Accueil Remonter Remarques Elévations Elév. Semaine I Elév. Semaine II Elév. Semaine III Elév. Semaine IV Elév. Semaine V Elév. Semaine VI Elév. Semaine VII Élév. Semaine VIII Elév. Semaine IX Elév. Semaine X Elév. Semaine XI Elév. Semaine XII Elév. Semaine XIII Elév. Semaine XIV Elév. Semaine XV Elév. Semaine XVI Elév. Semaine XVII Elév. Semaine XVIII Elév. Semaine XIX Elév. Semaine XX Elév. Semaine XXI Elév. Semaine XXII Elév. Semaine XXIII Elév. Semaine XXIV Elév. Semaine XXV Vie cachée Concupiscence Opuscules I Opuscules II Opuscules III
| |
XXIIe
SEMAINE. LE BAPTÊME DE JÉSUS.
PREMIÈRE ÉLÉVATION. Premier abord de Jésus et de saint Jean.
IIe ÉLÉVATION. Jésus-Christ commande à saint Jean de le baptiser.
IIIe ÉLÉVATION. Jésus-Christ est plongé dans le Jourdain.
IVe ÉLÉVATION. Manifestation de Jésus-Christ.
Ve ÉLÉVATION. La manifestation de la Trinité et la consécration de notre
baptême.
VIe ÉLÉVATION. La généalogie de Jésus-Christ par saint Luc.
Pendant que saint Jean-Baptiste
faisait retentir les rives du Jourdain et toute la contrée d'alentour, de la
prédication de la pénitence, et qu'on accourait de tous côtés à son baptême, où
il en faisait attendre un autre plus efficace de la part du Sauveur qu'il
annonçait, le Sauveur « vint lui-même de Galilée pour être baptisé de la main de
Jean (1). »
Ce fut donc alors qu'arriva ce
que Jean raconte ailleurs aux Juifs : « Je ne le connaissais pas (2). » Il parle
manifestement du temps qui avait précédé le baptême de Jésus-Christ : car il
l'avait trop connu dans son baptême et par des marques trop éclatantes, pour en
perdre jamais l'idée. Mais ce fut lorsqu'il l'aborda la première fois que saint
Jean-Baptiste pouvait dire : « Je ne le connaissais pas; mais je suis venu
donnant le baptême d'eau, afin qu'il fût manifesté en Israël (3). » Car outre
qu'en baptisant le peuple, Jean annonçait, comme on a vu, un meilleur baptême,
il devait encore arriver que Jésus-Christ en se présentant au baptême avec les
autres, serait distingué par la manifestation que nous allons voir. « Ce fut
donc alors que Jean rendit ce témoignage : lai vu le Saint-Esprit descendant du
ciel et demeurant sur lui : et je ne le connaissais pas ; mais celui qui m'a
envoyé baptiser dans l’eau m'a dit : Celui sur qui vous verrez descendre le
Saint-Esprit et demeurer sur lui, c'est celui qui baptise dans le Saint-Esprit :
et je l'ai vu : et je lui rends ce témoignage que c'est le Fils de Dieu (4). »
Ainsi le Saint-Esprit descendu
du ciel et se reposant sur Jésus-Christ, devait être la marque pour le
reconnaître. Cette marque fut donnée a tout le peuple au baptême de Jésus-Christ
: mais
1 Matth., III, 13. — 2 Joan.,
I, 31. — 3 Ibid. — 4 Ibid., 32-34.
360
saint Jean, qui était l'ami de l'époux, la vit avant tous
les autres; et reconnaissant Jésus-Christ dont il se trouvait indigne de toucher
les pieds, « il ne voulait pas le baptiser (1). »
Un des caractères de saint Jean,
c'est l'humilité, qui paraît dans toutes ses actions et dans toutes ses paroles
: mais Jésus le devait surpasser en cette vertu comme en tout le reste : et on
ne peut voir sans étonnement que sa première sortie soit pour se faire baptiser
par son serviteur. Et nous rougissons de la pénitence, pendant que Jésus,
l'innocence même, se va initier à ce mystère, et ne sort de l'obscurité de son
travail mécanique que pour se mettre par le baptême, ne craignons point de le
dire, au rang des pécheurs.
Jésus-Christ venant au baptême
avec tout le reste du peuple, « Jean l'en empêchait lui disant : C'est vous qui
nie devez baptiser, et vous venez à moi (2) ! » Ce qu'on ressent à cette parole
d'humilité et d'étonnement est inexplicable. Répétons-la avec componction : « Et
vous venez à moi ! » et vous venez me soumettre cette tête sur laquelle je vois
le Saint-Esprit reposé ! Non, non : donnez-moi vos pieds dont encore je ne suis
pas digne, et puisque c'est au baptême de votre sang que je dois tout,
laissez-moi vous reconnaître. Mais Jésus lui dit : « Laissez-moi faire
maintenant : car il faut qu'en cette sorte nous accomplissions toute justice
(3). » L'ordre du ciel le demande, et la bienséance le veut : Decet ; «
il est à propos, » il est bienséant.
