Académie Française
Précédente Accueil Remonter
Bibliothèque

Accueil
Remonter
Saint André
Saint Jean
S. Th de Cantorbéry
Saint Sulpice
S. François de Sales
S. Pierre de Nolasque
Saint Joseph I
Saint Joseph II
Saint Benoît
S. François de Paule I
S. François de Paule II
Saint Pierre
Saint Paul
Saint Paul précis
Saint Victor
Saint Jacques précis
Saint Bernard
Saint Gorgon I
Saint Gorgon II
Saints Anges Gardiens
Saint François d'Assise
Sainte Thérèse
Sainte Catherine
Henriette de France
Henriette d'Angleterre
Anne d'Autriche
Anne de Gonzague
Michel Le Tellier
Louis de Bourbon
R.P. Bourgoing
Nicolas Cornet
Yolande de Monterby
Henri de Gornay
Académie Française

 

DISCOURS DE RÉCEPTION
A
L'ACADÉMIE  FRANÇAISE   (a).

 

RÉPONSE DE M.  CHARPENTIER, DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE, AU DISCOURS DE BOSSUET.

 

Messieurs,

 

Je sens plus que jamais la difficulté de parler, aujourd'hui que je dois parler devant les maîtres de l'art du bien dire, et dans une Compagnie où l'on voit paraître avec un égal avantage l'érudition et la politesse. Ce qui augmente ma peine, c'est qu'ayant abrégé en ma faveur vos formes et vos délais ordinaires, vous me pressez d'autant plus à vous témoigner ma reconnaissance, que vous vous êtes vous-mêmes pressés de me faire sentir les effets de vos bontés particulières; si bien que m'ayant ôté par la grandeur de vos grâces le moyen d'en parler dignement, la facilité de les accorder me prive encore du secours que je pouvais espérer de la méditation et du temps. A la vérité, Messieurs, s'il s'agissait seulement de vous exprimer les sentiments de mon cœur,

 

(a) Lu le 8 juin 1671.

Bossuet remplaça l'abbé Duchâtelet, Immortel qui est mort tout entier. Ou verra qu'il n'en parle pas dans Bon discours. En 1671 les académiciens pouvaient encore, en prenant possession du fauteuil, garder le silence sur leur prédécesseur; c'est l'usage, introduit par le savant Huet, puis fortifié par l'élégant Fléchier, qui les amis dans l'obligation de faire leur éloge funèbre.

Bossuet formule en deux mots les lois de la langue française : elle doit avoir la liberté de la force et la retenue du jugement; elle doit être soumise aux règles qui préviennent les écarts de l'imagination, et tout ensemble affranchie des entraves qui éteignent le feu de l'esprit et affaiblissent la vigueur du style. Quintillien a dit : Apud est latinè, aliud grammaticè loqui ( Instit., I, 6.). Ce mot peut s'appliquer à notre langue, que certaines règles nouvelles mettent souvent à la gêne; mais aussi les licences des auteurs impatiens de tout joug la ramènent droit à la barbarie.

Nous donnons la réponse que Charpentier fit au discours de Bossuet. Le lecteur trouvera sans doute que le directeur de l'Académie parle de la vertu et du mérite à peu près comme les auteurs païens.

 

701

 

il ne faudrait ni étude ni application pour s'acquitter de ce devoir. Mais si je me contentais de vous donner ces marques de reconnaissance, que la nature apprend à tous les hommes, sans exposer les raisons qui me font paraître ma réception dans cette illustre Compagnie si avantageuse et si honorable, ne serait-ce pas me rendre indigne d'entrer dans un Corps si célèbre, et démentir en quelque sorte l'honneur que vous m'avez fait par votre choix ? Il faut donc vous dire, Messieurs, que je ne regarde pas seulement cette Académie comme une assemblée d'hommes sa-vans, que l'amour et la connaissance des belles-lettres unissent ensemble. Quand je remonte jusqu'à la source de votre institution, un si bel établissement élève plus haut mes pensées. Oui, Messieurs, c'est cette ardeur infatigable qui animait le grand cardinal de Richelieu à porter au plus haut degré la gloire de la France ; c'est, dis-je, cette même ardeur qui lui inspira le dessein de former cette Compagnie. En effet s'il est véritable, comme disait l'Orateur romain, que la gloire consiste, ou bien à faire des actions qui soient dignes d'être écrites, ou bien à composer des écrits qui méritent d'être lus, ne fallait-il pas, Messieurs, que ce génie incomparable joignît ces deux choses pour accomplir son ouvrage? C'est aussi ce qu'il a exécuté heureusement. Pendant que les François animés de ses conseils vigoureux, méritaient par des exploits inouïs que les plumes les plus éloquentes publiassent leurs louanges, il prenait soin d'assembler dans la ville capitale du royaume l'élite des plus illustres écrivains de France, pour en composer votre Corps. Il entreprit de faire en sorte que la France fournît tout ensemble, et la matière et la forme des plus excellents discours ; qu'elle fût en même temps docte et conquérante, qu'elle ajoutât l'empire des lettres à l'avantage glorieux, qu'elle avait toujours conservé de commander par les armes. Et certainement, Messieurs, ces deux choses se fortifient et se soutiennent mutuellement. Comme les actions héroïques animent ceux qui écrivent, ceux-ci réciproquement vont remuer par le désir de la gloire ce qu'il y a de plus vif dans les grands courages, qui ne sont jamais plus capables de ces généreux efforts par lesquels l'homme est élevé au-dessus de ses propres forces, que

