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CHAPITRE IV : de la
liturgie durant les trois
premiers siècles de l'église
Ce
chapitre n'est, pour ainsi parler, que la continuation du précédent ; car si,
plus haut, nous avons cherché à prouver l'origine apostolique d'un certain
nombre de rites et de cérémonies, nous retrouvons encore dans les institutions
liturgiques des trois siècles primitifs, non-seulement l'influence des Apôtres,
mais l'expression directe de leurs volontés, dans l'établissement de cette
partie si essentielle de l'ensemble du Christianisme. Néanmoins nous avons cru,
comme tout le monde, apercevoir un fondement suffisant à cette distinction de
l'époque primitive en deux âges, dont l'un se prend depuis l'origine de la
prédication des Apôtres jusqu'au moment où le dernier d'entre eux disparaît,
c'est-à-dire vers l'an 100, époque de la mort de saint Jean ; et dont l'autre
embrasse toute la période qui s'est écoulée depuis la publication de l'Évangile
jusqu'à la conversion des empereurs et la délivrance extérieure du
Christianisme. On
peut dire que, durant les trois premiers siècles, l'élément liturgique, s'il
est permis de s'exprimer ainsi, était dans toute sa vigueur et extension ; car
la Confession, la Louange et la Prière embrassaient l'existence tout entière
des Chrétiens de ce temps. Arrachés aux mystères profanes du paganisme, les
néophytes sentaient avec bonheur la religion se développer en eux, et pendant
que l'Esprit-Saint 44 créait en eux des cœurs nouveaux, leur bouche inspirée faisait
entendre des chants d'enthousiasme, inconnus jusqu'alors. Aussi, voyons-nous que l'Apôtre, parlant aux
fidèles de son temps, les engage, non-seulement à prier, mais à chanter, comme
à une fête continuelle : « Ne vous enivrez pas avec le vin, source de luxure,
leur dit-il, mais remplissez-vous de l'Esprit-Saint, vous entretenant dans les psaumes,
les hymnes, les cantiques spirituels, chantant et psalmodiant au Seigneur, dans
vos cœurs (1). » Et
encore : « Que la paix du Christ tressaille dans vos cœurs ; que le Verbe du Christ
habite en vous en toute sagesse; et vous-mêmes, instruisez-vous et
exhortez-vous mutuellement dans les psaumes, les hymnes et les cantiques
spirituels, chantant à Dieu dans vos cœurs, par sa grâce (2). » Dans
les écrits des Pères de cette époque primitive, dans les Actes des Martyrs,
nous voyons, en effet, les Chrétiens occupés à la psalmodie, à la célébration
des louanges divines, presque sans relâche, et cela, sous des formes non point
vagues et arbitraires, mais précises et déterminées ; non à des moments vagues
et capricieux, mais à des heures précises et mystérieuses, que l'institution
apostolique avait fixées : ce qui est le caractère de la Liturgie
proprement dite. Si
nous ouvrons les Constitutions apostoliques, recueil liturgique
important, dont les critiques les moins prévenus ne font aucune difficulté de
placer la compilation à la fin (1) Nolite
inebriari vino in quo est luxuria : sed implemini Spiritu sancto, loquentes
vobis metipsis in psalmis, et hymnis, et canticis spiritualibus, cantantes et
psallentes in cordibus vestris Domino. (Eph., v, 18-19.) (2) Et pax
Christi exultet in cordibus vestris in qua et vocati estis in uno corpore : et
grati estote. Verbum Christi habitet in vobis abundanter, in omni sapientia,
docentes et commonentes vosmetipsos in psalmis, hymnis et canticis spiritualibus,
in gratia cantantes in cordibus vestris Deo. (Col., III, 13-16.) 45 du deuxième, ou au plus tard durant le cours du
troisième siècle, nous y lisons ces paroles : «
Faites les prières, le Matin, à l'heure de Tierce, de Sexte, de None, au Soir
et au Chant du Coq. Le Matin, pour rendre grâces de ce que le Seigneur, ayant
chassé la nuit et amené le jour, nous a illuminés ; à l'heure de Tierce, parce
que c'est celle à laquelle le Seigneur reçut de Pilate sa condamnation ; à
l'heure de Sexte, parce que c'est celle à laquelle il fut crucifié ; à l'heure
de None, parce que c'est celle à laquelle la nature est émue, dans l'horreur
qu'elle éprouve de l'audace des Juifs, et ne peut plus supporter l'outrage fait
par eux au Seigneur crucifié ; au Soir, pour rendre grâces à Dieu de ce qu'il
nous donne la nuit pour nous reposer des travaux du jour; au Chant du Coq,
parce que c'est l'heure qui annonce l'arrivée du jour, durant lequel nous
devons faire les œuvres de la lumière. Si, à cause des infidèles, il est impossible
de se rendre à l'église, Evoque, vous ferez la congrégation dans quelque maison
particulière (1). » Mais
cette discipline n'était pas seulement celle de l'Orient, à laquelle semblent
appartenir principalement les Constitutions apostoliques; les Pères
latins du même âge nous attestent la même chose pour l'Occident. « Puisque, dit
Tertullien, nous lisons dans le Commentaire de Luc (les Actes des Apôtres),
que l'heure de Tierce est cette heure de prière à laquelle les Apôtres, initiés
par l'Esprit-Saint, furent regardés comme ivres par les Juifs ; que l'heure de Sexte
est celle à laquelle Pierre monta à l'étage supérieur; que l'heure de None est
celle à laquelle il entra avec Jean au Temple ; ne voyons-nous pas dans ceci, à
part ce qui nous est dit ailleurs de prier en tout temps et en tout lieu, que
ces trois heures si remarquables dans les choses humaines, et qui, sans cesse
rappelées, servent (1) Vid. la Note A. 46 à diviser le jour, à partager les travaux, ont dû
aussi occuper un rang plus solennel dans les prières divines (1) ? » Plus
loin, il se sert du mot Officium, pour désigner les prières
ecclésiastiques faites à ces heures : Sexta diei hora finiri Officio huic
possit (2). Saint
Cyprien rend aussi un témoignage formel à cet usage des Heures canoniales,
lorsqu'il dit dans son beau traité de l'Oraison dominicale : « Nous
trouvons, au sujet de la prière solennelle, que Daniel et ses trois enfants,
forts dans la foi et vainqueurs dans la captivité, ont observé la Troisième, la
Sixième et la Neuvième heure, marquant par là le mystère de la Trinité, qui
devait être manifesté dans les derniers temps. En effet, la première heure
arrivant à la troisième, consomme le nombre de la Trinité ; la quatrième heure
venant à la sixième, manifeste une autre fois la Trinité ; et quand, par
l'accession de trois autres heures, on passe delà septième à la neuvième, ces trois
ternaires expriment aussi parfaitement la Trinité. Les adorateurs du vrai Dieu
se livrant à la prière à des temps fixes et déterminés, dénonçaient déjà
spirituellement le mystère figuré par ces intervalles d'heures, mystère qui
devait être plus tard manifesté. Ce fut en effet à l'heure de Tierce que
descendit sur les disciples l'Esprit-Saint, qui les remplit de la grâce que le
Seigneur avait promise. Pierre, à l'heure de Sexte, montant sur le toit, de la
maison, apprit par un signe, et en même temps par la voix de Dieu, qu'il devait
admettre tous les (1) Porro, cum
in eodem commentario Lucae, et tertia hora orationis demonstretur, sub qua
Spiritu sancto initiati, pro ebriis habebantur ; et sexta, qua Petrus ascendit
in superiora ; et nona, qua templum sunt introgressi, cur non intelligamus
salva plane indifferentia semper et ubique et omni tempore orandi, tamen tres istas
horas, ut insigniores in rebus humanis quae diem distribuunt, quae negotia
distinguunt, quae publice resonant, ita et solemniores fuisse in orationibus
divinis. (Tertullian., de Jejuniis, cap. X.) (2) Ibidem. 47 hommes à la grâce du salut, au moment même où il doutait
s'il purifierait les Gentils. Le Seigneur crucifié à cette même heure de Sexte,
a lavé nos péchés dans son sang, à l'heure de None, complétant sa victoire par
ses souffrances, afin de nous pouvoir à la fois racheter et vivifier. Mais pour
nous, mes frères chéris, au-delà des heures observées aux temps anciens pour la
prière, de nouvelles nous ont été assignées, en même temps que de nouveaux
mystères. Car il nous faut prier le Matin, afin de célébrer la résurrection du
Seigneur par une oraison matutinale : c'est ce que l'Esprit-Saint désignait
autrefois dans les psaumes, disant : Rex meus et Deus mens, quoniam ad te
orabo, Domine: mane exaudies vocem meam: mane assistam tibi et contemplabor te.
