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LA DIVINE COMÉDIEL'Enfer - Le Purgatoire - Le Paradis DANTE ALIGHIERI PARIS ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR 26, RUE RACINE, 26 +/- 1880 NOTICE SUR DANTEDante Alighieri,
le grand poète italien, est né à Florence en 1265 ; il fut exilé pour avoir pris
part aux luttes intestines de sa patrie et mourut à Ravenne en 1324. La vie de Dante a été tant de
fois écrite depuis Boccace, Villani et Benvenuto da Imola jusqu'à nos jours,
qu'on ne peut que répéter ce que savent déjà tous ceux qui se sont un peu occupés
de ce grand poète. Il naquit à Florence au mois de mars 1265, d'Alighiero degli Alighieri et de sa femme Bella.
Son vrai nom était Durante, dont Dante est l'abréviation. Il rappelle lui-même,
en s'en glorifiant, l'origine noble de ses ancêtres (1), bien qu'en parlant
d'eux il déclare ne vouloir pas remonter au delà de Cacciaguida
(2) dont le fils Alighiero ou Aligiero,
prit le nom de sa mère, de la famille des Aldighieri
de Ferrare, et ce nom d'Alighieri fut adopté par tous
les descendants de Cacciaguida. Dante était encore dans
l'enfance lorsqu'il perdit son père. Vers ce temps, une circonstance fortuite
fit naître en lui la passion, si connue, qui eut tarit d'influence sur sa vie
entière. Nous empruntons le récit de Boccace : « C'était le 1er de
mai, jour où, selon la coutume, Folco Portinari,
homme en grande estime parmi ses concitoyens, avait rassemblé chez lui ses amis
avec leurs enfants. Dante, alors âgé de neuf ans seulement, était du nombre de
ces jeunes hôtes. De cette joyeuse troupe enfantine faisait partie la fille de Folco, dont le nom était Bice
(3). Elle avait à peine atteint sa
huitième année. C'était une charmante et gracieuse enfant, et de séduisantes
manières. Ses beaux traits respiraient la douceur, et ses paroles annonçaient
en elle des pensées au-dessus de ce que semblait comporter son âge. Si aimable
était cette enfant, si modeste dans sa contenance, que plusieurs la regardaient
comme un ange. Cette jeune fille donc, telle que je l'ai décrite, ou plutôt
d'une beauté qui surpasse toute description, était présente à cette fête. Tout
enfant qu'était Dante, cette image se grava soudain si avant dans son cœur,
que, de ce jour jusqu'à la fin de sa vie, jamais elle ne s'en effaça. Était-ce
entre deux cœurs un lien mystérieux de sympathie, ou une spéciale influence du ciel, ou était-ce,
comme quelquefois l'expérience nous le montre, qu'au milieu de l'harmonie de la
musique et des réjouissances d'une fête, deux jeunes cœurs s'échauffent et se
portent l'un vers l'autre? Il n'importe; mais Dante, en cet âge tendre, devint
l'esclave dévoué de l'amour. Le progrès des années ne fit qu'accroître sa
flamme, et tant, que pour lui nul plaisir, nul confort, que d'être près de
celle qu'il aimait, de contempler son beau visage, et de boire la joie dans ses
yeux. Tout en ce monde est transitoire. A peine Béatrice avait-elle accompli sa
vingt-cinquième année, qu'elle mourut (4). A son départ, Dante ressentit une
affliction si profonde, si poignante, il versa tant et de si amères larmes, que
ses amis mirent qu'elles n'auraient d'autre terme que la mort seule, et que
rien ne pourrait le consoler (5). » Ce funeste événement contribua
peut-être à développer en lui le fonds
de mélancolie qu'il semble avoir apporté en naissant. Quoi qu'il en soit,
jamais Béatrice ne sortit de son souvenir. Il la célébra dans ses
premiers, vers pleins d'amour et de douleur, et l'immortalisa dans le poème
devenu l'immortel monument de sa propre gloire. Brunetto
Latini, renommé par ses deux ouvrages, le Tesoro
et le Tesoretto, fut son premier guide dans
l'étude des lettres et de la philosophie. Ce fut à ce maître, qui jamais ne
cessa de lui être cher (6), qu'il dut la connaissance des poètes anciens,
objets pour lui d'une admiration presque religieuse. Il dut aussi beaucoup à
l'amitié de Guido Cavalcanti. Le goût de la peinture
et de la musique le lia également avec Giotto, avec Oderici
da Gubbio, célèbre par ses miniatures, et avec
Casella, qui mit en chant
plusieurs de ses canzoni. La science ne l'attira pas
moins que les arts et les lettres. Il visita dans sa jeunesse les Universités
de Bologne et de Padoue, peut-être durant son exil celles de Crémone et de
Naples, mais certainement celle de Paris, où il s'appliqua particulièrement à
l'élude de la théologie (7). On a dit que, jeune encore, il
entra dans l'ordre des Frères mineurs, et qu'il le quitta avant d’avoir fait
profession. Mais ce fait, rapporté par un seul biographe (8), est plus que
douteux. Pressé par ses amis de se
marier, il épousa Gemma, de la famille des Donati. Si
l'on en croit Boccace, que d'autres contredisent sur ce point, le caractère
fâcheux de Gemma. rendit cette union peu heureuse.
