Elév. Semaine XI
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XIe SEMAINE.
L'AVÈNEMENT DE SAINT
JEAN-BAPTISTE/PRÉCURSEUR DE JÉSUS-CHRIST.

 

XIe SEMAINE.  L'AVÈNEMENT DE SAINT  JEAN-BAPTISTE/PRÉCURSEUR DE JÉSUS-CHRIST.

PREMIÈRE ÉLÉVATION.  Les hommes avaient besoin d'être prépares à la venue du Sauveur.

IIe ÉLÉVATION.  Quatre circonstances de la vie et de la mort de saint Jean, préparatoires à la vie et à la mort de Jésus-Christ.

IIIe ÉLÉVATION.  Première circonstance préparatoire de la vie de saint Jean-Baptiste : sa conception.

IVe ÉLÉVATION.  La conception de saint Jean-Baptiste, comme celle de Jésus-Christ, est annoncée par l'ange saint Gabriel.

Ve ÉLÉVATION.  Suite des paroles de l'ange : l'effet de la prédication de saint Jean-Baptiste est prédit.

VIe ÉLÉVATION.  Sur L'incrédulité de Zacharie.

 

 

PREMIÈRE ÉLÉVATION.
Les hommes avaient besoin d'être prépares à la venue du Sauveur.

 

Quelle merveille, dit saint Augustin (1) ! saint Jean n'était pas la lumière : Non erat ille lux ; mais il était envoyé pour rendre témoignage à la lumière : Sed ut testimonium perhiberet de lumine (2). La lumière a-t-elle besoin qu'on lui rende témoignage ? Faut-il que quelqu'un nous dise : Voilà le soleil? Ce bel astre n'attire-t-il pas assez les regards, sans qu'on nous le montre au doigt? Il est ainsi toutefois, dit saint Augustin. « Jésus-Christ était le soleil, et saint Jean un petit flambeau ardent et luisant (3), » comme l'appelle le Sauveur. Et voilà que nous allons chercher le Sauveur par le ministère de Jean, et nous cherchons le jour avec un flambeau. La faiblesse de notre vue en est la cause : le grand jour nous éblouirait, si nous n'y étions préparés et accoutumés par une lumière plus proportionnée à notre infirmité : Si infirmi sumus, per lucernam quœrimus diem (4). Le monde est trop affaibli par son péché, pour soutenir dans toute sa force le bonheur que Dieu lui envoie. Confessons notre faiblesse et notre impuissance : c'est là le commencement de notre salut : abaissons-nous vers saint Jean, et apprenons à élever peu à peu nos yeux faibles et tremblants à Jésus-Christ.

 

1 S. August., in Joan., tract. II, n. 7 et seq. — 2 Joan., I, 8. — 3 Ibid., V, 35. —  4 S. August., in Joan., tract. II, n. 8.

 

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IIe ÉLÉVATION.
Quatre circonstances de la vie et de la mort de saint Jean, préparatoires à la vie et à la mort de Jésus-Christ.

 

Je découvre quatre choses dans saint Jean, par où il me prépare à Jésus-Christ : premièrement, sa conception et sa nativité : secondement, sa vie étonnante dans le désert : troisièmement, sa prédication avec son baptême : quatrièmement, la persécution qu'on lui fait souffrir, sa prison et sa mort. Quatre mémorables circonstances de l'histoire de saint Jean-Baptiste, pour nous préparer à voir la gloire du Sauveur : suivons pas à pas le saint Précurseur, et voyons-le devancer en tout et partout le Fils de Dieu.

Il va être conçu et paraître au monde. Marchez devant lui, saint précurseur, et prévenez les merveilles de la conception et de la naissance de votre Maître. Mon âme, sois attentive au grand spectacle que Dieu prépare à ta foi. Seigneur, soyez loué à jamais pour les admirables préparations par lesquelles vous nous disposez à recevoir votre Christ !

 

IIIe ÉLÉVATION.
Première circonstance préparatoire de la vie de saint Jean-Baptiste : sa conception.

 

Mon Sauveur devait naître d'une vierge : quelle plus belle pré-paration à ce mystère, que de faire naître saint Jean-Baptiste d'une stérile? Jésus-Christ ne devait avoir de Père que Dieu: après Dieu et sous sa puissance, que pouvait-on donner à saint Jean-Baptiste qui en approchât davantage, qu'un sacrificateur qui fût en même temps un saint? Ce fut le caractère de saint Zacharie, père de saint Jean-Baptiste. Il est dit de lui qu'il était « sacrificateur, » et encore sacrificateur « de la race d'Abia, » qui était la plus excellente. Sa sainteté répondait à celle de son ministère; et afin que tout se ressente ici de l'esprit de sainteté, ce fut

 

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durant l'exercice de sa fonction que Dieu lui envoya son ange, pour lui annoncer la conception de saint Jean-Baptiste (1).

