UNITÉ DE L'ÉGLISE
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PÉTILIEN
UNITÉ DE L'ÉGLISE
CONTRE CRESCONIUS

LETTRE AUX CATHOLIQUES CONTRE LES DONATISTES ou Traité de l'Unité de l'Eglise.

 Oeuvres complètes de saint Augustin traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1869, Tome XVII. p. 316-359.

 

Traduction de M. Eug. JOLY, docteur en théologie.

 

CHAPITRE PREMIER. LE SAINT DOCTEUR ANNONCE QU'IL VA. RÉFUTER LA LETTRE DE PÉTILIEN PAR LES TEXTES DE LA SAINTE ÉCRITURE.

CHAPITRE II. ÉTAT DE LA QUESTION : OU EST L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST? LES REPROCHES DES DONATISTES, FUSSENT-ILS FONDÉS, NE PROUVENT PAS QUE LEUR SECTE SOIT LA VÉRITABLE ÉGLISE.

CHAPITRE III. POUR TROUVER LA VÉRITABLE ÉGLISE, IL FAUT INVOQUER, NON PAS LES RENSEIGNEMENTS HUMAINS, MAIS LES ORACLES DIVINS.

CHAPITRE IV. POUR APPARTENIR A L'ÉGLISE, IL FAUT ADMETTRE LES TÉMOIGNAGES DES SAINTES ÉCRITURES.

CHAPITRE V. ON DOIT ÉCARTER LES TEXTES OBSCURS ET RECOURIR A DES TEXTES CLAIRS ET PRÉCIS.

CHAPITRE VI. LE SAINT DOCTEUR MONTRE PAR LES PROMESSES FAITES A ABRAHAM, A ISAAC ET JACOB, QUE L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST DOIT REMPLIR TOUT L'UNIVERS.

CHAPITRE VII. SAINT AUGUSTIN ÉTABLIT LA MÊME VÉRITÉ PAR LES TESTES D'ISAÏE, EXPLIQUÉS PAR SAINT PAUL.

CHAPITRE VIII. LA DIFFUSION DE L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST EST MONTRÉE CLAIREMENT DANS LES PSAUMES.

CHAPITRE IX. RÉPONSE A CETTE OBJECTION DES DONATISTES LES HOMMES ONT EMPÉCHÉ LA RÉALISATION DE CES PROPHÉTIES.

CHAPITRE X. JÉSUS-CHRIST PAR SES PAROLES A CONFIRMÉ CES PRÉDICTIONS DES PROPHÈTES ET ANNONCÉ QUE SON ÉGLISE SE RÉPANDRAIT PAR TOUT L'UNIVERS.

CHAPITRE XI. JÉRUSALEM, PAR OU, SELON LA PAROLE DU SAUVEUR, DOIT COMMENCER L'ÉGLISE, EST LA VILLE DE CE NON; ET ON NE DOIT PAS L'ENTENDRE DANS UN SENS FIGURÉ. LES ACTES DES APÔTRES ET LES ÉPÎTRES MONTRENT L'ACCOMPLISSEMENT DE LA PRÉDICTION DE JÉSUS-CHRIST.

CHAPITRE XII. CONTINUATION DU MÊME SUJET.

CHAPITRE XIII. RÉPONSE A CETTE OBJECTION DES DONATISTES « LES PROMESSES DIVINES SE SONT RÉALISÉES, L'ÉGLISE S'EST RÉPANDUE DANS LE MONDE, MAIS ENSUITE L'UNIVERS A APOSTASIÉ ».

CHAPITRE XIV. LE MÉLANGE DES MÉCHANTS AVEC LES BONS NE DÉTRUIT PAS L'ÉGLISE. LES SAINTES ÉCRITURES NOUS L'ENSEIGNENT.

CHAPITRE XV. EXPLICATION DE CERTAINS TEXTES OBJECTÉS PAR LES HÉRÉTIQUES.

CHAPITRE XVI. RÉPONSE A UNE OBJECTION TIRÉE DE CE TEXTE : « DIS-MOI OÙ JE TROUVERAI CELUI QUE MON COEUR AIME ».

CHAPITRE XVII. LES SAINTES ÉCRITURES ANNONCENT QUE LES MÉCHANTS SERONT MÊLÉS AUX BONS JUSQU'À LA FIN DES SIÈCLES.

CHAPITRE XVIII. LES DONATISTES SONT CONDAMNÉS PAR LEURS INCONSÉQUENCES.

CHAPITRE XIX. LES ÉLOGES QUE SE DONNENT LES DONATISTES NE PROUVENT POINT QU'ILS SOIENT L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST. L'ÉGLISE N'EST POINT BORNÉE A UN COIN DE L'UNIVERS.

CHAPITRE XX. LES DONATISTES NE DOIVENT PAS SE PLAINDRE DES PERSÉCUTIONS DIRIGÉES CONTRE EUX. ON RÉPRIME LES VIOLENCES DES LEURS, ON CHERCHE A LES TIRER DE L'ERREUR ET A LES RAMENER A LA VÉRITÉ.

CHAPITRE XXI. CONDITIONS AUXQUELLES LES DONATISTES SERONT REÇUS DANS L'ÉGLISE CATHOLIQUE. LE BAPTÊME DE JÉSUS-CHRIST EST VALIDE, LORS MÊME QU'IL EST ADMINISTRÉ ET REÇU PAR DES HÉRÉTIQUES. MAIS, POUR ÊTRE SAUVÉ, IL FAUT, AU CARACTÈRE IMPRIMÉ PAR LE SACREMENT, JOINDRE LA FOI ET LA JUSTICE.

CHAPITRE XXII. CORRIGER CE QUI EST PERVERS, CONSERVER CE QUI EST BON.

CHAPITRE XXIII. RÉPONSE AUX OBJECTIONS DES DONATISTES, ET EXPLICATION DE PLUSIEURS TEXTES DES LIVRES SAINTS.

CHAPITRE XXIV. SUITE DU MÊME SUJET.

CHAPITRE XXV. EXHORTATION FINALE.

 

 

 

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LETTRE AUX CATHOLIQUES CONTRE LES DONATISTES ou Traité de l'Unité de l'Eglise.

 

Traduction de M. Eug. JOLY, docteur en théologie.

 

Est-ce chez les Catholiques ou chez les.Donatistes que se trouve l'Eglise? Saint Augustin s'applique à prouver aux schismatiques que l'Eglise de Jésus-Christ est répandue par tout l'univers. Il invoque tour à tour les textes les plus positifs de l'Ancien et du Nouveau Testament; réfute ceux qu'objectent les Donatistes, et repousse leurs accusations calomnieuses au sujet de la tradition des Livres Saints et des persécutions dont ils se disent les victimes. Ce traité est un chef-d'œuvre de  polémique, par la force des arguments, l'habileté de la réfutation, l'ordre et la clarté de l'ensemble. On y sent aussi l'âme ardente du saint Docteur, et son vif désir de ramener à l'unité de l'Eglise les Donatistes, qui par orgueil et par dépit s'obstinaient à demeurer schismatiques.

 

CHAPITRE PREMIER. LE SAINT DOCTEUR ANNONCE QU'IL VA. RÉFUTER LA LETTRE DE PÉTILIEN PAR LES TEXTES DE LA SAINTE ÉCRITURE.

 

1. Vous vous en souvenez, mes frères, il nous est tombé entre les mains un court fragment d'une lettre de Pétilien, l'évêque donatiste de Constantine, et nous avons envoyé à votre charité la réfutation que nous en avons faite. Mais plus tard les fidèles de cette ville nous ont adressé la lettre entière et complète, et nous avons voulu la réfuter d'un bout à l'autre, comme si nous eussions discuté avec l'auteur en personne. Vous le savez, dans nos rapports avec nos adversaires, nous écartons toute animosité, et nous tenons à ce que la discussion fasse voir clairement à tous et ce qu'ils disent et ce que nous disons à notre tour. On nous apprend que cette lettre est dans bien des mains, qu'on en confie à sa mémoire bien des passages, avec cette idée que Pétilien a raison contre nous sur plusieurs points. Si l'on veut lire ma réponse, on verra ce qu'il faut rejeter, ce qu'il faut admettre. Ce ne sont pas nos pensées que nous exprimons, comme on pourra s'en convaincre en mettant de côté l'esprit de parti. Tout ce que nous avançons, nous l'avons tiré de la sainte Ecriture ou appuyé sur ses textes ; en sorte que refuser de se rendre, c'est se déclarer l'ennemi des Livres saints. Les défenseurs obstinés d'une cause si mauvaise pourront dire, il est vrai, que je réfute cette lettre en l'absence de son auteur, qu'il n'entend point mes paroles, qu'il ne peut leur opposer sur-le-champ une réponse. Eh bien ! qu'il défende les pensées qu'il développe dans sa lettre, et s'il le peut, qu'il montre la faiblesse de ma réfutation. Ou, s'il l'aime mieux, qu'il fasse pour cette lettre ce que je fais pour la sienne, qu'il réplique à son tour. C'est aux siens qu'il adresse sa lettre, comme c'est à vous que j'envoie la mienne. Libre à lui de me réfuter.

 

 

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CHAPITRE II. ÉTAT DE LA QUESTION : OU EST L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST? LES REPROCHES DES DONATISTES, FUSSENT-ILS FONDÉS, NE PROUVENT PAS QUE LEUR SECTE SOIT LA VÉRITABLE ÉGLISE.

 

2. La question posée est celle-ci: Où est l'Eglise ? Est-ce chez nous, est-ce chez les Donatistes? — Il n'y a qu'une Eglise, l'Eglise catholique, comme nos pères l'ont appelée, pour montrer par son nom même qu'elle est universelle. Tel est en effet le sens des mots grecs : katholon. Or, l'Eglise est le corps du Christ, selon ces paroles de l'Apôtre : « Le Christ a souffert pour son corps, qui est l'Eglise (1) ». Donc, pour prétendre au salut promis aux chrétiens, il faut compter parmi les membres du Christ. C'est par les liens de la charité que les membres du Christ sont unis ensemble et qu'ils se rattachent à leur

 

1. Coloss. I, 24.

 

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chef, qui est Jésus-Christ. Une tête et un corps : ces deux mots résument tout ce que l'on peut dire au sujet de Jésus-Christ. La tête, c'est Jésus-Christ lui-même, le Fils unique du Dieu vivant, « le Sauveur de son corps (1), celui qui est mort pour nos péchés et qui est ressuscité pour notre justification (2) ». Le corps de Jésus-Christ, c'est l'Eglise, dont il est dit : « Afin qu'il se formât à lui-même une Eglise glorieuse, sans tache, sans ride, sans défaut (3) ». Or, entre les Donatistes et nous, il s'agit de savoir où se trouve ce corps, c'est-à-dire où se trouve l'Eglise. Que ferons-nous donc? Chercherons-nous l'Eglise dans nos paroles ou dans celles de son Chef, Jésus-Christ Notre-Seigneur? N'est-ce pas dans les paroles de Celui qui est la vérité et qui sait parfaitement où est son corps? « Le Seigneur, en effet, connaît ceux qui lui appartiennent (4) ».

3. Non, ce n'est point dans nos paroles que nous chercherons l'Eglise de Jésus-Christ; et cependant, examinez ce qui s'est dit de part et d'autre, et voyez combien notre langage diffère de celui de nos adversaires. Néanmoins ce n'est pas là que nous voulons chercher l'Eglise. Qu'importent, en effet, ces mutuels reproches que nous nous adressons sur la tradition des Livres saints, sur l'encens offert aux idoles, sur les persécutions dirigées contre des innocents? Et pourtant que disons-nous aux Donatistes ? Ou bien nous avons également raison de nous accuser, ou bien nous avons également tort ; ou bien c'est nous qui avons raison et c'est vous qui avez tort, ou réciproquement. Mais en toute hypothèse, que pouvez-vous reprocher à l'univers chrétien, avec lequel nous sommes en communion? Et en effet, si leurs reproches sont fondés et que les nôtres le soient aussi, suivons le précepte de l'Apôtre : «Pardonnons-nous mutuellement, comme Dieu nous a pardonné en Jésus-Christ (5) ». S'il y eut et s'il y a encore parmi nous quelques pervers, s'il y en eut et s'il s'en trouve encore parmi eux, est-ce un obstacle à la concorde, et faut-il pour cela rompre le lien de la paix? Les Donatistes qui avaient parmi eux des méchants aussi bien que nous, ne doivent-ils pas regretter le crime qu'ils ont commis en se séparant sans motif de l'unité du monde chrétien? Si

 

1. Eph. V, 23. — 2. Rom. IV, 25. — 3. Eph. V, 27. — 4. II Tim. II, 19. — 5. Eph. IV, 32.

 

les reproches que nous nous renvoyons au sujet des traditeurs ou des persécutions dirigées contre des innocents sont également peu fondées, je ne vois plus aucun motif de dispute; j'y vois au contraire une raison pour eux de se rapprocher de nous, après s'en être séparés sans aucun motif. Si le bon droit est de notre côté, comme le prouve la lettre de l'empereur auquel ils ont écrit d'abord et auquel ils en ont ensuite appelé; comme nous le faisons voir encore en restant en communion avec tout l'univers; si leurs assertions sont convaincues de mensonge; par là même qu'au moment où s'agitait la question ils n'ont pu gagner leur cause, n'y a-t-il pas là plus qu'un schisme? N'est-ce pas une animosité sacrilège et furieuse, une persécution intentée à des innocents? Cette animosité, qu'ils la rejettent, s'ils le veulent, sur quelques-uns des leurs : le schisme est l'oeuvre commune. Et, fussent-ils dans le vrai, quand ils nous accusent d'avoir livré les livres saints et d'avoir persécuté les innocents, fussent-ils eux-mêmes à l'abri d'une pareille accusation, en seraient-ils moins des schismatiques? Leurs reproches, en effet, s'adressent à des particuliers et non pas à l'univers chrétien. Le contact avec les méchants, disent-ils, a perdu l'univers. — Que de pécheurs les saints, par désir de la paix, n'ont-ils point tolérés dans la société chrétienne ! Et puis, comment se fait-il que le contact avec les méchants n'ait point perdu les Donatistes eux-mêmes? Leur société n'a-t-elle point caché, sans qu'ils l'aient su, ne cache-t-elle pas encore, sans qu'ils le sachent, de ces misérables qui attentent à la pudeur des femmes consacrées à Dieu? Nous ne les connaissons pas, diront-ils, et cela suffit pour que leur contact ne nous souille point. Et l'univers serait souillé quand il ignore encore si vos reproches sont fondés? Je suppose qu'ils le soient, que vous nous l'ayez prouvé. Les autres nations de l'univers le savent-elles ? Puisqu'elles l'ignorent, elles sont innocentes; et vous vous en séparez ! On ne peut vous en faire un reproche, dites-vous, et l'ignorance où nous laissons les peuples commence notre crime ! Faut-il donc que nous courions les avertir et leur apprendre ce que nous savons? Mais à quoi bon? Est-ce pour les sortir du péché? Mais ils sont innocents, puisqu'ils ignorent le mal qui s'est fait parmi nous. Pour demeurer juste, il n'est pas (318) nécessaire de connaître les fautes que commettent les hommes; il faut, quand on les connaît, ne pas y applaudir, et quand on les ignore, ne pas juger témérairement. Ainsi donc l'univers est innocent, puisque, quelque fondés que puissent être les griefs des Donatistes contre certains particuliers, il ne les connaît point. Ce sont eux qui ont perdu la justice, en se séparant par le schisme des autres peuples chrétiens; et, s'ils tiennent à nous persuader de la légitimité de leurs accusations contre quelques-uns des nôtres, c'est afin de nous séparer de ceux contre lesquels ils ne peuvent rien alléguer de plausible.

4. Voici le discours que leur tient l'univers ; il est bref, mais d'une accablante vérité : «Les évêques d'Afrique étaient aux prises. S'ils ne pouvaient mettre un terme à leurs dissensions, soit en apaisant, soit en dégradant ceux dont les prétentions étaient mal fondées, pour maintenir en communion avec le reste du monde, par le lien de l'unité, ceux qui avaient pour eux la justice; les évêques d'outre-mer, c'est-à-dire de la portion la plus étendue de l'Eglise catholique, devaient porter un jugement sur les dissensions de leurs collègues, et en cela céder aux instances de ceux qui reprochaient aux autres d'avoir été mal ordonnés ». Si ce jugement n'a pas été prononcé, à qui la faute ? N'est-ce pas à ceux qui devaient s'occuper de cette affaire et point du tout à l'univers, qui ignorait nos démêlés? S'il a été prononcé, peut-on blâmer les juges ecclésiastiques de n'avoir pas condamné des crimes qu'ils ne pouvaient condamner, puisque, bien que réels et déférés à leur tribunal, ils ne leur étaient pourtant point démontrés? On ne leur faisait point connaître les coupables, et il suffisait de leur contact pour les souiller 1 Supposons qu'ils les aient connus, et que par une sorte de lâcheté ou de connivence ils n'aient pas voulu les retrancher de leur communion, et que même, en juges pervers, ils aient prononcé en leur faveur, que pouvez-vous reprocher à l'univers? Savait-il que les juges étaient sans loyauté? Croyait-il qu'ils avaient prononcé un jugement inique? Pouvait-il les juger à son tour? On cite un criminel devant un tribunal, les juges le trouvent innocent; en est-ce assez pour les souiller? Eh bien ! si l'univers a ignoré le crime des juges ecclésiastiques, à supposer qu'ils l'aient commis, est-ce une raison pour que l'univers soit coupable? C'est donc avec l'univers demeuré innocent que nous sommes en communion. D'ailleurs, encore aujourd'hui, savons-nous ce qui s'est passé alors? Et le saurions-nous, apprendrions-nous aujourd'hui même que les accusations dirigées contre quelques-uns des nôtres sont fondées, nous n'y verrions pas un motif de nous séparer des chrétiens innocents, qui ignorent les crimes dont on nous accuse, et de passer du côté de ceux qui tous sont engagés dans le schisme; pourquoi ? pour avoir voulu faire ce qu'ils nous conseillent de faire, pour n'avoir pas consenti à supporter les méchants, comme les supportaient les Apôtres, et pour avoir voulu au contraire abandonner les bons à l'exemple des hérétiques. Or, admettons que l'univers, par impossible, sache avec nous jusqu'à l'évidence que les griefs des Donatistes sont fondés; l'univers en sera-t-il plus innocent ? De leur vivant ces pervers, qu'ils ne connaissaient pas, pouvaient-ils les souiller? Et maintenant qu'ils ne sont plus, comment voulez-vous qu'il suffise de les connaître pour n'être plus innocent? A s'en tenir à ce que nous disons de part et d'autre, aux reproches que nous nous adressons mutuellement, notre cause ne peut être entamée, quand même nos reproches seraient sans fondement, quand même nous viendrions à reconnaître aujourd'hui même la légitimité de leurs griefs contre quelques-uns des nôtres. Je ne vois vraiment pas ce qu'ils peuvent répondre, soit que nous ayons raison et qu'ils aient tort, soit que nous ayons tort ou raison les uns et les autres, puisqu'ils sont vaincus sur un point où ils souhaitent si vivement d'être crus.

 

 

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CHAPITRE III. POUR TROUVER LA VÉRITABLE ÉGLISE, IL FAUT INVOQUER, NON PAS LES RENSEIGNEMENTS HUMAINS, MAIS LES ORACLES DIVINS.

 

5. Mais comme je le disais tout à l'heure, ne prenons garde ni à ce qu'ils disent, ni à ce que nous disons ; prenons garde aux paroles du Seigneur. N'y a-t-il pas des Livres saints dont nous reconnaissons tous l'autorité, auxquels tous nous nous soumettons entièrement? C'est là que nous devons chercher l'Eglise ; c'est à leur lumière que nous devons discuter (319) notre cause. Ils diront peut-être : « Pourquoi recourir à ces livres que vous avez livrés aux flammes?» Voici ma réponse : Mais c'est vous qui les avez sauvés des flammes: donc, pourquoi craindre que nous les lisions ? N'est-ce pas vouloir passer pour traditeur que de s'obstiner à ne point croire ce qu'ils disent? Ces livres doivent peut-être désigner celui qui les a livrés, comme le Seigneur désigna Judas. Eh bien ! qu'ils y trouvent désignés comme traditeurs Cécilien ou ceux qui l'ont ordonné, et qu'ils décident aussi que j'ai été moi-même traditeur pour ne les avoir pas anathématisés? Nous non plus nous ne trouvons point dans ces livres que Majorin ou ceux qui l'ont ordonné aient été des traditeurs ; et, si nous le disons, c'est d'après d'autres autorités. Mettons donc de côté ces témoignages que nous invoquons les uns contre les autres, et que nous puisons ailleurs que dans les livres canoniques. Vous vous y refusez? eh bien ! admettons que nous ayons également raison, pourquoi vous séparer de nous, pourquoi nous fuir, puisque parmi vous vous avez aussi des traditeurs? Ou bien nous avons également tort dans nos reproches: pourquoi se séparer de nous ? Pourquoi fuir des chrétiens auxquels ils n'ont rien à reprocher? Si nous avons raison et qu'ils aient tort, ils devraient, au lieu de faire schisme, se corriger et demeurer dans l'unité. S'ils ont raison et que nous ayons tort, nul motif encore pour eux de nous abandonner; car ils ne devaient point se séparer de l'univers qui était innocent, et qu'ils n'ont pas voulu ou qu'ils n'ont pu convaincre de leur bon droit.

6. On me dira peut-être: Pourquoi mettre de côté nos mutuelles allégations, puisque, même en en tenant compte, vous n'avez rien à craindre pour votre communion? C'est que pour trouver la sainte Eglise je ne veux point invoquer les renseignements humains, mais les oracles divins. Si en effet les saintes Ecritures me montrent que l'Église ne se trouve qu'en Afrique ou chez quelques Cutzupitains ou à Rome, chez quelques Montanistes, ou dans la maison et le domaine d'une femme espagnole, quoi que l'on puisse me citer d'après d'autres écrits, c'est chez les Donatistes que se trouve la véritable Eglise. Si l'Écriture limite l'Église à quelques Maures de la province de Césarée, passons aux Rogatistes. Si d'après les livres saints elle est chez quelques Tripolitains et Byzacènes et chez quelques habitants de la Province, ce sont les Maximianistes qui la composent. N'existe-t-elle que chez les Orientaux, cherchons-la parmi les Ariens, les Eunomiens, les Macédoniens et autres sectes de l'Orient. Et comment énumérer les hérésies éparses dans les différentes nations? Mais n'est-ce pas d'après les témoignages divins et canoniques qu'il faut chercher l'Église parmi les nations? et alors, quoi que puissent alléguer, quelques témoignages que puissent produire ceux qui disent: « Le Christ est ici, le Christ est là », nous écouterons plutôt la voix de notre Pasteur, si nous sommes ses disciples. Il nous dit: « Ne les croyez point (1) ». Ces sectes répandues parmi les nations ne se trouvent pas là où est l'Église; et au contraire, cette Eglise universelle se trouve là même où elles sont. Nous la chercherons donc dans les Ecritures saintes et canoniques.

 

 

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CHAPITRE IV. POUR APPARTENIR A L'ÉGLISE, IL FAUT ADMETTRE LES TÉMOIGNAGES DES SAINTES ÉCRITURES.

 

7. Une tête et un corps : voilà Jésus-Christ tout entier. La tête, c'est le Fils unique de Dieu, et le corps, c'est son Eglise. Il est l'Époux, elle est l'épouse; ils sont deux dans une seule chaire. Tous ceux qui ne sont point d'accord avec l'Ecriture au sujet du Chef lui-même, ne sont point dans l'Église, quand même ils se reconnaîtraient dans les passages où l'Église est désignée. De même aussi tous ceux qui, étant d'accord avec les Ecritures sur le Chef, ne participent point à l'unité de l'Eglise, ceux-là non plus ne sont point dans l'Église. Car ils n'admettent point le témoignage de Jésus-Christ au sujet de son corps qui est l'Église. Par exemple, ceux qui ne croient pas que Jésus-Christ est né de la Vierge Marie selon la chair et de la race de David, comme il est dit manifestement dans l'Écriture; ou qu'il est ressuscité avec le même corps avec lequel il a été crucifié et avec lequel il est mort, ceux-là ne sont certainement pas dans l'Église, quand même ils seraient répandus dans tous les pays où se trouve l'Église : car ils ne sont pas attachés au chef de l'Église qui est Jésus-Christ. Ce n'est pas sur un passage obscur des livres saints qu'ils se trompent; mais ils

 

1. Matt. XXIV, 23. — 2. Eph. V, 23, 30, 31.

 

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en contredisent les témoignages les plus obscurs et les plus clairs. Ceux qui croient que Jésus-Christ, comme il vient d'être dit, est venu dans la chair et qu'il est ressuscité avec la même chair dans laquelle il est né et a souffert et qu'il est le Fils de Dieu, Dieu de Dieu, une même substance avec le Père, la parole immuable du Père, par laquelle toutes choses ont été faites ; mais qui se séparent de son corps qui est l'Eglise et ne demeurent point en communion avec ce corps répandu par tout l'univers, mais seulement avec quelque partie isolée, ceux-là non plus ne sont évidemment point dans l'Eglise catholique. La discussion entre les Donatistes et nous porte non pas sur le chef, mais sur le corps; non pas sur Jésus-Christ, notre Sauveur, mais sur son Eglise. Eh bien i que le Chef au sujet duquel nous partageons les mêmes sentiments, nous montre son corps au sujet duquel nous cessons d'être d'accord, afin que ses paroles terminent nos différends. Or, il est le Fils unique et le Verbe de Dieu, et par conséquent les saints Prophètes eux-mêmes n'auraient rien pu dire de vrai, si la Vérité même, le Verbe de Dieu, ne leur eût manifesté ce qu'ils devaient dire et ne leur eût ordonné de le dire. Donc avant Jésus-Christ, c'est la voix des Prophètes qui. fit retentir le Verbe de Dieu; il retentit ensuite par sa propre voix, « lorsqu'il se fut fait chair et qu'il eut habité parmi nous (1) », puis par la voix des Apôtres, qu'il envoya comme ses prédicateurs (2), afin que le salut fût annoncé jusqu'aux extrémités du monde. C'est dans toutes ces manifestations du Verbe de Dieu qu'il faut chercher l’Eglise.

 

 

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CHAPITRE V. ON DOIT ÉCARTER LES TEXTES OBSCURS ET RECOURIR A DES TEXTES CLAIRS ET PRÉCIS.

