I - CHAPITRE XV

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CHAPITRE XV : RÉFORME   CATHOLIQUE  DE   LA  LITURGIE.    PAUL   IV.   PIE   IV. — CONCILE   DE  TRENTE.   SAINT   PIE   V.    BREVIAIRE   ROMAIN. MISSEL ROMAIN. — INTRODUCTION DE LA LITURGIE REFORMEE EN ITALIE, EN ESPAGNE, EN FRANCE ET DANS LE RESTE DE L'OCCIDENT. — PALESTRINA. — SIXTE-QUINT. CONGRÉGATION DES RITES. — GRÉGOIRE XIII. RÉFORME DU CALENDRIER. MARTYROLOGE ROMAIN. — CLÉMENT VIII. PONTIFICAL ROMAIN. CÉRÉMONIAL ROMAIN. — AUTEURS LITURGISTES DU XVI° SIÈCLE.

 

 

NOTES DU CHAPITRE XV

NOTE A

NOTE B

NOTE C

NOTE D

NOTE E

NOTE F

NOTE G

NOTE H

 

 

Le XVI° siècle, au sein duquel les véritables doctrines liturgiques avaient souffert de si rudes atteintes, et qui avait été témoin des réformes malavisées de Ferreri et de Quignonez, devait néanmoins voir s'accomplir une véritable, solide et légitime réforme ; mais c'était aux pontifes romains qu'il était réservé de l'entreprendre par eux-mêmes et de la consommer. Comme toujours, le clergé régulier dut influer sur une œuvre si importante; mais ce n'étaient déjà plus les franciscains. A l'action insuffisante des ordres mendiants s'était adjoint le zèle de cette nouvelle branche qui venait de pousser au grand arbre de l'état religieux, et qu'on désignait sous le nom de Clercs réguliers. Les plus anciens de cette milice, les théatins, fondés par saint Gaétan de Thienne, attachèrent leur nom à la première tentative de réforme liturgique qui puisse être prise au sérieux, et préparèrent le grand résultat obtenu plus tard par saint Pie V. Clément VII, le même qui chargea Quignonez de travailler à un nouveau

 

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bréviaire, avait donné la même commission à saint Gaétan et à Jean-Pierre Caraffa, l'un de ses premiers associés, qui plus tard fut pape sous le nom de Paul IV. Le Bref qui leur confère cette marque de haute confiance apostolique existe encore dans les annales des théatins (1), où il porte la date du 21 janvier i52Q. Le bréviaire de Quignonez fut préféré, parce que sans doute il était moins long, et disposé dans une forme plus élégante : celui des théatins, dû en partie à Caraffa, alors évêque de Chieti,.ne se recommandait que par le maintien des antiques et vénérables usages, par l'épuration des histoires apocryphes, la correction des rubriques, la substitution des vraies leçons des saints Pères à des homélies tirées d'auteurs hétérodoxes, tels que Origène, Eusèbe Emissène, etc. (2). Caraffa était trop grand amateur de l'antiquité et trop grave pour ne pas dédaigner l'œuvre de Quignonez; il suivit donc l'exemple de sain1 François Xavier, et montra, même ouvertement, son mépris pour le bréviaire de ce cardinal (3). Il vint à monter en 1555, sur la chaire de Saint-Pierre, et l'un de ses premiers soins fut de déclarer qu'on n'accorderait plus, à l'avenir, la permission d'user de cette liturgie abrégée, bien qu'il ne jugeât pas encore à propos de retirer les facultés d'en user qui avaient été antérieurement obtenues. Il se remit ensuite à travailler avec ardeur à la rédaction de son bréviaire réformé ; mais, comme il voulait accomplir par lui-même cette œuvre si importante et si digne d'un pape, il arriva qu'étant détourné par les nombreuses et graves préoccupations de la dignité suprême, il ne put arriver à mettre ce bréviaire en état d'être promulgué. Il

 

(1)  Silos. Hist. Theatin., Iib. III. Apud Bolland., tom. II, August die VII, pag. 251.

(2)   Vita e gesti di Giovanni Pietro Caraffa, cioè di Paolo IV Pontefice Massimo, raccolti dal P. D. Antonio Caracciolo. Mss. de l'an 1633, cité par Arevalo. Hymnodia Hispanica  pag. 392 et seq.

(3)  Ibidem.

 

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mourut en 1559, après quatre ans d'un pontificat énergique, qu'il avait commencé ayant déjà atteint sa soixante-dix-neuvième année.

Après la mort de Paul IV, Pie IV, son successeur, mit tous ses soins à la continuation du concile ouvert à Trente sous Paul III, en  1545, et depuis suspendu à diverses fois. Paul IV, dans son zèle ardent pour les droits du Siège t apostolique, n'avait pas voulu consentir à la reprise des travaux de ce concile, persuadé que l'autorité du Pontife romain, employée avec fermeté et persévérance, suffisait pour accomplir la réforme de l'Église. Au reste, Paul IV était digne de concevoir une pareille espérance; mais il était dans les plans de la divine Providence que, pour s'accommoder davantage aux idées et aux prétentions de ce siècle, un concile, entravé d'ailleurs en mille manières par les puissances et les nationalités temporelles, eût la plus grande part à l'œuvre de la réforme catholique. Il est vrai aussi d'ajouter que cette assemblée eut le bonheur de se sentir dirigée par des légats dévoués au Siège apostolique, dont ils recevaient et transmettaient les instructions, et qu'une  suite de  grands   pontifes,  saint Pie V, Grégoire XIII, Sixte-Quint, Clément VIII, Grégoire XV, se montra disposée à appliquer les canons de Trente avec cette vigueur inviolable qui en a fait pénétrer l'esprit et les maximes dans toutes les institutions catholiques, depuis cette grande époque.

Paul IV avait pensé que la réforme de la liturgie ne pouvait se faire qu'à Rome; qu'elle devait être l'œuvre propre d'un pontife romain, successeur des Gélase et des Grégoire. Il ne tint pas à Pie IV, comme nous verrons, que cette réforme ne se fît à Trente ; mais le divin auteur de l'Eglise, qui a établi Rome métropole du gouvernement ecclésiastique, et son Église la mère de tous les fidèles, sut bien amener les choses au point où elles devaient être, et la publication delà Liturgie réformée se fit définitivement

 

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par l'autorité du souverain Pontife, dans cette capitale du catholicisme. Avant de raconter ce grand événement, il est nécessaire que nous donnions quelques détails sur les dispositions dans lesquelles se trouvait le concile au sujet de la réforme liturgique.

Nous avons parlé, au chapitre précédent, des nécessités qui réclamaient impérieusement l'attention des pasteurs de l'Église, sur la matière si grave du culte divin. Dès l'an i536, on avait tenu à Cologne un concile dont les canons, très-expressifs, sont de la plus haute importance pour caractériser les éléments qui se remuaient alors au sein de l'Église. Il fut assemblé par le fameux archevêque Hermann, qui eut depuis le malheur d'embrasser le luthéranisme. Cette circonstance explique plus que suffisamment l'extrême liberté avec laquelle la discipline de cette époque se trouve parfois qualifiée dans les actes de ce concile. Sur l'article de la Liturgie, aux sixième et au onzième canon de la seconde partie, on articule le projet d'une réforme ; on affirme que le bréviaire se trouve contenir des histoires dépourvues d'autorité et de gravité, plainte qui n'aurait rien eu que de très-légitime ; mais on émet hardiment le vœu de voir supprimer même les histoires authentiques, pour les remplacer par de simples lectures de l'Écriture sainte (1). Quant au missel, les Pères réprouvent, avec raison, plusieurs innovations qu'on y avait introduites, et qui offensaient le respect dû au plus auguste des mystères (2). La prétention  émise ici  sur

 

(1) Nam cum olim a sanctissimis Patribus institutum sit, ut solae Scripturas sacra; in Ecclesia recitarentur, nescimus qua incuria accident, ut in earum locum successerint alia cum his neutiquam comparanda, atque interim historias sanctorum tam inculte ac tam negligenti judicio conscriptae, ut nec auctoritatem habere videantur, nec gravitatem. Deo itaque auctore, deque concilio capituli nostri, ac theologorum, aliorumque piorum virorum, reformationem Breviariorum meditabimur. (Conc. Labb., tom. XIV, p. 504.)

(2) Peculiaria missarum argumenta, recens praeter veterum institutionem inventa, etiam Patribus displicuerunt, quod tantum mysterium pro affectu cujuslibet tractari non deceat. Prosas indoctas nuperius missalibus caeco quodam judicio invectas praetermittere per nos liceret. Videbimur ergo operae pretium facturi , si Missalia perinde atque Breviaria pervideri curemus, ut amputatis tantum superfluis, et quae superstitiosius invecta videri possint, ea tantum, quae dignitati Ecclesiae et priscis institutis consentanea fuerint relinquantur. (Ibidem.)

 

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l'Écriture sainte, comme matière unique de la Liturgie, avait déjà été exprimée en Allemagne, dans les articles de réforme proposés par l'empereur au concile de Bâle (1).

Dans la première période du concile de Trente, les Pères n'eurent pas le loisir de s'occuper de la Liturgie; mais on a vu plus haut que déjà des réclamations en forme avaient été déposées contre le bréviaire de Quignonez. Le concile ayant été momentanément suspendu, nous retrouvons encore des réclamations concernant la Liturgie, dans un projet de réforme dressé par Charles-Quint, à Augsbourg. On y demande que la forme des prières de l'Eglise soit ramenée aux institutions des anciens Pères ; que l'on donne à des hommes pieux et doctes le soin de purger les bréviaires de tout ce qu'ils contiennent d'apocryphe et de moins conforme à la pureté du culte divin (2). A la reprise du concile, sous Pie IV, on trouve dans un mémoire donné au cardinal de Lorraine, qui se rendait à Trente, en 1502, l'injonction faite à ce prélat par le roi et les états généraux du royaume d'insister fortement auprès des Pères du concile sur la nécessité d'épurer le service divin, de retrancher les superstitions et de revoir les prières et les cérémonies (3). Tous ces faits qui attestent de plus en plus l'urgence de la réforme liturgique

 

 (1)  Breviaria et Missalia expurganda, resecandaque omnia quae non ex divinis sint desumpta Litteris, et taediosam prolixitatem psalmorum et orationum, habito delectu, contrahendam. Articul. XII. (Vid. Grandcolas, Commentaire hist. sur le Brév. Rom., tom. I, pag. 20.)

(2)   Breviarium in formant precum et orationum ab antiquis Ecclesiae Patribus et rectoribus traditampraescriptamque redigendum; insuper apocrypha, parumque ad sincerum cultum pertinentia a Breviariis resecanda. (Vid. Benedict. XIV, De Canonizatione Sanctorum, lib. IV,part. II, cap. 13.

(3) Histoire ecclés. de Fleury. Continuation. Tom. XXXIII, pag. 14.

 

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et le zèle que les peuples catholiques mettaient encore au XVI° siècle à ce qui concernait le culte divin, montrent en -même temps toute la gravité de la situation dans laquelle allait se trouver le concile, au milieu de toutes ces prétentions, parmi lesquelles on ne pouvait s'empêcher de démêler certaines inspirations plus ou moins suspectes.

Pie IV, qui montra toujours dans la direction du concile, par ses légats, un tact si sûr et une si juste intelligence des véritables besoins de l'Église, voulant  mettre les Pères en mesure d'accomplir, suivant toutes les convenances canoniques, l'œuvre tant désirée de la réforme liturgique, leur envoya le travail de Paul IV. C'était leur tracer la ligne la plus sûre, puisque ce grand Pape n'avait eu en vue dans sa réforme que de rapprocher le bréviaire des sources grégoriennes et de le dégager des additions arbitraires, ou peu séantes, qu'on s'était permis d'y faire dans les derniers siècles. Le concile, préoccupé des graves objets qui remplissaient ses sessions, de la dix-huitième à la vingt-cinquième,  se trouva être arrivé à l'an   1563, avant que la commission chargée par lui de la réforme du bréviaire eût eu assez de loisir pour terminer son œuvre. Deux sentiments semblaient partager l'assemblée : les uns voulaient qu'on établît une parfaite unité liturgique dans toute l'Église, les autres soutenaient les rites particuliers des  diocèses.  La décision d'une si importante affaire, jointe à la lenteur qu'entraînerait infailliblement la correction faite en détail de l'ensemble de la Liturgie, devait exiger beaucoup de temps ; car il ne s'agissait pas seulement du bréviaire, mais encore du missel ; or il était urgent de terminer enfin le concile. Pour éviter de nouveaux retards les légats proposèrent de renvoyer le soin de la réforme liturgique au Pontife romain ; ce qui fut approuvé dans la vingt-cinquième session (1). Il y eut bien quelques prélats

 

(1) Conc. Trid. Sess. XXV. Decretum de Indice librorum et Catechismo, Breviario et Missali.

 

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qui manifestèrent de l'opposition. L'évêque de Lérida, entre autres, prononça un long discours pour prouver qu'on avait bien plus de ressources dans le concile pour traiter un si important objet qu'on, n'en pourrait avoir à Rome, où l'on n'avait point une connaissance aussi exacte des usages des différents pays. Cette prétention ne fut pas écoutée et ne devait pas l'être, pour peu que l'on voulût arriver à une conclusion quelconque. En effet il ne s'agissait pas de donner une nouvelle Liturgie, mais simplement d'épurer, de ramener à la forme antique celle de l'Eglise d'Occident. Or cette Liturgie était celle de Rome; ses sources étaient à Rome ; cette capitale de l'Église catholique était donc le seul endroit où la correction liturgique pût s'accomplir. Si le concile de Trente, pour rétablir l'unité, eût voulu faire un ensemble de tous les usages épars dans les divers diocèses de l'Occident, il n'eût réussi qu'à produire un ensemble monstrueux et incohérent qui n'eût rétabli l'unité qu'en froissant à plaisir toutes les prétentions locales, allumant ainsi une guerre entre les églises dont les usages eussent été préférés, et celles qui auraient cru voir leurs coutumes tombées dans le mépris. Le concile, en remettant au Pontife romain la réforme du bréviaire et du missel, ne fit donc autre chose que de proclamer une fois de plus la nécessité pour toute l'Église d'Occident, de suivre la Liturgie de l'Église mère et maîtresse. On rapporta à Rome les manuscrits de Paul IV, et toutes les pièces du travail qu'avaient exécuté, dans la même ligne, les commissaires du concile. Pie IV manda en même temps auprès de lui ces derniers, et leur adjoignit plusieurs doctes personnages de Rome; mais ce Pape ayant été prévenu par la mort, saint Pie V, son successeur, prit en main ce grand œuvre et ajouta aussi de nouveaux commissaires pour en hâter la consommation (1).

 

(1) Benedict. XIV. Ibidem.

 

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Nous n'avons pu découvrir jusqu'ici, malgré toutes nos recherches, les noms de tous les membres de cette importante commission. Merati se borne à nous faire connaître le cardinal Bernardin Scotti, et Thomas Golduelli, évêque d'Asaf, tous deux de l'ordre des théatins, auquel appartient la plus grande part de l'honneur de la correction liturgique du XVI° siècle (1). Zaccaria pense, avec Lagomarsini, qu'il faut attribuer aussi une action importante sur cette œuvre au cardinal Guillaume Sirlet et au docte Jules Poggio (2).

Nous exposerons ici, en peu de mots, les principes qui présidèrent à la correction du bréviaire de saint Pie V. D'abord, l'idée fondamentale de Paul IV et de ses confrères les théatins, idée adoptée par le concile de Trente et par Pie IV, mais diamétralement opposée à celle de Quignonez, était qu'il n'y avait d'autre réforme de la Liturgie à accomplir, que de la rapprocher des sources antiques, en rejetant la distinction d'un office récité en particulier et d'un office public. Il fallait donc consulter les plus anciens manuscrits et rétablir l'ordre et la disposition qu'ils offraient, tant dans le psautier que dans le partage des livres de l'Écriture, dans les répons, les antiennes et les hymnes. Par ce moyen, l'Église demeurait semblable à elle-même.

Quant aux fêtes des nouveaux saints, les correcteurs jugèrent devoir se montrer très-sobres à les admettre, non par un amour systématique de l’Office férial, mais pour ne pas usurper la place des âges suivants. Ils conservèrent donc un certain nombre d'offices en l'honneur des saints admis au calendrier depuis saint Grégoire ; mais on eut soin que ces offices, ordinairement réduits aux leçons di second nocturne, n'eussent plus ni hymnes, ni antienne;

 

(1)  Merati, tom. III, édit. Venet., pag. 15.

(2)  Zaccaria, Bibliotheca Ritualis, tom. I, pag. 116.

 

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propres, pour prévenir un encombrement qu'un zèle mal réglé n'eût pas manqué de produire dans un temps plus ou moins long. Les Propres des diverses Églises devaient suppléer à ce que le bréviaire général ne renfermerait pas.

Le nombre des fêtes des saints se trouvant réduit de beaucoup, les correcteurs se virent en mesure d'assigner à l'office férial deux cents jours environ sur l'année, et par là tomba le reproche que faisait Quignonez au bréviaire de son temps, de priver les clercs de la récitation hebdomadaire du psautier.

On remit en vigueur le canon de S. Grégoire VII, sur le partage des saintes Écritures dans les leçons de Matines. Il n'y eut que les Paralipomènes, Esdras et Baruch, pour lesquels il ne se trouva pas de place : mais le choix des passages fut fait avec tant de goût et de précision, que l'on peut dire que leur ensemble donne un aspect aussi complet des saintes Écritures que celui même que peut fournir le bréviaire de Quignonez, dans la préface duquel on promet, il est vrai, la lecture annuelle de la Bible : promesse qui n'est cependant pas remplie.

Les homélies et autres passages des saints Pères sont choisis, pour l'ordinaire, avec un discernement supérieur. S'il en est quelques-uns empruntés à des livres que la critique moderne a reconnus apocryphes, il faut se rappeler que cette science ne faisait alors que de naître, et que les grandes et correctes éditions dont nous jouissons aujourd'hui n'existaient pas. Un homme impartial n'oserait reprocher à Baronius et à Bellarmin les taches de ce genre qu'on remarque dans leurs immortels écrits.

Les légendes des saints se montrent purgées de tous les faits apocryphes qu'on y voyait avec peine ; et si, aujourd'hui, de sévères censeurs ont encore des reproches à faire au bréviaire romain, sous le rapport de la critique

 

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historique, nous les renvoyons à Benoît XIV, qui a traité la matière (1), en attendant que la marche suivie dans cet ' ouvrage nous amène à discuter la valeur de cette censure. Quant au style de ces légendes, on doit reconnaître que s'il offre des variations, parce qu'on jugea à propos d'en retenir quelques-unes d'anciennes, le plus grand nombre est d'une rédaction à la fois élégante et conforme au style liturgique. Nous citerons surtout, dans cette dernière classe, celles des saints docteurs qui appartiennent d'ordinaire à Sirlet et à Poggio.

Pour ce qui regarde les rubriques du bréviaire, on put y faire quelques corrections ; mais elles restèrent ; en somme ce qu'elles étaient. Nous avons exposé au chapitre XIII les principes de l'Église sur cette matière, et fait voir combien ils diffèrent des maximes de Quignonez.

Tel était le bréviaire réformé, conforme du reste, pour les répons, les antiennes et autres formules dont nous n'avons pas parlé en détail, aux anciens livres grégoriens, et principalement à l'Antiphonaire ou Responsorial publié par le B. Tommasi. On ne pouvait donc rien voir de plus pur, de plus conforme à l'antiquité ; c'est ce qui fait dire au docteur Grancolas, malgré ses préjugés : « Si, au IX° siècle, le bréviaire romain mérita tant d'applaudissements, et d'être préféré à tous ceux des autres églises, il parut avec plus de lustre, après que le pape Pie V l'eut fait revoir ; aussi, peut-on dire que,depuis ce temps-là, toutes les églises particulières l'ont tellement adopté, que celles qui ne l'ont pas pris sous le nom de Bréviaire romain, l'ont presque tout inséré dans le leur, en l'accommodant à leur rite (2).  » Il est vrai que, sous ce dernier rapport, les choses ont quelque peu changé en

 

(1)  De Canonizatione SS., lib. IV, part. II, cap. XIII.

(2)  Commentaire historique sur le Bréviaire romain, tom.  I, p. II.

 

 

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France, depuis 1727, époque à laquelle Grancolas écrivait son livre.

Quand tout fut terminé, saint Pie V donna la Bulle pour la promulgation du bréviaire. Elle commence par ces mots : Quod a nobis. En voici la traduction. Pie, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu : « Obligé  par l'office de Notre charge pastorale à mettre tous Nos soins à procurer, autant que Nousle pourrons, par le secours de Dieu, l'exécution des décrets du concile de Trente, Nous Nous y sentons d'autant plus tenus dans les choses qui intéressent directement la gloire de Dieu et les obligations spéciales des personnes ecclésiastiques. Nous plaçons au premier rang, parmi ces choses, les prières sacrées, louanges et actions de grâces qui sont comprises au bréviaire romain. Cette forme de l'office divin, établie autrefois avec'piété et sagesse par les souverains Pontifes Gélase I et Grégoire I, réformée ensuite par Grégoire VII, s'étant, par le laps du temps, écartée de l'ancienne institution, il est devenu nécessaire de la rendre de nouveau conforme à l'antique règle de la prière.  Les uns,  en  effet,  ont déformé l'ensemble si harmonieux de l'ancien bréviaire, le mutilant en beaucoup d'endroits, et l'altérant par l'addition de beaucoup de choses incertaines et nouvelles. Les autres, en grand nombre,   attirés par la commodité  plus grande,   ont adopté  avec empressement  le   bréviaire  nouveau   et abrégé qui a été  composé   par  François   Quignonez, cardinal-prêtre du titre de Sainte-Croix en Jérusalem. En outre, Cette détestable coutume s'était glissée dans les provinces, savoir,que dans les églises qui, dès l'origine, avaient l'usage de dire et psalmodier les Heures canoniales, suivant l'ancienne coutume romaine, aussi bien que les  autres, chaque évêque se faisait un bréviaire particulier, déchirant ainsi,  au moyen de ces nouveaux offices dissemblables entre eux et propres,

 

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pour ainsi dire, à chaque évêché, cette communion qui consiste à offrir au même Dieu des prières et des louanges en une seule et même forme. De là, dans un si grand nombre de lieux, le bouleversement du culte divin ; de là, dans le clergé, l'ignorance des cérémonies et des rites ecclésiastiques, en sorte que d'innombrables ministres des églises s'acquittaient de leurs fonctions avec indécence, et au grand scandale des gens pieux.

« Paul IV, d'heureuse mémoire, voyant avec une trèsgrande peine cette variété dans les offices divins, avait résolu d'y remédier, et pour cela, après avoir pris des mesures pour qu'on ne permît plus à l'avenir l'usage du nouveau bréviaire, il entreprit de ramener la forme des Heures canoniales à l'ancienne forme et institution. Mais étant sorti de cette vie sans avoir encore achevé ce qu'il avait excellemment commencé, et le concile de Trente, plusieurs fois interrompu, ayant été repris par Pie IV, de pieuse mémoire, les Pères, réunis en assemblée pour une salutaire réforme, pensèrent que le bréviaire devait être restitué d'après le plan du même Paul IV. C'est pourquoi tout ce qui avait été recueilli et élaboré par ce Pontife dans cette intention, fut envoyé par le susdit pape Pie aux Pères du concile réunis à Trente. Le concile ayant donné à plusieurs hommes doctes et pieux la charge de la révision du bréviaire en sus de leurs autres occupations, et la conclusion dudit concile étant proche, l'assemblée, par un décret, remit l'affaire à terminer à l'autorité et au jugement du Pontife romain qui, ayant fait venir à Rome ceux des Pères qui avaient été désignés pour cette charge, et leur  ayant adjoint plusieurs personnes  idoines de la

même ville, entreprit de consommer définitivement cette œuvre.

