4
Psal., LXXI, 1, 4, 14, 19. — 5 Psal., II, 6. — 6 Psal. XXI
et LXVIII. — 7 Psal. CVIII, 8; Joan., VII, 18; Act., I, 16,
20. — 8 Psal. XXI, 16-10. — 9 Psal., LXVIII, 22; Joan.,
XIX, 28-30. — 10 Psal. XXI, 10 et seq. — 11 Ibid. 32. — 12 Psal.
LXVII, 18, 10; Ephes., IV, 8.— 13 Psal. CIX, 1, 5.
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notre père David, c'est principalement par cet endroit-là
qu'il a a été « l'homme selon le cœur de Dieu (1). » Sa tendresse pour ce cher
fils, qui est le Fils de Dieu comme le sien, lui a gagné le cœur du Père
éternel. S'il a tant pensé à Jésus souffrant dans toute sa vie, à plus forte
raison y a-t-il pensé lorsqu'il a été sa figure en souffrant lui-même ? S'il est
si doux à ceux qui l'outragent, s'il est muet, sans réplique et sans défense ;
si loin de rendre le mal pour le mal, il rend à ses ennemis des prières pour
leurs imprécations ; si ce bon roi s'offre à être la seule victime pour tout son
peuple désolé par la main d'un ange, il en voyait l'exemple en Jésus. Faut-il
s'étonner s'il a été si humble et si patient dans sa fuite devant Absalon ? Ce
fils obéissant le consolait des emportements et des fureurs de son fils ingrat
et rebelle.
O Jésus, je viens avec David
m'unir à vos plaies , vous rendre hommage dans le trône de votre gloire, me
soumettre à votre puissance. Je me réjouis, Fils de David, de toute votre
grandeur. Non : « vous n'avez point connu la corruption (2), » vous qui étiez
par excellence « le saint du Seigneur (3) : vous avez su le chemin de la vie :
la gloire et la joie vous accompagnent (4) : vous régnez aux siècles des siècles
(5), et votre empire n'aura point de fin (6). »
Nous avons expliqué ailleurs les
oracles sacrés (7) : je dirai ici en abrégé qu'ils ont tout vu : ses deux
naissances, la première toute divine « dès le jour de l'éternité, » le lieu
marqué pour la seconde dans Bethléem (8), une vierge qui le conçoit et qui
l'enfante, un enfant qui nous est né, un fils qui nous est donné (9), enfant
homme » dès le premier jour, et tout ensemble « Dieu fort et tout-puissant (10).
» Reconnaissons avec Zacharie l'humble monture de ce
1 I Reg., XIII, 14. — 2 Psal.
XV, 10; Act., II, 31 ; XIII, 35. — 3 Marc., I,
24; Luc., I, 35. — 4 Psal. XV, 10.— 5 Apoc., XI, 15,
17. — 6 Luc., I, 32, 33. — 7 Disc. Sur l’hist. univ., IIe partie.
La suite de la Religion. — 8 Mich., V, 2 ; Matth., II, 6. —
9 Isa., VII, 14; Matth., I, 21-23. — Isa., IX, 6.
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« Roi » clément et « doux (1) » lorsqu'il fait son entrée
dans sa ville royale : considérons avec lui, « les trente deniers pour lesquels
il a été vendu, » et l'emploi de cet argent pour acheter « le champ d'un potier
(2) : » tout s'accomplit en son temps : « le Pasteur est frappé, et le troupeau
se dissipe : les disciples se retirent chacun chez eux , et Jésus demeure seul
(3) : » on crache sur son visage, « et il ne se détourne pas pour éviter les
coups et les infamies qu'on lui fait (4) : on le perce, et tout Israël voit les
ouvertures des plaies qu'il lui a faites (5) : » Comme un autre Jonas on le
jette dans la mer pour sauver tout le vaisseau, et comme lui « il en sort au
bout de trois jours (6) : » à mesure que le temps approche , ses mystères se
découvrent de plus en plus : Daniel compte les années où se de-voit accomplir
son onction, ses souffrances, sa mort, suivie d'une juste vengeance et de
l'éternelle désolation de l'ancien peuple qui a méprisé le « Saint des saints
(7). » Il voit en esprit « le Fils de l'homme à qui est donné un empire, » à qui
nuls lieux, nuls temps ne donnent des bornes : Cet empire, le plus auguste qui
eût été et sera jamais, « sera l'empire des saints du Très-Haut (8). » Daniel,
étonné de sa grandeur, se trouble dans ses pensées et conserve cette parole dans
son cœur : mais il faut que ce Fils de l'homme souffre une mort violente.