 

702

 

lorsqu'ils sont touchés de cette belle espérance de laisser à leurs descendants, à leur Maison, à l'Etat, des exemples toujours vivants de leur vertu et des monuments éternels de leurs mémorables entreprises. Et quelles mains peuvent dresser ces monuments éternels, si ce n'est ces savantes mains qui impriment à leurs ouvrages ce caractère de perfection que le temps et la postérité respectent? C’est le plus grand effet de l'éloquence.

Mais, Messieurs, l'éloquence est morte, toutes ses couleurs s'effacent, toutes ses grâces s'évanouissent, si l'on ne s'applique avec soin à fixer en quelque sorte les langues et à les rendre durables. Car comment peut-on confier des actions immortelles à des langues toujours incertaines et toujours changeantes; et la nôtre en particulier pouvait-elle promettre l'immortalité, elle dont nous voyons tous les jours passer les beautés, et qui devenait barbare à la France même dans le cours de peu d'années? Quoi donc! la langue française ne devait-elle jamais espérer de produire des écrits qui pussent plaire à nos descendants? et pour méditer des ouvrages immortels, fallait-il toujours emprunter le langage de Rome et d'Athènes? Qui ne voit qu'il fallait plutôt pour la gloire de la nation former la langue française, afin qu'on vit prendre à nos discours un tour plus libre et plus vif, dans une phrase qui nous fût plus naturelle, et qu'affranchis de la sujétion d'être toujours de faibles copies, nous pussions enfin aspirer à la gloire et à la beauté des originaux ? Vous avez été choisis, Messieurs, pour ce beau dessein, sous l'illustre protection de ce grand homme, qui ne possède pas moins les règles de l'éloquence que de l'ordre et de la justice, et qui préside depuis tant d'années aux conseils du Roi, autant par la supériorité de son génie que par l'autorité de sa charge. L'usage, je le confesse, est appelé avec raison le père des langues. Le droit de les établir, aussi bien que de les régler, n'a jamais été disputé à la multitude ; mais si cette liberté ne veut pas être contrainte, elle souffre toutefois d'être dirigée. Vous êtes, Messieurs, un conseil réglé et perpétuel, dont le crédit, établi sur l'approbation publique, peut réprimer les bizarreries de l'usage, et tempérer les dérèglements de cet empire trop populaire. C'est le fruit que nous espérons recevoir bientôt

 

703

 

