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LETTRE PASTORALE
DE
MGR L'ÉVÊQUE DE MEAUX,
AUX NOUVEAUX CATHOLIQUES DE SON DIOCÈSE,

 

Pour les exhorter à faire leurs Pâques, et leur donner des avertissements  nécessaires contre les fausses Lettres pastorales des ministres.

 

Jacques-Bénigne par la permission divine Evêque de Meaux : Aux nouveaux catholiques de notre diocèse, salut et bénédiction en Notre-Seigneur.

 

A l'approche du saint jour de Pâques, vous devez être touchés d'un saint désir de communier avec vos frères. C'est Jésus-Christ même qui vous invite à ce banquet de paix ; et vous devez croire qu'il vous dit par ma bouche : « J'ai désiré d'un grand désir de manger cette pâque avec vous (1). » Car encore qu'il désire toujours de faire la pâque avec ses disciples; que le cénacle et la grande salle où il veut faire ce festin soit toujours prête, l'église toujours ouverte, et la table toujours dressée : c'est néanmoins principalement dansées saints jours qu'il appelle ses enfants à son banquet ; et vous êtes, mes chers Frères, de tous ses enfants ceux qu'il désire le plus de voir à sa table, puisque c'est là que vous donnerez la dernière marque de votre sincère union avec son Eglise.

Souvenez-vous du saint roi Ezéchias et de la pâque solennelle qu'il célébra dans Jérusalem (2). Il ne se contenta pas d'y appeler tous ceux de Juda, c'est-à-dire ceux qui étaient toujours demeurés dans l'unité du peuple de Dieu, dans le culte du sanctuaire, et dans la soumission au vrai sacerdoce que Dieu avait établi par Moïse. Il résolut, de concert avec le conseil et tout le peuple de

 

1 Luc., XXII, 15. — 2 II Paral.,  XXX.

 

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Jérusalem, d'envoyer ses messagers aux dix tribus schismatiques, qui dès le temps de Roboam, s'étaient séparées d'avec Juda et d'avec le temple, et « il leur adressa des lettres, afin que, convertis de tout leur cœur au Dieu de leurs pères (1), » ils vinssent avec leurs frères, dont ils avaient abandonné la communion, célébrer la pâque au lieu que le Seigneur avait choisi.

Pendant que les envoyés de ce pieux prince allaient en diligence de ville en ville, plusieurs se moquaient d'eux, et quelques-uns acquiesçant aux conseils d'Ezéchias et à la douce invitation de leurs frères, venaient célébrer la pâque dans Jérusalem (2) au lieu d'unité et de paix. C'est, mes Frères, le traitement qu'éprouve l'Eglise. Depuis cette malheureuse défection du siècle passé , depuis cette funeste apostasie qui a arraché à l'Eglise des nations entières, et qui semblait préparer les voies au règne de l'Antéchrist, selon la prédiction de l'Apôtre (3), nous n'avons cessé de rappeler dans la mémoire de nos Frères errants, ces bienheureux jours où nos pères mangeaient ensemble le pain de la vie, et gardaient, selon le précepte de saint Paul, le sacré lien de la fraternité chrétienne. Mais plusieurs, prévenus de la haine aveugle que leurs ministres leur inspiraient, se moquaient de nous ; et quelques-uns se ressouvenant de notre ancienne unité dont ils portent l'impression dans le sein par le baptême, sont revenus à Jérusalem, c'est-à-dire à l'Eglise catholique, où Dieu a établi pour jamais son nom et la profession du christianisme.

Enfin la grâce de Dieu s'est déclarée abondamment en nos jours. Fn roi, aussi religieux et aussi victorieux qu'Ezéchias, a invité les prévaricateurs d'Israël à revenir à l'unité de Juda, c'est-à-dire les errants et les schismatiques à revenir aux pacifiques et aux orthodoxes; et nous avons vu quelque chose de ce qui est écrit dans le saint prophète Osée: « En ce temps, les enfants de Juda et les enfants d'Israël s'assembleront et établiront sur eux un même chef (4) : » c'est-à-dire que les catholiques et les schismatiques reconnaîtront, d'un commun accord, le chef que Dieu leur adonné, Jésus-Christ dans le ciel, et sur la terre saint Pierre, qui vit dans ses successeurs pour gouverner le peuple de Dieu

 

1 II Paral., XXX 5, 6 et seq. — 2 Ibid., 10, 11. — 3 II Thess., II, 3. — 4 Osée, I, 11.

 

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suivant sa parole. Ainsi les séparés dont il était dit : « Appelez-les, ceux pour qui il n'y a point de miséricorde, » sont venus «en aussi grand nombre que le sable de la mer, » afin de recevoir la miséricorde : « et au lieu qu'on leur disait : Vous n'êtes pas mon peuple, on les nomme les enfants du Dieu vivant (1).  »

Je ne m'étonne pas, mes très-chers Frères, que vous soyez revenus en foule et avec tant de facilité à l'Eglise où vos ancêtres ont servi Dieu. Le fond même du christianisme, et comme je l'ai déjà dit . le caractère du Baptême vous y rappelait secrètement : aucun de vous n'a souffert de violence, ni dans sa personne ni dans ses biens. Qu'on ne vous apporte point ces lettres trompeuses, que des étrangers travestis en pasteurs, adressent sous le titre de Lettres pastorales aux Protestants de France qui sont tombés par la force des tourments. Outre qu'elles sont faites par des gens qui n'ont jamais pu prouver leur mission, ces lettres ne vous regardent pas: loin d'avoir souffert des tourments, vous n'en avez pas seulement entendu parler. J'entends dire la même chose aux autres évêques: mais pour vous, mes Frères, je ne vous dis rien que vous ne disiez tous aussi bien que moi. Vous êtes revenus paisiblement à mais, vous le savez. Quand j'ai prêche la sainte parole , le Saint-Esprit vous a fait ressentir que j'étais votre pasteur. Je vous ai vus autour de la chaire avec le même empressement que le reste du troupeau : la saine doctrine eut mit dans votre coeur à mesure qu'on vous l'exposait telle qu'elle est ; ; et les doutes que l'habitude plutôt que la raison élevait encore dans vos esprits, cédaient peu à peu à la vérité. Vous n'avez pu vous empêcher de reconnaître que j'étais à la place de ceux qui ont planté l'Evangile dans ces contrées : vous les avez révérés en ma personne, quoique indigne. Je ne vous ai point annoncé d'autre doctrine que celle que j'ai reçue de nies saints prédécesseurs : comme chacun d'eux a suivi ceux qui les ont devances, j'ai fait de même. Regardez tout ce que nous sommes d'évêques autour de vous, et dans toute L'étendue de ce royaume: nous avons tous la même gloire, que nous ne laisserons pas affaiblir. Dans cette succession, on n'a jamais entendu un double langage.

 

1 Osée, I, 6, 10.

 

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Les évêques séparés de notre unité, tels que sont ceux d'Angleterre, de Suède et de Danemark, au moment de leur séparation, ont manifestement renoncé à la doctrine de ceux qui les avaient consacrés. Il n'en est pas ainsi parmi nous : toujours unis à la chaire de saint Pierre, où dès l'origine du christianisme on a reconnu la tige de l'unité ecclésiastique, nous n'avons jamais condamné nos prédécesseurs , et nous laissons la foi des Eglises telle que nous l'avons trouvée. Nous pouvons dire sans crainte d'être repris, que jamais on ne montrera dans l'Eglise catholique aucun changement que dans des choses de cérémonie et de discipline, qui dès les premiers siècles ont été tenues pour indifférentes. Pour ces changements insensibles qu'on nous accuse d'avoir introduits dans la doctrine, dès qu'on les appelle insensibles, c'en est assez pour vous convaincre qu'il n'y en a point de marqués, et qu'on ne peut nous montrer d'innovation par aucun fait positif. Mais ce qu'on ne peut nous montrer, nous le montrons à tous ceux qui nous ont quittés : en quelque partie du monde chrétien qu'il y ait eu de l'interruption dans la doctrine ancienne, elle est connue; la date de l'innovation et de la séparation n'est ignorée de personne. S'il y avait eu de tels changements parmi nous, les auteurs en seraient nommés ; l'esprit de vérité qui est dans l'Eglise les aurait notés, et le nom en serait infâme, comme celui des Arius, des .Nestorius, des Pelages, des Dioscores et des Bérengers. Ainsi tout ce qu'on vous a dit de ces insensibles changements dans la doctrine dont jamais on n'a produit aucun exemple dans l'Eglise chrétienne, n'est qu'une accusation en l'air, qui ne se trouve soutenue par aucun fait; et lorsque vous entendez la doctrine que je vous annonce et celle que vous annoncent les autres évêques catholiques , vous ne devez nullement douter que vous n'entendiez dans nos discours ceux qui nous ont les premiers prêché l'Evangile, et dans ceux-là les apôtres, et dans les apôtres celui qui a dit : Allez, enseignez, et baptisez; et voilà, je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles (1).

