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DISCOURS DE RÉCEPTION
A
L'ACADÉMIE FRANÇAISE (a).
RÉPONSE DE M. CHARPENTIER, DIRECTEUR DE
L’ACADÉMIE, AU DISCOURS DE BOSSUET.
Messieurs,
Je sens plus que jamais la
difficulté de parler, aujourd'hui que je dois parler devant les maîtres de l'art
du bien dire, et dans une Compagnie où l'on voit paraître avec un égal avantage
l'érudition et la politesse. Ce qui augmente ma peine, c'est qu'ayant abrégé en
ma faveur vos formes et vos délais ordinaires, vous me pressez d'autant plus à
vous témoigner ma reconnaissance, que vous vous êtes vous-mêmes pressés de me
faire sentir les effets de vos bontés particulières; si bien que m'ayant ôté par
la grandeur de vos grâces le moyen d'en parler dignement, la facilité de les
accorder me prive encore du secours que je pouvais espérer de la méditation et
du temps. A la vérité, Messieurs, s'il s'agissait seulement de vous exprimer les
sentiments de mon cœur,
(a) Lu le 8 juin 1671.
Bossuet remplaça l'abbé Duchâtelet, Immortel qui est mort
tout entier. Ou verra qu'il n'en parle pas dans Bon discours. En 1671 les
académiciens pouvaient encore, en prenant possession du fauteuil, garder le
silence sur leur prédécesseur; c'est l'usage, introduit par le savant Huet, puis
fortifié par l'élégant Fléchier, qui les amis dans l'obligation de faire leur
éloge funèbre.
Bossuet formule en deux mots les lois de la langue
française : elle doit avoir la liberté de la force et la retenue du jugement;
elle doit être soumise aux règles qui préviennent les écarts de l'imagination,
et tout ensemble affranchie des entraves qui éteignent le feu de l'esprit et
affaiblissent la vigueur du style. Quintillien a dit : Apud est latinè, aliud
grammaticè loqui ( Instit., I, 6.). Ce mot peut s'appliquer à notre
langue, que certaines règles nouvelles mettent souvent à la gêne; mais aussi les
licences des auteurs impatiens de tout joug la ramènent droit à la barbarie.
Nous donnons la réponse que Charpentier fit au discours de
Bossuet. Le lecteur trouvera sans doute que le directeur de l'Académie parle de
la vertu et du mérite à peu près comme les auteurs païens.
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il ne faudrait ni étude ni application pour s'acquitter de
ce devoir. Mais si je me contentais de vous donner ces marques de
reconnaissance, que la nature apprend à tous les hommes, sans exposer les
raisons qui me font paraître ma réception dans cette illustre Compagnie si
avantageuse et si honorable, ne serait-ce pas me rendre indigne d'entrer dans un
Corps si célèbre, et démentir en quelque sorte l'honneur que vous m'avez fait
par votre choix ? Il faut donc vous dire, Messieurs, que je ne regarde pas
seulement cette Académie comme une assemblée d'hommes sa-vans, que l'amour et la
connaissance des belles-lettres unissent ensemble. Quand je remonte jusqu'à la
source de votre institution, un si bel établissement élève plus haut mes
pensées. Oui, Messieurs, c'est cette ardeur infatigable qui animait le grand
cardinal de Richelieu à porter au plus haut degré la gloire de la France ;
c'est, dis-je, cette même ardeur qui lui inspira le dessein de former cette
Compagnie. En effet s'il est véritable, comme disait l'Orateur romain, que la
gloire consiste, ou bien à faire des actions qui soient dignes d'être écrites,
ou bien à composer des écrits qui méritent d'être lus, ne fallait-il pas,
Messieurs, que ce génie incomparable joignît ces deux choses pour accomplir son
ouvrage? C'est aussi ce qu'il a exécuté heureusement. Pendant que les François
animés de ses conseils vigoureux, méritaient par des exploits inouïs que les
plumes les plus éloquentes publiassent leurs louanges, il prenait soin
d'assembler dans la ville capitale du royaume l'élite des plus illustres
écrivains de France, pour en composer votre Corps. Il entreprit de faire en
sorte que la France fournît tout ensemble, et la matière et la forme des plus
excellents discours ; qu'elle fût en même temps docte et conquérante, qu'elle
ajoutât l'empire des lettres à l'avantage glorieux, qu'elle avait toujours
conservé de commander par les armes. Et certainement, Messieurs, ces deux choses
se fortifient et se soutiennent mutuellement. Comme les actions héroïques
animent ceux qui écrivent, ceux-ci réciproquement vont remuer par le désir de la
gloire ce qu'il y a de plus vif dans les grands courages, qui ne sont jamais
plus capables de ces généreux efforts par lesquels l'homme est élevé au-dessus
de ses propres forces, que
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lorsqu'ils sont touchés de cette belle espérance de laisser
à leurs descendants, à leur Maison, à l'Etat, des exemples toujours vivants de
leur vertu et des monuments éternels de leurs mémorables entreprises. Et quelles
mains peuvent dresser ces monuments éternels, si ce n'est ces savantes mains qui
impriment à leurs ouvrages ce caractère de perfection que le temps et la
postérité respectent? C’est le plus grand effet de l'éloquence.