 

8. Mais souvent il arrive que ce qui était dit pour les uns et dans un certain but on le rapporte malicieusement à d'autres, on le tourne contre d'autres selon le caprice. Il arrive aussi que bon nombre de passages figurés et obscurs, sortes d'énigmes destinées à exercer les âmes spirituelles et donnant lieu à un double sens, on les croie se prêter et convenir à une fausse interprétation. Je déclare donc et je préviens que je choisirai les passages clairs et manifestes. Si nous n'en trouvions

 

1. Jean, I, 14. — 2. Matt. XXIII, 19, 20.

 

pas dans les saintes Ecritures, comment découvrir ce qui est caché ou éclaircir ce qui est obscur? Voyez, par exemple, comme il nous serait facile d'appliquer aux Donatistes, ou aux Donatistes de nous appliquer ce que     , dit le Seigneur aux Pharisiens : « Vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui à l'extérieur offrent un aspect brillant, mais qui à l'intérieur sont remplis d'ossements et de pourriture; de même vous offrez aux hommes une apparence de justice, mais à l'intérieur vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquité (1) ». Suffit-il de nous adresser ces reproches ? Ne faut-il pas montrer par des preuves bien claires quels sont ces hommes injustes qui veulent passer pour justes? Tout homme sensé dira qu'en agir autrement, c'est le fait d'une outrageante légèreté, et non point d'une sincérité qui porte la conviction. Le Seigneur s'exprimait de la sorte contre les Pharisiens, parce qu'il était le Seigneur; c'est-à-dire parce qu'il connaissait les coeurs, parce qu'il pénétrait et jugeait les plus secrètes pensées des hommes. Pour nous, il nous faut trouver les griefs et les démontrer, si nous ne voulons encourir le reproche si grave d'une folle témérité. Qu'ils justifient donc leurs accusations, et alors nous consentirons à nous entendre appliquer ces reproches terribles et écrasants. Si à notre tour nous leur prouvons qu'ils sont coupables, nous serons en droit, après les avoir convaincus, de les accabler des reproches qu'adresse le Sauveur aux Pharisiens.

9. Mettons donc de côté tous les textes obscurs -et dont le sens est caché sous le voile des figures, puisqu'ils peuvent s'interpréter à leur avantage et au nôtre. Les esprits déliés peuvent juger et discerner quelle est la meilleure interprétation. Mais dans une cause qui tient les peuples en suspens, nous ne voulons pas que le sort de la discussion dépende de ces luttes d'esprit. Tous nous convenons que l'arche de Noé, qui devait sauver du déluge la famille du juste, après la destruction des pécheurs, était une figure de l'Eglise. Ce serait peut-être une simple conjecture de l'esprit humain, si l'apôtre saint Pierre ne nous le disait dans une épître (2). Mais il est une chose que saint Pierre ne dit pas, c'est que toutes les espèces d'animaux se trouvaient dans l'arche, pour figurer qu'un jour l'Eglise

 

1. Matt. XXIII, 27, 28. — 2. I Pierre, III, 20, 21.

 

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comprendrait tous les peuples. Que nous.le disions, nous, les Donatistes seront peut-être d'un autre avis, et interpréteront cette circonstance d'une autre manière. Que de leur côté ils veuillent interpréter en leur faveur quelque passage obscur et à double sens, il nous plaira peut-être, à nous, de l'expliquer selon l'intérêt de notre cause. Y aurait-il une fin à nos disputes ? Un de leurs évêques, à ce que l'on nous a dit, se trouvant à Hippone et s'adressant au peuple, a soutenu que l'arche de Noé était enduite de bitume à l'intérieur, pour ne point perdre l'eau qu'elle contenait, et à l'extérieur pour n'en point recevoir du dehors. A quoi tendait cette explication? Ne voulait-il pas faire entendre que le baptême ne peut sortir de l'Eglise ; ou que donné hors de l'Eglise, on ne doit point le regarder comme valide ? On a cru qu'il disait vrai; on a applaudi; on se plaisait à l'entendre, sans réfléchir à ce que l'on entendait, autrement il eût été facile de remarquer qu'une cloison qui ne livre point passage à l'eau par l'intérieur ne peut la laisser pénétrer du dehors, et que, si elle donne issue à l'eau de l'intérieur, elle laissera pénétrer celle du dehors. Mais quand même ce qu'il dit d'une cloison serait exact, qui m'empêchera de donner un autre sens à cette circonstance du bitume qui enduit l'arche en dedans et en dehors; et alors où sera la vérité? Est-ce dans son explication, est-ce dans la mienne, est-ce dans une troisième qu'un autre donnera ? Il n'est pas déraisonnable de penser, on peut même regarder comme beaucoup plus probable que le bitume, qui colle si fortement et qui est si brûlant, figure la charité. Pourquoi est-il dit dans le psaume :      « Mon âme s'est pour ainsi dire collée à toi (1) ? » N'est-ce point parce que la charité est ardente ? La charité, nous devons, selon le commandement de Dieu, la pratiquer les uns à l'égard des autres et envers tous les hommes; et voilà pourquoi l'arche était enduite de bitume en dedans et en dehors. Du moins il est écrit : « La charité supporte tout (2) »; et c'est cette force de tout supporter, véritable lien de l'unité, qui est signifiée par le bitume dont l'arche était enduite au dedans et au dehors car il faut supporter les méchants au dedans et au dehors, pour ne point briser le lien de la paix. Donc, dans cette discussion n'ayons

 

1. Ps. LXII, 9. — 2. I Cor. XIII, 7.

 

point recours à de semblables interprétations; cherchons des textes si clairs qu'ils nous découvrent manifestement l'Eglise de Jésus-Christ.

10. Il est écrit au livre des Juges : « Et Gédéon dit au Seigneur: Puisque vous sauverez Israël par ma main, comme vous me l'avez promis, voici que j'étends sur le sol ma toison de laine, et s'il s'y forme de la rosée, quand toute la terre sera sèche, je saurai que vous sauverez Israël par ma main, comme vous l'avez dit. Et c'est ce qui arriva. Gédéon veilla toute la nuit jusqu'au matin, et ensuite il pressa la toison, et il en découla assez de rosée pour remplir un bassin. Gédéon dit encore au Seigneur : Que votre fureur ne s'allume point contre moi, Seigneur. Je parlerai encore une fois, et je vous tenterai encore par cette toison : Que la toison demeure sèche, et que toute la terre soit couverte de rosée. Et Dieu fit ce prodige cette nuit-là encore, et la toison demeura sèche, et toute la terre fut couverte de rosée (1) » . Que figure ce récit et que représente-t-il? Le sol n'est-il point l'univers, et le lieu de la toison, n'est-ce point le peuple d'Israël? Nous le savons en effet, ce peuple fut autrefois inondé de la grâce des promesses divines, comme d'une rosée céleste; au lieu que toutes les nations d'alentour, privées de ce bonheur, étaient comme desséchées. Or, chez le peuple juif, ce présent était comme sur une toison, c'est-à-dire sur un voile et comme dans le nuage des promesses, parce que le secret de Dieu ne lui avait pas encore été révélé. Mais aujourd'hui nous voyons l'univers inondé de la rosée de la révélation divine par l'Evangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que figurait la toison de Gédéon; et cette nation, maintenant privée du sacerdoce qu'elle possédait, nous apparaît comme assise sur une toison desséchée, pour n'avoir point compris le Christ dans les Ecritures. Ce n'est pas néanmoins dans de pareilles figures que je veux chercher l'Eglise, bien que pourtant elle y soit évidemment représentée. Oui, écartons les textes qui ont besoin d'interprétation, quand même cette interprétation serait facile; non pas qu'on arrive à de fausses conclusions, en les tirant, comme nous avons fait, de textes qui les enveloppent, pour ainsi dire; mais enfin ces textes demandent une explication, et.je ne veux pas qu'ils servent comme d'exercice à nos esprits. Non, mais au contraire que

 

1. Jug. VI, 36-40.

 

322

 

la vérité elle-même se montre et parle bien haut, qu'elle brille de tout son éclat, qu'elle s'élance dans les oreilles les mieux fermées, qu'elle frappe les yeux des hypocrites ! Que personne ne puisse trouver une retraite pour y abriter sa fausse doctrine, mais que la vérité confonde tous les efforts de la contradiction, qu'elle brise toute l'audace des impudents.

 

 

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CHAPITRE VI. LE SAINT DOCTEUR MONTRE PAR LES PROMESSES FAITES A ABRAHAM, A ISAAC ET JACOB, QUE L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST DOIT REMPLIR TOUT L'UNIVERS.

 

11. O Donatistes, lisez la Genèse : « J'ai juré par moi-même, dit le Seigneur : Parce que tu as écouté ma parole, et que, à cause de moi, tu n'as pas épargné ce Fils que tu chérissais, je te bénirai, je multiplierai ta postérité ; elle sera aussi nombreuse que les étoiles du ciel, que les grains de sable qui couvrent, le rivage de la mer ; elle possédera comme son héritage les cités de tes ennemis, et dans ta race toutes les nations seront bénies, parce que tu as écouté ma voix (1) ». Que direz-vous à cela? Rivaliserez-vous de perversité avec les Juifs et prétendrez-vous comme eux que par la postérité d'Abraham il faut entendre seulement le peuple issu d'Abraham selon la chair? Mais, si les Juifs ne lisent point l'apôtre saint Paul dans leurs synagogues, vous le lisez dans vos assemblées. Ecoutons donc ce que dit cet apôtre. Il s'agit en effet de savoir ce qu'il faut entendre par la postérité d'Abraham. «Mes frères », dit-il, « je parle le langage des hommes ; toutefois on n'annule point, on ne réforme point le Testament d'un homme, quand une fois il est confirmé. Des promesses ont été faites à Abraham et à sa race. Il ne dit pas : Et à ses races, comme s'il s'agissait d'un grand nombre ; mais au singulier: Et à sa race, qui est le Christ (2)». Voilà donc cette race dans laquelle seront bénies toutes les nations. Voilà le Testament de Dieu : ouvrez les oreilles. « On n'annule point », dit l'Apôtre, « on ne réforme point le Testament d'un homme, quand une fois il est confirmé ». Pourquoi donc annulez-vous le Testament de Dieu, en disant qu'il ne s'est point accompli pour toutes les nations, et qu'il n'a plus son effet chez les

 

1. Gen. XXII, 16-18. — 2. Gal. III, 15, 16.

 

peuples où était la race d'Abraham? Pourquoi le réformez-vous en disant que le Christ n'a recueilli nulle part d’héritage promis par Dieu, si ce n'est là où Donat a pu le recueillir avec lui? Nous ne savons ce que c'est que l'envie. Ce que vous dites là, montrez-le-nous dans la loi, dans les Prophètes, dans les psaumes, dans l'Evangile même, dans les épîtres des Apôtres, et nous vous croyons; oui, montrez-le-nous, comme nous vous faisons voir dans la Genèse et dans l'apôtre saint Paul que toutes les nations sont bénies dans la race d'Abraham, qui est le Christ.

12. Ecoutez le même Testament adressé à Isaac, fils d'Abraham : « Il y eut une famine sur la terre, outre la famine qui eut lieu du temps d'Abraham. Or, Isaac alla trouver Abimélech, roi des Philistins, à Gerara ; et le Seigneur lui apparut et lui dit: Ne descends pas en Egypte, mais demeure dans la terre que je t'indiquerai; reste dans cette terre, et je serai avec toi et je te bénirai. Car je te donnerai toute cette terre à toi et à ta race; et je te ferai le serment que je fis à ton père Abraham ; et je te donnerai des descendants aussi nombreux que les étoiles du ciel; et je te donnerai toute cette terre à toi et à ta race; et toutes les nations de la terre seront bénies en ta race, parce que Abraham, ton père, entendit ma voix, observa mes préceptes, garda ma justice et mes lois (1) ». Que pouvez-vous objecter? La race d'Isaac, n'est-ce pas la même que celle d'Abraham, c'est-à-dire Jésus-Christ? Y a-t-il un chrétien, quel qu'il soit, qui ne sache que le Christ selon la chair a pris naissance dans le sein d'une vierge de la tribu de Juda?

13. Ecoutez la même promesse, faite aussi à Jacob: « Jacob- s'éloigna du puits du serment et partit pour Charres, et arriva dans ce pays, et il s'endormit, car le soleil était couché, et il prit une des pierres qui se trouvaient en cet endroit; il y posa sa tête et s'endormit dans ce lieu. Et il eut une vision, et il vit une échelle appuyée sur la terre et dont le sommet touchait le ciel, et les anges de Dieu montaient et descendaient sur cette échelle, et le Seigneur y était incliné, et il dit : Je suis le Seigneur, le Dieu d'Abraham, ton père, et le Dieu d'Isaac. Ne crains rien ; la terre sur laquelle tu es endormi, je te la donnerai, à toi et à ta race.

 

1. Gen. XXVI, 1-5.

 

323

 

Et ta race sera comme le sable de la mer, et elle se multipliera au-dessus de la mer et vers le midi, et vers l'Aquilon, et vers l'Orient; et toutes les tribus de la terre seront bénies en toi et en ta race. Et voici que je suis avec toi pour te garder dans tous les chemins par où tu passeras, et je te ramènerai dans cette terre : car je ne t'abandonnerai pas, jusqu'à ce que j'accomplisse tout ce que je t'ai promis (1) ». Voilà cette promesse à laquelle vous résistez, voilà le Testament que vous annulez. Dieu dit : « Je ne t'abandonnerai pas, jusqu'à ce que j'aie fait tout ce que j'ai dit ». Et vous, vous dites le contraire; vous voulez que nous ajoutions foi à tous vos griefs, contre un univers que nous ne connaissons point et qui ne nous connaît pas non plus ; vous voulez que nous ne croyions pas Dieu, lorsqu'il dit : « Je ne t'abandonnerai pas avant d'avoir accompli ma promesse ».

14. Montrez-nous dans les écritures canoniques les noms de ceux que vous accusez d'avoir' livré les livres saints ; citez-nous à ce sujet des textes aussi clairs que ceux que nous avons tirés de la Genèse. Nous ne vous demandons pas ce que signifie cette pierre que Jacob mit sous sa tête pour dormir; ce que signifie cette échelle appuyée sur la terre et dont le sommet touchait le ciel ; ce que signifient ces anges de Dieu qui montent et qui descendent. Nous laissons à de plus habiles, à de plus savants, le soin d'étudier ces circonstances, et d'en expliquer le sens au milieu d'un peuple paisible, loin du bruit sacrilège de cette contradiction, qui arme son impudence de l'obscurité du mystère et de l'énigme des textes. Il ne manque pas de coeurs fidèles auxquels le Seigneur veuille faire allusion ; ne dit-il pas, selon l'Evangile, après avoir aperçu cet Israélite en qui il n'y avait point de ruse, ne dit-il pas que Jacob, après avoir vu cette échelle, fut lui-même appelé Israël ? Non, certes, il ne manque point d'âmes qui puissent être ainsi désignées par le Seigneur car il dit dans ce même passage : « Vous verrez le ciel ouvert, et les anges de  Dieu monter et descendre sur le Fils de l'Homme (2) » ; c'est-à-dire sur la race d'Abraham, en laquelle toutes les nations seront bénies. Mais je n'oblige personne à admettre cette interprétation. Voici ce que

 

1. Gen. XXVIII, 10-15. — 2. Jean, I, 47, 51.

 

vous devez entendre : « Ta postérité sera comme le sable de la terre, et elle se multipliera au-delà des mers, vers le Midi, vers l'Aquilon et vers l'Orient ; et toutes les tribus de la terre seront bénies en toi et en ta race ». Montrez-moi cette Eglise, si vous la possédez chez vous ; montrez-moi que vous êtes en communion avec toutes les nations qui ont été bénies dans cette postérité d'Abraham. Oui, donnez-moi cette Eglise, ou bien, calmez votre fureur, et recevez-la, non pas de moi, mais de celui-là même en qui sont bénies toutes les nations. N'en citons pas davantage de ce premier livre de la loi. Qu'on le lise sans passion, avec le sentiment d'une religieuse charité, et on y découvrira bien d'autres preuves en notre faveur.

 

 

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CHAPITRE VII. SAINT AUGUSTIN ÉTABLIT LA MÊME VÉRITÉ PAR LES TESTES D'ISAÏE, EXPLIQUÉS PAR SAINT PAUL.

 

15. Ouvrons maintenant les Prophètes que de témoignages manifestes en faveur de l'Eglise répandue dans toutes les, nations de l'univers ! Je me borne à quelques textes, laissant les autres à l'examen de ceux qui voudront consacrer leurs loisirs à les lire dans la crainte de Dieu. Recevons les réponses divines par la bouche du saint prophète Isaïe, et interrogeons ses paroles comme étant les oracles de Dieu. Imposons silence à ces violents et funestes débats des rivalités humaines : prêtons une oreille soumise à la parole du Seigneur. Qu'Isaïe nous dise où la révélation divine lui a fait voir par avance la sainte Eglise de Jésus-Christ ; voyons dans ces paroles qui annoncent l'avenir ce qui s'accomplit de nos jours : « Toute la terre a été remplie », dit ce Prophète, « afin qu'elle connaisse le Seigneur ; afin que les eaux comblent le lit de la mer. Et en ce jour-là paraîtra la tige de Jessé, et Celui qui s'élèvera pour régner sur les nations : les nations espéreront en lui (1) ». Que cette tige de Jessé soit le Christ, issu de David selon la chair, nul chrétien, quel qu'il soit, ne l'ignore. Que si l'on veut disputer, il faut contredire l'apôtre saint Paul qui dans ses épîtres invoque ce témoignage d'Isaïe (2). Le Prophète dit encore : « Israël poussera des feuilles et des fleurs, et ses fruits rempliront

 

1. Isa. XI, 9, 10. — 2. Rom. XV, 12.

 

324

 

la terre (1) ». Israël était fils d'Isaac, petit-fils d'Abraham auquel Dieu promit que dans sa race toutes les nations seraient bénies; or, cette race, selon saint Paul, est Jésus-Christ. Le Christ est issu d'Abraham par Isaac et par Israël, et par ceux dont l'Evangile énumère les générations, jusqu'à l'avènement du Christ (2). Donc ne pas admettre notre interprétation du texte d'Isaïe, c'est aller contre l'Evangile ; il faut nier que le Christ soit issu d'Israël, pour oser nier ce que dit le Prophète « Israël poussera des feuilles et des fleurs, et ses fruits rempliront l'univers ». Isaïe dit encore : « Je suis le Dieu suprême, je suis présent à tout ce qui arrivera. Les nations ont vu, et les extrémités de la terre ont tremblé (3) ». N'est-ce pas la même pensée que la sainte Ecriture exprime ailleurs en disant : « Je suis le premier et le dernier (4) », l'alpha et l'oméga, deux lettres qui, comme tous le savent, s'appliquent au Christ? Ce mot : « le dernier », Isaïe le remplace par ceux-ci : « Je suis présent à tout ce qui arrivera ». C'est contredire cette révélation que de se refuser à croire, ou plutôt à voir l'accomplissement de cette prédiction : « Les nations ont vu, et les extrémités de la terre ont tremblé ». Isaïe dit encore un peu plus loin : « Jacob est mon serviteur ; je lui serai favorable ; Israël est mon élu ; mon âme l'a accueilli avec bienveillance. J'ai répandu sur lui mon Esprit ; il jugera les nations. Il ne criera pas, il ne se reposera pas, et on n'entendra pas sa voix au dehors. Il ne brisera point le roseau à demi rompu, il n'éteindra point le bois qui fume encore ; mais il prononcera son jugement selon la vérité. Il brillera d'un vif éclat, et ne sera point brisé, jusqu'à ce qu'il ait établi le jugement sur la terre ; et les nations espèreront en son nom (5) ». C'est au Christ que conviennent ces paroles, et on les retrouve dans l'Evangile. Aurez-vous assez d'audace pour rejeter un pareil témoignage ? Sinon, espérez en Jésus-Christ avec les nations, et ne vous séparez point de ces nations qui espèrent en lui ; ou si vous vous en êtes séparés, revenez à l'unité pour ne point périr.

16. Isaïe dit encore : « Et maintenant voici ce que dit le Seigneur : C'est lui qui m'a formé dans le, sein de ma mère pour être

 

1. Isa. XXVII, 6. — 2. Matt. 1. — 3. Isa. XLI, 4, 5. — 4. Apoc. XXII, 13. — 5. Isa. XLII, 1-4.

 

son serviteur, pour que je rassemble autour de lui Jacob et Israël ; je m'approcherai de lui et je serai comblé d'honneurs en sa présence, et mon Dieu sera ma force. Et il m'a dit : Ce sera pour toi une grande gloire d'être appelé mon serviteur, pour établir et les tribus de Jacob et pour convertir les enfants d'Israël. Et je t'ai placé, comme le testament de ta race, comme la lumière des nations, afin que tu sois le salut du monde jusqu'aux extrémités de la terre ». Et un peu plus loin le même Prophète ajoute: « Voici ce que dit le Seigneur d'Israël : Je t'ai exaucé au temps convenable, et je t'ai assisté au jour du salut ». Après avoir rappelé ces paroles, l'apôtre saint Paul en fait voir l'accomplissement chez les chrétiens. Il dit en effet : « Voici maintenant le temps favorable; voici le jour du salut (1) ». Ecoutons donc ce qu'ajoute Isaïe : « Je t'ai donné », dit-il, « pour être le testament des nations, pour que tu habites la terre et que tu possèdes l'héritage du désert ». Puis il reprend bientôt la même pensée : « Voici qu'ils viendront de bien loin : ceux-ci de l'Aquilon et de la mer ; ceux-là du pays des Perses. Tressaille, ô ciel ; sois dans la joie, ô terre; que les montagnes fassent éclater leur bonheur : car Dieu a eu pitié de son peuple, et il s'est adressé aux humbles d'entre son peuple. Or, Sion a dit : Le Seigneur m'a abandonné et Dieu ne s'est point souvenu de moi. Est-ce qu'une mère peut oublier son fils? peut-elle ne pas avoir pitié du fruit de ses entrailles ? Eh bien ! quand même elle oublierait son enfant, cependant jamais je ne t'oublierai, dit le Seigneur. Voici que j'ai décrit tes murailles sur mes mains; tu es en ma présence pour toujours, et bientôt tu seras construite par ceux qui t'ont renversée ». Le texte de l'Apôtre ne nous permet point d'appliquer ces paroles au peuple          juif ; c'est aux chrétiens qu'il les applique. Que signifient donc ces expressions d'Isaïe : « Et bientôt tu seras construite par ceux qui t'ont renversée ? » Ne veut-il pas nous apprendre que, les rois de la terre, qui d'abord persécutaient l'Eglise, la protégeront ensuite? Mais comme un grand nombre devaient mourir dans leurs iniquités, le Prophète ajoute : «Et ceux qui t'ont plongée dans la désolation, se sépareront de toi ». Puis il annonce

 

1. II Cor. VI, 2.

 

325

 

que toutes les nations se joindront à l'Église. « Porte tes regards de tous côtés», dit-il, « et vois tous les peuples. Je vis, dit le Seigneur. « Tous ces peuples formeront ton vêtement, et tu les arrangeras autour de toi comme la nouvelle mariée dispose ses ornements. Ceux que tu auras abandonnés, qui se seront corrompus, qui seront tombés, se trouveront réduits à la plus grande anxiété par ceux qui habitent dans ton sein : qu'ils soient rejetés bien loin de toi tous ceux qui te dévoraient. Voici ce que te diront les enfants que tu avais perdus : Nous sommes à l'étroit dans ce lieu : fais-nous maintenant une place où nous puissions séjourner. Pour toi, tu diras dans ton coeur : Qui donc m'a engendré ces enfants ? Car je sais que j'étais sans enfants et veuve. Qui donc à élevé pour moi ces fils ? Car j'ai été laissée seule ; et ceux-ci où étaient-ils donc ? Voici ce que dit le Seigneur: Je porterai mes mains sur les nations, et mes     étendards sur les îles ; et j'amènerai tes fils dans ton sein ; et ils porteront tes filles sur leurs épaules. Les rois seront vos nourriciers ; les princesses seront vos nourrices ; ils te prieront prosternés la face contre terre, ils baiseront les traces de tes pas, et tu sauras que je suis le Seigneur, et tu ne rougiras pas (1)». Isaïe continue en ces termes : « Écoute-moi, écoute-moi, ô mon peuple ; et vous, rois, écoutez aussi : car c'est de moi que sortira la loi, et mon jugement sera la lumière des nations. Ma justice ne tardera pas à venir, mon salut partira bientôt, et les nations seront sauvées par mon bras (2) ». De quel bras s'agit-il ? Demandons-le aux écrits des Apôtres. L'apôtre saint Paul, après avoir mentionné le témoignage du même Prophète sur l'infidélité du peuple juif, sur ce crime qui empêche le Christ de se manifester à cette nation, ajoute ces mots : « Qui a cru à notre parole, et à qui le bras de Dieu s'est-il manifestés (3) ? » Le Prophète dit encore : « Que les déserts de Jérusalem tassent éclater leur joie. Car le Seigneur a eu pitié d'elle. Il a détruit Jérusalem. Mais il manifestera la puissance de son bras en présence de toutes les nations, et toutes les nations jusqu'aux extrémités de la terre verront le salut qui vient de Dieu (4) ». Qui

 

1. Isa. XLIX, 5-23. — 2. Id. LI, 4, 5. — 3. Rom. X, 16; Isa. LIII, 1. — 4. LIX, 9, 10.

 

serait assez sourd, assez insensé, assez aveugle pogr ne pas se rendre à de pareils témoignages ?

17. Passons à des textes encore plus évidents. Les Écritures nous parlent de noces toutes saintes ; l'Époux, c'est le Christ, l'épouse, c'est l'Église. Or, Isaïe décrit le caractère de l'un et de l'autre, pour que nous ne puissions nous méprendre ni sur l'époux ni sur l'épouse ; se tromper sur l'un des deux, c'est les perdre tous deux. L'Écriture parle de ces noces comme d'une chose mystérieuse, ainsi qu'on le voit par ce texte de l'Apôtre : « Ils seront deux dans une seule chair (1) ». C'est l'Époux qui est décrit en premier lieu. Le Prophète entre dans de grands détails, et les Juifs n'ont rien à répliquer. Je ne veux point les rappeler tous. Remarquez seulement ce qui suit : « Il portera leurs péchés », dit-il, « et c'est pourquoi il en possédera un grand nombre comme son héritage ; il partagera les dépouilles des « forts, parce que son âme a été livrée à la mort et qu'il a été compté parmi les criminels, et qu'il a soutenu les péchés d'un grand nombre, et qu'il a été livré pour nos iniquités (2) ». Toutes ces prédictions, toutes ces prophéties, vous le reconnaissez, ont été faites longtemps à l'avance sur Notre-Seigneur Jésus-Christ. Cet Epoux, pourquoi a-t-il été livré à la mort, pourquoi a-t-il été compté parmi les impies, pourquoi un si prodigieux abaissement ? Qu'a-t-il obtenu par là, quel bien s'est-il procuré ? Qui aurait les oreilles assez dures pour ne pas l'entendre, qui serait assez grossier pour ne pas le comprendre, assez aveugle pour ne pas le voir ? « C'est pourquoi », dit le Prophète, « il possédera un grand nombre d'hommes, comme son héritage, et il partagera les dépouilles des forts, parce que son âme a été livrée à la « mort, et qu'il a été compté parmi les criminels ». Comment donc vous glorifiez-vous de votre petit nombre, ô hérétiques, puisque Notre-Seigneur Jésus-Christ a été livré, afin de posséder le grand nombre comme son héritage? Et quel est ce grand nombre? Quelle étendue de pays occupe-t-il? Écoutons la suite.

