Pentecôte I
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PREMIER SERMON
POUR
LE  JOUR DE  LA  PENTECOTE  (a).

 

AUTRE EXORDE ET FRAGMENTS DU PREMIER SERMON  POUR  LE JOUR  DE LA PENTECOTE.

 

To gramma apokteinei, to de Pneuma Zoopoiei.

La lettre tue, mais l'Esprit vivifie. II Cor., III, 6.

 

A la vérité le sang du Sauveur nous avait réconciliés à notre grand Dieu par une alliance perpétuelle ; mais il ne suffisait pas pour notre salut que cette alliance eût été conclue, si ensuite elle n'eût été publiée. C'est pourquoi Dieu a choisi ce jour, pour y faire publier hautement le traité de la nouvelle alliance qu'il lui plaît contracter avec nous; et c'est ce que nous montrent ces langues

 

(a) Double vertu de la loi : elle dirige, elle condamne. Son équité sa sévérité. Elle suffit pour nous condamner : c'est assez de prononcer au dehors. Elle ne suffit pas toute seule pour nous justifier : il faut que le Saint-Esprit la porte au dedans.

Etre sous la loi. Etre avec la loi. Langues de feu. Evangile en toutes langues.

Corruption universelle de la nature, prouvée par l'idolâtrie.

Méchants ne sentent pas la convoitise.

Amis de la loi; esclaves de la loi.

Crainte, loi des esclaves, ne change pas le cœur. La loi au dedans, c'est la charité, loi vivante.

Effet de la loi; comment elle tue : 1° elle ajoute la transgression. Désobéissance. 2° Nitimur in vetitum.

Obligation d'aimer.

 

Prêché à Metz, vers 1657.

 

La longueur du discours, les dissertations sur le mosaïsme, l'indication des sources dans le texte principal, la forme de l'écriture, annoncent l'époque de Metz. A quoi il faut ajouter les locutions comme celles-ci: « Parle-il point? est-ce pas? il faut se roidir et bander les nerfs, la doctrine de l'Evangile ne peut repaître que l'entendement, impétrer l'esprit de la grâce, l'esprit de la grâce nous est élargi, pendu à la croix, pillerie, » etc.

 

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de feu qui tombent d'en haut sur les saints apôtres. Car d'autant que la nouvelle alliance, selon les oracles des prophéties, devait être solennellement publiée par le ministère de la prédication, le Saint-Esprit descend en forme de langues, pour nous faire entendre par cette figure qu'il donne de nouvelles langues aux saints apôtres, et qu'autant qu'il remplit de personnes, il établit autant de hérauts qui publieront les articles de l'alliance et les commandements de la loi nouvelle partout où il lui plaira de les envoyer (a). C'est donc aujourd'hui, chrétiens, que la loi nouvelle a été publiée; aujourd'hui la prédication du saint Evangile a commencé d'éclairer le monde ; aujourd'hui l'Eglise chrétienne a pris sa naissance ; aujourd'hui la loi mosaïque donnée autrefois avec tant de pompe, est abolie par une loi plus auguste; et les sacrifices des animaux étant rejetés, le Saint-Esprit envoyé du ciel se fait lui-même des hosties raisonnables et des sacrifices vivants des cœurs des disciples (b).

 

(a) Var. : En effet entendez l'apôtre saint Pierre aussitôt après la descente du Saint-Esprit; voyez comme il exhorte le peuple et annonce la rémission des péchés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, déclarant aux habitants de Jérusalem que ce Jésus qu'ils ont fait mourir, « Dieu l'a établi le Seigneur et le Christ : » Quia Dominum eum et Christum fecit Deus. C'est ce que saint Pierre prêche aujourd'hui, comme il est écrit aux Actes; et cela, dites-moi, chrétiens n'est-ce pas faire la publication de la loi nouvelle et de la nouvelle alliance ? Je joins ensemble l'alliance et la loi, parce qu'elles ne font toutes deux qu'un même Evangile que les apôtres, comme les hérauts du grand Dieu, publient premièrement dans Jérusalem.— (b) Si vous me demandez, chrétiens, pour quelle cause la Pentecôte, qui était une fête du peuple ancien, est devenue une solennité du peuple nouveau; et d'où vient que depuis le levant jusqu'au couchant tous les fidèles s'en réjouissent, non moins que de la sainte nativité ou de la glorieuse résurrection de notre Sauveur, je vous en dirai la raison avec l'assistance de cet Esprit-Saint qui a rempli en ce jour sacré l'une des apôtres. C'est aujourd'hui que notre Eglise a pris naissance : aujourd'hui par la prédication du saint Evangile, la gloire et la doctrine de Jésus-Christ ont commencé d'éclairer le monde... Les Juifs offraient autrefois à Dieu à la Pentecôte les prémices de leurs moissons : aujourd'hui Dieu se consacre lui-même par son Saint-Esprit les prémices du christianisme, c'est-à-dire les premiers fruits du sang de son Fils, et rend les commencements de l'Eglise illustres par des signes si admirables que tous les spectateurs en sont étonnés. Par conséquent, mes Frères, avec quelle joie devons-nous célébrer ce saint jour! Et si aujourd'hui les premiers chrétiens paraissent si visiblement échauffés de l'Esprit de Dieu, n'est-il pas raisonnable que nous montrions par une sainte et divine ardeur que nous sommes leurs descendants ?

 

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Il est très-certain, bienheureuse Marie, que vous fûtes la principale de ces victimes; impétrez-nous l'abondance du Saint-Esprit qui vous a aujourd'hui embrasée. Sainte Mère de Jésus-Christ, vous étiez déjà toute accoutumée à le sentir présent en votre âme, puisque déjà sa vertu vous avait couverte, lorsque l'ange vous salua de la part de Dieu, vous disant : Ave, Maria.

 

Entrons d'abord en notre matière ; elle est si haute et si importante, qu'elle ne me permet pas de perdre le temps à vous faire des avant-propos superflus. Je vous ai déjà dit, chrétiens , que la fête que nous célébrons en ce jour, c'est la publication de la loi nouvelle; et de là vient que la prédication par laquelle cette loi se doit publier, est commencée aujourd'hui dans Jérusalem , selon cette prédiction d'Isaïe : « La loi sortira de Sion et la parole de Dieu de Jérusalem (1). » Mais bien qu'elle dût être commencée dans Jérusalem , elle ne devait pas y être arrêtée; de là elle devait se répandre dans toutes les nations et dans tous les peuples, jusqu'aux extrémités de la terre. Comme donc la loi nouvelle de notre Sauveur n'était pas faite pour un seul peuple, certainement il n'était pas convenable qu'elle fût publiée en un seul langage. C'est pourquoi le texte sacré nous enseigne que les apôtres prêchant aujourd'hui, bien que leur auditoire fût ramassé d'une infinité de nations diverses, chacun y entendait son propre idiome et la langue de son pays. Par où le Saint-Esprit nous

 

1 Isa., II, 3.

 

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enseigne que, si à la tour de Babel l'orgueil avait autrefois divisé les langues (1), l'humble doctrine de l'Evangile les allait aujourd'hui rassembler ; qu'il n'y en aurait point de si rude, ni de si barbare dans laquelle la vérité de Dieu ne fût enseignée ; que l'Eglise de Jésus-Christ les parlerait toutes ; et que si dans le Vieux Testament il n'y avait que la seule langue hébraïque qui fût l'interprète des secrets de Dieu, maintenant par la grâce de l'Evangile toutes les langues seraient consacrées, selon cet oracle de Daniel : « Toutes les langues serviront au Seigneur (2). » Par où vous voyez, chrétiens, la merveilleuse conduite de Dieu, qui ordonne par un très-sage conseil que la loi qui devait être commune à toutes les nations de la terre, soit publiée dès le premier jour en toutes les langues.

Imitons les saints apôtres, mes Frères, et publions la loi de notre Sauveur avec une ferveur céleste et divine. Je vous dénonce donc au nom de Jésus que par la descente du Saint-Esprit, vous n'êtes plus sous la loi mosaïque, et que Dieu vous a appelés à la loi de grâce. Et afin que vous entendiez quelle est la loi dont on vous délivre et quelle est la loi que l'on vous impose , je vous produis l'apôtre saint Paul, qui vous enseignera cette différence. « La lettre tue, dit-il, et l'Esprit vivifie. » La lettre, c'est la loi ancienne ; et l'Esprit, comme vous le verrez, c'est la loi de grâce. Et ainsi en suivant l'apôtre saint Paul (3), faisons voir avec l'assistance divine que la loi nous tue par la lettre et que la grâce nous vivifie par l'Esprit.

 

PREMIER POINT.