Jésus-Christ devait avoir une mère vierge, c'était là sa prérogative : et qu'y avait-il qui approchât davantage de cet honneur, que de naître d'une stérile, comme un autre Isaac, comme un Samson, comme un Samuel? Ces enfants miraculeux de femmes stériles sont des enfants de grâce et de prières : et c'est par là que fut consacrée la naissance de saint Jean-Baptiste, pour être l'avant-courrière de celle du Fils de Dieu.

Sainte Elisabeth était, comme son mari, d'une vie sainte et irréprochable devant Dieu et devant les hommes (2) : comme lui elle était aussi fille d'Aaron et de la race sacerdotale, qui était dans la tribu de Lévi aussi distinguée que la tribu de Lévi était élevée parmi les tribus d'Israël. Tout relève la naissance de saint Jean-Baptiste , et rien ne pouvait mieux préparer les voies au Messie qui devait venir.

Outre la stérilité d'Elisabeth, elle était, comme Zacharie, avancée en âge : tout s'opposait au fruit qu'elle devait porter. Seigneur, nous sommes stériles : accablés de la vieillesse d'Adam et des anciennes habitudes de la corruption, nous ne pourrons produire aucun fruit : mais Dieu se plaît à tout tirer du néant.

La vertu ne vient jamais parmi les hommes que des lieux naturellement stériles : « Et où le péché abonde, c'est là que la grâce veut surabonder (3) : » c'est à l'humilité à l'attirer. Confessons notre impuissance; et Jean, c'est-à-dire « la grâce et la colombe, ou le Saint-Esprit nous sera donné.

 

IVe ÉLÉVATION.
La conception de saint Jean-Baptiste, comme celle de Jésus-Christ, est annoncée par l'ange saint Gabriel.

 

«Je suis Gabriel, un des esprits assistants devant Dieu, que le Seigneur vous a envoyé pour vous parler et vous annoncer ces

 

1 Luc., I, 5, 6 et seq. — 2 Ibid. — 3 Rom., V, 20.

 

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heureuses nouvelles (1).» Dieu destinent à ce saint archange une bien plus haute ambassade, puisqu'il devait annoncer l'enfantement d'une vierge : mais afin de tout préparer, et donner foi aux paroles de son ange, Dieu lui fit auparavant annoncer l'enfantement d'une stérile : et avant que de promettre le Christ, il le chargea de promettre son saint précurseur.

Un des caractères des œuvres de Dieu est de prendre le temps convenable; et c'est là un des traits des plus remarquables de sa sagesse. Zacharie était dans l'exercice le plus pur de la fonction sacerdotale, qui était celui d'offrir les parfums au dedans du temple sur l'autel destiné à cette fonction ; et tout le peuple était au dehors en attente du saint sacrificateur qui devait sortir du temple après cette sainte fonction. Ce fut à ce moment que l'ange du Seigneur lui apparut au côté droit de l'autel, où il officiait (2).

Le trouble dont il fut saisi à la vue de l'ange, est l'effet de cette crainte religieuse dont l’âme est occupée, lorsque Dieu se rend présent par quelques moyens que ce soit. L'impression des choses divines fait rentrer l’âme dans son néant : elle sent plus que jamais son indignité : la frayeur qui accompagne ce qui est divin, la dispose à l'obéissance.

« Ne craignez point, » lui dit cet ange : comme le premier effet de la présence divine est la frayeur dans le fond de l’âme, le premier effet de la parole portée de la part de Dieu est de rassurer celui à qui elle est adressée. « Votre prière est exaucée, et votre femme concevra un fils (3). Il l'avait donc demandé à Dieu ; et Jean, comme Samuel, fut le fruit de la prière. Mon âme, prie avec foi et persévérance : l'ange du Seigneur viendra : une douce confiance se formera et en quelque sorte nous apparaîtra dans le cœur, et « Jean, » qui est la grâce, en sera le fruit. Il faut demander : c'est un acte nécessaire de la soumission qu'on doit à Dieu : c'est une  reconnaissance de sa puissance et de sa bonté : la confiance qui est le fruit d'un pur et fidèle amour, s'y fait ressentir, c'est-à-dire qu'elle fait ressentir Dieu.