18. L'époux et son caractère viennent de nous être annoncés. L'épouse va se montrer à son tour dans les paroles d'Isaïe. Étudions-la

 

1. Eph. V, 31. — 2. Isa. LIII, 11, 12.

 

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dans la vérité des Livres saints, et reconnaissons-la dans l'univers. Cette prophétie concernant la sainte Eglise, est aussi rappelée par l’apôtre saint Paul. Plus de refuge pour les ruses et les disputes des hérétiques. « Réjouis-toi, femme stérile qui n'enfantes point », dit-il, « tressaille, pousse des cris d'allégresse; les fils de la femme privée d'époux sont plus nombreux que ceux de la femme qui a un époux (1) ». Pourquoi, encore une fois, vous glorifier de votre petit nombre? Ne sont-ils pas nombreux, ceux dont le Prophète disait tout à l'heure : « C'est pourquoi il possédera un grand nombre d'hommes comme son héritage ? » Quel est en effet son héritage, sinon son Eglise? « La femme sans époux », dit-il, « aura des fils en plus grand nombre que la femme qui a un époux ». Cette femme qui a un époux c'est, au sens de l'Apôtre, la synagogue des Juifs qui avait reçu la loi. C'en est assez pour prouver ce que nous disons. Que les Donatistes comparent leur multitude uniquement composée d'Africains, établis en Afrique, avec la multitude des Juifs dispersés par toute la terre : ils verront combien ils leur sont inférieurs en nombre. Comment donc établir que c'est d'eux qu'il a été dit: « Les fils de la femme sans époux seront en plus grand nombre que ceux de la femme qui a un époux? » Qu'ils comparent ensuite la multitude des chrétiens répandus à travers toutes les nations, avec lesquels ils ne sont pas en communion; et qu'ils voient combien les chrétiens l'emportent par le nombre sur tous les Juifs. Ils pourront enfin comprendre que c'est dans l'Eglise catholique que s'est vérifiée cette prophétie: « Les fils de la femme sans époux seront plus nombreux que ceux de la femme qui a un époux ». Admettons qu'on ne voie pas clairement quelle est cette femme ayant un époux, laquelle est inférieure pour le nombre des enfants à la femme sans époux : c'est du moins, à n'en pas douter, l'Eglise du Christ dont il est dit : « Les fils de la femme sans époux sont bien plus nombreux que ceux de la femme qui a un époux». Ne pas en convenir, c'est contredire, non pas moi, mais l'Apôtre.

19. Mais d'où lui viendront ces fils si nombreux? Le Prophète nous l'apprend, quand il ajoute. « Car le Seigneur a dit : Etends la

 

1. Gal. IV, 27.        

 

 place de ta tente et de ton palais, plante des pieux, ne les épargne pas, allonge tes cordes, consolide tes pieux, étends ta demeure à droite et à gauche; et ta postérité possédera

les nations, et tu habiteras les villes désertes. Ne crains rien, car tu prévaudras;

et ne redoute rien, quand même tu auras été détestée. Tu oublieras ton éternelle honte; tu ne te souviendras pas de l'ignominie de ton veuvage : car je suis le Seigneur qui te fais : le Seigneur est le nom de Celui qui t'a délivrée, et le Dieu d'Israël sera appelé le Dieu de toute la terre (1) ». Voilà les bornes jusques auxquelles elle doit étendre ses cordes : le Dieu d'Israël sera appelé le Dieu de toute la terre. C'est d'elle encore que parle ailleurs le même Prophète, et c'est à elle qu'il s'adresse : « A cause de Sion je ne me tairai point, et à cause de Jérusalem je ne me reposerai point, jusqu'à ce que ma justice s'élance comme la lumière. Or, mon salut brûlera comme la flamme, et toutes les nations verront ta justice, et les rois verront ta gloire; et le Seigneur t'appellera du nom qu'il t'a donné lui-même; et tu seras comme une couronne brillante en sa présence, et comme un diadème royal dans la maison de ton Dieu; et on ne t’appellera plus délaissée, et la terre ne sera plus appelée un désert : Car tu seras appelée ma

volonté, et ta terre s'appellera l'univers (2) ». Peut-on exiger plus d'évidence ? Ainsi, dans un seul prophète, que de témoignages, et quelle clarté dans ces témoignages ! Et cependant on s'obstine, on contredit non pas un homme, mais l'Esprit de Dieu, la vérité la plus manifeste ! Et cependant ceux qui se glorifient du nom de chrétiens, refusent à Jésus-Christ la gloire qui lui est due; ils ne veulent pas que l'on croie à l'accomplissement de ces prophéties, faites à son sujet, si longtemps à l'avance, lors même que les événements sont non plus annoncés, mais montrés, vus, possédés. Je ne veux pas rassembler dans cette lettre les témoignages que rendent tous les Prophètes à l'Eglise qu'ils annoncent, et avec lesquels concordent si bien les événements; j'aurais l'air de croire peu nombreux des textes si abondants néanmoins, qu'à lui seul Isaïe m'en fournirait assez pour prolonger outre mesure cet écrit.

 

1. Isa. LIV, 1-5. — 2. Id. LXII, I-1.

 

 

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CHAPITRE VIII. LA DIFFUSION DE L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST EST MONTRÉE CLAIREMENT DANS LES PSAUMES.

 

20. Citons donc maintenant quelques textes des psaumes, composés si longtemps avant le Christ, et réjouissons-nous de voir leurs prédictions accomplies. Et d'abord, que les Donatistes entendent ce que Pétilien, je ne sais pourquoi, a cité dans sa lettre, et ensuite qu'ils prononcent : « Le Seigneur m'a dit : Tu es mon Fils; je t'ai engendré aujourd'hui. Fais-moi une demande, et je te donnerai les nations pour héritage, et jusqu'aux extrémités de la terre pour ta propriété (1) ». Jamais chrétien a-t-il douté que cette prophétie ait le Christ pour objet, et que par cet héritage il faille entendre l'Eglise elle-même? Mais elle doit renfermer dans les filets des mêmes mystères les bons et les méchants, et c'est pourquoi le Psalmiste ajoute : « Tu les gouverneras avec une verge de fer, et tu les briseras comme le vase du potier ». N'est-ce pas la même justice toujours ferme, toujours inflexible qui dirige les bons, et qui brise les méchants?

21. Quel homme assez égaré, assez peu instruit des divins oracles, pour ne pas reconnaître l'Evangile, lorsqu'il entend chanter ces paroles du psaume : « Ils ont percé mes mains et mes pieds; ils ont compté tous mes os ? Pour eux ils m'ont considéré, ils ont porté sur  moi leurs regards; ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont jeté le sort sur ma robe (2) ». L'Evangéliste, en racontant ce fait, ne s'est-il point rappelé ce témoignage? Or, ce supplice de la croix, ces prodigieux abaissements de la souveraine grandeur, cette effusion du sang innocent de l'Homme-Dieu, qu'ont-ils obtenu? La suite du psaume va nous l'apprendre : « Tous les peuples de la terre se souviendront du Seigneur et se convertiront à lui; toutes les nations adoreront en sa présence: car au Seigneur il appartient de régner, et c'est lui qui dominera sur les nations (3) ». L'Apôtre n'a-t-il pas montré qu'il s'agissait des prédicateurs du Nouveau Testament dans les paroles suivantes : « Le son de leur voix a retenti par toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu'aux extrémités du monde (4)? » Et cet autre verset,

 

1. Ps. II, 7, 8. — 2. Id. XXI, 17-19; Matt. XXVII, 30; Jean, XIX, 24. — 3. Ps. XXI, 28, 29. — 4. Rom. X, 18; Ps. XVIII, 5.

 

n'est-ce pas à Jésus-Christ qu'il s'applique « Le Dieu des dieux, le Seigneur a parlé, et il a appelé la terre depuis le levant du soleil jusqu'à son couchant; c'est de Sion que vient l'éclat de sa beauté (1) ? » N'est-ce pas Jésus-Christ qui prononce ces paroles: «J'ai dormi, après avoir été persécuté? » Et comment le Christ a-t-il été persécuté? « Les dents des fils des hommes sont comme des armes et des flèches, et leur langue est comme un glaive acéré ». Quels sont ces enfants des hommes, sinon ceux qui s'écriaient : « Crucifiez-le, crucifiez-le (2)? » Pourquoi tant de souffrances ? Quel profit le Christ en a-t-il retiré ? Ecoutez la suite: « Elevez-vous au-dessus des cieux, ô Dieu, et que votre gloire s'étende par toute la terre (3) ». Ainsi donc le Christ a dormi dans sa passion; et en ressuscitant il s'est élevé au-dessus des cieux. Comment sa gloire s'est-elle répandue par toute la terre? N'est-ce pas parce que son Eglise remplit le monde ? Eh bien ! hérétiques, ces deux pensées, si courtes, me donnent lieu de vous interroger sur toute la matière de nos discussions. « O Dieu », dit le Psalmiste, « élevez-vous au-dessus des cieux, et que votre gloire s'étende par toute la terre ». Pourquoi proclamez-vous que Jésus-Christ a été élevé au-dessus des cieux, et ne voulez-vous pas être en communion avec sa gloire répandue par tout l'univers?

22. Le psaume soixante et onzième est intititulé : « Pour Salomon ». Mais les pensées qu'il exprime ne peuvent toutes convenir à ce roi de la terre, qui commit ensuite de si énormes fautes; et nous soutenons victorieusement contre les Juifs que ce psaume se rapporte à Jésus-Christ. Aucun chrétien ne le nie. Il renferme des textes, qui sans aucun doute, concernent le Christ; et on y peut reconnaître aussi l'Eglise répandue dans tout l'univers, après avoir soumis les rois au joug du Christ : « Et il dominera », dit le Psalmiste, « depuis la mer jusqu'à la mer, et depuis le fleuve, jusqu'aux extrémités du monde ». Ce fleuve est le Jourdain, où l'Esprit-Saint est descendu sur lui en forme de colombe, et où une voix venue du ciel le manifesta aux hommes. Il est dit ensuite : « Les Ethiopiens tomberont devant lui, et ses ennemis baiseront la terre. Les rois de Tharsis et les îles lui offriront leurs présents; les rois des Arabes et de Saba amèneront, les

 

1. Ps. XLIX, 1, 2. — 2. Luc, XXIII, 21. — 3. Ps. LVI, 5, 6.

 

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leurs. Tous les rois l'adoreront; toutes les « nations le serviront ». Et un peu plus loin : « En lui seront bénies toutes les tribus de la terre; toutes les nations le glorifieront. Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël qui seul a fait tous ces miracles. Béni soit son nom glorieux pour l'éternité et dans les siècles des siècles; et toute la terre sera remplie de sa gloire. Ainsi soit-il, ainsi soit-il ! » Allez donc maintenant, ô Donatistes, et criez Non, qu'il n'en soit pas ainsi, qu'il n'en soit pas ainsi ! Mais vous êtes vaincus par la parole de Dieu qui nous dit : « Qu'il en soit ainsi! qu'il en soit ainsi ! » La voilà donc révélée dans les psaumes cette Eglise qui est répandue dans tout l'univers, et sur laquelle se repose la gloire de son Roi. C'est pourquoi son épouse est elle-même une reine, et c'est d'elle qu'il est écrit au quarante-quatrième psaume: « La reine s'est tenue à votre droite; elle était vêtue d'or et couverte des ornements les plus variés ». La divine parole s'empresse de l'exhorter en ces termes : « Ecoute, ma fille, et vois; incline ton oreille, et oublie ton peuple et la maison de ton père; car le Roi a recherché ta beauté, et ce Roi c'est ton Dieu u. Remarquez les premières paroles qu'adresse la divine prophétie à l'épouse du Christ. Ecoute, ma fille, et vois ». Pour vous, vous ne voulez ni entendre ces prophéties, ni en voir l'accomplissement, mais vous les entendez et vous les voyez malgré vous. Ecoutez donc ce que Dieu lui dit encore : oui, écoutez la prophétie qui prédit, et voyez-en la réalisation dans le monde entier. « A la place de tes pères », dit le psaume, « il t'est né des enfants; tu les établiras princes sur toute la terre ». Que d'autres témoignages renferme sur ce point la sainte Ecriture ! Je les passe sous silence, mais ceux qui lisent nos saints Livres, les connaissent. Je les connais bien moi-même, et si je ne les cite pas, c'est pour ne point surcharger une lettre qui sollicite une réponse.

 

 

 

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CHAPITRE IX. RÉPONSE A CETTE OBJECTION DES DONATISTES LES HOMMES ONT EMPÉCHÉ LA RÉALISATION DE CES PROPHÉTIES.

 

23. Peuvent-ils rien objecter contre les textes de la loi, des Prophètes et des psaumes, concernant la diffusion partout l'univers de cette Eglise qu'ils aiment mieux combattre dans leur perversité, que de reconnaître en sortant de leur erreur? Que peuvent-ils objecter? Que ces textes sont faux ? Qu'ils sont obscurs? Mais ils n'osent dire qu'ils sont faux. Le poids d'une pareille autorité les écrase. Ils en reconnaissent donc la vérité; mais ils prétendent qu'ils ne peuvent se réaliser. Et n'est-ce pas taxer de mensonge une prophétie, que de regarder comme impossible, l'accomplissement de ses prédictions. C'est dire en effet qu'il y a là non pas une prophétie, mais une fausse prophétie. Et si vous leur demandez pourquoi ces prophéties ne peuvent s'accomplir, ils vous répondent : « C'est que les hommes ne le veulent point. L'homme, en effet, a été créé avec le libre arbitre; et s'il le veut, il croit en Jésus-Christ; s'il ne le veut pas, il n'y croit point; s'il le veut, il persévère dans sa foi; s'il ne le veut pas, il n'y persévère point. Et c'est pourquoi, comme l'Eglise commençait à se répandre dans l'univers, les hommes n'ont point voulu persévérer, et la religion chrétienne a disparu du milieu des nations. Elle n'est demeurée que dans les sectateurs de Donat ». Est-ce que l'Esprit de Dieu ne connaissait point les volontés des hommes dans l'avenir? Qui serait assez insensé pour le nier? Pourquoi donc ne prophétisait-il pas ce que feraient un jour les volontés des hommes? Si pour être prophète il suffit de faire de semblables prédictions, libre à chacun de prophétiser; si les prédictions ne se réalisent pas, on pourra toujours répondre : « Les hommes ne l'ont pas voulu. Car les chrétiens ont le libre arbitre en partage ». C'est ainsi que l'on aurait dû prédire que le Christ mourrait, non pas sur la croix, mais par le glaive. L'effet n'aurait point suivi la prédiction; mais on aurait répondu : « En quoi me suis-je trompé? Les hommes, en vertu de leur libre-arbitre, n'ont pas voulu traiter Jésus-Christ comme je l'avais annoncé, et ils ont fait ce qu'ils ont voulu ». Ne voit-on pas que le champ est ouvert à mille prophéties de cette nature, ou plutôt ne voit-on pas que tout homme peut être prophète ? Peut-on douter que Judas, s'il l'eût voulu, n'eût point trahi le Christ; que Pierre, s'il l'eût voulu, ne l'eût point renié par trois fois? Mais la prophétie a dit vrai à leur sujet, parce que Dieu prévoit les futures volontés des hommes.

 

 

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CHAPITRE X. JÉSUS-CHRIST PAR SES PAROLES A CONFIRMÉ CES PRÉDICTIONS DES PROPHÈTES ET ANNONCÉ QUE SON ÉGLISE SE RÉPANDRAIT PAR TOUT L'UNIVERS.

 

24. Les coeurs mêmes les plus insensibles sentent la force de ces témoignages. Néanmoins écoutons maintenant la parole du Verbe lui-même, cette parole sortie de la bouche du Verbe incarné. Lorsque, après sa résurrection, il offrait à ses disciples qui doutaient encore, son corps à toucher, à palper, lorsqu'il eut accepté de leurs mains et mangé la nourriture qu'ils lui présentaient, il leur dit : « Telles sont les paroles que je vous ai adressées, lorsque j'étais encore avec vous; je vous disais que tout ce qui avait été écrit à mon sujet dans la loi, dans les Prophètes et dans les psaumes devait s'accomplir ». Or, n'est-ce pas au sujet du Christ qu'ont été écrits tous les passages que nous avons cités de la loi, des Prophètes et des psaumes, ainsi que nous l'avons fait voir dans le détail? Donc, puisque la Vérité (1) même nous dit : « Il fallait que tout fût accompli », comment les Donatistes peuvent-ils le nier, sans être hérétiques ? S'ils trouvent ces prophéties obscures, écoutons le Chef lui-même, cet auteur de toute vérité, nous manifester son propre corps. Jésus-Christ avait dit : « Il fallait que tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi, dans les Prophètes et dans les psaumes fût réalisé ». Ce mot: « A mon sujet », doit-il s'entendre aussi de l'Église? C'est une question que nous pouvions faire à raison de cette parole de l'Écriture : « Ils seront deux dans une seule chair (2) ». Or, pour que nous sachions bien que les divins oracles sont vrais, non-seulement quand il s'agit du chef, mais aussi quand il s'agit du corps, l'Évangéliste poursuit en disant : « Alors il leur ouvrit l'esprit, pour qu'ils comprissent les Écritures, et il leur dit : C'est ainsi qu'il a été écrit ; c'est ainsi que le Christ devait souffrir et ressusciter le troisième jour». Voilà le chef manifesté, ce chef qui donnait son corps à toucher à ses disciples. Voyez ce que l'Évangéliste ajoute au sujet du corps qui est l'Église, de manière que nous ne puissions nous tromper ni sur l'Époux, ni sur l'épouse. « Ils prêcheront en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les

 

1. Jean, XIV, 6. — 2. Gen. II, 24.

 

nations, en commençant par Jérusalem (1) ». Quoi de plus vrai que cette parole, quoi de plus divin, quoi de plus évident? C'est à regret que j'en fais ressortir la valeur, et les hérétiques ne rougissent pas de l'attaquer dans leurs discours.

25. Dites que ces témoignages de la loi, des Prophètes, des psaumes, sont obscurs, figurés, susceptibles d'une autre interprétation ; je n'ai rien négligé pourtant pour que vous ne puissiez pas le dire : mais encore, dites-le, si vous le voulez. Y a-t-il aussi de l'obscurité, y a-t-il une voile énigmatique sur ces paroles du Christ : « Il a été écrit et il fallait que le Christ souffrît, et qu'il ressuscitât le troisième jour, et que la pénitence et la rémission des péchés fussent prêchées en son nom par toutes les nations en commençant par Jérusalem ? » S'il y a quelque chose d'obscur dans cette expression : « J'ai dormi au milieu du trouble », y en a-t-il encore dans celle-ci. « Il fallait que le Christ souffrît ? » Si vous trouvez de l'obscurité dans ce texte « Élève-toi au-dessus du ciel, ô Dieu ! » en trouverez-vous encore dans celui-ci : « Il fallait que le Christ ressuscitât le troisième jour? » Si vous ne comprenez point ces mots du psaume: « Ta gloire s'étendra par toute la terre (2) »; ne comprendrez-vous pas Les mots du Christ : « Il faut qu'en son nom la pénitence et la rémission des péchés soient prêchées par toutes les nations ? » S'il y a de l'obscurité dans ce passage : « Le Dieu des dieux, le Seigneur a parlé, et il a appelé la terre depuis le levant du soleil jusqu'à son couchant »; y en a-t-il dans celui-ci : « Il faut qu'en son nom la pénitence et la rémission des péchés soient prêchées par toute la terre? » Comment est-ce que la terre a été appelée depuis le levant jusqu'au couchant, sinon comme il le dit lui-même : «Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs à la pénitence (3) ? » Ces paroles, dites-vous, sont obscures : «C'est de Sion que partira l'éclat de sa gloire (4) ». Celles-ci le sont-elles : « En commençant par Jérusalem? » Sion, n'est-ce pas la même ville que Jérusalem ? Mais que m'importe? Qu'ils disent encore qu'il n'y a point de rapport entre les textes que j'emprunte à la loi, aux Prophètes, aux psaumes, et ces

 

1. Luc, XXIV, 41-47.   2. Ps. LVI, 5, 6. — 3. Matt. IX, 13.   4. Ps. XLIX, 1, 2.

 

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paroles de Jésus-Christ: ni je ne m'en inquiète, ni je ne m'y oppose. Il faut bien l'avouer cependant, si tout cela n'avait été prédit dans la loi, dans les Prophètes, dans les psaumes, soit dans les textes que j'invoque, soit ailleurs, le Christ n'aurait pas dit : « Il faut que tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi, dans les Prophètes et dans les psaumes, ait son accomplissement ». Puis, après leur avoir donné l'intelligence des Ecritures, il ne leur eût point enseigné ce qui avait été écrit sur lui dans la loi, dans les Prophètes et dans les psaumes, en leur disant: « C'est ainsi qu'il a été écrit, et il fallait que le Christ souffrît et qu'il ressuscitât le troisième jour, et qu'en son nom la pénitence et la rémission des péchés fussent prêchées par toutes les nations, à commencer par Jérusalem ». Je ne pourrais par moi-même reconnaître ces circonstances écrites dans la loi, dans les Prophètes et dans les psaumes ; cependant elles y sont écrites. C'est la Vérité même qui nous l'apprend. Mais quand même elle ne dirait pas qu'elles y sont écrites, ne suffirait-il pas à des chrétiens d'entendre le Christ s'exprimer ainsi : « Il faut qu'en son nom la pénitence et la rémission des péchés soient prêchées par toutes les nations, à commencer par Jérusalem? » Mais ses disciples doutaient encore, même après avoir considéré et touché son corps ; il voulut affermir leur foi par le témoignage des Ecritures, et leur donner ainsi une preuve plus convaincante encore que la présence de ce corps que leurs yeux voyaient et que leurs mains avaient touché. Reconnaissons donc cette Eglise que la bouche même du Seigneur nous a si bien désignée, dont elle nous montre les débuts et le terme ; elle commencera à Jérusalem et s'étendra à toutes les nations.

26. Peut-être dira-t-on que cette Jérusalem n'est pas une cité visible ; que c'est une expression figurée ; qu'il y a là un sens spirituel, et qu'il s'agit de l'Église tout entière, éternelle dans les cieux, et dans une de ses parties comme exilée ici-bas. Il faut voir aussi dès lors une figure dans ces autres paroles: «Il fallait que le Christ souffrît et qu'il ressuscitât le troisième jour ». Or, le prétendre, ce serait cesser d'être chrétien. Si donc il faut entendre dans le sens propre ces dernières expressions, c'est aussi dans le même sens qu'il faut prendre ce qui est dit de cette Eglise universelle qui commencera par Jérusalem. Le Seigneur, en effet, déclare que toutes ces choses ont été' dites à son sujet dans la loi, dans les Prophètes et dans les psaumes ; et cette déclaration ne pouvait être une figure ; autrement ce ne serait pas une déclaration. Ensuite, puisque Jérusalem, dans le sens figuré et spirituel, signifie l'Eglise universelle, comment cette Eglise universelle commencerait-elle par l'Église universelle ? Ne serait-ce pas comme si Jérusalem commençait par Jérusalem ? Il s'agit donc bien de cette ville dans le sens propre ; il est donc bien prouvé que c'est par elle que devait commencer l'Église ; Jésus-Christ lui-même nous l'affirme, et il démasque tous les piéges, toutes les ruses des hérétiques. Il continue en effet en ces termes : « Et vous serez témoins de ces choses ; et j'envoie sur vous ma promesse. Pour vous, demeurez dans cette ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut ». Cette ville où il leur enjoint de rester jusqu'à ce qu'ils aient été revêtus de la force d'en haut, c'est-à-dire de l'Esprit-Saint, qu'il promet de leur envoyer, c'est par elle que commencera l'Église, selon sa prédiction. Si les Donatistes ne croient pas que celte ville soit Jérusalem, qu'ils entendent ce qui suit : « Il les mena jusqu'à Béthanie, et leva ses mains et les bénit. Et après qu'il les eut bénis, il s'éloigna d'eux ; et ils retournèrent avec une grande joie dans Jérusalem, et ils demeurèrent toujours dans le temple louant Dieu (1) ». La voilà donc montrée cette ville où le Christ leur ordonna de demeurer jusqu'à ce qu'ils fussent revêtus de la force d'en haut.

 

 

 

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CHAPITRE XI. JÉRUSALEM, PAR OU, SELON LA PAROLE DU SAUVEUR, DOIT COMMENCER L'ÉGLISE, EST LA VILLE DE CE NON; ET ON NE DOIT PAS L'ENTENDRE DANS UN SENS FIGURÉ. LES ACTES DES APÔTRES ET LES ÉPÎTRES MONTRENT L'ACCOMPLISSEMENT DE LA PRÉDICTION DE JÉSUS-CHRIST.

 

27. Nous n'avons rien dit du temps qu'il passa avec ses disciples, après s'être montré vivant à leurs yeux et s'être laissé toucher par leurs mains. Mais les Actes des Apôtres rappellent ces manifestations où la parole du Seigneur annonce par avance la diffusion de l'Église par tout l'univers. A moins de ne pas

 

1. Luc, XXIV, 48-53.

 

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croire aux saintes Ecritures, il n'est plus permis de douter que cette Jérusalem visible ne fût la cité où devait commencer l'Eglise après la Résurrection et l'Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Oui, c'est bien elle qu'il a voulu montrer; c'est bien là que devait commencer l'Eglise pour se répandre ensuite en tous lieux. Voici ce que nous lisons dans les Actes des Apôtres : « Dans mon premier livre, ô Théophile, je vous ai parlé de ce que Jésus fit et enseigna jusqu'au jour où il choisit ses Apôtres par l'Esprit-Saint, leur a ordonnant de prêcher l'Evangile. Après sa passion il se manifesta à leurs regards par un grand nombre de prodiges, leur apparaissant pendant quarante jours et les entretenant du royaume de Dieu. Et en conversant avec eux il leur ordonna de ne point quitter Jérusalem, mais d'attendre l'accomplissement de sa promesse; promesse que vous avez entendue de ma propre bouche, leur dit-il. Car Jean a baptisé dans l'eau; pour vous, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit que vous recevrez dans quelques jours. Mais eux, se rassemblant autour de lui, l'interrogeaient en disant : Seigneur, est-ce alors que vous rétablirez le royaume d'Israël ? Il répondit : Il ne vous appartient pas de connaître le temps ou le moment que le Père a fixé dans sa puissance. Mais vous recevrez la force de l'Esprit-Saint qui a surviendra en vous, et vous me rendrez témoignage à Jérusalem et dans toute la Judée, et à Samarie et par toute la terre (1) ». N'est-ce point dire bien clairement par où l'Eglise commencera et jusqu'où elle s'étendra ?