 

Et pour pénétrer le fond de notre passage, il faut examiner avant toutes choses quelle est cette lettre qui tue, dont parle l'Apôtre. Et premièrement il est assuré qu'il parle très-évidemment de la loi : mais d'autant qu'on pourrait entendre ce texte de la loi cérémonielle, comme de la circoncision et des sacrifices dont l'observation tue les âmes, ou même de quelques façons de parler figurées qui sont dans la loi et qui ont un sens très-pernicieux

 

1 Genes., XI, 9. — 2 Dan., VII, 14. — 3 II Cor., III, 6.

 

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quand on les veut prendre trop à la lettre, à raison de quoi on peut dire que la loi en quelques-unes de ses parties est une lettre qui tue : pour ne vous point laisser en suspens, je dis que l'Apôtre parle du Décalogue, qui est la partie de la loi la plus sainte. Oui, ces dix commandements si augustes, qui défendent le mal si ouvertement, c'est ce que l'Apôtre appelle la lettre qui tue, et je le prouve clairement par ce texte. Car après avoir dit que la lettre tue, immédiatement après parlant de la loi, il l'appelle « un ministère de mort taillé en lettres dans la pierre (1). » Le ministère de mort, c'est sans doute la lettre qui tue ; et la lettre taillée dans la pierre, ne sont-ce pas les deux tables données à Moïse, où la loi était écrite du doigt de Dieu ? C'est donc cette loi donnée à Moïse, cette loi si sainte du Décalogue, que l'Apôtre appelle ministère de mort, et par conséquent la lettre qui tue. C'est pourquoi dans l’Epitre aux Romains, il l'appelle expressément « une loi de mort (2) » et une loi de damnation. Il dit « que la force du péché est dans la loi (3), que le péché est mort sans la loi et que la loi lui donne la vie, que le péché nous trompe par le commandement de la loi (4), » et quantité d'autres choses de même force.

Que dirons-nous ici, chrétiens? Quoi! ces paroles si vénérables : « Israël, je suis le Seigneur ton Dieu, tu n'auras point d'autres dieux devant moi (5), » sont-elles donc une lettre qui tue ! et une loi si sainte méritait-elle un pareil éloge de la bouche d'un apôtre de Jésus-Christ? Tâchons de démêler ces obscurités, avec l'assistance de cet Esprit-Saint qui a rempli aujourd'hui les cœurs des apôtres. Cette question est haute, elle est difficile; mais comme elle est importante à la piété, Dieu nous fera la grâce d'en venir à bout. Pour moi, de crainte de m'égarer, je suivrai pas à pas le plus éminent de tous les docteurs, le plus profond interprète du grand Apôtre, je veux dire l'incomparable saint Augustin, qui explique excellemment cette vérité dans le premier Livre à Simplicien et dans le Livre de l'Esprit et de la lettre. Rendez-vous attentifs, chrétiens, à une instruction que j'ose appeler la base de la piété chrétienne.

 

1 II Cor., III, 7. — 2 Rom., VII, 6. — 3 I Cor., XV, 56. — 4 Rom., VII, 8, 9, 11. — 5 Deut., V, 6, 7.

 

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Quand l'Apôtre parle ainsi de la loi, quand il l'appelle une lettre qui tue et qui donne au péché de nouvelles forces, croyez qu'il ne songe pas à blâmer la loi, mais il déplore la faiblesse de la nature. Si donc vous voulez entendre l'Apôtre, apprenez premièrement à connaître les langueurs mortelles qui nous accablent depuis la chute du premier père, dans lequel, comme dans la tige du genre humain, toute la race des hommes a été gâtée par une corruption générale.

Et pour mieux comprendre nos infirmités, considérons avant toutes choses quelle était la fin à laquelle notre nature était destinée. Certes puisqu'il avait plu à notre grand Dieu de laisser tomber sur nos âmes une étincelle de ce feu divin qui éclaire les créatures intelligentes, il est sans doute que nos actions devaient être conduites par la raison. Or il n'y avait rien de plus raisonnable que de consacrer tout ce que nous sommes à celui dont la libéralité nous a enrichis, et partant notre inclination la plus naturelle devait être d'aimer et de servir Dieu. C'est à quoi tout l'homme devait conspirer. D'où passant plus outre, je dis que les sens étant inférieurs à l'intelligence, il fallait aussi que les biens sensibles le cédassent aux biens de l'esprit ; et ainsi pour mettre les choses dans un bon ordre, les affections de l'homme devaient être tellement disposées, que l'esprit dominât sur le corps, que la raison l'emportât sur les sens, et que le Créateur fût préféré à la créature. Vous voyez bien qu'il n'y a rien de plus juste; et si la nature humaine était droite, telles devraient être ses inclinations.

Mais, ô Dieu ! que nous en sommes bien éloignés ! et que cette belle disposition est étrangement pervertie ; puisque par le désordre de notre péché, nos inclinations naturelles se sont tournées aux objets contraires ! Car certainement la plupart des hommes suit l'inclination naturelle. Or il n'est pas difficile de voir qu'est-ce qui domine le plus dans le monde. La première vue, n'est-il pas vrai? c'est qu'il n'y a que les sens qui règnent, que la raison est opprimée et éteinte, elle n'est écoutée qu'autant qu'elle favorise les passions, nous n'avons d'attachement qu'à la créature ; et si nous suivons (a) le cours de nos mouvement, nous en viendrons

 

(a) Var. : Allons suivant.

 

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bientôt (a) à oublier Dieu. Qu'ainsi ne soit, regardez quel était le monde avant que l'on y eût prêché l'Evangile. Où était en ce temps-là le règne de Dieu, et à qui est-ce qu'on présentait de l'encens ? Qui ne sait que l'idolâtrie avait tellement infecté la terre, qu'il semblait que ce grand univers fût changé en un temple d'idoles ? Qui n'est saisi d'horreur, en voyant cette multiplicité de dieux inventée pour rendre méprisable le nom de Dieu? Qui ne voit en ce nombre prodigieux de fausses divinités l'étrange débordement de notre nature, qui renonçant à son époux véritable à la manière d'une femme impudique, s'abandonnait à une infinité d'adultères par (b) une insatiable prostitution? Car il est très-certain que l'idolâtrie n'avait rien laissé d'entier sur la terre. C'était le crime du genre humain (c) ; et encore que Dieu se fût réservé un petit peuple dans la Judée, toutefois nous savons que ce peuple, qui était le seul dans toute la terre habitable instruit dans la véritable religion (d), était si fort porté à quitter son Dieu, que ni ses miracles quoique très-visibles, ni ses promesses quoique très-magnifiques , ni ses châtiments quoique très-rigoureux, n'étaient pal capables de retenir cette inclination furieuse qu'ils avaient de courir après les idoles : tant il est vrai que le genre humain par le vice de son origine est devenu enclin naturellement à mépriser Dieu, et voyez-le par une expérience si universelle. Et d'où vient cette inclination naturelle, si contraire à notre première institution, sinon de la contagion du premier péché par lequel la source des hommes étant infectée, la corruption nous est passée en nature ?

Ah! fidèles, ne craignons pas de confesser ingénument nos infirmités; que ceux-là en rougissent, qui ne savent pas le remède, qui ne connaissent pas le Libérateur. Pour nous, n'appréhendons pas de montrer nos plaies, et avouons que notre nature est extrêmement languissante. Et comment pourrions-nous le nier? Quand nous voudrions le dissimuler ou le taire, toute notre vie crierait contre nous; nos occupations ordinaires témoignent assez où tend la pente de notre cœur. D'où vient que tous les sages

 

(a) Var. : Aussitôt. — (b) Avec. — (c) De tout le monde. — (d) Dans tout l’univers que Dieu avait éclairé, illuminé de sa connaissance.

 

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s'accordent que le chemin du vice est glissant ? D'où vient que nous connaissons par expérience que non-seulement nous y tombons de nous-mêmes, mais encore que nous y sommes comme entraînés , au lieu que pour monter à cette éminence (a) où la vertu établit son trône, il faut se roidir et bander les nerfs avec une incroyable contention ? Après cela est-il malaisé de connaître où nous porte le poids de notre inclination dominante ? Et qui ne voit que nous allons au mal naturellement, puisqu'il faut faire effort pour nous en tirer, et que nous n'en pouvons sortir qu'avec peine? De là vient que la doctrine de l'Evangile, qui ne peut repaître que l'entendement, ne tient presque point à notre âme ; au contraire, les choses sensibles y font de profondes impressions. J'en appelle, chrétiens, à vos consciences. Quelquefois quand vous entendez discourir des mystères du royaume de Dieu, ne vous sentez-vous pas échauffés? Vous ne concevez que de grands desseins ; faut-il faire le premier pas de l'exécution, n'est-il pas vrai que le moindre souffle du diable éteint cette flamme errante et volage, qui ne prend pas à sa matière ? Il est vrai, nous sentons je ne sais quel instinct en nous-mêmes, qui voudrait, ce nous semble, s'élever à Dieu ; mais nous sentons aussi un torrent de cupidités opposées, qui nous entraînent et qui nous captivent. De là les gémissements de l'Apôtre (1) et de tous les vrais serviteurs de Dieu, qui se plaignent qu'ils sont captifs ; et que, malgré tous leurs bons désirs, ils éprouvent continuellement en eux-mêmes une certaine résistance à la loi de Dieu, qui les presse et qui les tourmente. Et partant qui serait si superbe, qui voyant l'apôtre saint Paul ainsi vivement attaqué, ne confesserait pas devant Dieu dans l'humiliation de son âme que vraiment notre maladie est extrême, et que les plaies de notre nature sont bien profondes(b) ?

Je sais que l'orgueilleuse sagesse du monde ne goûtera pas cette humble doctrine du christianisme. La nature, quoique impuissante, n'a jamais été sans flatteurs qui l'ont enflée par de vains éloges, parce qu'en effet ils ont vu en elle quelque chose de fort excellent; mais ils ne se sont point aperçus qu'il en était

 

1 Rom., VII, 23.

 

(a) Var. : Gagner cette éminence. — (b) Dangereuses.