Isaïe nous apprend à goûter ses
souffrances : il doit « porter nos péchés, « et par là s'acquérir l'empire « et
partager les dépouilles des forts; » et la cause de ses victoires, c'est qu'il
s'est livré à la mort : « il a été mis au rang des scélérats : » crucifié entre
deux larrons : c'est le « dernier des hommes » et tout ensemble le plus grand.
Ce n'est point par force qu'il souffre la mort : « Il s'y est offert, parce
qu'il l'a voulu : il n'a point ouvert la bouche » pour se défendre : « Il est
muet comme l'agneau sous la main qui le tond : » le silence du Fils de Dieu
parmi tant d'outrages et tant d'injustices, qui est le plus remarquable
caractère du Fils de Dieu, a fait l'admiration de ce prophète. On le croit
frappé de Dieu pour ses péchés, lui qui est l'innocence même : a mais c'est pour
les
1 Zachar., IX, 9; Matth., XXI, 5.— 2
Zachar., XI, 12, 13; Matth., XXVII, 9, 10. — 3 Zachar., XIII,
7; Matth., XXVI, 31, 56. — 4 Isa., L, 6. — 5 Zachar., XII,
10; Joan., XIX, 37. — 6 Jon., II, 2; Matth., XII, 40; XVI,
4. — 7 Dan., IX, 24 et seq.; Matth., XXIV, 15. — 8 Dan.,
VII, 13-15, 27, 28.
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nôtres qu'il souffre, et nous sommes guéris par ses
blessures (1) ; » les prières qu'il pousse vers le ciel dans cet état de
souffrance, sont le salut « des pécheurs » pour qui il prie : » une « longue
postérité » sortira de lui, parce qu'il a volontairement souffert la mort : « Et
son sépulcre, » d'où il sortira vainqueur et immortel, « sera glorieux (2). »
Ce seul passage si précis et si
étendu, où les souffrances du Sauveur futur sont inculquées en tant de manières,
suffisait pour animer tous les sacrifices et le culte de la loi, et mettre
continuellement devant les yeux des vrais Israélites, qu'elle contenait sous ses
ombres, la rémission des péchés par une mort volontaire, un sang salutaire qui
les expiait, des plaies qui rétablissaient la santé de l'homme, et dans tout
cela un Sauveur aussi juste que souffrant, qui nous guérissait par ses
blessures.
Combien plus doit-on se nourrir
de ces plaies sacrées, de cette mort et de ce sang innocent versé pour les
pécheurs, depuis, comme dit saint Paul, que Jésus-Christ « a été crucifié à nos
yeux ! O Galates insensés, comment vous laissez-vous fasciner les yeux (3) »
après un tel spectacle? Accourez , peuples, à la croix de Jésus-Christ. Et
puisque c'est vous qui lui avez tous donné la mort ; venez , comme dit
l'évangéliste après le prophète , venez, dis-je, « contempler celui que vous
avez percé (4). »
Les choses étant en cet état, la
venue de Jésus-Christ étant préparée dès l'origine du monde, toute la loi pour
ainsi dire en étant enceinte et toute prête à l'enfanter, Dieu laissa le peuple
saint quatre à cinq cents ans sans prophètes et sans prophéties : voulant leur
donner ce temps pour les méditer et pour soupirer après
1 Isa., LIII, et seq. — 2 Ibid., XI, 10. — 3
Galat. III, 1. — 4 Zachar., XIII, 10; Apoc.,
I, 7.