« Mais ce Pape étant lui-même entré dans la voie de

 

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toute chair, et Nous, par la disposition de la clémence divine, ayant été élevé, quoique indigne, au sommet de l'Apostolat, Nous avons poussé avec un très-grand zèle l'achèvement de cette œuvre sacrée, appelant même le secours d'autres personnes habiles, et Nous avons aujourd'hui le bonheur, par la grande miséricorde de Dieu (car Nous le comprenons ainsi), de voir enfin terminer ce bréviaire romain. Nous étant fait rendre compte plusieurs fois de la méthode suivie par ceux que nous avions préposés à cette affaire ; ayant vu que, dans l'accomplissement de leur œuvre, ils ne s'étaient point écartés des anciens bréviaires des plus illustres églises de Rome et de Notre bibliothèque Vaticane; qu'ils avaient, en outre, suivi les auteurs les plus graves en cette matière ; et que, tout en retranchant les choses étrangères et incertaines, ils n'avaient rien omis de ce qui fait l'ensemble propre de l'ancien office .divin; Nous avons approuvé leur œuvre et donné ordre qu'on l'imprimât à Rome, et qu'elle fût divulguée en tous lieux. Afin donc que cette mesure obtienne son effet, par l'autorité des présentes, Nous ôtons tout d'abord et abolissons le nouveau bréviaire composé par ledit cardinal François, en quelque église, monastère, couvent, ordre, milice et lieu, soit d'hommes, soit de femmes, même exempt, qu'il ait été permis par le Siège apostolique, même dès la première institution ou autrement.

« Et aussi, Nous abolissons tous autres bréviaires, ou plus anciens que le susdit, ou munis de quelque privilège que ce soit, ou promulgués par les évêques dans leurs diocèses, et en interdisons l'usage dans toutes les églises du monde, monastères, couvents, milices, ordres et lieux, tant d'hommes que de femmes, même exempts, dans lesquels, de coutume ou d'obligation, l'office divin se célèbre suivant le rite de l'Église romaine; exceptant cependant les Églises qui, en vertu d'une première

 

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institution, approuvée par le Siège apostolique, ou de la coutume, antérieures,l'une et l'autre, à deux cents ans,  sont dans l'usage évident d'un bréviaire certain. A celles-ci nous n'entendons pas enlever le droit ancien de dire et psalmodier leur office, mais nous leur permettons, s'il leur plaît davantage, de dire et de psalmodier au chœur le bréviaire que nous promulguons, pourvu que l'évêque et tout le chapitre y consentent.

« Nous révoquons entièrement toutes et chacune permissions apostoliques et autres, coutumes , statuts, a même munis de serment, confirmation apostolique ou toute autre ; privilèges, licences et induits de prier et psalmodier, tant au chœur que dehors, suivant l'usage et rites des bréviaires ainsi supprimés, accordés aux susdites églises, monastères, couvents, milices, ordres et lieux, ou aux cardinaux de la sainte Église romaine, patriarches, archevêques, évêques, abbés et autres prélats des églises ; enfin à toutes autres et chacune perce sonnes ecclésiastiques, séculières et régulières, de l'un et l'autre sexe, pour quelque cause que ce soit; même approuvés et renouvelés, en toutes formules qu'ils soient conçus et de quelques décrets et clauses qu'ils soient corroborés ; et voulons qu'à l'avenir toutes ces choses aient perdu leur force et effet.

« Ayant ainsi interdit à quiconque l'usage de tout autre,  nous ordonnons que Notre bréviaire et forme de prier et psalmodier soit gardé dans toutes les églises du monde entier, monastères, ordres et lieux, même exempts, dans lesquels l'office doit, ou a coutume d'être dit, suivant l'usage et rite de ladite Église romaine, sauf la susdite institution ou coutume dépassant deux cents ans : statuant que ce bréviaire, dans aucun temps, ne pourra être changé en tout ou en partie, qu'on n'y pourra ajoute ter, ni en enlever quoi que ce soit, et que tous ceux qui sont tenus  par droit ou par coutume à réciter ou

 

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psalmodier les Heures canoniales, suivant l'usage et rite de l'Église romaine les lois canoniques ayant statué des peines contre ceux qui ne disent pas chaque jour l'office divin), sont expressément obligés désormais, à perpétuité, de réciter et psalmodier les Heures, tant du jour que de la nuit, conformément à la prescription et forme de ce bréviaire romain, et qu'aucun de ceux auxquels ce devoir est formellement imposé, ne peut satisfaire que sous cette seule forme.

« Nous ordonnons donc à tous et à chacun des patriarches, archevêques , évêques , abbés et autres prélats des a Églises, d'introduire ce bréviaire chacun dans leurs églises, monastères, couvents, ordres, milices, diocèses et lieux susdits, faisant disparaître les autres bréviaires, même établis de leur autorité privée, que nous venons de supprimer et abolir; et il est enjoint, tant à eux qu'aux autres prêtres, clercs, séculiers et réguliers, de l'un et l'autre sexe, fussent-ils d'ordres militaires ou exempts, auxquels est imposée l'obligation de dire ou psalmodier l'office, d'avoir soin de le dire ou psalmodier, tant au chœur que dehors, suivant la forme de ce bréviaire (1). »

Le saint Pontife déclare ensuite éteindre l'obligation de réciter à certains jours l'office de la sainte Vierge et des Morts, les Psaumes de la pénitence et les Psaumes graduels, afin de donner plus de zèle au clergé pour la récitation du bréviaire réformé, et publie des indulgences pour ceux qui, désormais, auront la dévotion de continuer ces pratiques. Il annonce que l'obligation de se conformer au bréviaire réformé pèsera de tout son poids dans un mois, sur tous ceux qui sont présents à la cour de Rome ; dans trois mois sur ceux qui, sans être à Rome, habitent en-deçà des monts; dans six mois, pour ceux qui sont  au

 

(1)  Vid. la Note A.

 

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delà, aussitôt du moins qu'ils auront la facilité de s'en procurer un exemplaire. Enfin, pour maintenir ce bréviaire dans toute sa pureté, il est dit qu'on ne pourra l'imprimer dans aucun lieu sans la permission du Siège apostolique, ou d'un commissaire par icelui délégué. Le reste de la bulle est rempli par les clauses ordinaires de la Chancellerie, et se termine par ces paroles : « Donné à Rome, à Saint-Pierre, l'an de l'Incarnation du Seigneur 1568, le 7 des ides de juillet, la troisième année de notre Pontificat. »

Tel fut le premier acte de la réforme liturgique à Rome; nous aurons bientôt à raconter l'application des mesures de saint Pie V, dans les diverses églises de l'Occident. On a sans doute observé les clauses de la bulle. Elle porte l'abolition générale du bréviaire de Quignonez ; elle établit en tous lieux la forme d'office contenue au Bréviaire romain, sans y astreindre cependant les églises qui sont depuis deux cents ans en possession d'un bréviaire particulier, leur laissant toutefois la faculté de passer au nouveau bréviaire moyennant certaines formalités. Rome ne pouvait pas appliquer au grand mal de l'anarchie liturgique un remède à la fois plus efficace et plus discret. Nous allons montrer comment toutes les églises de l'Occident le comprirent et se firent un devoir d'entrer dans les vues du Pontife romain et du concile de Trente.

Il restait encore à publier une portion non moins importante de la Liturgie réformée ; le bréviaire ne pouvait être utile sans un missel pareillement corrigé qui lui fût conforme; La Commission romaine y avait simultanément donné ses soins, et deux ans après la publication du bréviaire, en 1570, saint Pie V fut en mesure de promulguer le nouveau missel. Il était accompagné de la Constitution suivante qui commence par ces mots : Quo primum tempore.

« Pie, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu :

 

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« Du moment que Nous avons été élevé au sommet de l'Apostolat, Nous avons appliqué de grand cœur toutes Nos forces et dirigé toutes Nos pensées aux choses qui concernent la pureté du culte ecclésiastique, travaillant avec toute notre application à préparer et obtenir ce but. Comme, entre les autres décrets du saint concile de Trente, il en est un qui Nous donne le soin de statuer sur la publication et correction des saintes Écritures, du catéchisme, du missel et du bréviaire; ayant déjà, avec le secours de Dieu, fait paraître le catéchisme pour l'instruction du peuple et corrigé le bréviaire, qui contient la manière de rendre à Dieu les louanges qui lui sont dues; comme il était indispensable que le missel répondît au bréviaire (puisqu'il convenait et semblait même tout à fait nécessaire que, dans l'Église de Dieu, il n'y eût plus qu'un seul mode de psalmodie et un seul rite pour la célébration de la messe), il Nous restait à Nous occuper, au plus tôt, de la publication du missel qui manquait encore.

« Ayant, à cet effet, choisi plusieurs hommes doctes, nous leur avons confié ce travail; et ceux-ci, ayant conféré avec grand soin tous les plus anciens manuscrits de notre bibliothèque Vaticane, et d'autres encore apportés d'ailleurs, les plus purs et les mieux corrigés; ayant aussi consulté les ouvrages des auteurs anciens et approuvés, qui ont laissé des écrits contenant la science des rites sacrés, ils ont restitué le missel lui-même, suivant l'antique règle et rite des saints Pères. Ce missel ayant donc été reconnu et corrigé avec un grand soin, afin de mettre tout le monde à même de recueillir les fruits de ce travail, Nous avons donné ordre qu'on l'imprimât et qu'on le publiât au plus tôt, à Rome, pour que les prêtres connussent quelles prières, quels rites et quelles cérémonies ils doivent désormais retenir dans la célébration des messes.  Afin donc que

 

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 tous embrassent et observent en tous lieux les traditions de la sainte Église romaine, mère et maîtresse des autres Églises, Nous défendons, pour l'avenir, et à perpétuité, que l'on chante ou récite la messe autrement que suivant la forme du missel par Nous publié, dans toutes les églises ou chapelles du monde chrétien, patriarcales, cathédrales, collégiales, paroissiales, tant séculières que régulières, de quelque ordre que ce soit, tant d'hommes que de femmes, même de milice régulière et sans charge d'âmes, dans lesquelles la messe conventuelle doit être suivant le droit ou la coutume célébrée à voix haute ou basse, au chœur, d'après le rite de l'Église romaine ; quand bien même lesdites églises, même exemptes, seraient munies d'induit apostolique, coutumes, privilèges, ou toutes facultés, confirmés par serment ou sanction apostolique; à moins qu'en vertu d'une première institution ou d'une coutume, antérieures, l'une et l'autre à deux cents ans, on ait gardé assidûment dans les mêmes églises un usage particulier dans la célébration des messes ; en sorte que, de même que nous n'entendons pas leur enlever le droit ou la coutume de célébrer ainsi, de même nous permettons que, s'il leur plaît davantage, ils puissent, du consentement toutefois de l'évêque ou prélat et du chapitre entier, célébrer les messes selon le missel que nous publions par les présentes : quant à toutes les autres églises susdites, nous ôtons et rejetons entièrement et absolument l'usage des missels dont elles se servent.

« Statuons et ordonnons, sous la peine de Notre indignation, en vertu de cette constitution qui doit valoir à a perpétuité, qu'on ne pourra rien ajouter, retrancher ou changer au missel que Nous publions; mandant et commandant en vertu de la sainte obéissance, à tous et à chacun des patriarches et administrateurs desdites églises, et autres personnes honorées d'une dignité ecclésiastique

 

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quelconque, même cardinaux de la sainte a Église romaine, ou de quelque autre degré et prééminence qu'ils soient, de chanter et lire désormais la messe, selon les rite, mode et règle que Nous publions dans ce missel, en ayant soin d'omettre et rejeter entièrement, à l'avenir, toutes autres manières et rites observés jusqu'ici d'après d'autres missels même anciens, en sorte qu'ils n'aient pas la hardiesse d'ajouter d'autres cérémonies ni de réciter d'autres prières dans la célébration de la messe que celles contenues dans ce missel. De plus, Nous concédons et accordons d'autorité apostolique, par la teneur des présentes, que l'on puisse se servir librement et licitement de ce missel pour les messes tant chantées que récitées, dans quelques églises que ce soit, sans aucun scrupule de conscience et sans pouvoir encourir aucunes peines, sentences ou censures, déclarant aussi que nuls prélats, administrateurs, chanoines, chapelains et autres prêtres de quelque nom que ce soit, séculiers ou réguliers, ne pourront être tenus à célébrer la messe autrement qu'en la forme par Nous statuée, ni contraints et forcés à changer l'ordre de ce missel (1). »

Le reste de la bulle a rapport au mode de promulgation, qui est le même que pour le bréviaire, et aux précautions à garder dans l'impression. Après les formules ordinaires de chancellerie, on lit ces paroles : « Donné à Rome, à Saint-Pierre, l'an de l'Incarnation du Seigneur, 1570, la veille des ides de juillet, la cinquième année de Notre pontificat. »

L'apparition d'un bréviaire et d'un missel réformés, causa une grande joie dans toute l'Eglise. Des réclamations universelles sur le désordre qui avait régné dans la Liturgie, s'étaient fait entendre, et on y voyait un remède

 

(1)  Vid. la Note B.

 

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efficace. Le missel de saint Pie V était puisé exclusivement aux sources les plus pures de l'antiquité : son bréviaire, dégagé de toutes superfétations inutiles, n'avait plus rien, il est vrai, qui flattât l'orgueil diocésain ou national, mais aussi on retrouvait à peu près tout ce qu'il contenait dans les bréviaires locaux. Les diocèses qui se trouvaient dans le cas de l'exception prévue par la bulle, avaient encore le choix entre l'adoption pure et simple du bréviaire réformé, ou la correction si facile des leurs, d'après ce modèle excellent. Saint Pie V ayant supprimé à perpétuité le bréviaire de Quignonez, et détruit par là l'influence qu'il pouvait avoir à raison de sa plus grande brièveté, la question se réduisait à savoir quel parti on devait prendre dans les églises qui étaient dans le cas de l'exception, savoir d'adopter le bréviaire réformé purement et simplement, en faisant imprimer à part, un Propre supplémentaire qui contiendrait ces précieuses traditions locales dont Rome ne fut jamais l'ennemie, ou de faire imprimer de nouveau le bréviaire sous le titre diocésain, en unissant, dans une même rédaction, les particularités du rite local avec tout l'ensemble du bréviaire réformé. Toute la question se réduisait donc à peu près à savoir quelle dépense on pouvait supporter pour les frais de l'impression. La seule raison d'une plus grande économie détermina beaucoup de diocèses à prendre les livres romains purement et simplement.

Rome tout entière adopta immédiatement les nouveaux livres. La basilique de Latran elle-même s'empressa d'inaugurer dans son sein un bréviaire qui n'était plus simplement celui de la chapelle papale, ou encore celui des frères mineurs, mais le bréviaire de l'Église catholique. La basilique Vaticane, elle qui, suivant Abailard, avait moins souci des anciens usages, au XII° siècle, que l'église de Latran, fut la seule qui n'adopta le nouveau bréviaire qu'avec modification. Elle fut maintenue

 

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dans le droit de conserver l'usage de l'ancien psautier Italique ; mais, pour le reste, son bréviaire n'est que le romain actuel avec l'office des saints papes et autres dont les corps reposent dans la basilique ou dans son trésor.

A propos de la ville de Rome, il est naturel de parler des ordres religieux dont elle est la patrie commune. Les ordres de moines se trouvant dans le cas de l'exception, non depuis deux siècles seulement, mais depuis près de mille ans, conservèrent l'ancienne forme de leur office. Les ordres mendiants, hors les dominicains et les carmes, qui gardèrent leur bréviaire romain-parisien, réformèrent leurs livres suivant l'office de saint Pie V, qui n'était que le bréviaire des frères mineurs épuré; mais ces derniers continuèrent d'y fondre leur propre. Les ordres de clercs réguliers suivirent sans exception les nouveaux livres; les théatins avaient puissamment influé sur cette réforme ; les jésuites devaient, suivant la volonté de leur grand patriarche, garder toujours la forme d'office observée par l'Église romaine ; les autres familles religieuses du même genre étaient amenées à les imiter par la nature même de leur constitution de corps cosmopolites. Enfin, les ordres de chanoines réguliers, si l'on excepte les prémontrés, dont l'office était, comme nous avons dit, un mélange de romain et de parisien, ne tardèrent pas à embrasser, en tous lieux, la liturgie réformée. Quant aux religieuses, elles suivirent, pour l'ordinaire, les livres propres aux différents ordres de moines ou autres auxquels elles se rattachaient ; celles dont l'institut était isolé adoptèrent, sans plus varier jamais, le bréviaire de saint Pie V.

L'Église de Milan était alors gouvernée par saint Charles Borromée. Nous avons vu plus haut le grand zèle de cet illustre cardinal pour le maintien de la vénérable Liturgie ambrosienne. Il ne se montra pas moins exact observateur des volontés du souverain Pontife, en procurant

 

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l'introduction des livres de saint Pie V dans toutes les églises de sa ville, de son diocèse et de sa métropole, qui étaient obligées, par le droit ou la coutume, à suivre l'office romain. On peut voir, dans sa vie, avec quelle intégrité il sut ménager à la fois les prérogatives de son église et les droits du Siège apostolique. Les évêques de sa province se montrèrent jaloux de l'imiter, et dans le second concile de Milan, tenu en 1569, nous trouvons un décret par lequel les prélats des seize églises de la province de Milan déclarent expressément que les clercs, sous peine de ne pas satisfaire au précepte de l'office divin, sont tenus de réciter les Heures canoniales, suivant la forme du Bréviaire romain publié par saint Pie V, à moins qu'ils ne soient attachés à des églises qu'une ancienne coutume ait placées dans le cas de l'exception prévue par la bulle (1). Le saint archevêque donna lui-même une édition du missel ambrosien, en 1570, et une du bréviaire en 1588. Elles ont été fidèlement reproduites jusqu'à nos jours, sans autres changements que la correction de quelques hymnes et l'addition d'un certain nombre de fêtes de saints.

Nous ferons, au  sujet de la province de Milan,   une observation dont l'occasion se présentera encore plus d'une c fois, et dont le but est de montrer, par les faits matériels eux-mêmes, que la liturgie publiée par saint Pie V n'était

 

(1) Episcopi curent, in sua quisque diœcesi, ut officia divina, quae singulis canonicis horis praeari debent, et publice in ecclesia, et privatim a singulis sacerdotibus clericisve inferioris ordinis, qui illa obire debent, celebrentur et peragantur ad prœscriptam breviarii Romani nuper editi rationem : nisi tamen ecclesiœ hujusmodi sint in quibus, ex veteri consuetudine, ut summi Pontificis Pii Quinti litteris, eo nomine confectis, cautum est, alius ritus aliaque ratio adhibeatur. Si vero secus a quibusdam factum erit, cum isti, ut eisdem summi Pontificis litteris nominatim sancitum est, horarum canonicarum officio,quod debent, non satisfacient; eos ipsos episcopi pœnis iis mulctent, quae Lateranensi concilio a Leone X, et provinciali synodo superiori contra clericos constitutœ sunt, qui canonicarum horarum officium intermittunt. (Labb., tom. XV, pag. 351.)

 

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poinl une Liturgie nouvelle, mais simplement la restitution et correction de l'antique Liturgie romaine établie déjà par tout l'Occident. Un canon du sixième concile de Milan, parlant des livres de chœur, recommande aux évêques de veiller à ce qu'on les corrige, conformément au bréviaire nouvellement publié (1). C'étaient donc de simples changements, de pures modifications qu'avait faites saint Pie V, et non une Liturgie inconnue qu'il avait introduite. L'unité du culte avait donc toujours existé malgré les incorrections qui s'étaient glissées dans les livres ecclésiastiques.

L'Église de Milan était la seule non-seulement de l'Italie, mais de l'Occident, qui eût une Liturgie propre, si l'on excepte les quelques églises d'Espagne, dans lesquelles la liturgie mozarabe se maintenait par privilège. Toutes les églises qui se trouvaient dans le cas de l'exception prévue par la bulle de saint Pie V, avaient simplement mêlé la liturgie romaine avec quelques usages locaux, et donné à cet ensemble un titre d'Église particulière. Cette observation s'applique même au rite de l'Église d'Aquilée, le plus vénérable de ces rites mélangés qu'il y eût en Italie, au XVI° siècle. Il était connu sous le nom de Rite patriarchin, et ce nom lui était venu delà dignité de l'Église d'Aquilée qui s'en servait dans les offices divins.

Peu après la publication de la bulle de saint Pie V, l'église patriarcale se trouvant dépourvue de bréviaires de son rite, et hésitant quelque peu à faire la dépense d'une réimpression, demanda au Saint-Siège la permission de se servir, hors du chœur seulement, du bréviaire romain, jusqu'à ce qu'on pût commodément réimprimer le bréviaire  patriarchin.   La Congrégation   romaine,  qui   fut

 

(1) Libri qui certis Antiphonarum modulationibus olim notati, ex breviarïi nuper editi prœscripto nondum emendati sunt, in sua quisque dioecesi episcopus curet, ut quam primum et accurate emendentur, atque accommodentur ad breviarii novi editionem. (Labb., t. XV, p. 73o.)

 

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consultée à ce sujet, accorda la dispense nécessaire, dans les termes les plus honorables. « C'est, dit-elle, dans une lettre adressée le 10 septembre 158o, à Paul Bisanti, suffragant du patriarche, c'est une chose sainte et convenable que de conserver le rite si antique et approuvé de cette Église, et que tous s'y conforment dans l'office. Le chapitre aura donc à se pourvoir de bréviaires de ce rite, ce qui est facile, puisqu'il doit être bientôt imprimé à Como. Comme il ne peut se faire autrement, c'est à monseigneur le Patriarche d'en procurer l'impression à ses frais, dans l'espace de deux ans, et jusque-là, il sera permis de dire l'office romain, mais seulement hors du chœur (1). » Toutefois, cette impression du bréviaire patriarchin n'eut point lieu ; les livres de saint Pie V, une fois introduits dans Aquilée, y prirent tellement racine, que, dix ans après, il n'existait plus vestige de l'ancien rite, même dans l'église patriarcale enfin, en 1596, cette révolution liturgique étant consommée, le patriarche François Barbaro, dans un concile provincial, tenu à Udine, prit des mesures expresses pour consolider à perpétuité la Liturgie romaine pure dans toutes les églises du patriarcat (2).

L'Église de Como, qui était du ressort patriarcal d'Aquilée, quoique située dans le duché de Milan, garda le rite d'Aquilée jusqu'au pontificat de Clément VIII, qui l'obligea au romain, ne jugeant pas convenable qu'une Église enclavée dans le Milanais suivît un office étranger et aboli

 

(1)  E cosa santa e conveniente, che si serva il rito di quella chiesâ tanto antico, et approvato, e tutti si confrontino nell' officio stesso. Pero il capitolo si provvederà di breviarii di quel rito : il che potrà fare commodamente, sendo poco fa stampato in Como. Et quando non si possi far altrimenti, monsignor Patriarca procuri, che à sue spese tra due anni sia stampato : e intanto sia lecito extra chorum solamente dir l'Officio Romano.. (Madrisius, in Appendice 11 ad Opera S. Paulini Patriarch. Aquil.)

(2)  Zaccaria, Biblioth. ritual. tom. I, pag. liij.