Mais, Messieurs, l'éloquence est
morte, toutes ses couleurs s'effacent, toutes ses grâces s'évanouissent, si l'on
ne s'applique avec soin à fixer en quelque sorte les langues et à les rendre
durables. Car comment peut-on confier des actions immortelles à des langues
toujours incertaines et toujours changeantes; et la nôtre en particulier
pouvait-elle promettre l'immortalité, elle dont nous voyons tous les jours
passer les beautés, et qui devenait barbare à la France même dans le cours de
peu d'années? Quoi donc! la langue française ne devait-elle jamais espérer de
produire des écrits qui pussent plaire à nos descendants? et pour méditer des
ouvrages immortels, fallait-il toujours emprunter le langage de Rome et
d'Athènes? Qui ne voit qu'il fallait plutôt pour la gloire de la nation former
la langue française, afin qu'on vit prendre à nos discours un tour plus libre et
plus vif, dans une phrase qui nous fût plus naturelle, et qu'affranchis de la
sujétion d'être toujours de faibles copies, nous pussions enfin aspirer à la
gloire et à la beauté des originaux ? Vous avez été choisis, Messieurs, pour ce
beau dessein, sous l'illustre protection de ce grand homme, qui ne possède pas
moins les règles de l'éloquence que de l'ordre et de la justice, et qui préside
depuis tant d'années aux conseils du Roi, autant par la supériorité de son génie
que par l'autorité de sa charge. L'usage, je le confesse, est appelé avec raison
le père des langues. Le droit de les établir, aussi bien que de les régler, n'a
jamais été disputé à la multitude ; mais si cette liberté ne veut pas être
contrainte, elle souffre toutefois d'être dirigée. Vous êtes, Messieurs, un
conseil réglé et perpétuel, dont le crédit, établi sur l'approbation publique,
peut réprimer les bizarreries de l'usage, et tempérer les dérèglements de cet
empire trop populaire. C'est le fruit que nous espérons recevoir bientôt
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de cet ouvrage admirable que vous méditez ; je veux dire ce
trésor de la langue si docte dans ses recherches, si judicieux dans ses
remarques, si riche et si fertile dans ses expressions. Telle est donc
l'institution de l'Académie : elle est née pour élever la langue française à la
perfection de la langue grecque et de la langue latine. Aussi a-t-on vu par vos
ouvrages qu'on peut, en parlant français, joindre la délicatesse et la pureté
attique à la majesté romaine. C'est ce qui fait que toute l'Europe apprend vos
écrits; et quelque peine qu'ait l'Italie d'abandonner tout à fait l'empire, elle
est prête à vous céder celui de la politesse et des sciences. Par vos travaux
et. par votre exemple, les véritables beautés du style se découvrent de plus en
plus dans les ouvrages français, puisqu'on y voit la hardiesse, qui convient à
la liberté, mêlée à la retenue qui est l'effet du jugement et du choix. La
licence est restreinte par les préceptes ; et toutefois vous prenez garde qu'une
trop scrupuleuse régularité, qu'une délicatesse trop molle, n'éteigne le feu des
esprits et n'affaiblisse la vigueur du style. Ainsi nous pouvons dire,
Messieurs, que la justesse est devenue par vos soins le partage de notre langue,
qui ne peut plus rien endurer ni d'affecté ni de bas : si bien qu'étant sortie
des jeux de l'enfance et de l'ardeur d'une jeunesse emportée, formée par
l'expérience et réglée par le bon sens, elle semble avoir atteint la perfection
qui donne la consistance. La réputation toujours fleurissante de vos écrits et
leur éclat toujours vif, l'empêcheront de perdre ses grâces ; et nous pouvons
espérer qu'elle vivra dans l'état où vous l'avez mise, autant que durera
l'empire français, et que la Maison de saint Louis présidera à toute l'Europe.