de cet ouvrage admirable que vous méditez ; je veux dire ce trésor de la langue si docte dans ses recherches, si judicieux dans ses remarques, si riche et si fertile dans ses expressions. Telle est donc l'institution de l'Académie : elle est née pour élever la langue française à la perfection de la langue grecque et de la langue latine. Aussi a-t-on vu par vos ouvrages qu'on peut, en parlant français, joindre la délicatesse et la pureté attique à la majesté romaine. C'est ce qui fait que toute l'Europe apprend vos écrits; et quelque peine qu'ait l'Italie d'abandonner tout à fait l'empire, elle est prête à vous céder celui de la politesse et des sciences. Par vos travaux et. par votre exemple, les véritables beautés du style se découvrent de plus en plus dans les ouvrages français, puisqu'on y voit la hardiesse, qui convient à la liberté, mêlée à la retenue qui est l'effet du jugement et du choix. La licence est restreinte par les préceptes ; et toutefois vous prenez garde qu'une trop scrupuleuse régularité, qu'une délicatesse trop molle, n'éteigne le feu des esprits et n'affaiblisse la vigueur du style. Ainsi nous pouvons dire, Messieurs, que la justesse est devenue par vos soins le partage de notre langue, qui ne peut plus rien endurer ni d'affecté ni de bas : si bien qu'étant sortie des jeux de l'enfance et de l'ardeur d'une jeunesse emportée, formée par l'expérience et réglée par le bon sens, elle semble avoir atteint la perfection qui donne la consistance. La réputation toujours fleurissante de vos écrits et leur éclat toujours vif, l'empêcheront de perdre ses grâces ; et nous pouvons espérer qu'elle vivra dans l'état où vous l'avez mise, autant que durera l'empire français, et que la Maison de saint Louis présidera à toute l'Europe. Continuez donc, Messieurs, à employer une langue si majestueuse à des sujets dignes d'elle. L'éloquence, vous le savez, ne se contente pas seulement de plaire : soit que la parole retienne sa liberté naturelle dans l'étendue de la prose; soit que resserrée dans la mesure des vers, et plus libre encore d'une autre sorte, elle prenne un vol plus hardi dans la poésie, toujours est-il véritable que l'éloquence n'est inventée, ou plutôt qu'elle n'est inspirée d'en haut que pour enflammer les hommes à la vertu; et ce serait, dit saint Augustin, la rabaisser trop indignement que de lui faire consumer ses forces

 

704

 

dans le soin de rendre agréables des choses qui sont inutiles. Mais si vous voulez conserver au monde cette grande, cette sérieuse, cette véritable éloquence, résistez à une critique importune, qui tantôt flattant la paresse par une fausse apparence de facilité, tantôt faisant la docte et la curieuse par de bizarres raffinement, ne laisserait à la fin aucun lieu à l'art, et nous ferait retomber dans la barbarie. Faites paraître à sa place une critique sévère, mais raisonnable, et travaillez sans relâche à vous surpasser tous les jours vous-mêmes, puisque telle est tout ensemble la grandeur et la faiblesse de l'esprit humain, que nous ne pouvons égaler nos propres idées, tant celui qui nous a formés a pris soin de marquer son infinité.

Au milieu de nos défauts, un grand objet se présente pour soutenir la grandeur des pensées et la majesté du style. Un Roi a été donné à nos jours, que vous nous pouvez figurer en cent emplois glorieux et sous cent titres augustes ; grand dans la paix et dans la guerre, au dedans et au dehors, dans le particulier et dans le public, on l'admire, on le craint, on l'aime. De loin il étonne, de près il attache; industrieux par sa bonté à faire trouver mille secrets agréments dans un seul bienfait ; d'un esprit vaste, pénétrant, réglé, il conçoit tout, il dit ce qu'il faut, il connaît et les affaires et les hommes; il les choisit, il les forme, il les applique dans le temps, il sait les renfermer dans leurs fonctions; puissant, magnifique, juste, veut-il prendre ses résolutions, la droite raison est sa conseillère; après il se soutient, il se suit lui-même, il faut que tout cède à sa fermeté et à sa vigueur invincible. Le voilà, Messieurs, ce digne sujet de vos discours et de vos chants héroïques. Le voyez-vous ce grand Roi dans ses nouvelles conquêtes, disputant aux Romains la gloire des grands travaux, comme il leur a toujours disputé celle des grandes actions? Des hauteurs orgueilleuses menaçaient ses places; elles s'abaissent en un moment à ses pieds, et sont prêtes à subir le joug qu'il impose. On élève des montagnes dans les remparts, on creuse des abîmes dans les fossés : la terre ne se reconnaît plus elle-même, et change tous les jours de forme sous les mains de ses soldats, qui trouvent sous les yeux du Roi de nouvelles forces, et qui en faisant les

 