184
le Sauveur. A la veille de faire cesser les prophéties,
c'est-à-dire dans les temps de Daniel, d'Aggée, de Zacharie et de Malachie, il
déclara les secrets divins plus clairement que jamais. C'est de quoi font foi
principalement les Semaines de Daniel, où les temps de la venue et de la mort du
Christ étaient exactement supputés. Aggée avait dit ces mémorables paroles à la
gloire du second temple : « Encore un peu de temps : » car qu'était-ce que
quatre cents ans et un peu plus, à comparaison de tant de milliers de siècles où
le Sauveur avait été attendu ? « Encore donc un peu de temps, et je remuerai le
ciel et la terre; et le Désiré de toutes les nations viendra, et je remplirai de
gloire cette maison nouvellement rebâtie; » c'est-à-dire le second temple, « dit
le Seigneur des armées, le Dieu tout-puissant (1). L'argent est à moi, et l'or
est à moi : » tout est en ma puissance; et si je voulais faire éclater cette
maison en richesses même temporelles, je le ferais : mais je lui prépare un
autre éclat par la venue du « Désiré des nations. La gloire de cette seconde
maison sera plus grande que celle de la première; et j'établirai la paix dans ce
lieu, dit le Seigneur des armées (2). »
S'il faut regarder le temple par
un éclat extérieur, la gloire du premier temple, sous le riche empire de
Salomon, de Josaphat, d'Ezéchias et des autres rois, sera sans contestation la
plus grande. Loin que le second temple eût le même éclat, ceux qui le
rebâtissaient et qui avaient vu le premier, ne pouvaient retenir leurs larmes en
voyant combien il lui était inférieur. Il est vrai que dans la suite des temps,
la gloire du second temple fut grande dans l'Orient : on y vit porter les
présents des rois (3); et je ne sais si Iïérode qui le rebâtit, n'en égala pas
la magnificence à celle de Salomon. Mais après tout et quoi qu'il en soit, ce
n'est pas là de quoi « remuer le ciel et la terre: » et un si grand mouvement se
doit terminer à quelque chose de plus grand que des richesses terrestres. Voici
donc « le grand mouvement du ciel et de la terre : » c'est que « le Désiré des
nations, » le Christ qui en est l'attente , « paraîtra » sous ce second temple :
il « viendra, » dit le saint prophète Aggée; et où viendra-t-il? Un autre
prophète
1 Agg., II, 7-9. — 2 Ibid., 10. — 3 II
Mach., III, 1-3.
185
l'explique dans le même temps : « J'envoie mon ange, dit
Malachie (1), au nom du Seigneur; et il préparera la voie devant ma face : et
en ce temps viendra dons son temple le Seigneur que vous cherchez, et l'ange du
testament » ou de l'alliance, « que vous désirez. Le voilà qui vient, dit le
Seigneur (2). » Il n'y a plus rien entre deux : il n'y a plus de nouvel ouvrage,
ni de nouvelles figures du Christ à venir, ni de nouvelles prophéties. Voici le
dernier état du peuple de Dieu, et après cela il n'y a rien à attendre que le
Christ qui entrera dans le second temple.
Ce n'est donc pas sans raison
que le saint vieillard « Siméon (3), qui attendait» avec tant de foi la venue du
Christ et « la rédemption d'Israël, » fut amené « en esprit, » c'est-à-dire par
inspiration, avec Anne la prophétesse, cette sainte veuve, dans le temple où le
Seigneur allait entrer. C'est qu'alors s'allait accomplir la gloire du second
temple, lorsque Jésus y devait venir pour y « établir la paix, » comme Aggée
l'avait prédit.
En attendant ce temps heureux
toute la nature était en attente, tout le peuple vivait en espérance. S'il
n'avait plus de prophètes, il vivait en la foi et dans les lumières des
prophéties précédentes : ceux qui étaient éclairés d'en haut, appelaient celui
qui les devait sauver de leurs péchés. Le Christ, à la vérité, leur était
souvent montré comme un conquérant qui les devait délivrer des mains de leurs
ennemis qui les tenaient en captivité. Mais cette captivité et ces ennemis
n'étaient d'un côté qu'une figure d'une captivité spirituelle , et de l'autre
une punition de leurs péchés, qui leur attiraient tous ces maux et mettaient ce
joug de fer sur leur tête : et enfin 1rs frayeurs de leur conscience leur
faisaient sentir que le grand mal dont ils devaient être délivrés, était leurs
péchés. C'est pourquoi ils reconnaissaient qu'ils avaient besoin « d'un Sauveur»
qui Les expiât : il leur fallait « un juste et un innocent » qui fût la sainte
victime qui les effaçât. « O ciel, envoyez votre rosée, et que les nues pleuvent
le juste; que la terre s'ouvre, et qu'elle germe le Sauveur (4)! » Pour être
Sauveur, il faut qu'il soit juste, d'une justice qui vienne du ciel, qui soit
divine, infinie et celle de Dieu même, afin que nous puissions l'appeler après
le
1 Agg., II, 8. — 2 Malach., III, 1. — 3 Luc.,
II, 25-27. — 4 Isa., XLV, 8.