28. Que répondront ceux qui dans leur orgueil se disent chrétiens et qui contredisent si ouvertement, Jésus-Christ? Pour nous, voilà l'Eglise à laquelle nous nous attachons, et contre ces divines paroles nous ne pouvons admettre aucune récrimination humaine. Ce qui nous décide surtout, c'est que Notre-Seigneur, à qui nous ne pouvons refuser de croire sans sacrilège et sans impiété, nous a laissé dans les dernières paroles qu'il prononça sur la terre, ces enseignements salutaires au sujet de l'Eglise primitive. Aussitôt après, en effet, il monta au ciel. Il voulut nous tenir en garde contre ceux qui devaient venir ensuite, selon qu'il l'avait annoncé, et qui devaient dire: «Le

 

1. Act. I, 1-8.

 

Christ est ici; le Christ est là (1) » . II nous avertit de ne pas ajouter foi à leur parole. Et comment serions-nous excusables de nous en rapporter à eux contrairement à la voix de notre Pasteur, dont' les paroles sont tellement claires, tellement évidentes, que l'âme la moins intelligente, la moins sensible ne peut dire : Je n'ai pas compris? Comment en effet ne pas comprendre ce langage : « Il fallait que le Christ souffrit et qu'il ressuscitât le troisième jour, et qu'en son nom fussent prêchées la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations, à commencer par Jérusalem?» Comment ne pas comprendre ces autres paroles : « Vous me rendrez témoignage a à Jérusalem et dans toute la Judée, et à Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre. Ayant ainsi parlé, il s'éleva dans les airs et une nuée l'enveloppa, et ils le virent montant vers les cieux? » Que signifie tout cela, je vous le demande? Quand on entend les dernières paroles d'un mourant, personne ne le traite de menteur; et on regarderait comme       un impie l'héritier qui les mépriserait. Comment donc éviterons-nous la colère de Dieu, si nous refusons de croire, ou si nous méprisons en les rejetant les dernières paroles du Fils unique de Dieu, de Notre-Seigneur et Sauveur, sur le point de monter au ciel, d'où il verra ceux qui les négligent, ceux qui les observent, d'où il viendra pour juger les uns et les autres? J'entends la voix de mon Pasteur; elle me montre clairement l'Eglise; elle me l'indique sans aucun détour. Je ne puis m'en prendre qu'à moi seul, si je me laisse entraîner par les paroles des hommes loin de son troupeau qui est l'Eglise. Est-ce qu'il ne m'avertit pas en disant : « Mes brebis entendent ma voix et me suivent (2) ? » Voilà certes une parole bien claire, bien aisée à entendre. Si, après l'avoir entendue, vous ne suivez pas Jésus-Christ, comment oserez-vous vous compter parmi ses brebis? Ne me dites point «Donat a dit ceci, Parménien, Pontius, ont dit cela ». Il ne faut pas même s'en rapporter à des évêques catholiques, s'il leur arrive de se tromper au point de contredire les Ecritures canoniques. Mais si, tout en gardant le lien de l'unité et de la charité, ils tombent dans quelques erreurs, on verra se réaliser ce que dit l'Apôtre : « Si vous êtes d'un sentiment contraire, Dieu vous révélera la vérité (3) ».

 

1. Matt, XXIV, 23. — 2. Jean, X, 27. — 3. Philipp. III, 15.

 

332

 

Mais telle est la clarté des paroles divines au sujet de l'Église universelle, que les hérétiques seuls ont assez de perversité, de fureur et d'aveuglement pour aboyer contre elles.

29. Nous l'avons montré, le Verbe de Dieu, l'Époux de l'Église, a prédit soit dans la loi, soit par les Prophètes, soit par sa propre bouche, que l'Église commencerait par Jérusalem et s'étendrait jusqu'aux extrémités du monde. Comment elle a commencé par Jérusalem, comment ensuite elle s'est répandue par toutes les nations pour y porter des fruits de salut, la parole de Dieu nous le fait voir encore en nous racontant les travaux des Apôtres. Car c'est dans les actes des Apôtres que nous lisons les paroles de Jésus-Christ, rappelées tout à l'heure : « Vous me rendrez témoignage dans Jérusalem et dans toute la Judée, et dans Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre ». Et ensuite: « Lorsqu'il eut dit cela, il fut élevé sous leurs yeux, et une nuée le reçut et le déroba à leurs regards. Et comme ils le contemplaient montant vers le ciel, voici que deux hommes vêtus de blanc se présentèrent devant eux et leur dirent : Hommes de Galilée, pourquoi portez-vous ainsi vos regards vers le ciel ? Ce Jésus qui vient de s'élever vers le ciel, viendra comme vous l'avez vu monter vers le ciel. Alors ils descendirent de la montagne qui s'appelle la montagne des Oliviers, et qui est éloignée de Jérusalem à la distance qu'il est permis de parcourir un jour de sabbat. Et lorsqu'ils furent entrés dans la ville, ils se rendirent dans les appartements supérieurs où habitaient Pierre et Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d'Alphée, Simon, surnommé Zélotes, et Judas, fils de Jacques. Tous ensemble s'appliquaient à la prière avec les femmes, et Marie, Mère de Jésus, et ses frères. En ces jours-là Pierre se levant au milieu des disciples, dit; or, leur nombre s'élevait à cent vingt environ ». Les Actes racontent ensuite, comment, après que Pierre eut parlé, Mathias fut élu pour prendre la place du traître Judas. Après avoir rapporté l'ordination de Mathias, l'Écriture ajoute : « Lorsque les jours de la Pentecôte furent accomplis, tous les Apôtres étaient rassemblés, et tout à coup il se fit un bruit venant du ciel; c'était comme le bruit d'un vent violent, et il remplit toute la maison où les Apôtres se tenaient renfermés; et ils virent comme des langues de feu se reposer sur chacun d'eux; et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et ils se mirent à parler diverses langues, selon que le Saint-Esprit les leur inspirait. Or, en ce moment se trouvaient à Jérusalem des Juifs, hommes religieux venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. Et lorsqu'on eut entendu ce bruit, une grande multitude se rassembla, et ces hommes étaient stupéfaits en entendant chacun des Apôtres parler leur langue. Ils étaient donc remplis d'étonnement et d'admiration, et ils se disaient les uns aux autres : Est-ce que tous ceux qui nous parlent, ne sont pas des Galiléens? Comment se fait-il donc que chacun de nous les entende parler la langue dans laquelle nous sommes nés? Les Parthes et les Mèdes, et les Elamites, et les Juifs qui habitent la Mésopotamie et la Cappadoce, le Pont et l'Asie, la Phrygie et la Pamphylie, l'Égypte et les parties de la Lybie qui avoisinent Cyrène, les Romains, Juifs et étrangers, les Crétois et les Arabes, tous les entendaient raconter dans leurs langues les merveilles opérées par Dieu. Dans, leur stupéfaction ils ne savaient que penser et ils se disaient les uns aux autres : Qu'est-ce donc que cela? D'autres se moquaient en disant : Ils sont ivres. Pierre, se tenant debout avec les onze Apôtres, éleva la voix et prit la parole : Hommes de Judée, dit-il, et vous tous qui habitez Jérusalem, que ceci vous soit connu ». Suit le discours par lequel il les exhorte à croire en Jésus-Christ. Après avoir rapporté ce discours, l'Écriture continue en ces termes : « Quand ils eurent entendu ces paroles, ils furent touchés dans leur coeur et dirent à Pierre et aux Apôtres: Que ferons-nous, mes frères? Montrez-le nous. Or, Pierre leur dit : Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la rémission des péchés, et vous recevrez la grâce du Saint-Esprit. C'est à vous que s'adresse la promesse de Dieu et à vos fils, et à tous ceux qui sont éloignés de lui, qu'il aura plu au Seigneur notre Dieu de rappeler. Et il les conjurait par toute sorte de paroles en disant : Sauvez-vous, en vous séparant de cette génération perverse. Pour eux, se rendant à sa parole, ils crurent et furent baptisés. Et environ trois mille âmes furent ajoutées (333) ce jour-là au nombre des fidèles (1) ». C'est ainsi que l'Eglise commença par Jérusalem, pour se propager ensuite à travers toutes les langues; ce qui était figuré par ceux qui se trouvant à Jérusalem reçurent le Saint-Esprit et parlèrent toute sorte de langues.

30. Mais l'Eglise s'est répandue parmi les nations, ainsi que Pierre l'avait prédit dans les paroles suivantes: « C'est à vous que s'adressent les promesses de Dieu, et à vos fils et à tous ceux qui sont loin et qu'aura appelés le Seigneur notre Dieu ». C'est cette diffusion de l'Eglise qu'il s'agit de considérer maintenant. L'Ecriture raconte en effet ce qui s'accomplit alors à Jérusalem, jusqu'au martyre du diacre Etienne, à la mort duquel Saul donna son consentement. Le récit achevé, les Actes ajoutent: « Il y eut en ces jours-là une grande persécution dans l'Eglise qui est à Jérusalem ; et tous furent dispersés dans les provinces de la Judée et de Samarie, excepté les Apôtres qui restèrent à Jérusalem ». Voyez se vérifier l'une après l'autre les prédictions du Seigneur : « Vous me rendrez témoignage à Jérusalem, dans toute la Judée, dans Samarie et jusqu'aux extrémités du monde ». C'est ce qui était arrivé déjà à Jérusalem; c'est ce qui arrive bientôt dans la Judée et dans Samarie ; et c'est pourquoi les fidèles sont dispersés dans la Judée et dans le pays de Samarie. Voici en effet ce que disent ensuite les Actes : « Or, ceux qui avaient été dispersés, traversant les villes et les bourgs, annonçaient la parole de Dieu ». Que les Apôtres y soient allés eux-mêmes, après avoir appris que Samarie avait reçu la parole de Dieu, et qu'ils aient imposé les mains aux nouveaux chrétiens, l'Ecriture nous le dit en ces termes: « Or, Pierre et Jean, ayant annoncé la parole de Dieu, revenaient à Jérusalem, et en passant ils prêchaient l'Evangile à un grand nombre de Samaritains ». Vient ensuite la conversion de cet eunuque qui, s'en retournant de Jérusalem, fut baptisé par Philippe; et voici ce qui est raconté de Philippe lui-même: « L'Ange du Seigneur enleva Philippe, et l'eunuque ne le vit plus. Or, il continua sa route plein de joie. Pour Philippe, il fut transporté à Azotum. Ayant quitté cette ville, il annonça l'Evangile dans toutes les cités, jusqu'à ce qu'il fût arrivé à Césarée (2) ».

 

1. Act. I, II. — 2. Id. VII.

 

Voilà donc l'Evangile prêché dans toutes les provinces de la Judée et du pays de Samarie. Il devait l'être ensuite successivement par toutes les nations, selon la parole du Seigneur : « Et jusqu'aux extrémités de la terre ». Saul est donc appelé par une voix qui vient du ciel, de persécuteur il devient prédicateur de l'Evangile, et à son sujet le Seigneur dit à Ananie : « Va, car il est pour moi un vase d'élection, afin qu'il porte mon nom pour être glorifié devant les nations et les rois, et les fils d'Israël. Car je lui montrerai combien il aura à souffrir pour mon nom ». L'Eglise, nous le voyons, est donc fondée à Jérusalem, elle est répandue dans toute la Judée et dans le pays de Samarie. C'est pourquoi un peu plus loin les Actes disent formellement : « Les églises jouissaient de la paix dans toute la Judée et la Galilée et le pays de Samarie; elles étaient entretenues et affermies dans la crainte de Dieu et remplies de la consolation de l'Esprit-Saint (1) ». Bientôt après on trouve la conversion du centurion Corneille, qui fut baptisé avec tous les siens, gentils non circoncis. Avant cet événement, Pierre étant en prière, eut une vision : il vit le ciel ouvert, et un vase lié par les quatre extrémités et semblable à un linge bien blanc où se trouvait toute espèce de quadrupèdes, d'animaux et d'oiseaux. Et il entendait une voix qui lui disait : « Pierre, lève-toi, tue et mange ». Mais Pierre répondit: « Je n'ai jamais rien mangé de commun ni d'impur ». Et la même voix lui dit : « Ce que Dieu a purifié ne le regarde plus comme commun ». Or, que cette vision signifie les nations qui doivent croire en Jésus-Christ, ce n'est pas de notre part une simple conjecture. Car l'Apôtre lui-même nous assure que tel est le sens de ce vase qui lui fut montré. En effet, lorsqu'il fut entré dans la maison où se trouvait Corneille, et qu'un grand nombre d'hommes s'y furent rassemblés, il leur dit: « Vous savez fort bien que c'est pour un juif un acte abominable que de s'unir à un étranger et de s'approcher de lui; mais Dieu m'a montré que nous ne devrions traiter personne de commun et de souillé (2) ». C'est ainsi qu'il explique cette parole qui lui fut dite au sujet des animaux dont ce linge mystérieux était couvert: « Ce que Dieu a

 

1. Act. IX. — 2. Id. X.

 

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purifié ne l'appelle plus commun ». Peut-on ne pas voir que ce vase est la figure de l'univers que remplissent toutes les nations? Aussi était-il attaché par les quatre coins pour désigner les quatre parties les plus célèbres: L'Orient et l'Occident, l'Auster et l'Aquilon, dont il est si souvent fait mention dans l'Ecriture. Quant à Paul, qui fut l'Apôtre des gentils, il serait trop long de rappeler les lieux qu'il parcourut, en prêchant l'Evangile et en confirmant dans la foi les églises naissantes. Quand les Juifs lui eurent résisté dans Antioche, voici ce qu'il leur dit, d'accord avec Barnabé : « C'est à vous qu'il fallait d'abord annoncer la parole de Dieu. Mais puisque vous l'avez repoussée et que vous vous êtes jugés indignes de la vie éternelle, nous nous tournons du côté des nations. Car tel est le commandement du Seigneur: Je t'ai établi pour être la lumière des nations, et leur salut jusqu'aux extrémités de la terre». Et il ajoute: « En l'entendant, les nations reçurent la parole de Dieu, et tous ceux qui étaient prédestinés à la vie éternelle crurent en Jésus-Christ (1) ». Les Actes rappellent ici le témoignage d'Isaïe que nous avons cité, et d'après lequel le Christ doit être le salut du monde entier (2).

 

 

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CHAPITRE XII. CONTINUATION DU MÊME SUJET.

 

31. Sans parler des nations qui depuis les Apôtres ont cru en Jésus-Christ, et se sont réunies à l'Eglise, dites-moi comment ont péri au milieu des troubles de l'Afrique celles-là seulement qui sont mentionnées dans les saints livres, dans les Actes, dans les Epîtres des Apôtres, dans (Apocalypse de saint Jean, livres que nous admettons tous, et auxquels tous nous nous soumettons. Ces églises, nous en constatons l'existence non par des assemblées d'évêques en dispute, non par les actes des tribunaux ou des municipes, non par des discussions récentes, mais par les lettres canoniques elles-mêmes. L'Eglise d'Antioche, où pour la première fois les disciples reçurent le nom de chrétiens (3), comment les récriminations des Africains ont-elles pu la faire périr? Quel vent assez impétueux pour propager la peste dans des pays si lointains, dans des pays où l'on ne connaît même pas les noms de ceux

 

1. Act. XIII, 46-48. — 2. Isa. XLIX, 6. — 3. Act. XI, 26.

 

qui ont donné lieu au mal, qui lui ont donné naissance; à Athènes, à Iconium, à Lystres? Quel vent a renversé les églises fondées par les travaux des Apôtres? et à la fin de son épître aux Romains, voici ce que dit l'Apôtre et le Docteur des nations : « Je vous ai écrit avec une certaine hardiesse, comme pour vous remettre tout cela en mémoire, à cause de la grâce que Dieu m'a faite d'être le ministre de Jésus-Christ parmi les nations, en prêchant l'Evangile de Dieu, afin que l'oblation des gentils soit agréable au Seigneur et sanctifiée dans l'Esprit-Saint. Je me fortifie donc en Jésus-Christ auprès de Dieu., Car je n'ose rien dire de mes o oeuvres : il n'en est aucune que Jésus-Christ n'ait accomplie par moi pour amener les gentils à l'obéissance, au moyen de la parole et des actions, par la puissance des miracles et des prodiges, par la vertu de l'Esprit-Saint; en sorte que j'ai annoncé l'Evangile du Christ depuis Jérusalem et les environs jusqu'en Illyrie (1) ». Cherchez, ô Donatistes, si vous ne le savez pas, cherchez combien il y a de lieux où il faille séjourner depuis Jérusalem et ses environs, jusqu'en Illyrie, en voyageant par terre. Si ce sont autant d'églises distinctes, dites-moi comment les dissensions de l'Afrique ont pu les faire périr. Vous lisez les épîtres de l'Apôtre aux Corinthiens, aux Ephésiens, aux Philippiens, aux Thessaloniciens, mais vous vous en tenez là; nous, nous les, lisons, nous y croyons, nous restons en communion avec les Eglises auxquelles ces épîtres ont été adressées. Quant à la Galatie, ce n'est pas une seule Eglise, mais il y a des églises sans nombre en ce pays. Entendez aussi en quels termes saint Paul salue les Corinthiens: « Paul, apôtre de Jésus-Christ, par la volonté de Dieu, et Timothée, son frère, à l'Eglise de Dieu qui est à Corinthe, avec tous les saints qui     sont dans l'Achaïe (2) ». Combien, pensez-vous, l'Achaïe comprenait-elle d'Eglises? Peut-être ne savez-vous pas où se trouve l'Achaïe, et peut-être jugez-vous d'une province si peu connue de vous avec assez de témérité, pour dire que nos mutuelles récriminations l'ont fait périr. Et tous ces pays que nomme saint Pierre : le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l'Asie, la      Bithynie, ne sont-ils pas remplis d'Eglises florissantes ? Saint Jean n'a-t-il pas écrit à

 

1. Rom. XV, 15-19. — 2. II Cor. I, 1. — 3. I Pierre, I, 1.

 

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Smyrne, à Pergame, à Sardes, à Tiatyre, à Philadelphie, à Laodicée, qui sont autant d'Eglises (1) ? Nous avons déjà parlé d'Ephèse. Dites-moi donc où ces villes sont situées, à quelle distance les unes des autres ? Peut-être en êtes-vous encore à l'entendre dire ou à le lire dans quelque livre. Voyez donc par là même à quelle distance elles se trouvent de l'Afrique, et dites-nous pourquoi ces villes que vous ne connaissez pas, ces villes nommées dans les épîtres des Apôtres, vous avez la sacrilège témérité de les accuser, vous osez dans votre folie prétendre que nos disputes les ont anéanties ! Enfin, je sais parfaitement ce que disent à leur sujet les livres canoniques; mais j'ignore ce que vous en dites vous-même : que ce soient là autant d'Eglises de Jésus-Christ, nous le lisons dans ces livres que vous vénérez comme nous ; par ces mêmes livres que nous vénérons aussi, faites-nous donc voir que ces Eglises n'existent plus. Voudriez-vous, je vous le demande, que nous prêtions l'oreille à tout ce que peuvent dire les mauvaises langues contre ces églises que l'Esprit-Saint nous a recommandées, nous a appris à connaître dans les Ecritures, contre ces églises qui sont des membres de cette Eglise -universelle répandue dans le monde entier ? Vous le voudriez, je le sais ; mais nous ne le voulons point. De quel côté se rencontre la justice, vous n'en doutez pas; mais, vaincu par l'animosité, vous ne voulez pas vous laisser vaincre par la vérité. Je vous produis les saintes Ecritures, je vous y montre les Eglises, désignées en général comme remplissant le monde, exprimées chacune par son nom. Elles n'ont jamais su ce que vos ancêtres ont objecté à leurs collègues, elles n'ont point su non plus quels hommes ont été jugés dans cette cause comment donc ont-elles pu périr ? Voilà les. Ecritures auxquelles je crois; voilà les Eglises avec lesquelles je suis en communion. Là où je vous montre leurs noms, faites-moi voir aussi leurs crimes.

32. Que si vos cris et vos paroles viennent d'autre part, pour nous, nous aimons mieux écouter la parole que notre Pasteur a prononcée par la bouche des Prophètes, par sa propre bouche et par celle des Evangélistes; les vôtres, nous n'en voulons point, nous n'y croyons point, nous ne les acceptons point.

 

1. Apoc. I, 11.

 

«Mes brebis», nous dit le divin Pasteur, « écoutent ma voix et me suivent (1) ». Or, cette voix qu'il fait entendre au sujet de son Eglise n'est point obscure. Si l'on ne veut s'égarer loin du troupeau, il faut écouter le Pasteur, il faut le suivre. Son fidèle ministre, le Docteur des nations dans la foi et dans la vérité (car c'est au nom de Jésus qu'il parlait), tient ce langage : « Je m'étonne que vous ayez si tôt abandonné celui qui vous a appelés dans la grâce du Christ pour suivre un autre évangile; ou plutôt, vous ne suivez pas un autre évangile, mais on vous jette dans le trouble, en voulant changer l'Evangile du Christ. Mais quand même nous vous annoncerions, quand même un ange du ciel vous annoncerait autre chose que ce que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème. Oui, je vous le répète, si quelqu'un vous prêche un autre évangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème (2) ». Il nous est annoncé dans l'Evangile que l'Eglise existera par toute la terre. La loi, les Prophètes et les psaumes l'avaient prédit, au témoignage du Seigneur lui-même, annonçant à son tour que cette Eglise commencera par Jérusalem, pour se répandre ensuite dans toutes les nations, que ses Apôtres lui rendraient témoignage à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités du monde : c'est ce qu'il prédit en montant au ciel. Ces paroles ne se sont-elles point réalisées ? Comment elle a commencé par Jérusalem; comment elle s'est ensuite répandue dans la Judée et dans la Samarie pour remplir ensuite toute la terre où elle s'accroît tous les jours, pour occuper jusqu'à la fin toutes les nations où elle n'existe pas encore, les saintes Ecritures nous le montrent. Quiconque annonce un autre Evangile, qu'il soit anathème.

 

 

 

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CHAPITRE XIII. RÉPONSE A CETTE OBJECTION DES DONATISTES « LES PROMESSES DIVINES SE SONT RÉALISÉES, L'ÉGLISE S'EST RÉPANDUE DANS LE MONDE, MAIS ENSUITE L'UNIVERS A APOSTASIÉ ».

 

Or, dire que l'Eglise a péri dans le monde entier, qu'elle n'existe plus que dans l'Afrique et dans le parti de Donat, n'est-ce pas annoncer un autre évangile? Donc, anathème à ceux

 

1. Jean, X, 27. — 2. Gal. I, 6-9.

 

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qui tiennent ce langage ! Ou bien, qu'ils justifient leur assertion par les Ecritures, et alors l'anathème sera levé.

33. « Nous la justifierons », disent-ils. « Enoch fut le seul d'entre les hommes qui plût à Dieu, et il fut transporté loin de la terre (1); et ensuite, quand le déluge eut inondé la terre, Noé seul avec son épouse, ses fils et ses brus,.mérita d'être sauvé dans l'arche (2) ». Ils ajoutent aussi que «Loth seul avec ses filles furent délivrés de l'embrasement de Sodome ». Ils disent encore que « du temps d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, un petit nombre seulement furent agréables à Dieu, quand la terre entière était asservie à l'idolâtrie ». Ils rappellent enfin que « le peuple d'Israël s'étant multiplié, du temps des rois, dans cette terre promise distribuée a aux douze tribus, il y en eut dix qui se séparèrent et furent livrées au serviteur de Salomon; que deux seulement restèrent fidèles au fils de Salomon pour former le royaume de Jérusalem (3). De même en notre temps », disent-ils, « le monde tout entier a apostasié; a il n'y a que nous qui, comme les deux tribus, soyons restés dans le temple, c'est-à-dire dans l'Eglise. Et Notre-Seigneur Jésus-Christ n'était-il pas suivi d'un grand nombre de disciples? Soixante-douze le quittèrent, et les douze Apôtres seulement demeurèrent avec lui ». C'est par ces exemples et d'autres semblables que les hérétiques s'efforcent de justifier leur petit nombre et qu'ils ne cessent de s'élever contre les saints qui sent dans l'Eglise, dans cette multitude répandue dans l'univers entier. Mais voici la question que je leur adresse : « Si (ce qu'à Dieu ne plaise) je ne voulais pas regarder comme vrais les exemples que vous me citez, comment me convaincriez-vous ? » N'est-ce point par les Saintes Ecritures, où ces textes sont si clairs, qu'après avoir admis ces livres comme inspirés, il faut admettre aussi comme vrais tous ces passages ? Or, si je suis forcé d'ajouter foi à ces faits parce qu'ils sont écrits dans des livres où je ne dois point trouver le mensonge, pourquoi ne croient-ils pas eux-mêmes à ces écrits, quand il s'agit de cette Eglise répandue par tout l'univers? Nous admettons tous les passages qu'ils nous citent. Qu'à leur tour ils croient ce que dit le Seigneur : « La pénitence a sera prêchée en mon noie, la rémission des

 

1. Gen. V, 24. — 2. Id. VII, 1. — 3. III Rois, XI, 11-13.

 

péchés sera annoncée par toute la terre, à commencer par Jérusalem ». Qu'ils ajoutent foi aux paroles qu'il prononça en dernier lieu, au moment de monter au ciel : « Vous me rendrez témoignage à Jérusalem, et, dans toute la Judée, et dans la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre (1) ». Regardons comme vrais les passages qu'ils citent et ceux que nous citons, et il n'y aura plus entre nous aucune discussion. Car leurs textes ne contredisent point les nôtres, les nôtres ne contredisent point les leurs. « Nous nous en rapportons à vos textes », disent-ils, « nous reconnaissons qu'ils se sont vérifiés; mais ensuite l'univers a apostasié, et il n'est plus resté d'Eglise que la communion de Donat ». Qu'ils nous le montrent donc dans les Ecritures, comme ils nous y montrent ce qui est raconté d'Enoch, de Noé, d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et de ces deux tribus qui seules demeurèrent fidèles après le schisme des dix autres, et des douze Apôtres qui n'imitèrent point l'apostasie des disciples; oui, qu'ils nous le montrent, et nous ne faisons plus aucune résistance. Mais si, au lieu de nous le montrer dans les livres saints, ils s'évertuent à nous le persuader par leurs chicanes, eh bien ! je crois ce que je lis dans les Ecritures, et non pas ce que me disent des hérétiques sans autorité. Ils croient de voir se comparer aux deux tribus qui restèrent fidèles au fils de Salomon : qu'ils lisent, et ils se repentiront de l'avoir fait. Voici en effet comment l'Ecriture parle de ces deux peuples. Celui qui entoure Jérusalem est appelé Juda; celui, bien plus nombreux, qui s'est rallié au serviteur de Salomon, est nommé Israël. Que disent les Prophètes à leur sujet? Juda, selon eux, n'est-il point pire qu'Israël? Israël, disent-ils, qui a quitté le Seigneur, est justifié par les péchés de Juda qui a prévariqué (2); c'est-à-dire, Juda est si coupable, que l'on peut, en comparaison, donner à Israël le nom de juste, Toutefois, ni les péchés de l'un ni les péchés de l'autre n'ont pu nuire aux justes qui se trouvaient dans Israël ou dans Juda. Car dans ce peuple qu'ils citent comme un exemple de perdition, dans Israël, n'apercevons-nous pas de saints prophètes? C'est là que se trouvait l'illustre Elie, pour ne point parler des autres, Elie auquel il fut dit : « Je me suis réservé

 

1. Luc, XXIV, 44-51 ; Act. I, 8, 9. — 2. Ezéch. XVI, 51.

 

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sept mille hommes qui n'ont point courbé le genou devant Baal (1) ». Donc, cette portion du peuple ne doit point être traitée d'hérétique. Dieu, en effet, avait ordonné la séparation de ces tribus, non pour diviser la religion, mais pour diviser le royaume, et se venger ainsi du royaume de Juda. Or, Dieu n'ordonne jamais ni le schisme ni l'hérésie. Dans le monde, il est vrai, la plupart du temps les royaumes sont divisés; il n'en est pas ainsi de l'unité chrétienne, puisque dans l'une et l'autre partie du monde se trouve l'Eglise catholique.

