SERMON POUR LE PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT.
SUR LE JUGEMENT DERNIER.
ANALYSE.
SUJET. Il y aura
des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles, et sur la terre
les peuples seront dans la consternation : de sorte que les hommes sécheront de
peur, dans l'attente des maux dont tout l'univers sera menacé.
Signes
vénérables, puisque c'est Jésus-Christ même qui nous les a
marqués comme les présages de son dernier avènement. Signes salutaires,
puisqu'il a prétendu par la réveiller notre foi et ranimer notre ferveur.
Signes terribles, puisque les hommes en sécheront de peur. Mais ce ne seront,
après tout, que les préparatifs d'une action encore infiniment plus à craindre,
qui est le ni de Dieu, dont il s'agit dans ce discours de justifier l'équité et
la sainteté.
Division. Dieu a tout fait, et pour lui-même, et pour ses
élus. D'où saint Chrysostome conclut que, quand Dieu s'est déterminé à juger le
monde, il a en deux vues principales: l'une, de se faire justice à lui-même; et
l'autre de la faire à ses prédestinés. Jugement qui vengera Dieu des outrages
qu'il a reçus du monde, 1ère partie ; jugement qui vengera les élus
de Dieu des injustices que leur a faites le monde, 2e partie.
PREMIÈRE
PARTIE. Jugement qui vengera Dieu.
Levez-vous, Seigneur, lui disait le Prophète royal, et prenez en main votre
cause. Mais souvenez-vous surtout des outrages que vous avez reçus et que vous
recevez sans cesse de l'impie. Ainsi Dieu se souviendra, 1° en général des
outrages que lui fout maintenant les hommes; 2° en particulier de ceux que lui
font certains hommes insolents dans leur impiété.
1°
Dieu se lèvera pour juger lui-même sa cause. Maintenant il la laisse entre les
mains des hommes, et il les charge de défendre ses droits C'est pour cela qu'il
a établi sur la terre des souverains, des magistrats, des supérieurs, des
prélats, des prêtre. C'est par la même raison qu'il veut bien nous prendre pour
juges entre lui et nous-mêmes : car la pénitence, dit saint Augustin, n'est
rien autre chose, de la part du pécheur, qu'une justice qu'il rend à Dieu aux
dépens de soi-même. Mais qu'arrive-t-il ? cette cause de Dieu, mise entre les
mains des hommes, est tous les jours abandonnée et lâchement trahie. Combien de
crimes, de scandales sont tolérés par la négligence, par la faiblesse, par
l'iniquité de ceux qui les devraient punir. Dans le tribunal même de la
pénitence, quelle facilité des ministres du Dieu vivant ! quelle
délicatesse des pécheurs prétendus pénitents ! A peine nous reste-t-il des
traces de ces anciens canons qui, pour des péchés aujourd'hui communs,
exigeaient des satisfactions si rigoureuses. Ce n'est pas que Dieu se soit
relâché de ses droits, mais c'est nous-mêmes qui nous sommes relâchés du saint
zèle qui animait les premiers chrétiens, et qui devrait comme eux nous animer.
Or
c'est en cette vue que David disait à Dieu : Levez-vous, Seigneur, et montrez
aux hommes que, malgré vos lenteurs passées, vous savez enfin vous rendre à
vous-même une pleine justice. Oui, il le sait, et il le fera dans son dernier
jugement. De là vient que ce jour fatal est appelé le jour du Seigneur.
Aussi
il n'appartient qu'à Dieu d'être, en dernier ressort et sans appel, juge et
partie dans sa propre cause : pourquoi ? parce qu'il n'y a point, répond saint
Chrysostome, de juge si éclairé que lui, si intègre que lui, si puissant que
lui. Il se vengera, ajoute le même Père, parce qu'il ne convient qu'à lui
d'être saint et irrépréhensible dans ses vengeances. Quand l'homme se venge, la
passion l'aveugle et l'emporte à des extrémités criminelles. L'ordre veut donc
que ce soit par un autre qu'il soit vengé. Mais c'est à Dieu de se venger
lui-même, parce qu'il est l'équité et la sainteté même.
2°
Quels sont en particulier ces outrages que Dieu aura reçus de l'impie, et dont
il viendra se faire justice à lui-même? David les réduit il trois. 1° L'impie a
dit dans son coeur : il n'y a point de Dieu : Dixit in corde suo : Non est
Deus ; outrage à la Divinité. 2° Il a dit : S'il y a un Dieu, ou il n'a pas
vu, ou il a oublié le mal que j'ai commis : Dixit in corde suo :Oblitus est Deus
;
avertit faciem suam, ne vident : outrage à la Providence. 3° Il a dit : Quand ce
Dieu dont on me menace aurait vu mon péché et qu'il s'en souviendrait, il ne nie condamnera pas pour si peu de chose
: Dixit in corde suo : Non requiret : outragea la justice de Dieu
vindicative. Trois articles capitaux sur lesquels Dieu confondra le pécheur
libertin.
Parce
que l'impie aura refusé de reconnaître la Divinité, Dieu se fera voir à lui
dans tout l'éclat de sa gloire, et lui dira ce qu'il disait aux Israélites par
la bouche de Moïse : Videte quod ego sim solus, et non sit alius prœter me
: Reconnaissez que je mu Dieu, que je
suis votre Dieu, que je suis seul Dieu.
Parce
que l'impie aura outragé la Providence, en disant : Ou Dieu n'a pas su, ou il a
oublié le mal que j'ai fait ; Dieu, pour lui montrer qu'il a tout su, et qu'il
se souvient do tout, révélera devant ses yeux, et aux yeux de l'univers, tout
ce qu'il y a eu de plus honteux et de
plus caché dans sa vie.
Parce
que l'impie aura dit : Quelque connaissance que Dieu puisse avoir de mes
crimes, il ne me punira pas pour si peu de chose; Dieu se fera un devoir
particulier de venger sa justice de ce blasphème : comment? en l'exerçant,cette
justice redoutable, sur lu pécheur, et en le condamnant sans miséricorde.
La
seule ressource qui vous reste maintenant, pécheurs, c'est la pénitence. Il
vous en doit coûter pour la faire : mais par là vous vous préserverez du
jugement de Dieu. Ce Dieu que vous avez outragé, ce Dieu de patience vous
attend encore. Rapprochez-vous île lui par une humble confession de vos
iniquités, et vous trouverez grâce devant lui.