 

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même aux lieux d'où il était parti (1). Déjà dès 1579, le synode diocésain de Como avait déclaré que les clercs qui ne pourraient se procurer les livres du diocèse, pourraient user du bréviaire et du missel de saint Pie V. On a encore les actes d'une visite apostolique faite la même année dans ce diocèse par Jean-François Bonomo, évêque de Verceil, en vertu d'une commission de Grégoire XIII : le prélat y reconnaît expressément le droit de l'Église de Como à conserver son rite particulier, bien qu'il exhorte les chanoines à abandonner leur ancien rite pour le romain. Il dit, au sujet des missels du rite patriarchin, qu'ils ne sont qu'en petit nombre, manuscrits, qu'ils ne diffèrent presque en rien du missel romain (2), et en conclut la grande facilité qu'on aura de passer à l'usage exclusif des livres de saint Pie V. Le Père Lebrun, à qui nous empruntons ces détails, dit que l'on conserve dans les archives de la cathédrale de Como un manuscrit du bréviaire d'Aquilée qui porte ce titre : Breviarium Patriarchinum nuncupatum secundum usum Ecclesiœ Comensis correctum, et auctoritate Apostolica probatum. A la fin du volume, est une attestation du cardinal Sirlet, sous la date du 21 octobre 1583, faisant foi de l'approbation de ce bréviaire par Grégoire XIII. Nous venons de dire pour quels motifs Clément VIII jugea à propos de l'abolir.

Cette histoire de la destruction de l'ancien rite d'Aquilée nous donne lieu de remarquer avec quelle douceur, quelle faveur même, Rome a su ménager les usages anciens,

 

(1)  Ughelli, Italia sacra, tom. V, pag. 235.

(2)  Cum autem missalia Patriarchino Ritu quam paucissima inventa sint, eaque manuscripta, qua; praeterea a missali Romano nulla ferme alia re differant, nisi dierum aliquorum Dominicorum ordine, et sanctissimas Trinitatis festo die, qui in aliud tempus translatus est; ideo Ritu Romano missas passim celebrari, et a plerisque etiam sacerdotibus pro libito fieri animadvertimus, ex antiqui missalis instituto, in quo plurima correctione digna fuisse, novissima ostendit editio. (Lebrun, Explication de la Messe, tom. II, pag, 227.)

 

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dans l'application des ordonnances pour la réforme liturgique. Ce serait en vain que, considérant la chose d'un autre point de vue, on voudrait mettre en contradiction cette indulgence des Papes du XVI° siècle avec les ordonnances vigoureuses de saint Adrien Ier et de saint Grégoire VII, pour l'établissement du rite romain dans tous les lieux de l'Occident. Tout s'explique du moment que l'on veut bien remarquer que l'œuvre accomplie par ces deux grands papes n'avait pas cessé d'exister, et que, sauf les variantes introduites par certains usages locaux, et les incorrections que le progrès de la critique devait faire tôt ou tard disparaître, l'Occident tout entier louait Dieu dans une seule et même liturgie. Rome, sans doute, désirait vivement voir toutes les nations complètement unanimes avec elle dans la prière publique ; mais déjà les bulles de saint Pie V avaient conquis la presque universalité des Églises, et chaque année en voyait d'autres encore venir se fondre avec les premières dans l'unité d'un même bréviaire et d'un même missel.

Toute l'Italie, en effet, se conforma successivement aux intentions du Saint-Siège. Les églises de Sicile, par exemple, qui avaient un bréviaire particulier, se rendirent de bonne heure, et le XVI° siècle, en finissant, ne vit plus dans toute la Péninsule, hors le territoire ambrosien, que des églises réunies sous la plus ponctuelle observance des usages liturgiques promulgués par saint Pie V. Cependant, on avait donné la plus grande liberté à toutes celles dont les bréviaires et les missels avaient plus de deux cents ans, à l'époque de la bulle ; on avait reconnu non-seulement le droit des cathédrales, mais celui même des collégiales et autres églises qui se seraient trouvées dans une possession analogue (1). Tout cela n'empêcha pas le principe

 

(1) Nous avons vu à Rome, dans la bibliothèque de la maison professe des jésuites, un exemplaire da bréviaire particulier de la collégiale-abbatiale de Sainte-Barbe, à Mantoue, imprimé aux frais de cette église, et approuvé par Grégoire XIII, quoique s'écartant en beaucoup d'endroits du bréviaire de saint PieV.

 

 

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d'unité de s'étendre dans ses applications, et après tout, il était juste que l'Italie entière, pays d'obédience, y compris les îles adjacentes, donnât la première et plus complètement l'exemple d'une entière conformité non seulement aux lois, mais aux simples désirs du Siège apostolique. C'est là la force de l'Italie, son unique vie : puisse-t-elle le comprendre toujours!

La péninsule espagnole se rangea de bonne heure aussi sous l'obéissance absolue aux bulles de saint Pie V. Ce n'est pas que les prélats du royaume catholique n'eussent, à cette époque, retenu encore quelque chose de cet esprit frondeur dont nous avons vu quelques traits dans l'historien Rodrigue de Tolède. Oh avait été frappé, au concile de Trente, d'une hardiesse qui n'était, certes, pas inférieure à celle des plus osés de nos prélats. Mais l'amour de l'unité, le zèle pour la foi, passaient encore à leurs yeux avant les susceptibilités nationales. La motion de l’évêque de Lérida au concile, n'avait pas empêché les Pères de remettre absolument au pontife romain le soin de la correction liturgique ; les oppositions de quelques cathédrales d'Espagne n'arrêtèrent pas non plus l'établissement uniforme du bréviaire et du missel de saint Pie V. On doit regretter peut-être que quelques bréviaires particuliers, ceux de Tolède et de Séville, par exemple, aient entièrement péri : il aurait été intéressant devoir comment les réminiscences de l'ancien rite gothique se mariaient parfois encore aux formes romaines imposées par saint Grégoire VII. La grande volonté de Philippe II, prince sévèrement jugé, mais auquel, du moins, tout homme impartial ne saurait refuser un zèle ardent et consciencieux pour la foi catholique, pesa de tout son poids dans l'affaire de l'adoption des usages romains réformés : par lui, les livres nouveaux non-seulement furent

 

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introduits en Espagne, mais pénétrèrent dans les vastes colonies  qui   se   rattachaient à cette puissante   métropole.

Conformément aux maximes du droit public catholique, saint Pie V n'avait pas jugé à propos de placer la prière pour le roi dans le canon de la messe : c'était ait Siège apostolique à déterminer quels étaient les princes, en communion avec lui, qu'il fallait considérer comme véritablement investis du droit de commander à des chrétiens. Le roi d'Espagne, malgré son titre de roi catholique, n'avait pas été excepté. Philippe II, ce monarque si fier,  ne dédaigna pas de se mettre en instances auprès de saint Pie V, pour obtenir que cette parole Pro rege nostro fût insérée à la suite de la prière pour le pape et l'évêque dans les missels destinés à l'usage des églises d'Espagne, et le pontife octroya sa demande (1). Quand on se remet en mémoire la puissance colossale de Philippe II, on est bien obligé de convenir qu'il donna dans cette occasion l'un des plus grands exemples de respect pour la liberté religieuse qui aient jamais été offerts par un souverain. Si nous ajoutions que,   tout tyran  absolu qu'il était, Philippe II laissait volontiers enseigner et prêcher à ses théologiens la doctrine de l'amissibilité du pouvoir, le droit du souverain Pontife et de l'Église de corriger et même de déposer les princes qui abusent de leur autorité, peut-être que cette seule remarque suffirait auprès de quelques gens sensés pour leur faire comprendre que, bien qu'il ait été en butte aux malédictions des écrivains de la Réforme, et des historiens beaux esprits du XVIII° siècle, le Démon du midi n'a pas été tout à, fait dépourvu de cette moralité et de  ce désintéressement que les peuples désirent,  mais n'espèrent pas toujours rencontrer dans leurs souverains. Nous verrons, d'ici à quelques pages, un autre gouvernement

 

(1) Gavanti, Thesaurus sacrorum Rituum, tom. I, 4°, pag. 286.

 

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placé dans une situation analogue, et on jugera lequel, du Français ou de l'Espagnol, s'entendait le mieux, au XVI° siècle, en fait de liberté religieuse.

Philippe obtint aussi du Saint-Siège la permission, pour tous les prêtres de sa domination, d'ajouter aux oraisons de la messe, même dans les plus grandes solennités, une suite de demandes que l'on trouve dans les missels espagnols et qui expriment avec énergie et simplicité tous les besoins du royaume catholique, en même temps que cette concession, unique dans les fastes de la Liturgie, est une preuve du grand amour de Rome pour une église qui lui a gardé longtemps une si forte fidélité (1).

Enfin, on trouve en tête du Propre des saints, publié en manière de supplément au Bréviaire romain, pour l'usage des églises d'Espagne, un bref de Grégoire XIII, qui accorde à ces églises la faculté de célébrer la fête d'un grand nombre de saints chers à l'Espagne, par manière de compensation à l'extinction générale de tous les bréviaires diocésains de ce pays. Ce bref, qui est du 30 décembre 1573, fut rendu à la demande de Philippe II. Le recueil auquel il sert comme de préface, renferme le noble et patriotique office de saint Jacques, patron du royaume catholique, et celui non moins intéressant du Triomphe de la sainte Croix, au 16 juillet, anniversaire de la fameuse victoire de Las navas de Tolosa.

Le Portugal inaugura  avec la même fidélité que l'Es pagne

 

(1) Voici cette prière qui s'ajoute, sub eadem conclusione, non-seulement à la collecte, mais même à la secrète et à la postcommunion :

« Et famulos tuos Papam nostrum N., Antistitem nostrum N., Regem nostrum N., Reginam et Principem cum prole regia, populo sibi commisso, et exercitu suo ab omni adversitate custodi : pacem et salutem nostris concede temporibus ; et ab Ecclesia tua cunctam repelle nequitiam, et gentes paganorum et haereticorum dexterae tuae potentia conterantur; et captivos Christianos, qui in Saracenorum potestate detinentur, tua misericordia liberare, et fructus terra; dare et conservare digneris...»

 

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les livres de la liturgie réformée, et les fit pénétrer tout aussitôt dans ses colonies des Indes orientales et occidentales. Les volontés de Philippe II retentissaient alors dans la Péninsule tout entière ; cependant nous sommes en mesure de signaler au moins une exception à l'admission du bréviaire purement romain. C'est dans cette Église de Brague, dont le siège était occupé, à l'époque du concile de Trente, par le fameux D. Barthélémy des Martyrs, que Zaccaria signale un bréviaire sous le titre diocésain de l'an 1634. Nous ignorons si, depuis cette époque, les livres de saint Pie V ont été introduits dans cette Église ; nous avons même lieu d'en douter, connaissant de science certaine que, dans plusieurs lieux du Portugal, on garde encore, même à la messe, certains usages totalement distincts de ceux du missel romain. Au reste, ce bréviaire de Brague, s'il existe encore, ne saurait être autre que le romain, avec quelques particularités, et un Propre fondu sous le même titre.

Si maintenant nous passons en France, le pays de tout l'Occident où les usages liturgiques actuels s'éloignent le plus de ceux de Rome, il nous faut examiner si cette différence est ancienne et remonte au-delà de la bulle de saint Pie V. Malheureusement, ce que nous avons à dire de cette Église contraste avec ce que nous avons jusqu'ici rapporté de toutes les autres. Les églises de France, à l'époque de la publication de la bulle, avaient une Liturgie formée de la romaine introduite par Charlemagne, et de ces usages particuliers qu'elles y avaient ajoutés, ensemble qui leur faisait honneur aux yeux de toute l'Europe, et qu'elles pouvaient conserver légitimement, aux termes de la bulle ; or, voilà qu'aujourd'hui, dans ces mêmes églises, on ne trouve plus rien qui rappelle cette ancienne gloire de la patrie ; d'un autre côté, on est plus éloigné encore d'y rencontrer les livres romains de la réforme de saint Pie V. L'Église de France remontant

 

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vers son berceau, aurait-elle osé, malgré la défense de Charlemagne et des pontifes Etienne et Adrien, inaugurer de nouveau l'antique Liturgie gallicane des Hilaire et des Grégoire de Tours ? Hélas ! non. Ce que l'on chante aujourd'hui dans nos églises, a moins de rapport encore avec le rite gallican dont nous avons parlé ailleurs honorablement, que ce rite n'en aurait avec la Liturgie romaine elle-même. Tout est sorti du cerveau de certains hommes dont quelques-uns vivent encore. Mais avant de raconter cette lamentable histoire, dans laquelle nous verrons foulés aux pieds tous les principes admis par l'Église, en matière liturgique, dans tous les siècles précédents, nous avons un tableau bien différent à offrir à nos lecteurs : celui de l'Eglise de France travaillant, de concert avec le Siège apostolique, à consolider l'unité liturgique dans son sein. Nous avons à répondre par des faits imposants et incontestables à ceux qui ont osé soutenir que la bulle de saint Pie V n'avait pas été reçue en France.

Nous rappellerons d'abord à nos lecteurs la vigoureuse orthodoxie que déploya, sur la doctrine liturgique, l'Université de Paris, dans la censure du bréviaire de Quignonez. Elle avait déjà fait paraître un zèle semblable en flétrissant les assertions audacieuses de Lefèvre d'Étaples sur sainte Marie-Madeleine, et d'Érasme sur saint Denys l’Aréopagite, questions qui intéressent à un si haut point les traditions de la Liturgie. Elle veillait en même temps sur les diverses éditions qu'on faisait des bréviaires diocésains, et dénonçait énergiquement toutes tentatives d'innovation par lesquelles des esprits inquiets auraient cherche à altérer le dépôt de l'antique Liturgie. C'est ainsi qu'en 1529, elle dénonça au chapitre de la cathédrale de Boissons les nouveautés qu'on avait glissées dans une nouvelle édition du bréviaire de cette église. « On a, dit la Sorbonne, introduit dans ce bréviaire beaucoup de

 

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choses étrangères et éloignées du commun usage de l'Église. Si l'on n'y portait remède, il en pourrait facilement résulter un schisme odieux et funeste dans l'Église gallicane. Si cela arrivait, votre nom maintenant glorieux serait souillé d'une tache que de longs siècles pourraient à peine effacer ; c'est donc à vous de vous opposer à un si grand mal, avant qu'il ne s'étende davantage (1). »

Les docteurs expriment avec plus de précision leurs principes sur l'inviolabilité de la Liturgie, à propos d'une édition du bréviaire d'Orléans, dans une censure en règle qui est de 1548. Entre autres reproches caractéristiques qu'ils font à ce livre, on remarque les suivants : « On a retranché dans ce bréviaire beaucoup de leçons des matines en tout ou en partie, en sorte que des fêtes de neuf leçons sont réduites à trois, et des fêtes de trois leçons n'ont plus qu'une simple mémoire. Quand ces changements n'ont pas eu lieu, [les leçons ont été tronquées, les unes au commencement, les autres au milieu, d'autres à la fin. La plupart du temps, on a retranché les miracles des saints, leurs mérites, leurs invocations. On a fait disparaître plusieurs choses qui étaient propres à confirmer le dogme de l’Eucharistie, savoir, dans les histoires de saint Grégoire, de saint Benoît, de saint Ambroise et de sainte Marie Égyptienne. Plusieurs traits importants pour l’édification ont été élagués, comme le récit des jeûnes, des macérations des saints, les fondations et dotations d'églises faites par eux, par exemple, dans les fêtes de saint Antoine, saint Siméon Stylite, saint Louis, sainte Geneviève et autres. On a supprimé les hymnes propres des saints, leurs antiennes et suffrages, pour renvoyer le tout au commun, ce qui a eu  lieu  même dans les

 

(1) Vid. la Note C.

 

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fêtes particulières à l'église d'Orléans. Il est à craindre que toutes ces choses ne produisent dans les fidèles la diminution,peut-être même l'extinction de la piété envers les saints. Les choses que l'on a retranchées pouvaient servir à édifier les fidèles dans la foi et les mœurs, et à combattre l'hérésie ; ce changement est donc une chose imprudente, téméraire et scandaleuse, et donne même quelque lieu de soupçonner l'envie de favoriser les hérétiques (1). »

Telle était l'opinion de l'Université de Paris, au XVI° siècle, sur les innovations en matière de Liturgie. L'Église de France tout entière n'avait pas d'autres principes, lors de l'apparition du bréviaire et du missel réformés. Elle reconnut tout d'abord la supériorité de ces livres sur ceux qui étaient en usage dans le royaume, et comme, à cette époque, elle avait encore le droit de se réunir en conciles provinciaux, on entendit ces saintes assemblées, en même temps qu'elles réclamaient avec fermeté l'exécution des décrets du saint concile de Trente, proclamer la nécessité de se soumettre à la bulle de saint Pie V.

Le premier de ces conciles est celui qui fut tenu à Rouen, en 1581, par l'archevêque Charles de Bourbon, et auquel assistaient les évêques de Bayeux,.de Séez, d'Évreux, de Lisieux, et les procureurs des chapitres d'Avranches et de Coutances, etc. Au chapitre deuxième, De cultu divino in genere, le concile recommande aux évêques d'examiner avec le plus grand soin les bréviaires, missels, manuels et autres livres ecclésiastiques, dans la crainte qu'ils ne contiennent quelque chose de contraire à la doctrine catholique ou aux vraies histoires des saints, ou quelque chose encore qui tienne du sortilège ou s'écarte de la discipline ecclésiastique et de la sainteté des mœurs. Les évêques devront procurer l'impression et la correction

 

(1) Vid. la Note D.

 

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des livres liturgiques, suivant l'usage des diocèses, conformément toutefois aux constitutions de Pie V, de sainte mémoire, sur le bréviaire et le missel romains, publiés et restitués suivant le décret du saint concile de Trente. Le concile ensuite rappelle la défense faite par le Saint-Siège de se servir à l'avenir du bréviaire de Quignonez, etc. (1). On voit ici que les évêques, quoiqu'ils n'adoptent pas purement et simplement les livres romains, ne confirment que plus expressément l'obligation de se soumettre aux bulles qui les ont promulgués, puisqu'ils exigent que, dans la réimpression des usages diocésains, on applique la forme d'office publiée par ces bulles. C'est ce que l'on peut voir mis à exécution dans les rares exemplaires des bréviaires de Normandie, imprimés à la fin du XVI° et pendant le XVII° siècle. Nous avons eu entre les mains ceux de Bayeux, de Lisieux, d'Évreux et d'Avranches : ils portent le titre : Breviarium Bajocense, Lexoviense, etc.; ad Romani formam ou ex decreto concilii Tridentini ; et, sauf les saints particuliers à chaque diocèse, le répons des premières vêpres, le neuvième répons à matines, le verset sacerdotal, et autres particularités dont nous avons énuméré la plupart au chapitre X, ils

 

(1) Quocirca hortamur nostrae provinciœ episcopos, ut diligenter inspiciant et examinent suarum diœcesum preculas horarias, breviaria, missalia, agenda seu manualia curatorum, atque alios libros ecclesiasticos ac ceremonias, ne quid contineant contrarium doctrinae catholicœ, aut veris historiis Sanctorum, aut sortilegiis affine, aut aliquid quod ad asdificationem ecclesiasticae disciplinae, et morum pietatem non pertineat: sed libros emendatos quoad fieri potest, servato usu diœcesum, juxta tamen constitutiones sanctas memoriae Pii V super breviario Romano et Missali, ex decreto sacrosancti concilii Tridentini restituto et edito, procurent imprimi, et provideant ut in omnibus monasteriis, parochiis et aliis ecclesiis, atque ab omnibus ad sacros ordines promovendis, libri ad divinum officium necessarii habeantur. Promoti vero sciant se ad breviarium obligari, ac Romanum trium quotidie lectionum a cardinale Sanctae Crucis compositum, a sacrosancta Sede apostolica sublatum sibi omnino prohiberi. (Labb., tom. XV, pag. 824.)

 

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sont entièrement conformes au romain actuel. On peut donc dire que l1 unité liturgique fut rétablie au XVI° siècle dans la province ecclésiastique de Rouen. Passons à celle de Reims.

Le concile de cette métropole fut tenu en 1583, à Reims même, par l'archevêque Louis, cardinal de Guise. Les évêques de Soissons, de Laon, de Beauvais, de Châlons-sur-Marne, de Noyon, d'Amiens, et les procureurs des évêques et chapitres de Boulogne et de Senlis, firent partie de l'assemblée. Voici ce que décrètent les Pères au chapitre de breviario, missali et agendis : « Attendu que tous les rites et formules de prières sont contenus au bréviaire, missel, agenda, ou manuel, nous exhortons les évêques de notre province à examiner avec soin ces sortes de livres, au moyen d'une commission de deux chanoines, dont l'un sera choisi par l'évêque et l'autre par le chapitre, et quand ils trouveront les bréviaires et les missels mal digérés, ou moins conformes à la piété, ils auront soin de les faire, au plus tôt, réformer et réimprimer, aux frais du diocèse, conformément à l'usage de l'Église romaine, suivant la constitution de Pie V (1). » L'obligation de garder cette constitution est encore rappelée dans un règlement exprès, sous le titre De Cul tu divino.

Les  livres  de la province de   Reims,   antérieurs  au

 

(1) Porro quoniam omnes ritus, formulaeque precandi breviario, missali, et agendis seu manuali continentur, hortamur episcopos nostrae provinciae, ut adhibitis saltem duobus canonicis, quorum unus ab Episcopo,alter a capitulo eligatur, diligenter inspiciant et examinent hujus-modi libros, illisque similes, sicut preculas horarias, ne quid contineant contrarium doctrinae catholicae, et veris historiis sanctorum, aut superstitionibus affine, aut quod aliqua ratione disciplinam ecclesiasticam, morumque probitatem labefactet : atque ubi indigesta minusque pietati consona breviaria vel missalia repererint, curent quamprimum, et quam proxime fieri poterit, ad usum Ecclesias Romans, juxta constitutionem Pii V, reformari, et in lucem emitti, impensis diœcesis. (Labb., tom. XV, pag. 888.)

 

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XVIII° siècle, font foi de la fidélité avec laquelle ce règlement fut observé. Nous citerons, en exemple, ceux d'Amiens et de Noyon, qui portent en tête la clause que nous avons signalée dans ceux de Normandie, et la justifient par leur accord avec les livres de saint Pie V.

En la même année 1583, nous trouvons le concile de Bordeaux, tenu par l'archevêque Antoine, Prévost de Sansac, et auquel assistèrent les évêques d'Agen, d'An-goulême, de Poitiers, de Saintes, de Sarlat, et celui de Bazas, quoique de la province d'Auch. On y décréta l'adoption pure et simple du bréviaire et du missel de saint Pie V, attendu la grande pénurie des livres diocésains, qu'il serait trop long et difficile de corriger et de réimprimer. Le concile en ordonne l'usage exclusif, en public et en particulier, lequel devra être établi, en tous lieux, avant le premier dimanche de l'Avent de la même année 1583 (1).

