Conf. M. Claude Avert.
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Conf. M. Claude Avert.
Préparation
Conférence M. Claude
Conférence Suite
Réflexions sur M. Claude

 

CONFÉRENCE
AVEC M. CLAUDE,
MINISTRE DE CHARENTON,
SUR LA MATIÈRE DE L'ÉGLISE

 

AVERTISSEMENT.

 

Je n'avais pas dessein de mettre au jour cette Conférence, non plus que les Instructions dont elle fut accompagnée. La Conférence et les Instructions avaient pour objet la conversion d'une personne particulière ; et ayant eu leur effet, rien n'obligeait à en faire davantage de bruit. Mais comme je n'affectais pas d'en publier le récit, je n'affectais pas non plus de le tenir caché. J'en donnai un exemplaire à mademoiselle de Duras, qui le souhaita : il était juste. Je consentis sans peine qu'on le communiquât à quelques-uns de Messieurs de la religion prétendue réformée, qui désirèrent de le voir (a), parce qu'on crut qu'il serait utile à leur instruction. Ce même motif m'a porté à le communiquer à quelques autres de ces Messieurs, ou par moi-même, ou par des amis interposés. Ainsi il a passé en plusieurs mains : il s'en est fait des copies sans que je le susse; elles se sont répandues; elles se sont altérées : quelques-uns ont abrégé le récit que j'avais fait, ou l'ont tourné à leur mode : enfin on l'a imprimé à Toulouse sur une mauvaise copie ; et je ne puis plus m'empêcher de le donner tel que je l'ai rédigé moi-même avec beaucoup de fidélité et de religion.

Au sortir de la Conférence, je la racontai tout entière à M. le

 

(a) 1ère édit. : Désirèrent le voir.

 

 

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duc de Richelieu et à madame la duchesse sa femme en présence de M. l'abbé Testu. Le zèle particulier qu'ils avaient pour la conversion de mademoiselle de Duras le leur fit ainsi désirer. Je leur avais déjà récité les conversations précédentes. Le lendemain, je fis le même récit à quelques-uns de mes amis particuliers, du nombre desquels était M. l'évêque de Mirepoix. J'étais plein de la chose, et je la racontai naturellement. Tous ces Messieurs m'exhortèrent à la mettre par écrit pendant que j'en avais la mémoire fraîche, et me firent voir par plusieurs raisons que ce soin ne serait pas inutile. Je les crus. On me vit écrire avec la rapidité qui paraît lorsqu'on écrit des faits qu'on a présents, sans se mettre en peine du style; et ces Messieurs remarquèrent dans la narration écrite la même simplicité qu'ils avaient tous ressentie dans le récit de vive voix. Mademoiselle de Duras reconnut dans mon discours la vérité toute pure; et j'espère que ceux qui le liront sans prévention en auront la même pensée.

Après que mon récit se fut répandu, comme je l'ai dit, il en tomba une copie entre les mains de M. Claude, ainsi qu'il le témoigne lui-même; et il répandit de son côté, avec une Réponse aux Instructions que j'avais données en particulier à mademoiselle de Duras, une Relation de notre Conférence fort différente de celle-ci. A dire franchement ce que je pense, cette Relation ne fait honneur ni à lui ni à moi : nous y tenons tour à tour de longs discours assez languissants, assez traînants, assez peu suivis. Dans la Relation de M. Claude on revient souvent d'où on est parti, sans qu'on voie par où on y rentre. Ce n'est pas ainsi que nous agîmes, et notre dispute fut suivie et assez serrée. Dans ces sortes de disputes, on s'échauffe naturellement comme dans une espèce de lutte : ainsi la suite est plus animée que ne sont les commencements. On se tâte, pour ainsi dire l'un l'autre, dans les premiers coups qu'on se porte : quand on s'est un peu expliqué, quand on croit avoir découvert où chacun met la difficulté, et avoir, pour ainsi parler, senti le faible, tout ce qui suit est plus vif et plus

 

