MESSE DE L'AURORE

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Vig. EPIPHANIE

LA MESSE DE L'AURORE.

 

L'Office des Laudes est achevé, les cantiques de réjouissance par lesquels l'Eglise remercie le Père des siècles de ce qu'il a fait lever son Soleil de justice sont épuisés : il est temps d'offrir le second Sacrifice, le Sacrifice de l'aurore. La sainte Eglise a glorifié, par la première Messe, la naissance temporelle du Verbe, selon la chair; à cette heure, elle va honorer une seconde naissance du même Fils de Dieu, naissance de grâce et de miséricorde, celle qui s'accomplit dans le cœur du chrétien fidèle.

Voici que, dans ce moment même, des bergers invités par les  saints Anges arrivent en  hâte à Bethléhem ;  ils se pressent  dans l’étable,  trop étroite pour contenir leur foule. Dociles à l'avertissement du ciel, ils sont venus reconnaître le Sauveur qu'on leur a dit être  né pour eux. Ils trouvent toutes  choses telles que les Anges les leur ont annoncées.  Qui pourrait dire la joie de leur cœur, la simplicité de leur foi ? Ils ne s'étonnent point de rencontrer, sous  les livrées d'une pauvreté pareille à la leur, Celui dont la naissance émeut les Anges  mêmes. Leurs cœurs ont tout compris ; ils adorent, ils aiment cet Enfant. Déjà ils sont chrétiens : l'Eglise chrétienne commence en eux ; le  mystère d'un Dieu abaissé est reçu dans les cœurs humbles. Hérode cherchera à faire périr l'Enfant; la Synagogue frémira ; ses

 

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docteurs s'élèveront contre Dieu et contre son Christ ; il mettront à mort le libérateur d'Israël; mais la foi demeurera ferme et inébranlable dans l'âme des bergers, en attendant que les sages et les puissants s'abaissent à leur tour devant la crèche et la croix.

Que s'est-il donc passé au cœur de ces hommes simples ? Le Christ y est né, il y habite désormais par la foi et l'amour. Ils sont nos pères dans l'Eglise; et c'est à nous de leur devenir semblables. Appelons donc, à notre tour, le divin Enfant dans nos âmes ; faisons-lui place, et que rien ne lui ferme plus l'entrée de nos cœurs. C'est pour nous aussi que parlent les Anges, c'est à nous qu'ils annoncent l'heureuse nouvelle ; le bienfait ne doit pas s'arrêter aux seuls habitants des campagnes de Bethléhem. Or, afin d'honorer le mystère de la venue silencieuse du Sauveur dans les âmes, le Prêtre va tout à l'heure remonter au saint autel, et présenter, pour la seconde fois, l'Agneau sans tache aux regards du Père céleste qui l'envoie.

Que nos yeux soient donc fixés sur l'autel, comme ceux des bergers sur la crèche; cherchons-y, comme eux, l'Enfant nouveau-né, enveloppé de langes. En entrant dans l’étable, ils ignoraient encore Celui qu'ils allaient voir; mais leurs cœurs étaient préparés. Tout à coup ils l'aperçoivent, et leurs yeux s'arrêtent sur ce divin Soleil. Jésus, du fond de la crèche, leur envoie un regard de son amour ; ils sont illuminés, et le jour se fait dans leurs cœurs. Méritons qu'elle s'accomplisse en nous, cette parole du prince des Apôtres : « La lumière luit dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour vienne à briller, et que l'étoile du matin se lève dans vos cœurs. » (II Petr. I, 19.)