 

(1) Quoniam vero inter divina officia, eorumque ritus et caeremonias in singulis pêne hujus provincia; diœcesibus, magna et tota diversitas, nec minor eorum librorum penuria existit, quae breviaria, missalia, manualia, seu baptismalia nominamus : ut jam necessitas efflagitet magnum ejus generis librorum numerum excudi : ad haec, quia vetustate vel optima quasque consenescunt, vel quadam illuvie, situque obsoles-cunt, ut propterea non pauca in hujusmodi libros irrepserint, quae reco-gnitione et forsitan emendatione opus habeant, quod tamen longum nimis esset atque difficile. Idcirco his, aliisque de causis nobis visum est unum, idque perfacile, his tot incommodis remedium adhiberi posse, si quod jam facimus, Breviario cardinalis a Quignonio, quod trium lectionum vocant, ceterisque omnibus suppressis, decerneremus, sicuti tenore praesentium decernimus, ut in posterum Breviaria, Missalia et Manualia ex decreto concilii Tridentini ad usum Romanae Ecclesiae restituta, atque instaurata, et Pii V Pont. Max. jussu edita, ab iis omnibus, qui in hac provincia sacramentorum administrationi incumbere et divino cultui, ac precibus, missarumque celebrationi ex officio vacare debent, ad summum ante Adventum proximi anni 1583, tam privatim, quam publice recipiantur; eaque sola ubique, et apud omnes in usu sint. Labb., tom. XV, pag. 948.)

 

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C'était aller, comme on voit, plus loin que les conciles de Rouen et de Reims, qui avaient du moins sauvé le titre diocésain des bréviaires et des missels ; mais dans beaucoup de lieux, la seule raison de l'embarras et de la dépense devait amener l'introduction pure et simple des livres romains, ainsi que nous l'avons déjà vu pour l'Église d'Aquilée.

Le concile provincial de Tours fut tenu aussi en 1583. Il fut présidé par Simon de Maillé, archevêque de Tours, et on y vit les évêques d'Angers, de Nantes, de Saint-Pol de Léon, de Saint-Brieuc, de Rennes, de Quimper, de Dol, de Vannes, et les procureurs des évêques du Mans, de Saint-Malo, et du chapitre de Tréguier, le siège vacant. Les Pères s'occupèrent aussi de la réforme liturgique, et l'on voit qu'à leurs yeux l'unité en cette matière était aussi précieuse qu'elle pouvait l'être à ceux des évêques de ce concile de Vannes, de 461, dont nous avons parlé au chapitre VI ; seulement, il ne s'agissait plus de l'unité restreinte aux limites d'une province ecclésiastique, mais de cette vaste et catholique unité que les pontifes romains, depuis lors, avaient établie, au prix de tant de soins, dans la Liturgie de l'Occident tout entier. Les évêques du concile de Tours ne font aucun doute de l'obligation où l'on est en tous lieux d'observer la constitution de saint Pie V, bien qu'on ne trouve nulle part, jusque-là, la plus légère trace d'une promulgation, et encore moins d'une acceptation qu'on aurait faite de cette bulle en France, soit en concile, soit autrement. Nous verrons même bientôt les gens du roi attaquer en plusieurs lieux l'autorité de cette constitution, et s'opposer aux mesures prises pour son application.

Les évêques du concile de Tours déclarent donc l'obligation, pour les ordinaires, de faire imprimer les missels, les bréviaires, les graduels, et autres livres nécessaires au culte divin, et de les corriger exactement, suivant la

 

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forme prescrite par le Siège apostolique et la constitution de Pie V, de sainte mémoire (1).

Dans l'exécution de ce décret, les divers diocèses de la province de Tours suivirent une conduite différente. La Bretagne, pays d'obédience, embrassa tout entière les livres romains, sans rien réserver de ses anciens usages qu'un Propre des saints par chaque diocèse. Les Églises de Tours, du Mans et d'Angers réimprimèrent leurs missels et bréviaires sous le titre diocésain, avec l'addition ad romani formam, et l'on peut voir dans les lettres épiscopales placées en tête des diverses éditions qui en ont été publiées jusqu'au changement de la Liturgie, que l'on se croyait, dans ces trois diocèses, obligé à suivre les offices de Rome, tant à cause du décret du concile de Trente et de la bulle de saint Pie V, que par le canon du concile de Tours de 1583. L'espace nous manque pour insérer ici ces importantes lettres pastorales, que chacun peut consulter en tête des divers exemplaires des bréviaires de ces trois diocèses que l'on trouve encore dans les bibliothèques publiques, et même entre les mains de plusieurs particuliers.

La province de Bourges tint son concile en 1584, sous la présidence de l'archevêque Renauld de Beaulne. On y vit les évêques de Saint-Flour, de Cahors, de Limoges ; les procureurs des évêques de Rodez, de Tulle, d'Albi, de Mende, de Vabres, et ceux des chapitres de Clermont et de Gastres, le siège vacant. Au titre premier, canon dixième, il est enjoint aux évêques de faire réimprimer les missels, bréviaires et autres livres liturgiques, et de les

 

(1) Monemus episcopos missalia, breviaria, gradualia, aliosque libros ad divinum cultum necessarios, quibus fere omnes Ecclesias sunt destitutae, ut exacte emendentur, ad normam a Sede apostolica et constitutione sanctae memoriae Pii quinti praescriptam, et intra annum eorum qui ex consuetudine provinciœ ad id tenentur impensis, imprimantur, procurare. (Labb., tom. XV, pag. 1021.)

 

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corriger, suivant le besoin. Les Pères ajoutent les paroles suivantes, qui montrent clairement la conviction où ils étaient que la réforme liturgique accomplie à Rome intéressait tout l'Occident: « S'il est des Églises qui se soient servies jusqu'ici de l'ancien office romain, qu'on les oblige à recevoir celui qui vient d'être réformé d'après le décret du concile de Trente (1). » Il ne se peut, certes, désirer, rien de plus exprès. Dans la province de Bourges, comme dans celle de Tours, les Églises se divisèrent dans la manière d'appliquer la réforme liturgique. L'Église primatiale, et celle de Limoges, entre autres, firent imprimer, presque aussitôt après le concile, leurs bréviaires sous le titre diocésain, avec la clause dont nous avons parlé. Saint-Flour, Cahors, Rodez, Castres, etc., adoptèrent le romain pur, et firent imprimer séparément le propre diocésain.

L'année suivante r585, l'archevêque d'Aix, Alexandre Canigiani, tint le concile de sa province, auquel se trouvèrent les évêques d'Apt, de Gap, de Riez, de Sisteron, et le procureur de l'évêque de Fréjus. On y fit le décret suivant : « Le saint synode désirant que tous les clercs de cette province soient unanimes dans la louange de Dieu, tant publique que privée, et considérant que, d'après la constitution du pape Pie V, il est défendu, si l'on quitte un office particulier, d'en prendre un autre que le romain; comme, d'ailleurs, les autres églises cathédrales ne sont pas en mesure de se conformer à l'office de la métropole; statue, prescrit et commande à tous ceux à qui il appartient, sous peine d'excommunication, et autres à la volonté de l'évêque, d'introduire dans toutes les Églises de cette province l'usage du bréviaire et du missel réformés d'après le décret du saint concile

 

(1) Si quas Ecclesias hactenus usa? sunt veteri officio Romano, nuper reformatum ex concilii Tridentini decreto recipere cogantur. (Labb. tom. XV, pag. 1071.)

 

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de Trente, d'ici au premier janvier de l'année prochaine 1586. » Les Pères ajoutent que cette mesure leur semble préférable à la réimpression des bréviaires particuliers, qui nécessiterait de trop grands frais, et ils terminent leur décret par ces paroles qui mettent dans une nouvelle évidence (si déjà nous n'avions pas rendu cette observation banale à force de la répéter), la conformité presque matérielle de ces liturgies diocésaines de France avec la romaine, tant ancienne que réformée: « Et afin que les livres tant de l'Église métropolitaine que des autres cathédrales, ne demeurent pas inutiles, au grand préjudice de ces mêmes Églises, on les adaptera et corrigera suivant l'usage romain, aux dépens du clergé de chaque diocèse (1). »

Le concile de Toulouse, en 1590, présidé par l'archevêque François, cardinal de Joyeuse, ne fut pas moins absolu que celui d'Aix, dans son décret sur l'office divin. On y vit les évêques de Saint-Papoul,de Rieux,de Lavaur,

 

(1) Cupiens haec sancta Synodus, ut omnes ecclesiastici hujus provinciae, unanimes, uno ore tam in ecclesiis, quam privatim honorificent Deum ac Patrem Domini nostri Jesu Christi; et attendens quod ex constitutione felicis recordationis Pii Papa; quinti prohibitum est proprio officio relicto, aliud quam Romanum assumere : ideo cum aliae Cathedrales Ecclesias officio metropolitanae conformari non possint : statuit haec Synodus, et omnibus ad quos spectat praecipit et mandat, sub pœna excommunicationis, ac alia arbitratu Episcopi, ut usum breviarii Romani et missalis ex decreto sacro sancti concilii Tridentini restituti et editi in omnibus hujus provinciae ecclesiis intra illud tempus, quod hinc ad principium mensis januarii anni proximi 1586, interjectum est, omnino introducant. Visum est enim id magis decere, quam quod unaquaeque diœcesis proprium officium retineret, praesertim cum jam missalia, breviaria, diurnalia, gradualia, antiphonaria, et alii hujusmodi libri ad uniuscujusque diœcesis hujus provinciae usum omnes pêne laceri, imo et omnino corisumpti sint, et vix reperiantur, nec de novo imprimi possint absque magna impensa ; et ne libri, quos tam metropolitana, quam aliae cathédrales Ecclesias habent, illis inutiles remaneant, magno earumdem ecclesiarum praejudicio, placuit illos ad usum Romanum aptari et reconcinnari, impensis totius cleri uniuscujusque diœcesis. (Labb., tom. XV, pag. 1134.)

 

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et les procureurs des évêques de Lombez, de Pamiers, de - Mirepoix et de Montauban. Le canon est conçu en peu de mots : « Afin d'établir un accord plus parfait entre les chrétiens, les heures canoniales seront récitées, tant en particulier qu'en public, suivant la prescription du bréviaire romain (1). »

Le dernier de nos conciles de France que nous trouvons avoir adhéré à la réforme liturgique de saint Pie V, est celui de Narbonne, tenu en 1609, par l'archevêque Louis a de Vervins, et dans lequel siégèrent les évêques de Carcassonne, d'Agde, de Saint-Pons, de Nîmes, d'Uzès, d'Aleth, de Montpellier, et les procureurs des évêques de Béziers et de Lodève. Le décret,  que nous ne traduisons pas, afin de  ne pas fatiguer  le lecteur] qui peut le voir dans la note (2), a cela de particulier que les évêques y disent expressément recevoir la bulle de saint Pie V, et la déclarer promulguée, indiquant et signifiant les peines qui y sont déclarées contre les infracteurs. Ce langage est fort différent, comme l'on voit, de celui des  sept conciles du XVI° siècle que nous  avons cités. Au reste, la prétention des Pères du concile ne fait que rendre plus grave pour les diverses églises   de la province l'obligation de reconnaître   l'autorité   d'une constitution reçue et approuvée d'une manière authentique.

Les huit conciles provinciaux dont nous venons de

 

(1)  Sed ut major Christianorum sit inter se consensio, horae canonicae, tum privatim, tum publiée, ex breviarii Romani praescripto recitentur. (Labb., tom.XV, pag. i388.)

(2)  Ideo ut in omnibus unitas sit in Ecclesia quas una est: a quibus-cumque ecclesiasticis, tam metropolitanas, cathedralium, collegiatarum, aliarumque ecclesiarum officium recitari in choris, et in ecclesiis decantari praecipimus, et mandamus, juxta ritum, ordinem, modum, et formam a felicis memorias Pio Papa hujus nominis quinto praescriptam per bullam, super reformatione breviarii editam : quam nos recipimus, et in tota provincia recipi volumus, et praesentis nostri decreti publicatione sufficienter promulgatam declaramus : contra eamdem agentes, pœnas per ipsam latas eis indicimus et significamus. (Labb., tom. XV, pag. 1616.)

 

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porter les ordonnances sur la Liturgie, nous ont fait passer en revue presque toute l'Église de France. Les autres provinces, sans se réunir en concile, adoptèrent des mesures analogues pour la réforme liturgique. Lyon maintint le fonds de son office mêlé de romain et de gallican. Plusieurs des églises de cette métropole renouvelèrent, en les corrigeant, leurs anciens livres; nous ne saurions indiquer aujourd'hui leurs noms avec précision. Langres, du moins, adopta le romain pur. Sens ne fit qu'épurer ses anciens livres à l'aide de ceux de saint Pie V. Paris, Meaux, Chartres, suivirent son exemple. Nous ne pouvons rien affirmer sur les autres églises de la province de Sens. Auch adopta purement et simplement la Liturgie romaine réformée, et le reste de la province suivit son exemple. Avignon et Embrun, avec leurs églises, firent la même chose. Il faut en dire autant de la plupart des diocèses de la province de Vienne. Quant à la métropole elle-même, elle garda l'ancien bréviaire, et n'en donna même pas d'édition corrigée.

Si nous passons maintenant aux diocèses qui, depuis, ont été réunis au territoire français, nous trouvons Cambrai qui adopta le romain pur; Arras qui corrigea ses livres; Saint-Omer, dont la Liturgie ne fut plus autre que la romaine. Dans la même province ecclésiastique, Tournai et Namur adoptèrent également le romain.

Pour dire un mot, en passant, sur la Belgique, nous mentionnerons le concile de Malines, en 1607, dans lequel les prélats établissent pour la réforme liturgique les mêmes règles que les évêques de France dans les conciles cités plus haut. Les évêques qui prirent part à cette Assemblée, sous la présidence de l'archevêque, furent ceux de Gand, Bois-le-Duc, Ruremonde, Bruges, Anvers et Ypres.

Ainsi fut rétablie en France l'unité liturgique, et cet événement eut lieu d'une manière si éclatante, qu'il n'est

 

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pas d'exemple qu'une constitution pontificale y ait été reconnue obligatoire dans un aussi grand nombre de conciles, que l'a été celle de saint Pie V, sur le Bréviaire romain. On voit aussi que ces conciles dépassèrent même dans leur obéissance au Saint-Siège les limites qu'il avait tracées. Plus d'un tiers de nos églises était en possession d'un bréviaire, romain sans doute pour le fond, mais depuis plus de deux cents ans corrigé, réformé par l'autorité diocésaine. Néanmoins les évêques jugèrent que l'unité ne pouvait être trop parfaite, et reconnaissant d'ailleurs la supériorité de rédaction du nouveau bréviaire, ils ne firent aucune difficulté, la plupart, de l'adopter purement et simplement, les autres de le faire imprimer presque en entier sous le titre diocésain. Nous ne connaissons guère que Lyon dans toute la France qui retint son ancien bréviaire, et encore ce ne fut pas sans emprunter quelques améliorations au nouveau romain.

Un autre événement, important pour l'unité liturgique en France, est l'introduction des livres romains réformés dans la chapelle du roi, à Paris, et dans celles des autres châteaux royaux. Cette pieuse innovation eut lieu, par ordre de Henri III, en 1583 (1). Ce prince, à la sollicitation des jésuites, auxquels l'Église catholique fut si redevable dès le XVI° siècle, avait permis, en 158o, l'impression du Bréviaire romain, qui souffrait des difficultés de la part du parlement de Paris (2).

En effet, la haine de ce corps contre tout ce qui venait de Rome, s'était déjà éveillée à l'apparition d'un ensemble de Liturgie imposé aux églises par le Saint-Siège. L'accord des divers conciles à mettre en exécution la bulle de saint Pie V, n'avait pas été sans être remarqué, et peut-être une formelle intimation faite par les gens du roi est

 

(1)  On ne quitta toutefois le parisien à la Sainte-Chapelle de Paris, que le mercredi des Cendres 1610.

(2)  Grancolas, Commentaire historique du Bréviaire romain, pag. 28.

 

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elle la meilleure explication de la clause par laquelle le concile de Narbonne, tenu déjà dans le XVII° siècle, a cru devoir déclarer qu'il recevait en forme cette constitution. Quoi qu'il en soit, le parlement de Paris donna, vers 158o, un insigne exemple de cette oppression religieuse que nul autre pays n'a mieux connue que le nôtre.

On se rappelle que le Missel de saint Pie V ne portait point au canon ces paroles Pro rege nostro. Nous avons rapporté l'action de Philippe II qui, dans son respect pour l'autorité religieuse, ne voulut pas employer son pouvoir c royal pour arracher des prières au clergé espagnol. Voici maintenant ce qui se passa en France. Le parlement, toujours jaloux des droits du roi, quand il s'agissait d'opprimer l'Église, vit avec indignation l'absence du nom du roi dans le Missel romain; mais fidèle à son plan de nationaliser l'Église, il se garda bien de conseiller au souverain de se pourvoir auprès du Saint-Siège pour obtenir la même faveur que Philippe II n'avait pas dédaigné de solliciter. De son autorité laïque, matérielle, incompétente, il fit défense, en 158o, à tous imprimeurs du royaume de publier le Missel romain, sans y ajouter le Pro rege nostro N.; et depuis lors, on n'a jamais osé enfreindre ce règlement (1). Le temps, et plus encore, la condescendance du Siège apostolique, a pu légitimer l'emploi de ces paroles au canon de la messe ; mais l'origine de cet usage n'en remonte pas moins à une entreprise du pouvoir séculier qui prouve, d'ailleurs, assez clairement que, dans cette Espagne si méprisée, ou plutôt si mal connue, la couronne s'entendait mieux en fait de liberté de conscience qu'en France, où cette liberté ne s'est jamais développée qu'en faveur des hérétiques.

Cette mauvaise humeur des parlements contre les livres romains  semble déjà présager dans l'histoire la réaction

 

(1) Grancolas, ibid., pag. 3o.

 

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qui devait avoir lieu un jour en France contre les antiques principes de la Liturgie. Car, il faut bien l'avouer, les magistrats ne se sentaient pas seuls dans cette opposition ; un parti se formait sourdement dans le clergé, et la haine de Rome fermentait déjà dans plus d'un cœur. On en vit une démonstration bien significative de la part de la Sorbonne, en 1583. L'évêque de Paris,-Pierre de Gondy, ayant songé à introduire les livres romains dans sa cathédrale, comme ils venaient d'être introduits par le roi lui-même dans sa chapelle, le Chapitre de Notre-Dame forma opposition contre cette intention du prélat, prétendant, avec fondement, que le Bréviaire et le Missel de Paris se trouvaient dans le cas de l'exception prévue par la bulle; qu'on ne devait point abolir un rite dont la renommée s'était répandue non-seulement par toute la France, mais dans presque toutes les autres églises de l'univers ; et conclut à la simple correction des livres parisiens par les commissaires déjà députés à cet effet (1). La commission continua donc son travail, mais elle s'en acquitta avec tant de zèle pour les usages romains réformés, qu'elle y fit entrer la presque totalité du Bréviaire de saint Pie V (2). Nous venons de voir, d'ailleurs, que le Chapitre, par le fait même qu'il croyait l'Église de Paris dans le cas de l'exception prévue par la bulle, reconnaissait la valeur de cette constitution. Paris doit donc être mis au rang des Églises qui prirent part à la réforme liturgique de saint Pie V. Quant au refus que firent les chanoines de prendre le romain pur, nous sommes loin de le blâmer. Il était trop juste que cette Liturgie romaine-française, enrichie par Robert le Pieux, Fulbert, Maurice de Sully ; que plusieurs ordres religieux avaient adoptée ; qui avait pénétré jusque dans les églises de Jérusalem, de Rhodes, de Sicile, demeurât debout comme une de nos gloires nationales.

 

(1) Vid. la NoteE.

(2) Grancolas, ibidem, pag. 65.

 

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Abolie déjà, dans la plupart des cathédrales françaises par l'introduction des livres romains, Paris, du moins, ne devait pas la laisser périr; Rome elle-même avait préparé les voies à cette conservation par les clauses de sa bulle. Si donc aujourd'hui, cette belle et poétique forme du culte catholique n'est plus, demandons-en compte, non au Siège apostolique, mais aux Parisiens modernes qui, cent ans plus tard, se plurent à renverser l'antique et noble édifice que leurs pères avaient défendu avec tant d'amour.

C'est que malheureusement, comme nous le disions tout à l'heure, un parti se formait qui devait, au temps marqué, poursuivre l'œuvre romaine de la Liturgie, jusque dans les livres diocésains. La Sorbonne recelait des hommes de ce caractère, et l'histoire nous a conservé le scandaleux avis que cette Faculté, ou plutôt quelques-uns de ses membres, consultés par le Chapitre de Paris, donnèrent contre l'adoption projetée des livres romains. Le lecteur trouvera cette étrange pièce ci-après (1): nous en choisissons seulement ici les principaux traits.

Après quelques banalités sur le grand bien qu'il y a dans la variété, comme si l'unité n'était pas aussi une chose désirable, les docteurs disent leur véritable pensée : « L'adoption du Bréviaire romain diminuerait beaucoup l'autorité des évêques et des diocèses. Les promoteurs de cette mesure sont gens qui veulent faire leur cour. » Les évêques ont puissance de police et de règlement dans leurs diocèses, comme l'évêque de Rome dans le sien; ce grand bien serait ébranlé par le changement a en question. Cette entreprise serait contre la liberté de l'Église gallicane qui, si elle se soumettait à celle de Rome dans une chose aussi capitale, lui demeurerait assujétie en tout le reste :  car l'accessoire suit le

 

(1) Vid. la Note F.

 

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principal. Il n'y a pas plus de raison à ce que tous les prêtres disent en tous lieux un même bréviaire, qu'il n'y en a à ce que tous les laïques adressent à Dieu la même prière. Après tout, que résulte-t-il autre chose de ceci, si ce n'est l'accroissement non de la religion, mais de la superbe et ambition romaines ? Que la crête du coq gaulois ne le cède pas ainsi au sourcil romain ! Il ne s'agit pas ici de religion, mais d'orgueilleuse fourberie. Si les évêques connaissent ce qu'ils sont, ils doivent savoir qu'ils ont pouvoir de régler la forme de la prière, aussi bien que le pape dans son diocèse de Rome; autrement, ils ne seraient que les chapelains du pape. »

Voilà, certes, de la franchise : toute la pièce est dans le même goût. Les docteurs se prévalent surtout de l'inconvenance qu'il y aurait de renoncer au culte des saints du diocèse, en adoptant le calendrier romain. Cette difficulté n'est pas sérieuse, puisque tout le monde sait que, dans tous les diocèses où l'on suit le romain pur, on est autorisé à joindre au bréviaire un Propre des saints locaux qui peut être aussi complet qu'on le désire. Au reste, dans une cause qui fut plaidée en parlement, en 160 3, et dont nous parlerons ailleurs, l'avocat du roi, Servin, ayant inséré cet acte de la Sorbonne en son plaidoyer, la Faculté réclama contre l'insertion et contre l'acte lui-même qui doit donc être considéré, non comme l'avis de tous les membres de cette Compagnie, mais simplement, ainsi que nous avons dit, comme la manifestation d'un esprit de révolte dans quelques particuliers. Nous verrons bientôt le terrible incendie qu'alluma cette étincelle cachée un moment sous la cendre. Achevons le tableau de la réforme liturgique dans l'Église latine, au XVI° siècle.

Les diocèses qui avoisinent la France du côté de l'Allemagne, ceux de la Franche-Comté et de la Suisse, par exemple,  réformèrent leur Liturgie, d'après la romaine,

 

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suivant leur génie particulier. Besançon garda le titre diocésain à la tête de ses livres qui retinrent beaucoup d'usages particuliers. Zaccaria indique un missel de Coire, sous la date 1589. Aujourd'hui, toute la Suisse, à l'exception de Lausanne, suit les livres romains purs.