34. Si j'ai cru devoir parler ici de Juda et d'Israël, c'est pour montrer aux Donatistes que les justes placés au milieu des impies sont à l’abri des reproches dirigés contre les peuples eux-mêmes à cause de la multitude des impies; qu'ils doivent par conséquent cesser de recueillir comme autant de témoignages en leur faveur, les menaces des Prophètes ou du Seigneur lui-même, ou des évangélistes contre la zizanie ou contre la paille répandue dans l'univers. La plupart du temps, en effet, la parole de Dieu s'adresse à ces sectes impies et tumultueuses, qui ne font pas même partie de l'Eglise, qui en conservent pourtant les sacrements et se donnent par là une apparence de piété, sans en avoir la réalité, comme dit l'Apôtre : « Ils ont l'apparente de la piété, mais ils en rejettent la vertu (2) » ; elle blâme ces sectes, comme si tous les chrétiens en faisaient partie et que tous fussent corrompus. Dieu nous avertit par là qu'il a en vue le nombre des impies, quand il dit : « Tous » ; qu'il veut parler de tous les fils de la géhenne, dont il a prévu le nombre. Ils sont donc bien maladroits ou bien perfides, en s'appuyant sur des textes de l'Ecriture qui ont rapport soit aux méchants mêlés avec les bons jusqu'à la fin, soit à la dévastation du pays des Juifs, et, en les appliquant à contre-sens à l'Eglise de Dieu, qui, à les entendre, aurait disparu de l'univers et se serait anéantie. Qu'ils cessent de mettre en avant de pareils textes, s'ils veulent répondre à cette lettre. En disant que l'Eglise est répandue dans tout l'univers, nous ne prétendons point que les bons participent seuls à ses sacrements, à l'exclusion des méchants; nous croyons même que les méchants sont en plus grand nombre, et que les justes sont peu

 

1. III Rois, XIX, 18. — 2. II Tim. III, 5.

 

nombreux en comparaison, bien que, absolument parlant, ils forment à eux seuls un nombre considérable.

 

 

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CHAPITRE XIV. LE MÉLANGE DES MÉCHANTS AVEC LES BONS NE DÉTRUIT PAS L'ÉGLISE. LES SAINTES ÉCRITURES NOUS L'ENSEIGNENT.

 

35. Nous avons d'innombrables témoignages, et du mélange des méchants avec les bons dans la participation aux sacrements, (dès le principe, en effet, Judas, le traître, fut mêlé avec les onze Apôtres fidèles), et du petit nombre des bons en comparaison de celui des méchants, et aussi de la multitude des bons considérée en elle-même. J'en cite quelques-uns seulement. Je lis dans le Cantique des cantiques ce texte qui, de l'aveu de tous les chrétiens, se rapporte à la sainte Eglise : « Comme le lis s'élève au milieu des épines, ainsi celle qui est proche de moi s'élève au milieu des filles (1) ». Ces épines dont parle l'Ecriture, n'est-ce point la perversité de leurs moeurs? Et si elle emploie cette expression : « Les filles », n'est-ce point que les pécheurs participent aux mêmes sacrements? Le prophète Ezéchiel voit aussi certains hommes marqués au front, pour ne pas être enveloppés dans la ruine des méchants, et, à leur sujet, Dieu s'exprime en ces termes : « Ceux qui gémissent et s'affligent des péchés et des iniquités que mon peuple commet au milieu d'eux (2) ». Il ne l'appellerait point son peuple, ce peuple qui, par son ordre, doit être bientôt anéanti, à la réserve d'un petit nombre, s'il n'était le dépositaire de ses promesses. Que dit encore le Seigneur au sujet de la zizanie que l'on a semée dans le champ du père de famille? « Laissez croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson » . « L'un et l'autre », c'est-à-dire le froment et la zizanie. La moisson, ainsi que le Sauveur l'explique lui-même, c'est la fin des siècles; le champ où l'on a semé le froment et l'ivraie, c'est le monde. Il faut donc que l'un et l'autre croissent dans le monde jusqu'à la fin des siècles. Il ne leur est donc plus permis de supposer ni d'affirmer, comme ils le font, qu'il n'y a plus de justes dans le monde, et qu'il n'en reste que dans le seul parti de Donat. Ils s'insurgent, en effet, contre cette parole si claire du Sauveur : « Le

 

1. Cant. II, 2. — 2. Ezéch. IX, 4.

 

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champ, c'est le monde » ; et contre cette autre parole : « Laissez-les croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson »; et encore : « La moisson, c'est la fin des siècles». Voici une autre parabole qui nous fait comprendre très-bien aussi le mélange des bons et des méchants dans la participation aux mêmes sacrements ; c'est le Seigneur lui-même qui l'énonce et qui l'explique : « Le royaume des cieux est semblable à un filet que l'on a jeté à la mer et qui a rassemblé toute sorte de poissons. Lorsqu'il a été rempli, les pécheurs l'ont retiré sur le rivage; et, s'étant assis, ils ont choisi les meilleurs qu'ils ont placés dans leurs vases; quant aux mauvais, ils les ont jetés hors du filet. Il en sera de même à la fin des siècles : les anges viendront, et ils sépareront les méchants d'avec les justes, et ils les jetteront dans la fournaise : là il y aura pleur et grincement de dents (1)». Les bons ne s'effraient donc point de leur mélange avec les méchants; ce n'est point pour eux un motif de rompre les filets, ni de sortir de l'unité ; ils aiment mieux laisser participer aux mêmes sacrements des hommes qui n'appartiennent pas au royaume des cieux. Lorsqu'ils auront atteint le rivage, c'est-à-dire quand ils seront arrivés à la fin des siècles, alors se fera la séparation, et le juge sera non point l'homme avec sa témérité, mais Dieu lui-même avec son infaillible justice.

36. Quant au petit nombre des bons, le Seigneur en parle clairement dans ce passage : «Entrez par la porte étroite. Qu'elle est large, qu'elle est spacieuse la voie qui mène à la perdition ! qu'elle est étroite la porte, qu'elle est resserrée la voie qui mène à la vie, et qu'il y en a peu qui y entrent (2) ! » C'est nous qui sommes ce petit nombre, disent les Donatistes; l'univers entier a péri, seuls nous sommes restés dans ce petit nombre auquel le Seigneur adresse des éloges. S'ils se font gloire d'être peu nombreux, nous leur opposons les Rogatistes et les Maximianistes, qui se sont séparés d'eux et qui leur sont inférieurs en nombre. Mais en louant le petit nombre, le Seigneur a en vue de le comparer avec la multitude des méchants. L'Écriture ne parle-t-elle pas de la multitude des bons considérée en elle-même ? — Qu'ils lisent les livres saints ! Que de témoignages ne

 

1. Matt. XIII, 21-30. — 2. Id. VII, 13, 11.

 

trouveront-ils pas à l'appui de notre assertion ! Pourquoi Dieu promet-il à Abraham une postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que les grains de sable de la mer (1)? N'est-ce pas pour faire entendre que cette postérité sera innombrable? L'Apôtre ne nous le dit-il pas en ces termes : « Il s'agit de la postérité d'Isaac ; dans cette postérité ne sont point compris les enfants selon la chair, mais les fils de la promesse (2) ? » Que signifient ces autres paroles : « Les fils de la femme abandonnée sont plus nombreux que ceux de la femme qui a un mari (3)? » Et celles-ci: « Beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident, et s'assiéront avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux; et les fils du royaume iront dans les ténèbres extérieures (4)? » Ce sont les Juifs impies. — Que signifient encore ces paroles de l'Apôtre : « Afin qu'il nous purifiât et se fît en nous un peuple riche, ardent à pratiquer les bonnes oeuvres (5) ? » Pourquoi l'Apocalypse compte-t-elle par millions les justes de l'Église (6)? Vous le voyez donc, tour à tour il est parlé du grand nombre et du petit nombre des justes. C'est que considérés en eux-mêmes ils sont nombreux; en comparaison des impies, leur nombre est fort restreint.

 

 

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CHAPITRE XV. EXPLICATION DE CERTAINS TEXTES OBJECTÉS PAR LES HÉRÉTIQUES.

 

37. « C'est de nous qu'il a été dit », ajoutent les Donatistes : « Les derniers seront les premiers (7). L'Évangile fut prêché bien tard en Afrique, et c'est pourquoi on ne trouve nulle part dans les épîtres des Apôtres que l'Afrique ait embrassé la foi. Quant aux ; Orientaux et aux autres nations qui sont mentionnées dans les livres saints comme ayant cru à l'Évangile, il a été dit à leur sujet : Les premiers seront les derniers, parce qu'ils devaient abandonner la vraie foi ». N'est-ce point là cette ruse des hérétiques contre laquelle il faut se tenir en garde? Ils veulent détourner de leur sens les paroles de Dieu qui ont en vue la vérité pour les faire servir à la perversité de leurs coeurs. Ce texte, en effet, pourquoi ne pas l'entendre des Juifs ; qui, après avoir été les premiers sont devenus

 

1. Gen. XV, 5; XXII, 27. — 2. Rom.IX, 7. — 3. Isa. LIV, 1. — 4. Matt. VIII, 11, 12. — 5. Tite, II, l4. — 6. Apoc. V, 11. — 7. Matt. XX, 16.

 

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les derniers, et des Gentils qui après avoir été les derniers sont devenus les premiers? Cette interprétation, quand même je ne pourrais la justifier par aucun document positif, doit suffire à tout lecteur sensé, car elle montre du moins que les Donatistes n'ont rien allégué de certain, rien dont on ne puisse douter avec fondement. Disons qu'il ne s'agit ici ni des Juifs, ni des Gentils; mais plusieurs nations barbares ont embrassé la foi chrétienne même après l'Afrique ; il est donc certain que l’Afrique ne tient pas le dernier rang parmi les nations converties. Ajoutez à cela que le Seigneur lui-même nous explique le sens de ses paroles, et ferme ainsi la bouche aux calomniateurs. Il s'adresse en effet aux Juifs, qui lui diront un jour : « Vous avez enseigné sur nos places publiques. Vous verrez », dit-il, « Abraham, Isaac, Jacob et tous les Prophètes dans le royaume de Dieu, et vous, vous serez chassés dehors; les peuples viendront de l'Orient, de l'Occident, de l'Aquilon et du Midi, et ils prendront place dans le  royaume de Dieu; et les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers (1) ». Comment contredire une explication si précise?

38. Ils disent encore qu'il s'agit de « l'apostasie de l'univers dans ces paroles du Sauveur : Quand le Fils de l'homme viendra, pensez-vous qu'il trouve encore de la foi sur la terre (2)? » Selon nous, Jésus-Christ a voulu parler ou bien de la perfection même de la foi, si difficile aux hommes, que les saints les plus admirables, Moïse lui-même (3), ont parfois hésité ou ont pu hésiter; ou bien il a voulu parler de la multitude des impies et du petit nombre des justes. C'est pourquoi le Seigneur semble exprimer quelque doute. Il ne dit pas en effet : Quand le Fils de l'homme viendra, il ne trouvera plus de foi sur la terre; mais : « Pensez-vous qu'il trouve encore de la foi ? » Lui qui sait tout et prévoit tout ne pouvait douter de rien ; cette manière de dire se rapporte à nos propres doutes; à la vue des scandales qui se multiplieront à la fin des siècles, la faiblesse humaine tiendra ce langage. Aussi lisons-nous dans les psaumes : « Mon âme s'est a endormie à cause de l'ennui; fortifiez-moi par vos paroles (4) ». Pourquoi : « Mon âme

 

1. Luc, XIII, 26-30. — 2. Id. XVIII, 8. — 3. Deut. XXXII, 51. — 4. Ps. CXVIII, 28.

 

s'est endormie à cause de l'ennui », sinon parce que le Seigneur a dit : « L'iniquité s'est multipliée, c'est pourquoi la charité d'un grand nombre se refroidira? » Et pourquoi encore : « Fortifiez-moi par vos paroles », sinon à cause de la sentence prononcée par le Seigneur : « Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé (1)? » L'iniquité, en se multipliant, refroidira donc la charité dans bien des coeurs; comme aussi, dans le monde entier, il s'en trouvera qui, en persévérant jusqu'à la fin, seront sauvés. « Car », dit le Seigneur, « laissez croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson » ; et encore : « La moisson est la fin des siècles, et le champ est le monde (2) ». Ecoutez encore la voix de la faiblesse humaine : « Sauvez-moi, Seigneur, parce qu'il n'y a plus de sainteté et que la vérité a diminué parmi les hommes ». Mais pourtant, au milieu d'eux il y a les fidèles, qui ne forment qu'un coeur et qu'une âme, et qui s'écrient : « Sauvez-moi, Seigneur (3) » L'homme, en effet, qui pousse ce cri : « Sauvez-moi, Seigneur », se compose de plusieurs; c'est pourquoi il est dit peu après : « A cause de la misère des indigents et des gémissements des pauvres, je me lèverai maintenant, dit le Seigneur ». Un peu plus loin encore il est dit au pluriel : « Vous nous sauverez et vous nous protégerez éternellement contre cette génération (4) ». De quelle génération s'agit-il, sinon de celle dont il est question plus haut: « Il n'y a plus de sainteté, et la vérité est diminuée parmi les hommes?» Les deux générations doivent exister ensemble dans le monde entier jusqu'à la fin : « Car », dit le Seigneur, « laissez l'un et l'autre croître jusqu'à la moisson »; et encore : « Le champ est le monde; la moisson est la fin des siècles ». Cet homme unique, qui est le corps du Christ, composé d'un grand nombre d'hommes, sera transporté au ciel, comme Enoch, qui plut au Seigneur (4); il sera délivré, comme Loth, de l'embrasement de Sodome (5), et comme Noé, du déluge (6). Il éprouve la misère des indigents et gémit de sa pauvreté, parce que l'ennui accable pour ainsi dire son âme de sommeil, lorsqu'il demande à Dieu de le fortifier par sa parole. Or, il fait connaître dans ce psaume la cause de son ennui : « L'ennui», dit-il, s'est emparé de moi, parce

 

1. Matt. XXIV,12, 13. — 2. Id. XIII, 30, 39, 38. — 3. Ps. XI, 2, 6, 8. — 4. Gen. V, 24. — 5. Id. XIX, 12. — 6. Id. VII, 1.

 

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que les pécheurs ont abandonné ta loi (1) ». L'ennui lui serre le coeur, et il pousse des cris. Mais où est-ce qu'il crie? « Des extrémités de, la terre », dit-il, «j'ai crié vers toi, tandis que mon coeur était dans l'angoisse (2) ». Ce n'est pas seulement quand il endure des tourments corporels qu'il souffre persécution pour la justice ; il n'est pas toujours affligé dans son corps ; mais un tourment qu'il ne cessera d'endurer tant que l'iniquité n'aura point disparu, c'est le tourment du coeur, c'est cet ennui que lui causent les pécheurs en s'écartant de la loi divine. Loth, en effet, n'était pas exempt de persécutions dans Sodome, où cependant personne ne lui faisait souffrir de mauvais traitements dans son corps ; mais les actes que commettaient sous ses yeux, les paroles que proféraient à ses oreilles les nombreux partisans de l'iniquité, tourmentaient cet homme juste (3). C'est de lui que l'Apôtre a dit : « Tous ceux qui veulent  vivre avec piété dans le Christ souffriront persécution». Quel est le langage de l'Apôtre au sujet de ceux qui abandonnent la loi de Dieu? (Et c'est d'eux que dit le corps de Jésus-Chris : « J'ai vu les insensés, et je suis tombé en langueur (4) ».) « Les méchants », dit-il, « les criminels iront de pire en pire, ils s'égareront et entraîneront les autres dans leur erreur (5) ». Mais ces deux générations se perpétueront jusqu'à la fin : « Car », dit Jésus-Christ, « laissez-les croître l'une et l'autre jusqu'à la moisson; or, le champ est le monde, et la moisson la fin des siècles ».

39. Ce qui me surprend, c'est que les Donatistes ne prennent pas garde à ce qu'ils disent, quand ils citent à l'appui de leur cause ces paroles de Jésus-Christ:« Quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il encore, pensez-vous, de la foi sur la terre ? » L'Afrique n'est donc pas la terre. Si ces mots veulent dire qu'il ne trouvera de foi chez personne; ou bien il a voulu parler de quelque contrée particulière, et alors on ne sait de quelle contrée ; ou bien il a voulu parler de toute la terre, et alors où trouvent-ils que l'Afrique soit exceptée? Qu'ils craignent plutôt d'être atteints par les paroles .qui viennent ensuite. Les premières : « Pensez-vous que le Fils de l'homme venant sur la terre y trouve encore de la foi », pouvaient, donner lieu à des hérétiques, superbes, qui,

 

1. Ps. CXVIII, 53.  — 2. Id. LX, 3. — 3. II Pierre, II, 7. — 4. Ps. CXVIII, 158. — 5. II Tim. III, 12, 13

 

dans certaines parties de la terre se sont séparés de la communion de l'univers entier, d'enfler leurs coeurs de cette vaine et orgueilleuse pensée, qu'ils étaient les seuls justes, que tous les autres peuples dont se composait l'Église, avaient abandonné la foi. C'est pourquoi l'Evangéliste ajoute aussitôt : « Or, il dit à quelques-uns qui se croyaient justes, et qui méprisaient les autres cette parabole ». C'est la parabole du Pharisien et du Publicain priant tous deux dans le temple (1), figures de l'orgueilleux qui se glorifie de ses bonnes oeuvres, et de l’humble qui confesse ses péchés. Que les Donatistes cessent donc, s'ils veulent répondre à cette lettre, de nous alléguer ces témoignages, que nous citons avec eux, et qui ont rapport soit à la perte des Juifs, soit à la zizanie, ou à la paille, ou aux mauvais poissons du monde entier. Nous avons établi par des témoignages manifestes la diffusion de l'Église par tout l'univers; c'est à eux de produire à leur tour des textes où il soit prédit clairement que toutes les autres nations ont perdu la foi, que l'Afrique seule l'a conservée avec les pays où elle a envoyé des évêques.

 

 

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CHAPITRE XVI. RÉPONSE A UNE OBJECTION TIRÉE DE CE TEXTE : « DIS-MOI OÙ JE TROUVERAI CELUI QUE MON COEUR AIME ».

 

40. « Il est écrit », disent-ils, « au Cantique des cantiques (c'est l'épouse, c'est-à-dire, l'Église qui s'adresse à l'époux) : Dis-moi où je trouverai celui que mon coeur aime, dis-moi où tu gardes ton troupeau, où tu te reposes au midi ». Voilà l'unique témoignage qui, selon eux, retentisse en leur faveur: car l'Afrique est au midi. Mais comment se fait-il que l'Église demande au Christ où se trouve l'Église? Car il n'y a pas deux Eglises, il n'y en a qu'une seule. Ou bien, puisqu'ils avouent que c'est l'Église qui parle à Jésus-Christ, qu'ils nous montrent quelle est l'Eglise qui interroge et quelle est l'Église sur laquelle elle interroge. L'Église demande où elle trouvera son époux et lui dit : « Dis-moi où je et trouverai celui que mon coeur aime; dis-moi où tu gardes ton troupeau, où tu te reposes au midi ». N'est-ce pas l'Église qui parle et demande où est l'Église au midi? Elle ne dit pas: « Où gardes-tu ton troupeau,

 

1. Luc, XVIII, 8-14.

 

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es-tu couché ? » Au Midi n'est pas la réponse ; comme si l'époux répondait: C'est au midi que je garde mon troupeau, c'est au midi que je suis couché. Toutes ces paroles font partie de l'interrogation : « Où gardes-tu le troupeau, où es-tu couché au midi ? » C'est encore elle qui dit : « De peur que je ne sois comme couverte au-dessus a des troupeaux de tes amis ». L'époux répond: « Si tu ne te connais pas toi-même, ô la plus belle des femmes (1) », etc. Rien dans ces paroles ne montre que l'Eglise soit seulement dans les régions méridionales; au contraire, des autres parties du monde où elle est établie elle demande quels sont ceux qui dans le midi appartiennent à sa communion, c'est-à-dire en quel endroit son époux fait paître ses troupeaux, et se repose ; car il ne fait paître que les siens, il ne se repose qu'au milieu des siens. Les membres de l'époux, c'est-à-dire les véritables fidèles, viennent d'au-delà des mers en Afrique; ils entendent dire que dans ce pays se trouve le parti de Donat, et craignant de tomber entre les mains d'un rebaptisant, ils invoquent le Christ et lui font cette prière : « Montre-moi celui que chérit mon coeur, dis-moi où tu gardes ton troupeau, où tu te reposes au midi » ; c'est-à-dire, fais-moi connaître ceux qui composent ce midi où tu gardes ton troupeau, et où tu te reposes, c'est-à-dire encore, ceux qui ont la charité et ne divisent point l'unité. Et voyez ce qu'elle ajoute : « De peur que je ne sois comme couverte au-dessus des troupeaux de tes rivaux »; c'est-à-dire, de peur que je ne sois comme cachée, inconnue, non manifestée : tel est en effet le sens de ces mots : « De peur que je ne sois couverte ». Elle ne dit pas Au-dessus de ton troupeau ; mais : «Au-dessus des troupeaux de tes rivaux », qui d'abord étaient avec toi, et qui ensuite ont voulu former non pas ton troupeau, mais leurs propres troupeaux; qui n'ont pas voulu comprendre cette parole : « Celui qui n'est pas avec moi, disperse (2) », ni cette autre parole que tu as dite à saint Pierre : « Pais mes brebis (3) »; les miennes et non pas les tiennes. Or, cette véritable Eglise n'est point couverte ; car elle n'est pas sous le boisseau, mais sur le chandelier, pour luire aux regards de tous ceux qui sont dans la maison. C'est d'elle qu'il a été dit : « La ville qui est sur la montagne ne

 

1. Cant. I, 6, 7. — 2. Matt. XII, 30. — 3. Jean, XXI, 17.

 

peut être cachée (1) ». Toutefois elle est comme cachée pour les Donatistes, qui entendent des témoignages si lumineux et si évidents, de sa diffusion par tout l'univers, et aiment mieux se heurter, les yeux fermés, contre cette montagne que de la gravir. Cette montagne, c'est la pierre qui s'est détachée d'elle-même, qui s'est accrue, qui est devenue une montagne immense, et qui a rempli la terre (2).

41. On peut trouver un autre sens à ces paroles : « Dis-moi où tu conduis ton troupeau, où tu te reposes au midi ». C'est l'époux qui parle dans les Psaumes, par la bouche de Moïse, le serviteur de Dieu : « Fais-moi connaître ta droite; fais-moi connaître ceux dont le cœur est formé par la sagesse (3) ». Le midi, c'est la lumière de la sagesse qui les éclaire, l'ardeur de la charité qui les brûle. Quand l'Esprit de Dieu exhorte aux bonnes oeuvres par son Prophète, c'est là ce qu'il promet : « Et tes ténèbres », dit-il, « seront comme le midi (4) ». Mais dût-on par ces mots : «Au midi », entendre nécessairement quelque endroit de l'univers, on ne peut leur donner un sens arbitraire, puisqu'ils ne forment qu'une seule interrogation. Si à cette question : Où faites-vous paître votre troupeau, où vous reposez-vous, on répond en citant un point de l'univers : « Au midi »; il ne s'ensuit point qu'il s'agisse de l'Afrique. L'Afrique, il est vrai, est située dans la partie méridionale du monde, mais elle regarde l'Afrique, et non pas l'Auster où est vraiment le Midi. C'est là en effet que le soleil forme le milieu du jour; et le vrai midi, c'est l'Egypte. Si donc l'époux interrogé par l'épouse sur le lieu qui lui est particulièrement cher, sur sa demeure la plus secrète, répondait: C'est le midi, l'Eglise catholique reconnaîtrait bien probablement ce séjour de prédilection, dans ceux de ses membres qui sont en Egypte, dans ces milliers de serviteurs de Dieu qui, au désert, composent une société sainte et s'étudient à mettre complètement en pratique ce précepte de l'Evangile : « Voulez-vous être parfait? Allez, vendez ce que vous avez et donnez-le aux pauvres et vous aurez un trésor dans le ciel. Venez, suivez-moi (5) ». N'est-ce pas pour le Fils de Dieu un lieu plus secret pour conduire son troupeau, pour se coucher,

 

1. Matt. V, 15, 14 . — 2. Dan. II, 31, 35. — 3. Ps. LXXXIX, 12. — 4. Isa. LVIII, 10. — 5. Matt. XIX, 24.

 

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c'est-à-dire pour se reposer, que la foule turbulente de ces circoncellions furieux, qui sont la plaie de l'Afrique ? Ecoutez le prophète Isaïe parlant de l'Egypte : « En ce jour-là le Seigneur aura un autel dans le pays des Egyptiens, et dans leur pays le Seigneur aura un titre, et ce titre sera pour le Seigneur un signe éternel dans le pays des Egyptiens. Car ils crieront vers le Seigneur contre ceux qui les opprimaient ; et le Seigneur leur enverra un homme qui les sauvera, et qui les préservera en jugeant. Et le Seigneur sera connu des Egyptiens ; et les Egyptiens craindront le Seigneur en ce jour-là, et ils feront des sacrifices, et ils feront des voeux, et les accompliront. Et le Seigneur frappera de plaies les Egyptiens et il les guérira dans sa miséricorde, et ils se convertiront au Seigneur; il les exaucera et il les guérira (1) ». Que peuvent-ils répondre? Pourquoi ne sont-ils pas en communion avec cette Eglise des Egyptiens qui est ainsi annoncée? Ou bien, si ce n'est là qu'une figure, et que l'Egypte signifie le monde, pourquoi ne sont-ils pas en communion avec l’Eglise universelle ?

42. Qu'ils interrogent donc les Ecritures ; qu'à tous ces témoignages nous montrant l’Eglise de Jésus-Christ répandue dans tout l'univers, ils en opposent un seul qui ait la même certitude et la même évidence; qu'ils nous prouvent que l’Eglise du Christ a disparu des autres nations, qu'elle est demeurée seulement en Afrique, qu'elle a pris naissance non à Jérusalem, mais à Carthage, où pour la première fois ils ont élevé chaire contre chaire. Si nous voulons voir en Donat le prince de Tyr, puisque Carthage a été surnommée Tyr, entendez Ezéchiel prophétiser contre lui. N'est-ce pas Donat qu'il désigne par ces paroles : « Je te montrerai que tu es un homme, et non un Dieu ? » Ses sectateurs en effet se glorifient plus de son nom que du nom de Dieu. Dieu seul est exempt de péché, Dieu seul, et avec lui ce prêtre qui intercède pour nous et dont il est dit : « Il est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans les siècles des siècles (2) ». Or, non-seulement les imitateurs de Donat veulent passer pour être sans péché, mais ils se donnent comme justifiant les hommes, et leur huile, disent-ils, n'est pas l'huile du pécheur (3). C'est à bon droit que l'on dit au prince de Tyr : « Tu as dit : Je suis Dieu;

 

1. Is. XIX, 19-22. — 2. Rom. IX, 5. — 3. Ps. CXL, 5.

 

or, tu es un homme et non un Dieu n; et encore : « Es-tu meilleur que Daniel (1) ? » Car Daniel confesse ses péchés et ceux de son peuple, mais les sujets du prince de Tyr prétendent qu'ils prient pour les péchés du peuple et qu'ils sont exaucés, parce qu'ils sont exempts de péchés. Oui, c'est à bon droit que l'on dit au prince de Tyr : « Es-tu meilleur que « Daniel? n Nous pouvons donc trouver quelque texte spécial à la circonstance, et dire que . ce monstre abominable est sorti de la capitale de l'Afrique, c'est-à-dire de Carthage. On sait en effet que Tyr se prend très-bien pour Carthage. Et cependant nous ne voulons point tirer parti de semblables textes, car le nom de Tyr peut avoir une autre signification; à plus forte raison nos adversaires ne peuvent-ils s'appuyer sur le mot « midi », puisque la phrase offre un tout autre sens que le leur.

