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Duc d'Halluyn, pair de France, gouverneur et lieutenant général pour le
Roi des ville et citadelle de Metz et pays Messin, évêchés de Metz et de Verdun
colonel général des Suisses et Grisons, colonel des Landskenects, maréchal de
camp général des troupes allemandes et liégeoises, etc.
Monseigneur ,
Puisque cette ville et cette
province, que les guerres ont désolée, ne respire plus que par votre appui ;
puisque les peuples que vous gouvernez ne trouvent de salut ni de sûreté que
dans la protection de Votre Excellence, et que votre générosité se les est
acquis par le titre du inonde le plus légitime : nous ne devons point avoir de
plus grande joie que de témoigner hautement ce que nous sentons en nos cœurs ;
et où l'on ne voit que de vos bienfaits, il est juste que rien n'y paraisse sans
porter des marques de reconnaissance. C'est dans cette pensée, Monseigneur, que
j'ose prendre la liberté de vous présenter cet ouvrage comme un fruit du repos
que vous nous donnez au milieu de tant de périls qui nous environnent, et
puisque l'étude est incompatible avec le tumulte et le bruit, il faut bien que
je rende grâces de mon loisir particulier à l'auteur de la tranquillité
publique. D'ailleurs je ne doute pas, Monseigneur, que vous ne regardiez d'un
œil favorable un discours qui ne tend qu'au salut des âmes, puisque Dieu vous a
fait la grâce de considérer les choses divines, comme celles qui sont les plus
dignes d'occuper vos soins et d'entretenir votre grand génie. Et certes quand je
contemple en moi-même toute la suite de vos actions immortelles, encore que je
sache bien qu'elles vous égalent aux capitaines les plus renommés, et que la
postérité la plus éloignée ne pourra lire sans étonnement les merveilles
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de votre vie, je ne vois rien de plus grand en votre
personne que l'amour que vous avez pour l'Eglise, et que cette inclination
généreuse d'appuyer la religion par votre autorité et par votre exemple. Que nos
histoires vantent cette belle nuit qui est capable d'effacer la gloire des plus
éclatantes journées, et qui a été tant de fois funeste à nos ennemis par le
modèle que vous y donnâtes à nos généraux pour faire réussir de pareils
desseins; qu'on publie qu'il n'appartenait qu'à votre courage de trouver une
sortie glorieuse dans le désespoir des affaires ; qu'on joigne aux triomphes du
Languedoc ceux de la Catalogne et du Roussillon, et les autres fameuses
campagnes que vous avez si glorieusement achevées; que l'on dise que les
honneurs ont été chercher votre vertu, et que lorsqu'elle se vit élevée à la
plus haute des dignités de la guerre, il n'y avait que votre victoire qui
sollicitât pour vous à la Cour ; qu'on ajoute à ces grands éloges que dans un
siècle si désordonné, votre puissance ne s'emploie qu'à faire du bien, que vos
mains ne sont ouvertes que pour donner, et que votre nom n'a jamais paru qu'en
des actions dont la justice est indubitable ; enfin qu'on loue encore cet esprit
si fort et ce sens si droit et si juste, cette invariable fidélité, cette humeur
si généreuse et si bienfaisante, et toutes vos autres grandes et incomparables
qualités : j'avoue que ces choses sont très-constantes et très-connues par toute
la France. Mais je dis que ce n'est pas, Monseigneur, ce qui fonde solidement
votre gloire. Votre piété, c'est votre couronne; la vraie lumière de votre
raison, c'est qu'elle sait s'aveugler pour l'amour de Dieu; votre véritable
justice, c'est que vous êtes soumis à ses lois ; votre libéralité se fait
reconnaître en ce qu'elle s'étend sur Jésus-Christ même; et parmi toutes vos
conquêtes, il n'y en a point de plus glorieuses que celles que nous voyons tous
les jours, par lesquelles vous gagnez à Dieu les âmes qu'il a rachetées par un
si grand prix. Je ne diffère donc plus, Monseigneur, de vous présenter ce
discours, puisque votre zèle, votre religion, votre piété lui promettent une
protection si
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puissante. Mais certes je serais peu reconnaissant de tant
de bontés dont vous m'honorez, si je n'espérais l'appui de Votre Excellence que
par des considérations générales. Tant d'honneurs que j'en ai reçus, et que j'ai
si peu mérités; tant d'obligations effectives, tant de bienfaits qui sont si
connus, tant de grâces que je ne puis expliquer, me persuadent qu'elle
favorisera cet ouvrage, que je vous offre comme une assurance et de mes
très-humbles respects, et de la perpétuelle fidélité qui m'attache
inviolablement à votre service. Que si mon impuissance me rend inutile; si la
grandeur de vos bienfaits ne me laisse pas même des paroles qui puissent
exprimer ma reconnaissance : ma consolation, Monseigneur, c'est que Dieu écoute
les vœux que la sincérité lui présente, et que je sens en ma conscience avec
quelle passion je suis,
Monseigneur,
Votre
très-humble, très-obéissant et très-fidèle serviteur
BOSSUET.