On trouve, dans les bibliothèques, des bréviaires de Cologne (1), de Trêves, de Mayence, de Constance, de Wurtzbourg, de Worms,. de Spire, etc., imprimés à la fin du XVI° siècle et réformés d'après celui de saint Pie V. Aujourd'hui, plusieurs de ces églises suivent le romain pur, ainsi que toute l'Autriche, la Hongrie, la Pologne, le Tyrol, etc., qui embrassèrent de suite les livres réformés.

L'Angleterre était déjà séparée de la communion romaine, quand le Siège apostolique s'occupa du rétablissement de l'unité de Liturgie : elle ne put donc y prendre part. Nous apprenons de Burnet et de Larrey, historiens de la réforme anglicane, cités par le P. Lebrun (2), qu'avant la défection de l'Angleterre, on comptait dans ce royaume cinq Liturgies principales qui étaient autant de formes de la romaine ; savoir, celle de Salisbury, qui avait cours dans les provinces méridionales, sous le nom de Sarum, dont on trouve une édition, ainsi que du bréviaire, imprimée à Paris en 1556; celle d'York, qui était en usage dans les provinces septentrionales ; celle d'Héréford, dont l'usage était reçu dans la partie méridionale du pays de Galles; celle de Bancor, pour la partie septentrionale du même pays; enfin,celle de Lincoln, pour le diocèse de ce nom.

Il est temps de revenir à Rome, centre de la réforme liturgique, et de  considérer encore les grandes oeuvres

 

(1)  Le diocèse de Liège, qui était de la province de Cologne, a gardé longtemps un bréviaire particulier. Aujourd'hui il est soumis au romain, sauf certains rites qui lui sont propres.

(2) Explication de la Messe, tom. IV, pag. 50.

 

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accomplies dans ce but par les pontifes romains. L'état du chant et de la musique ecclésiastiques appelait tous leurs soins. Nous avons vu combien cette partie de la Liturgie avait souffert, aux XIV° et XV° siècles, de l'esprit d'innovation. Le lecteur n'a pas oublié la célèbre bulle de Jean XXII, Docta Sanctorum. Nonobstant ces efforts si louables, le mal allait croissant en proportion du relâchement de la discipline. Dans la plupart des églises, le chant grégorien avait disparu presque complètement; une musique toute profane, bruyante, entortillée, farcie de réminiscences mondaines, et sous laquelle il n'était nullement question du sens des paroles, avait envahi les plus augustes basiliques. La voix humaine n'y paraissait plus que comme un instrument à produire des sons plus ou moins habiles.

De tels abus ne pouvaient échapper à la sollicitude du concile de Trente. En 1562, dans les congrégations qui préparèrent le décret sur le sacrifice de la messe, on proposa d'interdire absolument la musique durant la célébration des saints mystères ; mais le plus grand nombre des Pères, spécialement les espagnols, la défendirent comme favorisant la piété, lorsque la teneur du chant et les paroles étaient propres à inspirer la dévotion et que l'on pouvait comprendre le sens de celles-ci. Le concile se contenta donc de prohiber dans sa vingt-deuxième session, tant sur l'orgue que dans le chant proprement dit, toute musique qui offrirait quelque chose de lascif et d'impur (1). Quelques mois plus tard, dans sa session vingt-troisième, la sainte assemblée voulant pourvoir à la réforme du clergé, décrétait la fondation des séminaires et plaçait l'étude du chant ecclésiastique parmi les exercices auxquels on devait appliquer les jeunes clercs.

 

(1) Ab ecclesiis vero musicas eas, ubi sive organo, sive cantu lascivum aut impurum quid miscetur, arceant episcopi. (Conc. Trid. sess. XXII. Decretum de observandis et evitandis in celebratione missae.)

 

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L'année suivante, 1563, les cardinaux Morone et Navagero, récemment envoyés par Pie IV pour présider le concile, résolurent de porter de nouveau l'attention des Pères sur des abus toujours subsistants; et dans les articles de réforme préparés pour la vingt-quatrième session, ils firent insérer la défense de faire entendre dans les églises une musique trop molle. L'empereur Ferdinand, auquel ces articles furent communiqués, exprima la crainte que l'on n'entendît ces paroles comme une interdiction formelle du chant figuré, qui souvent excitait à la dévotion. Par déférence pour l'empereur, les légats renoncèrent à la rédaction qu'ils avaient proposée; et dans la session célébrée le 11 novembre 1563, le décret publié pour la réforme des chapitres cathédraux, renvoya aux conciles provinciaux le soin de déterminer tout ce qui touchait à la célébration de l'office divin, en particulier à la manière de chanter ou de moduler convenablement, et chargea ces assemblées de tracer des règles sur cet objet selon l'utilité et les usages de chaque contrée. En attendant la réunion des conciles, chaque évêque était invité à pourvoir à ces nécessités avec l'assistance de deux chanoines, dont l'un serait de son choix et l'autre désigné par le chapitre (1).

Après avoir donné par son approbation force de loi aux décrets de réforme du concile de Trente, Pie IV établit le 2 août 1564, une congrégation de huit cardinaux, chargés de veiller à leur exacte observation. Dès   la   première   année   de  son   institution,   elle   se

 

(1) Caetera quae ad debitum in divinis officiis regimen spectant, deque congrua in his canendi seu modulandi ratione, de certa lege in choro conveniendi et permanendi, simulque de omnibus Ecclesiae ministris, quae necessaria erunt, et si qua hujusmodi, synodus provincialis, pro cujusque provincial utilitate et moribus, certam cuique formulam praescribet Interea vero episcopus non minus quam cum duobus canonicis, quorum unus ab episcopo, alter a capitulo eligatur, in iis qua; expedire videbuntur, poterit providere. (Conc. Trid., sess. XXIV, c. XII.)

 

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préoccupa de la correction du chant et de la musique ' dans la ville de Rome et surtout dans la chapelle pontificale, qui devait donner l'exemple de la régularité à toutes les églises de la ville et du monde. Cette réforme était d'autant plus importante, que la musique tendait à usurper de plus en plus la place du chant grégorien dans la capitale du monde chrétien. La congrégation chargea spécialement de cette affaire les deux cardinaux Vitellozzo Vitellozzi et Charles Borromée, et les invita non-seulement à faire observer les décrets du concile en bannissant les airs lascifs, mais à exiger plus de clarté dans les paroles des messes, que l'on n'entendait pas, quand on chantait en musique.

Sur la demande des deux cardinaux, le collège des chantres de la chapelle papale désigna huit de ses membres pour conférer avec eux. Vitellozzi et Charles Borromée demandaient que l'on bannît désormais les messes mélangées de paroles étrangères à la Liturgie ou composées sur des airs profanes, ainsi que les motets dont les paroles avaient été inventées par le caprice de personnes privées. Les chantres ne firent aucune difficulté à ce sujet ; mais, lorsque les cardinaux leur demandèrent si les paroles chantées en musique par le chœur pouvaient être toujours entendues facilement, ils répondirent que ce n'était pas toujours possible. Les cardinaux insistèrent et citèrent comme modèles certains morceaux qui s'exécutaient à la chapelle pontificale, en particulier les Impropères du vendredi saint composés par le maître Jean-Pierre-Louis de Palestrina, autrefois membre du collège des chantres pontificaux, exclu sous Paul IV parce qu'il était marié et alors maître de chapelle de la basilique libérienne. Après plusieurs conférences, il fut convenu que cet illustre compositeur serait chargé d'écrire une messe dont ni le thème, ni la mesure, ni les mélodies, n'offriraient rien de lascif et de mondain, et dans laquelle,  malgré

 

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l'harmonie et les fugues, on entendrait facilement chacune des paroles et le sens de toutes les phrases. Les cardinaux promirent que si Palestrina satisfaisait à ces exigences, la musique continuerait à être permise dans les églises ; mais ils ne dissimulèrent point qu'en cas d'échec de sa part, ils seraient obligés de prendre les mesures qui leur sembleraient opportunes d'après l'avis de leurs collègues.

Le cardinal Borromée, archiprêtre de la basilique libérienne, se chargea de donner lui-même les ordres à Palestrina, qui était sous sa dépendance comme maître de chapelle de son église. Pour sauver la musique sacrée et empêcher une résolution trop sévère qui eût privé la Liturgie d'un de ses plus puissants moyens d'action, la Providence avait préparé dans Rome même cet homme d'un génie profondément liturgique, dont les ressources étaient à la hauteur de sa mission. Palestrina se mit à l'œuvre avec l'ardeur la plus vive et la plus fervente. Il sentait qu'il s'agissait, pour la musique religieuse, de la vie ou de la mort. L'usage du temps était de placer en tête de chaque nouvelle composition musicale un titre, auquel on donnait autant que possible une forme piquante et parfois même bizarre. Dans la simplicité de sa foi, Palestrina écrivit en tête de son manuscrit ces mots : Illumina oculos meos, Seigneur, illuminez mes yeux », voulant que cette humble prière servît seule à désigner son ouvrage. Aidé par l'Esprit-Saint, dont il avait appelé le secours, l'illustre maître composa en peu de jours trois messes dans les conditions qui lui avaient été prescrites ; et le 28 avril 1563, jour à jamais mémorable dans les fastes de la musique sacrée, les chantres de la chapelle pontificale les exécutèrent devant les huit cardinaux, interprètes du concile de Trente, réunis chez Vitellozzi. Tous les membres de ce tribunal, qui allait prononcer sur le sort de la musique religieuse, étaient des princes de l'Église, célèbres par leur savoir, leur

 

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expérience, la gravité de leurs mœurs ; et parmi eux se trouvaient deux austères réformateurs, autour du front desquels brillait déjà l'auréole de la sainteté, Michel Ghisleri, depuis saint Pie V, et Charles Borromée. Ils furent unanimes dans le jugement qu'ils portèrent des trois messes de Palestrina : elles répondaient toutes les trois aux conditions du programme tracé à l'illustre compositeur ; mais la troisième surtout leur parut admirable par la simplicité, l'onction et la richesse que l'auteur y avait déployées. Le sens du texte était exprimé avec une précision et une clarté que rien ne pouvait surpasser. La cause était gagnée. Les cardinaux conclurent que la musique ne serait pas bannie des églises, à condition que de leur côté les musiciens ne chanteraient plus que des compositions dignes du sanctuaire.

Sur le rapport qui lui fut fait par les cardinaux, le pape Pie IV voulut entendre lui-même le chef-d'œuvre de Palestrina. Il fut chanté en sa présence le 19 juin 1563, dans la chapelle Sixtine, où le Sacré Collège était réuni autour du souverain Pontife pour remercier Dieu de l'alliance heureusement conclue entre le Saint-Siège et les cantons catholiques de Suisse. Le saint cardinal Borromée célébrait la messe ; les chants de Palestrina, exécutés par les voix incomparables du collège des chantres pontificaux, ravirent tous les assistants et le pape dit à la fin de la cérémonie, qu'après cette messe de Palestrina la musique ne pouvait plus être attaquée, qu'il ne fallait pas la supprimer, mais en modérer l'usage. En témoignage de sa gratitude, le souverain Pontife créa pour l'illustre maître la charge de compositeur de la chapelle papale. La jalousie voulut la lui ôter après la mort de Pie IV ; mais saint Pie V, et plus tard, Grégoire XIII, Sixte V et Clément VIII lui conservèrent une récompense si bien méritée, et il en jouit jusqu'à sa mort arrivée en 1594. Déjà de son vivant, l'enthousiasme de ses admirateurs l'avait salué

 

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du titre de Prince de la musique sacrée, que personne encore n'a pu lui disputer.

Deux ans après son triomphe, dédiant à Philippe II, roi d'Espagne, un recueil de ses compositions, l'illustre maître y inséra la messe qui avait gagné la cause de la \ musique religieuse ; et par reconnaissance pour le pape Marcel II, qui, étant simple cardinal, s'était fait autrefois son bienfaiteur, Palestrina mit le nom de ce pontife en tête de son chef-d'œuvre, désirant qu'il fût désigné désormais sous le nom de Messe du pape Marcel. Non-seulement la postérité a obéi au désir du grand compositeur, mais trompée par un titre dont elle oublia promptement l'origine, elle crut bientôt que Marcel II était le pontife qui avait songé à bannir la musique de l'Église et que Palestrina l'avait désarmé en lui faisant entendre cette messe d'une harmonie toute divine (1).

Les conciles provinciaux, tenus pour l'exécution des décrets de l'assemblée œcuménique de Trente, ne négligèrent pas le devoir de surveiller la musique d'église. Ils parlèrent énergiquement contre les abus qui s'étaient introduits à cet égard ; réclamèrent expressément contre les mélodies mondaines qui n'étaient que trop en usage, et firent des règlements contre ceux qui ensevelissaient le sens des paroles sous le fracas des voix. Caveant episcopi ne strepiiu incondito sensus sepeliatur. Ce sont les paroles du concile de Tolède de 1566.

Après avoir assuré la pureté du missel et du bréviaire, et sauvé les traditions de l'Église sur la musique sacrée,

 

(1) Cette fausse tradition, rapportée par Benoît XIV lui-même (Bullarium, t. III, Constit. de Ecclesiarum cultu, § 3), par Adami (Osservazioni per ben regolare il coro dei cantori della capella pontificia. Prefazione istorica, p. 11), et par cent auteurs, a été discutée avec grand soin par l'abbé Baïni, directeur de la chapelle pontificale, dans son intéressant et savant ouvrage sur Palestrina. Memorie storico-critiche della vita et delle opere di Giovanni Pier-Luigi da Palestrina, detto il Principe della musica. Roma, 1828, t. I, p. 74-294.

 

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une grande œuvre, à la fois liturgique et sociale, appelait la sollicitude des pontifes romains. Le calendrier, fondement de la Liturgie, comme il  l'est des relations des hommes entre eux, était tombé dans un désordre complet. Le soin de le réformer appartenait aux pontifes romains, puisque, dès l'origine de l'Église, nous les voyons chargés de faire parvenir aux églises la date pascale, centre de l'année chrétienne, et que cette date devenait de plus en plus incertaine. Le concile de Trente s'était préoccupé de ce grave objet, mais il avait fini par en renvoyer l'examen et le jugement au pape. C'était, du reste, un grand spectacle de   voir   encore au   XVI°   siècle, l'Europe,   ou plutôt le monde civilisé tout entier, redemandant à Rome la clef perdue  de  la science des temps. Grégoire XIII eut la gloire de rendre ce service à l'humanité. Il s'entoura de toutes les lumières, forma une commission   des  hommes les plus célèbres dans les études astronomiques, et parmi lesquels on doit distinguer les deux qui eurent le plus d'influence sur les résultats, le cardinal Sirlet et le jésuite allemand Christophe Clavius. Un médecin italien, Louis Lilio, bien qu'il fût déjà mort à l'époque   même de la conclusion de cette grande affaire, y eut, peut-être, la part principale, au moyen d'un mémoire spécial qu'il laissa après lui, et. dans lequel il indiquait la méthode la plus facile et la plus sûre pour la correction tant désirée. Grégoire XIII voulut aussi consulter plusieurs savants astronomes étrangers, entre autres, François de Foix de Candale,  seigneur français ;   et  quand il  eut  recueilli toutes les notions nécessaires pour une réforme éclairée et légitime, il la déclara à l'Église et l'établit formellement, par une bulle qui commence par ces paroles : Inter gravissimas, et qui est datée du VI des calendes de mars 1582 (1). La marche de cet ouvrage nous amènera ailleurs

 

(1) Bullar. Rom. Edit. Luxemb., tom. II, pag. 448.

 

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à parler au long du calendrier et de la nature des réformes qui ont été faites. Il suffit de rappeler ici que tous les États catholiques adoptèrent immédiatement le calendrier grégorien les nations protestantes différèrent plus ou moins à accepter ce service rendu à la société, parce qu'il venait d'un pape; néanmoins, elles finirent par se rendre; mais l'Angleterre, seulement au siècle dernier. Il ne reste plus 1 aujourd'hui, en Europe, que la Russie qui tienne encore pour l'ancien style, et cela afin que les hommes voient dans tout son jour cette vérité historique, que le schisme est encore plus haineux et plus aveugle que l'hérésie elle-même. Mieux valurent à l'Afrique chrétienne les ariens eux-mêmes que les donatistes.

Grégoire XIII eut bientôt à accomplir une œuvre intimement liée à la réforme du calendrier, savoir la publication d du Martyrologe romain. Il avait déjà été imprimé plusieurs fois en Italie et notamment à Rome ; mais il appelait une correction. Le pape nomma, pour préparer ce travail, une commission composée de César Baronius, Silvio Antoniano, Robert Bellarmin, Louis de Torrès, archevêque de Mont-Réal, Jean-Baptiste Bandini, chanoine de Saint-Pierre, Michel Ghisleri, théatin, et Barthélemi Gavanti. La commission donna successivement trois éditions du martyrologe ; les deux premières ayant paru fautives, ainsi que l'atteste Baronius lui-même (1), cène fut que la troisième qui fut présentée à toute l'Église par Grégoire XIII. Le bref de promulgation est du 14 janvier 1584, et porte obligation pour tous les patriarches, archevêques, évêques, abbés et autres supérieurs des églises, monastères, couvents, ou ordres, tant séculiers que réguliers, de s'y conformer dans l'office du chœur. Quant aux saints dont on a coutume de célébrer la fête  dans  certaines églises ou localités, on ne les insèrera

 

(1) Praefat. ad martyrolog. Rom., cap. VIII.

 

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pas au corps du Martyrologe romain, mais on écrira leurs noms sur un livre à part, pour les placer ensuite aux lieu et ordre prescrits dans les règles dudit martyrologe (1).

La publication du bréviaire, du missel, du calendrier, du martyrologe, ne satisfaisait pas encore, il est vrai, à tous les besoins de la Liturgie : restait à réformer le pontifical, le cérémonial et le rituel. Toutefois il n'importait pas moins que des mesures fussent prises pour maintenir la pureté des règles que Rome venait d'établir. L'idée d'un tribunal spécial pour dirimer toutes les difficultés, pour répondre à toutes les consultations sur la matière des rites sacrés, appartient à Sixte-Quint. Dans sa fameuse bulle du XI des calendes de février 1588, qui commence par le mot Immensa, et par laquelle il établit quinze congrégations de cardinaux pour l'expédition des affaires ecclésiastiques et le gouvernement particulier de l'Etat romain, le pontife en érige une spéciale sous le titre de Congrégation des sacrés rites. Voici les paroles remarquables par lesquelles Sixte-Quint déclare cette érection :

« Attendu que les sacrés rites et cérémonies dont l'Église instruite par la tradition et règle apostolique, use dans l'administration des sacrements, dans les offices divins et dans tout ce qui tient au culte de Dieu et des saints, renferment une grande instruction pour le peuple chrétien et une protestation de la vraie foi ; qu'ils sont propres à élever les âmes des fidèles à la méditation des

 

(1) Mandamus igitur omnibus patriarchis, archiepiscopis, episcopis, abbatibus, caeterisque ecclesiis, monasteriis, conventibus, ordinibus, sive secularibus, sive regularibus quibuscumque praefectis ut in peragendo divino in choro officio, omni ullo Martyrologio amoto, hoc tantum nostro utantur, nulla re addita, mutata, adempta. Si quos alios habuerint sanctos in suis ecclesiis, aut locis celebrari solitos, eos in hune librum ne inserant, sed separatim descriptos habeant eumque illis locum atque ordinem tribuant, qui regulis hic descriptis traditur.

 

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choses les plus sublimes, et à enflammer leurs cœurs du feu de la dévotion; désirant augmenter de plus en plus la piété des enfants de l'Église et le culte divin, par la conservation et restauration de ces sacrés rites et cérémonies; Nous choisissons cinq cardinaux dont la charge principale sera de veiller à ce que les anciens rites sacrés soient observés avec soin par toutes sortes de personnes, en quelques lieux que ce soit, dans toutes les églises de la ville et du monde entier, même dans notre chapelle papale, tant aux messes et divins offices que dans l'administration des sacrements et autres choses appartenant au culte divin. Si ces cérémonies tombent en désuétude, il leur appartiendra de les rétablir ; si elles s'altèrent, de les réformer. Ils corrigeront et restitueront, suivant le besoin, les livres qui traitent des rites sacrés et des cérémonies, principalement le pontifical, le rituel et le cérémonial ; ils examineront les offices divins des saints patrons, et en concéderont l'usage, après Nous avoir consulté. Ils porteront aussi leurs soins, avec diligence, sur la canonisation des saints et la célébration des jours de fête, afin que toutes choses se fassent convenablement et suivant la règle, d'après la tradition des Pères. Ils pourvoiront soigneusement à ce que les rois et princes, leurs ambassadeurs et toutes autres personnes qui viennent à la ville et cour de Rome, soient reçus honorablement, suivant la coutume des anciens, d'une manière conforme à la dignité et munificence du siège apostolique. Ils connaîtront de toutes les controverses sur la préséance dans les processions et ailleurs, ainsi que de toutes les autres difficultés qui se présenteront sur les sacrés rites et cérémonies, et les termineront et régleront d'une manière définitive (1). »

 

(1)  Vid. la Note G.

 

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Depuis Sixte-Quint, le nombre des cardinaux membres de la congrégation des rites a été porté à vingt-quatre. Nous ferons connaître ailleurs plus en détail la nature des attributions de ce tribunal, et sa manière de procéder dans les causes des rites sacrés.

Clément VIII, qui monta sur le Saint-Siège en 1592, et dont le glorieux pontificat se prolongea jusqu'à l'an 1605, continua avec un zèle infatigable l'œuvre de la réforme liturgique. Ses premiers soins se portèrent sur le Pontifical. Ce livre, si indispensable pour l'exercice des fonctions épiscopales, avait été imprimé plusieurs fois, tant en Italie qu'en France, mais il renfermait plusieurs incorrections, et le soin de les faire disparaître et de ramener l'unité dans des rites si importants, ne pouvait appartenir qu'au pontife romain. Clément VIII, par un bref du 10 février 150,6, qui commence par ces mots : Ex quo in Ecclesia Dei, annonce à l'Église la correction qu'il a fait faire du Pontifical romain, à l'instar de celle qu'avait entreprise, sur les Bréviaire et Missel romains, son glorieux prédécesseur saint Pie V. Il dit qu'il a réuni une commission des hommes les plus versés dans la science des rites pontificaux, lesquels ont procédé dans leur réforme d'après les plus anciens manuscrits, tant des églises de Rome que des bibliothèques Vaticane et autres. En conséquence, le pape supprime tous les autres pontificaux qui seraient en usage en quelques lieux que ce soit, et enjoint à tous patriarches, archevêques, évêques, abbés et autres prélats, de recevoir ce pontifical réformé et d'en faire usage; « statuant que, dans aucun temps, on ne pourra faire à ce livre aucun changement, addition, ou retranchement, et déclarant que tous ceux qui doivent exercer les fonctions pontificales, ou faire et exécuter quelques-unes des choses qui sont contenues audit Pontifical, seront tenus de faire et observer toutes les choses qui y sont prescrites, en sorte qu'aucun d'eux ne

 

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pourra satisfaire à la charge qui lui a été imposée, qu'en se servant des formules contenues dans ce même livre (1). »

Quatre ans après, en 1600, le même pontife publia, par un bref du 14 juillet, qui commence par ces mots : Cum novissime, l'édition réformée du Cérémonial des évêques.  « Après avoir, dit-il, corrigé et restitué, par le ministère d'hommes pieux et érudits, le Pontifical romain, qui s'était trouvé corrompu et altéré en plusieurs endroits, et l'avoir publié pour l'usage et commodité des évêques et autres prélats des églises, il Nous a semblé nécessaire de donner nos soins à la réforme du Cérémonial des évêques, qui est indispensable pour toutes les églises, particulièrement pour les métropolitaines, cathédrales et collégiales, et dans lequel sont contenus les rites et cérémonies pour la célébration des messes, des vêpres et autres divins offices, et pour les diverses fonctions et actes, tels que les doivent observer les évêques et les autres prélats inférieurs, etc. (2). » Clément VIII dit ensuite que les commissaires chargés

 

(1)  Statuentes Pontificale praedictum nullo unquam tempore, in toto, vel in parte mutandum, vel ei aliquid addendum, aut omnino detrahendum esse, ac quoscumque, qui pontificalia munera exercere, vel alias quae in dicto Pontificali continentur facere, aut exequi debent, ad ea peragenda, et praestanda, ex hujus Pontificalis prœscripto, et ratione teneri, neminemque ex iis, quibus ea exercendi, et faciendi munus impositum est, nisi formulis, quae hoc ipso Pontificali continentur, servatis satisfa-cere posse. (Bullar. Rom., tom. III, pag. 59.)