43. Mais non, il ne leur est pas même loisible de chercher à prouver par un texte que toutes les nations doivent perdre la foi, et que l’Eglise sera limitée à l'Afrique toute seule: qu'ils songent à cette parabole que j'ai souvent rappelée: « L'ivraie et le bon grain doivent croître jusqu'à la moisson, le champ est le monde, et la moisson, la fin des siècles (2) ». Ce n'est pas nous, c'est le Seigneur lui-même qui interprète cette figure. Il y a d'autres textes tout aussi clairs, qui peuvent les dispenser de chercher à prouver que le monde est perdu, et que l’Eglise est restreinte à la seule Afrique. Une chose peut exister sans qu'on la trouve; mais si elle n'existe pas, il est impossible de la trouver. Qu'ils cessent donc de chercher ce qu'ils ne pourront trouver, non point parce que l’objet de leurs recherches est caché, mais parce qu'il n'existe pas. Il y a encore des nations où l'Evangile n'a pas été prêché. Mais tout ce qui a été prédit du Christ et de son Eglise doit s'accomplir ; donc il faut que l'Evangile leur soit aussi annoncé.

 

 

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CHAPITRE XVII. LES SAINTES ÉCRITURES ANNONCENT QUE LES MÉCHANTS SERONT MÊLÉS AUX BONS JUSQU'À LA FIN DES SIÈCLES.

 

Et pourtant ils osent affirmer l'accomplissement de cette parole du Sauveur: « La pénitente et la rémission des péchés seront prêchées par toutes les nations, à commencer

 

1. Ezéch. XXVIII, 2-9. — 2. Matt. XIII, 30, 38, 39.

 

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par Jérusalem (1) » . Ils osent dire que toutes abandonneront la foi, et que l'Afrique seule restera fidèle à Jésus-Christ. Non, la prophétie doit s'accomplir; elle ne l'est pas encore. Et quand elle sera réalisée, la fin arrivera. Car voici les paroles du Seigneur : « Cet évangile du royaume sera prêché dans tout l'univers, pour servir de témoignage à toutes les nations, et alors viendra la fin (1)». Comment comprendre que toutes les nations ayant reçu la foi, elles l'aient ensuite perdue; à l'exception de l'Afrique?

44. Peut-être veulent-ils pousser la folie jusqu'à ses dernières limites, et dire que ce n'est point par les Eglises fondées par les travaux des Apôtres que l'Evangile sera porté à toutes les nations, que ces Eglises périront et que le parti de Donat les ressuscitera à commencer par l'Afrique, puis fera la conquête des autres pays. Ils ne pourraient entendre sans rire une telle supposition ; et cependant s'ils ne veulent point tenir ce langage dont ils rougiraient, je ne vois pas ce qu'ils peuvent dire. Mais que nous importe ? Nous n'avons de mauvais vouloir pour personne. Montrez-nous votre doctrine dans les Ecritures, et nous vous croyons ; oui, montrez-nous dans le canon des livres saints que tant de- peuples qui, jusqu'à présent, se sont contentés du baptême transmis par les Apôtres, ont perdu la foi du Christ, par les crimes des Africains sans même les connaître, qu'ils doivent être baptisés de nouveau par le parti de Donat, et qu'ensuite l'Evangile doit être prêché aux autres nations qui ne le connaissent pas encore. Qu'ils nous montrent ces choses. Pourquoi tant tarder ? Pourquoi hésiter ? Pourquoi mettre obstacle au salut des peuples ? Qu'ils nous lisent leurs textes et qu'en même temps ils envoient de nouveaux apôtres pour rebaptiser les peuples déjà chrétiens et baptiser ceux qui ne le sont pas encore.

45. Mais en arrivant à Colosses, que liront-ils dans l'Epître adressée par l'Apôtre aux habitants de cette ville, et quel sens trouveront-ils à ces paroles : « Nous rendons grâces à Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le priant sans cesse pour vous. Car nous avons entendu parler de votre foi dans le Christ Jésus, et de votre charité envers tous les saints, à cause de l'espérance qui a été déposée en vous dans les cieux. Cette espérance

 

1. Luc, XXIV, 47. — 2. Matt. XXIV, 14.

 

vous l'avez reçue de la parole de la vérité de l'Evangile qui vous est parvenu, et qui fructifie et s'accroît dans le monde entier, comme aussi parmi vous, depuis le jour où vous avez appris et connu la grâce de Dieu dans la vérité (1) ». Ce texte ne se rapporte-t-il pas à l'Evangile où il est dit: «Le royaume de Dieu est semblable à un homme qui sème le bon grain dans son champ? » Ensuite l'Evangile nous apprend que ce champ, c'est le monde. De môme, en effet, qu'il a été prédit que la semence, une fois jetée en terre, croîtrait jusqu'à la moisson; de même aussi l'Apôtre dit que l'Evangile fructifie et s'accroît dans le monde entier, comme parmi les Colossiens, depuis le jour où ils l'ont reçu. Or, l'Evangile s'accroît jusqu'à la fin, puisqu'il s'accroît jusqu'à la moisson. « La moisson est la fin des siècles (2) ». Que diront donc, non-seulement les Colossiens, auxquels est adressée cette épître, mais aussi les autres peuples, où, selon la lettre de l'Apôtre, la bonne semence a été jetée et commence à se développer et à porter des fruits? Que nous apportez-vous de nouveau, diront-ils ? Faut-il de nouveau semer le bon grain ? N'a-t-il pas déjà été semé et ne doit-il pas se développer jusqu'à la moisson ? Vous soutiendrez que cette semence a péri, après avoir été jetée par les Apôtres ; et qu'une nouvelle semence doit être jetée par l'Afrique. On vous répondra Faites-le-nous lire dans les divins oracles. Ce que vous ne pouvez, sans montrer d'abord la fausseté de cette parole : La semence jetée auparavant doit « croître jusqu'à la moisson ». Comme les divins oracles ne se contredisent jamais, vous ne trouverez aucun texte à opposer à ce texte si manifeste. C'est donc votre pensée, et non point celle des livres saints que vous exprimerez, et on sera parfaitement en droit de vous répondre :Soyez anathème. Les églises fondées par les Apôtres se rappellent que l'on a pris soin de leur dire: « Quiconque vous prêchera une autre doctrine que celle que vous avez reçue, qu'il soit anathème (1)».

 

 

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CHAPITRE XVIII. LES DONATISTES SONT CONDAMNÉS PAR LEURS INCONSÉQUENCES.

 

46. Ainsi donc les saintes Ecritures nous montrent l'Eglise commençant par Jérusalem

 

1. Coloss. I, 3-6. — 2. Matt. XII, 24, 30, 33, 39. — 3. Gal. I, 9.

 

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et se développant à travers les autres nations pour se les assujétir toutes avant la fin des siècles ; elles nous parlent non-seulement du froment, mais aussi des mauvais grains qui s'y trouvent mêlés. Donc, ô Donatistes, revenez de vos erreurs, mettez-vous en communion avec le bon grain, et vous verrez ensuite les reproches qu'il faut adresser à l'ivraie et à la paille. Autrement vous donnerez aux méchants les éloges que méritent les bons, et vous accablerez les bons des reproches qu'il fallait réserver pour les méchants. Quel égarement monstrueux ! Nous en avons les preuves entre les mains: vos ancêtres, les auteurs de votre schisme, ont livré aux flammes les livres saints. Les actes municipaux le témoignent ; et ils n'ont pu le nier, comme on le voit par les actes ecclésiastiques. Ces mêmes traditeurs siégèrent parmi les juges qui, à Carthage, ont condamné Cécilien et ses collègues absents. Oui, dans les actes municipaux et ecclésiastiques on lit les noms des « traditeurs u, que vous citez vous-mêmes comme ayant condamné des traditeurs absents. A cette époque, votre diacre Nundinarius révéla au consul Zénophile tous les marchés de Lucille qui avait acheté des évêques la condamnation de Cécilien devenu son ennemi pour avoir dit la vérité. Les évêques écrivirent à l'empereur Constantin, qui, sur leur demande, nomma des évêques pour juger cette cause. Les Donatistes ne se rendirent pas à la sentence prononcée par ces juges et les accusèrent d'injustice auprès du prince. D'autres furent désignés et se rassemblèrent- à Arles. On en appela de leur tribunal à celui de l'empereur lui-même. L'empereur les entendit les uns après les autres, ils furent convaincus de calomnie et condamnés ; leur fureur ne se calma point. La sainteté de la religion a été détruite, prétendez-vous, dans toutes ces nations où les Apôtres l'avaient affermie, et la raison en est qu'elles sont demeurées en communion avec ceux que vos ancêtres ont condamnés par la sentence de soixante-dix évêques au concile de Carthage. Mais n'êtes-vous pas aussi en communion avec ceux que vous avez condamnés avec Maximien au concile de Bagaium, où vous étiez au nombre de trois cents? Ne lit-on pas dans les Actes du concile la condamnation de Prétextat d'Assurita, et les actes proconsulaires ne témoignent-ils pas qu'il fut accusé et poursuivi par vous? Cependant, malgré cette condamnation il conserva sa dignité, et il mourut dans votre communion. Et Félicien de Mustitanum ne fut-il pas de la même manière, pour la même cause, dans le même concile, condamné par les évêques, poursuivi auprès des juges, et néanmoins reçu ensuite parmi vous, pour y vivre comme évêque ? Ceux que ces évêques ont baptisés après leur condamnation ne sont-ils pas encore en communion avec vous sans qu'on leur ait donné un second baptême Sans doute, toutes ces églises au-delà des mers fondées par les Apôtres perdent le salut et cessent d'être chrétiennes, pour avoir été en communion avec des hommes qui n'avaient été ni accusés chez elles, ni condamnés par elles, et dont ensuite il avaient appris la justification et l'absolution ? mais le parti de Donat condamne qui bon lui semble, et exagère le sacrilège du schisme, au point d'oser comparer ceux qu'il condamne aux scélérats que la terre a engloutis vivants ; ou bien, il Teste en communion avec eux, si cela lui plait, il les maintient dans leurs dignités; et néanmoins il reste saint et parfaitement pur ! O règles du droit numide ! O privilèges de Bagaium ! Le baptême du Christ disparaît de ceux qui l'ont reçu dans les Eglises apostoliques ; mais il conserve toute sa vertu dans ceux qui ont été baptisés par Prétextat et Félicien, « ces sacrilèges condamnés », selon le texte du concile de Bagaium ; non pas parce que c'est le baptême du Christ, mais parce qu'il a été donné par ces évêques qui ont mérité de rester évêques soit en se séparant de leurs juges, soit en se réunissant à eux.

47. Mais c'est trop insister sur ces détails que nous trouvons et dans la lettre de l'empereur, et dans les actes ecclésiastiques, municipaux, proconsulaires. Cependant, ô Donatistes, si vous restiez unis à cette Eglise répandue par tout l'univers, si clairement désignée par les témoignages des Ecritures canoniques, rien de tout cela n'aurait de force contre vous. Si vous êtes le froment, en quoi pourraient vous être préjudiciables les crimes que l'on reproche à la paille ? Et si vous êtes la paille, et que vous soyez répréhensibles, en quoi pourrez-vous nuire au froment de la moisson du Seigneur, puisqu'il a été semé dans son champ pour croître jusqu'à la mois son; c'est-à-dire, puisqu'il a été semé dans le monde pour croître jusqu'à la fin des siècles? (345) Quand même nous serions la paille (ce que vous ne nous avez pas encore prouvé), et que vous produiriez contre nous des documents pareils à ceux que j'ai cités ; quand même nous ne pourrions vous objecter ces faits accablants, eh bien ! le froment répandu dans tout l'univers n'aurait rien à craindre de tout ce que vous pourriez dire contre la paille de l'Église, vos reproches fussent-ils fondés sur les preuves les plus évidentes. Écartons donc toutes ces hésitations, tous ces retards. Si l'on blâme des fautes qui n'ont pas été commises, que l'on convienne de son erreur, et qu'on ne reproche rien. Si les fautes ont eu lieu, sans qu'on puisse le prouver, ou sans qu'on ait pu le prouver alors qu'il le fallait, qu'on ne reproche rien non plus. Enfin, si les fautes ont eu lieu, et qu'elles soient prouvées, mais qu'elles aient été commises non par le froment caché parmi la paille, mais par la paille elle-même qui, à la fin des siècles, sera séparée du froment, que l'on n'objecte rien encore. Tous ces reproches, nous pouvons les adresser aussi aux Donatistes, non par le frivole motif d'y appuyer notre cause, mais pour leur montrer que si nous ne voulons point de leurs raisons, ce n'est pas faute d'en avoir de semblables à leur opposer, mais afin de ne point perdre à des choses inutiles un temps que nous pouvons employer à des choses nécessaires. Ils en agissent de la sorte, parce qu'ils ne peuvent trouver à l'appui de leur cause aucun document solide et d'une vérité incontestable. Ils veulent avoir l'air de dire quelque chose ; ils rougiraient de garder le silence, et ils ne rougissent point de dire des absurdités. Qu'ils n'invoquent donc plus de semblables preuves, et qu'ils nous montrent, s'ils le peuvent, leur église, non pas dans les entretiens et les rumeurs des Africains, ni dans les conciles de leurs évêques, ni dans une lettre de je ne sais quels disputeurs, ni dans de faux miracles et de faux prodiges ; la parole de Dieu nous a mis en garde contre tous ces piéges. Qu'ils nous la montrent dans les prescriptions de la loi, dans les prédictions des Prophètes, dans les psaumes, dans les paroles du Pasteur suprême, dans les prédications des évangélistes, c'est-à-dire, dans les témoignages canoniques des saints livres. Et encore, qu'ils n'aillent point recueillir et citer des textes obscurs, à double sens, figurés, que chacun peut interpréter à son gré. Ces textes-là on ne peut les comprendre et les expliquer sans croire fermement les vérités qui ont été manifestement révélées.

48. Vous voulez répondre à ma lettre ; je vous avertis d'avance. Ne venez pas me dire : Ils ont livré aux flammes les Ecritures divines, ils ont sacrifié aux idoles, ils nous ont fait subir la plus injuste persécution; et vous y avez donné votre plein consentement. Je réponds en peu de mots ce que j'ai déjà répondu souvent : Ou bien vos assertions sont fausses, ou bien, si elles sont vraies, elles n'ont aucun rapport au froment de Jésus-Christ, mais à la paille qui s'y trouve mêlée. L'Église n'en existe pas moins; ce n'est qu'au jugement dernier qu'elle sera criblée et purifiée par la séparation qui sera faite des bons et des méchants. Pour moi, je cherche l'Église là où elle est, là où elle édifie en entendant les paroles du Christ et en les mettant en pratique ; là où, docile aux paroles de son chef et s'y conformant, elle supporte ceux qui, les entendant sans les pratiquer, bâtissent sur le sable (1). Je me demande où est le froment qui croît avec l'ivraie jusqu'au temps de la moisson (2),et non pas ce qu'a fait ou ce que fait encore l'ivraie; où est celle qui se tient à côté du Christ, au milieu des filles perverses, comme le lis au milieu des épines (3), et non pas ce qu'ont fait ou ce que font encore les épines; je me demande où sont les bons poissons, qui avant d'atteindre le rivage supportent les mauvais, engagés dans les mêmes filets (4), et non pas ce qu'ont fait ou ce que font encore les mauvais poissons.

 

 

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CHAPITRE XIX. LES ÉLOGES QUE SE DONNENT LES DONATISTES NE PROUVENT POINT QU'ILS SOIENT L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST. L'ÉGLISE N'EST POINT BORNÉE A UN COIN DE L'UNIVERS.

 

49. Quittez ces ambages et montrez-nous que l'Église ne doit se conserver que dans l'Afrique, à l'exclusion de toutes les autres nations, ou bien que par l'Afrique elle se rétablira, se complétera chez les autres peuples. Voilà ce que vous devez nous prouver, et encore ne vous contentez pas de dire : Cela est vrai, parce que je le dis ou parce que

 

1. Matt. VII, 24-27. — 2. Id. XIII, 30. — 3. Cant. II, 2. — 4. Matt. XIII, 47, 48.

 

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mon collègue ou mes collègues, ou ces évêques ou ces clercs, ou nos laïques l'ont dit; ou, cela est vrai, parce que Donat ou Pontius, ou un autre, ont fait telles et telles merveilles, ou parce que les hommes invoquent dans leurs prières les mémoires de nos morts et sont exaucés; ;ou parce que telles et telles choses arrivent.; ou parce que notre frère ou notre soeur a eu telle vision pendant la veille, ou telle et telle vision dans son sommeil. Oui, rejetez ces fictions imaginées par des fourbes, ces prodiges, oeuvres des esprits trompeurs. Ou bien il n'y a rien de vrai dans ce que vous dites ; ou bien, si les hérétiques accomplissent quelques actes surprenants, c'est une raison pour être plus sur nos gardes. Le Seigneur, en effet, après avoir dit qu'il y aurait des fourbes qui par leurs prodiges tromperaient même les élus, si cela se pouvait, ajouta cette pressante recommandation : « Voici que je vous l'ai dit par avance (1) ». L'Apôtre nous prévient à son tour : « L'Esprit dit manifestement que dans les derniers temps plusieurs abandonneront la foi, pour suivre des esprits séducteurs et s'attacher aux doctrines des démons (2) ». Si donc l'on est exaucé en invoquant dans sa prière la mémoire des hérétiques, ce n'est point en vertu du lieu où l'on prie, mais en vertu de son désir; et selon la nature de ce désir on reçoit du bien ou du mal. « Car l'Esprit de Dieu », comme il est écrit, « a rempli l'univers » ; et encore : « L'oreille du zèle entend toutes choses (3) ». Il en est beaucoup que Dieu exauce dans sa colère. C'est d'eux que parle l'Apôtre : « Dieu les a livrés aux convoitises de leurs coeurs (4) ». Dieu dans sa miséricorde refuse souvent ce qu'on lui demande pour accorder ce qui est utile. Ecoutez ce que dit l'Apôtre de cet aiguillon de la chair, de cet ange de Satan qui lui a été donné pour le souffleter, de peur qu'il ne s'enorgueillît de la grandeur de ses révélations : « C'est pourquoi j'ai prié trois fois le Seigneur de m'en délivrer. Et il m'a dit : « Ma grâce te suffit :     car la vertu se perfectionne dans l'infirmités ». Ne lisons-nous pas que plusieurs furent exaucés par le Seigneur sur les hauts lieux de la Judée ; et cependant ces hauts lieux déplaisaient à Dieu, puisqu'il blâmait ceux qui n'en détruisaient pas les

 

1. Matt. XXIV, 25. — 2. I Tim. IV, 1. — 3. Sag. I, 7, 10. — 4. Rom. I, 21. — 5. II Cor. XII, 7-9.

 

autels, et louait ceux qui les renversaient? Vous le voyez donc, le sentiment qui anime la prière a plus d'efficacité que le lieu où elle se fait. Quant aux visions trompeuses, lisez ce qui est écrit: « Satan lui-même se transforme en ange de lumière (1) ». Et encore : « Bien souvent les hommes ont été séduits par leurs songes (2) ». Entendez ce que racontent les païens de leurs temples et de leurs dieux; ils parlent aussi de faits et de visions merveilleux; et cependant : « Les dieux des nations sont des démons; c'est le Seigneur qui a fait les cieux (3)». Ainsi donc on voit exaucées souvent et de mille manières les prières non-seulement des chrétiens catholiques, mais aussi des païens, des Juifs, des hérétiques, livrés à diverses erreurs et à diverses superstitions. Parfois ce sont les esprits séducteurs qui les exaucent; ils ne peuvent rien cependant, sans la permission de Dieu qui juge avec une sagesse sublime et ineffable ce qu'il faut accorder à chacun. Parfois c'est Dieu lui-même qui exauce, soit qu'il veuille punir le mal ou soulager l'affliction, ou rappeler que l'on doit travailler à son salut éternel. Mais pour arriver au salut éternel, il faut avoir Jésus-Christ pour chef. Or, on ne peut avoir Jésus-Christ pour chef sans faire partie de son corps qui est l'Eglise, et cette Eglise, nous devons la reconnaître aussi bien que son Chef, d'après les Ecritures canoniques, et non pas la chercher dans toutes sortes de rumeurs ou d'opinions, de faits, de paroles et de visions.

50. Donc ne m'alléguez plus rien de pareil,  si vous voulez me répondre. Je ne vous dis pas : Croyez que la communion de Donat n'est pas l'Eglise, parce que certains évêques de son parti ont livré aux flammes les livres saints, comme on peut s'en convaincre par les actes ecclésiastiques, municipaux et judiciaires; ou bien parce que la sentence des évêques qu'ils avaient obtenue de l'empereur ne leur a pas donné gain de cause; ou bien parce que l'empereur auquel ils en avaient appelé, a prononcé tout autrement qu'ils ne s'y attendaient; ou bien parce que les circoncellions comptent des chefs parmi eux; ou bien parce que les circoncellions se livrent à de si déplorables excès ; ou parce qu'on en voit dans ce parti se jeter dans les précipices oit dans les flammes qu'ils ont allumées eux-mêmes, ou contraindre par leurs menaces à leur donner

 

1. II Cor. XI, 14. — 2. Eccli. XXXIV, 7. — 3. Ps. XCV, 5.

 

la mort, ou bien se faire mourir eux-mêmes comme des furieux, dans le seul but d'être honorés par les hommes ; ou bien parce qu'autour de leurs sépulcres, comme des troupeaux errants, hommes et femmes plongés dans l'ivresse, se livrent ensemble nuit et jour à l'ivrognerie et aux désordres les plus honteux. Toute cette foule, je la regarde comme la paille des Donatistes ; et je ne veux pas qu'elle nuise en rien au froment, si les Donatistes sont l'Eglise. Mais c'est là ce qu'ils doivent me prouver par les livres canoniques des divines Ecritures. Quand nous disons que nous faisons partie de l'Eglise du Christ, nous n'alléguons point pour preuve que notre Eglise a pour elle les suffrages d'Optat de Milève ou d'Ambroise de Milan, ou de tant d'autres évêques de notre communion; ni qu'elle a été reconnue par les conciles de nos collègues; nous ne disons pas que par tout l'univers, dans les lieux saints où nous nous rassemblons il se fait de grands miracles, que les nôtres y sont exaucés, recouvrent la santé; quelles corps de martyrs, si longtemps cachés, ont été révélés à Ambroise, ce que bien des gens peuvent leur apprendre ; qu'auprès de ces corps un homme depuis longtemps aveugle et bien connu de toute la ville de Milan, a recouvré tout à coup la vue; nous ne disons pas: Un tel a eu une vision pendant son sommeil; cet autre â été ravi en esprit et a entendu une voix qui lui disait, ou de ne pas se rendre au parti de Donat, ou de s'en retirer. Les miracles qui ont lieu dans l'Eglise catholique, on doit les approuver parce qu'ils ont lieu dans l'Eglise catholique; mais elle n'est pas déclarée la véritable Eglise, parce que c'est chez elle qu'ils se produisent. Le Seigneur Jésus lui-même, après sa résurrection, ne se contente pas de s'offrir aux regards de ses disciples, de leur faire toucher son corps; mais pour leur ôter toute idée d'une supercherie, il juge à propos de confirmer leur foi par les témoignages de la loi, des Prophètes et des psaumes, et il leur montre s'accomplissant dans sa personne tout ce qui avait été prédit si longtemps à l'avance. C'est ainsi qu'il donne à tous aussi le moyen de reconnaître son Eglise : « En son nom la pénitence et la rémission des péchés seront prêchées par toutes les nations, à commencer par Jérusalem ». Cela est écrit dans la loi, dans les Prophètes, dans les psaumes : il l'a déclaré lui-même (1), il a affirmé la même chose de sa propre bouche. Tels sont les documents de notre cause, tels sont les fondements, tels sont les appuis de notre foi.

51. Nous lisons dans les Actes des Apôtres qu'il a été dit de certains croyants qu'ils étudiaient chaque jour les saintes Ecritures pour connaître la vérité (2). Quelles étaient ces Ecritures, sinon les Ecritures canoniques de la loi et des Prophètes ? A ces livres divins sont venus se joindre les Evangiles, les Epîtres, les Actes des Apôtres, l'Apocalypse de saint Jean.Voilà les textes qu'il faut pénétrer. Allez-y puiser des témoignages capables de nous démontrer que l'Eglise n'est restée que dans l'Afrique, ou bien que par l'Afrique se réalisera ce que dit le Seigneur : « Cet Evangile du royaume sera prêché dans tout l'univers en témoignage à toutes les nations ; et alors viendra la fin (3) ». Oui, citez-nous un texte qui n'ait pas besoin d'interprète, qui ne puisse s'entendre dans un autre sens, un texte auquel vous n'aurez pas besoin de faire violence pour vous le rendre favorable. Vous voyez le sort de celui que- vous aimez tant à nous citer: « Où vous paissez, où vous reposez au midi (4) » ; quand on a bien étudié les expressions, il signifie tout autre chose que vous ne pensez. Et quand même il aurait le sens que vous dites, les Maximianistes en feraient usage contre vous. Car la Province, Byzacium et Tripolis, où ils habitent, sont plus au midi que la Numidie, où vous exercez votre influence. Ce sont eux qui peuvent vraiment et nettement se glorifier de cette expression

« Le midi » ; et vous ne pouvez les tirer de leur erreur qu'en prenant ce texte dans le vrai sens.qui est le sens catholique, en leur montrant que, selon les quatre points cardinaux, le midi est du côté de l'Auster et non point du côté de l'Africus ; que dans le langage figuré des Ecritures cette expression signifie la parfaite illumination de l'esprit et l'ardeur de la charité, comme il est écrit. « Et vos ténèbres seront comme le midi (5) ». Citez-nous donc un texte que l'on ne puisse retourner contre vous, ou plutôt un texte qui n'ait pas besoin d'explication. Voici, par exemple, un texte clair : « En ta race seront bénies toutes les nations (6) ». Cette postérité d'Abraham, c'est le Christ; ce n'est pas moi qui l'explique

 

1. Luc, XXIV, 44-17. — 2. Act. XVII, 11. — 3. Matt. XXIV, 14. — 4. Cant. I, 6. — 5.  Isa. LVIII, 10. — 6. Gen. XXII,18.

 

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ainsi, c'est l'Apôtre (1). En voici un autre : « Tu seras appelé ma volonté, et la terre sera appelée l'univers (2) ». Ces paroles, à qui un chrétien les appliquerait-il, si ce n'est à l'Eglise du Christ ? En voici un troisième : « Tous les peuples de la terre se ressouviendront et se convertiront au Seigneur, et toutes les nations adoreront en sa présence, car le royaume lui appartient et il dominera sur les nations (3) ». Ce texte se trouve dans le psaume où, selon le témoignage de l'Evangile, est prédite la passion du Sauveur (4). Cet autre texte n'est pas moins clair : « Il fallait que le Christ souffrît et qu'il ressuscitât le troisième jour, et que la pénitence et la rémission des péchés fussent prêchées en son nom par toutes les nations, à commencer par Jérusalem (5) ». Et celui-ci : « Vous me rendrez témoignage à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre (6) ». Que l'Église ait commencé par Jérusalem, qu'elle se soit répandue dans la Judée, la Samarie et les autres nations, c'est ce qu'attestent les événements confirmés par les Ecritures canoniques. Cet autre texte a-t-il besoin d'explication : « Cet Evangile du royaume sera prêché par tout l'univers en témoignage à toutes les nations; et alors viendra la fin?» Interrogé sur cette fin des siècles, le Seigneur parla d'abord d'un commencement d'enfantement, et il ajouta : « Mais ce n'est pas encore la fin (7) ». La fin, il annonça qu'elle arriverait après que l'Évangile aurait été prêché dans tout l'univers, à toutes les nations. Inutile encore d'expliquer le texte suivant : « Laissez croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson ». L'obscurité qu'il renferme a été enlevée par le Seigneur. L'explication qu'il nous en donne, personne ne peut la rejeter, surtout quand il s'agit d'une parabole qu'il a lui-même exposée. C'est lui qui nous le dit : « La bonne semence, ce sont les fils du royaume; le champ, c'est le monde ; la moisson, c'est la fin des siècles (8) ». Citez-nous donc des textes aussi clairs que ceux-là; citez-nous-en un seul où nous voyions l'Afrique demeurée seule fidèle, à l'exclusion de toutes les autres nations, seule réservée pour renouveler le monde et le remplir. Peut-on supposer que des saintes

 

1. Gal. III, 16. — 2. Isa. LXII, 4. — 3. Ps. XXI, 28, 29. — 4. Matt. XXVII, 35 ; Jean, XIX, 24. — 5. Luc, XXIV, 46, 47. — 6. Act. I, 8. — 7. Matt. XXIV, 14, 8, 6. — 8. Id. XIII, 30, 38, 39.