Ainsi quand les ministres vous disaient que vous n'aviez point à vous mettre en peine de la succession des chaires et des pasteurs,

 

1 Matth , XXVIII, 19, 20.

 

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pourvu que vous eussiez la bonne doctrine et la véritable intelligence de l'Ecriture, ils séparaient ce que Jésus-Christ a voulu rendre inséparable : et c'est en vain qu'ils se glorifiaient de l'intelligence des Ecritures, en rejetant les moyens par où il a plu à Dieu de la transmettre. Il a voulu qu'elle vint à nous de pasteur en pasteur et de main en main, sans que jamais on aperçût d'innovation. C'est par là qu'on reconnaît ce qui a toujours été cru, et par conséquent ce que l'on doit toujours croire : c'est pour ainsi dire dans ce toujours que paraît la force de la vérité et de la promesse ; et on le perd tout entier dès qu'on trouve de l'interruption en un seul endroit. «Ce que je vous ai enseigné, dit saint Paul (1), laissez-le comme en dépôt à des gens fidèles, qui puissent eux-mêmes en instruire d'autres. » Séparer la saine doctrine d'avec cette chaîne de la succession, c'est séparer le ruisseau d'avec le canal : et se vanter de L'intelligence de l'Ecriture, quand on reconnaît qu'on a perdu la suite de la tradition dans les pasteurs, c'est se vanter d'avoir conservé les eaux après que les tuyaux sont rompus.

N'écoutez donc pas, mes bien-aimés , les paroles de mensonge, et ne vous laissez pas séduire à ces prétendues Lettres pastorales qu'on vous adresse de tant d'endroits et en tant de formes différentes. Celle qui a pour titre : Lettre pastorale aux Protestants de France, qui sont tombés par les tourments, n'est pas meilleure pour être pleine des paroles que ce grand évêque et ce grand martyr saint Cyprien adressait aux fidèles de Cartilage, pour les exhorter à la pénitence et au martyre. Ceux qui osent imiter les vrais pasteurs, et qui tiennent le langage de saint Cyprien, devraient considérer s'ils peuvent, à aussi bon titre, s'attribuer l'autorité pastorale. Qu'ils consultent ce saint martyr : il leur apprendra que «l'Eglise est une ; que l'épiscopat est un ; » que pour le posséder légitimement, il faut pouvoir remonter par une succession continuelle «jusqu'à la source de l'unité (2), » c'est-a-dire jusqu'aux apôtres et jusqu'à celui à qui Jésus-Christ a dit uniquement pour fonder son Eglise sur l'unité : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes d'enfer ne prévaudront

 

1 II Timoth., n, 2. — 2 Cypr., lib. de Un. Eccles., p. 195.

 

 

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point contre elle ; et je te donnerai les clefs du royaume des cieux (1), » etc. et encore après sa résurrection : « Pais mes brebis (2). » Le même; saint Cyprien leur apprendra que de cette source des apôtres consommés dans une parfaite unité, sont sortis tous les pasteurs : que c'est par là que l'épiscopat est un, non-seulement dans tous les lieux, mais encore dans tous les temps : que l'Eglise comme un soleil porte ses rayons par tout l'univers, mais que c'est la même lumière qui se répand de tous côtés; qu'elle étend ses branches et fait couler ses ruisseaux par toute la terre, mais qu'il n'y « a qu'une source, un chef, un commun principe, une même souche, et enfin une même mère, riche dans les fruits qu'elle pousse de son sein fécond. » De peur qu'on ne s'imagine qu'il puisse arriver des cas où il soit permis de se séparer de l'unité de l'Eglise, ou de réformer sa doctrine, il ajoute ces belles paroles, que je vous prie, mes Frères, de considérer : « L'Epouse de Jésus-Christ ne peut jamais être adultère, elle ne peut être corrompue, et sa pudeur est inviolable. Celui qui se sépare de l'Eglise pour se joindre à une adultère, » c'est ainsi qu'il traite les sectes séparées de l'unité de l'Eglise, « n'a point de part aux promesses de Jésus-Christ ; c'est un étranger, c'est un profane, c'est un ennemi. Il ne peut avoir Dieu pour Père, puisqu'il n'a pas l'Eglise pour mère. » C'est en vain qu'il en prétend dissiper l'unité sainte : elle est fondée sur l'unité du l'ère, du Fils et du Saint-Esprit. « Et on croira, poursuit-il, que l'unité, qui est appuyée sur un si ferme fondement, se puisse dissoudre? Celui qui ne tient pas à cette unité de l'Eglise, ne tient pas à la loi de Dieu ; il n'a pas la foi du Père et du Fils, il n'a pas la vie et le salut. »

Ne sentez-vous pas, mes Frères, combien la méthode dont on se servait dans vos églises prétendues, est opposée à celle de saint Cyprien? Vos ministres vous disaient sans cesse que croire l'Eglise sans examiner, c'est sans examiner croire des hommes sujets à faillir ; et que pour connaître la vraie Eglise à qui l'on peut croire, il faut par la discussion des questions particulières connaître auparavant la vraie foi enseignée par les Ecritures. Mais vous voyez que saint Cyprien prend bien une autre méthode.

 

1 Matth., XVI, 18, 19. — 2 Joan., XXI, 17.

 

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Pour confondre «par un argument facile et abrégé (1), » comme il se l'était proposé, les hérésies et les schismes, il allègue Faute rite de l'Eglise : il ne connaît rien de plus manifeste; et loin de permettre d'examiner l'Eglise par l'examen de ses dogmes, il veut qu'on la commisse d'abord, et qu'on tienne pour assuré qu'on n'a ni la loi de Dieu, ni la foi, ni le salut, ni la vie, quand on n'est pas dans son imité.

Ce grand homme a toujours suivi la même méthode. Lorsqu'Antonien, un de ses confrères dans l'épiscopat, hésitait à condamner Novatien, et voulait auparavant être informé de sa doctrine, saint Cyprien lui fit cette grave réponse (2) : «Quant à ce qui regarde la personne de Novatien, puisque vous désirez qu'on vous apprenne quelle hérésie il a introduite, vous devez savoir, mon cher Frère, avant toutes choses, que nous n'avons pas besoin de rechercher curieusement ce qu'il enseigne, puisqu'il enseigne hors de l'Eglise : quel qu'il soit, il n'est pas chrétien, puisqu'il n'est pas dans l'Eglise de Jésus-Christ. »

Ainsi quand on se sépare de l'unité, et qu'à l'exemple de Novatien, on « envoie de nouveaux apôtres pour établir ses nouvelles institutions (3)» et ses nouveaux dogmes, en un mot pour dresser une nouvelle Eglise : quoiqu'on se vante comme lui de réformer l'Eglise, et de la réduire à une doctrine plus pure aussi bien qu'a une discipline plus régulière, loin d'être admis à prouver qu'on est dans la vraie Eglise à cause de la vraie doctrine qu'on prétend enseigner, on est convaincu au contraire qu'on ne peut pas avoir la vraie doctrine quand on n'est pas dans l'Eglise, et qu'on en veut dresser une nouvelle.

Que ces faux pasteurs, qui se sont vantés « d'être extraordinairement envoyés pour dresser de nouveau l'Eglise tombée en ruine et désolation (4),» écoutent saint Cyprien : qu'ils reconnaissent sur quelles maximes il fondait son épiscopat : et puisqu’ils ne peuvent pas nous montrer une mission semblable à la sienne, qu'ils cessent d'imiter le langage d'un si grand évêque et de s’en attribuer l'autorité.

 

1 Cypr., lib. de Un. Eccl., p. 194. — 2 Epist. LII, ad Anton. — 3 Ibid. — 4 Conf. de foi, art. XXXI.

 

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Vous leur avez souvent oui dire que nous n'aviez pas besoin de vous mettre en peine où était l'Eglise, puisque Jésus-Christ avait prononcé « qu'en quelque lieu que se trouvent deux ou trois personnes assemblées en son nom, il y est au milieu d'eux (1). » Il y a Longtemps que les hérétiques et les schismatiques abusent de ce passage; ils s'en servaient dès le temps de saint Cyprien, pour autoriser les assemblées qu'ils tenaient à part. Mais ce saint martyr les confond par les paroles précédentes, où Jésus-Christ parle en cette manière : « Si deux d'entre vous s'unissent ensemble sur la terre, mon Père qui est dans le ciel leur accordera tout ce qu'ils demanderont; » où ce qui pareil d'abord , c'est que ces deux qui s'accordent doivent être dans le corps, dans l'unité chrétienne, dans la commune fraternité. « Si deux, dit-il, d'entre vous, » c'est-à-dire, comme l'entend saint Cyprien (2), si deux ou trois enfants de l'Eglise, ou deux ou trois qui soient ensemble dans la communion, s'assemblent au nom de Jésus-Christ, il sera au milieu d'eux et écoutera leurs prières. Secondement, dit ce saint docteur, il est nécessaire que ces deux ou trois s'unissent. « Et, poursuit saint Cyprien, comment peut-on s'unir avec quelqu'un, quand on n'est pas uni avec le corps de l'Eglise et avec toute la fraternité? Comment peuvent deux ou trois être assemblés au nom de Jésus-Christ, s'il est constant dans le même temps qu'ils sont séparés de Jésus-Christ et de son Evangile? Car ce n'est pas nous qui nous sommes séparés d’avec eux, mais c'est eux qui se sont séparés d'avec nous : et puisque les hérésies et les schismes sont toujours postérieurs à l'Eglise, pendant qu'ils se sont formés des conventicules différons et de diverses assemblées, ils ont quitté le Chef et l'origine de la vérité. » Prêtez l'oreille, mes Frères, à cette décision de saint Cyprien : c'est ceux qui viennent après, c'est ceux qui se, séparent de l'Eglise qu'ils trouvent établie, c'est ceux qui se font de nouvelles assemblées, qui dès là sont incapables de s'assembler au nom de Jésus-Christ ; et loin qu'il leur soit permis de justifier leur séparation et leurs nouvelles assemblées en soutenant qu'ils y enseignent l'Evangile, et que Jésus-Christ est avec eux, « il est constant » au contraire, selon la doctrine de saint

 

1 Matth., XVIII, 19. — 2 Cypr., de Un. Eccles., p. 198.

 

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Cyprien, qu'ils sont séparés de Jésus-Christ et de l'Evangile, dès qu'ils se séparent de l'Eglise et qu'ils se reconnaissent obligés à en dresser une nouvelle.