«Nous lui donnerez le nom de Jean. » Le même ange dit à Marie : « Vous aurez un fils et vous lui donnerez le nom de

 

1 Luc., I, 19. — 2 Ibid, 9. — 3 Luc., I, 13.

 

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Jésus (1) : » et l'imposition du nom de Jean qui est ordonnée par l'ange, est la préparation à un plus grand nom.

« Cet enfant vous mettra dans la joie et dans le ravissement, et la multitude se réjouira à sa naissance (2). C'est ce que l'ange promet : c'est ce que nous verrons bientôt accompli.

« Il sera grand devant le Seigneur (3). » Le même ange, en annonçant Jésus-Christ, répète la même parole : « Usera grand; » mais il ajoute : « et il sera nommé le Fils du Très-Haut  (4). Jésus sera grand comme le fils ; Jean sera grand comme un serviteur, comme un héraut qui marche devant son maître, et inspire le respect à tout le monde. Jésus est grand par essence : et Jean sera grand par un pur éclat et un rejaillissement de la grandeur de Jésus. « Il ne boira point de vin ni de tout ce qui peut enivrer, et il sera rempli du Saint- Esprit dès le ventre de sa mère (5). Commençons à voir dans Jean le caractère de la pénitence et de l'abstinence. Seigneur, je le reconnais : c'est lui qui prépare les voies à Jésus, et la pénitence est sa vraie avant-courrière.

C'est aussi un caractère de nazaréen ; c'est-à-dire un caractère de saint, de s'abstenir du vin et de tout ce qui enivre : tout ce qui flatte les sens et les transporte est un obstacle à la sainteté : si vous évitez l'ivresse et la joie des sens, une autre ivresse vous sera donnée : comme Jean vous serez rempli du Saint-Esprit et transporté d'une joie céleste. Ne vous laissez donc point enivrer aux charmes des sens : n'attendez pas que le vin, que la joie du monde vous renverse entièrement la raison : dès que vous la goûtez, vous commencez à perdre le goût de la grâce, et vous êtes déjà tout troublé : une épaisse vapeur vous offusque les sens : elle est douce, il est vrai; mais c'est par là qu'elle est pernicieuse : tout se brouille dans notre cerveau, et c'est hasard si nous ne tombons dans quelqu'étrange désordre. Fuyons, fuyons : « dès que le vin commence à briller et à pétiller dans la coupe, il nous trompe en flattant nos sens; mais à la fin il nous mordra comme une couleuvre, et son poison se portera jusqu'à notre cœur (6).

 

1 Luc., I, 31. — 2 Ibid., 14. — 3 Ibid., 15. —  4 Ibid., 32. — 5 Ibid., 15. — 6 Prov., XXIII, 31, 32.

 

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Ve ÉLÉVATION.
Suite des paroles de l'ange : l'effet de la prédication de saint Jean-Baptiste est prédit.

 

« Il convertira plusieurs des enfants d'Israël au Seigneur leur Dieu (1). » Hélas! étant déjà enfants d'Israël, avons-nous besoin d'être convertis? Ne devons-nous pas avoir conservé la grâce ? Gémissons d'avoir besoin qu'on nous convertisse. Mais hélas! notre état est bien pire, puisque même nous résistons à la grâce qui veut nous changer ; et plus durs que des pierres, nous ne voulons pas nous laisser convertir.

Le monde était dans un excès de corruption incompréhensible : la loi de Dieu n'était pas seulement méprisée, mais encore on répandait dans le peuple des maximes opposées : il fallait un nouvel Elie pour émouvoir les pécheurs : il fallait le feu d'Elie pour purifier ces consciences gangrenées. Il y fallait « l'esprit et la vertu d'Elie (2), » l'efficace de ses discours et la merveille de ses exemples. Qui nous donnera un Elie pour nous convertir au Sauveur, « pour lui préparer les » cœurs par la pénitence, pour ramener l'ancienne discipline et faire « que les pères » reconnaissent « leurs enfants » par le soin qu'ils leur verront prendre de les imiter? Faisons revivre nos pères : ressuscitons la foi d'Abraham : réveillons cette vigueur apostolique de l'ancienne Eglise. Venez, Elie : venez, prédicateurs de l'Evangile, avec une céleste ferveur : remuez, ébranlez les cœurs: excitez l'esprit de pénitence : remplissez-nous de terreur à la vue du juge qui doit venir : qu'on le craigne afin qu'on l'aime.