(2)  Cum novissime Pontificale antea mendosum et corruptum, a piis et eruditis viris emendari et restitui, et demum ad episcoporum, et aliorum ecclesiarum praelatorum communem usum et commoditatem divulgari, et in universali Ecclesia ab omnibus observari mandaverimus, opera; pretium visum fuit, Ceremoniale episcoporum omnibus ecclesiis praecipue autem metropolitanis, cathedralibus, et collegiatis, perutile ac necessarium, in quo ritus et caeremoniae celebrandi missas, vesperas et alia divina officia, ac in aliis Ecclesia; functionibus et actibus ab eisdem episcopis ac aliis praelatis inferioribus in eisdem observandae, etc. (Id., ibid., pag. 110.)

 

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de la réforme du cérémonial se sont appliqués à le mettre en harmonie avec le Pontifical. En effet, dans son bref sur le Pontifical, le pontife avait remarqué que les correcteurs de ce dernier livre en avaient retranché toutes les choses qui auraient été mieux à leur place dans le Cérémonial : ces deux sources de la science liturgique se trouvent donc dans un rapport parfait. Après avoir sanctionné l'obligation, pour toutes les personnes que ce Cérémonial concerne, de s'y conformer en toutes choses, et déclaré abrogés tous les anciens cérémoniaux, dans les points qui ne seraient pas conformes au nouveau, Clément VIII statue pour l'obligation absolue de se servir de ce livre, le terme de deux mois pour tous ceux qui sont présents à la cour de Rome, de huit mois pour ceux qui sont en-deçà des monts, et de douze pour ceux qui sont au delà.

Si nous venons maintenant à rechercher la manière dont s'opéra la promulgation du Pontifical et du Cérémonial de Clément VIII, nous trouvons qu'ils furent l'un et l'autre reçus dans toutes les églises de l'Occident, à l'exception de quelques églises de France qui ont jugé à propos de se donner un pontifical, et d'un beaucoup plus grand nombre qui n'ont pas cru devoir accepter le cérémonial. Dieu sait aussi quel désordre existe dans un grand nombre de nos cathédrales, où les fonctions pontificales s'accomplissent d'après des règles que personne n'a jamais vues écrites, et qui, dans tous les cas, sont en contradiction flagrante avec les rubriques si sages, si précises, si harmonieuses du Cérémonial promulgué par Clément VIII et ses successeurs. Quoi qu'il en soit, on peut toujours dire que le décorum de la dignité épiscopale n'a rien gagné à ce refus d'admettre le Cérémonial romain : car il n'est aucun cérémonial diocésain dans lequel cette dignité si sacrée et si éminente soit traitée avec plus d'égards que dans   le romain, et il en est beaucoup dans lesquels on

 

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est en droit de se plaindre du contraire. Le lecteur en jugera dans la suite de cet ouvrage.

Clément VIII entreprit encore un grand travail dans le but de la réforme liturgique. Il fit faire la révision du bréviaire. Des fautes et des altérations nombreuses s'étaient glissées dans un grand nombre d'exemplaires, par la négligence des imprimeurs ou l'indiscrétion de quelques particuliers. Le pape forma une commission pour rétablir le texte dans sa pureté, et après avoir publié un exemplaire corrigé sortant des presses vaticanes, il statua par lettres apostoliques, en date du 10 mai 1602, et commençant par ces mots : Cum in Ecclesia, des peines pécuniaires très-sévères contre les imprimeurs de l'État ecclésiastique, et l'excommunication contre ceux des autres pays, s'ils osaient imprimer le Bréviaire romain sans une licence expresse des inquisiteurs, ou des ordinaires pour les pays dans lesquels le tribunal du Saint-Office n'existe pas. Le bref expose ensuite les formalités que doivent garder les inquisiteurs et les ordinaires avant d'accorder cette licence. Ils collationneront avec le plus grand soin et le bréviaire qui doit être reproduit, et celui qui sortira de la presse, avec un exemplaire de celui que publie Clément VIII; ils ne permettront aucune addition, ni retranchement ; mention sera faite de cette collation et de la parfaite concordance, sur la licence même donnée à l'imprimeur, et copie de cette licence sera imprimée au commencement, ou à la fin de chaque exemplaire. Les peines encourues ipso facto en cas d'infraction de quelqu'une de ces injonctions, sont, pour les inquisiteurs, la privation de leurs offices, et l'inhabilité perpétuelle à y rentrer; pour les ordinaires, la suspense a divinis et l'interdiction de l'entrée de l'église ; et, pour leurs vicaires, outre l'excommunication, la privation perpétuelle de leurs offices et bénéfices (1).

 

(1) Vid. la Note H.

 

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Deux ans après, le même pontife publiait, sous la date du 7 juillet 1604, un nouveau bref qui commence par ces mots : Cum sanctissimum, pour la révision du missel. Ce livre avait déjà souffert des altérations, en plus grand nombre même que le bréviaire. Clément VIII se plaint, entre autres choses, qu'on avait indiscrètement corrigé, d'après la version de la Bible de saint Jérôme, un grand nombre d'introït, de graduels et d'offertoires ,qui étaient de la plus haute antiquité dans l'Église, puisqu'ils étaient tirés de l'ancienne Vulgate ; qu'on avait bouleversé plusieurs épîtres et évangiles; en un mot, qu'on avait introduit plusieurs modifications, sans autorité comme sans discernement. Il dit ensuite qu'il a donné le soin de revoir et de corriger ledit missel, à une commission formée des cardinaux les plus érudits et d'autres gens habiles, lesquels ont non-seulement rétabli,dans les endroits où il en était besoin, l'ancienne leçon sur la foi des plus graves exemplaires, mais ont fait plusieurs améliorations, particulièrement à l'article des rubriques, qu'ils ont développées et éclaircies en plusieurs endroits. Le pontife charge ensuite les inquisiteurs et les évêques de veiller à la pureté des exemplaires qui seront imprimés dans les lieux de leur juridiction, statuant les mêmes peines, au cas de contravention, tant pour lesdits inquisiteurs et évêques, que pour les imprimeurs eux-mêmes, qui sont dénoncées dans le bref cité plus haut pour la nouvelle édition du bréviaire (1). Nous examinerons, dans une partie spéciale de cet ouvrage, la manière dont on se conforme en France aux volontés de Clément VIII. Ses deux constitutions ne sauraient y être inconnues, puisqu'on les trouve imprimées en entier, ou en abrégé, en tête de tous les missels et bréviaires romains publiés depuis deux siècles, tant à Paris que dans les autres villes du royaume.

 

(1) Bullarium Romanum. Edit. Luxemb., tom. III, pag. 174.

 

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Tels furent les travaux de Clément VIII pour la réforme de la Liturgie ; ils furent dignes de ce grand pontife et de ses prédécesseurs. La commission dont il est question dans les lettres apostoliques que nous venons de citer, se composait, au rapport de Merati (1): des cardinaux César Baronius, Sylvius Antonianus et Robert Bellarmin, auxquels furent adjoints Louis de Torrès, archevêque de Montréal et depuis cardinal ; Jean-Baptiste Bandini, chanoine de Saint-Pierre ; Michel Ghisleri, théatin, et l'illustre Barthélemi Gavanti, Milanais, des clercs réguliers de Saint-Paul. On ne pouvait sans doute réunir des noms plus imposants, et mettre les rites sacrés sous la sauvegarde d'hommes plus recommandables par leur science et leur piété.

Nous allons maintenant donner la liste des auteurs du XVI° siècle qui se sont occupés de la Liturgie.

(1501). Jacques Wimpheling, prêtre du diocèse de Spire, composa, à la demande de son évêque, un office de la Compassion de la sainte Vierge, et dédia à ce prélat un poème de Laudibus et Caeremoniis Ecclesiœ. Il a laissé aussi un traité sur les auteurs des hymnes et des séquences.

(1516). Josse Clichtoüe, docteur de Paris, est auteur de l'excellent commentaire liturgique si connu sous le titre de Elucidatorium ecclesiasticum, dans lequel il explique les hymmes, les cantiques, le canon de la messe et autres prières ecclésiastiques, et enfin les proses. On rencontre encore assez facilement aujourd'hui ce précieux ouvrage, qui n'a pas été réimprimé depuis plus de deux siècles. Beaucoup de points de la Liturgie sont traités, dans un autre ouvrage de Clichtoiie, intitulé : Anti-Lutherus, et dans ses autres écrits contre la réforme, qui sont tous fort remarquables pour le temps.

(152o). Albert Castellani, Vénitien, de l'ordre des frères

 

(1) Thesaurus Sacrorum Rituum, tom. III, 40; pag. 22.

 

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prêcheurs, prépara et dédia à Léon X le livre intitulé Sacerdotale; il dirigea, en outre, l'édition du Pontifical romain qui parut à Venise en 152o.

(1520). Erasme, de Rotterdam, si connu pour la triste influence qu'ont eue ses idées demi-protestantes sur une portion de l'Europe catholique, doit cependant entrer dans la liste des liturgistes du XVI° siècle. Il a laissé des hymnes en l'honneur de la sainte Vierge, dont quelques-unes furent insérées, de son vivant, au Bréviaire de Besançon.

(1528). Pierre Ciruelo, chanoine de la cathédrale de Salamanque, a laissé un ouvrage intitulé : Expositio libri Missalis peregregia.

(1529). Gabriel d'Ancône, augustin, sacristain de la chapelle du pape, composa trois traités qui sont restés manuscrits, savoir: 1° De Ritu et Cœremoniis in Capella Pontificia; 2° Acta in adventu et coronatione Caroli V in civitate Bononiœ; 3° Acta quœdam cœremonialia ab anno 1508, cum supplemento usque ad annum 1550.

(1532). George Wicelius, d'abord luthérien, puis réuni à l'Église catholique, laissa deux écrits sur l'objet que nous traitons : 1° Defensio Liturgiœ ecclesiasticœ; 2° Liturgica Exercitamenta christianœ pietatis. Dans ce dernier ouvrage, il donne la traduction de plusieurs des Liturgies de l'Orient.

(1540). François Titelman, de l'ordre des frères mineurs, composa, entre autres ouvrages, les suivants : 1° Expositio mysteriorum Missœ et sacri Canonis; 1° Expositio officii de sacrosancta Trinitate.

(1540). Jean Cochlée, illustre docteur catholique, chanoine de Breslau, et infatigable défenseur de la foi catholique contre les réformateurs du XVI° siècle, opposa au traité de Luther contre la messe, une édition des livres d'Innocent III, de Mysteriis Missœ, et de ceux de saint Isidore, de Officiis ecclesiasticis. Il est aussi le compilateur

 

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de la première collection des auteurs liturgistes que l'on connaisse. Elle parut à Mayence, en 1549, sous ce titre : Speculum antiquœ devotionis circa Missam et omnem alium cultum Dei, ex antiquis, et antea nunquam evulgatis per typographos auctoribus, a Joanne Cochlœo laboriose collectum. Cette collection comprend neuf auteurs, savoir :

 

1° Amalaire de Trêves, de Officio missœ ;

20 Walafrid Strabon, de Exordiis et Incrementis rerum ecclesiasticarum ;

3° Saint Basile, de Missa Grœcorum ;

Expositio missœ brevis, d'après d'anciens manuscrits ;

5° Saint Pierre Damien, Liber qui dicitur Dominus vobiscum ;

6° Honorius d'Autun, Gemma animœ;

7° Le Micrologue ;

8° Pierre le Vénérable, Nucleus de sacrificio missœ;

Liber de vita S. Bonifacii, Martyris.

(1547). Laurent Massorilli, de l'ordre des frères mineurs, publia un recueil d'hymnes sacrées, divisé en quatre livres, qu'Arevalo juge n'être pas indignes du siècle qui les a produites.

(1550). Gentien Hervet, savant littérateur français qui assista au concile de Trente et mourut chanoine de Reims, traduisit en latin, outre beaucoup d'ouvrages des saints Pères, les Liturgies de saint Jean Chrysostome et de saint Basile, la Mystagogie de saint Maxime, et l'Exposition de la Liturgie, par Nicolas Cabasilas.

(1557). Matthias Francowitz, plus connu sous son nom littéraire de Flaccus Ulyricus, l'un des centuriateurs de Magdebourg, fit imprimer, à Strasbourg, la fameuse Messe latine qui a retenu le nom de ce savant, et qui a tant occupé les critiques catholiques et protestants. Nous en traiterons ailleurs.

(1558). Georges Cassandre, docteur flamand, combattit

 

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avec zèle les nouveautés de la Réforme, quoiqu'on soit en droit de lui reprocher quelques propositions trop hardies. Il publia un ouvrage savant ayant pour titre : Liturgica de Ritu et Ordine Dominicœ Cœnœ celebrandœ e variis scriptoribus. C'est un recueil de passages des auteurs ecclésiastiques sur toutes les parties de la messe. Il est suivi de l’Ordre romain, le seul que l'on connût alors. Cassandre publia, en outre, un recueil d'hymnes dans le genre de celui de Clichtoue, et un autre recueil des oraisons que l'on appelle collectes.

(1560). Marc-Antoine Muret, célèbre humaniste, appartient à la classe des liturgistes par ses hymnes, dont plusieurs ont été admises dans les bréviaires modernes des diocèses de France.

(1560). Jean-Etienne Duranti, président du parlement de Toulouse, et dont tout le monde connait la fin tragique, a publié sous son propre nom un ouvrage célèbre intitulé : De Ritibus Ecclesiœ catholicœ, dont la dernière édition est de 1675, à Lyon. Plusieurs auteurs contestent cet ouvrage à Duranti, et l'attribuent à Pierre d'Anes, évêque de Lavaur.

(1560). Claude de Sainctes, évêque d'Évreux, a traduit en latin les Liturgies de saint Jacques et de saint Basile.

(1560). Wolfgang Lasius, savant philologue allemand, publia une collection liturgique qui doit être comptée pour la seconde et qui parut à Anvers en 1560, sous ce titre : De Veteris Ecclesiœ ritibus ac cœremoniis. Elle est moins ample que celle de Cochlée, et se compose des pièces qui suivent :

 

1° Une lettre de Charlemagne à Alcuin, de Cœremoniis ecclesiasticis ;

2° La réponse d'Alcuin à cette lettre ;

3° Le poème d'Hildebert, de Mysterio missœ.

4° Un fragment anonyme, de Ritibus et Cœremoniis Ecclesiœ Romanœ a Nativitate Domini per hyemem ;

 

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5° Rhaban Maur, de Virtutibus et vitiis.

(1562). Antoine de Mouchy, recteur de l'Université de -Paris, connu sous le nom de Democharès, publia un gros traité sur le sacrifice de la messe, ouvrage assez indigeste, dirigé contre les sacramentaires.

(1568). Melchior Hittorp, doyen de la collégiale de Saint-Cunibert de Cologne, a publié la troisième collection liturgique et la plus célèbre de toutes. Elle se compose de douze auteurs et porte ce titre: De Catholicœ Ecclesiœ divinis officiis ac ministeriis, varii vetustiorum aliquot Ecclesiœ Patrum ac scriptorum libri. Coloniœ, 1568.

Les livres qu'elle contient sont les suivants :

 

1° L'Ordre romain ;

2° Saint Isidore de Séville, de Ecclesiasticis Officiis;

3° Le faux Alcuin, de Officiis divinis;

4° Amalaire Fortunat, de Divinis Officiis, et de Ordine Antiphonarii ;

5° Rhaban Maur, de Institutione clericorum;

6° Walafrid Strabon, de Exordiiset Incrementis rerum ecclesiasticarum ;

7° Bernon de Richenau, de Quibusdam Rebus ad missœ officium pertinentibus;

8° Le Micrologue, de Ecclesiasticis Observationibus;

9° Saint Yves de Chartres, vingt et un sermons de Ecclesiasticis Sacramentis, ac Officiis, et Prœcipuis per annum Festis;

10° Hildebert, de Mysterio missœ;

11° Raoul de Tongres, de Observantia canonum ;

12° Un anonyme, Missœ Expositio brevis.

La collection d'Hittorp a eu plusieurs éditions, et chaque fois elle a été reproduite avec des augmentations, ainsi qu'on le verra bientôt.

(1568). Jean Molanus, docteur de Louvain, publia une édition du Martyrologe d'Usuard, avec des additions tirées du Martyrologe romain et de ceux des églises de la basse

 

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Allemagne. Il y joignit aussi le Martyrologe de Wandelberg, et compléta le tout par une excellente préface en vingt-trois chapitres. Il est pareillement auteur d'un livre de Picturis et Imaginibus sacris, et d'un opuscule sur les Agnus Dei.

(1569). Jean Maldonat, illustre professeur delà compagnie de Jésus, joint à ses autres titres de gloire celui de liturgiste distingué. On en peut juger par son excellent traité de Cœremoniis, tant estimé de Richard Simon, et qui a été enfin publié par Zaccaria en 1781, dans le troisième volume de la Bibliotheca ritualis.

(1570). Jean du Tillet, évêque de Saint-Brieuc, puis de Meaux, a laissé un traité en français, de l'Antiquité et de la Solennité de la messe.

(1671). Jacques Pamélius, évêque de Saint-Omer, est un des hommes qui ont le mieux mérité de la science liturgique, en donnant au public son importante collection intitulée : Liturgica latinorum. Il y comprit les anciens livres des églises romaine, ambrosienne, gothique,   etc.

(1571). Jérôme Maggi, Milanais, d'abord magistrat, puis ingénieur militaire, ayant été pris par les Turcs au siège de Famagouste, composa, pendant sa captivité, un curieux traité sur les cloches.

(1572). Onuphre Panvini, augustin, l'un des hommes du XVI° siècle les plus versés dans la connaissance des antiquités ecclésiastiques, a laissé plusieurs travaux liturgiques. Nous citerons: i° L'intéressant opuscule de Urbis Romœ stationibus, imprimé ordinairement à la suite des vies des papes de Platine ; 2° de Ritu sepeliendi mortuos apud veteres christianos, et de eorum cœmeteriis; 3° de Baptismate Paschali, origine et ritu consecrandi Agnus Dei ; 4° de prœcipuis urbis Romœ sanctioribusque Basilicis, quas Septem Ecclesias vulgo vocant; 5° de Episcopalibus Titulis et Diaconiis Cardinalium. Panvini avait, en outre, préparé une collection d'anciens rituels, qui n'a

 

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pas paru, et dont la préface a été publiée par D. Mabillon, dans le deuxième tome du Musœum Italicum.

(1572). Nicolas Aurificus, carme, donna en cette année, à Venise, une nouvelle édition du Speculum de Cochlée, dont il retrancha la Messe de saint Basile et le Livre de la vie de saint Boniface; il les remplaça par les opuscules de Bernon et de Hildebert, qu'il emprunta à la collection d'Hittorp. Il ajouta ensuite l’Ordo missœ de Burchard, et un opuscule qu'il avait lui-même composé sous ce titre: De Antiquitate, Veritate et Cœremoniis missœ.

(1577). Pierre Galesini, protonotaire apostolique, qui fleurit à Rome sous les pontificats de Grégoire XIII et de Sixte-Quint, travailla à illustrer et à corriger le Martyrologe romain, en le mettant dans un style plus châtié, et ajoutant une notice historique à chaque nom de saint.

(1578). Gabriel Sévère, archevêque de Philadelphie, prélat auquel le Sénat de Venise avait donné le soin des Grecs établis sur le territoire de cette république, à composé un livre de Septem Ecclesiœ Sacramentis, dont le père Morin a tiré l'opuscule intitulé: de Sancto sacerdotii Sacramento.

(158o). Joseph-Valentin Stevano, évêque italien, a laissé deux opuscules liturgiques: 1° De Adoratione et Osculatione pedum Romani pontificis, et Levatione seu Portatione ejusdem ;

De Ritu tenendi frœnum et staphades summis pontificibus ab imperatoribus.

(1584). Maxime Margunius, évêque de Cythère, est connu pour avoir traduit et publié, en grec vulgaire, les Synaxaires et le Ménologe.

(1586). Marc-Antoine-Marsile Colonne, archevêque de Salerne, est auteur de l'excellent traité intitulé : Hydragiologia, sive de Aqua benedicta.

(1586) Vincent Bonardi. dominicain, évêque de Sainte-Cyriaque,

 

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a écrit un volume sur les Agnus Dei, intitulé : Discorso intorno l'antichità, e origine, modo di fare, benedire, batezzare, e distribuere i sacri Agnus Dei.

(1587). François Panigarola, évêque de Chrysopolis, a laissé un volume intéressant sous ce titre : De Stationum veteri instituto a Xisto V. P. M. revocato.

(1587). Rodolphe Hospinien, savant protestant, a composé, sur les matières liturgiques, deux grands ouvrages remplis d'une érudition qui fait regretter que l'auteur ne l'ait pas consacrée à une meilleure cause. Le premier est intitulé : De Templis, hoc est de Origine, Progressu, Usu et Abusu templorum, ac omnino rerum omnium ad templa pertinentium, libri quinque. Le second a pour titre ; Festa christianorum, hoc est de Origine, Progressu, Cœremoniis et Ritibus festorum dierum christianorum libri tres.

(1588). Marc-Antoine Mazzaroni est auteur d'un livre, de Tribus Coronis pontifias Romani, nec non de Osculo sanctissimornm pedum ejus.

(1590). Gilbert Génébrard, moine de Cluny, archevêque d'Aix, un des plus savants personnages de son temps, a donné, entre autres traductions de livres et auteurs grecs, celles de la Liturgie des présanctifiés, du Ménologe et du traité de Siméon de Thessalonique sur les Sept Mystères de l'Église. Il a composé en outre un opuscule, en français, intitulé : Liturgie apostolique.

(1592). Augustin Fivizzani, sacristain du palais apostolique, a laissé un ouvrage spécial de Ritu sanctissimœ Crucis Romano pontifici prœferendœ.

(1592). George Ferrari, donna en cette année, à Rome, une édition de la collection de Hittorp. Il y ajouta les livres de saint Pierre Damien, de Pierre le Vénérable et d'Honorius d'Autun, que déjà Cochlée avait insérés dans son Speculum et de plus, ceux de Rupert de Tuyt, de Divinis Officiis,   ainsi  que  le Speculum  de Mysteriis

 

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Ecclesiœ, et les autres opuscules attribués à Hugues de Saint-Victor.