Et afin qu'on entende mieux de quelle Eglise ce saint martyr a voulu parler, c'est de l'Eglise qui reconnaît à Rome le chef de sa communion, et dans « la place de Pierre » l'éminent « degré de la chaire sacerdotale (1), » qui y reconnaît « la chaire de Pierre et l'Eglise principale, d'où l'unité sacerdotale a tiré son origine (2): » enfui qui y reconnaît un pontife d'un sacerdoce si éminent, que l'empereur, qui portait parmi ses titres celui de souverain pontife, « le souffrait dans Rome avec plus d'impatience qu'il ne souffrait dans les armées un César qui lui disputait l'empire (3). »

Que ces faiseurs de Lettres pastorales, qui se parent des lambeaux de saint Cyprien, ne prennent-ils sa doctrine foute entière? Puisqu'ils se servent des paroles de ce saint martyr pour vous exhorter au martyre, que ne vous disent-ils avec lui (4) : «Qu'il ne peut y avoir de martyrs que dans l'Eglise ; que, lorsqu'on est séparé de son imité, c'est en vain qu'on répand son sang pour la confession du nom de Jésus-Christ ; que la tache du schisme ne peut être lavée par le sang , ni ce crime expié par le martyre; » que la charité ne peut être hors de l'Eglise , et qu'ainsi quelques tournions qu'on endure hors de son sein, on est de ceux dont saint Paul a dit : «Quand je livrerais mon corps jusqu'à brûler, si je n'ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien (5). » Si donc ces prétendus pasteurs veulent parler le langage et s'attribuer l'autorité des véritables pasteurs, qu'ils nous montrent l'origine de leur ministère; et que, comme saint Cyprien et les autres évêques orthodoxes, ils nous fassent voir qu'ils sont descendus de quelque apôtre : qu'ils nous fassent voir parmi eux la chaire éminente, ou toutes les Eglises gardent l'unité, où reluit principalement la concorde et la succession do l'épiscopat. Ouvrez vous-mêmes, mes Frères, les livres que vous appeliez votre Histoire ecclésiastique : c'est Bèze qui l'a composée. Ouvrez l'histoire de ces faux martyrs

 

1 Epist. LII, ad Anton., p. 68. — 2 Epist. LIV, nunc LV, ad Corn., p. 86. — 3 Epist. LII, ad Anton., p. 69.— 4 Lib. de Un. Eccles., p. 198 et seq. — 5 I Cor., XIII, 3.

 

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dont on voudrait vous faire augmenter le malheureux nombre : vous trouverez que les premiers qui ont dressé en France les églises que vous appeliez réformées, étaient des laïques établis pasteurs par des laïques, et par conséquent toujours laïques, qui ont osé toutefois prendre la loi de Dieu en leur bouche et administrer sans pouvoir les saints sacrements. Souvenez-vous de Pierre le Clerc, cardeur de laine. Je ne le dis pas par mépris de la profession, ni pour ravilir un travail honnête : mais pour taxer l'ignorance, la présomption et le schisme d'un homme, qui sans avoir de prédécesseur ou de pasteur qui l'ordonne, sort tout à coup de la boutique pour présider dans l'Eglise. C'est lui qui a dressé l'église prétendue réformée de Meaux, la première formée dans ce royaume en l'an 1546. C'est lui qui a érigé une chaire profane et sacrilège contre le successeur de saint Faron et de saint Sainctin. Ceux qui ont fondé les autres églises, n'ont rien de plus relevé : tous laïques créés pasteurs par des laïques contre tous les exemples de l'antiquité, contre la pratique universelle de l'Eglise chrétienne, où jamais on n'a vu de pasteur qui ne fût ordonné par d'autres pasteurs; contre l'autorité de l'Ecriture, où le Saint-Esprit ne nous prescrit ni ne nous montre que ce moyen de perpétuer le ministère ecclésiastique. Voilà, mes Frères, l'origine du ministère sous lequel vous étiez. Que si un Luther, un Bucer, un Zuingle, un Pierre Martyr, si d'autres prêtres et d'autres religieux légitimement ordonnés dans l'Eglise catholique se sont faits ministres des troupeaux errants, sans parler des autres raisons qui condamnent leur témérité, il a fallu pour exercer ce ministère nouveau apostasier de la foi de ceux qui les avaient consacrés. On les avait faits prêtres, en leur disant qu'on leur donnait le pouvoir de « transformer parleur sainte bénédiction le pain et le vin au corps et au sang de Jésus-Christ, et de les offrir en sacrifice pour les vivants et pour les morts (1); » ils avaient été consacres dans cette foi : mais il a fallu y renoncer pour exercer ce nouveau ministère. Ainsi ils portent sur leur front la marque d'innovation: et les troupeaux séparés reconnaissent si peu l'ordination et la mission qu'ils avaient reçue dans l'Eglise, que cet

 

1 Pontif. de Ord. Sacerd.

 

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imbécile évêque de Troyes (1) (je ne le nomme pas ainsi de moi-même, c'est l’Histoire ecclésiastique de Bèze qui nous en donne cette idée (2)) après avoir embrassé la réformation prétendue, n'obtint qu'avec peine et avec beaucoup de prières qu'on lui permît d'être ministre : tant on croyait inutile tout ce qu'on avait reçu auparavant. Ainsi tous ces fondateurs des églises prétendues sont des gens sans autorité et sans mission. C'est de là que sont descendus ceux qui composent ces Lettres pastorales : et cependant, si Dieu le permet, ils feront les Cypriens et les Athanases. Mais leur erreur est manifeste : et quoiqu'ils tâchent de contrefaire le langage des saints évêques, puisqu'ils n'en ont ni la succession, ni l'autorité, ni la doctrine, vous ne les pouvez regarder que « comme de faux apôtres et des ouvriers trompeurs, transformés, » comme dit saint Paul, « en apôtres de Jésus-Christ (3). »

Aussi ne voyez-vous dans les écrits qu'ils vous adressent qu'un zèle amer, des sentiments outrés et un abus manifeste de la parole de Dieu. L'auteur de la Lettre aux Protestants tombés par la crainte des tourments traite ceux qui «se sont rendus, » comme il parle, « avant le combat, » c'est-à-dire sans être tourmentés, comme des gens pour qui il n'y a point de miséricorde; et leur appliquant un passage de saint Paul par où il ne leur laisse que le désespoir, il ne daigne même pas les exhorter à la pénitence.

Un autre imprime une lettre avec ce titre : A nos Frères, qui gémissent sous la captivité de Babylone, et renouvelle par ce seul titre toutes les applications aussi vaines qu'injurieuses de l’Apocalypse, qu'on n'a cessé de vous faire pour vous rendre l'Eglise odieuse. Tout, y est, digne d'un commencement si emporté. Il ne vous parle que « de l'horreur que vous devez avoir pour le papisme : » afin de « vous conserver, » comme il parle, « dans cette juste horreur pour le papisme, et telle qu'il mérite, n'oubliez pas, poursuit-il, à vous en mettre continuellement dans l'esprit toutes les laideurs; et ne les regardez pas à travers ces adoucissement, comme les docteurs du mensonge les font regarder aujourd’hui.» Vous entendez bien ce langage. Vous reconnaissez ce même

 

1 Antoine Carracciol. — 2 Hist. Ecclés. de Bèze, liv. II et VI. — 3 II Cor , XI, 13.

 

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esprit qui a fait dire aux ministres que l’Exposition de la doctrine catholique, que j'ai publiée, encore qu'elle soit tirée mot à mot du saint concile de Trente et que pour cette raison tant d'évêques, tant de cardinaux, tant de docteurs, tout le clergé de France, le Pape même et enfin toute l'Eglise l'ait approuvée, n'était pas notre doctrine véritable, mais un adoucissement trompeur, où toute l'Eglise et le Pape même était entré de concert avec moi pour vous surprendre. Quel prodige ne peut-on pas croire, quand on croit de telles choses? Mais ceux qui vous séduisaient n'avaient que ce moyen de, conserver l'horreur qu'ils vous inspiraient pour nous dès le commencement de la réformation prétendue. S'ils ne vous eussent déguisé nos senti mens, il n'y eût pas eu moyen de pousser jusqu'au schisme a cette horreur » qu'ils vous donnaient de l'Eglise, lue haine si violente ne peut être entretenue qu'en continuant les mêmes calomnies; et quand ils vous exhortent à rejeter « les adoucissements » du papisme pour en considérer sans cesse « toutes les laideurs, » si vous entendez leur langage, c'est-à-dire qu'il faut juger de nos sentiments, non par la profession publique que nous faisons, mais par ce que nos ennemis déclarés nous imputent, et ne connaître notre religion que dans leurs calomnies. Sans cela ne voyez-vous pas qu'ils n'oseraient dire, comme fait cet auteur emporté, que notre religion « fut la religion du démon; » une religion « de brutaux, » toute pleine «d'idolâtrie et de cérémonies judaïques et païennes. »

Ouvrez les yeux, mes chers Frères : reconnaissez la malignité et le zèle amer de ceux qui dès le commencement vous ont voulu faire les martyrs du schisme. Je ne prétends pas ici entrer dans des controverses : mais en quelle conscience peut-on vous écrire « qu'on vous l'ait dire dans une langue barbare des Litanies à l'honneur dos créatures et au déshonneur du Créateur? » Lisez-les ces litanies, puisque vous les avez entre les mains, non-seulement dans la langue latine, que ces emportés veulent appeler barbare, mais encore dans la langue française. Est-ce dire des litanies a au déshonneur du Créateur, » que de dire d'abord : « Soigneur, ayez pitié de nous : Christ, ayez pitié de nous : Christ, écoutez-nous : Christ, exaucez-nous : Père éternel, qui êtes Dieu; Fils rédempteur