 

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comme des restes d'un édifice autrefois très-régulier et très-magnifique, renversé maintenant et porté par terre, mais qui conserve encore dans sa ruine quelques vestiges de son ancienne grandeur et de la science de son architecte. Ainsi nous voyons encore en notre nature, quoique malade, quoique disloquée, quelques traces de sa première institution ; et la sagesse humaine s'étant bien voulu tromper par cette apparence, encore qu'elle y remarquât des défauts visibles, elle a mieux aimé couvrir ses maux par l'orgueil que de les guérir par l'humilité. J'avoue même que les hommes pour la plupart ne remarquent pas, comme il faut, cette résistance dont nous parlons ; mais combien y a-t-il de malades qui ne sentent pas leur infirmité! Cela, cela, fidèles, c'est le plus dangereux effet de nos maladies, que nous sommes réduits aux abois et qu'une folle arrogance nous persuade que nous sommes en bonne santé ; c'est en cela que je suis plus malade, que je ne sais pas déplorer ma misère ni implorer le secours du Libérateur, faible et altier tout ensemble, impuissant et présomptueux.

Et d'ailleurs je ne m'étonne pas si vivant comme nous vivons, nous ne sentons pas la guerre éternelle que nous fait la concupiscence. Lorsque vous suivez en nageant le cours de la rivière qui vous conduit, il vous semble qu'il n'y a rien de si doux ni de si paisible ; mais si vous remontez contre l'eau, si vous vous opposez à sa chute, c'est alors, c'est alors que vous éprouvez la rapidité de son mouvement. Ainsi, je ne m'étonne pas, chrétien, si menant une vie paresseuse, si ne faisant aucun effort pour le ciel, ni ne songeant point à t'élever au-dessus de l'homme pour commencer à jouir de Dieu, tu ne sens pas la résistance de la convoitise : c'est qu'elle t'emporte toi-même avec elle, vous marchez ensemble d'un même pas, et vous allez tous deux dans la même voie; ainsi son impétuosité t'est imperceptible.

Un saint Paul, un saint Paul la sentira mieux, parce qu'il a ses affections avec Jésus-Christ; les inclinations charnelles le blessent, parce qu'il aime la loi du Sauveur ; tout ce qui s'y oppose lui devient sensible. Aspirons à la perfection chrétienne, suivons un peu Jésus-Christ dans la voie étroite, et bientôt notre expérience

 

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nous fera reconnaître notre infirmité. C'est alors qu'étant fatigués par les opiniâtres oppositions de la convoitise, nous confesserons que les forces nous manquent, si la grâce divine ne nous soutient. Car enfin ce n'est pas un ouvrage humain de dompter cet ennemi domestique qui nous persécute si vivement, et qui ne nous donne aucun relâche. Etant ainsi déchirés en nous-mêmes, nous nous consumons par nos propres efforts; plus nous pensons nous pouvoir relever par notre naturelle vigueur, et plus elle se diminue : comme un pauvre malade moribond qui ne sait plus que faire ; il s'imagine qu'en se levant il sera un peu allégé, il achève de perdre son peu de force par un travail qu'il ne peut supporter ; et après qu'il s'est beaucoup tourmenté à traîner ses membres appesantis avec une extrême contention, il retombe ainsi qu'une pierre sans pouls et sans mouvement, plus faible et plus impuissant que jamais. Ainsi en est-il de nos volontés, si elles ne sont secourues par la grâce. Or la grâce n'est point par la loi. Car si la grâce était par la loi, c'est en vain que Jésus-Christ serait mort, et ce grand scandale de la croix serait inutile. C'est pourquoi l'évangéliste nous dit : « La loi a été donnée par Moïse; mais la grâce et la vérité a été faite par Jésus-Christ (1). » D'où je conclus que sous le Vieux Testament tous ceux qui obéissaient à la grâce, c'était par le mérite de Jésus-Christ; et de là ils appartenaient au christianisme, parce que la grâce ni la justice n'est point par la loi. Et de là pour revenir à mon texte, j'infère avec l'Apôtre que « la lettre tue. » Voyez si je prouverai bien ce que je propose, et renouvelez vos attentions.

Insistons toujours aux mêmes principes. Et ainsi, pour revenir à notre passage, figurez-vous cet homme malade que je vous dé-peignois tout à l'heure, cet homme tyrannisé par ses convoitises, cet homme impuissant à tout bien , qui selon le concile d'Orange « n'a rien de son crû que le mensonge et le péché (2) : » que produira la loi en cet homme, puisqu'elle ne peut lui donner la grâce? Elle parle, elle commande, elle tonne, elle retentit aux oreilles d'un ton puissant et impérieux ; mais que sert de frapper les oreilles, puisque la maladie est au cœur ! Je ne craindrai point

 

1 Joan., I, 17. — 2 Conc. Araus. II, can. XXII, Labb., Conc. tom. IV  col. 1670.

 

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de le dire, si vous n'ajoutez l'esprit de la grâce, tout ce bruit de la loi (a) ne fait qu'étourdir le pauvre malade ; elle l'effraie, elle l'épouvante ; mais il vaudrait bien mieux le guérir, et c'est ce que la loi ne peut faire. Quel est donc l'avantage qu'apporte la loi? Elle fait connaître le mal, elle allume le flambeau devant le malade, elle lui montre le chemin de la vie : « Fais ceci et tu vivras, » lui dit-elle : Hoc fac et vives (1). Mais à quoi sert de montrer à ce pauvre paralytique qui est au lit depuis trente-huit ans, à quoi sert que vous lui montriez l'eau miraculeuse qui peut le guérir ? Hominem non habeo (2) : « Je n'ai personne, » dit-il ; il est immobile, il faut le porter, et il est impossible que la loi le porte.

Mais la loi, direz-vous, n'a-t-elle donc aucune énergie? Certes son énergie est très-grande, mais très-pernicieuse à notre malade. Que fait-elle? Elle augmente la connaissance, et cela même augmente le crime. Elle me commande de la part de Dieu, elle me fait comprendre ses jugements. Avant la loi, je ne connaissais pas que Dieu fut mon juge, ni qu'il prît la qualité de vengeur des crimes; mais la loi me montre bien qu'il est juge, puisqu'il daigne bien être législateur. Mais enfin que produit cette connaissance ? Elle fait que mon péché est moins excusable, et ma rébellion plus audacieuse. C'est pourquoi l'Apôtre nous dit que « le péché a abondé par la loi (3), » qu'elle lui donne de nouvelles forces, « qu'elle le fait vivre (4), » parce qu'à tous les autres péchés elle ajoute la désobéissance formelle qui est le comble de tous les maux. De cette sorte que fait la loi ? Elle lie les transgresseurs par des malédictions éternelles, parce qu'il est écrit dans cette loi même : « Maudit est celui qui n'observe pas ce qui est commandé dans ce livre (5). »

A présent ne voyez-vous pas clairement toute la force du raisonnement de l'Apôtre ? Car la loi ne nous touchant qu'au dehors, elle n'a pas la force de nous soulager ; et sortant de la bouche de Dieu, elle a la force de nous condamner. La loi donc , considérée en cette manière (b), qu'est-ce autre chose qu'une lettre qui ne

 

1 Luc., X, 28. — 2 Joan., V, 7. — 3 Rom., V, 20. — 4 Ibid., VII, 9. — 5  Deut., XXVII, 26.

 

(a) Var. : Si vous n'ajoutez l'esprit de la grâce, je ne craindrai point de le dire, tout ce bruit... — (b) De la sorte.

 

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soutient pas l'impuissance, mais qui condamne la rébellion; « qui ne soulage pas le malade, mais qui témoigne contre le pécheur? » Non adjutrix legentium, sed testis peccantium, dit saint Augustin (1). Mais cet excellent docteur passe bien plus outre, appuyé sur la doctrine du saint Apôtre.

Achevons de faire connaître à l'homme l'extrémité de sa maladie, afin qu'il sache mieux reconnaître la miséricorde infinie de son médecin. Nous avons dit que notre plus grand mal, c'est l'orgueil. Que fait le commandement à un orgueilleux ? Il fait qu'il se roidit au contraire, comme une eau débordée qui s'irrite par les obstacles. Et d'où vient cela? C'est à cause que l'orgueilleux n'affecte rien tant que la liberté, et ne fuit rien tant que la dépendance. C'est pourquoi il se plaît à secouer le joug; il aime la licence, parce qu'elle semble un débordement de la liberté. Notre âme donc étant inquiète, indocile et impatiente, la vouloir retenir par la discipline, c'est la précipiter davantage. Avouons la vérité, chrétiens, nous trouvons une certaine douceur dans les choses qui nous sont défendues. Tel ne se souciera pas beaucoup de la chair, qui la trouvera plus délicieuse pendant le carême. La défense excite notre appétit, et par ce moyen fait naître un nouveau plaisir. Et quelle est la cause de ce plaisir, si ce n'est celle que je viens de vous rapporter ? c'est-à-dire cette vaine ostentation d'une liberté indocile et licencieuse, qui est si douce à un orgueilleux : Tantò magislibet, quanta minùs licet, dit saint Augustin (2). Et c'est ce que veut dire l'Apôtre aux Romains : « Le péché, prenant l'occasion du commandement, m'a trompé et m'a fait mourir (3). » Le péché prenant occasion du commandement, il m'a trompé par cette fausse douceur que la défense fait naître. Elle est vaine, elle est fausse, il est vrai, mais très-charmante (a) à une âme superbe ; et c'est par cette raison qu'elle trompe facilement. Reprenons donc maintenant ce raisonnement : la loi par la défense augmente le plaisir de mal faire, et par là excite (b) la convoitise : la convoitise me donne la mort ; et partant la loi me

 

1 De divers. Quœst., ad Simpitcian., lib. I, quaest. V, n. 7. — 2 Ibid. n.  17. — 3 Rom., VII, 11.

 

(a) Var. : Plus charmante. — (b) Embrase, incite.