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pressant. Si tout cela se trouve aussi naturel dans le récit de M. Claude que dans le mien, le lecteur en jugera. De la manière que le sien est tourné, plusieurs auront peine à croire qu'il n'ait pas été du moins rajusté et raccommodé sur la lecture du mien. Mais je ne veux point m'arrêter à ces réflexions. Tout le monde ne sait pas sentir dans les discours, non plus que dans les tableaux, ce qu'il y a d'original, et pour ainsi dire, de la première main. Je ne veux non plus employer ici le reproche odieux de mauvaise foi. On ne se souvient pas toujours si exactement ni des choses qui ont été dites, ni de l'ordre dont elles l'ont été : souvent on confond dans son esprit ce qu'on a pensé depuis, avec ce qu'on a dit en effet dans la dispute ; et sans dessein de mentir il se trouve qu'on altère la vérité. Ce que je dirai de M. Claude, il le pourra dire de moi. Notre conversation s'est faite en particulier, et aucun de nous ne peut produire des témoins indifférents : ainsi chacun jugera de la vérité de nos récits suivant ses préventions. Je ne prétends point tirer avantage du succès de la Conférence, qui fut suivie de la conversion de mademoiselle de Duras : c'est l'œuvre de Dieu dont il faut lui rendre grâces; c'est un exemple pour ceux qui se trouvent bien disposés, mais ce n'est pas un argument pour des opiniâtres. Les catholiques regarderont ce changement d'une façon, et les prétendus réformés d'une autre. Ainsi quand nous nous mettrons, M.Claude et moi, à soutenir chacun son récit, il n'en résultera qu'une dispute dont le public n'a que faire. Et qu'importe au fond, dira le lecteur, qui des deux ait eu l'avantage? La cause ne réside pas dans ces deux hommes, qui se montreraient trop vains, et par là même trop peu croyables, s'ils voulaient que tout le monde, et leurs amis aussi bien que leurs adversaires, les en crussent également sur leur parole. Dans ces altercations, ce que le sage lecteur peut faire de mieux, c'est de s'attacher au fond des choses; et sans se soucier des faits personnels, considérer la doctrine que chacun avance.

La matière qui est traitée dans tout ce récit est aussi claire

 

 

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qu'elle est importante. C'est la matière de l'Eglise. Nos adversaires font peu de cas de cette dispute, et on leur entend toujours dire qu'il en faut venir au fond , en laissant à part, comme une formalité peu nécessaire, tous les préjugés qu'on tire de l'autorité de l'Eglise : comme si ce n'était pas une partie essentielle du fond d'examiner par quelle autorité et par quel moyen Jésus-Christ a voulu que les chrétiens se résolrJssent sur les disputes qui dévoient naître dans son Eglise. Les catholiques prétendent que ce moyen, c'est d'écouter l'Eglise même. Ils prétendent qu'un particulier ne se doit résoudre qu'avec tout le corps, et qu'il hasarde tout quand il se résout par une autre voie. Us prétendent que pour savoir en quelle Eglise il faut demeurer, il ne faut que savoir quelle est celle qu'on ne peut jamais accuser de s'être formée en se séparant, celle qu'on trouve avant toutes les séparations, celle dont toutes les autres se sont séparées. Sans sortir de notre maison , nos parents mêmes nous montreront cette Eglise. « Interrogez votre père, et il vous le dira; demandez à vos ancêtres, et ils vous l'annonceront (1).» Selon cette règle, quiconque peut montrer à toute une Eglise, à toute une société de pasteurs et de peuple, le commencement de son être, et un temps quelqu'il soit durant lequel elle n'était pas, l'a convaincue dès là de n'être pas une Eglise vraiment chrétienne. Voilà notre prétention; et nous ne prétendons pas que dans cette question il s'agisse d'une simple formalité. Nous soutenons qu'il s'agit d'un article fondamental contenu dans ces paroles du Symbole : « Je crois l'Eglise catholique : » article d'ailleurs de telle importance, qu'il emporte la décision de tous les autres. Mais autant que ce point est décisif, autant est-il clair, et on n'en peut pas parler longtemps sans que le faible paroisse bientôt de part ou d'autre. Disons mieux : lorsqu'un catholique tant soit peu instruit entreprend un protestant sur ce point, ce protestant, quelque habile et quelque subtil qu'il soit, se trouvera infailliblement réduit, non pas toujours à se

 

1 Deuter., XXXII, 7.

 

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taire, mais ce qui n'est pas moins fort que le silence, à ne dire, quand il voudra parler, que de visibles absurdités.

C'est ce qui est ici arrivé à M. Claude par le seul défaut de sa cause : car on verra qu'il l'a défendue avec toute l'habileté possible, et si subtilement que je craignais pour ceux qui écoutaient ; car je sais ce qu'écrit saint Paul de tels discours. Mais enfin, il le faut dire à pleine bouche : la vérité a remporté une victoire manifeste. Ce que M. Claude avoue ruine sa cause : les endroits où M. Claude est demeuré sans réponse, sont des endroits qui en effet n'en souffrent point.

Et afin qu'on ne dise pas que j'avance ce que je veux ; ou que je veux maintenant, contre ce que je viens de déclarer, qu'on m'en croie sur ma parole : deux choses vont faire voir, quelque opinion qu'on veuille avoir de moi, qu'en ce point il faut me croire nécessairement.