 

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du monde, qui êtes Dieu ; Saint-Esprit, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous : Sainte Trinité, qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous? » Après avoir posé ce fondement de notre espérance, est-ce parler « à l'honneur de la créature et au déshonneur du Créateur, » que de dire : « Sainte Marie, priez pour nous : Sainte Mère de Dieu, priez pour nous : Saints Anges, priez pour nous : Saint Pierre, priez pour nous ; » et le reste? Cette manière de nommer les Saints dans les litanies, ne les met-elle pas visiblement, comme l'ont enseigné tous nos docteurs, plutôt au rang de ceux qui prient qu'au rang de ceux qui sont priés? Mais quelque utiles que nous paraissent leurs prières, ce n'est pas là que s'arrêtent nos dévotions. Nous revenons aussitôt après à Jésus-Christ, que nous conjurons par tous ses mystères, et par tous les noms qu'il a pris pour nous assurer de ses bontés, et nous délivrer de tous les maux, dont le plus grand et le plus terrible est la mort dans le péché. Nous continuons la litanie en priant Dieu de bénir tous les enfants de l'Eglise, et de les combler de ses grâces, dont on fait un pieux dénombrement. Enfin on invoque par trois fois l'Agneau qui ôte les péchés du monde; et après un psaume admirable et plusieurs autres prières adressées à Dieu, le pontife lui expose les vœux de son peuple, qu'il le prie d'écouter favorablement pour l'amour de son Fils Jésus-Christ Notre-Seigneur. Voilà ces litanies qu'on chante « à l'honneur des créatures et au déshonneur du Créateur. » Est-ce donc s'éloigner de Dieu, est-ce faire injure au Créateur, que de commencer par lui, de finir par lui, et au milieu de se joindre à la troupe de ses amis, afin de le prier en leur compagnie ? Qu'a-t-on à dire après tout contre cette prière : « Priez pour nous ? » N'est-elle pas de mot à mot de saint Paul (1) en plusieurs endroits? En est-elle plus injurieuse envers le Créateur, quand on l'adresse dans le même esprit aux Saints qui vivent avec lui? Laissons à part cette chicane, s'ils nous entendent ou non : chicane, dis-je encore une fois, puisqu'on ne peut pas dire des saints anges qu'ils ne nous entendent pas, eux dont il est écrit expressément qu'ils présentent à Dieu nos prières (2). Cette raison n'empêche donc pas qu'on ne leur dise : « Anges saints, priez pour nous ; » et il en faudrait

 

1 I Thessal., V, 25. — 2 Apoc., VIII, 3-5.

 

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venir à cette chicane de distinguer les âmes bienheureuses d'avec les saints anges, avec lesquels elles sont unies par les mêmes lumières, par les mêmes grâces et par une éternelle société. Mais laissons encore une l'ois cette chicane: pour décider la question si nos litanies sont au déshonneur du Créateur, n'est-ce pas assez qu'il soit clairement révélé de Dieu que cette prière : « Priez Dieu pour nous, » n'éloigne pas de Dieu? Mais la chose n'est-elle pas évidente par elle-même ? A-t-on le cœur éloigné de Dieu, où met-on sa dernière fin, où met-on son cœur et sa confiance, quand on dit : « Priez Dieu pour nous, » si ce n'est en Dieu? Mais par qui demandons-nous que les saints prient, si ce n'est par Jésus-Christ? Le concile de Trente et toutes les prières de l'Eglise ne font-elles pas foi que les Saints mêmes ne sont écoutés, et ne peuvent rien obtenir pour nous que par Jésus-Christ? Ainsi démonstrativement la prière que nous leur faisons de prier pour nous, loin d'affaiblir notre confiance envers Dieu et envers le Sauveur, la présuppose toute entière, autant qu’une semblable invitation que nous faisons à nos frères qui sont sur la terre.

Mais on veut que nos images et l'honneur que nous leur rendons fasse horreur. Encore une fois, mes Frères, ne disputons pas : ne nous jetons pas sur la controverse. Mais permet lez qui-je parle en simplicité et avec une cordialité fraternelle et paternelle, à ceux qui n'ont pas encore eu la force de sortir de leurs vains scrupules. Croiriez-vous faire injure à Dieu de baiser, comme nous le faisons, le livre de l'Evangile, de vous lever par honneur quand on le porte en cérémonie, et d'incliner la tête devant ? Les ministres, direz-vous, ne nous ont point appris cela: je le sais et la sécheresse de leurs dévotions ne porte pas à ces actions tendres et affectueuses, encore qu'elles témoignent et qu'elles excitent la dévotion et la ferveur intérieure. Mais cela , reprendrez-vous, n'est pas écrit. Quelle erreur que de vouloir que tout soit écrit jusque dans le moindre détail ! N'est-ce pas assez pour la perfection de l'Ecriture sainte, que les fondements le soient ; et l'Eglise, fidèle interprète des fondements de la foi que l'Ecriture contient, ne peut-elle pas être une garantie suffisante de tout le reste? Mais, mes Frères, sans disputer, je vous demande : est-il écrit quelque

 

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part qu'il soit bon de jurer sur l'Evangile ? En faisait-on difficulté dans la nouvelle Réforme? Et en même temps, est-ce par l'encre, ou par le papier, ou par les lettres et les caractères qu'on jure? N’est-ce pas par la vérité éternelle que ces choses représentent? Comment traiteriez-vous ceux qui craindraient de faire ce serment, et comment appellerez-vous ce vain scrupule? Ne le traiteriez-vous pas de faiblesse et de crainte superstitieuse ? Mais qu'est-ce que l'image de la croix, si ce n'est une autre manière d'écrire ce qui est écrit dans l'Evangile et ce qui en est l'abrégé, que Jésus-Christ est notre Sauveur par la croix? Si cela n'est pas véritable, s'il n'est pas vrai que Jésus-Christ nous ait rachetés par la croix, qu'on cesse, comme disait un saint pape, de le prêcher et de l'écrire. Que si c'est véritablement un mystère de foi et de piété, pourquoi ne le pas écrire en toutes les manières dont il le peut être ? Et pourquoi cette écriture des images ne serait-elle pas aussi vénérable, que celle qu'on fait sur le papier ? Le papier et les caractères ne sont-ils pas, aussi bien que les traits de la sculpture et de la peinture, des ouvrages de main d'homme? Mais qui ne voit qu'on regarde en toutes ces choses, non ce qu'elles sont, mais ce qu'elles signifient ; et que ce n'est pas une moindre erreur et une moindre superstition de craindre que l'honneur qu'on rend à l'image se termine au marbre ou au métal, que de craindre qu'on s'arrête au papier et à l'encre, quand on touche l'Evangile pour jurer dessus?

Vous vous étonnerez, mes Frères : je parle encore aux infirmes qui conservent de malheureux restes de leurs anciennes erreurs : vous vous étonnerez, dis-je, qu'on puisse vous traiter de superstitieux, et vous répondrez que du moins ce n'est pas là votre vice. Mais, dites-moi cependant, quelle est la crainte qui vous empêche de faire votre prière à Jésus-Christ à genoux devant son image, aussitôt que devant un pilier ou mie muraille? Car enfin vous serez toujours devant quelque chose. Pourquoi donc ne pas choisir aussitôt une image de Jésus-Christ qu'une paroi blanche? Cette image est-elle devenue incompatible avec nos dévotions, à cause qu'elle nous en représente le plus cher objet ? Mais je vois, mes bien-aimés, ce que vous craignez : vous craignez que votre génuflexion,

 

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au lieu d'aller à Jésus, n'aille au bois ou à l'ivoire ; comme si cette génuflexion allait par elle même à quelque chose, et que ce ne fût pas votre intention qui la dirigeât où elle va. Mais ne savez-vous pas bien que votre intention est d'adresser vos vœux à Jésus-Christ même ? Ou craignez-vous que Jésus-Christ ne le sache pas? Ou craignez-vous que ce langage du corps ne lui signifie autre chose, que ce que toute l'Eglise et vous-mêmes qui vous conformez à ses intentions, avez dessein de signifier et de faire ? Reconnaissez donc une bonne fois que c'est une grossière ignorance, une pitoyable faiblesse et une véritable superstition, que de craindre d'honorer en effet le bois, quand vous avez intention d'honorer Jésus-Christ.

Mais vous craignez, dites-vous de ne prendre pas assez à la lettre la défense du Décalogue : à la bonne heure. Prenez-la donc entièrement à la lettre, et dites qu'il est aussi peu permis de faire des images, parce qu'il est écrit : « Tu n'en feras pas (1), » que de se prosterner devant, à cause qu'il est écrit. « Tu ne te prosterneras point devant elles (2). » Entendez donc, mes chers Frères, qu'il est défendu de faire des images et de se prosterner devant elles dans l'esprit des païens, en croyant qu'elles sont remplies d'une vertu divine, ou que la divinité s'incorpore en elles, comme les païens le croyaient ; en un mot dans le dessein de les servir, d'y mettre comme eux sa confiance, et de leur dire avec eux : « Délivrez-moi , parce que vous êtes mon Dieu (3) : » car c'était là le vrai caractère et le fond de l'idolâtrie, comme Isaïe nous l'apprend en ce lieu, et comme toute l'Ecriture nous l'enseigne. Et ne dites pas que si les païens eussent cru ces choses, ils auraient été grossiers au delà de toute mesure ; car c'est aussi ce qu'ils étaient : et ce n'est pas en vain que ce saint prophète ajoute, dans le passage que je viens de citer : « Ils ne savent pas, ils n'entendent pas, ils n'ont point d'yeux, ils n'ont point de sens ni d'intelligence ; ils ne font point de réflexion dans leur cœur, et ils ne commissent ni ne sentent rien (4). » En est-ce assez pour vous faire voir que la grossièreté de l'idolâtrie allait en effet au delà de toutes bornes et jusqu'à incorporer la divinité, qu'elle croyait corporelle, dans la matière ?