Continuez donc, Messieurs, à employer une langue si majestueuse à des sujets
dignes d'elle. L'éloquence, vous le savez, ne se contente pas seulement de
plaire : soit que la parole retienne sa liberté naturelle dans l'étendue de la
prose; soit que resserrée dans la mesure des vers, et plus libre encore d'une
autre sorte, elle prenne un vol plus hardi dans la poésie, toujours est-il
véritable que l'éloquence n'est inventée, ou plutôt qu'elle n'est inspirée d'en
haut que pour enflammer les hommes à la vertu; et ce serait, dit saint Augustin,
la rabaisser trop indignement que de lui faire consumer ses forces
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dans le soin de rendre agréables des choses qui sont
inutiles. Mais si vous voulez conserver au monde cette grande, cette sérieuse,
cette véritable éloquence, résistez à une critique importune, qui tantôt
flattant la paresse par une fausse apparence de facilité, tantôt faisant la
docte et la curieuse par de bizarres raffinement, ne laisserait à la fin aucun
lieu à l'art, et nous ferait retomber dans la barbarie. Faites paraître à sa
place une critique sévère, mais raisonnable, et travaillez sans relâche à vous
surpasser tous les jours vous-mêmes, puisque telle est tout ensemble la grandeur
et la faiblesse de l'esprit humain, que nous ne pouvons égaler nos propres
idées, tant celui qui nous a formés a pris soin de marquer son infinité.
Au milieu de nos défauts, un
grand objet se présente pour soutenir la grandeur des pensées et la majesté du
style. Un Roi a été donné à nos jours, que vous nous pouvez figurer en cent
emplois glorieux et sous cent titres augustes ; grand dans la paix et dans la
guerre, au dedans et au dehors, dans le particulier et dans le public, on
l'admire, on le craint, on l'aime. De loin il étonne, de près il attache;
industrieux par sa bonté à faire trouver mille secrets agréments dans un seul
bienfait ; d'un esprit vaste, pénétrant, réglé, il conçoit tout, il dit ce qu'il
faut, il connaît et les affaires et les hommes; il les choisit, il les forme, il
les applique dans le temps, il sait les renfermer dans leurs fonctions;
puissant, magnifique, juste, veut-il prendre ses résolutions, la droite raison
est sa conseillère; après il se soutient, il se suit lui-même, il faut que tout
cède à sa fermeté et à sa vigueur invincible. Le voilà, Messieurs, ce digne
sujet de vos discours et de vos chants héroïques. Le voyez-vous ce grand Roi
dans ses nouvelles conquêtes, disputant aux Romains la gloire des grands
travaux, comme il leur a toujours disputé celle des grandes actions? Des
hauteurs orgueilleuses menaçaient ses places; elles s'abaissent en un moment à
ses pieds, et sont prêtes à subir le joug qu'il impose. On élève des montagnes
dans les remparts, on creuse des abîmes dans les fossés : la terre ne se
reconnaît plus elle-même, et change tous les jours de forme sous les mains de
ses soldats, qui trouvent sous les yeux du Roi de nouvelles forces, et qui en
faisant les
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forteresses s'animent à les défendre. Vous avez souvent
admiré l'ordre de sa maison; considérez la discipline de ses troupes, où la
licence n'est pas seulement connue, et qui ne sont plus redoutées que par
l'ennemi. Ces choses sont merveilleuses, incroyables, inouïes; mais son génie,
son cœur, sa fortune, lui promettent je ne sais quoi de plus grand encore. De
quelque côté qu'il se tourne, ses ennemis redoutent ses moindres démarches; ils
sentent sa force et son ascendant, et leur fierté affectée couvre mal leur
crainte et leur désespoir. Finissons : car où m'emporterait l'ardeur qui me
presse? Il aime et les savants et les sciences; c'est à elles pour ainsi dire
qu'il a voulu confier le plus précieux dépôt de l'Etat ; il veut qu'elles
cultivent l'esprit le plus vif et le plus beau naturel du monde. Ce Dauphin, cet
aimable prince, surmonte heureusement les premières difficultés des études; et
s'il n'est pas rebuté par les épines, quelle sera son ardeur quand il pourra
cueillir les fleurs et les fruits? On vous nourrit, Messieurs, un grand
protecteur; si nos vœux sont exaucés, si nos soins prospèrent, ce prince ne sera
pas seulement un jour le digne sujet de vos discours ; il en connaîtra les
beautés, il en aimera les douceurs, il en couronnera le mérite.