La première, c'est qu'appuyé sur la force de la vérité et sur la promesse de celui qui dit, « qu'il nous donnera une bouche et une parole à laquelle nos adversaires ne pourront pas résister (1), » partout où M. Claude dira qu'il n'a pas avoué ce que je lui fais avouer dans le récit de la Conférence, je m'engage, dans une seconde Conférence, à tirer de lui encore le même aveu ; et partout où il dira qu'il n'est pas demeuré sans réponse, je le forcerai, sans autre argument que ceux qu'il a déjà ouïs , à des réponses si visiblement absurdes, que tout homme de bon sens avouera qu'il valait encore mieux se taire que de s'en être servi.

Et de peur qu'on ne dise , car dans une affaire où il s'agit du salut des âmes il faut autant qu'on peut tout prévenir : de peur donc, encore une fois, qu'on ne dise que M. Claude peut-être aura pris un mauvais tour, par lequel il se sera engagé dans des inconvénients, je soutiens au contraire que cet avantage est tellement dans notre cause, que tout ministre, tout docteur, tout homme vivant succombera de la même sorte à de pareils arguments.

 

1 Luc, XXII, 15.

 

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Ceux qui voudront faire cette épreuve, verront que ma promesse n'est pas vaine. Que si on dit que je présume de mes forces, maintenant que je m'examine moi-même devant Dieu, si cette présomption m'avait fait parler, je désavouerais tout ce que j'ai dit. Au lieu de me promettre aucun avantage, je me tiendrais pour vaincu en ne me fiant qu'à mon bras et en mes armes ; et loin de défier les forts, à l'exemple de David (1), je me rangerais avec ceux dont le même David a chanté que « les flèches des enfants les ont percés, et que leur propre langue, trop faible pour les défendre, s'est enfin tournée contre eux-mêmes (2). »

L'Instruction que j'offre en général aux prétendus réformés , je l'offre en particulier à ceux du diocèse de Meaux, que je dois porter plus que tous les autres dans mes entrailles. Ceux qui refuseront cette Instruction chrétienne, pacifique, fraternelle et paternelle autant que concluante et décisive, je leur dirai, comme saint Paul avec douleur et gémissement, car on ne se console pas de la perte de ses enfants et de ses frères : « Je suis net du sang d'eux tous (3). »

Voilà la première chose qui fera voir que je n'impute rien à M. Claude pour me donner de l'avantage. La seconde , c'est que M. Claude lui-même, au milieu de ce qu'il m'oppose, et parmi tous les tours qu'il donne à notre dispute, avoue encore au fond ce dont il s'agissait entre nous, ou le tourne d'une manière à faire voir qu'il ne peut pas entièrement le désavouer. Mais tout ceci s'entendra mieux quand après les Instructions et la Conférence on lira encore les Réflexions que je ferai sur l'écrit de M. Claude.

Il faut de l'attention pour prendre toute la suite de ces Instructions : car quelque facilité qu'il ait plu à Dieu vous (a) faire trouver dans une matière où il montre aux plus ignorants comme aux plus habiles la voie du salut ouverte, il n'a voulu décharger personne de l'attention dont il est capable ; et comme les entretiens

 

1 I Reg., XVII, 45. — 2 Psal. LXIII, 8, 9. — 3 Ad., XX, 29.

(a) 1ère édit. : Nous.

 

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tiens qu'on va voir sont nés à l'occasion des articles XIX et XX de mon Traité de l’Exposition, la lecture de ces deux articles , qui ne coûtera qu'un demi-quart d'heure , facilitera l'intelligence de tout cet ouvrage, quoique j'espère d'ailleurs qu'il se soutiendra par lui-même.

Au reste cette lecture ne sera pas inutile aux catholiques : ordinairement ils négligent trop les livres de controverse. Appuyés sur la foi de l'Eglise, ils ne sont pas assez soigneux de s'instruire dans les ouvrages où leur foi serait confirmée, et où ils trouveraient les moyens de ramener les errants. On n'en usait pas ainsi dans les premiers siècles de l'Eglise : les traités de controverse que faisaient les Pères étaient recherchés par tous les fidèles. Comme la conversation est un des moyens que le Saint-Esprit nous propose pour attirer les infidèles et ramener les errants, chacun travaillait à rendre la sienne fructueuse et édifiante par cette lecture. La vérité s'insinuait par un moyen si doux ; et la conversation attirait ceux qu'une dispute méditée n'aurait peut-être fait qu'aigrir. Mais afin qu'on lise les ouvrages que nous faisons sur la controverse comme on lisait ceux des Pères, tâchons comme les Pères de les remplir, non-seulement d'une doctrine exacte et saine, mais encore de piété et de charité; et autant que nous pourrons, corrigeons les sécheresses, pour ne point dire l'aigreur qu'on trouve trop souvent dans de tels livres.

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