Deuxième
partie. Jugement qui vengera les élus
de Dieu. Ces élus de Dieu, ce sont : 1° les justes; 2° les humbles; 3° les
pauvres; 4° les faibles. S'il n'y avait point d'autre vie, dit saint Chrysostome,
et que Dieu ne dût jamais juger le monde, leur condition serait bien à
plaindre. Car souvent dans cette vie les Justes sont décriés et confondus avec
les hypocrites; les humbles sont méprisés et insultés ; les pauvres sont
rebutés, abandonnés ; enfin, les faibles sont accablés et opprimés. Or de là
même, conclut saint Chrysostome, suit la nécessité du jugement de Dieu ; et
c'est aussi sur ces quatre chefs qu'il viendra en qualité de souverain juge,
faire justice à ses élus.
100
1°
Il viendra pour venger les Justes, j'entends les vrais Justes, en les séparant
des hypocrites. Durant cette vie tout est mêlé et confondu. Combien de
scélérats travestis en gens de probité et d'honneur : et combien au contraire
de Justes accusés et calomniés ! Or, c'est ce que le jugement de Dieu
dévoilera par la manifestation des consciences.
Ainsi,
selon l'oracle de Job, la joie de l'hypocrite finira, et son espérance périra.
La joie de l'hypocrite était d'imposer, et cependant d'être respecté et honoré
: mais au jugement de Dieu, cette joie de l'hypocrite finira, parce que son
hypocrisie sera démasquée, et qu'elle deviendra le sujet éternel de sa
confusion. L'espérance de l'hypocrite était qu'il ne serait jamais connu à
fond, et son désespoir sera de ne pouvoir plus se déguiser. Mais au contraire
la gloire des Justes sera de paraître devant toutes Ira créatures
intelligentes, et que l'on discerne enfin la droiture de leurs actions et la
pureté de leurs intentions.
2°
Il viendra pour venger les humbles en les glorifiant. Leur humilité passait
pour petitesse d'esprit et pour bassesse de coeur, mais Dieu la relèvera et la
couronnera. C'est alors qu'ils s'élèveront eux-mêmes contre ceux qui les
méprisaient, et que s'accomplira cette parole de Jésus-Christ, que quiconque
s'abaisse sera exalté. Dans la vie, l'humilité n'est pas toujours glorifiée,
souvent même elle est accompagnée jusques au bout de l'humiliation : mais c'est
à la fin des siècles qu'elle recevra tout l'honneur qui lui est dû.
3°
Il viendra pour venger les pauvres en les béatifiant. Combien de pauvres
souffrent sur la terre par la dureté des riches! combien de véritables pauvres
sont rebutés, comme s'ils ne l'étaient pas! combien de saints pauvres sont
d'autant plus oubliés, qu'ils se plaignent moins, et qu'ils prennent leur
pauvreté avec plus de patience ! Or la patience des pauvres, dit le
Prophète, ne sera pas toujours sans fruit. Car je sais que le Seigneur jugera
le pauvre, et qu'il tirera une vengeance éclatante de ceux qui l'auront oublié.
Tandis que les riches, ces riches impitoyables, seront frappés d'un éternel
anathème, les pauvres, mis en possession d'une souveraine béatitude, seront
bien dédommagés de cette inégalité de condition qui les avait réduits dans le
besoin et dans la misère.
4°
Il viendra pour venger les faibles. Maintenant ils sont dans l'oppression, et
c'est le crédit qui l'emporte, et le plus fort qui a toujours raison. De là
tant de persécutions et de vexations : mais la scène changera : Judicare
pupillo et humili, ut non apponat ultra magnificare se homo super terram.
Au lieu que le faible était sous les pieds, il se verra sur la tète de ces
grands du monde, qui faisaient, pour l'accabler, un si criminel abus de leur
grandeur.
Conclusion.
Dieu, dans son jugement, séparera les Justes d'avec les hypocrites et les
impies : séparez-vous-en dès à présent par une solide piété. Il glorifiera les
humbles : humiliez-vous. Il béatifiera les pauvres : assistez-les. Il relèvera
les faibles : protégez-les. Et vous, Justes, humbles, pauvres, faibles,
soutenez-vous dans votre justice, dans votre obscurité, dans votre pauvreté,
dans votre faiblesse, par l'attente de ce grand jour, qui sera le jour du
Seigneur et le vôtre. Craignez le jugement de Dieu ; car il est toujours a
craindre : mais en le craignant, désirez-le, espérez-le, aimez-le, puisqu'il
vous doit être si favorable. Craignons-le tous, mais d'une crainte efficace qui
nous convertisse et qui nous sauve.
Erunt
signa in sole, et luna, et stellis, et in terris pressura gentium...
arescenlibus hominibus prœ timore et expectatione quœ superveniet universo
orbi.
Il
y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles, et sur la
terre les peuples seront dans la consternation ; de sorte que les hommes
sécheront de peur, dans l'attente des maux dont l'univers est menacé. (Saint
Luc, chap. XXI, 26.)
Sire,
C'est par l'accomplissement de
cette prédiction du Fils de Dieu que doit commencer l'affreuse catastrophe de
l'univers. C'est dans ces phénomènes prodigieux que l'évangile de ce jour nous
donne l'idée de la plus étonnante révolution : Erunt signa ; il y aura
des signes, et dans le ciel, et sur la terre. Signes vénérables, puisque c'est
Jésus-Christ lui-même qui nous les a marqués comme les présages de son dernier
avènement. Signes salutaires, puisqu'il a prétendu par là réveiller notre foi
du profond assoupissement où elle est ensevelie. Signes terribles, puisque
non-seulement les hommes en sécheront de peur, mais que les vertus mômes des
cieux en seront ébranlées.