O Dieu, l'incrédulité règne sur la terre. On n'est plus méchant par faiblesse : on l'est de dessein ; on l'est par principes, par maximes. Envoyez-nous quelque Jean-Baptiste qui confonde l'erreur, qui fasse voir que les incrédules sont des insensés. « Ramenez-les à la véritable prudence ces incrédules (3) » et ces libertins

 

1 Luc., I, 10. — 2 Ibid., 17. — 3 Ibid., 17.

 

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de profession : la véritable prudence est de ne se pas croire soi-même , et de pratiquer ce que dit le Sage : « Ne vous fiez pas à votre prudence (1). » Mais, Seigneur, confondez aussi l'imprudence de ceux qui disent qu'ils croient, encore qu'ils ne fassent rien de ce qu'ils croient : « Ramenez donc les incrédules » de toutes les sortes « à la prudence des justes. » Les « justes » sont les seuls prudens, les seuls prévoyans, les seuls sages : ils ont la règle, ils la conservent : ils ne sont pas humbles en parole et en effet orgueilleux ; dévots par contenance et en effet intéressés, vindicatifs, téméraires censeurs des autres , sans connaître, sans guérir leurs vices cachés.

 

VIe ÉLÉVATION.
Sur L'incrédulité de Zacharie.

 

« Zacharie répondit : Comment saurai-je la vérité de ces paroles? Je suis vieux, et ma femme est déjà avancée en âge (2). » Stérile dans son meilleur temps, comment pourra-t-elle devenir féconde dans sa vieillesse ?

L'incrédulité de Zacharie fut suivie d'une punition manifeste. L'ange lui déclara qu'il « serait muet (3).» C'est un des endroits par où la prédiction de la conception du Précurseur est inférieure à celle du Maître, où il ne paraît que foi et obéissance. Dieu fit servir la faute et le châtiment du saint sacrificateur à la déclaration de son ouvrage : tout le peuple s'aperçut qu'il avait eu une vision dans le temple, et par le long temps qu'il y demeura contre la coutume, et parce que, pour s'excuser et aussi pour faire connaître l'œuvre de Dieu, il faisait signe comme il pouvait qu'il était devenu muet pour avoir été incrédule à une céleste vision.

Profitons de cet exemple : quand vous opérerez en moi pomme convertir, Seigneur, j'espérerai en votre grâce : je ne dirai pas : Je suis stérile, je ne puis entreprendre un aussi grand ouvrage : je ne serai pas de ceux dont parle saint Paul, «qui, désespérant

 

1 Prov., III, 5. — 2 Luc., I, 18. — 3 Ibid., 20-22.

 

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d'eux-mêmes, se livrent à toutes sortes de désordres (1); » mais je dirai au contraire avec cet Apôtre : « Je puis tout en celui qui me fortifie (2). »

Dieu est fidèle et véritable, quoique les hommes soient incrédules; et leur incrédulité n'anéantit pas la promesse de Dieu. Celle qu'il fit faire à Zacharie eut un prompt accomplissement : Elisabeth devint grosse miraculeusement : et il est dit « qu'elle se cacha cinq mois, parce que c'est là, disait-elle (3), ce que le Seigneur a fait en moi, lorsqu'il a voulu me tirer de l'opprobre où j'étais devant les hommes » à cause de ma stérilité. Les grandes grâces demandent un grand recueillement pour être goûtées à loisir et dans le silence, et pour envoyer au ciel ses remerciements du fond de sa retraite. On ne laisse pas d'entrevoir qu'il entre dans celle d'Elisabeth durant cinq mois, et jusqu'à ce que sa grossesse parût, un secret dessein d'éviter les discours des hommes. Malgré le miracle qui rend féconde une stérile, la conception humaine a dans son fond quelque chose qu'il faut cacher, surtout dans un grand âge : et l'on sait ce que dit Sara dans une occasion semblable (4). Mais nous allons voir une conception où il n'y a rien que de saint et à la fois de miraculeux. Il fallait que le Maître fût conçu d'une manière plus haute que celle du précurseur; et que le même ambassadeur qui fut l'ange saint Gabriel, en portant à la sainte Vierge une parole plus excellente et plus relevée, eût aussi un succès plus sublime et plus merveilleux.

 

1 Ephes., IV, 19. — 2 Philip., IV, 13. — 3 Luc., I, 24, 25. — 4 Genes., XVIII, 10-12, 14

 

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