186
prophète : « Le Seigneur notre justice (1). » Ce juste qui
devait venir du ciel, doit aussi sortir de la terre : il faut qu'il joigne en sa
personne le ciel et la terre : qu'il soit Dieu et homme tout ensemble : que par
une double naissance, il vienne tout ensemble et du ciel dans les jours de
l'éternité, » et « de Bethléem (2) » dans le temps, comme l'avait dit le
prophète; et c'est ainsi que « dans peu de temps, » dans le dernier période du
peuple de Dieu, ce grand Dieu « devait remuer le ciel et la terre (3). »
Cependant tout se préparait à
son arrivée : le royaume de Juda vivait sous ses lois dans une parfaite liberté
: peu à peu il se dégradait; et quand le temps approcha qu'il devait être
détruit, il tomba entre les mains des étrangers : un nouveau peuple se prépare
au Christ futur ; et on va voir toutes les nations venir en foule composer ce
nouveau royaume, qui était sous « le Fils de l'homme le royaume des saints du
Très-Haut qui ne devait point avoir de fin (4) : » nous touchons au dénouement
des mystères ; et le Dieu-Homme va paraître.
Purifions nos cœurs pour le
recevoir : songeons au malheur de ceux pour qui il était venu, et qui cependant
n'ont pas voulu le connaître. Charnels, ambitieux, avares, quand Jésus est venu
à eux, ils l'ont méconnu : ils l'ont mis à mort, parce que ses saintes paroles
n'entraient point dans leurs cœurs. Purifions-nous donc pour le recevoir, de
tous les désirs du siècle, en attendant son glorieux avènement : autrement tout
est à craindre pour nous : sa venue nous sera funeste , et nous le crucifierons
comme les Juifs.
De si haut qu'on reprenne
l'histoire sacrée, on y trouve que Dieu apparaît en figure humaine aux
patriarches et aux prophètes : un des hommes que voit Abraham et qu'il reçoit en
sa
1 Jerem., XXIII, 5, 6. — 2
Mich., V, 2. — 3 Agg.,
II, 7.— 4 Dan., VII, 13, 14, 27.
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maison, se trouve être le a Seigneur » même, Dieu même, « à
qui rien n'est difficile, » qui donné un fils à Sara quoique stérile, qui
pardonne aux hommes, qui les punit selon les règles de sa bonté et de sa
justice, à qui Abraham adresse ses prières comme à Dieu, qui parle lui-même
comme Dieu, qui dispose de toutes choses avec une suprême autorité (1). Ce Dieu
qui apparaît à Abraham est souvent appelé ange, c'est-à-dire « envoyé (2) : »
c'est un « envoyé, » pour l'amour de qui Abraham avait voulu immoler son fils
unique, qui en accepte le sacrifice, qui renouvelle toutes les promesses à
Abraham : c'est donc un ange, c'est un « envoyé » qui est Dieu. C'est « l'ange
du Testament (3), l'ange du grand conseil, » et le Fils de Dieu lui-même, qui
dès lors se plaisait à la forme d'homme qu'il devait prendre personnellement au
temps marqué. Le même apparaît à Isaac et à Jacob : Jacob le voit au haut d'une
échelle, et il appelle le lieu où il est, « la maison de Dieu et la porte du
ciel (4) : » il y dresse un autel à celui qu'il avait vu, et lui rend ses
adorations : Jacob combat avec lui comme avec un homme, et se glorifie « d'avoir
vu Dieu face à face (5) : » et il reçoit l'ordre de lui dresser un autel : et il
l'invoque , et il le loue comme celui o qui l'a regardé dans son affliction (6)
: » combat mystérieux, où Dieu veut bien s'égaler à l'homme, et que l'homme aidé
de Dieu , l'emporte contre Dieu même, et lui arrache pour ainsi dire sa
bénédiction par une espèce de violence (7) : il apparaît de nouveau à Jacob, et
se nomme le Dieu tout-puissant , et confirme toutes les promesses qu'il avait
faites à Abraham et à Isaac : tout cela en figure de celui qui s'est incarné
pour nous, qui dès lors nous préparait ce grand mystère , le commençait en
quelque façon , en faisait voir comme une espèce d'apprentissage et comme un
essai : qui enfin a voulu, en la forme humaine, faire les délices de nos pères ;
qui par un amour extrême et si l'on peut l'appeler ainsi, par une tendre passion
pour notre nature, a fait aussi de son côté ses délices des enfants des hommes,
et a voulu montrer par là qu'il est celui qui « conçu et engendré dans le sein
1 Genes., XVIII, 2, 3, 14, etc. — 2 Ibid.,
XXII, 11, 12, 15, 16, etc. — 3 Malach., III, 1. — 4 Genes., XXVI,
XIVIII, 12, 18, 16-18. —5 Genes., XXXII, 21, etc. — 6 Ibid., XXXV,
1 3. — 7 Genes ., XXXV, 11, 12.