 

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donne la mort, non point certes par elle-même, mais par la malignité du péché qui domine en moi : Ut fiat supra modum peccans peccatum per mandatum, continue le même saint Paul (1).

Ne voyez-vous pas maintenant plus clair que le jour que non-seulement les préceptes du Décalogue, mais encore par une conséquence infaillible tous les enseignements de la loi, et même toute la doctrine de l'Evangile, si nous n'impétrons l'esprit de la grâce, ne sont qu'une lettre qui tue, qui pique (a) la convoitise par la défense et comble (b) le péché par la transgression. Et quelle est donc l'utilité de la loi ? Ah ! c'est ici, mes Frères, où il nous faut recueillir le fruit des doctes enseignements de l'Apôtre. Ne croyons pas qu'il nous ait voulu débiter une doctrine si délicate à la manière des rhétoriciens. Saint Augustin a bien compris sa pensée : Il a voulu, dit-il, faire voir à l'homme combien était grande son impuissance, et combien déplorable son infirmité, puisqu'une loi si juste et si sainte lui devenait un poison mortel, « afin que par ce moyen nous reconnussions humblement qu'il ne suffit pas que Dieu nous enseigne, mais qu'il est nécessaire qu'il nous soulage : » Non tantùm doctorem sibi esse necessarium, verùm etiam adjutorem Deum (2). C'est pourquoi le grand Docteur des gentils, après avoir dit de la loi toutes les choses que je vous ai rapportées, il commence à se plaindre de sa servitude. « Je me plais, dit-il (3), à la loi de Dieu selon l'homme intérieur ; mais je sens une loi en moi-même qui répugne à la loi de l'esprit et me captive sous la loi du péché. Car je ne fais pas le bien que je veux ; mais je fais le mal que je hais. Malheureux homme que je suis , qui me délivrera de ce corps de mort ? La grâce de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ. » C'est là enfin, fidèles, c'est à cette grâce que notre impuissance doit nous conduire. La loi ne fait autre chose que nous montrer ce que nous devons demander à Dieu, et de quoi nous avons à lui rendre grâces ; et c'est ce qui a fait dire à saint Augustin (4) : « Faites ainsi, Seigneur, faites ainsi, Seigneur miséricordieux ; commandez ce qui ne peut être accompli, ou

 

1 Rom., VII, 13. — 2 De Spirit. et litt., n. 9. — 3 Rom., VII, 15, 22-25. — 4 In Psal. CXVm, sem. XXVII, n. 3.

 

(a) Var. ; Enflamme. — (b) Augmente.

 

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plutôt commandez ce qui ne peut être accompli que par votre grâce, afin que tout fléchisse devant vous, et que celui qui se glorifie se glorifie seulement en Notre-Seigneur. »

C'est là la vraie justice du christianisme , qui ne vient pas en nous par nous-mêmes, mais qui nous est donnée par le Saint-Esprit. C'est là cette justice qui est par la foi, que l'apôtre saint Paul élève si fort, non pas comme l'entendent nos adversaires, qui disent que toute la vertu de justifier consiste en la foi. Ils n'ont pas bien pris le sens de l'Apôtre; et je le prouve démonstrativement en un mot, que je vous prie, de retenir pour les combattre dans la rencontre. Saint Paul pour cela, première aux Corinthiens, chapitre XIII : « Si, dit-il, j'ai toute la foi jusqu'à transporter les montagnes, et que je n'aie pas la charité , je ne suis rien. » S'il n'est rien , donc il n'est pas juste , donc la foi ne justifie pas sans la charité. Et toutefois il est véritable que c'est la foi en Jésus-Christ qui nous justifie, parce qu'elle n'est pas seulement la base, mais la source qui fait découler sur nous la justice qui est par la grâce. Car, comme dit le grand Augustin, « ce que la loi commande, la foi l'impètre : » Fides impetrat quod lex imperat (1). La loi dit : « Tu ne convoiteras pas (2) ; » la foi dit avec le Sage : « Je sais, ô grand Dieu , et je le confesse, que personne ne peut être continent, si vous ne le faites (3). » Dieu dit par la loi : « Fais ce que j'ordonne; » la foi répond à Dieu : « Donnez, Seigneur, ce que vous ordonnez (4). » La foi fait naître l'humilité , et l'humilité attire la grâce, « et c'est la grâce qui justifie (5). » Ainsi notre justification se fait par la foi, la foi en est la première cause. Et en cela nous différons du peuple charnel, qui ne considérait que l'action commandée, sans regarder le principe qui la produit. Quand ils lisaient la loi, ils ne songeaient à autre chose qu'à faire, et ils ne pensaient point qu'il fallait auparavant demander. Pour nous, nous écoutons à la vérité ce que Dieu ordonne ; mais la foi en Jésus-Christ nous enseigne que c'est de Dieu même qu'il le faut attendre. Ainsi notre justice ne vient pas des œuvres, en tant qu'elles se font par nos propres forces ; elle naît de la foi, « qui

 

1 In Psal. CXVIII, serm. XVI, n. 2. — 2 Rom., VII, 7. — 3 Sapient., VIII,21. — 4 S. August, Confess., lib. X, cap. XXIX. — 5 Tit., III, 7.

 

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opérant par la charité , fructifie en bonnes œuvres, » comme dit l'Apôtre (1).

En effet, croire en Jésus-Christ, n'est-ce pas croire au Sauveur, au Libérateur? Et quand nous croyons au Libérateur, ne sentons-nous pas notre servitude? Quand nous confessons le Sauveur, ne confessons-nous pas que nous sommes perdus? Ainsi reconnaissant devant Dieu que nous sommes perdus en nous-mêmes, nous courons à Jésus-Christ par la foi, cherchant notre salut en lui seul : c'est là cette foi qui nous justifie, si nous croyons, si nous confessons que nous sommes morts et que c'est Jésus-Christ qui nous rend la vie. Chrétien, le crois-tu de la sorte? Le croyons-nous ainsi, chrétiens? Si tu ne le crois pas, tu renies Jésus-Christ pour Sauveur ; Jésus n'est plus Jésus, et toute la vertu de sa croix est anéantie. Que si nous confessons cette vérité, qui n'est pas un article particulier, mais qui est le fondement et la base qui soutient tout le corps du christianisme, avec quelle humilité, avec quelle ardeur, avec quelle persévérance devons-nous approcher de notre grand Dieu, pour rendre grâces de ce que nous avons et pour demander ce qui nous manque ? Que ma peine serait heureusement employée, si l'humilité chrétienne, si le renoncement à nous-mêmes, si l'espérance au Libérateur, si la nécessité de persévérer dans une oraison soumise et respectueuse, demeuraient aujourd'hui gravées en vos âmes par des caractères ineffaçables ! Prions, fidèles, prions ardemment. Apprenons de la loi combien nous avons besoin de la grâce. Ecoutons le saint concile de Trente, qui assure « qu'en commandant Dieu nous avertit de faire ce que nous pouvons, et de demander ce que nous ne pouvons pas (2). » Entendons par cette doctrine qu'il y a des choses que nous pouvons, et d'autres que nous ne pouvons pas (a) ; et si nous ne les demandons, elles ne nous seront point données. Ainsi nous demeurerons impuissants, et notre impuissance n'excusera point notre crime. Au contraire nous serons doublement coupables, en ce que nous serons tombés dans le crime pour n'avoir pas voulu demander la grâce. Combien donc

 

1 Galat., V, 6; Coloss., I, 10. — 2 Sess. VI, cap. XI.

 

(a) Var. : Il y a donc des choses que nous ne pouvons pas, et si...

 

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est-il nécessaire que nous priions, ainsi que de misérables nécessiteux qui ne peuvent vivre que par aumônes! C'est ce que prétend l'apôtre saint Paul, dans cet humble raisonnement que j'ai tâché de vous expliquer. Il nous montre notre servitude et notre impuissance, afin que les fidèles étant effrayés par les menaces de la lettre qui tue, ils recourent par la prière à l'Esprit qui nous vivifie. C'est la dernière partie de mon texte, par laquelle je m'en vais conclure en peu de paroles.

 

SECOND POINT.