Tout cela est vrai, dit saint
Jean Chrysostome ; mais après tout, ces signes, quoique vénérables, quoique
salutaires, quoique terribles, ne seront néanmoins que les préparatifs d'une
action encore infiniment plus digne de nos réflexions, encore infiniment plus
essentielle à notre salut, encore infiniment plus redoutable, qui est le jugement
de Dieu. Et c'est, Chrétiens, de ce jugement de Dieu que le devoir de mon
ministère m'oblige aujourd'hui à vous parler. Jugement de Dieu, dont la pensée
a fait trembler les Saints, et d'où, selon l'expression de l'Apôtre, le Juste
même à peine se sauvera. Jugement de Dieu, dont j'entreprends de justifier
l'équité et la sainteté, en vous faisant voir sur quoi sera fondée son extrême
et inévitable sévérité. Soutenez-moi, Seigneur, et me donnez les forces
nécessaires pour bien traiter un point, et si solide, et si important. Mais
donnez en même temps à mes auditeurs toute la soumission et la docilité que
demande votre sainte parole. Car, renonçant ici à mes faibles raisonnements, ce
n'est qu'à votre parole que je m'attache, et c'est votre seule parole qui fera
la preuve de tout ce que j'ai à dire dans ce discours. Remplissez-moi de votre
esprit; et que, par votre grâce, la grande vérité que j'annonce fasse sur les
cœurs toute l'impression qu'elle y peut et qu'elle y doit faire. C'est pour
cela que j'implore votre secours par l'intercession toute-puissante de Marie : Ave,
Maria.
Il est de la foi chrétienne que
Dieu, qui est l'Etre absolu et souverain, a fait pour lui-même tout ce qu'il a
fait : Universa propter semetipsum operatus est Dominus (1) ; el la même
foi nous enseigne que Dieu, sans déroger
101
en rien à la souveraineté de son être, a fait encore toutes
choses pour les prédestinés et les élus : Propter electos. Il s'ensuit
donc, conclut saint Chrysostome raisonnant sur ces deux principes, que quand
Dieu s'est déterminé à juger le monde en dernier ressort, comme il le jugera à
la fin des siècles, il a eu deux vues et deux intentions principales : l’une de
se faire justice à lui-même, et l'autre de la faire à ses élus.
La conséquence est infaillible,
et c'est à cette conséquence que je m'arrête d'abord, parce qu'elle m'a paru la
plus solide et la plus propre pour servir de fond à l'important discours que
j'ai à vous faire. En voici l'ordre et le partage. Dieu, jaloux de sa gloire,
jugera le monde pour se faire justice à lui-même ; et voilà pourquoi
Jésus-Christ, qui doit, comme Fils de Dieu, présider à ce jugement, viendra
avec toutes les marques de la puissance et de la majesté divine : Veniet cum
potestate magna et majestate; c'est ma première proposition. Dieu, Adèle à
ceux qui le servent, jugera le monde pour faire justice à ses élus ; et de là
vient que Jésus-Christ parlait toujours à ses disciples de ce jugement comme
d'un point qui devait par avance les consoler, en les assurant que ce serait le
jour de leur gloire et de leur salut : His autem fieri incipientibus,
respicite et levate capita vestra, quoniam appropinquat redemptio vestra (1)
: c'est ma seconde proposition.
Vérités adorables, et qui
comprennent en deux mots ce qu'il y a de plus essentiel dans le jugement de
Dieu. Tout le reste n'en est que les préliminaires, dont nous ne laissons
pourtant pas, pour peu de religion que nous ayons, d'ètie effrayés. Mais
pourquoi ces préliminaires du jugement universel nous paraissent-ils si
terribles, et pourquoi en effet le sont-ils? Je vous en ai dit les deux raisons
: parce qu'ils doivent aboutir à un jugement qui sera la dernière justice que
Dieu se rendra à lui-même, vous le verrez dans la première partie ; parce
qu'ils doivent être suivis d'un jugement qui sera, aux dépens des réprouvés, la
plus parfaite cl la plus éclatante justice que Dieu rendra à ses élus ; je vous
le ferai voir dans la seconde. Sans cela, ni l'obscurcissement du soleil, ni la
chute des étoiles, ni tous les autres signes avant-coureurs du jugement
dernier, n'auraient rien pour les pécheurs mêmes de si formidable. Sans cela
j'attendrais tranquillement cette révolution générale qui doit précéder la
venue du Fils de l'Homme. Mais d'avoir à subir un jugement
qui, à la confusion du monde, vengera Dieu et les élus de Dieu, ah ! mes chers
auditeurs, c'est ce qui doit faire le sujet éternel de nos méditations aussi
bien que de nos craintes. Or, ce sont cependant les deux points de foi que
notre évangile nous propose. Appliquez-vous, encore une fois, à les bien
comprendre : un jugement qui vengera Dieu, autant que Dieu mérite d'être vengé,
et qu'il peut être vengé; un jugement qui vengera les élus de Dieu des
injustices du monde, aussi pleinement et aussi authentiquement qu'ils en
peuvent et qu'ils en doivent être vengés. Voilà tout mon dessein ; je vous
demande une favorable attention.
PREMIÈRE PARTIE.
Parce que le monde sera parvenu
au comble de l'iniquité, le jour de la vengeance arrivera : c'est ainsi que
s'explique l'Ecriture : Veniet dies ultionis (1). Et parce que les
hommes auront achevé de remplir la mesure de leurs crimes, Dieu, qui jusque-là
avait été le Dieu riche en miséricorde, ne pouvant plus souffrir l'affreux
désordre où lui paraîtra l'univers, commencera enfin à se faire justice. Voilà
sur quoi le Prophète royal a fondé la nécessité de ce jugement redoutable que
je vous prêche aujourd'hui : Exsurge, Deus, et judica causam tuam (2) :
Levez-vous, Seigneur, disait-il à Dieu, plein d'un zèle ardent pour sa gloire,
et jugez vous-même votre propre cause : Memor esto improperiorum tuorum,
eorum quœ ab insipiente sunt tota die (3) : Souvenez-vous des outrages qu'a
osé vous faire, et que vous fait encore à tout moment l'impie et l'insensé,
afin qu'ils ne demeurent pas éternellement impunis. Deux choses par où le
Saint-Esprit nous donne à connaître en quoi consistera la rigueur du jugement
de Dieu; deux pensées capables de nous en imprimer l'idée la plus vive et la
plus touchante. Dieu se lèvera pour juger lui-même sa cause ; Dieu se
souviendra en général des outrages que lui font maintenant les hommes, mais en
particulier de ceux que lui font certains hommes insolents dans leur impiété,
certains pécheurs scandaleux dont le caractère est d'insulter à Dieu même avec
plus d'orgueil. Entrons donc, mes chers auditeurs, dans ces deux pensées, et
tirons-en des conséquences dignes de notre foi, mais surtout salutaires et
pratiques pour la réformation de nos mœurs.