 

1 Exod., XX, 4. — 2 Ibid., 5. — 3 Isa., XLIV, 17. — 4 Ibid., 18, 19.

 

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Lorsque dans la suite des temps les philosophes se sont élevés au-dessus de cette commune erreur du genre humain, il me serait aisé de vous faire voir qu'ils y retombaient toujours par quelque endroit ; et qu'en tous cas, comme l'Apôtre les en convainc (1). Ils confirmaient l'impiété du culte public en y adhérant. Mais sans entrer dans ces discussions et pour nous tenir à l'Ecriture , vous voyez ce qu'elle condamne , quand elle défend les images. Le Catéchisme de la nouvelle Réforme en demeure d'accord (2) : il dit, comme je l'ai remarqué ailleurs (3), et il ne m'est point pénible de le répéter, puisqu'il vous est nécessaire de l'entendre ; il vous dit, ce Catéchisme, que les images que Dieu défend dans le Décalogue, c'est celles où l'on croit représenter la divinité, comme si elle était corporelle, et celles que l'on regarde « comme si Dieu s'y démontrait à nous. » On ne peut dire que nous ayons cette croyance, sans une insupportable calomnie. On avoue que nous croyons de la nature divine et de la création, tout ce qu'on en peut croire de plus pur : avec cette croyance il est impossible que nous soyons idolâtres. Nous ne servons pas les images, mais nous nous servons des images pour nous rendre plus attentifs aux pieux objets qui excitent notre foi. Quand vous dites que le peuple y attache sa confiance, vous jugez témérairement votre frère : il est soumis à l'Eglise, qui démêle si exactement ce qui appartient à l'original d'avec ce qui appartient à la représentation ; et puisqu'il est soumis à ses décrets, pourquoi ne vouloir pas croire qu'il y conforme ses intentions et ses sentiments ? Si vous voyez quelquefois un cierge allumé devant l'image d'mi Saint, vous voulez croire que c'est pour servir l'image. Vous vous trompez : c'est pour dire que ce Saint est la lumière du monde, et qu'il en faut ou suivre la doctrine, ou imiter les vertus. S'il arrive qu'on jette de l'encens devant des reliques, ou si vous voulez devant quelque image, c'est pour dire que la doctrine et les exemples des Saints sont la bonne odeur de Jésus-Christ, et qu'il faut qu'à leur exemple nous répandions devant Dieu et dans l'Eglise un parfum semblable. Lorsque vous en jugez autrement, vous jugez le serviteur d'autrui contre le précepte de

 

1 Rom., I, 32. — 2 Cat. des P. R., dim. 23. — 3 Avert. de l’Exposit.

 

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l'Apôtre (1); mais vous ne persuaderez jamais , ni à un François que son langage vulgaire puisse signifier autre chose que ce que l'usage a voulu, ni aux enfants de l'Eglise que le langage des cérémonies puisse avoir une autre signification que celle que les décrets et l'usage de l'Eglise y ont attachée. Et quand des particuliers n'auraient pas des intentions assez épurées, l'infirmité de l'un ne fait pas de préjudice à la foi de l'autre : et quand il y aurait de l'abus dans la pratique de ces particuliers, n'est-ce pas assez que l'Eglise les en reprenne ? Et quand on ne les repren-droit pas assez fortement, autre chose est ce qu'on approuve, autre chose ce qu'on tolère : et quand on aurait tort de tolérer cet abus, je ne romprai pas l'unité pour cela; et pour m'éloigner d'une chose qui ne me peut faire aucun mal, je ne m'irai pas plonger dans l'abîme du schisme où je périrois. Saint Augustin avoue qu'il voyait beaucoup de pratiques superstitieuses qu'il ne pouvait approuver , « et qu'il n'osait pas toujours reprendre avec une entière liberté, pour ne point scandaliser des personnes ou pieuses ou emportées et turbulentes (2). » Il ne laissait pas d'être pur de ce qu'il y avait d'iniquité dans ces pratiques. L'Eglise, poursuit le même Père, « au milieu de la paille et de l'ivraie où elle se trouve, tolère beaucoup de choses : mais ni elle n'approuve, ni elle ne fait ce qui est contre la foi et les bonnes mœurs. » Ce que l'Eglise tolère n'est pas notre règle, mais ce qu'elle approuve; et ceux qui se servent de semblables choses pour vous aigrir contre nous et empêcher un aussi grand bien que celui delà réunion, sont maudits de Dieu.

Pour ce qui est des « cérémonies païennes et judaïques, » dont cette Lettre emportée dit que notre culte est rempli, où sont-elles? Est-ce le signe île la croix? L'avons-nous pris des Juifs et des païens, à qui la croix est folie et scandale? Est-ce l'huile que nous employons dans les sacrements, selon le précepte de saint Jacques (3) ? Est-ce l'eau bénite que nous prenons en mémoire de notre baptême, ou le pain bénit, reste précieux des agapes ou festins de charité des chrétiens et symbole de notre union? Quand

 

1 Rom., XIV, 4. — 2 August., Epist. LV, al. CXIX, ad Jan., cap. XIX, n. 34. — 3 Jacob., V, 14, 15.

 

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on aurait appliqué à de saints usages quelques-unes des cérémonies indifférentes ou des Juifs ondes païens, pour attacher les esprits à de plus saints objets, serait-ce un crime? Mais peut-être que vous vous plaignez de ce que le prêtre paraît à la messe, tantôt les mains élevées au ciel, selon que l'Apôtre le prescrit (1), tantôt les mains jointes, pour témoigner plus d'ardeur quand les choses le demandent ; ou de ce que toutes les fois qu'il commence une nouvelle action, il se tourne vers le peuple pour lui donner et en recevoir le salut en signe de communion. Les ministres sont-ils choqués des habits sacrés que leurs frères les protestants d'Allemagne, et leurs frères, encore plus chers, les protestants d'Angleterre, ont retenus aussi bien que la plupart des cérémonies ; et veulent-ils que ces choses, qui vous paraissent ou utiles ou indifférentes dans les pays étrangers, ne vous inspirent de l'horreur, que lorsque vous les verrez pratiquer par vos concitoyens et dans l'Eglise catholique?

Ils ne songent en effet qu'à répandre du venin sur tout ce que nous faisons. J'aurai d'autres occasions de vous instruire du service en langue vulgaire, et je l'ai déjà l'ai! souvent de vive voix. Mais que veut dire cet emporté ministre par ces paroles : « Ne vous accoutumez jamais à ce langage barbare, qui dérobe aux oreilles du peuple la religion, et qui ne laisse plus rien que pour les yeux? » N'est-ce pas une visible calomnie d'imputer à l'Eglise catholique qu'elle veuille cacher au peuple les mystères, après que le concile de Trente a fait ce décret : « Que de peur que les brebis ne demeurent sans nourriture, et qu'il ne se trouve personne pour rompre aux petits le pain qu'ils demandent, les pasteurs leur expliqueront dans la célébration de la messe, principalement les dimanches et fêtes, quelque chose de ce qu'on y lit et quelqu'un des mystères de ce très-saint sacrifice (2)? » Ce n'est donc pas l'intention de l'Eglise de vous cacher les mystères; mais au contraire de vous en exposer tous les jours quelque partie avec tant de soin, qu'ils vous deviennent connus et familiers. Les livres qu'on vous a mis entre les mains vous expliquent tout; et ceux qui vous persuadent qu'on vous veut ôter la connaissance des

 

1 I Timoth., II, 8. — 2 Conc. Trid., sess. XXII, cap. VIII.

 

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adorables secrets de la religion, ne songent qu'à vous remplir d'aigreur et d'amertume contre vos frères.

Mais voici la grande plainte : c'est qu'on vous fait adorer du pain. Je vous ai déjà déclaré que je n'entre point dans les controverses : mais je vous dirai seulement que ce reproche est semblable à celui que nous font les sociniens, et que nous faisaient autrefois les disciples de Paul de Samosate. En niant la divinité de Jésus-Christ, ils nous accusent d'être idolâtres, et s'imaginent avoir mi culte plus pur que le nôtre, à cause qu'ils ne rendent pas les honneurs suprêmes à un homme. Mais pendant qu'ils se glorifient d'être plus spirituels que nous, et de rendre à la Divinité une adoration plus pure, ils sont en effet charnels et grossiers, parce qu'ils ne suivent que leurs sens et un raisonnement humain qui leur persuade qu'un homme ne peut pas être Dieu. On vous veut rendre spirituels de la même sorte : on se vante de purifier votre culte, en vous obligeant à croire qu'il n'y a sur la sainte table que le pain que vous y voyez, et que le corps de Jésus-Christ, que vous n'y voyez pas, n'y est pas aussi et n'y peut pas être. En cela que faites-vous autre chose que de suivre la chair et le sang? Que si, à l'exemple du catholique, vous vous éleviez au-dessus ; si vous vous rendiez capables de croire que Jésus-Christ a pu se cacher lui-même sous la figure du pain, pour exercer notre foi : qui vous pourrait empêcher d'entendre aussi simplement ces paroles : « Ceci est mon corps (1), » que ces paroles : « Le Verbe était Dieu, et le Verbe a été fait chair (2)? » On vous prêchait autrefois que c'était une action inhumaine et contraire à la piété, que de manger par la bouche du corps, de la chair humaine, et encore la chair de son père. Ce titre d'anthropophages et de mangeurs de chair humaine que les ministres nous donnaient, nous faisaient passer pour des brutaux dans l'esprit de leurs aveugles sectateurs ; il n'y avait violence qu'ils ne se crussent obligés de faire aux paroles de Jésus-Christ plutôt que d'y reconnaître un sens si barbare. Maintenant qu'on s'est radouci, et qu'en faveur des luthériens on est demeuré d'accord que cette manducation de la chair de Notre-Seigneur, qu'on trouvait si odieuse,