Et par le Prophète, le Seigneur dit encore : Dilucido vigilabunt ad me dicentes
: Eamus et revertamur ad Dominum Deum nostrum. Quand le soleil se retire,
et que le jour cesse, il nous faut encore prier ; car le Christ est le vrai
soleil, le vrai jour, et lorsqu'au
moment où le jour et le soleil de ce « monde disparaissent, nous prions et
demandons que la lumière revienne de nouveau sur nous, c'est l'avènement du
Christ que nous demandons, du Christ qui nous donnera la grâce de l'éternelle
lumière (1). » Pour
célébrer ainsi les louanges de Dieu, les Chrétiens se réunissaient aux heures
que nous venons de marquer; mais : c'était principalement à celle qui précédait
le lever de la lumière. Ils veillaient dans la psalmodie, et, tournés vers
l'Orient, ils se tenaient prêts à saluer de leurs chants le divin Soleil de
justice, dont le soleil visible a toujours été l'image dans les monuments de la
Liturgie universelle. Dès
l'an 104, Pline le jeune, écrivant à Trajan pour le consulter sur la conduite à
tenir à l'égard des Chrétiens, atteste que les réunions religieuses de cette
nouvelle secte (1) Vid. la note B. 48 avaient lieu avant le lever du jour, et qu'on y chantait
des hymnes au Christ comme à un Dieu (1). Tertullien appelle fréquemment les
assemblées des Chrétiens : Antelucani cœtus. Toutefois on les tenait
aussi à d'autres heures; car saint Cyprien atteste que l'on faisait l'offrande
eucharistique dans l'après-midi aussi bien que le matin, quoiqu'il estime
meilleur de la faire le matin (2). Les
jours de fête observés durant les trois premiers siècles, étaient, outre la
Commémoration de la Passion, de la Résurrection et de l'Ascension de
Jésus-Christ, et la Descente du Saint-Esprit, jours que nous avons mentionnés
dans le chapitre précédent : la Nativité du Sauveur, le vingt-cinquième jour du
neuvième mois, et son Epiphanie, le sixième jour du dixième mois (3) ; à quoi
il faut ajouter l'anniversaire du trépas glorieux des Martyrs. On notait avec
le plus grand soin le jour auquel ils avaient souffert, et ce jour devenait
annuellement un jour de fête et de réunion religieuse, auquel on offrait des
oblations et des sacrifices, ainsi que l'atteste très-clairement saint Cyprien
(4). (1) Affirmabant autem hanc fuisse summam vel
culpa; suae vel erroris, quod essent soliti stato die ante lucem convenire,
carmenque Christo, quasi Deo, dicere secum invicem. (C. Plinii Secundi Bithyniœ
Proprœtoris ad Trajan. Relatio). (2) S. Cyprian. Epist. LXIII. (3) Dies festos observate, fratres ; ac primum
quidem diem Domini Natalem , qui a vobis celebretur vigesima quinta noni
mensis. Post hune diem, dies Epiphaniee sit vobis maxime honorabilis, in quo
Dominus nobis divinitatem suam patefecit ; is autem agatur sexta decimi mensis.
(Constit. Apost., lib. V, cap. XIII.) (4) Denique et dies eorum quibus excedunt
annotate, ut commemorationes eorum inter memorias martyrum celebrare possimus :
quamquam Tertullus fidelissimus et devotissimus frater noster, pro caetera
sollicitudine et cura sua quam fratribus in omni obsequio operationis impertit,
qui nec illi circa curam corporum deest, scripserit et scribat, ac significet
mihi dies quibus in carcere beati fratres nostri ad immortalitatem gloriosa;
mortis exitu transeunt. Et celebrentur hic a nobis oblationes et sacrificia ob
commemorationes eorum, quae cito vobiscum, Domino protegente, celebrabimus. (Epist.
XII, pag. 188.) 49 Longtemps avant lui,
l'Église de Smyrne, dans sa mémorable lettre sur le martyre de son évêque saint
Polycarpe, avait pratiqué cet usage, disant qu'elle espère, par le secours du
Seigneur, célébrer annuellement le jour Natal de son martyre (1). On
voit avec quel soin elle remarque non-seulement le mois, mais le jour, mais
l'heure de cette glorieuse confession (2). Ainsi le calendrier de l'Église
chrétienne allait s'enrichissant de jour en jour, au moyen des fêtes
commémoratives des mystères du salut du monde, et aussi par l'accession des
nouveaux triomphes remportés par ses enfants. Les
lieux de réunion étaient, dans les moments de persécution, les Cimetières ou
Catacombes dans lesquels reposaient les Martyrs ; mais, dans les intervalles de
paix, ces sombres asiles recevaient encore la prière des Chrétiens aux jours
anniversaires de la mort des soldats du Christ (3). On s'assemblait également
dans des maisons particulières, consacrées par leurs possesseurs au nouveau
culte, comme à Rome, par exemple, la maison du sénateur Pudens. On peut voir,
dans le dialogue de Lucien intitulé Philopatris, que les salles dans
lesquelles se réunissaient les fidèles étaient quelquefois somptueusement
décorées (4). Mais les Chrétiens (1) Quo etiam loci nobis ut fieri poterit
congregatis, in exsultatione ac gaudio, prabebit Dominus natalem martyrii ejus
diem celebrare, tum in memoriam eorum qui certamina pertulerunt, tum in
venturorum hominum exercitationem et alacritatem. (Epist. Eccles.
Smyrnens.,apud Ruinart, Acta sincera martyrum.) (2) Martyrium
autem passus est beatus Polycarpus Xanthici mensis ineuntis die secundo, ante
septimum kalendas maias, magno sabbato, hora octava. (Ibidem.) (3) Nous nous
proposons de donner dans nos Origines de l'Eglise Romaine, aux tomes II et
suivants, tout ce qui a rapport aux Catacombes et aux usages religieux auxquels
les premiers Chrétiens les firent servir. Nous sommes contraint d'abréger
considérablement cette histoire rapide de la Liturgie et de ses formes, et
d'indiquer les notions plutôt que de les épuiser. (4) On peut
voir le passage de Lucien au premier volume de nos Origines de l'Église
Romaine, page 273, Nous traitons à cet
endroit cette importante question d'une manière assez spéciale; mais nous nous
proposons de la suivre dans toute son étendue et dans tous ses détails dans les
volumes suivants du même ouvrage. 50 avaient aussi des temples proprement dits pour
l'accomplissement de leurs pratiques liturgiques. Eusèbe nous apprend que les
édits de Dioclétien portaient injonction de les détruire par tout l'empire :
ils existaient donc. Bien plus, nous savons par Origène que l'un des effets de
la persécution de Maximin, laquelle commença en 236, fut l'incendie des églises
(1), que Je même auteur dit ailleurs avoir dès lors existé dans toute l'étendue
de l'Empire (2). Il
serait impossible aujourd'hui d'assigner, d'une manière précise, la forme de
ces sanctuaires primitifs. Sauf certaines salles des Catacombes, ornées de
peintures et de mosaïques, dont plusieurs remontent aux deuxième et troisième
siècles, il n'est rien resté de ces lieux saints, témoins des assemblées
religieuses des Chrétiens du premier âge ; mais on peut conjecturer, avec une
apparence de raison, que les premiers temples qu'on éleva à la paix de l'Église,
et dont la description si pompeuse est parvenue jusqu'à nous, durent s'élever
sur le modèle de ceux qui les avaient précédés. La conversion des empereurs au
Christianisme n'avait pu amener d'autres habitudes liturgiques, et la forme qui
semblait la meilleure pour ces édifices, sous
Dioclétien et Galerius, devait certainement encore (1) Scimus autem et apud nos terras motum factum
in locis quibusdam et factas fuisse quasdam ruinas, ita ut qui erant impii
extra fidem, causam terras motus dicerent Christianos, propter quod et
persecutiones passas sunt Ecclesias et incensas sunt. (Origen., Tractat.
XXVIII in Matthaeum.) (2) Olim quidem in uno Hierosolymas loco unum
erat torcular ubi coacti preces emittebant, cujus meminit Esaias his verbis : Et
œdificavi turrim et protorcular fodi in illa. Turris vero templum
significat, protorcular autem altare. Verum quoniam illa se destructurum
comminatus est, et re vera destruxit, pro uno postea multa constituit torcularia,
Ecclesias nempe per totum orbem conditas. (Origen., in Psal., pag. 81. Hexapl.
tom. I.) 51 être convenable vingt ans après, sous le règne de
Constantin. La
munificence des empereurs enrichit et décora somptueusement les églises du
quatrième siècle ; celles des siècles précédents n'avaient pas été négligées
par les fidèles. Non-seulement nous voyons qu'elles étaient dotées de revenus
fixes, souvent enviés, tantôt par les proconsuls, tantôt par les clercs
simoniaques ; mais d'incontestables monuments nous apprennent que les objets
qui servaient au culte annonçaient une véritable opulence. Il suffit de se
rappeler les Actes de saint Laurent, archidiacre de Rome(1), et aussi
l'inventaire des meubles sacrés de l'église de Carthage, tel qu'il est rapporté
au procès-verbal d'une enquête faite par ordre des empereurs sur l'origine du
schisme des Donatistes (2). La
pompe des cérémonies devait être aussi grandement rehaussée par la présence du
nombreux clergé qui se réunissait autour de l'évêque dans les grandes villes. A
Rome, par exemple, au temps du Pape saint Corneille, c'est-à-dire au milieu du
troisième siècle, il n'y avait pas moins de quarante-six prêtres, sept diacres,
sept sous-diacres, quarante-deux acolytes, et cinquante-deux tant exorcistes
que lecteurs et portiers (3). (1) Hunc esse vestris orgiis Moremque et artem proditum est, Hanc disciplinant foederis Libent auro ut antistites. Argenteis scyphis ferunt Fumare sacrum sanguinem Auroque nocturnis sacris Adstare fixos cereos. (Prudent. Peristephanon,
in S. Laurent.) (2) Calices duo
aurei, item calices sex argentei, urceola sex argentea cucumellum argenteum,
lucernas argenteas septem, cereofala duo, can delas brèves aeneas cum lucernis
suis septem, item lucernas oeneas unde cim cum catenis suis, etc. (Baluz., Miscellan.,
tom. II, pag..93.) (3) Ignorabat
(Novatianus) unum episcopum esse
oportere in Ecclesia Catholica, in qua tamen sciebat presbyteros quidem esse
quatuor et quadraginta, septem autem diaconos, totidemque subdiaconos,
acolythos duos et quadraginta, exorcistas et lectores cum ostiariis duos
quinquaginta. (S. Cornel.,
Epist. ad Fabium Antiochen., n° 3, col. 150, apud Constant.) 52 Lorsque la plupart de ces
ministres entouraient l'autel, il devait sans doute paraître environné de
quelque majesté : aussi voyons-nous saint Cyprien employer fréquemment ce terme
d'autel, comme nous ferions aujourd'hui : jusque-là que, parlant de la
consécration de l'huile sainte, il dit clairement que, pour opérer ce rite
sacré, il est besoin à la fois et d'un autel et d'une église (1). Et ailleurs:
« Parce qu'il plaît à Novatien, dit-il, d'ériger un autel et d'offrir des
sacrifices illicites, nous faudra-t-il nous passer d'autel et de sacrifices, pour ne point avoir l'air de
célébrer les mêmes mystères que lui (2) ? » Dans la même épître, qui est
adressée à Jubaien, le saint Évêque de Carthage parle avec emphase de la Chaire
de l’Evêque, siège inaliénable établi dans chaque église, au centre de
l'abside, et sur laquelle l'élu de l'Esprit-Saint pouvait seul s'asseoir. On a trouvé
de ces chaires au fond même des Catacombes ; on y a gardé jusqu'à nos jours
celle sur laquelle fut massacré le Pape saint Etienne, et qui portait encore
les traces de son sang. La basilique de Saint-Pierre conserve encore
aujourd'hui la Chaire du prince des Apôtres. Mais ce genre de détails
appartient à nos Origines de l'Église romaine. Sur
cet autel dont nous venons de parler, s'offrait le Sacrifice des
Chrétiens; car la Fraction du pain est désormais désignée sous ce nom,
dans les écrits des Pères qui succèdent aux écrivains apostoliques. Tertullien
est (1) Porro autem
Eucharistia est unde baptizati unguntur, oleum in altari sanctifcatum. Sanctificare autem non potuit olei
creaturam qui nec Altare habuit, nec Eçclesiam. (Epist. LXX, pag. 301.) (2) Aut
quis Novatianus altare collocare, et sacrificia offerre contra fas lititur, ab
altari et sacrifiais cessare nos oportet, ne paria et similia cum illo
celebrare videamur ? (Epist. ad Jubaianum de hœreticis baptizandis.) 53 formel (1) ; saint Cyprien ne l'est pas moins (2) ; il
explique même, avec profondeur et éloquence, comment le Christ, préfiguré par
Melchisédech, a offert une hostie dont l'oblation se continue dans l'Eglise
(3), et il affirme que, de son temps, les prêtres offraient chaque jour le
sacrifice à Dieu (4). Sans doute, nous regarderions comme une chose précieuse
un recueil liturgique qui renfermerait la forme exacte du sacrifice, des
sacrements et sacramentaux à l'usage des trois premiers siècles : mais, comme
ce recueil n'existe pas pour nous autrement que dans l'ensemble des formules
essentielles, qui n'ont pu changer, parce qu'elles sont universelles et,
partant, divines ou du moins apostoliques, nous nous contenterons de produire
ici certaines particularités racontées par les écrivains du second et du
troisième siècle. Commençons
par la description des assemblées chrétiennes au jour du dimanche, telle
qu'elle est présentée aux empereurs par l'Apologiste saint Justin, au second
siècle du Christianisme. L'extrême réserve gardée dans ce récit laisse sans
doute beaucoup à désirer, mais l'ensemble qu'il offre n'en sera pas moins
agréable et utile au lecteur. « Le
jour du soleil, tous ceux qui habitent soit la ville, (1) Quae oratio cum divortio sancti osculi integra...