Dieu se lèvera
pour juger lui-même sa
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cause. En effet, pendant cette vie il en laisse à d'autres
le soin. Occupé à répandre ses grâces et à l'aire luire son soleil aussi bien
sur les méchants que sur les bons, il laisse à ceux qui sont en place, et qui
ont en main l'autorité, le soin de maintenir ses droits. C'est pour cela qu'il
a établi des puissances sur la terre. Car le prince, dit saint Paul, est le
ministre des vengeances de Dieu ; et ce n'est pas en vain qu'il porte l’épée,
puisque c'est pour la cause de Dieu bien plus que pour la sienne qu'il doit
s'en servir. Il est le ministre de Dieu, et pour faire rendre à Dieu ce qui lui
est dû, et pour punir ceux qui violent sa loi : Dei minister est, vindex in
iram ei qui malum agiti; autant qu'il y a dans le monde de souverains, de
magistrats, de supérieurs, de prélats, de juges, ce sont autant d'hommes
chargés des intérêts de Dieu, et dans les mains de qui Dieu a mis sa cause. Si
son nom est blasphémé, si son culte est profané, il leur en demande justice, et
c'est à eux à lui en faire raison. C'est pour cela qu'il a donné aux prêtres,
dans la loi de grâce, une juridiction si absolue. Car les prêtres, dit saint
Chrysostome, en vertu du pouvoir qu'ils ont de retenir les péchés et de les
remettre, sont, dans le tribunal de la pénitence, comme les arbitres de la
cause de Dieu et de ses droits les plus sacrés; et Dieu, en leur accordant ce
pouvoir, leur a dit à la lettre et sans restriction : Judicate inter me et
vineam meam (2) : Soyez juges entre moi et ma vigne; c'est-à-dire, soyez
juges entre moi et mon peuple, entre moi et ces pécheurs qui viennent,
prosternés à vos pieds, confesser les désordres de leur vie. Obligez-les à m'en
faire de légitimes réparations ; imposez-leur pour cela des peines
proportionnées; tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel;
mais prenez bien garde qu'en exerçant ce ministère, c'est ma cause que vous
jugez, aussi bien que leur cause, et même encore plus que leur cause : Judicate
inter me et vineam meam.
C'est par la même raison que,
lorsqu'il s'agit de nous réconcilier avec Dieu, Dieu, par un excès de bonté,
quoique nous soyons alors parties contre lui, veut bien nous prendre pour juges
entre lui et nous-mêmes. Car la pénitence, remarque saint Augustin, considérée
dans le pécheur, n'est rien autre chose qu'une justice que le pécheur rend à
Dieu aux dépens de soi-même : comme si Dieu nous avait dit, (et il est vrai,
Chrétiens, qu'il nous l'a dit) : faites-moi justice de vous-mêmes, et
n'attendez
pas que je vienne, dans le jour de ma colère, me la faire
malgré vous. Convaincus, par le témoignage de vos consciences, que vous êtes
coupables devant moi, armez-vous pour moi d'un saint zèle contre vous-mêmes,
condamnez-vous, punissez-vous, exécutez-vous vous-mêmes, afin que je ne vous
juge pas. Car c'est la condition qu'il nous offre; d'où le grand Apôtre
concluait, sans hésiter, que si nous nous jugions nous-mêmes de bonne foi, nous
ne serions jamais jugés de Dieu : Quod si nosmetipsos dijudicaremus, non
utique judicaremur (1) ; telle est, dis-je, durant cette vie, la conduite
de Dieu : il nous laisse juger sa cause, et il veut bien s'en reposer sur nous.
Mais qu'arrive-t-il? ah!
Chrétiens, ce que nous ne pouvons jamais assez déplorer, et ce qui doit être
pour nous un des plus infaillibles présages de la rigueur du jugement de Dieu :
le voici. Cette cause de Dieu, mise entre les mains des hommes, par un effet de
leur infidélité, est tous les jours indignement traitée, faiblement soutenue,
honteusement abandonnée, lâchement trahie. Je m'explique. Combien de crimes, et
même de crimes énormes, tolérés dans le monde par la négligence, par la
connivence, par la fausse prudence, par la corruption et la prévarication de
ceux qui les devaient punir, et que Dieu avait préposés pour les punir? combien
de sacrilèges, combien de scandales, combien de vices abominables, combien de
péchés, et de péchés les plus monstrueux et les plus infâmes, dont on ne voit
nul châtiment, et dont les auteurs, à la honte de la religion, marchent
impunément et tête levée? Combien d'impies, non-seulement épargnés et ménagés,
mais respectés et honorés, mais, dans leur impiété même, loués et applaudis, et
tout cela au mépris de Dieu? Qu'un grand delà terre soit offensé, tout conspire
à le satisfaire : et il n'y a point d'assez prompte justice pour réparer la
moindre injure qu'il prétend avoir reçue. Ne s'agit-il que de l'offense de
Dieu? en mille conjonctures tout est faible, tout est languissant. Quelque
obligation qu'on ait de réprimer le libertinage, quand Dieu s'y trouve seul
intéressé, on dissimule, on temporise, on mollit, on a des égards; et par là le
libertinage, malgré la sainteté des lois, prend le dessus.