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RÉPONSE DE
M. CHARPENTIER,
DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE,
AU DISCOURS DE BOSSUET.
Monsieur,
Après avoir remporté des
applaudissements de toute la France par vos célèbres prédications, après avoir
été élevé à la première dignité de l'Eglise par le concours de la puissance
royale et de l'autorité du Saint-Siège, après avoir mérité le choix de notre
auguste monarque pour l'éducation du premier prince de toute la terre ; après,
dis-je, tant d'événements éclatants qui vous comblent de gloire de tous cotés,
aviez-vous encore quelque chose à souhaiter?
Cependant, Monsieur, votre
arrivée en ce lieu-ci, qui apporte un si grand ornement à la Compagnie; ces
paroles obligeantes qu'elle a ouïes de votre bouche, cet agréable épanouissement
de cœur et de visage que vous lui faites paraître, marquent bien que vous avez
regardé l'occasion présente comme la matière d'une nouvelle joie qui vous était
offerte, et que vous avez voulu ajouter le nom d'académicien aux titres sublimes
d'orateur chrétien, d'évêque et de précepteur de monseigneur le Dauphin.
Vous ne nous surprenez point,
Monsieur, par cette pensée, qui ne fait que confirmer ce que la voix de la
renommée avait déjà publié de votre mérite. Vous justifiez par là votre bonne
fortune; et cet amour déclaré des bonnes lettres fait connaître évidemment une
des causes de votre prospérité auprès d'un Roi si éclairé, et qui se plait à
distribuer les plus grandes récompenses aux plus vertueux. Il n'est pas malaisé
de croire qu'un homme qui a paru avec autant d'éclat que vous avez fait,
Monsieur, ait de la doctrine et de l'éloquence ; il n'est pas malaisé de croire
qu'avec ces talents, il s'élève aux premières places. Mais qu'après avoir acquis
tant de réputation et de dignité, il se fasse encore un honneur d'entrer dans
nos exercices académiques, c'est ce qu'il n'est pas aisé de croire , parce que
peu de gens sont capables de ces généreux sentiments et de cette noblesse d’âme.
Il en faut assurément beaucoup;
il faut beaucoup d'élévation d'esprit, et en même temps un grand discernement
pour envisager la beauté de l'étude sous le dais et dans les balustres. Il
règne, parmi le
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grand monde, je ne sais quelle contagion de faste et
d'orgueil qui combat étrangement la simplicité de la philosophie; et quiconque
peut conserver dans son cœur l'estime qu'on en doit faire, parmi tant d'objets
qui semblent en inspirer le mépris, peut s'assurer qu'il est au-dessus des
opinions vulgaires, et que sa raison est victorieuse de l'erreur.
C'est sans doute la connaissance
de la vérité et l'amour du bien qui mettent de la distinction entre les hommes.
La Cour a son peuple aussi bien que la ville ; la pourpre couvre quelquefois des
âmes basses ou médiocres; et ce n'est point la splendeur de la naissance, ni la
grandeur des emplois, ni l'abondance des richesses qui font les hommes
extraordinaires. Tous ces avantages véritablement ne sont pas inutiles; mais ce
ne sont pas ceux sur qui roule la félicité, ni d'où se tire la véritable
louange. Le mérite personnel, ce mérite qui trouve en soi-même sa récompense, et
qui n'en voit point au dehors de si élevée où il n'ait droit de prétendre, est
quelque chose de plus excellent que les grandeurs et que le richesses; mais
c'est un bien qui se trouve rarement, et si rarement qu'il semble que le ciel
soit prodigue de tous les autres biens en comparaison de celui-ci, dont il est
très-avare. Cela veut dire qu'il est plus aisé de faire une grande fortune que
d'être un parfaitement honnête homme, parce que la fortune se peut présenter par
mille voies différentes, au lieu que ce mérite personnel qui fait l'honnête
homme, ne se peut acquérir ni se conserver qu'en cultivant son âme par les plus
belles connaissances, et en faisant une profession continuelle de la vertu : de
sorte que celui qui prend ce soin de lui-même; qui au milieu des grandeurs en
estime moins la possession que ce qui l'en rend digne ; qui en tout temps, en
tout âge, en tout état s'efforce de se conserver par l'exercice ces excellentes
habitudes qui s'évanouiraient peut-être par la négligence, de même que les arts
s'oublient faute de les pratiquer, doit être considéré comme un homme que le
Ciel a libéralement et pleinement pourvu de cette qualité précieuse, de ce
mérite si estimé et si rare. Je n'oserais, Monsieur, en votre présence, faire
l'application de cette vérité sur votre personne ; mais je suis très-assuré que
l'action que vous venez de faire ne sera point oubliée parmi vos éloges.
