SERMON V
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CÈNE

SERMON V.

1. « Je vous donne un commandement nouveau, c'est de vous aimer les uns les autres, comme je vous ai aimés (Joan. XIII, 34). » Qui tonnait le précepte du Seigneur doit ne point négliger d'y conformer sa conduite. Car le «serviteur qui tonnait la volonté de son maître, et ne l'accomplit pas, sera frappé de plusieurs coups (Luc. II, 47). » Ce lui qui l'exécutera sera comblé de richesses et d'honneurs, ainsi que le Seigneur de tous les hommes le dit à ses disciples : « Vous serez bienheureux, si vous faites ce que je vous ordonne. » Le Seigneur plein de douceur a donné un commandement bien doux. Car il dit . « Je vous impose un commandement nouveau, c'est de vous aimer mutuellement, comme je vous ai aimés. » Celui qui nous a aimés et nous a lavés de nos péchés, dans son sang, nous propose le précepte de l'amour. O bon précepte, ô doux commandement, ordre délicieux, précepte de vie, règle de la vie éternelle. En lui, sont renfermés la loi et les prophètes. C'est cet unique précepte, dont il a été dit : « Si quelqu'un, ayant observé tous les commandements, pèche contre la charité, est coupable comme s'il les avait tous violés (Jac. I. 10). » De là, vient que l'Apôtre, ayant énuméré plusieurs degrés de vertus, ajoute aussitôt en parlant de la charité. « Que si je n'ai pas la charité, rien ne me sert (I Cor. XIII, 2). » Elle est cette pierre précieuse que l'Épouse, après l'avoir trouvée, achète au prix de tout ce qu'elle possédait (Matth. XIII, 46). » Elle est cette échelle qui apparut en songe à Jacob, elle touchait au ciel, et les anges en montaient et descendaient les degrés (Gen. XXVIII). C'est par elle que les anges en descendaient et que nous montons vers les anges ; sans cette échelle, nul ne peut arriver au royaume céleste. Et au point d'appui, se présente le Seigneur des anges lui-même, qui s'écrie : « Je vous donne un commandement nouveau, c'est de vous aimer les uns les autres. » Oui, c'est le Seigneur qui ordonne d'aimer son frère, et qui veut être aimé de tout cœur par ses serviteurs. Ce n'est pas grand'chose, si le serviteur aime son maître autant que son maître l'aime, c'est le serviteur qui doit chérir davantage son maître, car le serviteur ne peut pas lui. être utile, mais le maître peut être d'un grand secours au serviteur. Quand il aime son maître de tout son cœur, le serviteur s'attache à observer ses ordres du mieux qu'il peut. Lorsqu'on méprise les ordres de quelqu'un, une conclusion à tirer, c'est qu'on méprise celui qui les a donnés, car qui n'aime pas son prochain en vérité, dédaigne le commandement de Jésus-Christ, et qui méprise le commandement de Jésus-Christ méprise Jésus-Christ qui l'a imposé.