Où est aujourd'hui dans le monde
ce zèle de la cause de Dieu, ce zèle dont brûlait David, et dont tout chrétien
doit brûler, s'il ne veut
103
se rendre indigne du nom qu'il porte? où est-il, et où
l'exerce-t-on ? En combien de rencontres ne cède-t-il pas à la politique
mondaine, et n'est-il pas affaibli par le respect humain ? Le dirai-je? dans le
tribunal même de la pénitence, tout sacré qu'il est, la cause de Dieu ne court
pas souvent moins de risque. Quels abus n'y commet-on pas ? avec quelle
facilité n'y absout-on pas quelquefois les plus insignes et les plus endurcis
pécheurs? quelle distinction n'y fait-on pas de leurs personnes, et de quelle
indulgence n'y use-t-on pas pour s'accommoder à leur délicatesse ? Autrefois on
y procédait avec une sévérité de discipline qui honorait Dieu aux dépens du
pécheur : maintenant vous diriez que tout le secret est d'y ménager le pécheur
aux dépens de Dieu. A mesure que l'iniquité s'est accrue, la pénitence s'est
mitigée. En comparaison de ces siècles fervents où elle était dans sa vigueur,
par une malheureuse prescription, elle n'est plus que l'ombre de ce qu'elle a
été ; à peine nous reste-t-il des traces de ces canons si vénérables qui, pour
des péchés aujourd'hui communs, ordonnaient des années entières de
satisfactions, et de satisfactions rigoureuses. Cependant Dieu n'a point
changé, et ses droits immuables et éternels subsistent toujours. Mais
n'imputons point à d'autres qu'à nous-mêmes ces relâchements de la pénitence.
C'est nous-mêmes, Chrétiens, reconnaissons-le avec douleur, c'est nous-mêmes
qui, par la dureté de nos cœurs, forçons en quelque sorte les ministres de
Jésus-Christ à avoir pour nous dans le saint tribunal ces condescendances et
ces ménagements dont nous répondrons encore plus qu'eux, et qui ne peinent
aboutir qu'à notre perdition et à notre ruine ; c'est nous qui, par nos
artifices, trouvons le moyen d'énerver leur zèle et de corrompre même leur
fidélité ; c'est nous qui, malgré eux, les engageons à être souvent les
fauteurs de nos désordres, et par conséquent qui sommes, dans la cause de
Dieu,les premiers prévaricateurs.
Or c'est en cette vue, je le
répète, que David sollicitait Dieu avec un saint empressement de prendre
lui-même sa cause en main, quand il lui disait : Exsurge (1) ;
levez-vous, Seigneur : Judica causam tuam; mettez-vous en devoir de
juger vous-même votre cause, et ne vous en liez plus qu'à vous-même. Jusqu'à
présent vous avez été le Dieu patient et le Dieu fort : Deus fortis et Deus
patiens (2); et comme tel, vous avez souffert avec une tranquillité qui
nous doit surprendre, que vos intérêts dans le monde fussent
trahis par ceux même qui en doivent être les défenseurs et les vengeurs ; il
est temps d'y pourvoir, et d'apporter remède à un abus si déplorable. Memor
esto : souvenez-vous, Seigneur, que vous avez affaire à des rebelles, qui
se prévalent contre vous de vos plus divins attributs, et qui prennent votre
patience pour indolence, et votre force pour faiblesse. Exsurge :
levez-vous, et montrez-leur que, malgré vos lenteurs passées, vous savez enfin
vous rendre une pleine justice. Or, voilà, Chrétiens, ce que Dieu fera dans le
dernier jugement. Qui le dit? Lui-même, par ces paroles de l'Ecriture, aussi
terribles qu'elles sont énergiques : Cum arripuerit judicium manus mea,
reddam ultionem hostibus meis (1) : Quand j'aurai repris ce pouvoir
déjuger, qui m'appartient à titre de souveraineté ; quand je l'aurai ôté aux
hommes qui en abusent ; quand, lassé de le voir entre leurs mains, je me serai
mis seul en possession de l'exercer par moi-même : Cum arripuerit judicium
manus mea; c'est alors, dit Dieu, que je, rentrerai dans mes droits, c'est
alors que ma cause sera victorieuse ; c'est alors que je ferai sentir à mes
ennemis le poids de cette vengeance sans miséricorde que je leur prépare : Reddam
ultionem hostibus meis.
De là vient que ce jour fatal
destiné pour le jugement du monde, dans le langage des prophètes, est appelé
par excellence le jour du Seigneur : Dies Domini (2). Pourquoi ? parce
que c'est le jour où Dieu, oubliant tout autre intérêt, agira hautement et
uniquement pour son intérêt propre. Tous les autres jours auront été, pour
ainsi dire, les jours des hommes, parce que Dieu jusqu'alors aura semblé
n'avoir eu de puissance que pour les hommes, de providence que pour les hommes,
de bonté et de zèle que pour les hommes : mais à ce jour, à ce grand jour, il
commencera à être puissant pour lui-même, bon pour lui-même, zélé pour lui-même
; et c'est pourquoi il déclare que ce sera son jour : Dies Domini.
C'est ici votre heure, disait le
Fils de Dieu, parlant aux Juifs conjurés contre lui, et qu venaient pour
l'arrêter ; c'est ici votre heure, et la puissance des ténèbres : Hœc est
hora vestra, et potestas tenebrarum (3). Ainsi, mondains et mondaines qui
m'écoutez, pourrais-je vous dire aujourd'hui : ce sont ici vos jours, et, si
vous voulez, vos beaux jours, vos heureux jours, ces jours que vous donnez à
vos
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divertissements et à vos plaisirs ; ces jours où, enivrés du
monde, vous ne pensez qu'à en goûter les fausses joies; ces jours où, dans un
profond oubli de tout ce qui regarde le salut, vous n'êtes occupés que des
desseins et des vues de votre ambition; ces jours que vous passez dans les
parties de jeu, dans les intrigues et les commerces, ce sont vos jours ; et,
dans l'erreur où vous êtes que ces jours ne sont faits que pour vous, au lieu
de les remplir de bonnes œuvres et de vos devoirs, vous les employez à des
œuvres de ténèbres et à satisfaire vos désirs : Hœc est hora vestra, et
potestas tenebrarum. Mais attendez le triste jour où tous ces jours se
doivent terminer : comme vous avez votre temps, Dieu aura le sien ; et le temps
de Dieu, c'est celui que Dieu prendra pour vous juger. Cum accepero tempus,
ego justitias judicabo (1) : Lorsque j'aurai pris mon temps, ajoute-t-il,
je jugerai non-seulement les injustices que l'on m'aura faites, mais les
fausses justices qu'on m'aura rendues; non-seulement les crimes commis contre
moi, mais les fausses pénitences dont ils auront été suivis ; non-seulement les
péchés, mais les contritions apparentes et inefficaces, mais les confessions
nulles et infructueuses, mais les satisfactions imparfaites et insuffisantes.