 

Je vous ai fait voir, chrétiens, par la doctrine de l'apôtre saint Paul, que la grâce et la justice n'est point par la loi; d'autant qu'elle ne fait qu'éclairer l'esprit, et qu'elle n'est pas capable de changer le cœur. Mais, continue le même saint Paul, « ce qui était impossible à la loi, Dieu l'a fait lui-même en envoyant son Fils, qui a répandu en nos âmes l'Esprit de la grâce, afin que la justice de la loi s'accomplît en nous (1). » Ce qui a fait encore dire à l'Apôtre, que « maintenant nous ne sommes plus sous la loi (2). » Or pour entendre plus clairement ce qu'il nous veut dire, considérons une belle distinction de saint Augustin.  « C'est autre chose, dit-il, d'être sous la loi, et autre chose d'être avec la loi. Car la loi par son équité a deux grands effets ; ou elle dirige ceux qui obéissent, ou elle rend punissables ceux qui se révoltent. Ceux qui rejettent la loi, sont sous la loi, parce qu'encore qu'ils fassent de vains efforts pour se soustraire de son domaine, elle les maudit, elle les condamne, elle les tient pressés sous la rigueur de ses ordonnances ; et par conséquent ils sont sous la loi, et la loi les tue. Au contraire ceux qui accomplissent la loi, ils sont ses amis, dit saint Augustin, ils vont avec elle, parce qu'ils l'embrassent, qu'ils la suivent, qu'ils l'aiment (3).» Ces choses étant ainsi supposées, il s'ensuit que les observateurs de la loi ne sont plus sous la loi comme esclaves, mais sont avec la loi comme amis. Et comme dans le Nouveau Testament l'Esprit de la grâce nous est élargi par lequel la justice de la loi peut être accomplie, il est très-vrai ce que dit l'Apôtre, a que nous ne sommes plus

 

1 Rom., VIII, 3, 4. — 2 Ibid., VI, 14. — 3 S. August., in Joan., tract. III, n. 2.

 

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sous la loi, » parce que si nous suivons cet Esprit de grâce la loi ne nous châtie plus comme notre juge, mais elle nous conduit comme notre règle. De sorte que si nous obéissons à la grâce à laquelle nous avons été appelés, la loi ne nous tue plus; mais plutôt elle nous donne la vie dont elle contient les promesses, d'autant qu'il est écrit : « Fais ces choses, et tu vivras (1). » D'où il s'ensuit très-évidemment que « c'est l'Esprit qui nous vivifie. » Car la cause pour laquelle la lettre tue, c'est qu'elle ne fait que retentir au dehors pour nous condamner (a). Or l'esprit agit au dedans pour nous secourir; il va à la source de la maladie; au lieu de cette brutale ardeur qui nous rend captifs des plaisirs sensibles, il inspire en nos cœurs cette chaste délectation des biens éternels; c'est lui qui nous rend amis de la loi, parce que domptant la convoitise qui lui résiste, il fait que son équité nous attire. Vous voyez donc que c'est par l'Esprit que nous sommes les amis de la loi, que nous sommes avec elle, et non point sous elle. Et ainsi c'est l'Esprit qui nous vivifie, d'autant qu'il écrit au dedans cette loi qui nous tue, quand elle résonne seulement au dehors.

C'est là, mes Frères, cette nouvelle alliance que Dieu nous annonce par Jérémie, au chapitre XXXI. « Le temps viendra, dit le Seigneur, que je ferai une nouvelle alliance avec la maison d'Israël, non point selon le pacte que j'avais juré à leurs pères; mais voici l'alliance que je contracterai avec eux : j'imprimerai ma loi dans leurs âmes, et je l'écrirai en leurs cœurs. » Il veut dire : La première loi était au dehors, la seconde aura toute sa force au dedans. C'est pourquoi j'ai écrit la première loi sur des pierres, et la seconde je la graverai dans les cœurs. Bref, la première loi frappant au dehors émouvait les âmes par la terreur, la seconde les changera par l'amour. Et pour pénétrer au fond du mystère, dites-moi, qu'opère la crainte en nos cœurs? Elle les étonne, elle les ébranle, elle les secoue; mais je soutiens qu'il est impossible qu'elle les change ; et la raison en est évidente. C'est que les sentiments que la crainte donne sont toujours contraints. Le loup prêt à se ruer sur la bergerie, voit les bergers armés et les chiens en

 

1 Luc, X, 28.

 

(a) Var. : C'est qu'elle ne touche que le dehors.

 

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garde : tout affamé qu'il est, il se retire pour cette fois ; mais pour cela il n'en est pas moins furieux, il n'en aime pas moins le carnage. Que vous rencontriez des voleurs; si vous êtes les plus forts, ils ne vous abordent qu'avec une civilité apparente : ils sont toujours voleurs, toujours avides de pillerie. La crainte donc étouffe les affections; elle semble les réprimer pour un temps, mais elle n'en coupe pas la racine. Otez cet obstacle, levez cette digue; l'inclination qui était forcée se rejettera aussitôt en son premier cours. Par où vous voyez manifestement qu'encore qu'elle ne parût point au dehors, elle vivait toujours au secret du cœur, bridée et non éteinte, et retenue plutôt qu'abolie.

C'est pourquoi le grand Augustin, au livre de l'Esprit et de la lettre, chapitre vin, parlant de ceux qui gardaient la loi par la seule terreur de la peine, non par l'amour de la véritable justice, il prononce cette terrible mais très-véritable sentence : « Ils ne laissaient pas, dit-il, d'être criminels, parce que ce qui paraissait aux hommes dans l'œuvre, devant Dieu à qui nos profondeurs sont ouvertes, n'était nullement dans la volonté ; au contraire cet œil pénétrant de la connaissance divine, voyait qu'ils aimeraient beaucoup mieux commettre le crime, s'ils osaient en attendre l'impunité : » Coràm Deo non erat in voluntate quod coràm hominibus apparebat in opère, potiùsque ex illo rei tenebantur quod eos noverat Deus malle, si fieri posset impunè committere (1). Donc selon la doctrine de ce grand homme, la crainte n'est pas capable de changer le cœur. Considérez, je vous prie, cette pierre sur laquelle Dieu écrit sa loi : en est-elle changée pour contenir des paroles si vénérables? En a-t-elle perdu quelque chose de sa dureté ? Qui ne voit que ces saints préceptes ne tiennent qu'à une superficie extérieure (a) ? D'où vient que la loi mosaïque est ainsi écrite, sinon parce que c'est une loi de crainte ? Et Dieu ne veut-il pas nous faire entendre que si la loi ne nous touche que par la crainte, il en est de nos cœurs comme d'une pierre ; qu'ainsi notre dureté n'est point amollie, et que la loi demeure sur la surface ?

 

1 De Spirit. et litt., n. 13.

 

(a) Var. : Ainsi en est-il de nos cœurs quand la loi n'y entre que par la crainte ; elle ne touche que la surface, et nuire dureté n'est point amollie.

 

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De là vient que le concile de Trente parlant de la crainte des peines, définit très-bien à la vérité, contre la doctrine des luthériens, que « c'est une impression de l'Esprit de Dieu. » Car puisque cette crainte est si bien fondée sur les redoutables jugements de Dieu, pourquoi ne viendrait-elle pas de son Saint-Esprit? Mais ces saints Pères s'expliquent après, et nous disent, « que c'est une impression de l'Esprit de Dieu qui n'habite pas encore au dedans, mais qui meut seulement et qui pousse : » Spiritûs sancti impulsum, non adhnc quidem inhabitantis, sed tantùm moventis ». D'où il s'ensuit manifestement que la seule crainte des peines ne peut imprimer la loi dans les cœurs.

Certes (a) il faut l'avouer, il n'y a que la charité qui les amollisse. Notre maladie, chrétiens, c'est de nous attacher à la créature. Donc nous attacher à Dieu, c'est notre santé. C'est un amour pervers qui nous gâte. Il n'y a donc que le saint amour qui nous rétablisse. Un plaisir désordonné nous captive; il n'y a qu'une sainte délectation qui soit capable de nous délivrer : la seule affection du vrai bien peut arracher l'affection du bien apparent; il n'y a proprement que l'amour qui ait, pour ainsi dire, la clef du cœur. Il faut donc qu'un saint amour dilate le nôtre, qu'il l'ouvre jusqu'au fond pour recevoir la rosée des grâces divines. Ainsi notre âme sera toute autre ; ce ne sera plus une pierre sur laquelle on écrira au dehors , ce sera une cire toute pénétrée et toute fondue par une céleste chaleur.

Par là vous voyez la loi gravée dans les cœurs, selon l'oracle de Jérémie. Y a-t-il rien de plus avant en nos cœurs que ce qui nous plaît ? Ce que nous aimons nous tient lieu de loi ; et ainsi je ne me tromperai pas quand je dirai que l'amour est la loi des cœurs ; et partant un saint amour doit être la loi des héritiers du Nouveau Testament, parce qu'ils doivent porter leur loi dans leurs cœurs. La loi ancienne a été écrite sur de la pierre ; il n'est rien de plus immobile ; aussi est-ce une loi morte et inanimée. Il nous faut, il nous faut une loi vivante, et quelle peut être cette loi vivante? sinon le vif amour du souverain bien , que le doigt

 

1 Sess. XIV, cap. IV.

 

(a) Var. : Certainement.

 

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de Dieu, c'est-à-dire son Saint-Esprit écrit et imprime au fond de nos âmes, quand il y répand l'onction de la charité, selon ce que dit l'apôtre saint Paul : « La charité est répandue en nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous est donné (1). » La charité est donc cette loi vivante, qui nous gouverne et qui nous meut intérieurement. Et c'est pourquoi l'Esprit vivifie, parce qu'il imprime en nous une loi vivante, qui est la loi de la nouvelle alliance, c'est-à-dire la loi de l'amour de Dieu. Par conséquent qui pourrait douter que la charité ne soit l'esprit de la loi nouvelle, et l’âme pour ainsi dire du christianisme, puisqu'il a été prédit si longtemps avant la naissance de Jésus-Christ que les enfants du Nouveau Testament auraient la loi gravée en leurs cœurs par l'inspiration de l'amour divin ?