 

1 Matth., XXVI, 26. — 2 Joan., I, 1, 14.

 

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n'a aucun venin ; qu'elle n'a rien qui répugne à la piété, ni à l'honneur de Dieu, ni au bien des hommes, en sorte que les luthériens qui la croient et la pratiquent aussi bien que nous, sont dignes de la sainte table et vrais membres de Jésus-Christ : qui vous oblige à violenter les paroles de Jésus-Christ, et d'y introduire par force une figure dont on ne trouve dans l'Ecriture aucun exemple? Mais si nous sommes des idolâtres, à cause que nous adorons Jésus-Christ dans l'Eucharistie, que seront les luthériens? Il n'est pas vrai, quoi que l'on vous dise, qu'ils n'adorent pas Jésus-Christ dans le sacrement de la Cène. Si vous les consultez, ils vous diront que n'y croyant Jésus-Christ que dans l'usage, ils ne l'y adorent aussi que dans l'usage, et que c'est pour l'y adorer dans l'usage qu'ils reçoivent à genoux ce saint sacrement. Mais quand ils ne lui rendraient aucune adoration extérieure, qui ne sait que ce n'est pas dans cet extérieur que consiste le service? L'acte de foi, d'espérance et de charité rapporté à Jésus-Christ comme présent, n'est-ce pas une parfaite adoration qu'on lui rend? Et si c'est une idolâtrie que d'adorer Jésus-Christ dans le sacrement de la Cène, celui qui l'y adore intérieurement peut-il s'exempter d'être idolâtre? Comment donc peut-il avoir part à la table de Jésus-Christ et à l'héritage céleste? Pesez, mes Frères, pesez un raisonnement si solide et tout ensemble si intelligible : vous verrez qu'on pardonne tout aux luthériens ; qu'on outre tout contre nous, et qu'on ne tâche qu'à vous inspirer une horreur injuste contre notre culte.

Enfin si c'est une idolâtrie que d'adorer Jésus-Christ dans le très-saint Sacrement, où sont les vrais adorateurs depuis tant de siècles? Ne vous y trompez pas, mes frères, l'adoration de Jésus-Christ dans l'Eucharistie est aussi ancienne que l'Eglise. Mais pour ne vous dire que les choses dont on convient parmi vous, elle y est du moins établie et constamment décidée depuis Bérenger, c'est-à-dire il y a plus de six cents ans. L'enfer a-t-il prévalu durant tant de siècles? Et ce qui devait toujours subsister jusqu'à la fin du monde, selon la parole de Jésus-Christ, a-t-il souffert une interruption si considérable?

Et de peur que vous ne croyiez que je vous veuille jeter dans

 

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une importune discussion de l'histoire des siècles passés, où étaient les vrais adorateurs quand Zuingle et Calvin sont venus au monde? Car pour Luther, il est constant que s'il a changé quelque chose dans l'adoration, ce n'a été que bien tard. En tout cas où étaient-ils ces adorateurs véritables, dans les commencements de Luther et du nouvel évangile ? Vous en revenez à ces sept mille inconnus au prophète Elie, qui n'avaient point fléchi le genou devant Baal. Mais enfin ces sept mille se seront du moins déclarés, quand ils auront vu paraître les réformateurs. J'ai pressé M. Claude d'en nommer un seul qui se joignant à ces réformateurs prétendus, leur ait dit: J'ai toujours cru comme vous: jamais je n'ai adhéré à la foi romaine, ni à la messe, ni à la présence réelle, ni à l'adoration de Jésus-Christ dans l'Eucharistie ». A cette demande si précise, à ce fait si clairement posé, qu'a répondu ce ministre si fécond en subtilités? « M. de Meaux, dit-il, s'imagine-t-il que les disciples de Luther et de Zuingle dussent faire des déclarations formelles de tout ce qu'ils avaient pensé avant la réformation, et qu'on dût insérer ces déclarations dans les livres (2)? » Vous voyez qu'il n'a eu personne à nommer; et cette réponse peut passer pour un aveu solennel, qu'en ellèl il ne sait personne qui ait fait une semblable déclaration. De dire que cela ne s'écrive pas ; et que pendant qu'on objectait de tous côtés et dans tous les livres aux réformateurs prétendus que la doctrine qu'ils enseignaient était inconnue quand ils sont venus, ils ne se soient jamais avisés de dire qu'un très-grand nombre de ceux qui les suivaient avaient toujours cru comme eux : c'est une illusion manifeste. Cependant quoiqu'ils aient rempli l'univers de lettres, d'histoires, de traités, et que mille et mille fois ils se soient mis en devoir de satisfaire le monde sur la nouveauté qu'on leur objectait, jamais ils n'ont nommé ces partisans qu'on suppose qu'ils avaient parmi nous; et encore à présent M. Claude ne les peut trouver, quoiqu'on le presse d'en nommer du moins quelques-uns. Mais au lieu de nous contenter sur cette demande, il nous allègue le progrès soudain de la réformation, « qui marque,

 

1 Conf., Réflex. XIII, tom.; XIII, p. 622. — 2 Rép. au Disc, de M. de Condom, p. 362.

 

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dit-il, que la matière était extrêmement disposée (1). » Comme si le désir de s'affranchir des vœux, des jeûnes, de la continence, de la confession, des mystères qui passaient les sens, de la sujétion des évêques qui étaient en tant de lieux princes temporels; la jouissance des biens d'église; le dégoût des ecclésiastiques trop ignorants, hélas! et trop scandaleux; le charme trompeur des plaisanteries et des invectives, et celui d'une éloquence emportée et séditieuse; le pouvoir accordé aux princes et aux magistrats de décider des affaires de la religion, et h tous les hommes de se rendre les arbitres de leur foi et de n'en plus croire que leur propre sens; enfin la nouveauté même, n'avaient pas été L'attrait qui jetoit en foule dans la nouvelle Déforme les villes, les princes, les peuples, et jusques aux prêtres et aux moines apostats. Pendant que les catholiques alléguaient aux réformateurs et à leurs disciples ces causes de leur révolte, c'était le temps de répondre que ce n'était pas d'aujourd'hui qu'ils avaient eu ces pensées; ils auraient dû même s'en expliquer auparavant. Car enfin on a supposé dans les nouvelles Lettres pastorales que selon la doctrine de saint Paul, « ce n'est pas assez de croire de corne à justice : mais qu'il faut encore confesser débouche à salut, et glorifier Dieu du corps et de l'esprit, puisqu'il est le rédempteur de l'un et de l'autre ». » C'est ainsi que parle la Lettre adressée aux tombés; et celle qui est écrite aux oppressés de Babylone, ne s'explique pas en termes moins formels : « Sachez que ce n'est pas assez de détester toutes ces choses de cœur, il faut les condamner de bouche. » Pourquoi donc ne pas déclarer ceux qu'on suppose avoir confessé avant la Réforme la doctrine qu'elle enseignait? Cependant on n'en rapporte aucun : tant il est vrai qu'il n'y en avait point du tout. Et il paraît au contraire que les premiers réformateurs, prêtres et moines pour la plupart, avaient été consacrés dans la foi que nous professons, comme nous l'avons déjà vu; et ceux qu'ils ont entraînés dans leur rébellion les ont regardés comme des hommes extraordinaires, qui leur apprenaient une nouvelle doctrine. Où étaient donc au nom de Dieu ceux qui croyaient bien, pendant que tout le monde, et aussi bien les

 

1 Rép. au Disc, de M. de Condom, p. 362. — 2 Rom., X, 10.

 

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formateurs que ceux qui les ont suivis, croyaient comme nous?

Gardez-vous bien, mes chers Frères, de regarder cette question comme une question inutile ou curieuse. Il s'agit de vérifier les promesses de l'Evangile.  M. Claude demeure d'accord qu'en vertu de ces promesses de Jésus-Christ : « Enseignez et baptisez, je serai toujours avec vous (1), » il faut entendre : Je serai toujours avec vous enseignant et baptisant. D'où il s'ensuit de son aveu que Jésus-Christ « promet à son Eglise d'être avec elle et d'enseigner avec elle sans interruption jusqu'à la fin du monde (2). » Et encore : « Il y aura toujours une Eglise, et Jésus-Christ sera toujours au milieu d'elle, baptisant avec elle et enseignant avec elle (3). » Sans doute c'est par les pasteurs qu'il exercera ce ministère : c'est donc avec les pasteurs qu'il a promis de baptiser et d'enseigner. Qu'on nous explique comment peuvent mal baptiser et mal enseigner ceux avec qui Jésus-Christ baptise et avec qui Jésus-Christ enseigne.