Parce que mon temps sera venu, je jugerai les jugements mêmes, ces jugements
faux et erronés que le pécheur aura faits de lui-même, en se flattant, en s'excusant,
en se justifiant : Cum accepero tempus, ego justitias judicabo.
Aussi, Chrétiens, il n'appartient
qu'à Dieu d'être en dernier ressort et sans appel juge et partie dans sa propre
cause. Les rois de la terre les plus absolus, ou ne prétendent pas avoir tel droit,
ou du moins n'en usent pas. Si pour des intérêts particuliers ils ont avec un
de leurs sujets quelque différend à vider, par une équité digne d'eux, ils
veulent bien se dépouiller de la qualité de juges, et prendre celle de simples
parties, pour s'en rapporter à un jugement libre, désintéressé et hors de
soupçon. Ainsi le pratiquent les princes vraiment religieux; et, pour notre
consolation, nous en avons vu des exemples qui ont mérité nos éloges. Mais les
mêmes raisons qui, dans de pareilles conjonctures, obligent les rois de la
terre à se relâcher de leur souverain pouvoir, obligeront Dieu, au contraire,
quand il jugera les pécheurs, à ne rien rabattre du sien; et ces raisons sont
si solides, qu'il suffit de les bien concevoir pour en être touché et pénétré.
Car Dieu, dit saint Chrysostome,
jugera lui-même sa cause, parce que sa cause ne peut être parfaitement jugée
que par lui. Il la jugera, parce qu'il n'y a que lui capable de connaître à
fond l'injure qui lui est faite par le péché. Il la jugera, parce qu'il faut
être Dieu comme lui pour comprendre jusqu'où va la malice du péché, et quelle
en doit être la peine, la dignité infinie de l'être de Dieu étant l'essentielle
mesure de l'un et de l'autre. Comme Dieu, il se vengera lui-même, parce qu'il
ne peut être pleinement vengé que par lui-même; parce que tout autre que
lui-même ne le vengerait qu'à demi ; parce qu'il n'y a point de tribunal
au-dessus de lui, point de juge aussi éclairé, aussi intègre que lui, dont il
pût attendre cette vengeance complète qui lui est due. Il se vengera, poursuit
saint Chrysostome, parce qu'il ne convient qu'à lui d'être saint, d'être
louable, d'être irrépréhensible dans ses vengeances. Car voilà pourquoi il a
dit : Mihi vindicta (1) : C'est à moi que la vengeance est réservée, à
moi qui sais non-seulement la modérer, mais la sanctifier; et non pas à
l'homme, qui s'en fait un crime lorsqu'il entreprend de l'exercer. En effet,
quand l'homme se venge, il s'emporte, il s'aigrit, il se passionne, il satisfait
sa malignité, il s'abandonne à la férocité, il ne garde dans sa vengeance nulle
proportion ; pour repousser une légère offense qu'il a reçue, il en fait une
atroce dont il s'applaudit. L'ordre veut donc que ce soit par autrui qu'il soit
vengé, parce qu'il est trop aveugle et trop injuste pour se bien venger
lui-même ; mais c'est à Dieu, encore une fois, à se venger lui-même, parce
qu'il est la sainteté même : Mihi vindicta. Sainte vengeance qui
corrigera tous les excès des nôtres. Vengeance adorable, qui n'aura pour objet
que le péché, et qui, formée dans le cœur de Dieu, ne sera pas moins digne de
nos respects que la sainteté même de Dieu. Ce ne sera donc pas, concluait saint
Chrysostome, par une ostentation d'autorité, mais par une absolue nécessité,
que Dieu se lèvera pour juger lui-même sa cause; et c'est tout le mystère de
cette divine parole : Exsurge, Deus, et judica causam tuam (3).
Allons plus avant, et suivons la
pensée du Prophète. Souvenez-vous, Seigneur, ajoute-t-il, des outrages qu'on
vous a faits : Memor esto improperiorum tuorum. Voyons donc maintenant
et en particulier quels sont ces outrages que Dieu, surtout en jugeant le
monde, se
105
souviendra d'avoir reçus de l'impie et de l'insensé, et dont
il tirera une juste vengeance : Eorum quœ ab insipiente sunt tota die.
David nous les a marqués aux psaumes neuvième et treizième, et c'est ici où
j'ai besoin de toute votre réflexion. Pourquoi, demandait ce saint roi, l'impie
a-t-il irrité Dieu? Propter quod irritavit impius Deum (1) ? Parce qu'il
a dit dans son cœur ces trois choses outrageuses à Dieu, dont sa raison n'est
jamais demeurée d'accord, et contre lesquelles sa conscience a toujours
intérieurement réclamé, mais que son impiété n'a pas laissé, malgré toutes les
vues de sa raison, de lui suggérer, jusqu'à y faire consentir sa volonté
dépravée. Ecoutez, et ne perdez rien de ceci.
L'insensé et l'impie a irrité
Dieu, parce qu'il a dit dans son cœur : il n'y a point de Dieu. Dixit insipiens
in corde suo : Non est Deus (2); outrage à la Divinité qu'il n'a pas voulu
reconnaîtra. Il a irrité Dieu, parce qu'il a dit dans son cœur : S'il y a un
Dieu, ou ce Dieu n'a pas vu, ou ce Dieu a oublié le mal que j'ai commis : Dixit
in corde suo : Oblitus est Deus ; avertit faciem suam, ne videat (3);
outrage à la Providence qu'il a combattue, et à qui il a prétendu se
soustraire. Il a irrité Dieu, parce qu'il a dit dans son cœur: Quand ce Dieu
dont on me menace aurait vu mon péché, et qu'il s'en souviendrait, il ne me
recherchera pas, ni ne me damnera pas pour si peu de chose : Dixit in corde
suo : Non requiret. Outrage à la justice vindicative de Dieu, que l'impie a
méprisée, et dont il a tâché de secouer le joug. Que fera Dieu? Apprenez,
Chrétiens, pourquoi le jugement de Dieu est nécessaire, et quelle en doit être
la fin : peut-être ne l'avez-vous jamais compris. Dieu , irrité de ces trois
outrages dont il aura conservé le souvenir, en fera éclater son ressentiment;
car il viendra pour achever de convaincre l'impie 'qu'il y a un Dieu. Il
viendra pour forcer l'impie à reconnaître que ce Dieu n'a rien ignoré, ni rien
oublié des plus secrets désordres de sa vie. Il viendra pour confondre l'impie,
en lui faisant voir que ce Dieu, ennemi irréconciliable du péché, n'est pas
plus capable de souffrir éternellement le pécheur dans l'impunité que de cesser
lui-même d'être Dieu. A quoi pensons-nous, si nous ne méditons pas
continuellement ces importantes vérités?