 

Ecritures aient parlé si souvent de ce qui devait si tôt périr; sans dire un mon de ce qui devait demeurer, de ce qui devait servir à tout renouveler et à tout remplir? Que si vous ne pouvez satisfaire à nos justes exigences, alors cédez à la force de la vérité, taisez-vous, plongez-vous dans le sommeil; et, quittant votre fureur, réveillez-vous pour opérer votre salut.

52. Direz-vous toujours : « Si l'Eglise est chez vous, pourquoi nous persécuter pour nous contraindre à être en paix avec elle ? Si nous sommes des pervers, pourquoi nous rechercher ? Si nous sommes l'ivraie, laissez-nous croître jusqu'à la moisson ? » Mais faisons-nous autre chose que d'empêcher, comme nous pouvons, que l'ivraie ne soit séparée avant le temps, de peur que le froment lui-même ne soit arraché? Tous ceux qui doivent être bons dans l'éternité ne sont pas l'ivraie dans la prescience divine, mais le bon grain, quand même ils seraient pervers dans le temps. Vous nous reprochez de vous rechercher, malgré votre perversité. Eh ! n'est-ce pas cette perversité qui vous a perdus? Et puisque vous êtes perdus, ne devons-nous pas vous chercher? Oui, nous vous cherchons, parce que vous êtes perdus, nous vous cherchons pour vous trouver, nous voulons vous trouver pour vous ramener, comme la brebis, dans l'Evangile, est cherchée par le bon Pasteur; comme la drachme est cherchée par la femme; nous voulons vous ramener comme le fils qui était mort et qui a recouvré la vie, qui était perdu et qui fut retrouvé (1). Celui qui vous cherche, c'est celui qui habite au milieu des saints : c'est lui qui nous ordonne de vous chercher.

 

 

 

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CHAPITRE XX. LES DONATISTES NE DOIVENT PAS SE PLAINDRE DES PERSÉCUTIONS DIRIGÉES CONTRE EUX. ON RÉPRIME LES VIOLENCES DES LEURS, ON CHERCHE A LES TIRER DE L'ERREUR ET A LES RAMENER A LA VÉRITÉ.

 

53. Quant aux persécutions dirigées contre vous, vous cesserez de vous plaindre si vous songez; si vous comprenez d'abord que toute persécution n'est point coupable. Autrement on ne pourrait louer cette parole : « Je persécutais celui qui, en secret, calomniait son prochain (2) ». Ne voyons-nous pas tous les

 

1. Luc, XV. — 2. Ps. C, 5.

 

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jours le fils se plaindre d'un père qui le persécute; l'épouse, de son mari; l'esclave, de son maître; le colon, du propriétaire; l'accusé, du juge ; le soldat, l'habitant de la province, de son général ou de son roi? Et cependant, tous ces supérieurs, quand ils veulent détourner leurs inférieurs de fautes gravement coupables, usent d'un pouvoir, très légitime, pour menacer de peines légères en comparaison ; quand ils veulent, au contraire, forcer à quitter une vie réglée et à cesser les bonnes actions, ils ont recours aux menaces les plus sévères et aux supplices les plus cruels. Dans le premier cas, ils corrigent, ils sont de bons conseillers ; dans le second, ils sont persécuteurs et oppresseurs. On blâme ceux mêmes qui, pour détourner du mal, emploient des moyens trop rigoureux. On devra blâmer aussi ceux qui, comme des furieux, se précipitent, pour les réformer, sur des hommes qui ne leur sont soumis à aucun titre.

54. C'est donc avec justice que nous blâmons la licence désordonnée de vos circoncellions et leur orgueilleuse démence, lors même que leur violence s'exerce contre des pervers : car, punir des fautes sans en.avoir le droit, détourner du mal par des moyens illicites, ce n'est pas bien agir. Mais quand, sans informations préalables, ils poursuivent des innocents des vexations les plus iniques, peut-on ne pas avoir horreur d'un tel brigandage? Vous avez pensé qu'il fallait réprimer par des lois la fureur des Maximianistes, que les ordres des juges, l'exécution des sentences, le secours des citoyens devaient les chasser des basiliques qu'ils occupaient, pour les forcer à considérer leurs crimes : nous ne vous en avons fait aucun reproche; nous disions seulement que vous aviez réprimé dans les autres des fautes dont vous vous étiez vous-mêmes rendus coupables, des fautes plus légères même que les vôtres. Eux, ils se sont insurgés, contre le parti de Donat; et vous, c'est contre l'univers entier, c'est contre les paroles de celui qui a montré son Eglise, commençant par Jérusalem et se répandant par toutes les nations, que vous avez élevé l'autel d'une dissension sacrilège ! Or, si les Maximianistes osaient opposer une résistance illicite et furieuse aux sentences rendues contre eux par les juges, ne se condamneraient-ils point eux-mêmes? L'Apôtre ne dit-il pas : « Celui qui résiste au pouvoir résiste à l'ordre établi par Dieu ; or, ceux qui résistent attirent sur eux la condamnation car les princes ne sont pas pour effrayer ceux qui font le hier, mais pour effrayer les méchants (1)? » Ils faisaient le mal: vous vouliez mettre un terme à leurs désordres, en appelant à votre aide les puissances légitimes ; or, si pour se défendre ils ajoutaient à leurs crimes le crime plus grand encore de résister aux lois, qui serait cause du mal qui leur en arriverait? Serait-ce vous? Non, ce seraient eux-mêmes. Quiconque aurait osé blasphémer contre le Dieu de Sidrac, de Misach et d'Abdénago, était perdu, lui et toute sa maison ainsi l'avait décrété le roi (2). Ces maux, par qui étaient-ils infligés? Était-ce par ces trois. Hébreux, sauvés des flammes par un miracle qui avait touché l'âme du roi et lui avait fait porter ce décret? Était-ce par le roi? N'était-ce pas plutôt par le coupable? Ces quarante juifs qui voulaient tuer saint Paul, s'ils s'étaient jetés sur les soldats qu'on lui avait donnés pour escorte : est-ce Paul qui les aurait fait mourir, n'est-ce pas au contraire leur résistance aux puissances légitimement établies (3)?

55. Vous aussi, bannissez de votre âme le trouble, l'esprit de dispute, l'amertume de la haine, et considérez avec soin quelle est la cause des peines que vous infligent les princes de votre communion. Si vous venez à reconnaître que vous êtes dans l'Église du Christ, réjouissez-vous et tressaillez, parce que votre récompense sera abondante dans le ciel (4). Vous y serez couronnés comme martyrs; eux, au contraire, y seront jugés comme persécuteurs. Mais si, au contraire, la sainte Écriture vous convainc d'avoir élevé un autel contre l'Église du Christ, de vous être séparés par un schisme sacrilège de l'unité chrétienne répandue par tout l'univers, de faire la guerre au corps du Christ, à son Eglise, qui remplit le monde, en rebaptisant, en blasphémant, en l'attaquant de toutes manières ; c'est vous qui êtes des impies et des sacrilèges ; ceux au contraire qui, pour vous détourner d'un tel crime, emploient des peines si légères, vous enlèvent vos places, vos dignités, votre argent, pour vous amener à reconnaître la cause de vos maux, à confesser votre sacrilège et à le fuir; ceux-là, on doit

 

1. Rom. XIII, 2, 3. — 2. Dan. III, 96. — 3. Act. XXIII, 12-33. — 4. Matt. V, 12.

 

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les regarder comme des guides pleins de prudence et des conseillers remplis de piété. Les empereurs chrétiens et catholiques vous doivent cette marque d'affection, de vous infliger, en vertu de la douceur chrétienne, des peines moindres que vous ne le méritez; et, en vertu de la sollicitude chrétienne, de ne pas laisser vos sacrilèges totalement impunis. C'est Dieu qui leur inspire cette conduite, Dieu dont vous ne voulez point voir la miséricorde dans ces peines qui excitent vos plaintes. Pour nous, autant que nous le pouvons, autant que Dieu nous le permet, nous n'avons pas même recours contre vous à la répression la plus douce, à moins que l'intérêt de l'Église catholique ne l'exige. Il faut la mettre à l'abri de vos menaces, afin que les faibles puissent choisir sans crainte le parti qu'ils doivent suivre et qu'ils doivent embrasser. Si les vôtres se rendent coupables de violence à notre égard, alors, vous qui êtes comme nos otages dans nos terres et dans nos cités, vous êtes jugés régulièrement, selon les lois, et l'on vous impose une amende, sans que vous ayez à souffrir aucune violence. Cela même peut vous paraître pénible : eh bien ! ne nous faites plus de mal et tenez-vous en repos. Mais si les vôtres, ceux qui dépendent de vous ou qui sont de votre communion, ne restent point tranquilles et qu'ils sévissent contre nous, de quoi vous plaindriez-vous? Il dépend de vous et des vôtres de suivre vos erreurs sans avoir à souffrir aucun châtiment, pourvu que vous n'exerciez aucune violence contre l'Église catholique. Il s'est commis, dites-vous, des actes de violence malgré nous, malgré nos efforts pour les comprimer : alors, les châtiments infligés vous rappellent miséricordieusement et aussi avec justice qu'il se trouve parmi vous des méchants dont le contact ne vous souille point; ils vous forcent à comprendre le peu de fondement de vos calomnies contre l'Église du Christ, répandue dans tout l'univers. Ne nous reprochez donc plus de vous persécuter ce   reproche, adressez-le   aux vôtres, s'ils aiment mieux agir avec violence contre nous et vous voir accabler par les lois de l'État, que de calmer leur fureur. S'il s'en trouve parmi nous qui, s'écartant des lois et des désirs de la charité chrétienne, vous font endurer d'odieux traitements, je n'hésite pas à le dire, ils ne sont pas des nôtres. Ils seront des nôtres s'ils se corrigent, ou bien, à la fin, ils seront séparés de nous s'ils persistent dans leur méchanceté. Mais nous ne romprons point nos filets sous prétexte qu'ils contiennent de mauvais poissons (1), et nous n'abandonnerons pas une grande maison, sous prétexte qu'il s'y trouve des vases faits pour la honte (2). Si c'est au même titre que les auteurs de ces violences contre l'Église catholique ne vous appartiennent pas, alors interrogez vos âmes, revenez de vos erreurs, embrassez l'unité de l'esprit dans le lien de la paix. Si les pervers qui se rencontrent chez vous ne vous souillent point par leur contact, ceux qui sont chez nous ne nous souillent pas davantage. Ne nous imputons point mutuellement les crimes des autres : nous sommes le froment : croissons ensemble dans une même charité ; supportons la paille, jusqu'à ce que le van la sépare du bon grain.

56. Ainsi donc, nul besoin d'interprète pour expliquer les témoignages des Écritures canoniques, qui nous montrent l'Église comme la communion de l'univers entier; d'autre part, il vous est impossible de trouver dans ces mêmes livres aucun suffrage de ce genre en faveur de votre schisme, accompli au sein de l'Afrique; c'est injustement que vous vous plaignez d'être persécutés; l'Église catholique endure bien d'autres persécutions, étendue comme elle l'est dans le monde entier, et elle les supporte par la foi, l'espérance et la charité; elle n'est pas seulement en butte aux mauvais traitements que vos circoncellions et leurs pareils font souffrir à ses membres, mais encore à tous ces scandales dont mille iniquités remplissent le monde, et dont le Seigneur a dit : « Malheur au monde à cause des scandales (3)». Quand le fils se conduit mal et que le père le châtie, le père n'est-il pas persécuté plus que le fils? La servante, par son criminel orgueil, ne fit-elle pas souffrir Sara plus que celle-ci ne la fit souffrir par une juste discipline (4)? Ceux à l'occasion desquels il a été dit : « Le zèle de votre maison me dévore (5)», ne persécutaient-ils pas le Seigneur plutôt qu'il ne les persécuta lui-même en renversant leurs tables et en les chassant du temple avec un fouet (6)? Qu'avez-vous à dire encore?

 

1. Matt. XIII, 47. — 2. II Tim. II, 20. — 3. Matt. XVIII, 7. — 4. Gen. XVI. — 5. Ps. LXVIII,10. — 6. Jean, IV, 15.

 

 

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CHAPITRE XXI. CONDITIONS AUXQUELLES LES DONATISTES SERONT REÇUS DANS L'ÉGLISE CATHOLIQUE. LE BAPTÊME DE JÉSUS-CHRIST EST VALIDE, LORS MÊME QU'IL EST ADMINISTRÉ ET REÇU PAR DES HÉRÉTIQUES. MAIS, POUR ÊTRE SAUVÉ, IL FAUT, AU CARACTÈRE IMPRIMÉ PAR LE SACREMENT, JOINDRE LA FOI ET LA JUSTICE.

 

57. Voulez-vous que nous citions maintenant votre dernière objection? « C'est vous », disent les Donatistes, « qui possédez la véritable Eglise. A quelles conditions nous recevez-vous, si nous passons dans votre parti ? » Je réponds en deux mots : Nous vous recevrons comme reçoit l'Eglise que nous retrouvons dans les saints livres canoniques. Mettez de côté cette animosité, cet esprit de contradiction dont sont remplis tous ceux qui ne veulent pas se laisser vaincre par la vérité et se laissent vaincre par leur méchanceté, et vous pourrez comprendre aisément que les sacrements divins sont dans les bons et dans les méchants; dans les bons, pour leur salut; dans les méchants, pour leur condamnation. Malgré la distance qui sépare ceux qui les reçoivent indignement de ceux qui les reçoivent dignement, les sacrements restent pourtant les mêmes seulement, ceux-ci les reçoivent pour leur salut, ceux-là pour leur condamnation.

58. Le Seigneur, est-il dit dans l'Evangile, baptisait plus de Juifs que Jean-Baptiste, et l'Evangile ajoute : « Toutefois ce n'était pas lui qui baptisait, mais ses disciples (1) ». Assurément il y avait une grande différence entre Pierre et Judas; mais il n'y en avait aucune entre le baptême donné par Pierre et le baptême donné par Judas. C'était le même baptême qu'ils donnaient, quoiqu'ils ne se ressemblassent pas : ce baptême était le baptême du Christ; quant aux deux apôtres, l'un était un membre du Christ, l'autre appartenait au démon. Jean-Baptiste et l'apôtre Paul étaient tous deux les amis de l'Epoux, mais le baptême donné par Jean et celui que donnait l'Apôtre n'étaient pas le même, et c'est pourquoi Paul ordonna de baptiser du baptême du Christ ceux qui avaient reçu le baptême de Jean. Aussi ce baptême a-t-il été appelé baptême de Jean, et celui que donnait saint Paul n'a pas été appelé le baptême de Paul. Mais,

 

1. Jean, IV, 1, 2.

 

dit l'Ecriture : « Il les fit baptiser dans le Christ (1) ». Remarquez-le bien : Jean et Paul se ressemblent, et ils ne donnent pas le même baptême. Pierre et Judas ne se ressemblent pas, et ils donnent un même baptême. Quant à Pierre et à Paul, ils se ressemblent et donnent un même baptême. Abraham et Corneille justifiés par la foi sont un, et ils n'ont pas reçu le même sacrement; Corneille et Simon le Magicien ne se ressemblent point, et ils ont reçu le même sacrement; mais Corneille et cet eunuque que Philippe baptisa dans le chemin se ressemblent et ont reçu le même sacrement (2). Le sacrement est un ; par conséquent, quelque différence que l'on remarque entre ceux qui le donnent, entre ceux qui le reçoivent, cette différence ne peut pas faire que ce qui est un ne soit plus un.

59. En attribuant aux hommes ce qui appartient à Jésus-Christ, ils soutiennent ce qu'il y a de plus Maux et de plus absurde; il y aurait, en effet, autant de baptêmes différents qu'il y a de ministres de ce sacrement. Le Seigneur a dit de l'homme et de son œuvre : « Le bon arbre produit de bons fruits, le mauvais arbre produit de mauvais fruits (3) ». Ce texte, ils veulent qu'on le prenne en ce sens que celui qui a été baptisé par un homme de bien est bon, et que celui qui a été baptisé par un pervers est lui-même pervers. Quelle est la conséquence? La voici, quand même ils ne le voudraient pas. Celui qui a été baptisé par un ministre meilleur est lui-même meilleur, et celui qui a été baptisé par un ministre d'un moindre mérite, participe de cette infériorité. Par conséquent, avant la passion du Sauveur, le baptême aurait communiqué un plus haut degré de sainteté si, au lieu d'être donné par les disciples de Jésus-Christ, il eût été donné par Jésus-Christ lui-même. Quelle distance, en effet, entre Jésus-Christ et ses disciples qui baptisaient ! Donc Jésus, présent sur la terre, refusa ce degré plus élevé de sainteté à ces hommes qu'il aima mieux faire baptiser par ses disciples. Le croire, n'est-ce pas être insensé? Que s'est donc proposé le Seigneur? Qu'a-t-il donc daigné nous montrer par là? Il a voulu nous montrer que le sacrement est son oeuvre, quel qu'en soit le ministre ; que lui-même baptisait, lui dont l'ami de l'Epoux avait dit : « Voilà celui qui

 

1. Act. XIX, 4, 5. — 2. Id. X, 48 ; VIII, 13, 38. — 3. Matt. VII, I7.

 

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baptise (1) » ; qu'il baptisait celui qui croyait en lui, quelle que soit la main qui confère le baptême. Saint Paul dit à son tour: « Je rends grâces à Dieu de n'avoir baptisé personne d'entre vous, sinon Crispus et Gaïus; car on ne pourra dire que j'aie baptisé en mon propre nom (2) ». Comment croire encore que l'Apôtre ait refusé aux hommes un plus haut degré de sainteté si, à raison de son mérite, il pouvait le communiquer à ceux qu'il aurait baptisés lui-même ? Voyez au contraire l'intention, la vigilance de ce dispensateur prudent et fidèle: il ne veut pas que l'on se croie plus saint pour avoir été baptisé par un ministre plus saint, ni qu'on attribue au serviteur ce qui appartient au maître.

60. Ainsi donc, bons et méchants reçoivent le sacrement de baptême, et il n'y a que les bons qui soient régénérés spirituellement et qui prennent place dans le corps et parmi les membres de Jésus-Christ; par conséquent ce sont les bons qui forment cette Eglise à laquelle il est dit : « Comme le lis croît au milieu des épines, ainsi celle qui est proche de moi croît au milieu des filles (3) ». Cette Eglise, elle se compose de ceux qui bâtissent sur la pierre, c'est-à-dire qui entendent les paroles du Christ et les mettent en pratique. Pierre confesse que Jésus est le Christ, Fils de Dieu; et le Sauveur lui dit : « Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise (4) ». Elle ne se compose donc point de ceux qui bâtissent sur le sable, c'est-à-dire de ceux qui entendent la parole de Dieu sans la, pratiquer. Car le Sauveur a dit : « Celui qui entend les paroles que je dis et les met en pratique, je le comparerai à un homme sage qui construit sa maison sur le roc ». Et un peu plus loin : « Celui qui entend les paroles que je dis sans les pratiquer, je le comparerai à un insensé qui bâtit sa maison sur le sable (5) ». Si donc par le lien de la charité on est incorporé à l'édifice bâti sur la pierre, au lis qui fleurit parmi les épines, on possédera le royaume des cieux. Mais si l'on construit sur le sable, si l'on fait partie des épines, qu'on le sache bien, on n'aura point le royaume des cieux. Alors le sacrement de baptême ne sert à rien. Mais si le fondement n'a pas de solidité, s'il n'est qu'une perversité stérile, est-ce une raison pour outrager le sacrement qui a été reçu ?

 

1. Jean, I, 33. — 2. I Cor. I, 14, 15. — 3. Cant. II, 2. — 4. Matt. XVI, 18. — 5. Id. VII, 24, 26.

 

 

 

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CHAPITRE XXII. CORRIGER CE QUI EST PERVERS, CONSERVER CE QUI EST BON.

 

61. Examinez sans esprit de parti le passage suivant de l'épître de saint Paul aux Galates, et vous verrez que, selon la foi, l'hérétique qui revient de son erreur, après avoir reçu déjà le sacrement qu'il a dû recevoir, doit se pourvoir de ce qui lui manquait sans rejeter, sans blasphémer ce qu'il avait déjà : Les oeuvres de la chair sont manifestes », dit l'Apôtre; « et ces oeuvres sont la fornication, l'impureté, la luxure, la servitude des idoles, les empoisonnements, les inimitiés, les disputes, les jalousies, les ressentiments, les dissensions, les hérésies, les haines, les excès dans le boire et dans le manger, et autres oeuvres de ce genre. Je vous l'annonce comme déjà je vous l'ai annoncé, ceux qui s'en rendent coupables ne posséderont point le royaume de Dieu (1) ». Ces hommes-là ne font donc point partie du lis et ne sont point sur la pierre ; or, parmi eux vous trouverez les hérétiques. Pourquoi donc, pour ne rien dire de plus, ne baptisez-vous pas de nouveau ceux qui, s'étant adonnés à l'ivrognerie, à la luxure, à la haine, ne posséderont point le royaume de Dieu, et par conséquent ne sont point sur la pierre, ni dans l'Eglise, par cela même qu'ils ne sont pas sur la pierre ? Et pourquoi voulez-vous que nous baptisions de nouveau lest hérétiques qui sont comptés aussi parmi ces épines qui ne posséderont point le royaume de Dieu, et qui pourtant ont en eux-mêmes les sacrements, puisque ces sacrements sont toujours les mêmes? Ils ne servent à rien, je l'accorde, mais la raison en est que les sacrements sont saints, tandis que ceux qui les reçoivent sont pervers.

62. Considérez, pesez toutes ces réflexions sans vous obstiner, et vous comprendrez aisément qu'il faut corriger ce qui est mauvais et estimer ce qui est bon ; qu'il faut donner ce qui manque et reconnaître ce qui existe. Un hérétique veut devenir catholique : qu'il abandonne ses erreurs et qu'il ne viole point le sacrement du Christ; qu'il reçoive le lien de la paix dont il était privé et sans lequel il ne pouvait tirer aucun avantage du baptême dont il possédait le caractère. Les deux choses sont nécessaires pour arriver au royaume de

 

1. Gal. V, 19-21.

 

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Dieu, le baptême et la justice. Or, dans un contempteur du baptême du Christ, la justice ne peut habiter; le baptême, au contraire, peut se trouver dans celui qui n'a pas la justice ; il peut y être, mais il ne peut servir à rien. Si la Vérité même a dit : « Si l'on ne renaît de l'eau et de l'Esprit, on n'entrera pas dans le royaume des cieux (1) », elle a dit aussi : « Si votre justice n'est plus abondante que celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux (2) ». Ce n'est donc pas le baptême seul qui ouvre la porte du ciel, mais aussi la justice; l'un ou l'autre manque-t-il, on ne peut y parvenir. On dit aux hérétiques : Vous n'avez pas la justice, puisqu'on ne peut l'avoir sans la charité et le lien de la paix; vous avouez que beaucoup ont reçu le caractère du baptême sans posséder la justice ; et ne l'avoueriez-vous pas, que la sainte Ecriture vous en convaincrait; après cela, ce qui m'étonne, c'est que les Donatistes pensent qu'en refusant de baptiser ceux qui ont déjà reçu, non pas leur baptême, mais le baptême du Christ, nous jugeons par là même que rien ne leur manque. On rie leur donne pas dans l'Eglise catholique un baptême dont on trouve en eux le caractère, et ils s'imaginent qu'ils ne reçoivent rien chez les catholiques, lorsque pourtant ils y reçoivent ce sans quoi le baptême qu'ils ont reçu tournerait à leur perte, bien loin de les sauver. S'ils s'obstinent à ne pas vouloir comprendre, il nous suffit à nous de posséder cette Eglise.que nous montrent tant de témoignages si manifestes des Ecritures saintes et canoniques.

63. Si donc l'hérétique me pose cette question : A quel titre me recevez-vous ? je lui réponds aussitôt : Comme reçoit l'Eglise, à laquelle le Christ rend témoignage. Peux-tu savoir mieux toi-même comment tu dois être reçu, que notre Sauveur, le Médecin de tes plaies ? — Tu ajouteras peut-être : Montre-moi donc dans les Ecritures comment le Christ a ordonné de recevoir ceux qui veulent passer de l'hérésie à l'Eglise ? — Je ne puis te le montrer dans des textes formels, ni toi non plus. Si Jean-Baptiste était un hérétique et qu'il baptisât au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et qu'après ce baptême Paul ordonnât de baptiser de nouveau ceux qui l'auraient reçu, tu triompherais

 

1. Jean, III, 5. — 2. Matt. V, 20.

 

et je n'aurais rien à répliquer. Que Pierre au contraire ait été baptisé par des hérétiques au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et que le Seigneur ait dit ensuite : Celui qui a été lavé n'a pas besoin d'être lavé de nouveau (1), c'est moi qui triompherais et tu n'aurais rien à répondre. Or, les Ecritures saintes ne nous montrent personne passant de l'hérésie à l'Eglise, ni qui agit été reçu comme tu le dis ou comme je le dis. Mais je suppose qu'il se soit trouvé quelque sage auquel Notre-Seigneur ait rendu témoignage, et que nous le consultions sur la question ; devrions-nous hésiter à faire ce qu'il nous dirait? Ne pas le faire, ne serait-ce pas résister à ce sage lui-même et à Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui lui a rendu témoignage ? Or, le Christ rend témoignage à son Eglise. Voici l'Evangile ; lisez ce texte : « Il fallait que le Christ souffrît et qu'il ressuscitât le troisième jour, et qu'en son nom fussent prêchées la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations, à commencer par Jérusalem (2) ». Donc tu seras reçu comme reçoit cette Eglise dans toutes les nations, à commencer par Jérusalem, et cette réponse dissipe toute obscurité et fait cesser toute hésitation. Si tu ne te rends pas, ce n'est pas à moi que tu résistes, ni à aucun de ceux qui veulent te recevoir de la sorte, c'est au Sauveur lui-même, et tu compromets ton salut en refusant de croire que tu dois être reçu comme reçoit cette Eglise, honorée d'un témoignage auquel, de ton propre aveu, c'est un crime de ne pas croire.