Nous y sommes arrivés, à cette aurore bénie;

 

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il a paru, le divin Orient que nous attendions, et il ne se couchera plus sur notre vie : car nous voulons craindre par-dessus tout la nuit du péché dont il nous délivre. Nous sommes les enfants de la lumière et les fils du jour (I Thess. V , 5) ; nous ne connaîtrons plus le sommeil de la mort ; mais nous veillerons toujours, nous souvenant que les bergers veillaient quand l'Ange leur parla, et que le ciel s'ouvrit sur  leurs têtes. Tous les chants de cette Messe de l'Aurore vont nous redire la splendeur du Soleil de justice ; goûtons-les comme des captifs longtemps enfermés dans une prison ténébreuse, aux yeux desquels une douce lumière vient rendre la vue. 11 resplendit, au fond de la crèche, ce  Dieu de lumière ; ses divins  rayons embellissent encore les augustes traits de la Vierge-Mère qui le contemple avec tant d'amour ; le visage vénérable de Joseph en reçoit aussi un éclat nouveau ; mais ces rayons ne s'arrêtent pas dans l'étroite enceinte de la grotte. S'ils laissent dans ses ténèbres méritées l'ingrate Bethléhem, ils s'élancent par le monde entier, et allument dans des millions de cœurs un amour ineffable pour cette Lumière d'en haut qui arrache l'homme  à ses erreurs et à ses passions, et l'élève vers la sublime fin pour laquelle il a été créé.

Mais, ace moment, la sainte Eglise, au milieu de tous ces mystères du Dieu incarné, nous présente, au sein même de l'humanité, un autre objet d'admiration et d'allégresse. Au souvenir si cher et si glorieux de la Naissance de l'Emmanuel, elle unit, dans ce Sacrifice de l'Aurore, la mémoire solennelle d'une de ces âmes courageuses qui ont su conserver la Lumière du Christ, en dépit de tous les assauts des ténèbres. Elle honore, à cette heure même, une pieuse veuve romaine

 

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qui, en ce jour de la naissance du Rédempteur, naquit à la vie céleste, par la croix et la souffrance, sous la persécution de Dioclétien.

Anastasie, épouse d'un Romain nommé Pu-blius, eut beaucoup à souffrir de la brutalité de ce païen, qui s'irritait de sa générosité envers les serviteurs de Dieu. Après de cruels traitements endurés avec patience, elle fut enfin affranchie du joug qui l'accablait; mais s'étant vouée à la visite et au soulagement des confesseurs de la foi qui remplissaient les prisons de Rome durant cette affreuse persécution, elle fut arrêtée elle-même comme chrétienne, liée à un poteau et brûlée vive. Son Eglise, à Rome, bâtie sur l'emplacement de sa maison, est le lieu de la Station pour la Messe de l'Aurore; et autrefois le Souverain Pontife y venait célébrer cette seconde Messe. Léon XII l'a encore pratiqué en ce siècle.

Admirons ici la délicatesse maternelle de la sainte Eglise, qui, voulant associer le nom d'une sainte à la gloire de cette solennité dans laquelle triomphe si merveilleusement la virginité de Marie, a choisi de préférence une sainte veuve, afin de montrer que l'état du mariage, quoique inférieur en sainteté et en dignité à celui de la continence, n'est cependant pas déshérité des bénédictions que le divin enfantement a méritées à la terre. En ce même jour, une vierge, sainte Eugénie, a souffert à Rome un cruel et courageux martyre, sous la persécution de Gallien ; cependant, l'épouse de Publius, Anastasie, a été préférée. Cette attention, si pleine d'intelligence maternelle de la part de l'Eglise, rappelle tout naturellement ces belles paroles de saint Augustin dans son IXe Sermon pour la fête de Noël :

« Triomphez, vierges du Christ: la Mère du

 

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 Christ est votre compagne. Vous n'avez pas enfanté le Christ ; mais, pour le Christ, vous avez renoncé aux douceurs delà maternité ; Celui qui n'est pas né de vous, est né pour vous. Cependant, si vous vous souvenez de sa parole, n'êtes-vous pas vous-mêmes ses propres mères, puisque vous faites la volonté de son Père? car il a dit : Celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère.