705

 

forteresses s'animent à les défendre. Vous avez souvent admiré l'ordre de sa maison; considérez la discipline de ses troupes, où la licence n'est pas seulement connue, et qui ne sont plus redoutées que par l'ennemi. Ces choses sont merveilleuses, incroyables, inouïes; mais son génie, son cœur, sa fortune, lui promettent je ne sais quoi de plus grand encore. De quelque côté qu'il se tourne, ses ennemis redoutent ses moindres démarches; ils sentent sa force et son ascendant, et leur fierté affectée couvre mal leur crainte et leur désespoir. Finissons : car où m'emporterait l'ardeur qui me presse? Il aime et les savants et les sciences; c'est à elles pour ainsi dire qu'il a voulu confier le plus précieux dépôt de l'Etat ; il veut qu'elles cultivent l'esprit le plus vif et le plus beau naturel du monde. Ce Dauphin, cet aimable prince, surmonte heureusement les premières difficultés des études; et s'il n'est pas rebuté par les épines, quelle sera son ardeur quand il pourra cueillir les fleurs et les fruits? On vous nourrit, Messieurs, un grand protecteur; si nos vœux sont exaucés, si nos soins prospèrent, ce prince ne sera pas seulement un jour le digne sujet de vos discours ; il en connaîtra les beautés, il en aimera les douceurs, il en couronnera le mérite.

 

707

 

RÉPONSE DE M.  CHARPENTIER,
DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE,
AU DISCOURS DE BOSSUET.

 

Monsieur,

 

Après avoir remporté des applaudissements de toute la France par vos célèbres prédications, après avoir été élevé à la première dignité de l'Eglise par le concours de la puissance royale et de l'autorité du Saint-Siège, après avoir mérité le choix de notre auguste monarque pour l'éducation du premier prince de toute la terre ; après, dis-je, tant d'événements éclatants qui vous comblent de gloire de tous cotés, aviez-vous encore quelque chose à souhaiter?

Cependant, Monsieur, votre arrivée en ce lieu-ci, qui apporte un si grand ornement à la Compagnie; ces paroles obligeantes qu'elle a ouïes de votre bouche, cet agréable épanouissement de cœur et de visage que vous lui faites paraître, marquent bien que vous avez regardé l'occasion présente comme la matière d'une nouvelle joie qui vous était offerte, et que vous avez voulu ajouter le nom d'académicien aux titres sublimes d'orateur chrétien, d'évêque et de précepteur de monseigneur le Dauphin.

Vous ne nous surprenez point, Monsieur, par cette pensée, qui ne fait que confirmer ce que la voix de la renommée avait déjà publié de votre mérite. Vous justifiez par là votre bonne fortune; et cet amour déclaré des bonnes lettres fait connaître évidemment une des causes de votre prospérité auprès d'un Roi si éclairé, et qui se plait à distribuer les plus grandes récompenses aux plus vertueux. Il n'est pas malaisé de croire qu'un homme qui a paru avec autant d'éclat que vous avez fait, Monsieur, ait de la doctrine et de l'éloquence ; il n'est pas malaisé de croire qu'avec ces talents, il s'élève aux premières places. Mais qu'après avoir acquis tant de réputation et de dignité, il se fasse encore un honneur d'entrer dans nos exercices académiques, c'est ce qu'il n'est pas aisé de croire , parce que peu de gens sont capables de ces généreux sentiments et de cette noblesse d’âme.

Il en faut assurément beaucoup; il faut beaucoup d'élévation d'esprit, et en même temps un grand discernement pour envisager la beauté de l'étude sous le dais et dans les balustres. Il règne, parmi le

 

707

 

grand monde, je ne sais quelle contagion de faste et d'orgueil qui combat étrangement la simplicité de la philosophie; et quiconque peut conserver dans son cœur l'estime qu'on en doit faire, parmi tant d'objets qui semblent en inspirer le mépris, peut s'assurer qu'il est au-dessus des opinions vulgaires, et que sa raison est victorieuse de l'erreur.

C'est sans doute la connaissance de la vérité et l'amour du bien qui mettent de la distinction entre les hommes. La Cour a son peuple aussi bien que la ville ; la pourpre couvre quelquefois des âmes basses ou médiocres; et ce n'est point la splendeur de la naissance, ni la grandeur des emplois, ni l'abondance des richesses qui font les hommes extraordinaires. Tous ces avantages véritablement ne sont pas inutiles; mais ce ne sont pas ceux sur qui roule la félicité, ni d'où se tire la véritable louange. Le mérite personnel, ce mérite qui trouve en soi-même sa récompense, et qui n'en voit point au dehors de si élevée où il n'ait droit de prétendre, est quelque chose de plus excellent que les grandeurs et que le richesses; mais c'est un bien qui se trouve rarement, et si rarement qu'il semble que le ciel soit prodigue de tous les autres biens en comparaison de celui-ci, dont il est très-avare. Cela veut dire qu'il est plus aisé de faire une grande fortune que d'être un parfaitement honnête homme, parce que la fortune se peut présenter par mille voies différentes, au lieu que ce mérite personnel qui fait l'honnête homme, ne se peut acquérir ni se conserver qu'en cultivant son âme par les plus belles connaissances, et en faisant une profession continuelle de la vertu : de sorte que celui qui prend ce soin de lui-même; qui au milieu des grandeurs en estime moins la possession que ce qui l'en rend digne ; qui en tout temps, en tout âge, en tout état s'efforce de se conserver par l'exercice ces excellentes habitudes qui s'évanouiraient peut-être par la négligence, de même que les arts s'oublient faute de les pratiquer, doit être considéré comme un homme que le Ciel a libéralement et pleinement pourvu de cette qualité précieuse, de ce mérite si estimé et si rare. Je n'oserais, Monsieur, en votre présence, faire l'application de cette vérité sur votre personne ; mais je suis très-assuré que l'action que vous venez de faire ne sera point oubliée parmi vos éloges.