C'était donc l'ordre d'en haut,
que Jésus, la victime du péché, et qui devait l'ôter en le portant, se mît
volontairement au rang des pécheurs : c'est là cette justice qu'il lui fallait
accomplir; et comme Jean en cela lui devait obéissance, le Fils de Dieu la
devait aux ordres de son Père. « Alors Jean ne lui résista plus (4), » et ainsi
toute la justice fut accomplie dans une entière soumission aux ordres de Dieu.
1 Matth., III, 14. — 2 Ibid.,
13, 14. — 3 Ibid., 15. — 4 Ibid., 16
361
Accomplissons aussi toute
justice : ne laissons rien échapper des ordres de Dieu : allons à la suite de
Jésus nous dévouera la pénitence : souvenons-nous de notre baptême, qui nous y a
consacrés; et puisqu'on effaçant le péché, il n'en éteint pas les désirs,
préparons-nous à un combat éternel : entrons en lice avec le démon et ne
craignons rien, puisque Jésus-Christ est à notre tête.
Jésus-Christ est donc caché dans
les eaux, et sa tête y est plongée sous la main de Jean. Il porte l'état du
pécheur : il ne paraît plus : le pécheur doit être noyé, et c'est pour lui
qu'étaient faites les eaux du déluge. Mais si les eaux montrent la justice
divine par cette vertu ravageante et abîmante, elles ont une autre vertu, et
c'est celle de purifier et de laver. Le déluge lava le monde, et les eaux
purifièrent et sauvèrent les restes du genre humain. Jésus-Christ plongé dans
les eaux leur inspire une nouvelle vertu, qui est celle de laver les âmes. L'eau
du baptême est un sépulcre, « où nous sommes jetés » tout vivants « avec
Jésus-Christ, mais pour y ressusciter avec lui (1) : » entrons : subissons la
mort que notre péché mérite : mais n'y demeurons pas, puisque Jésus-Christ l'a
expié en se baptisant pour nous : sortons de ce mystique tombeau, et
ressuscitons avec le Sauveur pour ne mourir plus.
N'oublions jamais notre baptême,
où ensevelis dans les eaux nous devions périr; mais au contraire nous en sortons
purs comme du sein d'une nouvelle mère : toutes les fois que nous retombons dans
le péché, nous nous noyons, nous nous abimons : toutes les fois que par le
recours à la pénitence nous ressuscitons notre baptême, nous commençons de
nouveau à ne pécher plus. Où retournez-vous, malheureux ? Ne vous lavez-vous que
pour voua souiller davantage? La miséricorde d'un Dieu qui pardonne vous
sera-t-elle un scandale; et perdrez-vous la crainte d'offenser Dieu à cause
qu'il est bon? Quoique la pénitence soit laborieuse,
1 Rom., VI, 2-4 ; Coloss., II, 12.
362
et qu'on ne revienne pas à la sainteté perdue avec la même
facilité qu'on l'a reçue la première fois, néanmoins les rigueurs mêmes de la
pénitence sont pleines de douceur. Ces rigueurs tiennent encore plus de la
précaution que de la punition. Faites donc pénitence de bonne foi, et songez
qu'en vous soumettant aux clefs de l'Eglise, vous vous soumettez en même temps à
toutes les précautions qu'on vous prescrira pour votre salut.
Vraiment il est véritable que «
celui qui s'humilie sera exalté (1). » Jean s'humilie, et un Dieu l'exalte en le
faisant pour ainsi dire son consécrateur pour se dévouer sous sa main à la
pénitence. Mais Jésus s'humilie beaucoup davantage, puisqu'il se met aux pieds
de Jean plus que Jean ne voulait être au-dessous des siens, et qu'il le choisit
pour le baptiser. Il est donc temps, ô Père éternel, que vous glorifiiez votre
Fils : et voilà que Jésus « s'élevant de l'eau » où il s'était enseveli, « le
ciel s'ouvre : le Saint-Esprit, » qui n'avait encore été vu que de
Jean-Baptiste, « descend publiquement sur le Sauveur, sous la figure d'une
colombe, et se repose sur lui (2) : » en même temps une voix part d'en haut
comme un tonnerre, et on entendit ces mots hautement et distinctement :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me plais. » C’est par là qu'était
désigné le Fils unique : « C'est mon serviteur, disait Isaïe ; c'est celui que
j'ai choisi, et en qui mon âme se plait (3). » Mais ce serviteur est en même
temps le Fils unique, à qui il est dit : « Vous êtes mon Fils, je vous ai
engendré aujourd'hui ; » et encore : « Je vous ai engendré de mon sein devant
l'aurore (4). » Mais ce qui était séparé dans la prophétie, se réunit
aujourd'hui dans la déclaration du Père céleste : « Celui-ci est mon Fils
bien-aimé en qui je me plais (5) : » je m'y plais uniquement, comme dans celui
qui est mon unique : je me plais dans ses membres qu'il a choisis, parce que je
me plais en lui, et je n'aime plus rien
1 Matth., XXIII, 12. — 2 Ibid.,
III, 16, 17. — 3 Isa., XLII; 1. — 4 Psal., II, 7. — 5 Matth.,
III, 17. '
'
363
sur la terre que dans cet unique objet de ma complaisance.