Et selon la conséquence de ces principes où je n'ai fait que suivre saint Augustin, qui ne s'est attaché qu'à saint Paul, je ne craindrai point de vous assurer que quiconque ne se soumet à la loi que par la seule appréhension de la peine, il s'excommunie lui-même du christianisme, et retourne à la lettre qui tue et à la captivité de la Synagogue. Et pour vous en convaincre, regardez premièrement qui nous sommes. Sommes-nous enfants ou esclaves? Si Dieu vous traite comme des esclaves, contentez-vous de craindre le maître ; mais s'il vous envoie son propre Fils pour vous dire qu'il daigne bien vous adopter pour enfants, pouvez-vous ne point aimer votre Père ? Or l'apôtre saint Paul nous enseigne « que nous n'avons pas reçu l'esprit de servitude par la crainte ; mais que Dieu nous a départi l'esprit de l'adoption des enfants, par lequel nous l'appelons notre Père (2). » Comment l'appelons-nous tous les jours Notre Père qui êtes aux cieux, si nous lui dénions notre amour? Davantage, considérons de quelle sorte il nous a adoptés : est-ce par contrainte, ou bien par amour ? Ah ! nous savons bien que c'est par amour, et par un amour infini. « Dieu a tant aimé le monde, dit Notre-Seigneur (3), qu'il a donné son Fils unique pour le sauver. » Si donc notre Dieu nous a tant aimés, comment prétendons-nous payer son amour, si ce n'est par un amour réciproque? «D'autant plus, comme dit saint

 

1 Rom., V, 5. — 2 Ibid., VIII, 15. — 3 Joan., III, 16.

 

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Bernard, au Sermon XXXIII, sur les Cantiques, que l'amour est la seule chose en laquelle nous sommes capables d'imiter Dieu. Il nous juge, nous ne le jugeons pas. Il nous donne , et il n'a pas besoin de nos dons. S'il commande, nous devons obéir ; s'il se fâche, nous devons trembler; et s'il aime, que devons-nous faire ? Nous devons aimer ; c'est la seule chose que nous pouvons faire avec lui. » Et combien sont criminels les enfants qui ne veulent pas imiter un Père si bon ?

Est-ce assez considérer Dieu comme père? considérons-le maintenant comme prince. Comme roi, il nous commande ; mais il ne nous commande rien tant que l'amour. « Tu aimeras, dit-il, le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit, de toutes tes forces, de toute ton âme ». » A-t-il jamais parlé avec une plus grande énergie? Et Jésus-Christ en saint Jean, chapitre XIV : « Qui ne m'aime pas, nous dit-il, n'observe pas mes commandements. » Donc qui n'aime pas Jésus-Christ, puisqu'il n'observe pas ses commandements, il viole la majesté de son roi.

Voulez-vous que nous parlions maintenant des dons que Dieu fait à ses serviteurs, et que par la qualité des présents, nous jugions de l'amour qu'il exige? Quel est le grand don que Dieu nous fait ? C'est le Saint-Esprit : et qu'est-ce que le Saint-Esprit ? n'est-ce pas l'amour éternel du Père et du Fils? Quelle est l'opération propre du Saint-Esprit ? n'est-ce pas de faire naître, d'inspirer l'amour en nos cœurs et d'y répandre la charité ? Et partant qui méprise la charité, il rejette le Saint-Esprit. Et cependant c'est le Saint-Esprit qui nous vivifie. Mais si je voulais poursuivre le reste, quand est-ce que j'aurais achevé cette induction ? Il n'y a mystère du christianisme, il n'y a article dans le Symbole, il n'y a demande dans l'Oraison, il n'y a mot ni syllabe dans l'Evangile, qui ne nous crie qu'il faut aimer Dieu.

Ce Dieu fait homme, ce Verbe incarné, qu'est-il venu faire en ce monde? avec quel appareil nous est-il venu enseigner? s'est-il caché dans une nuée ? a-t-il tonné et éclairé sur une montagne toute fumante de sa majesté? a-t-il dit d'une voix terrible (a) :

 

1 Deuter., VI, 5.

 

(a) Var. : Redoutable.

 

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« Retirez-vous ; que mon serviteur Moïse approche tout seul ; et les hommes et les animaux, qui aborderont près de la montagne, mourront de mort (1). » La loi mosaïque a été donnée avec ce redoutable appareil. Sous l'Evangile, Dieu change bien de langage : y a-t-il rien eu de plus accessible que Jésus-Christ, rien de plus affable, rien de plus doux,? Il n'éloigne personne d'auprès de lui : bien plus, non-seulement il y souffre, mais encore il y appelle les plus grands pécheurs, et lui-même il va au-devant. Venez à moi, dit-il, et ne craignez pas : « Venez, venez à moi, oppressés ; je vous aiderai à porter vos fardeaux (2). » Venez, malades, je vous guérirai; venez, affamés, je vous nourrirai; pécheurs, publicains, approchez; je suis votre libérateur. Il les souffre, il les invite, il va au-devant. Et que veut dire ce changement , chrétiens ? d'où vient cette aimable condescendance d'un Dieu qui se familiarise avec nous? Qui ne voit qu'il veut éloigner la crainte servile, et qu'à quelque prix que ce soit, il est résolu de se faire aimer, même, si j'ose parler de la sorte, aux dépens de sa propre grandeur? Dites-moi, était-ce pour se faire craindre qu'il a voulu être pendu à la croix? N'est-ce pas plutôt pour nous tendre les bras, et pour ouvrir autant de sources d'amour comme il a de plaies? Pourquoi se donne-t-il à nous dans l'Eucharistie? N'est-ce pas pour nous témoigner un extrême transport d'amour, quand il s'unit h nous de la sorte? Ne diriez-vous pas, chrétiens, que ne pouvant souffrir nos froideurs, nos indifférences, nos déloyautés , lui-même il veut porter sur nos cœurs des charbons ardents? Comment donc excuserons-nous notre négligence? Mais où se cachera notre ingratitude? Après cela n'est-il pas juste de s'écrier avec le grand apôtre saint Paul : « Si quelqu'un n'aime pas Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu'il soit anathème (3)? » Sentence autant juste que formidable. Oui certes, il doit être anathème, celui qui n'aime pas Jésus-Christ : la terre se devrait ouvrir sous ses pas (a) et l'ensevelir tout vivant dans le plus profond cachot de l'enfer ; le ciel devrait être de fer pour lui ; toutes les créatures lui devraient ouvertement déclarer la guerre, à ce

 

1 Exod., XIX, 12, 13. — 2 Matth., XI, 29. — 3 I Cor., XVI, 22.

 

(a) Var. : Ne devrait pas le porter.

 

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perfide, à ce déloyal, qui n'aime point Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Mais, ô malheur! ô ingratitude! c'est nous qui sommes ces déloyaux. Oserions-nous bien dire que nous aimons Notre-Seigneur Jésus-Christ? Jésus-Christ n'est pas un homme mortel que nous puissions tromper par nos compliments; il voit clair dans les cœurs, et il ne voit point d'amour dans les nôtres. Quand vous aimez quelqu'un sur la terre, rompez-vous tous les jours avec lui pour des sujets de très-peu d'importance? foulez-vous aux pieds tout ce qu'il vous donne ? manquez-vous aux paroles que vous lui donnez ? Il n'y a aucun homme vivant qne vous voulussiez traiter de la sorte : c'est ainsi pourtant que vous en usez envers Jésus-Christ. Il a lié amitié avec vous, tous les jours vous y renoncez. Il vous donne son corps, vous le profanez. Vous lui avez engagé votre foi, vous la violez. Il vous prie pour vos ennemis, vous le refusez. Il vous recommande ses pauvres, vous les méprisez. Il n'y a aucune partie de son corps que vos blasphèmes ne déshonorent. Et comment donc pouvez-vous éviter cette horrible, mais très-équitable excommunication de l'Apôtre (a) : « Si quelqu'un n'aime pas Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu'il soit anathème? » Ah! plutôt, ô grand Dieu tout-puissant, qui gouvernez les cœurs ainsi qu'il vous plaît, si quelqu'un n'aime pas Notre-Seigneur Jésus-Christ, faites par votre grâce qu'il aime Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Aimons, aimons, mes Frères, aimons Dieu de tout notre cœur. Nous ne sommes pas chrétiens, si du moins nous ne nous efforçons de l'aimer, si du moins nous ne désirons cet amour, si nous ne le demandons ardemment à ce divin Esprit qui nous vivifie. Je ne veux pas dire que nous soyons obligés sous peine de damnation éternelle d'avoir la perfection de la charité. Non, fidèles, nous sommes de pauvres pécheurs : le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ excusera devant Dieu nos défauts, pourvu que nous en fassions pénitence. Je ne vous dis donc pas que nous soyons obligés d'avoir la perfection de la charité ; mais je vous dis et je vous assure que nous sommes indispensablement obligés d'y

 

(a) Note marg. : Et comment la puis-ie éviter moi-même, ingrat et impudent pécheur que je suis?

