GEOFFROY IV
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LETTRE DU MÊME GEOFFROY A JOSBERT CONTENANT QUELQUES COURTES NOTES SUR L'ORAISON DOMINICALE.

1. Le frère Geoffroy à son cher très-ami. chanter et prier ensemble d'esprit et de cœur.

Mon frère Josbert, vous m'avez demandé, pour vous, quelques notes sur l'oraison dominicale, divisées en quatre parties, suivant les articles de cette oraison, afin qu'elles restent gravées plus fortement dans la mémoire, et quine soient ni trop courtes ni trop longues. M'étant donc mis sous les yeux votre quatrain, j'ai eu à cœur de vous donner une double annotation sur cette partie, et de vous la donner sans retard, parce que je sais, comme vous, que celui qui donne tout de suite donne deux fois. Que sa brièveté, peut-être un peu obscure, ne vous en déplaise pas, elle vous servira à vous exercer, en vous fournissant l'occasion d'ajouter quelque chose à la sagesse. Le Seigneur a dit: Il faut prier toujours et ne jamais se lasser. Ce que tous les fidèles doivent pratiquer, d'après la recommandation du Seigneur, convient particulièrement, chacun le sait, à notre profession. C'est, en effet, elle qui est désignée par la personne et le nom de Daniel, qui, ainsi que nous le lisons dans le Prophète, doit se sauver avec Noé et Job. Un homme de désirs est en même temps un homme de prières, et celui qui a sans cesse de bons désirs, fait toujours de bonnes prières. Auprès de Dieu les veaux crient plus efficacement que les prières, et la disposition continuelle du cœur est une prière sans fin. Heureux fut Daniel contre qui on ne put trouver aucune occasion d'opposer quoi que ce soit, si ce n'est dans la loi de Dieu. Heureux fut-il, cet homme qui aima mieux s'exposer à la mort, que de cesser de prier. A combien plus forte raison, nous convient-il de prier toujours, sans jamais nous arrêter, à nous qui sommes menacés de mort si nous ne prions pas, et qui avons des promesses de vie si nous prions? Mais il n'en faut pas moins faire attention à ce. que, si parfois nous nous servons dans la prière des paroles des autres, aucun de nos veaux, aucune de nos prières, aucune de nos demandes ne s'éloignent de la source que celui qui s'entendait le mieux à prier, nous a apprise, et à laquelle notre unique avocat nous a façonnés, quand il nous a dit: Voici comment vous prierez le Père.

2. Noire Père qui êtes aux cieux. C'est vers le Père que nous sommes instruits à diriger notre prière, parce que c'est la gloire du Père que recherche le Fils, le Fils, dis-je, qui nous accorde comme le Père et fait de même que le Père, tout ce que le Père accorde et fait. Nous devons prier au pluriel, parce que nous devons toujours prier les uns pour les autres, car il faut que notre prière soit commune, de même que notre adoption est commune. La prière est le propre de celui qui se sent proprement Fils, selon ce mot de l'Écriture : « Je monte à mon Père qui est votre Père, etc. » Notre Père qui êtes aux cieux. Cette préface, non moins utile et efficace que brève, fait vibrer quatre fibres du cœur, réveille les sentiments de joie et de crainte, de tristesse et de désir. En effet, nous ne pouvons nous rappeler que nous avons un Père dans les cieux, sans concevoir ces sentiments de joie qui naissent de la confiance; mais, en même temps, la crainte nous porte à appréhender dans un sentiment de révérence, qu'un tel Père ne nous trouve indignes de lui, dégénérés et ingrats. Quand nous disons qui êtes aux cieux, un sentiment de tristesse doit s'emparer de notre âme, si nous n'avons point perdu le sens, à la pensée qu'il n'habite pas encore en nous. Mais le ciel n'est pas plus élevé au dessus de la terre que nous ne sommes nous-mêmes, non-seulement loin de nous, mais encore loin du Seigneur, jusqu'à ce que nous soyons aussi dans les cieux. Néanmoins, nous souhaitons avec raison de devenir citoyens du ciel,nous soupirons après le bonheur d'être habitants des cieux, et de voir notre père qui est aux cieux, être de même en nous. Car le Seigneur a dit : Quiconque m'aime garde ma parole... etc. jusqu'à ces mots : et nous ferons, etc. Il est clair par là que ceux qui font la volonté du Père n'ont point encore en eux cette demeure, mais l'objet légitime de tous nos vœux et de tous nos souhaits, c'est qu'ils achèvent de construire cette demeure, c'est qu'ils y habitent, c'est qu'ils y restent. L'Esprit-Saint demeura sur Jésus, et c'est le signe qui avait été donné à celui à qui il avait été dit : C'est celui sur qui vous verrez le Saint-Esprit descendre et s'arrêter, qui baptise.