(1593). Ange Rocca, évêque de Tagaste, sacristain de la chapelle papale, a traité un grand nombre de questions liturgiques par des ouvrages spéciaux qui ont été réunis dans les deux précieux tomes intitulés: Thesaurus pontificiarum sacrarumque antiquitatum,   nec non rituum, praxium et cœremoniarum. On y remarque, entre autres, les suivants :  De Sacrosancto Christi Corpore Romanis pontificibus iter conficientibus prœferendo; — De sacra summi pontifias Communione, missam solemniter celebrantis ;— Commentarius de campanis ;— de Tiarœ pontificiœ quam regnum mundi vulgo appellant, Origine, Significatu et Usu; — de Salutatione sacerdotis in missa et in divinis officiis, nec non de ministri vel chori Responsione; — de Precatione qua lectiones in matutino prœvenimus, nec non de fine quo eas claudimus; — Feria quidnam sit, et cur dies ab ecclesiasticis viris feriarum nomi-nibus in Ecclesia nuncupentur ; — de Origine et Institutione benedictionis candelarum, vel cereorum in festivitate Purificationis B. M. V.; — Unde cineres super caput spargendi usus originem habeat et quœ sibi velint ? — Aurea rosa, ensis et pileus, quœ regibus ac magnatibus a summo Pontifice benedicta in donum mittuntur, quid sibi velint ? etc. Rocca avait en outre donné ses soins à la correction du sacramentaire grégorien, qui fait partie de l'édition   des Œuvres de  saint  Grégoire,   imprimée  à Rome en 1593, et qui a été aussi publiée à part, avec des notes, dans la même ville, en 1596. On lui doit aussi une édition du Sacerdotal de Samarini, qui est une sorte de rituel dont nous parlerons ailleurs.

(1594). François Ferrario est donné par Zaccaria, comme auteur d'un livre imprimé à Crémone, sur la Consécration des églises.

(1599). Corneille Schulting, doyen de la Faculté de Cologne,

 

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et chanoine de Saint-André de cette ville, a laissé plusieurs ouvrages d'une érudition remarquable pour le temps. L'un d'eux est intitulé : Bibliotheca ecclesiastica, seu commentaria sacra de expositione et illustratione Missalis et Breviarii. Coloniœ, 1599, 4 vol. in-folio. Ce travail, malgré ses nombreuses imperfections, doit être considéré comme la première bibliothèque liturgique qui ait été tentée. Zaccaria y a puisé pour la sienne beaucoup de renseignements qu'il n'aurait pas trouvés ailleurs.

(1602). En cette année, qui est celle de l'édition du Bréviaire romain par Clément VIII, nous plaçons au rang des liturgistes les deux cardinaux Robert Bellarmin et Silvio Antoniani, tous deux, ainsi que nous avons rapporté, membres de la commission nommée par le pape pour la révision du bréviaire. Ils suppléèrent de leurs fonds l'un et l'autre, à une omission qui déparait le bréviaire de saint Pie V. Ce pontife n'avait point assigné d'hymne spéciale pour le Commun des saintes Femmes. Antoniani composa celle que nous chantons aujourd'hui : Fortem virili pectore; et comme il en manquait pareillement une pour l'office de sainte Marie-Magdeleine, Bellarmin donna celle qui commence par ce vers : Pater superni luminis.

Ici s'arrête l'histoire de la Liturgie durant ce XVI° siècle qui, malgré ses tempêtes et ses scandales, doit être considéré comme un de ceux que l'Église de Jésus-Christ a traversés avec le plus de gloire. On peut dire, au reste, que l'histoire de ce siècle est encore à faire ; car pour ceux qui seraient tant soit peu versés dans la science religieuse, l'ouvrage si vanté de Ranke, avec ses omissions, ses préjugés et ses erreurs positives, ne peut être qu'un livre de renseignements sur quelques points, utile seulement à ceux qui dominent déjà l'ensemble des faits ecclésiastiques de cette époque, très-dangereux pour les autres. Ce qu'il importe  surtout de voir, c'est  la réforme  de

 

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l'Église, renouvelant elle-même sa jeunesse comme celle de l'aigle (1). Que d'œuvres merveilleuses et fortes accomplissent les pontifes romains, de Pie V à Clément VIII ! Quel gouvernement énergique et intelligent que celui qui créa ces institutions sur lesquelles repose aujourd'hui toute la forme extérieure du catholicisme! Pie IV publie les règles de l'Index des livres prohibés, et la célèbre profession de foi qui maintient l'orthodoxie au sein de l'Église. Saint Pie V promulgue le bréviaire, le missel, et cette admirable synthèse du dogme catholique, sous le nom de catéchisme romain. Grégoire XIII réforme le calendrier, publie le martyrologe, revoit le décret de Gratien. Sixte-Quint donne l'édition corrigée de la Vulgate, et érige les congrégations romaines. Clément VIII publie le pontifical et le cérémonial, et assure pour les siècles suivants la pureté du bréviaire et du missel.

Voilà quelques-uns des efforts tentés par, les papes du XVI° siècle pour opérer la réforme de l'Église. On voit que toutes ces grandes mesures reviennent à l'unité comme au seul but désiré : en effet, l'unité sauva la catholicité, au XVI° siècle, comme toujours ; mais cette unité avait besoin, à cette époque, d'être développée dans ses dernières conséquences. Une forme aussi importante que la Liturgie ne pouvait donc rester plus longtemps sans être ramenée au grand principe de Grégoire VII, de Charlemagne, de saint Innocent Ier. Toute l'Église le sentit, et la France, en tête des autres provinces de la catholicité, s'empressa de seconder les vues du siège apostolique. Comme aux premiers jours du monde, la terre se trouva n'avoir plus qu'un seul et même langage (2). Aujourd'hui, cette unité est rompue; cette harmonie est brisée; si le reste du monde prie encore avec Rome, la France a déchiré cette

 

(1)  Psalm. CII, 5.

(2)  Erat terra labii unius et sermonum eorumdem. (Gen. XI, 1)

 

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communion si touchante, si sacrée (1). Quand renaîtra-t-elle, cette unité liturgique préparée avec tant de soins par les souverains pontifes, pour être la sauvegarde du dogme et de la liberté ecclésiastique ? Quand dirons-nous, comme les pères du concile de Vannes, de 461 : Puisque nous n'avons qu'une même foi, n'ayons aussi qu'une même règle pour les divins offices (2) ? Il ne s'agit plus, comme au temps de Pépin et de Charlemagne, d'abjurer des rites établis chez nous par les fondateurs de nos Églises. Il n'y a guère plus d'un siècle que nous n'avions qu'une prière avec l'Église romaine : pourquoi n'y reviendrions-nous pas ? Nous en appelons à ceux qui nous ont suivi à travers ces faibles pages : le vœu de l'Église n'est-il pas l’unité dans la Liturgie comme dans tout le reste ? Nous est-il possible d'avoir sur ce point une autre doctrine que celle du Siège apostolique, exprimée par Clément VIII dans ces belles paroles : « Puisque dans l'Église catholique, laquelle a été établie par Notre Seigneur Jésus-Christ sous un seul chef, son Vicaire sur la terre, on doit toujours garder l'union et la conformité dans tout ce qui a rapport à la gloire de Dieu et à l'accomplissement des fonctions ecclésiastiques ; c'est surtout dans l'unique forme des prières contenues au bréviaire romain, que cette communion avec Dieu qui est un, doit être perpétuellement conservée, afin que, dans l'Église répandue par tout l'univers, les fidèles de Jésus-Christ invoquent et louent Dieu par les seuls et mêmes rites de chants et de prières (3). »

Tel est le vœu de l'Église; ce qui y serait contraire n'est donc pas le vœu de l'Église. Prions, afin que le Dieu de

 

(1)  Communionem discerperent. Vid. ci-après la Bulle : Quod a nobis.

(2)  Ci-dessus, pag. 125.

(3)  Cum in ecclesia catholica, a Christo D. N., sub uno capite, ejus in terris Vicario, instituta, unio et earum rerum quae ad Dei gloriam et debitum  ecclesiasticarum  personarum   omnium  spectant,  conformatio semper conservanda sit; tum praecipue illa communio uni Deo, una et eadem formula, preces adhibendi, quae Romano breviario continetur, perpetuo retinenda est, ut Deus, in Ecclesia per universum orbem diffusa; uno et eodem orandi et psallendi ordine, a Christi fidelibus semper laudetur et invocetur. (Clemens VIII, Bulla Cum in Ecclesia, § 1.)

 

 

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la paix et de l'unité dispose toutes choses dans sa force et sa douceur; afin que l'unité de prière se rétablisse au sein de notre patrie, et que la prière du Pasteur suprême soit la prière des brebis, comme déjà sa foi et sa doctrine sont leur foi et leur doctrine.

 

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NOTES DU CHAPITRE XV

 

NOTE A

 

PIUS EPISCOPUS, SERVUS SERVORUM DEI,

AD  PERPETUAM REI MEMORIAM.

 

Quod a nobis postulat ratio pastoralis Officii, in eam curam incumbimus, ut omnes, quantum Deo adjutore fieri poterit, sacri Tridentini concilii decreta exequantur, ac multo id etiam impensius faciendum intelligimus, cum ea quae in mores inducenda sunt, maxime Dei gloriam, ac debitum ecclesiasticarum personarum officium complectuntur. Quo in genere existimamus in primis numerandas esse sacras preces, laudes, et gratias Deo persolvendas, quae Romano breviario continentur. Quas divini Officii formula, pie olim, ac sapienter a summis Pontificibus, praesertim Gelasio, ac Gregorio primis constituta, a Gregorio autem septimo reformata, cum diuturnitate temporis ab antiqua institutione deflexisset, necessaria visa res est, quae ad pristinam orandi regulam conformata revocaretur. Alii enim praeclaram veteris Breviarii constitutionem, multis locis mutilatam, alii incertis et advenis quibusdam commutatam deformarunt. Plurimi, specie Officii commodioris allecti, ad brevitatem novi Breviarii a Francisco Quignonio tit. S. Crucis in Hierusalem presbytero card. compositi confugerunt. Quin etiam in provincias paulatim irrepserat prava illa consuetudo, ut Episcopi in Ecclesiis, quas ab initio communiter cum caeteris veteri Romano more Horas canonicas dicere ac psallere consuevissent, privatum sibi quisque breviarium conficerent, et illam communionem uni Deo, una et eadem formula, preces et laudes adhibendi, dissimillimo inter se, ac pene cujusque episcopatus proprio Officio discerperent. Hinc illa tam multis in locis divini cultus perturbatio ; hinc summa in Clero ignoratio caeremoniarum, ac rituum ecclesiasticorum, ut innumerabiles Ecclesiarum ministri in suo munere indecore, non sine magna piorum offensione, versarentur.

Hanc nimirum orandi varietatem gravissime ferens fel. rec. Paulus Papa IV, emendare constituerat ; itaque provisione adhibita, ne ulla in posterum novi Breviarii licentia permitteretur, totam rationem dicendi, ac psallendi Horas canonicas, ad pristinum morem et institutum redigendam suscepit.

Sed eo, postea nondum iis quae egregie inchoaverat perfectis, de vita decedente, cum a piae memoriae Pio Papa IV Tridentinum concilium, antea varie intermissum, revocatum esset. Patres in illa salutarii reformatione

 

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ab eodem Concilio constituta, Breviarium ex ipsius Pauli Papae ratione restituere cogitarunt. Itaque quidquid ab eo in sacro opere  collectum, elaboratumque fuerat, Concilii Patribus Tridentum a praedicto Pio Papa missum est ; ubi cum doctis quibusdam, et piis viris a Concilio datum esset negotium, ut ad reliquam cogitationem, Breviarii quoque curam adjungerent, instante jam conclusione Concilii, tota res ad auctoritatem judiciumque Romani pontificis ex decreto ejusdem Concilii relata est ; qui illis ipsis Patribus ad id munus delectis, Romam vocatis, nonnullisque in Urbe idoneis viris ad eum numerum adjunctis, rem perficiendam voluit. Verum eo etiam in viam universae carnis ingresso, Nos, ita divina disponente clementia, licet immerito, ad Apostolatus apicem assumpti, cum sacrum opus, adhibitis etiam ad illud aliis peritis viris, maxime urgeremus, magna in nos Dei benignitate (sic enim accipimus), Romanum hoc breviarium vidimus absolutum. Cujus ratione dispositionis ab illis ipsis, qui negotio praepositi fuerant, non semel cognita, cum intelligeremus, eos in rei confectione ab antiquis Breviarii nobilium Urbis Ecclesiarum, ac nostrae Vaticanae bibliothecae non decessisse, gravesque praeterea aliquoteo in genere scriptores secutos esse, ac denique remotis iis, quae aliéna et incerta essent, de propria summa veteris divini Officii nihil omisisse ; opus probavimus, et Romas imprimi, impressumque divulgari jussimus. Itaque, ut divini hujus operis effectus re ipsa consequatur, auctoritate prassentium tollimus in primis, et abolemus Breviarium novum a Francisco cardinale praedicto editum, et in quacumque ecclesia, monasterio, conventu, ordine, militia, et loco virorum et mulierum, etiam exempto, tam a primaeva institutione, quam aliter ab hac Sede permissum.

Ac etiam abolemus quascumque alia breviaria vel antiquiora, vel quovis privilegio munita, vel ab episcopis in suis diœcesibus pervulgata, omnemque illorum usum de omnibus orbis ecclesiis, monasteriis, conventibus, militiis, ordinibus, et locis virorum ac mulierum etiam exemptis, in quibus alias Officium divinum Romanae ecclesiae ritu dici consuevit, aut débet; illis tamen exceptis, quae ab ipsa prima institutione a Sede apostolica approbata, vel consuetudine, quae vel ipsa institutio ducentos annos antecedebat, aliis certis breviariis usa fuisse constiterit : quibus, ut inveteratum illud jus dicendi, et psallendi suum Officium non adimimus, sic eisdem si forte hoc nostrum, quod modo pervulgatum est, magis placeat, dummodo episcopus, et universum Capitulum in eo consentiant, ut id in choro dicere, et psallere possint, permittimus.

Omnes vero, et quascumque apostolicas, et alias permissiones, ac consuetudines et statuta, etiam juramento, confirmatione apostolica, vel alia firmitate munita, nec non privilegia, licentias et indulta precandi et psallendi, tam in choro quam extra illum, more et ritu breviariorum sic suppressorum, praedictis ecclesiis, monasteriis, conventibus, militiis, ordinibus et locis, nec non S. R. E. cardinalibus,  patriarchis,  archiepiscopis,

 

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episcopis, abbatibus, et aliis ecclesiarum praelatis, caeterisque omnibus et singulis personis ecclesiasticis, saecularibus et regularibus utriusque sexus, quacumque causa concessa, approbata, et innovata , quibuscumque concepta formulis, ac decretis et clausuiis roborata, omnino revocamus ; volumusque illa omnia vim et effectum de castero non habere.

Omni itaque alio usu, quibuslibet, ut dictum est, interdicto, hoc nostrum Breviarium, ac precandi, psallendique formulam, in omnibus universi orbis ecclesiis, monasteriis, ordinibus, et locis etiam exemptis, in quibus Officium ex more, et ritu dictae Romanas ecclesiae dici débet, aut consuevit, salva praedicta institutione, vel consuetudine praedictos ducentos annos superante, praecipimus observari. Statuentes Breviarium ipsum nullo unquam tempore, vel in totum, vel ex parte mutandum, vel ei aliquid addendum, vel omnino detrahendum esse ; ac quoscumque, qui Horas canonicas ex more et ritu ipsius Romanas ecclesiae, jure vel consuetudine dicere, vel psallere debent, propositis pœnis per canonicas sanctiones constitutis, in eos qui divinum Officium quotidie non dixerint, ad dicendum et psallendum posthac in perpetuum Horas ipsas diurnas et nocturnas ex hujus Romani breviarii praescripto et ratione omnino teneri, neminemque ex iis, quibus hoc dicendi psallendique munus necessario impositum est, nisi hac sola formula satisfacere posse.

Jubemus igitur omnes, et singulos patriarchas , archiepiscopos, episcopos, abbates, et casteros ecclesiarum praelatos, ut omissis quas sic suppressimus, et abolevimus, casteris omnibus etiam privatim per eos constitutis, Breviarium hoc in suis quisque ecclesiis, monasteriis, conventibus, ordinibus, militiis, diœcesibus, et locis praedictis introducant ; et tam ipsi, quam caeteri omnes presbyteri, et clericij saeculares et regulares utriusque sexus, nec non milites, et exempti, quibus Officium dicendi, et psallendi quomodocumque, sicut praedicitur, injunctum est, ut ex hujus nostri Breviarii formula, tam in choro quam extra illum, dicere et psallere procurent.

Quod vero in Rubricis nostri hujus Officii praescribitur, quibus diebus Officium B. Mariae semper virginis, et Defunctorum, item septem Psalmos pœnitentiales, et Graduales dici, ac psalli oporteat ; Nos propter varia hujus vitae negotia, multorum occupationibus indulgentes, peccati quidem periculum ab ea praescriptione removendum duximus ; verum debito providentias pastoralis admoniti, omnes vehementer in Domino cohortamur, ut remissionem nostram, quantum fieri poterit, sua devotione ac diligentia praecurrentes, illis etiam precibus, suffragiis et laudibus, suas, et aliorum saluti consulere studeant. Atque ut fidelium voluntas, ac studium magis etiam ad salutarem hanc consuetudinem incitetur, de omnipotentis Dei misericordia, beatorumque Patri et Pauli Apostolorum ejus auctoritate confisi, omnibus, qui illis ipsis diebus in Rubricis praefinitis, beatas Marias, vel Defunctorum Officium dixerint,  toties centum dies ;   qui vero septem Psalmos,  vel

 

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Graduales, quinquaginta, de injuncta ipsis pœnitentia relaxamus. Hoc autem concedimus sine praejudicio sanctas consuetudinis illarum ecclesiarum, in quibus Officium parvum beatas Marias semper Virginis in choro dici consueverat, ita ut in praedictis ecclesiis servetur ipsa laudabilis et sancta consuetudo celebrandi more solito praedictum Officium.

Casterum, ut praesentes litteras omnibus plenius innotescant, mandamus illas ad valvas Basilicas Principis apostolorum de Urbe, et Cancellarias apostolicas, et in acie Campi Floras publicari, earumque exemplar de more affigi. Volumusque, et apostolica auctoritate decernimus, quod post hujusmodi publicationem, qui in Romana curia sunt pressentes, statim lapso mense, reliqui vero, qui intra montes, tribus, et qui ultra ubique locorum degunt, sex mensibus excursis, vel cum primum venalium hujus Breviarii voluminum facultatem habuerint ad precandum et psallendum juxta illius ritum, tam in choro, quam extra illum, maneant obligati. Ipsarum autem litterarum exempla manu notarii publici , et sigillo alicujus praelati ecclesiastici, aut illius Curias obsignata, vel etiam ipsis voluminibus absque praedicto, vel alio quopiam adminiculo Romas impressa, eamdem illam ubique locorum fidem faciant, quam ipsas pressentes, si essent exhibitas, vel ostensae.

Sed ut Breviarium ipsum ubique inviolatum, et incorruptum habeatur, prohibemus ne alibi usquam, in toto orbe, sine nostra, vel specialis ad id commissarii apostolici, in singulis christiani orbis regnis et provinciis deputandi, expressa licentia, imprimatur, proponatur, vel recipiatur. Quoscumque vero, qui illud secus impresserint, proposuerint, vel receperint, excommunicationis sententia eo ipso innodamus.

Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostras ablationis, abolitionis, permissionis, revocationis, jussionis, praecepti, statuti, indulti, mandati , decreti, relaxationis, cohortationis, prohibitionis, innodationis   et voluntatis infringere, vel ei   ausu  temerario contraire.

Si quis, etc.

Dat. Romas, apud Si Petrum, anno Incarnationis Dominicas 1568, sep-timo Id. Julii, Pontificatus nostri anno tertio.

 

NOTE B

 

PIUS EPISCOPUS,  SERVUS SERVORUM DEI,

AD  PERPETUAM  REI  MEMORIAM.

 

Quo primum tempore ad Apostolatus apicem assumpti fuimus, ad ea libenter animum, viresque nostras intendimus, et cogitationes omnes direximus, quas ad ecclesiasticum  purum retinendum   cultum  pertinerent,

 

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eaque parare, et Deo ipso adjuvante, omni adhibito studio, efficere contendimus.

Cumque inter alia sacri Tridentini concilii decreta, nobis statuendum esset de sacris libris, catechismo, missali et breviario, edendis atque emendandis, edito jam, Deo ipso annuente, ad populi eruditionem, catechismo, et ad débitas Deo persolvendas laudes breviario, castigato, omnino ut breviario missale responderet, ut congruum est, et conveniens (cum unum in Ecclesia Dei psallendi modum, unum Missae celebrandae ritum esse maxime deceat), necesse jam videbatur, ut quod reliquum in hac parte esset, de ipso nempe missali edendo, quam primum cogitaremus.

Quare eruditis delectis viris onus hoc demandandum duximus, qui quidem diligenter collatis omnibus cum vetustissimis nostrae Vaticanae bibliothecae, aliisque undique conquisitis, emendatis, atque incorruptis codicibus, nec non veterum consultis ac probatorum auctorum scriptis, qui de sacro eorumdem Rituum instituto monumenta nobis reliquerunt, ad pristinam missale ipsum Sanctorum Patrum normam ac ritum restituerunt. Quod recognitum jam, et castigatum mature adhibita consideratione, ut ex hoc instituto, cœptoque labore fructus omnes percipiant, Romae quam primum imprimi, atque impressum edi mandavimus, nempe ut sacerdotes intelligant, quibus precibus uti, quos ritus, quasve caeremonias in missarum celebratione retinere posthac debeant. Ut autem a sacrosancta Romana ecclesia, caeterarum ecclesiarum matre et magistra tradita ubique amplectantur omnes, et observent, ne in posterum perpetuis futuris temporibus in omnibus christiani orbis provinciarum patriarchalibus, cathedralibus, collegiatis, et parochialibus, saecularibus et quorumvis ordinum et monasteriorum, tam virorum quam mulierum, etiam militiarum regularibus, ac sine cura ecclesiis, vel capellis, in quibus missa conventualis alta voce cum choro, aut demissa celebrari juxta Romanae ecclesia; ritum consuevit, vel débet, alias quam juxta Missalis a nobis editi formulam, decantetur aut recitetur, etiamsi eaedem Ecclesiae quovis modo exemptae apostolicas Sedis indulto, consuetudine, privilegio, etiam juramento, confirmatione apostolica, vel aliis quibusvis facultatibus munitae sint, nisi ab ipsa prima institutione a Sede apostolica approbata, vel consuetudine quas vel ipsa institutio super ducentos annos missarum celebrandarum in eisdem ecclesiis assidue observata sit, a quibus, ut praefatam celebrandi constitutionem vel consuetudinem nequaquam auferimus, sic si Missale hoc, quod nunc in lucem edi curavimus, iisdem magis placeret, de episcopi vel praelati, capitulique universi consensu, ut quibusvis non obstantibus, juxta illud missas celebrare possint permittimus, ex aliis vero omnibus ecclesiis praefatis eorumdem missalium usum tollendo , illaque penitus et omnino rejiciendo.