quale sacrificium est a quo sine pace receditur. (De oratione, cap. XIV.) Nonne
solemnior erit statio tua, si et ad aram steteris ? Accepta Corpore
Domini, et reservato, utrumque saivurrr est, et participatio sacrifiai, et
executio officii. (Ibidem.) (2) Nam si Jesus
Christus Dominus et Deus noster ipse est summus sacerdos Dei Patris, et
sacrificium Patri seipsum primus obtulit, et hoc fieri in sui commemorationem
praecepit ; utique ille sacerdos vice Christi vere fungitur, qui id quod
Christus fecit, imitatur ; et sacrificium verum et plénum tune offert in
Ecclesia Deo Patri, si sic incipiat offerre, secundum quod ipsum Christum
videat obtulisse. (Epist. LXIII, pag. 28I.) (3) Ibidem,
pag. 277. (4) Ut
sacerdotes qui sacrificia Dei quotidie celebramus, hostias Deo et victimas praeparemus.
(Epist. LVII, pag. 253.) 54 soit la campagne, se rassemblent dans un même lieu, et là,
on lit les Commentaires des Apôtres et les écrits des Prophètes, autant que
l'heure le permet. Ensuite, quand le lecteur s'est arrêté, celui qui préside
fait à l'assistance a une admonition et exhortation à
imiter de si beaux exemples ; après quoi nous nous levons tous ensemble et nous
faisons les prières. Ces prières étant finies, on apporte le pain et le vin
mêlé d'eau. Alors celui qui préside fait entendre avec force les prières et les
actions de grâces, et le peuple avec acclamation répond : Amen. On fait la distribution
des choses sur lesquelles il a été rendu grâces, à chacun de ceux qui
sont présents, et on les » envoie aux absents par les diacres. On fait ensuite une collecte : ceux qui sont
riches donnent librement ce qu'ils veulent, et on dépose le tout aux mains de
celui qui préside, et sa charge est de subvenir aux orphelins et aux veuves, à
ceux qui sont dans le besoin pour maladie ou toute autre raison, à ceux qui
sont dans les liens et aux voyageurs et pèlerins. Nous nous réunissons ainsi au
jour du soleil, tant parce que c'est le premier jour, celui auquel Dieu ayant
dissipé les ténèbres et remué la matière, créa le monde, que parce qu'en ce
même jour, Jésus-Christ notre Sauveur est ressuscité d'entre les morts. La
veille du jour de Saturne, ils le crucifièrent, et le lendemain de ce même
jour, c'est-à-dire le jour du soleil, se manifestant à ses Apôtres et à ses
Disciples, il enseigna les choses que nous venons de vous exposer (1). » Dans un autre endroit de
la même apologie, saint Justin donne d'autres détails qui complètent les
précédents : parlant du Baptême et des rites qui l'accompagnent, il en achève
la description par celle du divin sacrifice auquel assiste le néophyte. «
Lorsque nous avons ainsi lavé celui qui vient de rendre (1) Vid.
la Note D. 55 témoignage de sa foi en notre doctrine, nous le conduisons
vers ceux qui sont appelés frères, afin d'offrir des prières communes et
pour nous-mêmes, et pour celui qui vient d'être illuminé, et pour tous les
hommes, afin qu'arrivant à la connaissance de la vérité, ils deviennent dignes
de participer à la même grâce. Quand les prières sont finies, nous nous saluons
par le baiser. Ensuite on apporte à celui qui préside, le pain et la coupe de
vin mêlé d'eau. Celui-ci les ayant reçus, rend gloire et louange au Père de
toutes choses par le nom du Fils et du Saint-Esprit, et accomplit une longue
Eucharistie, ou Action de Grâces, pour ces mêmes dons que nous avons reçus du
Père. Quand il a achevé les prières de l'Eucharistie, tout le peuple crie : Amen.
Or Amen en langue hébraïque équivaut à Fiat. Celui qui préside
ayant terminé les prières, et le peuple ayant répondu, ceux que nous appelons
diacres distribuent le pain, le vin et l'eau sur lesquels on a rendu grâces,
afin que chacun de ceux qui sont présents y participent, et ils ont aussi le
soin de les porter aux absents (1). » Dans
ce récit succinct, nous voyons clairement exposé tout l'ensemble du sacrifice
eucharistique, tel qu'il est encore aujourd'hui. Le jour du dimanche est celui
de l'assemblée générale ; la messe dite des Catéchumènes a lieu, comme
aujourd'hui, par la lecture des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament. Vient
ensuite l'Homélie, adressée à l'assistance par le pontife, en manière de
commentaire sur les lectures que l'on vient défaire. Après l'Homélie,
l'assistance se lève, et ont lieu les prières pour les besoins de l'Église et
du monde entier, qui sont placées dans toutes les Liturgies avant la
Consécration. La Consécration est, comme aujourd'hui, précédée de l'Action de
Grâces, qui est une formule longue, prolixa, à
laquelle appartient (1) Vid.
la Note D. 56 spécialement le nom d'Eucharistie : c'est le Canon. Les
réponses du peuple par acclamation, le baiser de paix, la communion, le
ministère des diacres, tout le sacrifice en un mot, se trouve exposé comme en
abrégé dans cet admirable et touchant récit, malgré l'attention de l'Apologiste
à ne pas révéler les mystères au-delà d'une certaine mesure qui lui a été
permise. Les
Chrétiens de cette époque prenaient part aux prières de l'Église, en se
tournant vers l'Orient, et tenant les mains étendues en forme de croix ; geste
que l'Église latine a retenu pour le prêtre, durant la plus grande partie du
sacrifice, et qui est si expressivement rendu sur les peintures des Catacombes
romaines. Tertullien en explique le mystère en son livre de la Prière (1). De
même que nous avons emprunté à saint Justin la description du Sacrifice de
l'Église primitive, nous rapporterons ici plusieurs des cérémonies qui
accompagnaient le baptême à cette époque, d'après Tertullien que nous venons de
citer. Voici quelques-uns des traits qu'il rapporte en passant : Avant
d'entrer au lieu où était l'eau, le Catéchumène, sous la main du pontife,
protestait de sa renonciation au diable, à ses pompes et à ses anges. Ensuite
il était plongé trois fois, et proférait les paroles qui appartiennent à la
Tradition et non à l'Évangile. Étant levé des fonts, on lui donnait à goûter le
lait et le miel, et à partir de ce jour, il devait s'abstenir du bain
ordinaire, pendant toute une semaine (2). On se disposait au baptême par de
fréquentes (1) Nos vero
non attollimus tantum manus, sed etiam expandimus e Dominica passione modulatum
et orantes confitemurChristo. (De Oratione, cap. XII.) (2) Ut a
baptismate ingrediar, aquam adituri, ibidem, sed et aliquanto prius in
Ecclesia, sub antistitis manu contestamur nos renuntiare diabolo, et pompœ. et angelis ejus. Dehinc ter mergitamur, amplius aliquid
respondentes, quam Dominus in Evangelio determinavit. Inde suscepti, lactis et
mellis concordiam praegustamus, exque ea die, lavacro quotidiano per totam
hebdomadam abstinemus. (De corona militis, cap. in.) 57 oraisons, par des jeûnes, des génuflexions, et par la
confession secrète des péchés (1). Le temps d'administrer solennellement ce
grand Sacrement était la fête de Pâques et celle de la Pentecôte (2). Enfin on
ne finirait pas si l'on voulait rappeler ici tout ce que cet auteur énumère,
dans ses divers écrits, de rites et d'observances relatives à l'administration
de ce premier sacrement des Chrétiens. Nous
n'entreprendrons donc point de faire le dépouillement des richesses liturgiques
dont sont remplis les écrits de Tertullien, ces écrits si énergiques dans
lesquels on retrouve au naturel les mœurs de l'Église d'Afrique. Nous nous
contenterons de dire ici un mot d'après lui sur l'important sujet des
funérailles des Chrétiens. On voit par un passage très-précieux de son traité De
Animâ, que le Chrétien de ces premiers temps allait à la sépulture, conduit
par un prêtre, et que ce prêtre confiant cette dépouille mortelle à la terre,
souhaitait, comme aujourd'hui, la paix à l'âme que la suprême volonté avait
momentanément séparée du corps (3). Et tel était le zèle des Chrétiens à
témoigner leur foi dans la résurrection des corps, qu'ils n'avaient (1) Ingressuros
Baptismum, orationibus crebris, jejuniis et geniculationibus, et pervigiliis
orare oportet, et cum confessione omnium rétro delictorum.... nobis gratulandum
est, si non publiée confitemur iniquitates aut turpitudines nostras. (De
baptismo, cap. XX.) (2) Diem Baptismo solemniorem Pascha praestat; cum et
Passio Domini in quam tingimur adimpleta est.....exinde Pentecoste ordinandis
Iavacris latissimum spatium est..... caeterum omnis
dies Domini est, omnis hora, omne tempus habile Baptismo, si de solemnitate
interest, de gratia nihil refert. (Ibid., cap. XIX.) (3) Scio feminam quamdam vernaculam Ecclesiae, forma et aetate intégra functam, post unicum et brève matrimonium cum in pace dormisset, et morante adhuc sepultura, intérim oratione presbyteri componeretur, ad primum halitum orationis, manus a lateribus dimotas in habitum supplicem conformasse, rursumque condita pace, situi suo reddidisse. (De Anima, cap. LI.) 58 rien de précieux quand il s'agissait de la religion des
tombeaux. « Si les Arabes, dit Tertullien au Sénat romain, si les Arabes se
plaignent que nous n'achetons pas d'encens, les Sabéens, du moins, savent que
la sépulture des Chrétiens consomme une plus grande quantité de leurs aromates,
qu'il n'en est employé à faire fumer devant les dieux (1). » Ce
seul trait nous montre le zèle des Chrétiens pour les pratiques de leur culte,
et nous révèle la splendeur de leurs cérémonies tant publiques que domestiques.