« Triomphez, veuves du Christ; car vous avez voué une sainte continence à Celui qui a rendu féconde la virginité. Triomphez aussi, chasteté nuptiale, vous toutes qui vivez dans la fidélité à vos époux ; ce que vous perdez selon la chair, vous le gardez dans votre cœur. Que votre conscience demeure vierge, par cette foi qui fait que l'Eglise est vierge tout entière. Le Christ est Vérité, Paix et Justice : concevez-le par la foi, enfantez-le par les œuvres ; ce que le sein de Marie a fait pour la chair du Christ, que votre cœur le fasse pour la loi du Christ. Comment n'auriez-vous pas votre part dans l'enfantement de la Vierge, puisque vous êtes les membres du Christ ? Marie a enfanté Celui qui est le Chef; l'Eglise vous a enfantées, vous qui êtes les membres. Car elle aussi est mère et vierge : mère par ses entrailles de charité, vierge par l'intégrité de la foi et de la piété. »

Mais il est temps de lever les yeux vers le saint autel, où le Sacrifice commence. L'Introït célèbre le lever du divin Soleil. L'éclat de son aurore annonce déjà les splendeurs de son midi. Il a en partage la force et la beauté ; ils s'est armé pour sa victoire, et son nom est le Prince de la Paix.

 

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INTROÏT.

 

La lumière brillera aujourd'hui sur nous ; car le Seigneur nous est né, et il sera appelé l'Admirable, Dieu, le Prince de la Paix, le Père du siècle futur, dont le règne n'aura point de fin. Ps. Le Seigneur règne, il s'est revêtu de beauté ; le Seigneur s'est revêtu de force, et il s'est armé. Gloire au Père. La lumière.

 

La prière de l'Eglise, en cette Messe de l'Aurore, est pour implorer l'effusion des rayons du Soleil de justice sur lésâmes, afin qu'elles deviennent fécondes en œuvres de lumière, et que les anciennes ténèbres ne reparaissent plus.

 

COLLECTE.

 

Dieu tout-puissant, qui daignez nous inonder de la nouvelle lumière de votre Verbe en son incarnation; daignez faire resplendir en nos œuvres ce même éclat qui, par la foi, illumine nos âmes. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

 

Mémoire de sainte Anastasie.

 

Faites, s'il vous plaît, Dieu tout-puissant, que nous ressentions auprès de vous les effets de l'intercession de la bienheureuse Anastasie, votre Martyre, dont nous célébrons la solennelle mémoire. Par notre Seigneur.

 

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ÉPÎTRE.

 

Lecture de l'Epître du bienheureux Paul, Apôtre, à Tite. Chap. III.

 

Très cher fils, la bénignité et l'humanité de Dieu notre Sauveur ont apparu. Il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous eussions faites, mais à cause de sa miséricorde, par l'eau de la régénération et du renouvellement du Saint-Esprit, qu'il a répandu sur nous abondamment par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions les héritiers de la vie éternelle, selon l'espérance que nous en  avons  en Jésus-Christ notre Seigneur.

 

Le Soleil qui s'est levé sur nous, c'est un Dieu Sauveur, dans toute sa miséricorde. Nous étions loin de Dieu, dans les ombres de la mort; il a fallu que les divins rayons descendissent jusqu'au fond de l'abîme où le péché nous avait précipités ; et voilà que nous en sortons régénérés, justifiés, héritiers de la vie éternelle. Qui nous séparera maintenant de l'amour de cet Enfant? Voudrions-nous rendre inutiles les merveilles d'un amour si généreux, et redevenir encore les esclaves des ténèbres de la mort? Gardons bien plutôt l'espérance de la vie éternelle, à laquelle de si hauts mystères nous ont initiés.

 

GRADUEL.

 

Béni soit Celui qui vient au Nom du Seigneur : c'est le Seigneur Dieu, et sa lumière s'est levée sur nous.

V/. C'est l'ouvrage du Seigneur, la merveille qui éclate à nos yeux.

Alleluia, alleluia.

V/. Le Seigneur règne, il s'est revêtu de beauté; le Seigneur s'est revêtu de force, et il s'est armé. Alleluia.

 

ÉVANGILE.

 

La suite du saint Evangile selon saint LUC. Chap. II.