 

 

 

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CHAPITRE XXIII. RÉPONSE AUX OBJECTIONS DES DONATISTES, ET EXPLICATION DE PLUSIEURS TEXTES DES LIVRES SAINTS.

 

64. Jérémie a dit, il est vrai : « Elle est devenue à mes yeux comme une eau menteuse n'ayant point de foi ». Mais le Prophète n'a pas voulu parler de l'eau que tu penses. Lis avec attention. C'est la multitude des  hommes menteurs qu'il a désignée à la manière des Prophètes par cette eau menteuse. Les Prophètes aiment le langage figuré. L'Apocalypse, nous le savons, appelle les peuples des eaux (3). Voici le passage de Jérémie : « Pourquoi ceux qui m'affligent sont-ils

 

1. Jean, XIII, 10. — 2. Luc, XXIV, 46, 47. — 3. Apoc. XVII, 15.

 

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vainqueurs? Ma blessure est profonde; comment la guérir? Elle est devenue pour moi comme une eau menteuse n'ayant plus de fidélité (1) ». C'est sa blessure qui est devenue pour lui comme une eau menteuse, et ce sont les peuples qui l'affligent qu'il appelle sa blessure. « Qui m'affligent » ; et ensuite : « Ma blessure », c'est la même idée; comme aussi ces deux expressions: « Sont vainqueurs », et « profonde » désignent la même chose.

65. Vous tombez dans la même erreur à propos de ce texte : « Abstenez-vous de l'eau d'autrui, et ne buvez pas aux sources d'autrui (2) ». Vous pensez qu'il s'agit ici du baptême donné par les hérétiques, et que ce baptême est une eau étrangère, parce que les hérétiques ne posséderont pas le royaume des cieux. Mais n'est-il pas dit également de ceux qui s'abandonnent à l'ivresse, à la haine et à d'autres vices semblables, qu' « ils ne parviendront pas au royaume de Dieu (3) ». Cependant, pourvu qu'ils aient été baptisés selon l'Evangile, leur baptême est le baptême du Christ, et non pas le leur. Donc ce n'est pas une eau étrangère, bien qu'ils soient étrangers eux-mêmes; car c'est à ceux que le Sauveur dira : « Je ne vous connais pas (4)». Pourquoi ne pas voir dans cette eau étrangère, dans ces sources étrangères, la doctrine du malin esprit, qui trompe et séduit ceux qui se sont éloignés de Dieu par l'ignorance produite en eux par l'aveuglement de leurs coeurs. N'est-ce pas ce qu'enseigne expressément l'Apôtre : « L'Esprit dit manifestement que dans les derniers temps certains hommes s'éloigneront de la foi, s'attachant aux esprits séducteurs et aux doctrines des démons (5)? » Voilà cette eau étrangère et cette source étrangère. Si en bonne part l'eau s'entend de l'Esprit-Saint, pourquoi en mauvaise part l'eau ne s'entendrait-elle pas du malin esprit ? Quand l'eau se trouve nommée, elle ne désigne pas toujours le sacrement de baptême : tantôt elle a ce sens, tantôt un autre. Ce baptême visible, déjà les Apôtres l'avaient donné à d'autres, avant de recevoir l'Esprit-Saint, selon la promesse du Sauveur, et cependant c'est de l'Esprit-Saint que Jésus a dit « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne et qu'il boive ; celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive, comme dit l'Ecriture, jailliront

 

1. Jérém. XV, 18. — 2. Prov. V, 15. — 3. I Cor. VI, 10; Gal. V, 21. — 4. Matt. VII, 23. — 5. I Tim. IV, 1.

 

de son sein ». L'Evangile explique ensuite en quel sens cela fut dit : « Or, Jésus parlait de l'Esprit-Saint que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. Car l'Esprit-Saint n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié (1) ». Par l'eau dont il parle il entend donc l'Esprit qui n'avait pas encore été donné, bien que l'eau du baptême eût été déjà donnée à un grand nombre.

66. Voici encore un autre texte que vous ne comprenez pas mieux : « Buvez l'eau de vos « vases et des sources de vos puits. Que la source de votre eau vous soit propre, et que personne ne la partage avec vous, et que vos eaux ne s'écoulent point dehors, et qu'elles n'arrosent que vos places (2) ». Il ne s'agit pas ici du baptême visible que peuvent recevoir les étrangers, c'est-à-dire ceux qui ne posséderont point le royaume de Dieu; mais bien de ce don de l'Esprit-Saint, partage exclusif de ceux qui régneront éternellement avec le Christ. « Car », dit l'Apôtre, « la charité de Dieu a été répandue dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné (3) ». La charité dilate le coeur; c'est pourquoi il est dit qu'elle se répand, et c'est pourquoi aussi l'Apôtre dit aux Corinthiens : « Notre bouche s'ouvre vers vous, ô Corinthiens, notre coeur s'est dilaté (4) ». Cette dilatation est figurée sous le nom de « places ».

67. Quand donc on nous dit ouvertement « Ne croyez pas toute sorte d'esprits, mais  éprouva les esprits pour savoir s'ils sont de  Dieu (5) », c'est le sens caché dans cette figure : « Abstenez-vous des eaux étrangères et ne buvez pas à des sources étrangères ». Cette autre pensée : « La charité de Dieu a été répandue dans nos coeurs par l'Esprit« Saint qui nous a été donné », c'est J'explication de cette figure : « Que la source de ton eau te soit propre, et qu'aucun étranger ne la partage avec toi ». Les étrangers peuvent bien recevoir de Dieu un grand nombre de présents; non-seulement ceux qui nous sont communs avec les pierres et les arbres, comme l'être et la force; non-seulement ceux qui nous sont communs avec les animaux, comme la faculté de respirer et celle de sentir, mais de plus grands encore et qui n'appartiennent qu'à l'homme, comme la raison, la parole, une foule d'arts utiles et beaucoup d'autres

 

1. Jean, VII, 37-39. — 2. Prov. V, 15-17. — 3. Rom. V, 5. — 4. II Cor. VI, 11. — 5. I Jean, IV, 1.

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choses. Les étrangers peuvent même recevoir quelques-uns des dons accordés à la maison de Dieu; oui, les étrangers, c'est-à-dire, ceux auxquels n'appartiendra pas le royaume de Dieu, auxquels le Seigneur dira : « Je ne vous connais pas, », alors même qu'ils diront à leur tour : « Nous avons prophétisé en votre nom et fait plusieurs miracles ». Il les repoussera: « Car », dit l'Apôtre, « quand même j'aurais le don de prophétie, et que je posséderais tous les secrets et toute la science, quand j'aurais assez de foi pour transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien (1) ». Voilà le don de l'Esprit-Saint qui appartient en propre aux saints, et auquel les étrangers ne participent point. Non, les méchants et les fils de la géhenne n'ont point la charité, quand même ils recevraient le baptême du Christ, comme Simon l'avait reçu. Les hérétiques n'ont point la charité : ils ne la reçoivent qu'après leur conversion, et lorsqu'ils embrassent sincèrement le lien de la charité. Sans ce don de l'Esprit-Saint, c'est en vain qu'ils auront reçu le baptême du Christ, ils ne posséderont point le royaume du Christ : car ils ne sont pas entrés dans cette fontaine dont les eaux coulent sur les places des saints, sans en sortir jamais pour couler ailleurs, dans cette fontaine qui répand en nos coeurs la charité de Dieu par l'Esprit-Saint qui nous a été donné. Cessez donc de nous rappeler ces témoignages que vous ne comprenez pas, ou que vous savez vous être contraires et nous être favorables. S'ils sont équivoques et qu'on puisse les interpréter dans votre sens et dans le nôtre, en quoi peuvent-ils servir votre cause? Ah ! si nous voulions invoquer des textes obscurs, nous en trouverions mille qui pourraient nous défendre. Néanmoins de pareils textes soutiennent la mauvaise cause, ne serait-ce qu'en apportant des délais.

 

 

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CHAPITRE XXIV. SUITE DU MÊME SUJET.

 

68. «Voici », disent-ils, «que l'eau a coulé du corps du Seigneur ». Et quel parti peux-tu tirer de ce texte, ô hérétique? « Le voici », répond-il: « Le texte veut dire que le baptême ne se trouve que dans le corps du Christ, c'est-à-dire dans l'Eglise ». Mieux vaudrait dire

 

1. I Cor. XIII, 2.

 

Le baptême vient du corps du Christ, c'est-à-dire de l'Eglise. Encore faut-il être sûr que cette eau figurait le baptême; ce qui demanderait un examen sérieux. Le baptême que vous recevez, nous disons, nous aussi, qu'il vient du corps du Seigneur, c'est-à-dire de l'Eglise, bien que vous ne soyez pas dans l'Eglise, comme n'y sont pas ceux qui, au lieu de bâtir sur la pierre, bâtissent sur le sable. Pourquoi ne le remarquez-vous pas? Cette eau, qui selon vous figure le baptême, n'était pas seulement dans le corps du Seigneur, mais elle est sortie de son corps, et cela par une blessure du persécuteur. Car ni les hérétiques, ni les méchants, quels qu'ils fussent, n'eussent emporté dehors les sacrements avec eux, s'ils eussent gardé l'unité dans le corps du Seigneur. Voyez-vous quelle profondeur dans ce texte, et comme le sens de ce mystère est caché ?

69. Mais il suffit : cessez de recourir à de pareils moyens. Tous ces textes que vous pouvez produire, ou sont en notre faveur, ou bien, pour atténuer nos moyens de défense, ils ne favorisent pas plus les uns que les autres. Mais vous vous retranchez derrière ces témoignages obscurs, pour n'être pas obligés d'avouer ceux qui sont manifestes. Voici l'Eglise : elle vous demande quels sont vos sentiments; oui, cette Eglise que les témoignages si manifestes des saintes Ecritures louent, représentent, prédisent et montrent : « Ce que nous avons entendu, nous l'avons vu aussi (1)», elle vous dit : Pourquoi douter de la manière dont vous serez reçus? Pourquoi ne pas vouloir être reçus, comme l'Eglise reçoit, puisqu'elle a pour elle le témoignage de Celui qui ne peut mentir? Montrez-nous par les Ecritures canoniques, par des textes bien clairs, qu'il faut baptiser de nouveau dans l'Eglise catholique celui qui chez les hérétiques a été baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Si vous ne pouvez nous le montrer, montrez-nous du moins dans ces mêmes Ecritures quelque texte clair et évident qui soit favorable au parti de Donat. Alors j'avouerai que nous devons nous rendre et que les hérétiques doivent être reçus, comme les reçoit l'Eglise où vous êtes, puisqu'elle a été déclarée par un pareil témoignage. Pourquoi cette agitation? Pourquoi ce trouble? Vous ne trouvez pas dans les Ecritures canoniques ce que nous exigeons de

 

1. Ps. XLVII, 9.

 

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vous à si juste titre. Car votre texte favori : « Où fais-tu paître ton troupeau, où te reposes-tu au midi (1)? » vous voyez ce qu'il signifie, et combien il vous est peu favorable ! N'en cherchez donc plus de semblables. Si le parti de Donat était dans les contrées de l’Aquilon, opposées à celles du midi, ce parti dirait que c'est à son sujet qu'il a été dit : « Les montagnes de Sion, les côtes de l'Aquilon sont la cité du Dieu très-grand (2) ». Car la cité du grand Roi ne peut être que l'Église. On y découvrirait l'Église bien plutôt que dans ce texte: «Où fais-tu paître ton troupeau, où te reposes-tu dans le midi? » C'est sur ce passage peut-être que s'appuierait l'hérétique Marcion, qui, à ce que l'on dit, était du Pont, pays situé au Nord. Si le parti de Donat se trouvait à l'Occident, il dirait encore qu'il s'agit de lui dans ce passage : « Dirigez-vous vers Celui qui monte au-dessus du couchant. Le Seigneur est son nom (3) ». Ces paroles : « il monte au-dessus du couchant », peut-être les trouverait-il plus sublimes que celles-ci : « Qui se repose au midi ». Tous ces textes sont mystérieux, obscurs, figurés. Ce que nous vous demandons, ce sont des textes clairs, et qui n'aient pas besoin d'explication.

70. Je vous reçois donc, continue l'Église, comme reçoit la postérité d'Abraham, « dans laquelle toutes les nations sont bénies (4) ». Ces mots seraient peut-être obscurs ; mais saint Paul nous déclare que la postérité d'Abraham, c'est le Christ (5). Je vous reçois, comme reçoit « cette femme stérile dont les fils sont plus nombreux que ceux de la femme avant un époux », paroles obscures aussi, mais que saint Paul éclaircit en nous disant que cette femme c'est l'Église notre mère ; cette Eglise à laquelle il a été dit : « Le Seigneur, qui .te délivre, sera appelé le Dieu de toute la terre (6) » ; à laquelle il a été, dit encore : « Ta terre, c'est le monde entier (7) ». Je te reçois comme reçoit cette reine dont il est dit dans les psaumes : « La reine s'est assise à votre droite » ; et, à laquelle il, est dit : « Des fils te sont nés à la place de tes pères; tu les établiras princes sur toute la terre (8) ». Enfin, pour ne pas prolonger, je te reçois comme reçoit l'Église « dans toutes les nations, à commencer par Jérusalem (9) » ; comme reçoit

 

1. Cant. I, 6. — 2. Ps. XLVII, 3. — 3. Id. LXVII, 5. — 4. Gen. XXII, 18. — 5. Gal. III, 16. — 6. Isa. LIV, 1, 5; Gal. IV, 26, 27. — 7. Isa. LXII, 4. — 8. Ps. XLIV, 10, 17. — 9. Luc, XXIV,  47.

 

l'Église, « qui rend témoignage au Christ à Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités du monde (1) ». Celui qui te reçoit, n'est-ce pas celui-là même quia dit toutes ces choses à son sujet, qui l'a montrée dans des paroles si claires, pour que personne ne pût la méconnaître? Je te reçois comme reçoit le froment semé dans le champ et qui croît avec l'ivraie jusqu'à la moisson. « Car ce sont les fils du royaume; le champ est le monde, la moisson est la fin des siècles (2) ». Le Seigneur a expliqué lui-même ces paroles, elles sont dans l'Évangile, elles sont les paroles du Sauveur, elles sont claires. Je pourrais ajouter : Je vous reçois, comme vous avez reçu ceux que Prétextat et Félicien, condamnés par vous, ont baptisés hors de votre communion. Vous n'auriez certainement rien à répliquer. Mais j'aime mieux vous tenir un langage qui puisse terrasser aussi les Maximianistes eux-mêmes, qui a leur tour ont triomphé de vous, en réfutant vos deux textes de prédilection sur le petit nombre et sur le midi, textes que vous expliquez si souvent et si maladroitement. Je vais donc vous tenir un langage qui vous accablera tous ensemble, puisque tous ensemble vous vous insurgez contre nous. Nous vous recevons, si vous voulez renoncer à vos erreurs, comme reçoit cette Eglise que Jésus-Christ a déclaré devoir commencer par Jérusalem, et que les Actes nous disent avoir en effet commencé par là ; que Jésus-Christ a déclaré devoir se répandre dans toutes les nations, et que les Actes des Apôtres nous montrent répandue déjà dans mi grand nombre, avant d'être venue en Afrique; que Jésus-Christ a déclaré devoir remplir l'univers, avant que vienne la fin des siècles. Car le Seigneur lui-même a dit : « Cet Evangile sera prêché dans toutes les nations, et alors viendra la fin». Voici les immondices : « Parce que l'iniquité s'est multipliée, la charité d'un grand nombre se refroidira ». Voici le froment : « Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé (3) ». Où voyez-vous l'Afrique désignée comme étant dans le parti de Donat ? Voici encore le froment de l'Église : « Afin que tu saches », dit l'Apôtre, « comment tu dois te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Église du Dieu vivant, la colonne et l'appui de la vérité. Et assurément c'est un grand mystère

 

1. Act. I, 8. — 2. Matt. XIII, 30, 38, 39. — 3. Id. XXIV, 12-14.

 

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de piété, qui a été manifesté dans la chair, justifié dans l'esprit, qui a apparu aux Anges, qui a été prêché parmi les nations, cru dans le monde, élevé dans la gloire (1) ». Voici les immondices : « Or, l'Esprit dit manifestement que dans les derniers temps certains hommes s'éloigneront de la vérité, s'attachant à des esprits séducteurs, aux doctrines des démons (2) », etc. Où donc voyez-vous encore l'Afrique désignée comme étant dans le parti de Donat, comme restant la colonne et l'appui de la vérité, le mystère de piété, duquel jusqu'à la fin on doit dire : « Il a été prêché parmi les nations, cru dans le monde, élevé dans la gloire ? »

71. N'est-ce pas assez d'arguments ? Si vous voulez répondre à cette lettre, interrogez les Écritures, citez un témoignage clair au sujet de l'Afrique, la seule des provinces où se trouve le parti de Donat, ou du moins la seule d'où il soit sorti. Cela est impossible, car l'Écriture ne peut contredire les textes si clairs que-nous avons produits. Si vous cherchez des lecteurs crédules à qui vous pourriez faire aisément partager vos soupçons, vos accusations et vos calomnies, si vous voulez leur présenter un nouvel Evangile, quand il n'en existe pas, et nous annoncer autre chose que ce que nous avons appris, fussiez-vous un ange du ciel, vous serez anathème (3). Si le démon, qui tomba du ciel pour ne s'être pas maintenu dans la vérité, eût été anathème pour l'homme, le jour où il lui annonça autre chose que ce que Dieu lui avait annoncé, nos premiers parents n'auraient pas été condamnés à la mort et n'auraient point quitté le séjour du bonheur.

 

 

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CHAPITRE XXV. EXHORTATION FINALE.

 

72. Ainsi donc, mes bien chers, vous à qui j'écris cette lettre, gravez dans vos coeurs et observez fidèlement le précepte du Pasteur qui a donné son âme pour ses brebis, et qui maintenant, plein de gloire et de majesté, est assis à la droite de Dieu le Père. « Mes brebis entendent ma voix et me suivent (4) ». Vous avez entendu ses paroles si lumineuses ; ce n'est pas seulement par la loi, par les Prophètes et par les psaumes, mais par sa propre bouche qu'il recommande son Eglise future. La réalisation de ces prophéties, l'ordre dans

 

1. I Tim. III, 15, 16. — 2. Id. IV, 1. — 3. Gal. I, 8. — 4. Jean,  X, 27.

 

lequel elles se sont accomplies, vous le trouvez dans les Actes et dans les Epîtres des Apôtres, qui terminent le canon des livres saints. Ici rien d'obscur : vous ne pouvez vous laisser tromper par ceux qui, selon la prédiction du Seigneur, doivent un jour venir et dire aux hommes : « Le Christ est ici, il est là, il est dans le désert », c'est-à-dire là où n'est point la multitude. «Il est dans la chambre (1) », c'est-à-dire dans les traditions et les doctrines secrètes. Vous savez que l'Église doit se répandre partout et croître jusqu'à la moisson. Vous savez que l'Église est une cité, dont celui-là même qui l'a fondée a dit : « La cité bâtie sur la montagne ne peut être cachée (2) ». Elle n'est donc pas dans quelque coin de la terre, mais elle est bien connue partout. Parfois le froment qu'elle contient est tellement éprouvé par la tempête qu'en certains endroits on ne le tonnait plus. Néanmoins il y demeure caché ; car la sentence divine ne peut se tromper; il doit croître jusqu'à la moisson.

73. Parfois dans d'autres nations les troubles de l'hérésie et du schisme ont prévalu, et plusieurs membres de l'Église ont été opprimés et comme voilés d'un sombre nuage. Mais ils étaient toujours là, et peu, de temps après ils ont brillé d'un nouvel éclat que tous ont aperçu. Dans l'Afrique elle-même, après ce conciliabule de Sécundus de Tigisit, où à la faveur de la sédition et du trouble, une femme noble, Lucilla, se rendit coupable de menées corruptrices, rappelées par les actes judiciaires, une lettre fut envoyée à toutes les églises d'Afrique, et on y ajouta foi. Il ne pouvait en être autrement. Et ainsi l'on put croire que dans une partie du champ le froment du Seigneur avait péri. Mais non, ils n'avaient point péri, ces grains vraiment prédestinés et semés, qui avaient poussé de profondes racines et portaient des fruits abondants. Ils avaient ajouté foi à la lettre du concile, sans blesser leur conscience ; car on ne leur disait rien d'incroyable sur d'autres hommes; on pouvait en croire cette lettre, sans aller contre l'Évangile. Mais quand les membres du concile, à force d'obstination et de fureur, eurent rompu sacrilègement avec tout l'univers chrétien, quand cette rupture eut été connue des bons que de fausses accusations avaient séparés de Cécilien, ils virent bien qu'en restant

 

1. Matt. XXIV, 23, 26. —  2. Id. V, 11.

 

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dans cette communion ils portaient un jugement pervers, non contre un homme ou plusieurs hommes, mais contre l'Eglise répandue dans le monde entier; et ils aimèrent mieux s'en rapporter à l'Evangile du Christ, qu'à l'assemblée de leurs collègues. Ils les laissèrent donc, et on vit un grand nombre d'évêques, de clercs et de fidèles revenir à la paix catholique. Même avant ce retour, on les comptait dans le bon grain. Ils n'avaient pas lieu de revenir, tant qu'ils s'élevaient contre des hommes perfidement accusés devant eux, et non contre l'Eglise de Dieu qui croît dans toutes les nations. C'est pourquoi en Afrique, le froment que le Fils de l'homme avait semé est demeuré froment. Depuis ce moment jusqu'à maintenant il a grandi, et grandit encore ; il fructifiera, il croîtra jusqu'à la moisson, comme dans le monde entier.

74. Quelques hommes de bonne volonté, aveuglés par des considérations charnelles, restèrent plus longtemps dans cette erreur et dans cette révolte, même après que les méchants eurent fait éclater leur fureur contre l'Eglise de Dieu : c'étaient des épis encore tendres que l'on foulait aux pieds ; bien que la racine fût vive, la vigueur de la tige était arrêtée; mais Dieu connaissait son froment, bien qu'il fallût reprendre et blâmer pour lui rendre la vie. Le Sauveur dit à Pierre : « Eloigne-toi de moi, Satan (1) » ; mais non pas dans le même sens qu'il dit à Judas : « Un de vous est un démon (2) ». D'autres aussi s'obstinèrent à contredire la vérité, malgré son évidence. Ils furent déracinés ou coupés. Mais ils ne persistèrent point dans l'infidélité, comme ces rameaux brisés dont parle l'apôtre saint Paul; ils furent replantés par la main de Dieu ou greffés de nouveau (3). Celui qui ne porte point de fruit, sans avoir été séparé de la racine, est sous l'empire de la concupiscence et se rend coupable de ces oeuvres dont il a été dit : « Ceux qui agissent ainsi ne posséderont point le royaume de Dieu (4) ». Mais si, au lieu de produire des oeuvres de salut, il se met à résister à la vérité qui le reprend, malgré son évidence, alors il est retranché. Combien ne s'en trouve-t-il pas qui participent aux sacrements de l'Eglise, sans être pour cela dans l'Eglise. Si, pour être retranché de l'Eglise, il faut être excommunié notoirement; pour

 

1. Matt. XVI, 23. — 2. Jean, VI, 71. — 3. Rom. XI, 17-23. — 4. Gal. V, 21.

 

être rétabli dans l'Eglise, il faudra 'aussi être rendu notoirement à sa communion. Si l'on revient à l'Eglise avec dissimulation, le coeur plein de haine contre la vérité et contre l'Eglise, quand même on se réconcilierait solennellement, serait-on vraiment réconcilié, vraiment redevenu membre de l'Eglise ? Non, certes. Ainsi donc, il ne suffit pas d'être en communion avec l'Eglise pour être vraiment rétabli dans l'Eglise ; et de même, avant toute excommunication visible, on est retranché de l'Eglise dès que l'on résiste à la vérité, qui convainc et qui blâme. D'où il suit que le bon grain et le mauvais grain croissent dans le champ jusqu'à la moisson. Les fils du royaume et les enfants pervers croissent ensemble dans le monde jusqu'à la fin des siècles : les uns portent des fruits par la patience; les autres demeurent stériles et se dessèchent.

75. Pour vous, vous appuyant sur tant de témoignages si manifestes rendus par la loi, les Prophètes, les psaumes, le Seigneur lui. même et les Apôtres, à la sainte Eglise répandue dans tout l'univers, exigez des Donatistes qu'ils vous montrent dans les livres canoniques des textes indiquant clairement que l’Afrique appartient au parti de Donat. Il est impossible, je l'ai déjà dit, que cette Eglise qui, d'après eux ce qu'à Dieu ne plaise, doit sitôt disparaître de tant de nations, soit proclamée par des témoignages si sublimes et si manifestes, et qu'il ne soit pas dit un seul mot de leur propre Eglise qui, à ce qu'ils prétendent, durera jusqu'à la fin des siècles. Rappelez-vous les paroles adressées à ce mauvais riche tourmenté dans les enfers et demandant que l'on envoyât à ses frères quelqu'un d'entre les morts. « Ils ont Moïse et les Prophètes », lui fut-il répondu. Il répliquait en disant qu'ils ne croiraient pas si l'on ne leur envoyait quelqu'un des morts. On lui répondit encore: « S'ils n'écoutent pas Moïse et les Prophètes, ils ne croiront pas davantage, à supposer qu'un mort ressuscite (1) ». Moïse a dit que « toutes les nations seront bénies dans la postérité d'Abraham (2) ». Les Prophètes ont dit: « Tu seras appelée ma volonté, et ta terre sera l'univers (3) » ; et encore : « Tous les pays de la terre se souviendront et se convertiront au Seigneur (4) ». Voilà des prédictions qui

 

1. Luc, XVI, 29-31. — 2. Gen. XXII, 184. — 3. Isa. LXII, 4. — 4. Ps. XXI, 28.

 

 

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certes annoncent clairement l'Eglise, et les Donatistes n'ont pas voulu y croire. Le Seigneur est ressuscité d'entre les morts, et il a dit qu'  « en son nom la pénitence et la rémission des péchés seraient prêchées par toute a la terre, à commencer par Jérusalem (1)». Ils n'avaient pas voulu croire Moïse ni les Prophètes; ils n'ont pas cru davantage le Seigneur ressuscitant d'entre les morts. Quel peut être leur sort, sinon celui du mauvais riche? Fuyez de tels tourments, tandis qu'il en est temps encore, et avant la fin de la vie présente. Attachez-vous avec constance aux enseignements divins, afin d'éviter le trouble ici-bas, et de mériter de recevoir après cette vie ce qui a été promis à la postérité d'Abraham. Ainsi soit-il.

 

1. Luc, XXIV, 47.

 

Traduction de M. Eug. JOLY, docteur en sthéologie.

 

  

 

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