Mais combien d'autres détails, combien de formules liturgiques précieuses
n'aurions-nous pas encore aujourd'hui, si le secret dont furent environnés les
mystères chrétiens à cette époque, eût permis leur manifestation dans des
écrits publics ! Cette considération doit toujours être présente à quiconque
veut écrire ou résumer quelque chose sur la Liturgie, non-seulement des trois
premiers siècles, mais on pourrait même dire des trois ou quatre qui les ont
suivis. Ce n'est pas ici le heu de donner les preuves de l'existence de ce
secret auguste qui garda si fidèlement les traditions chrétiennes pures de tout
contact profane. Les témoignages en sont trop abondants dans les écrits des
Pères, soit avant, soit après la paix de l'Eglise, et personne, que nous
sachions, ne conteste aujourd'hui un fait matériel aussi palpable. Seulement
nous répéterons ce que nous disions tout à l'heure, savoir: que le premier
résultat de ce secret pour les siècles où nous vivons, a été de rendre plus ou
moins obscures certaines formes et certains accidents de la Liturgie primitive,
bien qu'un assez grand nombre de parties soit encore resté en lumière, comme
pour nous aider à suppléer le reste, au moyen de conjectures probables. Toutefois,
ainsi que nous l'avons dit dans le chapitre (1) Thura plane non emimus. Si Arabise queruntur,
scient Sabaei pluris et carioris suas merces Christianis sepeliendis profligari,
quam diis fumigandis. (Apologet., cap. XLII.) 59 précédent, nous sommes en
droit strict de faire remonter à l'époque que nous décrivons en ce moment,
sinon à celle même des Apôtres, le texte des Liturgies dites Apostoliques, le
Canon de la Messe latine, les formules accompagnant l'administration des
Sacrements ; en sorte que personne ne saurait nier raisonnablement que le style
liturgique, tel qu'il est universellement exprimé dans tous ces monuments, et
tel qu'il a été imité dans les siècles suivants, ne soit un produit du génie
chrétien de l'époque primitive. Nous en donnerons ici une preuve qui n'a
peut-être jamais été alléguée, mais qui n'en est pas moins incontestable. Nous
voyons dans les Actes des Martyrs, la plupart de ces généreux Confesseurs du
Christ, au moment de consommer leur sacrifice, résumer dans une prière de style
solennel leurs vœux et leurs adorations. Toutes ces formules se ressemblent,
qu'elles soient proférées par des Évêques comme saint Ignace d'Antioche, par
des laïques comme saint Théodote d'Ancyre, par de simples femmes, comme sainte
Afra. Or rien de plus visible que l'identité du style de ces prières avec
celles de l'Église dans la célébration des mystères. On pourrait donc
légitimement, en s'appuyant sur l'analogie comme sur une règle de certitude,
rapporter la rédaction de ces antiques formules à l'âge héroïque, à l'âge des
martyrs. Mais nous nous devons de justifier notre assertion par des exemples.
Nous citerons ici, dans le texte, la prière de saint Polycarpe ; le lecteur en
trouvera plusieurs autres dans les Notes à la suite de ce chapitre (1). Voici
cette prière : «
Domine Deus omnipotens, Pater dilecti ac benedicti Filii tui Jesu Christi, per
quem tui notitiam accepimus; Deus Angelorum et virtutum, ac universae creaturae. totiusque justorum
generis qui vivunt in conspectu tuo ; benedico te, quoniam me hac die atque hac
hora dignatus es, (1) Vid.
la Note E. 60 ut partem caperem in numero martyrum tuorum, in
calice Christi tui, ad resurrectionem vitae alternas, anima? et
corporis, in incorruptione Spiritus sancti : inter quos utinam suscipiar hodie
coram te, in sacrificio pingui et accepto, quemadmodum prœparasti et
prœmonstrasti et adimplevisti, mendacii nescius ac verax Deus. Quapropter de
omnibus laudo te, benedico te, glorifico te, cum sempiterno et cœlesti Jesu
Christo, dilecto tuo Filio ; cum quo tibi et Spiritui sancto gloria, et nunc et
in futura secula. Amen (1). » Une
autre source qu'on ne doit pas manquer de consulter pour connaître l'état de la
Liturgie dans les trois premiers siècles, est le recueil de la discipline
générale de cette époque. Nous placerons en tête les Canons apostoliques, si
anciens qu'on ne peut faire remonter leur rédaction définitive au-dessous du
second siècle. On y lit, au canon
troisième, la défense de placer sur l'autel du miel, du lait, ou tout autre
objet que la matière même du Sacrifice du Seigneur ; après quoi il est ajouté :
« Qu'il ne soit permis d'offrir à l'autel rien autre chose que l'huile pour le
luminaire, et l'encens au temps de la sainte oblation (2). » Ce canon est important,
principalement pour constater l'antiquité de l'usage de brûler de l'encens à
l'autel ; usage du reste, qui, ayant été pratiqué dans la loi mosaïque et dans
toutes les religions, devait naturellement prendre place parmi les observances
chrétiennes. Si nous avons vu plus haut Tertullien affirmer que les Chrétiens
n'achetaient (1) Epist.