La première demande est celle-ci: Que votre nom soit sanctifié. Le nom du Seigneur est certainement saint, sa sainteté est perpétuelle et parfaite, mais ce qui. nous devons souhaiter et demander, c'est qu'il soit sanctifié pour nous, en nous, par nous, et de nous, par la connaissance, la participation, et la dévote confession de cœur et de bouche de sa sainteté; ainsi que par l'encouragement donné au prochain par nos conseils et nos exemples, à acquérir ces trois choses. En effet, on peut dire en quelque sorte que le nom du Seigneur est sanctifié en nous quand il est connu de nous, car tout en restant toujours dans sa très-parfaite sainteté, il grandit néanmoins d'autant plus en sanctification en nous, qu'il y est plus connu. En même temps que l'invocation de son nom nous sanctifie, elle est sanctifiée en nous; sa sainteté naît en nous à mesure qu'elle se répand et grandit en nous. Son nom est sanctifié par nous, quand nous rendons gloire à ce nom. Il est sanctifié de nous quand il n'est pas blasphémé à notre occasion. Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, si vous voulez que votre Père céleste soit glorifié par vos œuvres.

Que votre règne arrive. Qu'il arrive jusques en nous, qu'il soit cru par nous, espéré, aimé, reçu par nous, selon ce mot de celui qui en est le roi: Recevez le royaume qui vous a élé préparé. C'est un voyage de trois étapes qui nous mène au royaume de Dieu, et ces trois étapes sont notre foi, notre espérance et notre charité; nous serons à la quatrième étape quand viendront les bénis du Père.

Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. A ce vœu se rapporte ce qui précède : Qui êtes aux cieux, et il doit se confondre avec les deux premiers, où il est dit : que votre nom, Seigneur, soit sanctifié dans le ciel et sur la terre, et que votre règne arrive. Que votre volonté soit faite en nous, de telle sorte que nous ne voulions rien que après vous, à cause de vous, selon vous, et par vous. Après vous, c'est-à-dire de telle sorte que notre volonté demeure ferme et stable dans les choses où la vôtre sera certaine pour nous; hésitante avec raison, dans les choses où votre volonté n'est pas claire, mais prête à la suivre de quelque côté qu'elle verra la vôtre incliner. Mais si le Père a voulu que le Fils souffrit, Judas l'a voulu aussi, et les Juifs l'ont voulu également, mais cette conformité de vouloir ne servit ni au premier, ni aux seconds. Aussi puissions-nous, Seigneur, ne vouloir que, à cause de vous, en sorte que nous ayons, en tout, votre zèle. Mais il faut aussi que nous voulions selon vous, car notre zèle ne doit point aller sans la science, comme le zèle de ceux qui persécutaient les vôtres et se figuraient, en agissant ainsi, faire une chose qui vous fût agréable. Enfin, il faut que tout ce que nous voulons, nous le voulions par vous, et que notre volonté soit vôtre tout entière, et que ce soit vous qui opériez en nous le vouloir et le parfaire, eu égard à votre bonne volonté.

Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien, le pain de la nécessité, de la douleur, du travail, de la vie, de l'intelligence; le pain qui sustente la vie présente, le pain qui nous fasse porter des fruits de pénitence, le pain qui nous porte au travail de la justice, et enfin le pain qui est plein de goût et de saveur. C'est de ce quatrième pain que le saint prophète Daniel parlait, quand il disait que dans le deuil de la pénitence, il n'avait point mangé le pain objet de tous ses désirs.

Et remettez-nous nos péchés, ces péchés que nous contractons de quatre manières, en ne donnant point à notre corps le châtiment qui lui est dû; à notre cœur, la garde qu'il réclame; aux hommes, l'humanité à laquelle ils ont droit, et à vous, Seigneur, la gloire qui vous appartient.

Comme nous remettons leurs dettes à nos débiteurs, à ceux qui ont péché contre nous, en nous causant quelque dommage, en empêchant nos progrès, en nous faisant quelque injustice, par parole ou par action, et en nous blessant dans notre corps.

Et ne nous induisez point en tentation, mais que votre vérité nous environne de son bouclier, afin que nous ne redoutions point les craintes nocturnes, la flèche qui vole, la chose qui passe, etc., je veux dire l'impatience et la pusillanimité dans l'adversité, l'impudente insolence dans la prospérité, car celles-là se rapportent à la nuit, et voici celles qui se rapportent au jour : l'hypocrisie, l'injuste semblant, l'impudence intempérante, effrénée dans les péchés publics et notoires. Les deux premiers péchés se rapportent à la double armée que produit le monde, les autres à Got et Magot, le couvert et le découvert, dont il est parlé dans les prophètes.

Mais délivres-nous du mal, c'est-à-dire de l'obligation du péché, de la vengeance temporelle, de la sentence de damnation au jugement dernier, et du désespoir du remède dans l'enfer (a).

On a encore du même Geoffroy, une lettre adressée à Aubin, évêque d'Albano et légat da pape. On la trouve dans Baronius, à l'année 1086; elle traite d'une question fort agitée en France à cette époque: de la substance de l'eau mêlée au vin dans le calice; se trouve-t-elle changée, comme le vin, au sang du Seigneur? Geoffroy, dans cette controverse, tient pour l'affirmative.

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