 

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prétendre (a), selon la mesure qui nous est donnée, sans quoi nous ne sommes pas chrétiens. Courage; travaillons pour la charité. La charité, c'est tout le christianisme : quand vous épurez votre charité, vous préparez un ornement pour le ciel. Il n'y a, dit saint Paul, que la charité qui demeure au ciel. La foi se perd dans la claire vue, l'espérance s'évanouit par la possession effective; « il n'y a que la charité qui jamais ne peut être éteinte : » Charitas numquàm excidit (1). Non-seulement elle est couronnée comme la foi et comme l'espérance ; mais elle-même elle est la couronne et de la foi et de l'espérance. La charité seule est digne du ciel, digne de la gloire du paradis; elle seule sera réservée pour briller éternellement devant Dieu comme un or pur. (b) Commençons d'aimer sur la terre, puisque nous ne cesserons jamais d'aimer dans le ciel. Commençons la charité dès ce monde, afin qu'elle soit un jour consommée.

 

AUTRE EXORDE ET FRAGMENTS
DU PREMIER SERMON
POUR
LE JOUR  DE LA PENTECOTE.

 

Littera occidit; Spiritus autem vivificat.

 

La lettre tue; mais l'Esprit vivifie. II Cor., III, 6.

 

Si vous me demandez, chrétiens, pour quelle cause la Pentecôte, qui était une fête (c) du peuple ancien, est devenue une solennité du peuple nouveau, et d'où vient que depuis le levant jusqu'au couchant tous les fidèles s'en réjouissent non moins que de la sainte nativité ou de la glorieuse résurrection de notre Sauveur, je vous en dirai la raison, avec l'assistance de cet Esprit-Saint qui a rempli en ce jour sacré l’âme des apôtres. C'est

 

1 I Cor., XIII, 8.

 

(a) Var. : Nous ne sommes donc pas obligea d'avoir lu perfection de la charité, mais nous sommes indispensablement obligés d'y tendre. — (b) Note marg. : Elle seule sera réservée pour brûler éternellement devant Dieu, comme un holocauste de bonne odeur. — (c) Var. : Une cérémonie.

 

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aujourd'hui que notre Eglise a pris sa naissance ; aujourd'hui par la prédication du saint Evangile la gloire et la doctrine de Jésus-Christ ont commencé d'éclairer le monde (a) ; aujourd'hui la loi mosaïque donnée autrefois avec tant de pompe, est abolie par une loi plus auguste; et les sacrifices des animaux étant rejetés, le Saint-Esprit envoyé (b) d'en haut se fait lui-même des hosties raisonnables et des sacrifices vivants des cœurs des disciples. Les Juifs offraient autrefois à Dieu à la Pentecôte les prémices de leurs moissons; aujourd'hui Dieu se consacre lui-même par son Saint-Esprit les prémices du christianisme, c'est-à-dire les premiers fruits du sang de son Fils; et rend les commencements de l'Eglise illustres par des signes si admirables, que tous les spectateurs en sont étonnés. Par conséquent, mes Frères, avec quelle joie devons-nous célébrer ce saint jour? Et si aujourd'hui les premiers chrétiens paraissent si visiblement échauffés de l'Esprit de Dieu, n'est-il pas raisonnable que nous montrions par une sainte et divine ardeur que nous sommes leurs descendants? Mais afin que vous pénétriez plus à fond quelle est la fête que nous célébrons, suivez, s'il vous plaît, ce raisonnement.

A la vérité le sang du Sauveur nous avait réconciliés à notre grand Dieu par une alliance perpétuelle; mais il ne suffisait pas pour notre salut que cette alliance eût été conclue, si ensuite elle n'eût été publiée. C'est pourquoi Dieu a choisi ce jour où les Israélites étaient assemblés par une solennelle convocation, pour y faire publier hautement le traité de la nouvelle alliance qu'il lui plaît contracter avec nous. Et c'est ce que nous montrent ces langues de feu qui tombent d'en haut sur les saints apôtres. Car d'autant que la nouvelle alliance selon les oracles des prophéties devait être solennellement publiée par le ministère de la prédication, le Saint-Esprit descend en forme de langues, pour nous faire entendre par cette figure, qu'il donne de nouvelles langues aux saints apôtres, et qu'autant qu'il remplit de personnes, il établit autant de hérauts qui publieront les articles de l'alliance et les commandements de la loi nouvelle, partout où il lui plaira de les envoyer.

 

(a) Var. : D'éclater au monde. — (b) Descendu du ciel, — descendant du ciel.

 

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En effet, entendez l'apôtre saint Pierre aussitôt après la descente du Saint-Esprit; voyez comme il exhorte le peuple, et annonce la rémission des péchés (a) au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, déclarant aux habitons de Jérusalem que ce Jésus qu'ils ont fait mourir, « Dieu l'a établi le Seigneur et le Christ : » Quia Dominum eum et Christum fecit Deus. C'est ce que saint Pierre prêche aujourd'hui, comme il est écrit aux Actes, chapitre II ; et cela, dites-moi, chrétiens, n'est-ce pas faire la publication de la loi nouvelle et de la nouvelle alliance? Je joins ensemble l'alliance et la loi, parce qu'elles ne sont toutes deux qu'un même Evangile, que les apôtres, comme les hérauts du grand Dieu, publient premièrement dans Jérusalem, conformément à ce que dit Isaïe : « La loi sortira de Sion, et la parole de Dieu de Jérusalem (1). »

Mais encore que la publication du saint Evangile dût être commencée dans Jérusalem, elle ne devait pas y être arrêtée. Tous les prophètes avaient promis que la loi nouvelle serait portée jusqu'aux extrémités de la terre, et que par elle toutes les nations et toutes les langues seraient assujetties au vrai Dieu. Comme donc la loi de notre Sauveur n'était pas faite pour un seul peuple, certainement il n'était pas convenable qu'elle fût publiée en un seul langage. Aussi les premiers docteurs du christianisme, qui avant ce jour étaient ignorants, aujourd'hui étant pleins de l'Esprit de Dieu, parlent toutes sortes de langues, ainsi que remarque le texte sacré. Que veut dire ceci, je vous prie? Qui ne voit que le Saint-Esprit nous enseigne que (b) si autrefois, sous la loi, il n'y avait que la seule langue hébraïque qui fût l'interprète des secrets de Dieu, aujourd’hui par l'Evangile de Jésus-Christ toutes les langues sont consacrées, selon cet oracle de Daniel : « Toutes les langues serviront au Seigneur (2). » Etrange et inconcevable opération de cet Esprit qui souffle où il veut ! De toutes les parties de la terre où les Juifs étaient dispersés, il en était venu dans Jérusalem pour y célébrer la fête de la Pentecôte. Les apôtres parlent à cet auditoire

 

1 Isa., II, 3.— 3 Dan., VII, 14.

 

(a) Var. : Eu effet n'entendez-vous pas l'apôtre saint Pierre qui exhorte le peuple à la pénitence, qui annonce la rémission des péchés. — (b) par où l’on voit que le Saint-Esprit nous apprend que.

 

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mêlé de tant de peuples divers et de langues si différentes. Et cependant chacun les entend : le Romain et le Part ne, le Juif et le Grec, le Mède, l'Egyptien et l'Arabe, l'Africain , l'Européen et l'Asiatique; bien plus, dans un même discours des apôtres ils remarquent tous leur propre langue; il semble à chacun qu'on lui parle la langue que sa nourrice lui a apprise. Et c'est pour cela qu'ils s'écrient: « Ces hommes ne sont-ils pas Galiléens? Comment est-ce donc que chacun entend la langue dans laquelle il est né (a) (1) ? » Fidèles, que signifie ce nouveau prodige ? C'est que par la grâce du christianisme toutes les langues seront réunies, l'Eglise parlera tous les langages; il n'y en aura point ni de si rude ni de si barbare dans lequel la vérité de Dieu ne soit enseignée ; et les nations diverses entrant dans l'Eglise l'articulation à la vérité sera différente ; mais il n'y aura en quelque sorte qu'un même langage, parce que tous les peuples fidèles parmi la multiplicité des sons et des voix, n'auront tous qu'une même foi à la bouche et une même vérité dans le cœur.

Autrefois à la tour de Babel l'orgueil des hommes a partagé les langages (2); mais l'humilité de notre Sauveur les a aujourd'hui rassemblés; et la créance qui devait être commune à toutes les nations de la terre, est publiée dès le premier jour en toutes les langues. Par où vous voyez, chrétiens, selon que je l'ai déjà dit, que le mystère que nous honorons aujourd'hui avec tant de solennité (b), c'est la publication de la loi nouvelle. Or notre Dieu ne s'est pas contenté qu'elle ait été (c) publiée une fois ; il a établi pour toujours les prédicateurs, qui succédant à la fonction des apôtres, doivent être les hérauts de son Evangile. Et ainsi que puis-je faire de mieux en cette sainte et bienheureuse journée, que de rappeler en votre mémoire sous quelle loi vous avez à vivre? Ecoutez donc, peuples chrétiens, je vous dénonce au nom de Jésus par la parole duquel cette chaire vous doit être en vénération; je vous dénonce, dis-je, au nom de Jésus que vous n'êtes point sous la loi mosaïque; elle est annulée et ensevelie. Mais

 

1 Act., II, 7, 8. — 2 Genes., XI, 9.

 

(a) Var. ; Comment est-ce donc que nous entendons les langues dans lesquelles nous sommes nés?— (b) Que la fêle que nous célébrons.— (c) Qu'elle fut.

 

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Dieu vous a appelés à la loi de grâce, à l'Evangile, au Nouveau Testament, qui a été signé du sang du Sauveur et scellé aujourd'hui par l'Esprit de Dieu.