2. Pour nous, mes très-chers frères, aimons Jésus-Christ, et observons ses commandements, ces commandements qui sont lumineux et qui éclairent les yeux de l'âme. Ils sont plus doux que le miel ; si on les observe, on gagne une grande récompense (Psal. XVIII, 10), qui est le Seigneur Jésus-Christ lui-même. Donc, cher lecteur, gardez la règle qui vous est prescrite, et attendez en sûreté ; pour récompense vous aurez celui qui vous l'a tracée. Excellent précepte qui produit une récompense si magnifique. Nous devons le suivre inviolablement, assurés de mériter ainsi le Seigneur lui-même. C'est ce commandement que, sur le point d'aller à son Père, il laissa à ses disciples. C’est le testament qu'au moment de sa mort, il donna à ses héritiers. Il dit en effet à ses apôtres : « Je vous fais un commandement nouveau. » Comment nouveau? nouvellement trouvé, non que dans l'ancien testament il ne soit écrit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. » Comment donc est-il nouveau? Parce qu'il renouvelle les choses anciennes, et transforme en jeunes gens les hommes vieillis. «Nouveau, » parce qu'il fait dépouiller le vieil homme, et revêtir le nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la sainteté et la justice de la vérité (Col. III, 10), « Nouveau, » parce qu'à présent, et chaque jour, il conduit au ciel le genre humain, chassé jadis du paradis, séjour de la joie. Mais parce que beaucoup s'aiment d'une affection qui n'est pas selon la droite vérité, on ajoute : « Comme je vous ai aimés. » Entre l'amour et la charité, il y a la même différence qui se trouve entre le genre et l'espèce. » Il y a un amour bon, un amour mauvais, un amour moyen. L'amour bon est la charité même, par laquelle nous aimons le Seigneur plus que nous et plus que tout ce qui existe, et notre prochain comme nous-mêmes. L'amour mauvais est ennemi de la charité, c'est l'amour déshonnête, impur et luxurieux ; ces amours qui se portent vers des choses contraires sont opposés entre eux, comme les habitudes qu'ils établissent dans les âmes. L'un produit le mérite, l'autre, attire le châtiment; l'un, la peine, l'autre, la gloire ; celui-là la vie, celui-ci, la mort ; le premier, fait entrer au paradis, le second tombe dans l'enfer; l'un mène à Dieu, l'autre au démon. L'amour mitoyen est celui qui n'est pas lié à la charité, et qui n'est point souillé de l'amour déshonnête : C'est l'amour des enfants, des parents, des proches et des autres objets que l'on possède justement, et sans péril. Et afin de distinguer ces deux derniers amours, de l'amour de charité, le Seigneur a ajouté : « Comme je vous ai aimés. »

3. Mais qui a jamais pu ou pourra jamais observer un précepte semblable, et aimer son prochain comme Jésus a aimé ses disciples? Personne, assurément; aussi faut-il remarquer que le mot, « comme, » n'exprime pas la quantité de l'affection, mais seulement la ressemblance; et le sens est celui-ci, comme je vous ai aimés, aimez-vous, c'est-à-dire, de la même manière. Comment nous a aimés Jésus-Christ ? Écoutez-le : « Dieu a aimé le monde, de sorte qu'il a donné son Fils unique, afin que celui qui croira en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle (Joan. III. 16). » Le Père nous a aimés au point « qu'il n'a pas épargné son Fils unique, mais qu'il l'a livré pour nous tous (Rom. XIII. 32). » Jésus-Christ nous a tant aimés que, pour nous, pécheurs, il a subi la mort, et nous a lavés de son sang, nous faisant de pécheurs justes, de morts vivants, de terrestres célestes, de compagnons des brutes, frères des anges. Béni soit cet ami qui nous a ordonné de nous aimer réciproquement comme il nous a aimés lui-même.

4. Mais quelqu'un dit peut-être : Je ne suis point fixé au sujet de cet amour, et je ne comprends pas parfaitement comment il faut aimer son prochain. Je ne puis mourir pour mon frère, comme Notre-Seigneur a voulu mourir pour nous sauver. J'ai déjà dit plus haut que le mot «comme » n'exprime pas la quantité, mais la qualité. Si vous ne pouvez marcher de front avec Jésus-Christ, du moins suivez sa trace de loin. Si vous ne pouvez aimer votre prochain plus que vous-même, ce qu'a fait Jésus-Christ en mourant pour le genre humain, du moins aimez-le comme vous-même, faisant pour lui ce que vous voudriez que l'on vous fit. Mais vous direz peut-être : Je ne puis le faire, car cette pratique a été exprimée non par la voie du précepte, mais par voie de conseil. Si vous ne la pouvez suivre, attachez-vous à' ne point faire à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'il vous fît. Il faut aimer constamment son prochain, de sorte que ce soit Dieu qui soit toujours chéri en lui. Si vous l'avez aimé de la sorte, le précepte est accompli. Oui, il faut que la cause pour laquelle nous aimons notre frère soit toujours Dieu et non notre frère lui-même. Aimer notre frère à cause de lui, ce n'est pas la charité, c'est l'amour mitoyen, ou peut-être, à Dieu ne plaise, un amour très-mauvais, et ceux qui sont aveuglés d'une telle passion, s'ils n'en font pénitence, seront pour jamais privés de l'amour de Jésus-Christ.