L'Eglise a toujours eu des
prélats qui n'ont pas moins attiré de vénération sur eux par l'éminence de leur
savoir que par la majesté de leur sacerdoce. Le grand saint Basile, saint
Grégoire de Nazianze, saint Augustin, saint Ambroise, Synesius, évêque de
Cyrène, le patriarche Photius, Eusèbe, l'ami de Pamphile, et mille autres ont
été l'admiration de leur siècle; et l'obligation immortelle que les studieux ont
aux ouvrages de ce dernier, fait que nous avons presque oublié son hérésie, ou
que nous ne nous en souvenons que pour déplorer son malheur.
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Vous marchez, Monsieur, sur les pas de ces illustres
évêques de l'antiquité ; et pour vous trouver des vestiges plus frais, vous
marchez sur les pas de l'incomparable cardinal de Richelieu, notre premier
protecteur, qui nous a assemblés, qui nous a obtenu les premières grâces royales
; et qui nous aurait laissé un regret éternel de sa perte, s'il n'avait eu pour
successeur monseigneur le chancelier, qui par sa constante affection envers
l'Académie, l'a maintenue, l'a agrandie, l'a honorée. Vous marchez sur les pas
du cardinal du Perron, des Bembes, des Sadolets, des Bentivoles, et des autres
ornements du sacré Collège, qui ont cru qu'il ne leur était pas moins glorieux
de se parer de l'immortelle verdure des lauriers du Parnasse, que de se
distinguer par l'éclat éblouissant de la pourpre romaine.
Que n'attend point de vous la
France? Que n'attcnd-elle point de ces nobles mouvements de votre âme, dans
l'emploi où vous êtes auprès de ce jeune Prince qui fait aujourd'hui l'espérance
de l'Etat, et qui doit un jour en faire la félicité? Tandis que son père, tout
brillant de l'éclat de ses victoires et de ses vertus, visite ses frontières,
assure ses conquêtes, affermit ses alliés et dissipe les nuages que l'envie ou
l'injuste frayeur peuvent élever contre sa juste prospérité, c'est sur vous
qu'il se repose de l'instruction de ce cher fils, et à qui il confie le soin de
l'introduire dans les mystères des Muses, sans le secours desquelles on trouve
quelque chose à dire dans la fortune des plus grands princes. Une fonction si
importante, et qui vous rend si nécessaire auprès de sa personne sacrée, ne nous
permet pas de crone que nous puissions souvent jouir de votre présence; mais
elle ne nous défend pas d'espérer que nous serons souvent présents à votre
mémoire, et quelquefois même à vos entretiens, et que vous inspirerez à ce jeune
héros les bons sentiments qu'il doit avoir pour une Compagnie qui ne souhaite
que sa gloire, et qui va bientôt s'employer à la répandre par toute la terre.
J'oserais répondre, Monsieur, que vous en userez de la sorte. Monseigneur le
Dauphin n'apprendra point que son illustre précepteur ait voulu entrer dans
cette Compagnie, sans en concevoir en même temps une haute idée ; et vous ne
rencontrerez point une si favorable disposition dans son esprit, sans en même
temps l'appuyer et la fortifier. Le bonheur de l'Académie nous a donné votre
estime; c'est a vous, Monsieur, à nous donner celle de monseigneur le Dauphin :
et ainsi il se trouvera que cette heureuse journée, en nous procurant un
confrère aussi illustre que vous, nous aura procuré l'appui d'un Prince aussi
puissant que votre royal disciple.
FIN DU
DOUZIÈME VOLUME
(CINQUIÈME VOLUME
DES SERMONS).
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