Eccles. Smyrnens., apud Ruinart. (2) Si quis
episcopus, vel presbyter Domini de sacrificio ordinationem, alia quaedam ad
altare attulerit, mel vel lac, vel pro vino siceram, vel confecta, vel aves,
vel aliqua animalia, vel legumina prœter ordinationem, leponatur, praeterquam
nova legumina, tempore opportuno. Ne
liceat mtem aliquid aliud ad altare offerre, quam oleum ad luminare, et
incensum tempore sanctœ oblationis. 61 pas d'encens, il entendait dire par là que, ne s'en
servant que dans la célébration du sacrifice, par la seule main du pontife, la
consommation qu'ils en faisaient était de beaucoup moindre que celle qu'en
faisaient les païens, chez lesquels les simples particuliers brûlaient
eux-mêmes, à toute heure, l'encens devant les mille vains objets de leur
idolâtrie. Au
canon septième, le jour de la fête de Pâques, centre de la Liturgie annuelle,
est fixé de manière à empêcher la communauté de pratiques avec les Juifs (1). Au
canon huitième, il est enjoint à l'évêque, au prêtre, au diacre, à tout clerc,
de communier à l'oblation, à moins de raison suffisante, et ce, sous peine
d'être séparé du reste du peuple (2) ; et, dans le canon suivant, on prononce
la même peine contre ceux des fidèles qui, étant entrés dans l'Église, et ayant
entendu la lecture des Écritures qui forme ce qu'on appelle la Messe des
Catéchumènes, ne resteraient pas pour prendre part aux prières et à la
communion(3). Le
canon quarante-deuxième ordonne de séparer de la communion un sous-diacre, un
lecteur, ou un chantre qui s'abandonnerait aux jeux de hasard. Ainsi
l'Église avait dès lors des chantres pour les offices divins. Du reste,
il en est parlé dans plusieurs endroits des Constitutions apostoliques
(4). (1) Si quis episcopus, vel presbyter, vel
diaconus, sacri Paschae diem ante vernum œquinoctium cum Judaeis celebraverit
deponatur. (Labb., tom. I, pag. 26.) (2) Si quis episcopus, vel presbyter, vel
diaconus, vel ex sacerdotali catalogo, facta oblatione non communicaverit,
causam dicat: et si probabilis fuerit, veniam consequatur: sin vero minus
segregetur, ut qui populo offensionis causa sit et suspicionem dederit adversus
eum qui obtulit, tanquam non digne obtulerit. (3) Quicumque fidèles ingrediuntur, et Scripturas
audiunt, in precatione autem et sacra communione non permanent, ut Ecclesiee
confusionem afferentes, segregari oportet. (4) Hypodiaconus, vel lector, vel cantor similia
faciens, vel cessat vel segregetur. 62 Le
soixante-onzième et le soixante-douzième canon, statuent de graves peines
contre tout clerc et tout laïque qui oseraient soustraire de la sainte Eglise,
soit de la cire ou de l'huile, soit un vase d'or ou d'argent, soit un voile
consacré au culte (1). Tels
sont les principaux traits relatifs à la Liturgie que nous trouvons dans les
Canons apostoliques. On voit qu'ils se rapportent parfaitement au genre de
détails que nous avons signalés plus haut, d'après les monuments de cette
époque. Nous
donnerons maintenant quelques canons du fameux Concile d'Elvire, qui fut tenu à
la fin du troisième siècle, pour montrer que la Liturgie occupait, dès ce
moment, une place importante dans les prescriptions ecclésiastiques, et
continuer de peindre les mœurs de l'Eglise sous ce point de vue. Au
canon vingt-huitième, il est statué que l'Evêque ne recevra point l'offrande de
celui qui ne communie pas (2). Au
canon vingt-neuvième, qu'on ne récitera point à l'autel, dans le temps de
l'oblation, le nom d'un énergumène, et qu'on ne lui permettra point de servir de
sa main dans l'église (3); en quoi les évêques d'Espagne étaient plus sévères
que ceux d'Afrique, qui donnaient aux énergumènes le soin de balayer le pavé de
l'église (4). (1) Si quis
clericus, vel laïcus a sancta Ecclesia ceram vel oleum auferat, segregetur. Vas aureum, vel argentum, vel vlum sanctificatum nemo
amplius in suum usum convertat; hoc fit enim praeter jus et contra leges. Si
quis autem deprehensus fuerit, muletetur. (2) Episcopos
placuit ab eo qui non communicat munera accipere non debere. (Labb., tom. I,
pag. 973.) (3) Energumenus
qui ab erratico spiritu exagitatur, hujus nomen neque ad altare, cum oblatione,
recitandum, neque permittendum, ut sua manu in ecclesia ministret. (4)
Pavimenta domorum Dei energumeni verrant. (Concil. Carthagin. IV, can. XCI,
pag. 1207, Labb., tom. II.) 63 Au
canon trente-quatrième, il est défendu d'allumer, en plein jour, des cierges
dans les cimetières, afin de ne pas inquiéter les esprits des Saints (1),
c'est-à-dire pour ne pas troubler les fidèles qui y faisaient leurs prières. Au
canon quarante-troisième, il est dit qu'afin de réformer un abus, on célébrera
la Pentecôte, suivant les Ecritures, cinquante et non quarante jours après
Pâques ; que ceux qui ne se conformeront pas à cet usage seront notés comme
induisant à une nouvelle hérésie (2). On
a beaucoup disserté sur le canon trente-sixième de ce même concile, qui porte
ces paroles : « Il n'y aura point de peintures dans les églises, de peur que ce
qui est servi et adoré ne demeure peint sur les murailles (3). » Certains
auteurs protestants ont voulu voir ici la condamnation des saintes images ;
mais les preuves que nous avons d'ailleurs de l'usage qu'avaient les Chrétiens
de représenter, au moyen des arts delà peinture et de la sculpture, les objets
de leur culte, obligent tout homme de bon sens à donner une autre
interprétation au canon cité. Tertullien nous apprend, en effet, que les
calices mêmes portaient l'image du bon Pasteur ; et le grand nombre d'objets
conservés dans le Musée chrétien du Vatican, ou gravés par Bosio, Arringhi,
Boldetti, Bottari, Buonarotti, ont mis les savants d'aujourd'hui à portée
d'étudier, d'une manière même assez complète, l'art chrétien de cette époque.
Peut-être le Concile d'Elvire ne défend-il ici les peintures sur les murailles,
que parce qu'il y avait lieu de craindre que, ne pouvant être enlevées dans (1) Cereos per diem placuit in caemeterio non incendi
; inquietandi enim spiritus sanctorum non sunt; qui haec non observaverint,
arceantur ab Ecclesiae communione. (2) Pravam institutionem emendari placuit, juxta
auctoritatem Scripturarum, ut cuncti diem Pentecostes post Pacha celebremus,
non Quadragesimam,nisi Quinquagesimam. Qui non fecerit, novam haeresim
induxisse notetur. (3) Placuit picturas in Ecclesia esse non debere, ne
quod colitur et adoratur in parietibus depingatur. 64 les moments de persécution, elles ne fussent profanées
par les infidèles. On trouve encore une objection du même genre dans un passage
de Minutius Félix, dans lequel Fauteur semble convenir que les Chrétiens
n'avaient point de temples pour le culte de leur Dieu ; à quoi il est facile de
répondre que Fauteur entend par là montrer la différence du christianisme au
paganisme, l'un tellement esclave de la matière, que les objets de son culte
étant détruits, il est lui-même atteint dans sa substance vitale, tandis que
l'autre, éminemment spirituel, survit à la ruine d'édifices qui ne peuvent
contenir la majesté du Dieu qu'il adore. En effet, ces quelques phrases d'un
opuscule philosophique ne sauraient détruire les innombrables témoignages de
l'histoire des trois premiers siècles, qui nous entretient sans cesse des
églises et lieux de réunion des fidèles. Si
les Conciles, durant la période que nous décrivons, ont dû s'occuper, et se
sont, en effet, occupés de règlements concernant la Liturgie, la sollicitude du
Siège Apostolique, à cette même époque, ne devait pas s'étendre avec moins de
zèle à régler et satisfaire ce premier besoin de toutes les églises. La
Providence a permis que l'un des actes les plus caractéristiques de l'autorité
pontificale durant les trois premiers siècles, fût en même temps un exercice
souverain du pouvoir romain sur les choses de la Liturgie. Au second siècle,
les Églises d'Asie suivaient une pratique différente de celle de l'Eglise
romaine dans la célébration de la Pâque. Au lieu de la fêter au dimanche, qui
est le jour de la création de la lumière, de la résurrection du Christ et de la
descente de l'Esprit-Saint,.elles suivaient l'usage
judaïque de la solenniser le 14 de la lune de mars. Cette divergence, dans le
mode de célébrer le principal événement du christianisme, offensait gravement
l'unité du culte, qui est la première conséquence de l'unité de foi. Cette
persistance, au sein de la société chrétienne, des usages de la Synagogue,
ensevelie à jamais sous les ruines 65 de son temple, attaquait
d'une manière dangereuse la valeur complète des rites chrétiens ; enfin la
prudence obligeait l'Eglise à prendre tous les moyens de s'isoler de la secte
judaïque, devenue comme sans retour l'objet de l'exécration du genre humain.
Toutes ces graves raisons portèrent le pape saint Victor à faire une tentative
énergique pour ramener l'unité sur un point si important. Il ordonna donc de
tenir des conciles par toute l'Église, au sujet de cette question, et ayant été
à même de juger que la pratique romaine de célébrer la Pâque au dimanche était
admise presque universellement, il crut devoir agir sévèrement à l'égard des
églises de la province d'Asie, qui paraissaient vouloir persister dans la
coutume opposée. Il alla jusqu'à les retrancher de la communion ecclésiastique;
peine sévère, sans doute, et si sévère, qu'elle fut plus tard révoquée; mais
les évêques, et notamment saint Irénée, qui crurent devoir faire, à ce sujet,
des représentations au Pape, ne lui reprochèrent point d'avoir, en ceci,
outrepassé les limites de son autorité apostolique; ils se contentèrent de le
prier de ne pas mettre ainsi dans un état de séparation tant d'Églises
attachées d'ailleurs aux plus saines traditions(1). La longanimité du Siège
apostolique produisit bientôt le rétablissement de la paix, mais cet acte
important resta comme une manifestation du pouvoir incontesté de l'Église
romaine sur les matières liturgiques, et comme un prélude des efforts qu'elle
devait faire dans la suite des temps, pour réunir toutes les Églises dans la
communion des mêmes rites et des mêmes prières. Le
règlement du pape saint Victor, sur la Pâque, n'est pas lç seul que les
Pontifes romains aient rendu pendant les trois premiers siècles. L'importance
des matières liturgiques, jointe à la souveraine dignité de leur siège, auquel
nous voyons, par Eusèbe, saint Cypxien et saint Irénée, (1) Euseb., Hist. eccles., lib. V, cap. XXIII et seq. 66 qu'on recourait dans toutes les circonstances graves,
ont dû les mettre souvent à même de rendre soit des décrets, soit des réponses
sur les rites sacrés. Le texte de ces règlements s'est perdu par l'injure des
temps. Il ne nous en reste plus qu'une trace demi-effacée dans les trop courtes
notices du Liber pontificalis, chronique dont nous avons déjà établi
l'autorité dans nos Origines de l'Église romaine. Dans la suite de cet
ouvrage, on trouvera aussi une ample histoire de l'affaire du pape saint Victor
avec les Asiatiques, et la discussion sérieuse des décrets dont la teneur suit. Saint
Lin ordonna que les femmes entreraient dans l'église la tête voilée (1). Saint
Anaclet construisit la mémoire ou tombeau de saint Pierre, et fixa le
lieu de la sépulture des évêques de Rome. Saint
Évariste divisa, entre les prêtres, les titres ou églises de Rome, et
régla que l’évêque, annonçant la parole de Dieu, serait assisté de sept
diacres. Saint
Alexandre ordonna qu'on insérerait la mémoire de la Passion du Seigneur dans
les prières du sacrifice, et que l'on bénirait l'eau avec le sel pour en
arroser la demeure des hommes. Saint
Sixte Ier statua que les vases sacrés ne seraient touchés que par les