Il nous vaut mieux être aimés de
cette sorte que si nous l'étions en nous-mêmes, puisque quelque vertueux que
nous puissions être nos mérites bornés ne nous attireraient jamais du coté de
Dieu qu'un amour fini : mais Dieu nous regardant en Jésus-Christ, L'amour qu'il
a pour son Fils s'étend sur nous, ainsi que le Fils le dit lui-même : « Mon
Père, je suis en eux, et vous en moi, afin que l'amour que vous avez pour moi
soit en eux, ainsi que je suis en eux moi-même (1). »
Le Père céleste a paru sur la
montagne où Jésus-Christ s'est transfiguré ; mais le Saint-Esprit ne s'y montra
pas : le Saint-Esprit a paru dans celle où il descendit en forme de langue ;
mais on n'y vit pas le Père : partout ailleurs le Fils parait, mais seul : au
baptême de Jésus-Christ qui donne naissance au nôtre, où la Trinité devait être
invoquée, le Père paraît dans la voix, le Fils en sa chair, le Saint-Esprit
comme une colombe. Les eaux sont sanctifiées par cette présence : en la personne
de Jésus-Christ toute l'Eglise est baptisée, et le nouvel Adam consacré dans ses
trois puissances où consiste l'image de Dieu; ou, si l'on veut, dans ses trois
actes principaux, la mémoire, l'intelligence et l'amour. La mémoire ou le
souvenir est comme le trésor, la source et le réservoir des pensées :
l'intelligence est la pensée intellectuelle elle-même : l'amour est l'union de
notre âme avec la vérité qui est Bon objet. La vérité, c'est Dieu même. Disons
avec le prophète : « Je me suis souvenu de Dieu, et j'en ai été dans la joie
(2) : » ne nous contentons pas de nous souvenir de ce que Dieu nous a déjà mis
dans l'esprit : si par la foi il nous fait venir à l'intelligence, qui en est le
fruit et qu'il daigne ouvrir nos yeux spirituels pour pénétrer ses mystères,
suivons cette impression et épanchons-nous en amour et actions de grâces.
«J'entrerai dans le sanctuaire
1 Joan., XVII, 23, 26. — 2
Psal., LXXVI, 3.
364
du Seigneur ; » dans mon intérieur qui est son temple. « O
Dieu ! je me souviendrai de votre seule justice (1) : » recevez toutes les
pensées qui seront le fruit de ce souvenir : que votre justice et votre vérité
reluisent partout : que j'aime votre justice, et que je vous serve avec un
chaste amour, c'est-à-dire non par la crainte de la peine, mais par l'amour de
votre justice. Père, je vous consacre tout mon souvenir : Fils, je vous consacre
toute ma pensée : Esprit-Saint, tout mon amour se repose en vous : donnez-moi le
feu de la charité, et que ce soit là le feu dans lequel je serai baptisé par la
grâce de Jésus-Christ.
Il y en a qui prétendent qu'à
l'âge d'environ trente ans, avant que de commencer le ministère public
d'enseigner le peuple, on était obligé de donner sa généalogie et de la
consigner dans le temple ; et que c'est ce qui a donné lieu à saint Luc marquant
l'âge de Notre-Seigneur, de rapporter en même temps sa généalogie à l'endroit de
son baptême ; par où il se disposait à commencer son ministère. Quoi qu'il en
soit, il faut toujours se souvenir qu'il n'était fils de Joseph qu'en apparence,
ut putabatur, comme le remarque saint Luc (2); et que de tous les
côtés, en quelque sorte qu'on prît sa généalogie, ou selon la nature, ou selon
la loi, il était toujours fils de David. Que s'il est vrai qu'il fallût ainsi
rapporter sa race pour être admis au ministère d'enseigner ; que ce soit un
témoignage pour les Juifs, mais non pas une loi pour les chrétiens qui ne
comptent point d'autre race ni d'autre naissance que celle du baptême où ils
sont tout d'un coup enfants de Dieu. Jésus-Christ a montré sa race pour lui et
pour nous; il fallait qu'il vînt de David, d'Abraham et du peuple saint : mais
nous qui sommes sortis de la gentilité, nous héritons des promesses, comme
enfants d'Abraham et de David, par Jésus-Christ à qui nous nous sommes
incorporés par la foi (3).
1 Psal., LXX, 16. — 2 Luc.,
III, 25. — 3 Rom.,
XII, 5; Galat., III, 26-29.
|