M. Claude nous oppose l'expérience; et pour montrer que cette force invincible que nous attribuons au ministère ecclésiastique en vertu des promesses de Jésus-Christ, ne lui convient pas, il nous rapporte beaucoup de passages d’Hérivé, de saint Bernard, d'Alvare Pelage (4), et des autres qui dans les siècles précédents ont déploré les désordres du clergé, et en ont désiré la réformation. Je n'entreprends pas ici d'examiner ces passages : vous les pouvez lire; et si vous en trouvez un seul où ces auteurs se soient plaints de la transsubstantiation, ou du sacrifice, ou de l'adoration de l'Eucharistie, ou enfin d'aucun des points de doctrine sur lesquels Luther et Calvin ont fait rouler leur réformation, je veux bien abandonner la cause. Mais si au contraire parmi tant de passages ambitieusement rapportés, il ne s'en trouve pas un seul qui regarde le moins du monde ces choses, avouez que les prétendus réformateurs n'ont pris de ces hommes vénérables que le nom de réformation, et n'ont fait qu'abuser le monde par un titre spécieux.

N'écoutez donc plus leurs dangereux discours. N'appelez plus réformât ion mi schisme affreux qui a désolé la chrétienté; et

 

1 Matth., XXVIII, 19, 20. — 2 Rép. au disc. de M. de Condom, p. 106. — 3 Ibid., p. 109, 333, etc. — 4 Ibid., p. 315 et suiv.

 

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tournez contre les ennemis de la réunion l'horreur qu'ils tâchent de vous inspirer pour nous. Car y a-t-il rien de plus digne d'horreur que de vous faire haïr l'Eglise, que de vous représenter comme Babylone celle qui porte sur le front le nom de Jésus-Christ, et qui met en lui seul sa confiance, que de faire la mère des idolâtries et des prostitutions, celle qui dès l'origine du christianisme jusqu'à nos jours ne cesse d'envoyer ses enfants par toute la terre et jusque dans les régions les plus inconnues, pour y faire adorer le seul et vrai Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit? Ce n'est donc pas nous, mes Frères, qui méritons cette juste horreur qu'on a pour l'idolâtrie; c'est ceux qui nous accusent faussement. Ceux qui portent contre un innocent un témoignage faux et calomnieux, sont punis du même supplice que mériterait le crime dont ils ont porté le témoignage, s'il avait été avéré : ainsi ceux qui nous accusent d'idolâtrie, pendant que nous confessons avec tant de pureté le nom de Dieu, méritent devant les hommes l'horreur qui est due à l'idolâtrie, et en recevront devant Dieu le juste supplice.

Mais surtout de quelle horreur sont dignes ceux qui font tomber cette accusation sur toute l'Eglise, et encore sur l'Eglise des premiers siècles? Il y a longtemps, mes Frères, que c'est une chose avouée parmi les ministres, que dès le quatrième siècle l'Eglise demandait les prières des martyrs et en honorait les reliques; et Vigilance s'étant opposé à cette pratique ancienne et universelle, fut tellement réprimé par les écrits de saint Jérôme, qu'il demeura seul dans son sentiment. Si c'est donc une idolâtrie de demander les prières des Saints et d'en honorer les reliques, cet illustre quatrième siècle : oui, ce siècle où les prophéties du règne de Jésus-Christ se sont accomplies plus manifestement que jamais, où les rois de la terre persécuteurs jusqu'alors du nom de Jésus, selon les anciens oracles, en sont devenus les adorateurs : ce siècle, dis-je , servait la créature ; les prophéties du règne de Jésus-Christ étendu sur les idolâtres s'y sont accomplies en les amenant dans mie nouvelle idolâtrie ; les Ambroises, les Augustins, les Jérômes, les Grégoires de Nazianze, les Basiles, et les Chrysostomes, que tous les chrétiens ont respectés jusqu'ici

 

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comme les docteurs de la vérité, ne sont pas seulement les sectateurs, mais encore les docteurs et les maitres d'un culte impie, dont le seul Vigilance s'est conservé pur : tant le christianisme était mal fondé, tant le nom d'Eglise de Jésus-Christ est peu de chose dès les premiers siècles !

Pouvez-vous, mes Frères, souffrir des ministres qui déshonorent par de tels opprobres la religion chrétienne? Ce n'est pas le seul outrage qu'ils font à l'Eglise; et sans sortir de la prétendue Lettre pastorale à ceux qui sont tonifiez pur les tourments, vous y trouverez ce blasphème : « Ainsi vit-on dans les premiers siècles l'Eglise tomber dans une apostasie semblable à la vôtre, après avoir goûté les douceurs mortelles du règne; du grand Constantin. » O prodige inouï parmi les chrétiens! les saints Pères ont reproché aux hérétiques qu'ils apostasiaient en se séparant de l'Eglise : mais que l'Eglise elle-même ait apostasie, qui l'entend sans horreur n'est pas chrétien; et vous ne pouvez regarder comme des pasteurs ceux qui ont proféré un tel blasphème. Mais ce blasphème est inséparable de la réformation prétendue. Pour pouvoir dire avec quelque couleur qu'il faut sortir de l'Eglise comme d'une Babylone, il faut dire qu'auparavant l'Eglise elle-même avait apostasie. Si on lui eût reproché de moindres crimes que l'idolâtrie, on n'aurait pas pu arracher du cœur des fidèles la vénération qu'ils avaient pour elle; et ce n'était que par de tels excès qu'on en pouvait venir à la rupture.

Détestez-la donc, mes Frères, et venez de tout votre cœur à notre imité. Commencez par la confession de vos péchés pour en recevoir la pénitence et l'absolution, conformément à cette parole : « Recevez le Saint-Esprit; ceux dont vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; et ceux dont vous retiendrez les péchés, ils leur seront retenus (1).» Ne croyez pas qu'il suffise, pour accomplir cette parole, devons annoncer en général la rémission des péchés, comme faisaient les ministres, puisque Jésus-Christ n'a pas dit : Annoncez; mais Remettez; et qu'il ne s'agit pas de prononcer seulement en général, puisqu'il est ordonné d'user de discernement, et de retenir aussi bien que de remettre. Mais il ne faut pas

 

1 Joan., XX, 22, 23.

 

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s'étonner que de faux pasteurs n'osent pas agir suivant les termes de la commission que Jésus-Christ a donnée à ses véritables ministres. Reconnaissez, mes chers Frères, quelle est la réformation, où l'on réforme la commission donnée par Jésus-Christ même, et où l'on ôte avec la confession et le jugement des prêtres, le nerf de la discipline et le frein de la licence.

Ce n'est pas un moindre attentat d'avoir retranché de l'Eglise l'imposition des mains, par laquelle on donne le Saint-Esprit aux fidèles. Ce sacrement est prouvé par ces paroles expresses des Actes : «Quand les apôtres qui étaient à Jérusalem curent appris que ceux de Samarie avaient reçu la parole de Dieu, ils leur envoyèrent Pierre et Jean, qui étant venus, firent des prières pour eux, afin qu'ils reçussent le Saint-Esprit. Car il n'était point encore descendu sur eux, et ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. Mais alors ils leur imposèrent les mains, et ils reçurent le Saint-Esprit (1).» Il a plu aux nouveaux réformateurs de décider de leur autorité et sans aucun témoignage de l'Ecriture, que ce sacrement, quoique administré dans tous les siècles et réservé selon la pratique des apôtres aux évêques leurs successeurs, n'était dans l'Eglise que pour un temps. Sous prétexte que le Saint-Esprit ne descend plus visiblement, ils ont prétendu qu'il ne descendait plus du tout, et que cet te cérémonie était inutile. Ils auraient pu prétendre avec autant de raison, qu'à cause que Satan n'afflige plus comme autrefois visiblement en leur chair ceux que l'Eglise lui livre (2), elle a perdu le pouvoir de les lui livrer par ses censures. Ne le croyez pas, nies frères, et ne soyez pas plus sages que toute l'antiquité. Apprenez soigneusement de vos pasteurs quel est l'effet de ce sacrement, et du saint chrême que nous bénissons à l'exemple de nos pères dès l'origine du christianisme. Vous devriez déjà nous avoir demande avec ardeur un sacrement qui vous est si nécessaire pour fortifier votre foi naissante. Venez, mes Frères, venez le recevoir de nos mains; venez, vous qui êtes proche : désirez, vous qui êtes loin, et j'irai vous porter ce don céleste.

Mais surtout préparez-vous à faire la pâque, et à manger la

 

1 Act., VIII, 14-17. — 2 I Cor., V, 4, S. 

 

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chair adorable de l’Agneau sans tache, qui ôte le péché du monde. Qu'y a-t-il de pins désirable que d'exercer le droit de l'Epouse, de jouir du corps sacré de l'Epoux céleste ; de lui livrer le sien, afin qu'il le sanctifie ; et de s'unir à lui corps à corps, cœur à cœur, esprit à esprit, afin d'être « consommé en un » avec lui (1), d'être « os de ses os et chair de sa chair (2), » et enfin « deux clans une même chair, » et tout ensemble dans « un même esprit » avec Jésus-Christ (3)? Ce n'est pas seulement l'esprit, c'est le corps qu'il faut préparer au corps de Jésus. Car depuis que le Verbe a été fait chair, le corps qu'il a pris est le moyen de nous unir à sa divinité ; et pour consommer le mystère, c'est aussi en s'unissant à nos corps que le Fils de Dieu fait passer sa grâce et sa vertu dans nos âmes. Courez donc avidement au corps du Sauveur : qu'aurez-vous à désirer davantage, quand vous y aurez trouvé avec la divinité et toute la personne de Jésus-Christ, la source de la grâce et de la vie?