Et afin que vous entendiez quelle est la loi dont on vous délivre et quelle est la loi que l'on vous impose, je vous produis l'apôtre saint Paul, qui vous enseignera cette différence. « La lettre tue, dit-il, l'esprit vivifie. » La lettre, c'est la loi mosaïque; l'esprit, comme vous verrez, c'est la loi de grâce. Et ainsi en suivant l'apôtre saint Paul, faisons voir avec l'assistance divine (a), que la loi mosaïque nous tue, et qu'il n'y a que la loi nouvelle qui nous vivifie.

Pour pénétrer le sens de notre passage, il faut examiner avant toutes choses quelle est cette lettre dont parle l'Apôtre, quand il prononce : « La lettre tue. » Et premièrement il est assuré qu'il veut parler de la loi mosaïque. Mais d'autant que la loi mosaïque a plusieurs parties, on pourrait douter de laquelle il parle. Dans la loi il y a les préceptes cérémoniaux, comme la circoncision et les sacrifices ; et il y a les préceptes moraux, qui sont compris dans le Décalogue : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu; tu ne te feras point d'idole taillée; tu ne déroberas point, » et le reste (1). Quant aux préceptes cérémoniaux, il est très-constant que la lettre tue; d'autant que les cérémonies de la loi ne sont pas seulement abrogées, mais encore expressément condamnées dans la loi de grâce, suivant ce que dit saint Paul aux Galates : « Si vous vous faites circoncire, Jésus-Christ ne vous sert de rien (2). » Est-ce donc de cette partie de la loi qui ordonnait (b) les anciennes observations, que l'Apôtre décide que la lettre tue? Ou bien cette sentence plutôt ne doit-elle point s'appliquer à certaines expressions figurées qui sont en divers endroits de la loi, qui ont un sens très-pernicieux si on les explique trop à la lettre, desquelles pour cette raison on peut dire que la lettre tue? Ou si ce n'est ni l'une ni l'autre de ces deux choses que l'Apôtre veut désigner par ces mots, parle-t-il point peut-être du Décalogue? A quelle opinion nous rangerons-nous? Je réponds qu'il parle du Décalogue qui

 

1 Deuter., V, 8, 19. — 2 Galat., V, 2.

 

(a) Var. : Avec la grâce de Dieu. — (b) Disposait.

 

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fut donné à Moïse sur la montagne, et je le prouve par une raison invincible. Car dans ce même me chapitre de la IIe aux Corinthiens, où saint Paul nous enseigne que la lettre tue, immédiatement après parlant de la loi, il l'appelle « Le ministère de mort qui a été taillé dans la pierre : » Ministratio mortis, litteris deformata in lapidibus (1). Qu'est-ce qui a été gravé dans la pierre? Aucun de nous pourrait-il ignorer que ce sont les dix préceptes du Décalogue; que ces dix commandements de la loi, qui défendent le mal si ouvertement, c'est ce que l'Apôtre appelle la lettre qui tue? Et d'ailleurs le ministère de mort n'est-ce pas la lettre qui tue? Concluons donc maintenant et disons : Sans doute le ministère de mort et la lettre qui tue, c'est la même chose : or la loi qui a été gravée sur la pierre, c'est-à-dire les préceptes du Décalogue, selon saint Paul, c'est le ministère de mort; et partant les préceptes du Décalogue; ces préceptes si saints et si justes, selon la doctrine du saint Apôtre, sont indubitablement la lettre qui tue. Et pour confirmer cette vérité, le même, aux Romains, chapitre VII, que ne dit-il pas de la loi? « Je ne connaîtrais pas le péché, dit-il (2), si la loi n'avait dit : Tu ne convoiteras point. » Sur quoi l'incomparable saint Augustin raisonne ainsi très-doctement à son ordinaire (3) : Où est-ce que la loi dit : Tu ne convoiteras point? chacun sait que cela est écrit dans le Décalogue. C'est donc du Décalogue que parle l'Apôtre, et c'est ce qu'il entend par la loi. Et par conséquent lorsqu'il dit : « Les passions des péchés qui sont par la loi (4), » c'est du Décalogue qu'il parle. Et quand il répète si souvent la loi de péché et de mort, c'est encore du Décalogue qu'il parle.

 

Au lieu que la loi mosaïque avait été gravée sur des pierres, la loi de la nouvelle alliance, que Jésus est venu annoncer au monde, a été écrite dans le fond des cœurs comme dans des tables vivantes. C'est là le mystère que nous honorons; et c'est ce qu'avaient prédit les anciens oracles, qu'il y aurait un jour une loi nouvelle qui

 

1 II Cor., III, 7. — 2 Rom., VII, 7. — 3 Lib. de Spirit. et litt., n. 23, 24. — 4 Rom. , VII, 5.

 

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serait écrite dans l'esprit des hommes et gravée profondément dans les cœurs : Dabo legem meam in cordibus eorum (1). C'est pour cela que le Saint-Esprit remplit aujourd'hui l'Eglise naissante ; et que, non content de paraître aux yeux sous une apparence visible, il se coule efficacement dans les âmes pour leur enseigner au dedans ce que la loi leur montre au dehors.

Mais comme il importe que nous pénétrions ce que c'est que cette loi gravée dans les cœurs, et quelle est la nécessité de cette influence secrète de l'Esprit de Dieu dans nos âmes, écoutez l'apôtre saint Paul, qui nous expliquera ce mystère dans les quatre mots que j'ai rapportés : « La lettre tue, l'esprit vivifie. » Pour comprendre solidement sa pensée, remarquons deux grands effets de la loi : elle dirige ceux qui la reçoivent, elle condamne ceux qui la rejettent; elle est la règle des uns, le juge des autres : de sorte que nous pouvons distinguer comme deux qualités dans la loi. Il y a son équité qui dirige, il y a sa vérité qui condamne; et il faut nécessairement ou que nous suivions la première, ou que nous souffrions la seconde; c'est-à-dire que si l'équité ne nous règle, la sévérité nous accable; et que la force de la loi est telle, qu'il faut qu'elle nous gouverne ou qu'elle nous perde : ceux qui s'y attachent se rangent eux-mêmes en se conformant à la règle, ceux qui la choquent se brisent contre elle. La loi tue lorsqu'elle nous dit : Si tu n'obéis, tu mourras de mort (2); et la loi aussi vivifie, parce qu'il est écrit dans les saintes Lettres : «Fais ces choses et tu vivras ; » elle tue ceux qu'elle condamne, elle vivifie ceux qu'elle dirige. Mais il y a cette différence notable par laquelle nous connaîtrons le sens de l'Apôtre dans le passage que nous traitons : c'est que la loi suffit toute seule pour donner la mort au pécheur, et qu'elle ne suffit pas toute seule pour donner le salut au juste; et la raison en est évidente. Pour donner la mort au pécheur, c'est assez que la loi prononce au dehors la sentence qui le condamne, et c'est ce qu'elle fait toute seule avec une autorité souveraine; au contraire pour donner la vie, il faut qu'elle soit écrite au dedans, parce que c'est là qu'elle doit agir et elle n'y peut entrer par  ses propres forces; elle retentit aux

 

1 Jerem., XXXI, 33. — 2 Exod., XXI, 12 et seq.

 

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oreilles, elle brille devant les yeux ; mais elle ne pénètre point dans le cœur, il faut que le Saint-Esprit lui ouvre l'entrée; par où nous pouvons aisément comprendre le raisonnement de l'Apôtre. Tant que la loi demeure hors de nous, qu'elle frappe seulement les oreilles, elle ne sert qu'à nous condamner, c'est pourquoi c'est une lettre qui tue; et lorsqu'elle entre dans l'intérieur pour y opérer le salut des hommes, c'est le Saint-Esprit qui l'y grave, c'est pourquoi c'est l'Esprit qui nous vivifie. Comme nous sommes tout ensemble durs et ignorants, il ne suffit pas de nous enseigner ; il faut encore nous amollir. Ainsi vous n'avez rien fait, ô divin Sauveur, de nous avoir prêché au dehors les préceptes de votre Evangile, si vous ne parlez au dedans d'une manière secrète et intérieure par l'effusion de votre Esprit-Saint. De là il est facile d'entendre quelle est l'opération de la loi, et quelle est celle de l'Esprit de Dieu. Parce qu'il voit que la loi nous tue, quand elle agit seulement au dehors, il l'écrit dans le fond du cœur, afin qu'elle nous donne la vie. L'équité de la loi se présente à nous, sa sévérité nous menace;  et le Saint-Esprit qui nous meut, afin que nous puissions éviter la sévérité qui condamne, nous fait aimer l'équité qui règle ; de peur que nous soyons captifs sous la loi comme criminels, il fait que nous l'embrassons comme ses amis; et c'est ainsi qu'il nous vivifie. De sorte que tout le dessein de l'Apôtre dans le passage que nous expliquons, c'est en premier lieu de nous faire voir la loi ennemie de l'homme pécheur, qui le tue et qui le condamne ; et ensuite l'homme pécheur, devenu ami de la loi, qui l'embrasse et qui la chérit par l'opération de la grâce. Et qu'est-ce qu'écrire la loi dans nos cœurs, sinon faire que nous l'aimions d'une affection si puissante, que malgré tous les obstacles du monde, elle devienne la règle de notre vie?

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