Dante eut d'elle six enfants, cinq fils et une fille, qui reçut le nom de
Béatrice. Elle prit le voile dans le couvent della Uliva de Ravenne. Trois de ses fils moururent jeunes.
Pierre, l'aîné, acquit quelque réputation comme légiste, et écrivit, ainsi que
son frère Jacopo, un commentaire sur la Divina Commedia. En des temps aussi agités que
ceux où vivait Dante, il était impossible qu'il ne prît pas part aux affaires
publiques. Né d'une famille Guelfe, il combattit à Campaldino contre
les Gibelins, auxquels, proscrit par ces mêmes Guelfes, il s'unit dans la
suite. On le retrouve encore dans la guerre contre les Pisans. Également distingué
par sa prudence et sa fermeté, on le consultait avec empressement dans les
conjonctures importantes. Suivant quelques-uns de ses biographes, il fut
quatorze fois envoyé comme ambassadeur près de différents princes, et, en 1300,
du 13 juin au 15 août, on le trouve au nombre des Prieurs, la première dignité
de la république. Ce fut la source des malheurs de tout le reste de sa vie. Jean Villani rapporte ainsi sa
mort : « En 1321, au mois de septembre, mourut le grand et vaillant poète Dante
Alighieri de Florence, dans la ville de Ravenne en
Romagne, après son retour d'une ambassade à Venise pour le service du seigneur
de Ravenne, auprès duquel il demeurait. » Les premières productions de
Dante furent des canzoni et des sonnets, entre
lesquels on ne saurait établir un ordre chronologique certain. Il a écrit deux ouvrages latins : De Monarchia
mundi, dans lequel il soutient la nécessité de la
monarchie et de la séparation du spirituel et du temporel; De Vulgari eloquio, où il
s'occupe de rechercher le dialecte italien qui pourrait remplacer le
latin. Ses œuvres en italien sont : La Vita
nuova, récit de son amour pour Béatrice; Le Convito ou le
Banquet, qui est un commentaire de ses canzoni ; mais
son chef-d'œuvre, qui est le monument le plus important de la littérature
italienne, c'est la Divina Commedia, en trois
cantiques, l'Enfer, le Purgatoire, le Paradis. Ce poème
est toute une époque. Il peint merveilleusement l'état de la société et de
l'esprit humain, du treizième au quatorzième siècle, dans le pays sans aucun
doute le plus avancé, alors qu'après un long sommeil agité de rêves terribles,
le monde se réveillant semblait pressentir,
au milieu des
ténèbres déjà moins épaisses, ses lointaines destinées, et que l'Italie, aidée
par d'heureuses circonstances, commençait à se dégager des liens de la
barbarie. La Divine Comédie vint,
pour ainsi dire, résumer tout le moyen âge avant qu'il s'enfonçât dans les
abîmes des temps écoulés. 1. Parad., ch. XVI. 2. Ibid. 3. Diminutif de Béatrice. 4. Le 5. Boccace. Vita di Dante. 6. Enf., ch. XV. 7.
Benvenuto da Imola. Comment, in Comced. Dant. 8. Francesco
da Buti. Mem. della vita di Dante, § 8. |