Il a dit : « Qui me mange, vivra pour moi. » Il a dit : « Qui mangera de ce pain, aura la vie éternelle. » Il a dit : « Le pain que je donnerai, c'est ma chair que je donnerai pour la vie du monde (4). » Quelle autre grâce recevrait-on avec le sang précieux? Et qui ne voit que l'un et l'autre, et les deux ensemble, ont une seule et même vertu? Ne devez-vous pas être contents de communier comme la pieuse antiquité communiait les malades, comme saint Ambroise a communié en mourant, comme saint Cyprien et les autres Saints ont communié les enfants, comme les martyrs ont communié dans leurs maisons et les solitaires dans leurs retraites ; comme plusieurs Saints ont entendu que Jésus-Christ avait communié les deux disciples d'Emmaüs ; comme les adversaires eux-mêmes communient ceux qui ont répugnance au vin, et ne croient pas les priver du sacrement de Jésus-Christ, encore qu'ils en fassent consister toute la vertu dans les espèces? Combien plus doit-on être content d'une seule espèce dans l'Eglise catholique. où la force du sacrement est mise en Jésus-Christ même? Croyez-vous que l'Eglise, cette bonne Mère, voulût priver

 

1 Joan., XVII, 23. — 2 Ephes., V, 30. — 3 I Cor., VI, 16, 17. — 4 Joan., VI, 52, 58, 59.

 

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ses enfants de la grâce d'un sacrement dont elle connaît si bien les douceurs et la vertu? Ou que Jésus-Christ, qui lui a promis d'être toujours avec elle, l'eût permis ? Sur la foi de cette promesse M. Claude demeure d'accord qu'il y a toujours « une Eglise qui publie la foi, une Eglise à qui Jésus-Christ a donné un ministère extérieur, et par conséquent une Eglise qui a un extérieur et une visibilité (1).» Il avoue qu'il faut reconnaître en vertu de cette promesse, « une subsistance perpétuelle du ministère dans un étai suffisant pour le salut des élus de Dieu (2), pour édifier le corps de Christ et pour amener tous ses élus et ses vrais fidèles à la perfection (3). » S'il leur manque quelque chose d'essentiel à un aussi grand sacrement que celui de la communion, le ministère est-il suffisant au salut et à la perfection des fidèles? Est-ce être dans cet état, que de ne recevoir un tel sacrement qu'en violant le commandement de Jésus-Christ? C'est une vérité constante entre nous et les ministres, que l'Eglise ne peut pas être où les sacrements ne sont pas. Si donc les deux espèces sont absolument nécessaires à chaque fidèle, si le sacrement ne subsiste que dans la distribution de toutes les deux, les ministres devraient dire que tant qu'on n'a donné qu'une seule espèce, l'Eglise a été sans le sacrement de la Cène. Ils n'osent le dire néanmoins : ils sont forcés d'avouer qu'on se sauvait parmi nous du moins avant leur réformation, et que la vraie Eglise y était. Il faut donc qu'ils avouent nécessairement que le sacrement de la Cène y était aussi, et par conséquent qu'il subsiste dans toute sa perfection en ne distribuant qu'une seule espèce.

C'est aussi ce que M. Claude reconnaît d'une manière à ne laisser aucun doute à ceux qui le voudront lire attentivement. Voici comme il définit l'Eglise : « L'Eglise et les vrais fidèles qui font profession de la vérité et de la piété chrétienne, et d'une véritable sainteté, sous un ministère qui lui fournit les aliments nécessaires pour la vie spirituelle, sans lui en soustraire aucun (5) » Il n'y a rien de plus essentiel à l'Eglise que ce qui entre dans

 

1 Voy. le Traité de la Commun, sous les deux espèces. — 2 Rép. au disc. de M. de Cond., quest. IV, p. 102. — 3 Ibid., p. 105.— 4 Ibid.. p. 109. — 5 Ibid., p. 129.

 

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sa définition. Il entre dans la définition de l'Eglise qu'elle soit sous un ministère, c'est-à-dire sous des pasteurs qui lui fournissent tous les aliments nécessaires pour la vie spirituelle, sans lui en soustraire aucun. Ce ministre convient sur ce fondement (1), et tous les ministres en sont d'accord, qu'au moins jusqu'à la réformation prétendue, on faisait son salut sous le ministère des pasteurs latins et de l'Eglise romaine, et que la véritable Eglise y était encore. Elle était donc sous un ministère qui lui fournissait tous les aliments nécessaires, sans lui en soustraire aucun, lors même qu'on avait cessé de donner la coupe, et la coupe ne peut pas être comptée parmi ces aliments nécessaires à la vie spirituelle.

Venez donc, mes chers Frères, venez au banquet sacré de l'Eglise ; et n'en faites pas consister la perfection dans les deux espèces, puisque les ministres mêmes sont forcés à reconnaître qu'on vous donne sous une seule tout l'aliment nécessaire à la vie spirituelle, sans vous en soustraire aucun. En effet quel sujet auriez-vous de douter? Sur la foi de l'Eglise vous vous contentez de votre baptême, encore que vous l'ayez reçu dans l'enfance sans l'autorité de l'Ecriture, et d'une manière, à ne regarder que la lettre, si différente de celle que Jésus-Christ a ordonnée, qu'il a lui-même observée le premier, et où ses apôtres ont mis la mystérieuse représentation de notre sépulture aussi bien que noire résurrection avec Jésus-Christ. Vous entendez bien que je parle de l'immersion pratiquée dans le baptême durant tant de siècles, et comprise dans ces paroles de Notre-Seigneur : Baptisez, c'est-à-dire plongez, et mettez entièrement sous les eaux. Si sur la foi de l'Eglise vous êtes en repos de votre baptême, reposez-vous sur la même foi de votre communion, et ne vous privez pas de tout le sacrement sous prétexte d'en désirer une partie. C'est le comble de mes vœux de vous voir à la sainte table consommer le mystère de votre paix et de votre réconciliation avec l'Eglise. Mais de peur que vous n'y mangiez votre jugement, et que faute de discerner le corps du Seigneur vous ne vous en rendiez coupables, nous désirons, autant qu'il sera possible, de vous

 

1 Rép. au disc. de M. de Cond., quest. IV, p. 130 et suiv.

 

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préparer nous-même à ce céleste banquet ; et nous irons de paroisse en paroisse vous donner les instructions et les conseils nécessaires. Au reste nous ne demandons pas des perfections extraordinaires. Pourvu qu'où apporte à l'Eucharistie une ferme foi, une conscience innocente et une sainte ferveur, nous supporterons les restes de l'infirmité, nous souvenant de cette pâque d'Ezéchias, dont nous vous avons parlé au commencement de cette Instruction. Plusieurs de ceux qui étaient revenus du schisme, n'avaient pas été sanctifiés autant qu'il était requis pour faire la pâque : mais Ezéchias pria pour eux, en disant : « Le Seigneur, qui est bon, aura pitié de ceux qui recherchent de tout leur coeur le Dieu de leurs pères, et ne leur imputera pas de ce qu'ils ne sont pas assez purifiés : et le Seigneur l'écouta, et il s'apaisa sur le peuple (1).» Pourvu donc que revenus à Dieu de tout votre cœur, vous le serviez dans le même esprit que vos pères dans l'Eglise où ils l'ont servi, ce qui manque à votre foi encore infirme sera suppléé par la médiation de Jésus-Christ, dont Ezéchias était la figure; et la sainte Eucharistie sera votre force.

En attendant, mes chers Frères, fréquentez les instructions et les catéchismes : envoyez-y vos enfants. Que je n'entende plus dire qu'il y en ait parmi vous qui s'en éloignent, « de peur, comme dit l'Apôtre, que ne vous trouvant pas tels que je vous souhaite, vous ne me trouviez pas aussi tel que vous souhaitez (2). » Répondez-moi, mes Frères : « Lequel des deux voulez-vous, que j'aille à vous avec la verge ou avec l'esprit de douceur (3) ? S'il vous reste quelque scrupule, venez à nous avec confiance : à toute heure nous serons prêts à vous écouter, « et à vous donner non-seulement l'Evangile, mais encore notre propre vie, parce que vous nous êtes devenus très-chers (4). » Ainsi vous serez sur la terre ma consolation et ma joie, et vous serez ma couronne au jour de Notre-Seigneur (5). Je sais que quelques esprits artificieux tâchent secrètement de vous inspirer la dissension, et vous annoncent des changements et des victoires imaginaires de la religion que vous avez quittée. Au défaut de toute apparence , l’Apocalypse ne leur

 

1 II Paral., XXX, 18, 19. — 2 II Cor., XII. 20. — 3 I Cor., IV. 21. — 4 I Thessal., II, 8. — 5 Ibid., 19, 20.

 

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manque pas, et ils font trouver tout ce qu'ils veulent aux esprits crédules dans ses obscurités. Mais sans vouloir faire le prophète, j'ose bien vous dire avec confiance qu'un changement si inespéré arrivé dans tout le royaume, ressent trop visiblement la main de Dieu pour n'être pas soutenu, et que la piété du roi, visiblement protégé de Dieu, mettra fin à ce grand ouvrage. L'œuvre de la réunion s'achèvera, œuvre de charité et de paix, « qui tournera le cœur des pères vers les enfants, et le cœur des enfants vers les pères (1), » c'est-à-dire qui fera revivre la foi de nos pères dans leurs enfants longtemps séparés de leur unité, et ramènera les enfants à l'Eglise où leurs pères ont servi Dieu, où leurs os reposent en paix, et où ils attendent la résurrection des justes.

 

Donné à Claye, le dimanche vingt-quatrième jour du mois de mars, mil six cent quatre-vingt-six.

 

+ J. BÉNIGNE, E. de Meaux.

 

Par monseigneur,
LEDIEU
.

 

1 Malach., IV, 6.

 

 

FIN DE LA LETTRE PASTORALE SUR LA COMMUNION PASCALE.

 

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