 

En ce temps-là, les bergers se dirent l'un à l'autre : Passons jusqu'à Bethléhem, et voyons ce qui est arrivé et ce que le Seigneur nous a fait connaître. Et ils vinrent en hâte, et ils trouvèrent Marie et Joseph, et l'Enfant couché dans la crèche. Et l'ayant vu, ils connurent la vérité de ce qui leur avait été dit sur cet Enfant. Et tous ceux qui en ouïrent parler furent dans l'admiration de ce qui leur avait été rapporté par les bergers. Or, Marie conservait toutes ces choses en elle-même, les repassant dans son cœur. Et les bergers s'en retournèrent, glorifiant et louant Dieu de toutes les choses qu'ils avaient entendues et vues, selon qu'il leur avait été dit.

 

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Imitons l'empressement des bergers à aller trouver le nouveau-né. A peine ont-ils entendu la parole de l'Ange, qu'ils partent sans aucun retard, et se rendent à l'étable. Arrivés en présence de l'Enfant, leurs cœurs déjà préparés le reconnaissent ; et Jésus, par sa grâce, prend naissance en eux. Ils se réjouissent d'être petits et pauvres comme lui ; ils sentent qu'ils lui sont unis désormais, et toute leur conduite va rendre témoignage du changement qui s'est opéré dans leur vie. En effet, ils ne se taisent pas, ils parlent de l'Enfant, ils s'en font les apôtres; et leur parole ravit d'admiration ceux qui les entendent. Glorifions avec eux le grand Dieu qui, non content de nous appeler à son admirable lumière, en a placé le foyer dans notre cœur, en s'unissant à lui. Conservons chèrement en nous le souvenir des mystères de cette grande nuit, à l'exemple de Marie, qui repasse sans cesse dans son très saint Cœur les simples et sublimes événements qui s'accomplissent par elle et en elle.

Pendant l'offrande des dons sacrés, l'Eglise relève la puissance de l'Emmanuel, qui, pour raffermir ce monde déchu, s'est abaissé jusqu'à n'avoir, pour former sa cour, que d'humbles bergers, mais qui n'en est pas moins assis sur son trône de gloire et de divinité, à jamais, et avant tous les siècles.

 

OFFERTOIRE.

 

Dieu a affermi la terre : elle ne sera plus ébranlée. Votre trône, ô Dieu ! est établi dès l'éternité; vous êtes avant tous les temps.

 

SECRETE.

 

Faites, Seigneur, que nos offrandes soient convenables aux mystères de la Nativité d'aujourd'hui ; afin que, comme votre Fils, naissant homme, a fait en même temps éclater sa lumière divine, ainsi cette substance terrestre nous communique ce qui est divin. Par le même Seigneur.

 

Mémoire de sainte Anastasie.

 

Recevez favorablement , Seigneur, les dons que nous vous offrons, et par le suffrage des mérites de la bienheureuse Anastasie, votre Martyre, daignez faire qu'ils deviennent un secours pour notre salut. Par notre Seigneur.

 

Après la communion du Prêtre et du peuple, la sainte Eglise, tout illuminée de la douce lumière de son Epoux auquel elle vient de s'unir, s'applique à elle-même ces paroles du Prophète Zacharie annonçant la venue du Roi Sauveur.

 

COMMUNION.

 

Réjouis-toi, fille de Sion; chante des cantiques , fille de Jérusalem : voici ton Roi qui vient à toi, le Saint et le Sauveur du monde.

 

POSTCOMMUNION.

 

Faites, Seigneur, que nos âmes  soient régénérées par la nouvelle naissance de Celui qui se donne en ce Sacrement, et dont l'admirable Nativité a détruit le vieil homme. Par le même Seigneur.

 

Mémoire de sainte Anastasie.

 

Seigneur, vous avez rassasié votre famille de vos dons sacrés; ranimez-vous, s'il vous plaît, par l'intercession de celle dont nous célébrons la solennité. Par notre Seigneur.