Dieu, par un pur zèle de la
justice qu'il se doit à lui-même, rétablira dans le cœur de l'impie cette
notion de la Divinité que
l'aveuglement du péché y avait effacée. Car c'est pour cela
qu'après avoir été un Dieu caché dans le mystère de son incarnation , qui est
le mystère de son humilité, il se produira sur ce tribunal redoutable où
l'évangile de ce jour nous le représente avec tout l'éclat de la gloire et de
la majesté. C'est pour cela qu'il paraîtra accompagné de tous ses anges, et
qu'il assemblera devant lui toutes les nations ; que les hommes en sa présence
demeureront pâmés de frayeur, et que les astres par leurs éclipses, que les
éléments par leur désordre même et leur confusion, rendront hommage à sa
suprême puissance. Pourquoi viendra-t-il avec cet appareil et cette pompe? Pour
avoir droit, répond excellemment saint Chrysostome, de dire aux athées, soit de
créance s'il y en a, soit de mœurs (le monde en est plein), ce qu'il leur avait
dit déjà par la bouche de Moïse, et ce qu'il leur dira encore plus authentiquement
: Videte quod ego sim solus, et non sit alius Deus prœter me (1):
Reconnaissez enfin que je suis Dieu, puisque malgré vous tout l'univers combat
aujourd'hui pour moi, et condamne l'extrême folie qui vous en a fait douter.
Reconnaissez que je suis votre Dieu, puisqu'avec toute la fierté de votre
libertinage, vous n'avez pu éviter de tomber entre mes mains, et qu'il faut
malgré vous que vous subissiez la rigueur inflexible de mon jugement.
Reconnaissez que je suis seul Dieu, puisque tous ces grands du monde dont vous
vous êtes fait des divinités, et dont tant de fois vous avez été idolâtres,
sont maintenant anéantis devant moi : Videte quod ego sim solus. Paroles
du Deutéronome qui, dans le jugement dernier, se vérifieront à la lettre, et
qui jamais n'auront été d'une conviction si sensible qu'elles le seront alors.
Car dans cette vie les grands
(c'est Dieu même qui le dit) sont comme les dieux de la terre : Ego dixi : Dii
estis (2); et ce sont, dit saint Chrysostome, ces dieux de la terre qui empêchent
tous les jours que le Dieu du ciel ne soit connu pour ce qu'il est. A force
d'être ébloui de leur grandeur, on oublie celui dont ils ne sont que les images
; à force de s'attacher à eux, et de n'être occupé que d'eux on ne pense plus à
celui qui règne sur eux. Mais dans le dernier jugement, ces dieux de la terre
humiliés serviront encore à l'impie d'une démonstration palpable qu'il y a un
Dieu au-dessus de ces prétendus dieux : Excelsus super omnes deos (3),
c'est-à-dire un Dieu absolument
106
Dieu, uniquement Dieu, éternellement Dieu : In illa die
exaltabitur solus Deus (1) : en ce jour-là, dit Isaïe, Dieu seul sera grand
et paraîtra grand. Tout ce qui n'est pas Dieu sera petit, sera bas et rampant,
sera comme un atome, comme un néant devant son souverain être : Tanquam
nihilum ante te (2); c'est-à-dire en ce jour-là toutes les grandeurs
humaines seront abaissées, toutes les fortunes détruites, tous les trônes
renversés, tous les titres effacés, tous les rangs confondus : Dieu seul
s'élèvera, Dieu seul régnera : Exaltabitur solus Deus. Ce n'est pas
assez.
Parce que l'impie aura dit dans
son cœur : Ou Dieu n'a pas su, ou il a oublié le mal que j'ai fait; Dieu, pour
la justification de sa providence, montrera qu'il a tout su, et qu'il se
souvient de tout. Car c'est pour cela que dans ce jour de lumière il découvrira
tout ce que l'impie se flattait d'avoir caché dans les ténèbres. C'est pour
cela qu'à la face de toutes les nations, il révélera toute la turpitude du
pécheur et toute son ignominie : ces péchés honteux et humiliants : ces péchés
dont l'impie lui-même, au moment qu'il les a commis, était obligé de rougir ;
ces péchés dont il eût été au désespoir d'être seulement soupçonné ; ces péchés
qu'il n'eût osé avouer au plus discret et au plus sûr de ses amis ; ces péchés
qui l'auraient perdu dans le monde de réputation et d'honneur, et dont il
sentait bien que le reproche lui eût été moins supportable que la mort même,
Dieu les fera connaître : Revelabo pudenda tua in facie tua, et ostendam gentibus
nuditatem tuam (3). Non, non, lui dira-t-il, je n'ai point détourné mon
visage de tes crimes. Quelque horreur qu'ils me fissent, je les ai vus ; et,
pour ne les point oublier, je les ai écrits, mais avec des caractères qui ne
s'effaceront jamais, dans ce livre de vie et de mort que je produis
aujourd'hui. Tant d'actions lâches et infâmes, tant de friponneries secrètes,
tant de noires perfidies, tant d'abominations et de désordres dont ta vie a été
souillée, tout cela n'est-il pas mis en réserve, et comme scellé dans les
trésors de ma colère? Nonne hœc condita sunt apud me et signala in thesauris
meis (4)? Or ce sont ces trésors de colère que Dieu ouvrira quand il
viendra juger le monde ; et c'est ainsi qu'il se vengera de l'injure que lui
aura faite le pécheur, en le croyant ou plutôt en voulant le croire un Dieu
aveugle, un Dieu sans providence,
un Dieu semblable à ces idoles qui ont des yeux, mais pour
ne point voir.