L'Eglise a toujours eu des prélats qui n'ont pas moins attiré de vénération sur eux par l'éminence de leur savoir que par la majesté de leur sacerdoce. Le grand saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Augustin, saint Ambroise, Synesius, évêque de Cyrène, le patriarche Photius, Eusèbe, l'ami de Pamphile, et mille autres ont été l'admiration de leur siècle; et l'obligation immortelle que les studieux ont aux ouvrages de ce dernier, fait que nous avons presque oublié son hérésie, ou que nous ne nous en souvenons que pour déplorer son malheur.

 

708

 

Vous marchez, Monsieur, sur les pas de ces illustres évêques de l'antiquité ; et pour vous trouver des vestiges plus frais, vous marchez sur les pas de l'incomparable cardinal de Richelieu, notre premier protecteur, qui nous a assemblés, qui nous a obtenu les premières grâces royales ; et qui nous aurait laissé un regret éternel de sa perte, s'il n'avait eu pour successeur monseigneur le chancelier, qui par sa constante affection envers l'Académie, l'a maintenue, l'a agrandie, l'a honorée. Vous marchez sur les pas du cardinal du Perron, des Bembes, des Sadolets, des Bentivoles, et des autres ornements du sacré Collège, qui ont cru qu'il ne leur était pas moins glorieux de se parer de l'immortelle verdure des lauriers du Parnasse, que de se distinguer par l'éclat éblouissant de la pourpre romaine.

Que n'attend point de vous la France? Que n'attcnd-elle point de ces nobles mouvements de votre âme, dans l'emploi où vous êtes auprès de ce jeune Prince qui fait aujourd'hui l'espérance de l'Etat, et qui doit un jour en faire la félicité? Tandis que son père, tout brillant de l'éclat de ses victoires et de ses vertus, visite ses frontières, assure ses conquêtes, affermit ses alliés et dissipe les nuages que l'envie ou l'injuste frayeur peuvent élever contre sa juste prospérité, c'est sur vous qu'il se repose de l'instruction de ce cher fils, et à qui il confie le soin de l'introduire dans les mystères des Muses, sans le secours desquelles on trouve quelque chose à dire dans la fortune des plus grands princes. Une fonction si importante, et qui vous rend si nécessaire auprès de sa personne sacrée, ne nous permet pas de crone que nous puissions souvent jouir de votre présence; mais elle ne nous défend pas d'espérer que nous serons souvent présents à votre mémoire, et quelquefois même à vos entretiens, et que vous inspirerez à ce jeune héros les bons sentiments qu'il doit avoir pour une Compagnie qui ne souhaite que sa gloire, et qui va bientôt s'employer à la répandre par toute la terre. J'oserais répondre, Monsieur, que vous en userez de la sorte. Monseigneur le Dauphin n'apprendra point que son illustre précepteur ait voulu entrer dans cette Compagnie, sans en concevoir en même temps une haute idée ; et vous ne rencontrerez point une si favorable disposition dans son esprit, sans en même temps l'appuyer et la fortifier. Le bonheur de l'Académie nous a donné votre estime; c'est a vous, Monsieur, à nous donner celle de monseigneur le Dauphin : et ainsi il se trouvera que cette heureuse journée, en nous procurant un confrère aussi illustre que vous, nous aura procuré l'appui d'un Prince aussi puissant que votre royal disciple.

 

FIN   DU   DOUZIÈME   VOLUME

 

(CINQUIÈME VOLUME DES SERMONS).

Précédente Accueil