AVERTISSEMENT.
Comme il n'y a rien de plus
remarquable dans le Catéchisme de notre adversaire, que le témoignage qu'il rend
à la justice de notre cause, aussi mon dessein principal n'est pas tant de
disputer et de contredire, que de faire voir au ministre les conséquences
très-légitimes de quelques vérités qu'il a confessées, et d'instruire nos frères
errans de la pureté de notre doctrine sur quelques points de notre créance qu'on
leur a déguisés par tant d'artifices. C'est pourquoi j'ai laissé plusieurs
choses qu« je pouvois justement reprendre, pour appliquer toutes mes pensées à
ce qui est le plus utile au salut des aines. Je conjure nos adversaires de lire
cet ouvrage en esprit de paix, et d'en peser les raisonneniens avec l'attention
et le soin que méritent des matières de cette importance. J'espère que la
lecture leur fera connaître que je parle contre leur doctrine sans aucune
aigreur contre leurs personnes, et qu'outre la nature qui nous est commune, je
sais encore honorer en eux le baptême de Jésus-Christ, que leurs erreurs n'ont
pas effacé. Que si j'accuse souvent leur ministre d'altérer visiblement le sens
des auteurs, et de nous imposer des sentiments que nous détestons, mes plaintes
sont très-justes et très-nécessaires, et nous le pouvons vérifier ensemble sans
autre peine que d'ouvrir les livres. Or encore que ce discours éclaircisse
suffisamment sa pensée, j'ai cru qu'il ne serait pas inutile de faire mettre ici
un peu plus au long quelques endroits de son Catéchisme, cotés en marge (a)
de cette réponse, et dont la suite de cet ouvrage fera entendre les
conséquences.
(a) Nous mettons ces indications au bas des pages.
EXTRAIT DU CATÉCHISME, p. 404.
Après avoir représenté dans les
pages précédentes la manière en laquelle l'Eglise catholique exhortait les
mourants en l'an 1543, il conclut ainsi : « Nous ne faisons point de doute que
ceux qui mouraient en cette foi et confiance ès seuls mérites de Jésus-Christ,
laquelle on exigeait d'eux et de laquelle on leur faisait faire confession,
n'aient pu être sauvés, puisqu'ils embrassaient le vrai et unique moyen de salut
proposé en l'Evangile, qui avait été appelé par les Conférants de la part de
l'Eglise romaine au colloque de Ratisbonne : « Le plus grand article de tous, et
le sommaire de la doctrine chrétienne, et ce qui fait véritablement le chrétien.
» Ce que les curés y ajoutaient de l'invocation à autres qu'à Dieu n'étant pas,
ainsi que j'ai dit, requis comme chose nécessaire, et pouvant être interprété en
un sens tolérable, et devant en tout cas être pris pour le foin dont parle
l'Apôtre, qu'ils édifiaient ou qu'ils entassaient sur le fondement qui est
Jésus-Christ, et qui bien qu'il ne leur servît de rien et qu'ils en fissent
perte, ne les empêchait pas d'être sauvés. »
P. 114 : « Tant s'en faut qu'en
ne croyant pas qu'on se puisse sauver en la foi de l'Eglise romaine
d'aujourd'hui, nous soyons obligés de douter de ce que sont devenus nos pères,
ni d'être en peine de leur salut, c'est au contraire le moyen de nous en mieux
assurer, puisqu'ils sont morts tout autrement qu'on n'est aujourd'hui obligé d'y
mourir. »
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