5. Pour nous, mes frères, qui tenons du Christ notre nom de chrétiens, méprisant tous les biens terrestres transitoires et caducs, avec tous leurs amateurs aveuglés, désirant ne nous attacher qu'à ce bon maître, établissons-nous solidement en la charité paternelle, afin d'être appelés et d'être les disciples de celui qui a dit à ses apôtres, et par ses apôtres à nous: « A cette marque, on connaîtra que vous êtes mes disciples, si vous avez de la charité les uns pour les autres (Joan. XIII. 35). » A ce signe, on discerne les enfants de la lumière des enfants des ténèbres, les sectateurs du Seigneur des sectateurs du diable; ils ont de l'affection pour tous leurs frères. La charité ne veut laisser personne hors de son sein. Elle renferme et contient tout, et se donne également à tous. La charité est l'affection de l'âme, étreignant Jésus-Christ dans les bras de son amour. La charité est un amour immense, embrassant le ciel et la terre : un amour invincible qui ne sait pas céder aux menaces ou aux supplices. Elle est un lien indissoluble d'amour et de paix : elle est le mépris du monde et l'amour de Dieu : reine des vertus, aucun vice ne lui fait peur; marquée du signe du sang de Jésus, portant l'étendard de la croix sur le front, elle met en fuite tous ses adversaires; nul ne peut résister à sa force. Rien ne peut lui arriver de mal; toujours et partout elle est en sûreté. Elle est ce bouclier et cette armure dont le prophète, placé au milieu de la lutte, demande au Seigneur de le revêtir : « Prenez les armes et le bouclier, et levez-vous pour venir à mon aide (Psal. XXXIV 2). » Le même prophète se réjouissait en ces termes d'avoir été protégé de ce bouclier : «Seigneur, Vous nous avez couronnés par le bouclier de votre bonne volonté (Psal. V. 12). » Quiconque fera défendu par cette arme puissante, pénétrera cri sûreté au plus épais des rangs des ennemis. Elle est ce diamant qui ne peut être brisé, et qui brise tout ce qui peut briser. Elle est le fort armé qui, par sa force, renverse l'ennemi, et frappe et tue de son glaive à deux tranchants l'ennemi avec toute son armée. Elle est l'amie du roi éternel : elle ne craint pas d'aller vers lui en toute confiance. Elle refuse d'entrer dans le lit de Salomon, et d'y goûter ce repos; elle ne veut, pour s'endormir, que la poitrine de Jésus.

6. Mes frères, si cette reine des vertus domine parmi nous, grands et petits, nous connaîtrons assurément que nous sommes véritablement les disciples de Jésus-Christ. Qui n'a pas la charité, n'appartient pas à celui qui a donné le précepte de la charité. La charité est l'amour de Dieu et du prochain, et qui n'aime pas son frère n'a plus qu'à ne pas aimer Dieu; et qui n'aime pas, hait. Donc, qui hait son frère, hait l'auteur de la charité. Pour nous, mes frères, que l'amour de Jésus-Christ a rassemblés en une même maison, de tout notre cœur, et de tout notre esprit, aimons Notre-Seigneur Jésus-C hrist, et notre prochain comme nous-mêmes, et pour l'amour de Dieu, non-seulement ne haïssons pas, mais encore aimons nos amis et de plus nos ennemis. Voilà l'enseignement de Jésus, voilà la doctrine du Saint-Esprit. Qui abandonnera cette école, et ne persévérera point dans cette doctrine, croyez-moi, mes frères, il périra éternellement. Mais, aux disciples du Seigneur, à ceux qui aiment la charité, seront données, en grande abondance, la douceur elle-même, les richesses de la béatitude éternelle, les joies de la félicité sans fin : daigne nous les accorder celui qui dans la Trinité parfaite vit et règne, Dieu béni dans tous les siècles. Amen.

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