ministres, et confirma l'usage de chanter durant l'Action cette hymne :
Sanctus, Sanctus, etc. Saint
Télesphore établit que la nuit de la Naissance du Seigneur, on célébrerait le
sacrifice; ce qui, aux autres jours, ne devait point avoir lieu avant l'heure
de tierce ; qu'au commencement du même sacrifice, on chanterait l'hymne
angélique: Gloria in excelsis Deo. Saint
Anicet défendit aux clercs de nourrir leur chevelure. Saint
Pie, à la prière de la vierge Praxède, dédia en église (1) Liber pontificalis, ad Linum, Anacletum,
etc. 67 les Thermes de Novat, in Vico Patricio ; il fit
de riches offrandes à ce nouveau sanctuaire ; il y offrit souvent le sacrifice
au Seigneur, il y fit construire une fontaine baptismale, et y baptisa de sa
main, au nom de la sainte Trinité, de nombreux catéchumènes. Saint
Soter défendit aux diaconesses de toucher les pâlies sacrées, et de mettre
l'encens dans l'encensoir. Saint
Zéphyrin statua que l'ordination des prêtres, des diacres, et même des simples
clercs, aurait lieu en présence du clergé et des fidèles. Saint
Callixte fixa le jeûne du samedi, quatre fois l'an, au quatrième, au cinquième,
au septième et au dixième mois. Il dédia la basilique de Sainte-Marie trans
Tiberim ; agrandit et décora sur la voie Appienne, le fameux cimetière qui
porte son nom. Saint
Urbain fit faire d'argent les vases sacrés, et offrit vingt-cinq patènes du
même métal. Saint
Fabien fit faire beaucoup de constructions dans les cimetières. Saint
Corneille leva les corps de saint Pierre et de saint Paul du lieu où ils
reposaient dans les Catacombes, et les replaça, l'un dans les plaines du
Vatican, l'autre sur le chemin d'Ostie. Saint
Etienne défendit aux prêtres et aux diacres de se servir, dans l'usage commun,
des habits dont ils usaient à l'autel. Saint
Félix Ier recommanda la célébration du sacrifice sur les mémoires des
martyrs, et dédia une basilique sur la voie Aurélia. Saint
Eutychien établit qu'on ne bénirait à l'autel que les seules prémices des fèves
et des raisins. Il ensevelit les martyrs de ses propres mains, et ordonna aux
fidèles de couvrir de riches vêtements les corps de ces courageux athlètes du
Christ, lorsqu'ils les rendraient à la terre. Nous
arrêterons ici cette énumération, du reste fort 68 incomplète, des lois des premiers pontifes romains en matière
de Liturgie, et nous nous contenterons de remarquer, ainsi que nous l'avons
fait ailleurs, que ces règlements doivent être considérés, les uns comme des
ordonnances pour la seule Eglise de Rome, les autres comme le renouvellement de
canons plus anciens, d'autres enfin comme des lois adressées, ainsi que le
décret de saint Victor sur la Pâque, à toutes les Églises. Après
avoir ainsi donné, dans les lois et les canons des trois premiers siècles en
matière liturgique, la physionomie générale de l'Église sous cet important
rapport, il nous reste encore à parcourir les divers écrivains de cette époque,
sous le point de vue des ressources et des éclaircissements qu'on en peut tirer
quant à la Liturgie. Saint
Clément de Rome, s'il était réellement l'auteur ou le compilateur de
l'importante collection intitulée : Constitutions apostoliques,
mériterait d'être placé à la tête des liturgistes du premier âge de l'Église,
comme il est digne de figurer le premier sur la liste des écrivains
ecclésiastiques. En effet, les Constitutions apostoliques contiennent, au
livre huitième, une Liturgie du Sacrifice si complète et si remplie en même
temps de majesté et d'onction, que Grancolas n'a pu s'empêcher de la qualifier une
des plus belles et une des plus grandes qui se trouvent dans l'antiquité (1)
: mais nous n'avons aucune preuve à fournir à l'appui du sentiment qui en
attribuerait la rédaction à saint Clément. Quoi qu'il en soit, elle a dû être
composée avant la paix de l'Église, puisque la compilation dont elle fait
partie remonte elle-même jusqu'aux temps que nous décrivons, non-seulement
d'après le sentiment des docteurs catholiques (2), mais même d'après celui de plusieurs (1) Anciennes Liturgies, pag. 96. (2) Fronto,Praenotationes
ad Kal. Rom., § 5; Morin, De Sacris Ordinat., part. III, pag. 20; De Marca, Concord., lib. III,
cap. 11 ; Bona, Rerum Liturgicarum, lib. I,
cap. VIII, § 4; Schelestrate, Antiq. illustr., part. II, dissert. II, cap. II; Pagi, Critic.
Baron, ad annum 100, n° 10; Lebrun, Explication de la Messe, tom. II.
69 savants protestants (1). Nous l'enregistrerons donc ici
comme un monument de l'époque que nous racontons, sans vouloir précisément en
assigner l'auteur. Nous
avons cité la plus grande partie de ce que saint Justin rapporte dans sa
première Apologie sur le sacrifice des chrétiens, qu'il avait à justifier des
calomnies grossières à l'aide desquelles on l'avait travesti. Il explique aussi
le baptême au même endroit, mais nous avons préféré citer quelques traits de
Tertullien sur le même sacrement, comme exprimant les usages chrétiens avec
plus de détail que ne le pouvait faire saint Justin dans un livre destiné aux
païens. Méliton,
évêque de Sardes, qui vivait en 170, écrivit un traité sur la célébration de la
Pâque. Nous ne connaissons plus ce traité que par un fragment d'un autre livre
sur la Pâque, écrit par Clément d'Alexandrie, et également perdu, sauf un
passage dans lequel est cité Méliton : ce passage nous a été conservé par
Eusèbe (2). Méliton y dit avoir écrit son livre du temps que Servilius Paulus
était proconsul d'Asie ; que Sagatis, évêque de Laodicée, souffrit le martyre,
et qu'une grande controverse s'éleva dans cette ville, au sujet de la solennité
pascale. Cette controverse, antérieure à celle qui eut lieu sous saint Victor,
est remarquable. Méliton avait en outre laissé sur le jour du Dimanche un
traité qui est également perdu. Le
grand Clément d'Alexandrie tient rang parmi les auteurs liturgistes des trois
premiers siècles. Ainsi que nous venons de le voir, il avait aussi écrit sur
l'importante question de la Pâque. Il est, de plus, auteur d'un livre du
Jeûne qui a pareillement péri; mais nous possédons encore de (1) Henri
Hammond, Cave, Thomas Brett, Collectio prœcipuarum Liturgiarum Ecclesiae
christianœ. (2) Hist. eccles., lib. IV,
cap. XXVI. 70 lui une hymne admirable au Sauveur, placée à la suite
de son Pédagogue. Cette hymne est la plus ancienne qui soit parvenue
jusqu'à nous : c'est un des cantiques spirituels dans le genre de ceux
dont parle l'Apôtre ; nous essayerons d'en rendre ici la ravissante mélodie. «
Frein des jeunes coursiers indomptés, aile des oiseaux qui point ne s'égarent,
gouvernail assuré de l'enfance, pasteur des agneaux du roi ; tes simples
enfants, rassemble-les, pour louer saintement, chanter avec candeur d'une
bouche innocente, le chef des enfants, le Christ. «
O Roi des saints, Verbe, triomphateur suprême, dispensateur de la sapience du
Père, du Très-Haut ; toi, l'appui dans les peines, heureux de toute éternité,
Sauveur de la race mortelle, Jésus ! «
Pasteur, agriculteur, frein, gouvernail, aile céleste du très-saint troupeau ;
pêcheur des hommes rachetés, amorçant à l'éternelle vie l'innocent poisson
arraché à l'onde ennemie de la mer du vice. « Sois
leur guide, ô pasteur des brebis spirituelles ! ô
saint! sois leur guide. Roi des enfants sans tache! les vestiges du Christ sont la voie du ciel. «
Parole incessante, éternité sans bornes, lumière sans fin, source de
miséricorde, auteur de toute vertu, vie irréprochable de ceux qui louent Dieu. «
O Christ! ô Jésus! nous qui, de nos tendres bouches, suçons
le lait céleste exprimé des douces mamelles de ta sagesse, la grâce des grâces
; petits enfants, abreuvés de la rosée de l'esprit qui découle de ta parole
nourrissante, chantons ensemble des louanges ingénues, des hymnes sincères à
Jésus-Christ Roi. «
Chantons les saintes récompenses de la doctrine de vie. Chantons avec simplesse
l'Enfant tout-puissant. Chœur pacifique, enfants du Christ, troupe innocente, chantons
ensemble le Dieu de la paix (1). » (1) Clément. Alexandr. Opera. Edit. Potter.
Oxon, tom. I, pag. 267. 71 Tertullien
offre les plus grandes ressources pour l'étude des usages liturgiques de
l'Église de son temps. Les traits que nous avons cités dans ce chapitre,
l'énumération des pratiques chrétiennes qu'on remarque dans le passage cité
ci-dessus au chapitre ni (1), ne donnent qu'une faible idée de l'abondante
moisson que les amateurs de la science des rites sacrés peuvent glaner dans tout
l'ensemble de ses écrits. Nous leur recommandons principalement les traités de
Jejuniis, de Virginibus pelandis, de Cultu feminarum, et celui ad Uxorem. Dans
ce dernier livre, parlant des graves inconvénients de la situation d'une femme chrétienne
mariée à un païen, il donne ces détails remarquables sur les mœurs de l'Église
du troisième siècle : «
Si elle doit se rendre à l'église pour la Station, le mari lui donnera
rendez-vous au bain plus tôt qu'à l'ordinaire; s'il faut jeûner, il se trouvera
qu'il donne à manger le même jour ; s'il faut sortir, jamais les domestiques
n'auront été plus occupés. Souffrira-t-il que sa femme aille de rue en rue visiter
les frères, et même dans les plus pauvres réduits ? qu'elle
se lève d'auprès de lui pour assister aux assemblées de la nuit ? souffrira-t-il tranquillement qu'elle découche à la
solennité de Pâques ? la laissera-t-il sans
soupçon aller à la table du Seigneur, si décriée parmi les païens? trouvera-t-il bon qu'elle se glisse dans les prisons pour
baiser les chaînes des martyrs ?................ Et quand même il se
rencontrerait un mari qui souffrît toutes ces choses, c'est encore un mal de
faire confidence de nos pratiques aux Gentils... Vous cacherez-vous de lui,
lorsque vous faites le signe de la croix sur votre lit ou sur votre corps;
lorsque vous soufflez pour chasser quelque chose d'immonde, lorsque vous vous
levez la nuit pour prier? ne sera-t-il pas tenté 72 de voir en tout ceci des opérations magiques ? ne saura-t-il point ce que vous goûtez, en secret, avant
toute nourriture ? et s'il sait que c'est du pain, ne
croira-t-il pas qu'il est tel qu'on le dit (1) ? » Plus
loin, parlant de la félicité du mariage chrétien, il nous apprend qu'il se
contractait dès lors en présence de l'Église, au pied de l'autel : « Comment
suffirons-nous à raconter le bonheur de ce mariage dont l'Église forme l'alliance,
que l'oblation confirme, que scelle la bénédiction, que les Anges rapportent au
Père céleste qui le ratifie (2) ? » Saint
Irénée ne nous est connu, sous le rapport de la Liturgie, que par ses lettres
dans la controverse de la Pâque. Eusèbe nous a conservé un fragment de l'une
d'elles dans son histoire. Nous savons par le même auteur queThéophile de
Césarée en Palestine et Polycrate d'Éphèse écrivirent aussi des lettres sur la
même matière; le premier, en faveur de l'orthodoxie; le second, dans le sens
des quarto-décimains (3). Saint
Hippolyte, évêque et martyr, traça un cycle pour la supputation de la fête de
Pâques, et ce cycle se lit encore aujourd'hui gravé sur la chaire de marbre de
ce docte évêque, laquelle, avec la belle statue qui y est assise, est bien
aussi un monument liturgique de l'époque que nous traitons, et un des
principaux ornements de la bibliothèque Vaticane. Saint
Denys d'Alexandrie, au milieu du troisième siècle, écrivit plusieurs lettres
pascales, et une épître canonique adressée à l'évêque Basilides, sur le même
sujet de la ( 1) Vid. la Note G. (2) Unde
sufficiamus ad enarrandam felicitatem ejus matrimonii quod Ecclesia conciliat,
et confirmat oblatio, et obsignat benedictio ; Angeli renuntiant, Pater rato
habet? (Ad Uxorem, lib. II, cap. IX.) (3) Euseb., Hist.