Ac huic Missali nostro nuper edito, nihil unquam addendum, detrahendum, aut immutandum esse decernendo, sub indignationis nostrae pœna,

 

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hac nostra perpetuo valitura constitutione statuimus et ordinamus. Mandantes, ac districte omnibus et singulis ecclesiarum praedictarum patriarchis, administratoribus, aliisque personis quacumque ecclesiastica dignitate fulgentibus, etiamsi sanctas Romanae ecclesiae cardinales, aut orjusvis alterius gradus et praeeminentiae fuerint, illis in virtute sanctae obedientiae praecipientes, ut casteris omnibus rationibus et ritibus ex aliis missalibus quantumvis vetustis hactenus observari consuetis, in posterum penitus omissis, ac plane rejectis, missam juxta ritum, modum, ac normam, quas per Missale hoc a nobis nunc traditur, décantent ac legant, neque in missae celebratione alias caeremonias vel preces, quam quae hoc Missali continentur, addere vel recitare praesumant. Atque ut hoc ipsum Missale in missa decantanda aut recitanda in quibusvis ecclesiis absque ullo conscientiae scrupulo, aut aliquarum pœnarum, sententiarum et censurarum incursu posthac omnino sequantur, eoque libere et licite uti possint et valeant, auctoritate apostolica, tenore praesentium, etiam perpetuo concedimus et indulgemus. Neve praesules, adminstratores, canonici, capellani, et alii quocumque nomine nuncupati presbyteri, saeculares, aut cujusvis ordinis regulares, ad missam aliter quam a Nobis statutum est, celebrandam teneantur; neque ad missale hoc immutandum a quolibet cogi et compelli.

Praesentesve litteras ullo unquam tempore revocari aut moderari possint, sed firmae semper et validae in suo existant robore, similiter statuimus et declaramus.

Non obstantibus praemissis, ac constitutionibus et ordinationibus apostolicis, ac in provincialibus et synodalibus conciliis editis, generalibus vel specialibus, constitutionibus et ordinationibus, nec non ecclesiarum praedictarum usu longissima et immemorabili praescriptione, non tamen supra ducentos annos roborato, statutis et consuetudinibus contrariis quibuscumque.

Volumus autem, et eadem auctoritate decernimus, ut post hujus nostrae constitutionis, ac Missalis editionem, qui in Romana adsunt Curia presbyteri, post mensem ; qui vero intra montes, post très ; et qui ultra montes incolunt, post sex menses, aut cum primum illis Missale hoc propositum fuerit, juxta illud missam decantare vel legere teneantur.

Quod ut ubique terrarum incorruptum , ac mendis et erroribus purgatum praeservetur, omnibus in nostro et S. R. E. dominio, médiate vel immédiate subjecto commorantibus impressoribus , sub amissionis librorum ac centum ducatorum auri Caméras apostolicas ipso facto applicandorum, aliis vero in quacumque orbis parte consistentibus, sub excommunicationis latas sententias, et aliis arbitrii nostri pœnis, ne sine nostra, vel specialis ad id apostolici commissarii in eisdem partibus a Nobis constituendi, ac nisi per eumdem commissarium eidem impressori Missalis exemplum , ex quo aliorum imprimendorum ab ipso impressore   erit   accipienda   norma, cum   Missali   in   Urbe   secundum

 

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magnam impressionem impresso collatum fuisse, et concordare nec in ullo penitus discrepare, prius plena fides facta fuerit, imprimere vel proponere vel recipere ullo modo audeant vel praesumant, auctoritate apostolica et tenore praesentium similibus inhibemus.

Verum quia difficile esset praesentes litteras ad quasque christiani orbis loca deferri, ac primo quoque tempore in omnium notitiam perferri, illas ad Basilicas Principis Apostolorum, ac Cancellariœ apostolicae, et in acie Campi Flora?, de more publicari et affigi, ac earumdem litterarum exemplis, etiam impressis, manu alicujus publici tabellionis subscriptis, nec non sigillo personas in dignitate ecclesiastica constitutoe munitis, eamdem prorsus indubitatam fidem ubique gentium et loco-rum haberi praecipimus, quas praesentibus haberetur, si ostenderentur vel exhiberentur.

Nulli ergo, etc.

Datum Romae, apud Sanctum Petrum, anno Incarnationis Dominicas millesimo quingentesimo septuagesimo, pridie Idus Julii, Pont, nostri anno quinto.

 

NOTE C

 

Decanus et Facultas theologiae scholae Parisiensis, venerabilibus viris ac dominis Decano et Ganonicis ecclesias Suessionensis, salutem :

Honorandi viri, his diebus intelleximus Breviaria quasdam nuper cura Reginaldi Chaudiere excusa clericis diœcesis vestrae tradita esse in quibus pleraque extrariea et a communi Ecclesiae usu aliena contineri nobis ex eorum inspectione certo constitit. Quod profecto odiosum schisma et perniciosum in ecclesiam Gallicanam (ni celerius occurratur), facile potest inducere. Quod si contingeret vestro nomini alias glorioso nota inureretur quae vix saeculis multis posset aboleri ; vestrum itaque erit tanto malo priusquam latius serpat, obsistere. Venerabilem Coetum vestrum Ecclesiae commodis insudantem Dominus conservet. Datum in nostra Congregatione apud Collegium Sorbonae ad hoc specialiter convocata, die Sabbati, 24 Julii, anno Domini 1529. (D'Argentré, Collectio judiciorum, tom. II, p. 77.)

 

NOTE D

 

Anno Domini 1548, die prima mensis Martii.... Titulus novi breviarii Aurelianensis, suspectus est et erroneus, et quae fuerunt expuncta ex veteri, neque vana sunt, neque inutilia, neque piarum aurium. et doctarum offensiva. Quod christianus lector sequentibus facile cognoscet. In primis ex dicto veteri Breviario subtrahuntur a certis feriis, in quibus dicitur dieta, preces in illis post laudes et vesperas et alias Horas dici consuetae. In aliis feriis, in quibus dicitur dieta, dicuntur quidem hujusmodi preces   post laudes et  vesperas, sed a  reliquis  locis adimuntur,

 

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fol. 52. A precibus vero per Quadragesimam dicendis auferuntur Psalmi poenitentiales,   qui antea  post Psalmum  Miserere,  dicebantur. Insuper subtrahuntur  a  Sanctorum  festis   multas   lectiones  matutinarum,   vel omnino,  vel ex parte. Ita ut e festis novem   lectionum   aliquando festa trium   lectionum  fiant, et e festis trium lectionum fiant festa simplicis memoriae.   Ubi  autem praedicta festorum mutatio non  fit, nihilominus tolluntur plerumque  lectiones aliquot matutinarum, vel ex ipsis festis, vel ex octavis eorumdem.  Tolluntur,  inquam,  modo integras, modo in parte concisae,  fitque concisio  nunc in  principio lectionis. Unde voca-bulum istud, Beatus, vel Beatissimus praeciditur. Quod tamen in exordio Legendœ Sanctorum, ad Dei laudem et ipsorum laudem propriis nominibus anteponi  consueverat. Aliquando concisio fit in medio, aliquando in fine; in quibus et aliis plerisque locis nonnulla auferuntur Sanctorum miracula, quandoque operum merita, nonnumquam Sanctorum invocationes, ut videre est a secundo folio partis hyemalis usque ad secundum, et in  plerisque  aliis  locis. Ad haec nonnulla expunguntur quae maxime facere   videbantur  ad   Sacramentum   Eucharisties,   Confirmationem, ut perspicuum est  ex historiis BB. Gregorii, Benedicti, Ambrosii, et Marias AEgyptiacae.  Multa sunt et alia subtracta, quas ad veram Christi religionem plurimum conducebant,  ut sunt jejunia, carnis maceratio, sanctorum Templorum fundationes et dotationes eorum. Haec patent in festis SS.   Antonii, Ludovici, Genovefas,  et  aliorum  multorum.   Item si qui Sancti  in   Officiis   suarum   festivitatum   habebant    proprios   hymnos, proprias antiphonas, aliave suffragia, illis plerumque resecatis, ad Commune recurrendum esse annotatur.   Quod  similiter  nonnunquam fit in lectionibus.   Id autem  fieri    deprehendere   licet  non  tantum   in   aliis, verum etiam in eis festivitatibus, quas Aurelianensis ecclesias peculiares sunt. Quare timendum est, ne christianorum devotio erga Sanctos,  quibus magis  afficiebatur, quando  peculiaria  eorum merita et virtutes seu legebat, seu recenseri audiebat, tandem imminuatur, vel prorsus depereat, Quapropter tot et tantas mutationes, ac subtractiones factas sunt, et praesertim earum rerum, quae ad fidei et morum aedificationem et ad haeresium destructionem, hac nostra tempestate certo deploranda vigentium, conducebant. Videtur dicti Breviarii nova ista mutatio imprudens, temeraria, et scandalosa, neque carens suspicione favendi  haereticis. Quod si sint aliqua  vana   et  inutilia  in  veteri,  ut  dicunt  novi   concinnatores Breviarii, illa ostendant et proferant, et de his censebit Facultas.

Datum in nostra Congregatione generali per juramentum celebrata apud sanctum Mathurinum, prima die mensis Martii, 1548. (D'Argentré, ibidem, pag. 160.)

 

NOTE E

 

Die Mercurii, II mensis Maii, 1583.

 

Cum ob raritatem exemplarium breviarii et missalis Parisiensis, antea saepius extitisset tractatum de utroque  novas impressioni   committendo,

 

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in necessitate ecclesiarum diœcesis Parisiensis magis urgente a biennio, ex parte reverendi domini episcopi Parisiensis in hoc Capitulo relata : nonnulli viri scientia ac pietate eminentissimi rite delecti essent, qui restitutioni et reformationi in hoc non immerito desiderata providerent : cui rei tanta fuerit per ipsos adhibita diligentia, ut prior pars Breviarii ferme absoluta sit, ulteriusque reliqua progressa fuisset, nisi opus remo-ratum esset, a pluribusque optatus usus Romanus ex sacrosancti concilii Tridentini decreto restitutus, cum certis aliis causis accedentibus. Quibus omnibus per dictum reverendum dominum Parisiensem episcopum pro suas diligentias pastoralis provida, et sapienti functione in hoc Capitulo propositis, ipsorumque Dominorum Decani et Capituli consilio super hoc exquisito : certa tandem die specialis convocationis ob id de more indicta; in primis attenta antiquitate breviarii et missalis Parisiensis ex decretali novissimi usus Romani permissa, deinde caeremoniis ac ritu, in quibus ecclesia Parisiensi prae cœteris Galliae, atque adeo totius fere orbis christiani ecclesiis hune usque claruit, et ab omnibus videntibus et audientibus in summa admiratione, non sine gloria Dei habetur, multis denique aliis considerationibus ; ex parte dominorum decani et Capituli deputati essent ex ipsis, qui deliberatio-nem referrent ad dictum reverendum dominum, ipsumque rogarent veterem usum istis de causis in sua ecclesia continuari. In cujus absentia, hujusmodi deliberatione domino generali vicario ipsius communicata, ac perpensis omnibus aliis quas in hac parte perpendanda et consideranda erant : ex parte dominorum decani et Capituli existimatum est breviarium et missale Parisiense convenientius retineri in ipsa ecclesia Parisiensi, ac typis demandari, utroque prius rite purgato ac restituto per dominos ad hoc jam deputatos, ipsosque ut id maturius et absque ullo obstaculo fiât, cum omni honesta instantia rogari a dominis cantore, et LePrévost, delegatis, restitutionem per illos nuper incœptam ab omnibus magnopere laudandam ad similem exitum etiam atque etiam desideratum perducere. (Preuves des Libertés de l’Eglise gallicane, tom. II, p. 1140.)

 

NOTE F

 

Deus optimus maximus semper gavisus et usus est varietate, ut patet in ipsa creatione in qua diversitate delectatus est. Hic enim ejus potens et sapiens providentia patet ex concentu et harmonia rerum diversarum atque contrariarum.

Hoc pugnat cum ratione et cum fide per charitatem operante. Nam ratio inferior debet consentire cum ratione aeterna, quas diversitatem in conditione universi posuit a principio, ut sit concordia discors : ut etiam magis excitemur ad virtutem, cum ejus plura exempla proponuntur : ut Deus magis laudetur in multitudine et varietate mirabilium ipsius. Hoc minueret Dei optimi max. gloriam, Sanctorum cultum, et christianorum aedificationem exemplariam.

Hoc valde minuit episcoporum et diœceseon auctoritatem.

 

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Qui hoc promovent non sunt viri simplices, et devoti, seu spiritales, sed astuti, politici, qui ex re qualibet, quolibet modo rem suam mundanam conantur facere. Astitit Regina a dextris sponsi circumamicta varietate.

Ut omnis novitas est suspecta, ita talis mutatio magna non potest esse sine detrimento magno.

Hoc foveret cantorum et Ecclesia; servitorum inobedientiam atque dissolutionem, quum omnium Ecclesiarum unum esset et idem Officium.

Quot sumptus necessarii essent ? Rustici non possent juvare suos curatos in Officio agendo : hoc autem maxime est necessarium in pagis.

Spiritus Sanctus fecit loqui magnalia Dei omnibus linguis (Act. 11). Quod est argumentum diversitatis in Officio in Ecclesia, ut in universo et in membris corporis humani cernitur.

Nobis sapientia, prudentia, virtute, et donis Sancti Spiritus excellentiores fuerunt antiqui sancti Patres, qui justis de causis singulis diœcesibus singula concesserunt et ordinaverunt breviaria. Miretur ergo Gallia suum Marcellum, dum miratur suum Sylvestrum Roma.

Talis immutatio haereticos juvaret atque delectaret, quasi in errore aut inscitia fuissent Patres catholici in re tanta. Hoc esset scandalum piis catholicis qui hoc pacto possent dubitare de ipsa fide et religione, cujus consuetam professionem ita immutatam cernerent. Quid hoc affert utilitatis ?

Reliqui episcopi habent potestatem politiae et ordinationis in suis diœcesibus, ut Romanus in sua : hoc autem bona ex parte convelleretur.

Ad quid amplexaretur breviarium Romanum, quod a paucis annis ter immutatum et derelictum vidimus? Succedente alio papa, novum erit forsan breviarium expectandum.

Hoc est contra libertatem ecclesiae Gallicanae, quae si Romanae in hac professione generali et maxima se submittat, quid restat nisi quod etiam ex consequenti saepe submittet in reliqua omni politia? Nam accessorium sequitur principale.

Semper unaquaeque ecclesia et provincia gavisa est suis ritibus, juxta illud :

 

Si fueris Romœ, Romano vivito more;

Si fueris alibi, vivito sicut ibi.

 

Ecclesiae pagorum saspe non sequuntur ordinationem suas cathedralis, et cathedrales sequerentur Breviarium Romanas ecclesiae.

Avari et semper ambitiosi Romani sic rem suam facere provident ex impressione, sicut videmus jam factum ex privilegiis multis ad hanc rem spectantibus.

Corrigantur, et tamen   valde prudenter, et non curiose  aut scrupulose

 

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nimis, si quae indigent correctione in breviariis diœceseon, non autem deserantur.

Hinc praedicatores et curati non tam facile populum docerent, ignorantes Legendas multorum Sanctorum particularium, particularibus locis magis celebrium et cognitorum.

Ubi Deus Opt. Max. dedit Sanctos, ibi quoque vult per illos invocari a fidelibus populis : sicut voluit rogare a filiis Israël per patres illorum Abraham, Isaac et Jacob. Retineantur ergo breviaria singularum diœceseon.

Si abjiceretur cultus particularium Sanctorum, qui sunt in tanto et prope infinito numero, non ita juvaretur per illos Ecclesia. Nam rogati et laudati rogant atque juvant : ideo ordinavit Ecclesia per Spiritum Sanctum illos in locis suis particularibus celebrari.

Quum adhuc Ecclesia nascens et spiritus doctrinae fervens in unum congregabatur, unusquisque suam particularem devotionem afferebat (I Cor. 14) ; quanto magis ergo ipsis per universum orbem dispersis, unaquaeque parochia, vel saltem dicecesis, suam et devotionem et precandi formam retinebat, semper tamen ordinate ? Hic terra diversorum fructuum arbores et semina nutrit.

Non major est ratio quod omnes sacerdotes ubique dicant unum breviarium, quam quod omnes laïci unam tantum orationem Deo Opt. Max. offerant.

Deus Opt. Max. qui decimis et primitiis vult recognosci, non magis vult talia sibi orferri ex iis fquas nascuntur in singulis provinciis (non enim omnis omnia fert tellus), quam desiderat coli et laudari ex mirabilibus quae contulit et operatus est per singulos et particulares Sanctos singularum et particularium provinciarum.

Quid inde provenit, nisi Romana;, non dico religionis, sed superbiae et ambitionis auctio ? Non cedat crista Gallica Romano supercilio, non enim hic de religione, sed de superbia astuta agitur. Ubi enim minus quam Romae conciliorum œcumenicorum decreta observantur? An non est hoc in Gleris dominari magis, quam Ecclesiam aedificare ? Dixit Antiquitas quod major est Orbis Urbe : hic vero Urbs Orbem tentat complecti et sibi subjicere.

Hic latet anguis in herba hoc suspecto maxime, astuto et malo tempore. Videntur ergo qui mutant tempora et leges (Daniel, VIII). Monet Christus (Matt. XXIV) eum solum qui usque ad finem perseveraverit salvum fore. Perseverantia autem non est obstinatio novitatis prophanae, sed antiquitatis religiosa continuatio.

Non propter vitandos sumptus temporales, admittatur ignominiosa et detrimentosa plaga spiritualis.

In Ecclesia triumphante in cœlo (ad cujus exemplar et similitudinem in terra cuncta debent fieri), ut cordium, ordinum et graduum variae, ita et diversae sunt laudum et coronarum formas.

Non putamus abesse ab impietate, illorum memoriam in terris sepelire,

 

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quorum nomina scripta sunt in libro vitae et in cœlis gloriosa. Hoc autem fieret, si particularium diœceseon particularia breviaria tollerentur. Non enim satis est eos in scriptis retineri, nisi et honorifice in ecclesiis recitentur.

Hoc non vult Concilium, nec intendit Papa, sed Papae adulatores suis propriis utilitatibus, cum religionis amplitudinis detrimento, inservientes.

Si recipiatur Romanum breviarium, aut bona pars ejus amittetur, aut infinitae devotionum particularium ad celebritatem singulorum Sanctorum in illo Breviario omissorum : deserentur fundatores, et Officia in quibus obligantur, cum summa injustitia, ecclesiae particulares. Monachi suum retineant breviarium : et suo utantur cum decoro hierarchici pastores.

Qui hoc persequuntur , alii sumptum timent , alii adulantur et lucrum sperant, alii vero occulte et astute cultum et splendorem catholicas professionis imminuere, et Ecclesiam catholicam turbare intendunt.

Hoc propositum convellit, non sine magno religionis detrimento, consuetudines et traditiones ecclesiasticas, quod non potest fieri sine catholicorum scandalo, atque haereticorum elatione, qui gloriabuntur nostram talem immutationem esse argumentum praecedentis erroris atque inscitias in religionis catholicas professione, idem concludendo de ejus persuasione et doctrina : talis ergo immutatio hoc maxime fieret tempore imprudenter, atque periculosissime.

Hic episcopi in suis diœcesibus, si intelligunt quod sunt, habent potestatem orationis modum constituendi, sicut Papa in Romana diœcesi et ecclesia (hoc enim sonat et significat vocabulum Pontifex, Hebr. cap. V, et IX); alioqui fierent Papae  capellani. (Preuves des Libertés de l'Église gallicane. Ibidem.)

 

NOTE G

 

Jam vero, cum sacri ritus et caeremonias, quibus Ecclesia a Spiritu Sancto edocta ex apostolica traditione, et disciplina utitur, in sacramentorum administratione, divinis officiis, omnique Dei, et Sanctorum veneratione, magnam christiani populi eruditionem, veraeque fidei protestationem contineant, rerum sacrarum majestatem commendant, fidelium mentes ad rerum altissimarum meditationem sustollant et devotionis etiam igne inflamment,cupientes filiorum Ecclesia; pietatem et divinum cultum sacris ritibus, et caeremoniis conservandis, instaurandisque magis augere; quinque itidem cardinales delegimus, quibus haec praecipue cura incumbere debeat, ut veteres ritus sacri ubivis locorum, in omnibus Urbis, orbisque ecclesiis, etiam in capella nostra pontificia, in missis, divinis officiis, sacramentorum administratione, cœterisque ad divinum  cultum pertinentibus,   a quibusvis  personis diligenter observentur,

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caeremonias si exoleverint, restituantur, si depravatae fuerint, reformentur, libros de sacris ritibus, et caeremoniis, imprimis Pontificale, Rituale, Caeremoniale, prout opus fuerit, reforment et entendent, officia divina de sanctis Patronis examinent et nobis prius consultis, concedant. Diligentem quoque curam adhibeant circa Sanctorum canonizationem, festorumque dierum celebritatem, ut omnia rite, et recte, et ex Patrum traditione fiant, et ut reges et principes, eorumque oratores, aliaeque personae, etiam ecclesiasticae, ad Urbem, curiamque Romanam venientes, pro Sedis apostolicae dignitate ac benignitate honorifice more majorum excipiantur, cogitationem suscipiant, seduloque provideant : controversias de praecedentia in processionibus, aut alibi, caeterasque in hujusmodi sacris ritibus et caeremoniis incidentes difficultates cognoscant, summarie terminent et componant. (Bullarium Romanum, tom. II. Edit. Luxemb., pag. 669.)

 

NOTE H

 

Ut autem illius usus  in  omnibus christiani orbis partibus perpetuis. futuris temporibus conservetur, id ipsum Breviarium in alma Urbe nostra in eadem typographia tantum, et non alibi   imprimi  posse decerni-mus, extra Urbem vero juxta exemplar in dicta typographia nunceditur, et  non aliter, hac lege   imprimi posse permittimus,   ut nimirum typo-graphis   quibuscumque   illud  imprimere   volentibus,  id  facere   liceat, requisita tamen prius, et in scriptis obtenta, dilectorum filiorum Inquisitorum haereticae pravitatis in iis locis in quibus  fuerint, ubi vero non fuerint, Ordinariorum  locorum licentia.  Alioquin si absque hujusmodi licentia dictum Breviarium sub quacumque forma de caetero ipsi imprimere, aut bibliopolae vendere praesumpserint, typographi   et bibliopolae extra Statum nostrum ecclesiasticum existentes excommunicationis latae sententiae, a qua nisi a Romano pontifice, praeterquam in mortis articulo constituti, absolvi nequeant, in alma vero Urbe ac  reliquo Statu ecclesiastico   commorantes,  quingentorum  ducatorum   auri  de  Camera,  ac amissionis librorum, et typorum  omnium   Camerae praedictae applicandorum pœnas absque alia declaratione irremissibiliter incurrant eo ipso. Et nihilominuseorumdem Breviariorum per eos de caetero absque hujusmodi licentia imprimendorum aut vendendorum usum, ubique locorum et gentium sub eisdem pcenis perpetuo interdicimus et prohibemus. Ipsi autem Inquisitores  seu  Ordinarii locorum, antequam hujusmodi licentiam concedant, Breviaria ab ipsis typographis imprimenda, et postquam impressa fuerint, cum hoc Breviario auctoritate nostra recognito, et nunc impresso, diligentissime conferant, nec in illis aliquid addi vel detrahi permittant, et in ipsa licentia originali de collatione facta, et quod omnino concordent, manu propria attestentur ; cujus licentias copia initio, vel in calce  cujusque Breviarii semper  imprimatur : quod   si   secus   fuerint,

 

497

 

Inquisitores videlicet privationis officiorum, ac inhabilitatis ad illa et alia in posterum obtinenda, antistites vero et Ordinarii locorum suspensionis a divinis, ac interdicti ab ingressu ecclesiae, eorum vero vicarii, privationis similiter officiorum et beneficiorum suorum, et inhabilitatis ad illa et alia in posterum obtinenda, ac praeterea excommunicationis, absque alia declaratione, ut praefertur, poenas incurrant eo ipso.

(Bullarium Romanum, tom. III, pag. 149.)

 

 

 

 

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