188
de Dieu comme sa sagesse éternelle, a mis son plaisir à
être avec eux (1). »
Parcourons ici en esprit tous
les endroits où le Dieu « trois fois saint » paraît avec une face et avec des
pieds (2), où la gloire du Dieu d'Israël s'élève au-dessus du chariot (3), et se
rend sensible a où l'ancien des jours » apparaît avec « sa tête et ses cheveux
blancs comme neige (4) : » et crayons que toutes ces apparitions ou du Fils de
Dieu, ou du Père même, étaient aux hommes un gage certain que Dieu ne regardait
pas la nature humaine comme étrangère à la sienne depuis qu'il avait été résolu
que le Fils de Dieu, égal à son Père , se ferait homme comme nous.
Toutes ces apparitions préparaient et commençaient
l'incarnation du Fils de Dieu : l'incarnation n'est autre chose « qu'une
apparition de Dieu (5)» au milieu des hommes, plus réelle et plus authentique
que toutes les autres : pour accomplir ce qu'avait vu le saint prophète Baruch,
que « Dieu même, après avoir enseigné la sagesse à Jacob et à ses enfants, avait
été vu sur la terre et avait conversé parmi les hommes (6) : » qu'en cet état on
lui dirait, comme faisait Isaïe : « C'est en vous seul que Dieu est, et il n'est
en aucun homme comme en vous : Dieu n'est point sans vous : vous êtes vraiment
un Dieu caché, le Dieu d'Israël, le Sauveur 7: Le voilà, nous disait Malachie,
ce Seigneur que vous attendiez (8), » cet ange qui a apparu à Abraham et aux
patriarches : « Le voilà qui vient en personne et qui apparaît dans son temple.
» Et remarquez qu'un autre ange le précède « et lui prépare la voie : » mais cet
ange n'est point appelé le maître, le dominateur, « ni celui qui vient dans le
temple » comme dans un lieu qui est à lui : c'est Jean-Baptiste, le saint
précurseur de Jésus-Christ; c'est, comme l'appelle le même prophète, un autre
Elie, qui vient préparer les hommes à recevoir Jésus-Christ, « de peur qu'à son
arrivée le genre humain ne soit frappé d'anathème (9). »
C'est par ces mots que finit le
prophète Malachie : la prophétie finit avec lui, et en voilà le dernier mot :
ainsi le dernier des
1 Prov., VIII, 22, 28, 31. — 2
Isa., VI, l-3. —3 Ezech., I, 1 et seq.— 4 Dan., VII, 1, 9, 13. — 5 I
Timoth., III, 10. — 6 Baruch, III, 37, 38. — 7 Isa., XLV, 14, 15.
— 8 Malach., III, 1. — 9 Ibid. IV, 5, 6.
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prophètes termine sa prophétie en nous désignant le premier
prophète qui devait paraître après lui, et lui remet pour ainsi parler la
prophétie et la parole.
Entrons ici dans l'esprit des
Israélites spirituels, des Juifs cachés qui désiraient le Sauveur, et se
consolaient dans cette attente de tous les maux de cette vie. O Jésus, vous êtes
celui qui deviez venir : ô Jésus, vous êtes venu : ô Jésus, vous devez encore
venir au dernier jour pour recueillir vos élus dans votre repos éternel : ô
Jésus, vous allez et venez sans cesse : Vous venez dans nos cœurs ; et vous y
faites sentir votre présence par je ne sais quoi de doux, de tendre et de
souverain. Que l'esprit et l'épouse disent : « Venez : que celui qui a soif
vienne : » car Jésus vient en nous, quand aussi nous venons à lui : « Oui, dit
Jésus, je viendrai bientôt. Ah ! venez , venez, Seigneur » Jésus (1) : venez, le
désiré des nations : venez, notre amour et notre espérance, notre force et notre
refuge, notre consolation dans le voyage, notre gloire et notre repos éternel
dans la patrie.
1 Apoc., XXII, 17, 20.
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