eccles.,
lib. V, cap. XXIII et seq. 73 célébration de la Pâque; une lettre sur le samedi; une autre de
officio diaconi (1). Saint
Cyprien doit être rangé parmi les écrivains les plus importants sur la matière
qui nous occupe. Il suffira de rappeler son admirable épître à Cécilius sur le
sacrifice chrétien, et mille endroits tant de ses traités que de ses lettres,
écrits qui, comme ceux de Tertullien, reflètent de la manière la plus exacte et
la plus vive les mœurs de l'Église d'alors. Le livre de l’Oraison dominicale
est aussi fort important; mais une phrase de ce livre ayant été, ainsi que nous
le verrons dans la suite des temps, le texte d'un grand nombre de sophismes
dangereux et subversifs de toute Liturgie, malgré le désir que nous avons
d'abréger cette revue des écrivains ecclésiastiques des trois premiers siècles,
nous placerons ici ce fameux passage, en invitant le lecteur à y recourir,
toutes les fois qu'il en sera besoin, dans la suite de ce récit. «
Le Christ avait dit que l'heure était venue où les vrais adorateurs adoreraient
le Père en esprit et en vérité, et ce qu'il avait promis, il l'a accompli, en
faisant que nous, qui avons reçu pour fruit de son sacrifice l'esprit et la vérité,
pussions, instruits par ses leçons, adorer vraiment et spirituellement. En
effet, quelle prière plus spirituelle que celle qui nous a été donnée par le
même Jésus-Christ qui nous a envoyé l'Esprit-Saint ? quelle
prière plus vraie aux yeux du Père, que celle qui est sortie de la bouche du
Fils, qui est la vérité même? Prier autrement qu'il n'a enseigné, ce n'est pas
seulement ignorance, mais faute ; car le Christ a intimé sa volonté, et a dit :
Vous rejetez le commandement de Dieu pour établir votre propre tradition.
Prions donc, frères chéris, prions comme Dieu notre maître nous a appris. C'est
une prière amie et familière que celle qui s'adresse à Dieu comme venant de (1) Euseb., Hist. eccles., lib. VII, passim. 74 lui, et fait, monter à ses oreilles la prière même du
Christ. Arnica et familiaris oratio est Deum de suo rogare, ad aures efus
ascendere Christi orationem (1). » Nous
terminerons cette revue par les noms d'Anatolius de Laodicée et de saint Pierre
d'Alexandrie, qui ont écrit l'un et l'autre sur le sujet de la Pâque (2);
question qui, comme on le voit , occupa presque tous les auteurs liturgistes
des trois premiers siècles. Tandis
que la Liturgie était ainsi considérée comme une des principales forces du christianisme,
l'hérésie qui cherche toujours à contrefaire l'orthodoxie, et à tourner au
profit de ses coupables projets les moyens que celle-ci emploie pour maintenir
les saintes traditions, mettait déjà la main sur cette arme sacrée. Le
précurseur d'Arius, Paul de Samosate, abolissait les chants dont son église
retentissait jusqu'alors en l'honneur du Christ, et y substituait d'autres
cantiques dans lesquels il recevait les flatteries sacrilèges de ses sectateurs
(3). Les schismatiques qui, sous le nom de Donatistes, fatiguèrent l'Église
d'Afrique, de la fin du troisième siècle jusque dans le cinquième, fabriquèrent
aussi, comme le rapporte saint Augustin, des chants, sous forme de psaumes,
destinés à répandre le venin de leurs erreurs dans la multitude réunie pour la
prière (4). Du reste, longtemps auparavant, le fameux Valentin avait aussi,
avec une grande imprudence, comme dit Tertullien, composé ses Psaumes
(5), et saint Épiphane nous apprend (1) Vid.
la Note H. (2) Euseb., Hist.
eccles.,
lib. VII, cap. XXXII. (3) Psalmos in honorem Domini nostri Jesu-Christi cani
solitos, quasi novellos et a recentioribus hominibus compositos abolevit.
Mulieres autem magno Paschae die, in média Ecclesia psalmos quosdam canere ad
sui ipsius laudem instituit. (Euseb., Hist. eccles., lib. VII, cap. XXX.) (4) Donatistas nos reprehendunt quod sobrie psallimus in Ecclesia divina cantica Prophetarum ; cum ipsi ebrietates suas ad canticum psalmorum humano ingenio compositorum, quasi ad tubas exhortationis inflammant. (S. Augustini Epist. XXXIV.) (5) Tertullian., De Carne Christi, lib. IV, cap. XVII. 75 qu'un autre sectaire, Hiérax, l'avait imité, dans le
même but de corrompre la foi par une prière mensongère (1). Nous verrons, à
différentes époques, de nouvelles applications de ce perfide système, commun à
presque toutes les sociétés séparées. En
concluant ce chapitre, nous observerons que la Liturgie conserva après la mort
des Apôtres le même caractère traditionnel que nous avons reconnu en elle
lorsqu'ils vivaient encore ; Que
les plus savants docteurs s'en occupèrent comme d'une partie fondamentale du
christianisme; Que
les hérétiques tentèrent dès lors d'empoisonner cette source de foi et de
doctrine ; Que
ses formes firent l'objet des plus graves prescriptions ecclésiastiques ; Que
des tendances d'unité commencèrent dès lors à se manifester, du moins pour les
rites principaux; Qu'enfin
l'Église romaine fut dès lors le centre de la Liturgie, comme elle l'était de
la foi; en sorte que, même sous le point de vue qui nous occupe, on doit
appliquer les solennelles paroles de saint Irénée, en son troisième Livre
contre les hérésies : Ad hanc quippe Ecclesiam, propter potentiorem
principalitatem, necesse est omnem convenire Ecclesiam, id est qui sunt undique
fideles. (1) S. Epiphanius, Adv. Hœreses, lib. II,
Hœres. LXXVII. 76 NOTES DU CHAPITRE IV
NOTE A
Precationes facite mane, et tertia hora, ac sexta, et nona, et vespere,
atque in gallicinio. Mane: gratias agentes, quod Dominus, abducta nocte, et
inducto die, illuminavit nos. Tertia hora: quoniam in ea Dominus sententiam
damnationis excepit a Pilato. Sexta: quod in ea crucifixus est. Nona: quia
cuncta, crucifixo Domino, commota sunt, dum horrent impiorum Judaeorum
temeritatem, nec ferre possunt contumeliam Domino illatam. Vespere: gratias
agentes, quod noctem nobis dederit, laborum diurnorum requietem. In gallorum
cantu : eo quod illa hora nuntiat adventum diei, ad facienda opera lucis. Si
propter infideles impossibile est ad Ecclesiam procedere, in domo aliqua
congregationem faciès, Episcope. (Constit. apost. lib. VIII, cap.
XXXIV.) NOTE B
In orationibus vero celebrandis invenimus observasse
cum Daniele très pueros in fide fortes, et in captivitate victores, horam
tertiam, sextam, nonam, sacramento scilicet Trinitatis; quas in novissimis
temporibus manifestari habebat. Nam et prima hora in tertiam veniens,
consummatum numerum Trinitatis ostendit. Itemque ad sextam quarta procedens, declarat
alteram Trinitatem. Et quando a septima nona completur, per ternas horas
Trinitas perfecta numeratur; quas horarum spatia jampridem spiritaliter
déterminantes adoratores Dei, statutis et legitimis ad precem temporibus
serviebant: et manifestata post modum res est sacramenta olim fuisse; quod ante
sic justi precabantur. Nam super discipulos hora tertia descendit Spiritus
Sanctus, qui gratia dominicas repromissionis implevit. Item Petrus hora sexta
in tectum superius ascendens, signo pariter et voce Dei monentis instructus
est, ut omnes ad gratiam salutis admitteret, cum de emundandis gentilibus ante
dubitaret. Et Dominus hora sexta crucifixus, ad nonam peccata nostra sanguine
suo abluit, et ut redimere et vivificare nos posset, tune victoriam suam
passione perfecit. Sed nobis, fratres dilectissimi, praeter horas antiquitus
observatas, orandi nunc et spatia et sacramenta creverunt. Nam et mane orandum
est, ut resurrectio Domini matutina oratione celebretur. Quod olim Spiritus
Sanctus designabat in psalmis dicens: Rex meus et Deus meus, quoniam ad te
orabo, Domine: mane exaudies vocem meam: mane assistam tibi, et contemplabor
te. Et iterum per prophetam loquitur Dominus : Diluculo vigilabunt ad me
dicentes: Eamus et revertamur ad 77 Dominum Deum nostrum. Recedente item sole ac die cessante, necessario
rursus orandum est. Nam quia Christus sol verus, et dies est verus, sole ac die
seculi recedente quando oramus et petimus ut super nos lux denuo veniat, Christi
precamur adventum, lucis aeternae gratiam praebiturum. (S. Cypriarius, De Oratione dominica, versus
finem.) NOTE C
Solis, ut dicitur, die, omnium sive urbes sive agros incolentium in eumdem
locum fit conventus, et commentaria Apostolorum, aut scripta Prophetarum
leguntur,quoad licet per tempus.Deinde ubi lector desiit, is qui praeest
admonitionem verbis et adhortationem ad res tam praeclaras imitandas suscipit.