 

Le second Sacrifice achevé, et la Naissance de grâce ayant été célébrée par cette nouvelle immolation de l'immortelle victime, les fidèles se retirent de l'église, et vont réparer leurs forces par le sommeil, en attendant la célébration du troisième Sacrifice.

Dans l'étable de Bethléhem, Marie et Joseph veillent auprès de la crèche. La Vierge-Mère prend respectueusement dans ses bras le nouveau-né et lui présente le sein. Le Fils de l'Eternel, comme un simple mortel, s'abreuve à cette source de la vie. Saint Ephrem essaye de nous initier aux sentiments qui se pressent alors dans l'âme de Marie, et il nous traduit ainsi son langage : « Par quelle faveur ai-je enfanté Celui qui étant simple se multiplie partout, Celui que je tiens petit dans mes bras et qui est si grand, Celui qui est à moi ici tout entier, et qui tout entier est aussi en tous lieux? Le jour où Gabriel descendit vers ma faiblesse, de servante que j'étais, je devins princesse. Toi, le Fils du Roi, tu fis de moi tout à coup la fille de ce Roi éternel. Humble esclave de ta divinité, je devins la mère de

 

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ton humanité, ô mon seigneur et mon fils! De toute la descendance de David, tu es venu choisir cette pauvre jeune fille et tu l'as entraînée jusque dans les hauteurs du ciel où tu règnes. Oh ! quelle vue ! un enfant plus ancien que le monde ! son regard cherche le ciel ; ses lèvres ne s'ouvrent pas; mais dans ce silence, c'est avec Dieu qu'il converse. Cet œil si ferme n'indique-t-il pas Celui dont la Providence gouverne le monde ? Et comment osé-je lui donner mon lait, à lui qui est la source de tous les êtres ? comment lui servirai-je la nourriture, à lui qui alimente le monde entier ? comment pourrai-je manier ces langes qui enveloppent Celui qui est revêtu de la lumière (1) ? »

Le même saint Docteur du ive siècle nous montre saint Joseph remplissant auprès de l'Enfant divin les touchants devoirs du père. Il embrasse, dit-il, le nouveau-né, il lui prodigue ses caresses, et il sait que cet enfant est un Dieu. Hors de lui, il s'écrie : « D'où me vient cet honneur que le Fils du Très-Haut me soit ainsi donné pour fils ? O enfant, je fus alarmé, je le confesse, au sujet de ta mère : je songeais même à m'éloigner d'elle. L'ignorance où j'étais du mystère m'avait été un piège. En ta mère cependant résidait le trésor caché qui devait faire de moi le plus opulent des hommes. David mon aïeul ceignit le diadème royal, moi j'étais descendu jusqu'au sort de l'artisan ; mais la couronne que j'avais perdue est revenue à moi, lorsque, Seigneur  des rois, tu daignes te reposer sur mon sein. (2) » Au milieu de ces colloques sublimes, la lumière du  nouveau-né,  devant laquelle pâlit celle du

 

1. In Natalem Domini, V, § 4, — 2. Ibid. § 3.

 

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soleil qui se lave, remplit toujours la grotte et ses alentours ; mais, les bergers étant partis, les chants des Anges étant suspendus, le silence s'est fait dans ce mystérieux asile. En prenant notre repos sur notre couche, songeons au divin Enfant, et à cette première nuit qu'il passe dans son humble berceau. Pour se conformer aux nécessités de notre nature qu'il a adoptée, il clôt ses tendres paupières, et un sommeil volontaire vient parfois endormir ses sens; mais, au milieu de ce sommeil, son cœur veille et s'offre sans cesse pour nous. Parfois aussi, il sourit à Marie qui tient ses yeux attachés sur lui avec un ineffable amour ; il prie son Père, il implore le pardon des hommes ; il expie leur orgueil par ses abaissements ; il se montre à nous comme un modèle de l'enfance que nous devons imiter. Prions-le de nous donner part aux grâces de son divin sommeil, afin que, après avoir dormi dans la paix, nous puissions nous réveiller dans sa grâce, et poursuivre avec fermeté notre marche dans la voie qui nous reste à parcourir.

 

 

 

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