Postea omnes simul consurgimus, et preces emittimus: atque, ut jam diximus, ubi
desiimus precari, panis affertur et vinum et aqua: et qui praeest, preces et
gratiarum actiones totis viribus emittit et populus acclamat, amen, et eorum,
in quibus gratiae actae sunt, distributio fit et communicatio unicuique
prassentium, et absentibus per Diaconos mittitur: qui abundant et volunt, suo
arbitrio, quod quisque vult, largiuntur, et quod colligitur apud eum, qui
praeest, deponitur, ac ipse subvenit pupillis et viduis, et iis qui vel ob
morbum, vel aliam ob causant egent, tum etiam iis qui in vinculis sunt et
advenientibus peregre hospitibus; uno verbo omnium indigentium curam suscipit.
Die autem solis omnes simul venimus, tum quia prima hase est dies, qua Deus,
cum tenebras et materiam vertisset, mundum creavit, tum quia Jésus Christus
salvator noster eadem die ex mortuis resurrexit. Pridie enim Saturni eum
crucifixerunt, et postridie ejusdem diei, id est, solis die apostolis suis et
discipulis visus ea docuit, quae vobis quoque consideranda tradidimus. (S.
Justinus, Apologia I, n° 67.) NOTE D
Nos autem postquam eum, qui fidem suam et
assensum doctrinae nostrae testatus est, sic abluimus, ad eos, qui dicuntur
fratres, deducimus, ubi illi congregati sunt, communes preces et pro
nobismetipsis, et pro eo qui illuminatus est, et pro aliis ubique omnibus intento
animo facturi, ut veritatis cognitionem adepti, hac etiam gratia dignemur, ut
rectam operibus vitam agentes et praeceptorum custodes inveniamur, quo salutem
aeternam assequamur. Invicem osculo salutamus, ubi desiimus precari, Deinde ei,
qui fratribus praeest, panis affertur, et poculum aquae et vini: quibus ille
acceptis, laudem et gloriam universorum Parenti per nomen Filiiet Spiritus
Sancti emittit, et Eucharistiam, sive gratiarum actionem. pro his ab illo
acceptis donis prolixe exsequitur. Postquam preces ei Eucharistiam absolvit,
populus omnis acclamat, amen. Amen autem hebraea lingua idem
valet ac fiat. Postquam vero is, qui praeest preces absolvit, et
populus omnis acclamavit, qui apud
nos dicuntur diaconi 78 panem et vinum et aquam, in quibus gratiae actae sunt, unicuique
praesentium participanda distribuunt, et ad absentes perferunt. (Ibidem, no
65.) NOTE E
Sanctus vero Dei martyr (Irenasus) cumvenisset ad
pontem,qui vocatur Basentis, exspolians se vestimenta sua, et extendens manus
in coelum, oravit dicens: Domine Jesu Christe, qui pro mundi salute pati
dignatus es, pateant cœli tui, ut suscipiant Angeli spiritum servi tui Irenaei,
qui propter nomen tuum et plebera tuam productam de Ecclesia tua catholica
Sirmiensium haec patior. Tepeto, tuamque deprecor misericordiam,ut et me
suscipere, ethos infide tua confirmare digneris. Sic itaque percussus gladio a
ministris, projectus est in fluvium Savi. (Act. S. Irenoei, Episc.
Sirmiensis. Apud Ruinart.) Cumque perducti essent (Lucianus et Marcianus) ad
locum, tanquam ex uno ore gratias Deo agentes, dixerunt:Tibi, Domine Jesu,
insufficientes laudes dicimus, qui nos miseros et indignos de errore
gentilitatis erutos, ad hanc summam et venerabilem passionem propter nomen tuum
perducere dignatus es, atque omnium sanctorum tuorum particeps efficere. Tibi
laus, tibi gloria,tibi etiam animam et spiritum nostrum commendamus. Et cum complevissent
orationem, statim quaestionarii subposuerunt ignem (Act. SS. Luciani et
Marciani. Ibidem.) Cumque ad locum pervenissent, orare cœpit martyr
(Theodotus) in haec verba: Domine Jesu Christe, cœli terrasque conditor, qui
non derelinquis sperantes in te, gratias tibi ago, quia fecisti me dignum
cœlestis tua; urbis civem, tuique regni consortem. Gratias tibi ago, quia
donasti mihi draconem vincere, et caput ejus conterere. Da Ecclesias tuas
pacem, eruens eam a tyrannide diaboli. Cumque orationem finiens adjunxisset,
Amen, conversus vidit fratres flentes, etc. (Act. S. Theodoti Ancyrani et
septem Virginum. Ibidem.) Et iis dictis expletis, Afra circumdata
sarmentis, igne supposito, vox ejus audiebatur dicens: Gratias tibi ago, Domine
Jesu Christe, qui me dignatus es hostiam habere pro nomine tuo, qui pro toto
mundo solus hostia oblatus es in cruce, justus pro injustis, bonus pro malis,
benedic-tus pro maledictis, mundus a peccato pro peccatoribus universis. Tibi
offero sacrificium meum, qui cum Patre et Spiritu Sancto vivis et regnas Deus
in saecula saeculorum, Amen. Et hœc dicens, emisit spiritum. (Acta S. Afroe.
Ibidem.) Positis (Julitta) genibus,oravit, dicens: Gratias
tibi ago, Domine, qui priorem me filium meum vocasti, et ut praesenti hac
vanaque relicta vita, aeternae illi cum sanctis jungeretur, propter sanctum ac
tremendum nomen tuum dignanter voluisti; me quoque suscipe indignam ancillam
tuam, facque ut ingens illud bonum nanciscar, quo prudentibus virginibus,
quibus indultum ut in coelestem ac
incorruptum thalamum ingrederentur, 79 accensear : ac benedicat spiritus meus Patrem tuum Deum omnium
conservatorem, ac universorum opincem, Sanctumque Spiritum in saecula Amen. (Act.
SS.Cyrici et Julittae. Ibidem.) NOTE F
Fraenum pullorum
indocilium, Penna volucrum non errantium Verus clavus infantium, Pastor agnorum regalium, Tuos simplices Pueros congrega, Ad sancte laudandum, Syncere canendum Ore innoxio Christum puerorum ducem. Rex sanctorum, Verbum, qui domas omnia, Patris altissimi Sapientiae rector, Laborum sustentaculum, Aevo gaudens, Humani generis Servator Jesu, Pastor, arator, Clavus, fraenum, Penna coelestis Sanctissimi gregis. Piscator hominum, Qui salvi fiunt. Pelagi vitii Pisces castos Unda ex infesta Dulci vita inescans. Sis dux, ovium Rationalium pastor. Sancte, sis dux, Rex puerorum intactorum. Vestigia Christi, Via coelestis, Verbum perenne, Evum infinitum, Lux aeterna, Fons misericordiae, Operatrix virtutis, 80 Honesta vita Deum laudantium,Christe Jesu, Lac coeleste Dulcibus uberibus Nymphae gratiarum, Sapientiae tuae expressum. Infantuli Ore tenero Enutriti, Mammas rationalis Roscido spiritu Impleti, Laudes simplices, Hymnos veraces, Régi Christo, Mercedes sanctas Vitae doctrinae, Canamus simul, Canamus simpliciter Puerum valentem. Chorus pacis, Christo geniti, Populus modestus, Psallamus simul Deum pacis. NOTE G
Si statio facienda est, maritus de die condicat
ad balnea; si jejunia observanda sunt, maritus eadem die convivia exerceat ; si
procedendum erit, nunquam magis familias occupatio obveniat. Quis autem sinat
conjugem suam visitandorum fratrum gratia, vicatim aliéna et quidem pauperiora
quaeque tuguria circumire ? Quis nocturnis convocationibus, si ita oportuerit,
à latere.suo adimi libenter feret? Quis denique solemnibus Paschae obnoctantem
securus sustinebit ? Quis ad convivium illud dominicum, quod infamant, sine sua
suspicione dimittet? Quis in carcerem ad osculanda vincula martyris reptare
patietur ?............ Sed aliquis sustinet nostra, nec obstrepit. Hoc est igitur delictum quod
gentiles nostra noverunt......
Latebisne tu cum
lectulum, cum corpusculum tuum
signas, cum aliquid immundum flatu explodis, cum etiam per noctem exurgis
oratume? Et non magias aliquid videberis operari ? Non sciet maritus quid
secreto ante omnem cibum gustes? Et si sciverit panem, non illum credit esse
qui dicitur? (Tertullianus, Ad Uxorem, lib. II, cap. III, IV, V, VI.) NOTE H
Jam praedixerat horam venire, quandoveri
adoratores adorarent Patrem in spiritu et veritate, et implevit quod ante
promisit; ut qui spiritum 81 et veritatem de ejus sanctificatione percepimus, de traditione quoque ejus
vere et spiritaliter adoremus.Quas enim potest esse magis spiritalis oratio,
quam quae vere a Christo nobis data est, a quo nobis et Spiritus Sanctus missus
est ? Quae vera magis apud Patrem precatio, quam quae a Filio qui est Veritas,
de ejus ore prolata est ? Ut aliter orare quam docuit, non ignorantia sola sit,
sed et culpa: quando ipse posuerit et dixerit: Rejicitis mandatum Dei, ut
traditionem vestram statuatis. Oremus itaque, fratres dilectissimi, sicut
magister Deus docuit. Arnica et familiaris oratio est Deum de suo rogare ad
aures ejus ascendere Christi orationem. (S. Cyprianus De Orat. Dominica,
in principio.) |