Enfin , parce que l'insensé aura
dit dans son cœur : Quelque connaissance que Dieu puisse avoir de mes crimes,
il ne me recherchera pas, ni ne me réprouvera pas pour si peu de chose; Dieu ,
Chrétiens, se fera un devoir particulier de mettre sa justice et sa sainteté à
couvert de ce blasphème; et comment? par l'application qu'il aura à condamner
les crimes de l'impie dans la plus étroite rigueur, à ne lui en passer, à ne
lui en pardonner aucun, à les punir sans rémission et autant qu'ils sont
punissables; en un mot, à lui faire sentir tout le poids de ce jugement sans
miséricorde dont la seule idée fait frémir, mais qui demanderait, un discours
entier pour vous le faire concevoir dans toute son étendue et dans toute sa
sévérité. Jugement sans miséricorde que Dieu alors exercera, mais surtout qu'il
exercera à l'égard de ces péchés où le mondain et le libertin, pour pécher plus
impunément, aura eu l'insolence de se faire à son gré un système de religion,
en se figurant un Dieu selon ses désirs, un Dieu condescendant à ses
faiblesses, un Dieu indulgent et commode, dont il comptait de n'être jamais
recherché : Dixit enim in corde suo : Non requiret. Car c'est
particulièrement contre ces pécheurs et contre l'attentat de leur orgueil que
Dieu armera tout le zèle de sa colère. Pourquoi? parce qu'il s'agira de
justifier le plus adorable de ses attributs, qui est sa sainteté: Quoniam
veritatem requiret Dominus, et retribuet abundanter facientibus superbiam (1).
Voilà, pécheurs qui m'écoutez ,
ce qu'il y a pour vous de plus terrible dans le jugement de Dieu : un Dieu
offensé qui se satisfera, un Dieu méprisé qui se vengera. Voilà ce qui a saisi
d'effroi les plus justes même. Mais du reste, rassurez-vous, et, tout pécheurs
que vous êtes, consolez-vous, puisque, dans quelque état que vous soyez, vous
avez encore une ressource, et une ressource infaillible, qui est la pénitence.
Aimable pénitence, disait saint Bernard , en vertu de laquelle je puis prévenir
le jugement de Dieu ! Et moi je dis, Chrétiens: Heureuse pénitence ! par où je
puis venger Dieu, apaiser Dieu , satisfaire à Dieu : en sorte que, quand il
viendra pour me juger, il se trouve déjà satisfait et vengé par moi, et qu'il
ne soit plus obligé à se venger et à se satisfaire par lui-même. Il est vrai,
mes chers auditeurs, il faut pour cela que notre pénitence ait tous les
caractères d'une pénitence solide, qu'elle
107
soit exacte, qu'elle soit fervente, qu'elle soit efficace,
qu'elle soit sévère et proportionnée à la grièveté de nos péchés aussi bien
qu'à leur multitude , parce que sans cela Dieu ne serait ni satisfait ni vengé.
Mais peut-il nous en trop coûter, quand il s'agit de nous préserver du jugement
de Dieu ; et pouvons-nous jamais nous plaindre qu'on exige trop de nous, quand
il est question de nous réconcilier avec Dieu irrité contre nous? Il est vrai
que ce Dieu de gloire nous jugera selon le jugement que nous aurons fait de
nous-mêmes dans la pénitence, et que, si nous nous sommes épargnés, il ne nous
épargnera pas. Sibi parcenti, ipse non partit , dit saint Augustin :
mais aussi, par une règle toute contraire, s'ensuit-il de là que si je ne
m'épargne pas, Dieu m'épargnera ; que si je ne me pardonne pas, il me
pardonnera ; que si ma pénitence est rigoureuse, son jugement me sera favorable
; enfin , que si je me fais justice, il me fera grâce? Or, que puis-je désirer
de plus avantageux pour moi? Ah! Seigneur, je serais indigne de vos
miséricordes si cette condition me semblait dure, ou plutôt si je n'envisageais
pas la pénitence la plus sévère comme le souverain bonheur de ma vie ; et je
serais non-seulement le plus injuste, mais le plus insensé des hommes, si je
prétendais, par une pénitence lâche et molle, me garantir de votre redoutable
jugement.
C'est ainsi, pécheurs, que vous
devez raisonner ; et quand parmi vous il y aurait de ces esprits gâtés et
corrompus dont l'impiété serait allée jusqu'à ne plus connaître Dieu, je ne
pourrais pas m'empêcher de leur dire encore : Ecoutez, mes Frères, vous dont le
salut me doit être plus cher que ma vie, et pour la conversion de qui je me
sens, si je l'ose dire, un zèle tout divin ; vous pour qui, s'il m'était
permis, je voudrais, à l'exemple de l'Apôtre, être moi-même anathème, écoutez
aujourd'hui la voix de Dieu, et n'endurcissez pas vos cœurs. Ce Dieu que vous
avez méconnu, a encore pour vous des grâces de réserve. Comme son bras n'est
pas raccourci, il est encore prêt à se laisser fléchir par votre pénitence et
par vos larmes. La longue patience avec laquelle il vous a supportés jusqu'à
présent vous en doit être une preuve consolante, et comme un gage assuré. Tout
juge qu'il est, malgré vos égarements , il ;i encore pour vous toutes les
tendresses d'un père, et du père le plus charitable. C'est dans des pécheurs et
des libertins comme vous qu'il se plaît à faire éclater les richesses de sa
miséricorde : quelque scandaleuse qu'ait été votre vie, vous pouvez être (et
qui sait si les plus impies d'entre vous ne sont point ceux qu'il a choisis pour
cela?), vous pouvez, dis-je, devenir des vases d'élection. Rapprochez-vous de
lui, et, par une humble confession de l'affreux aveuglement où vous a conduits
le péché, mettez-vous en état, quoique pécheurs, de trouver grâce devant lui.
Votre conversion fera sa gloire et l'édification de son Eglise. C'est donc de
votre part, mon Dieu, que je parle, et je ne crains pas de pousser trop loin
les idées que je leur donne de votre divine clémence, puisqu'elle surpasse
encore infiniment toute la charité que j'ai pour eux. Dieu, dans le jugement
dernier, se fera justice à lui-même : vous l'avez vu, Chrétiens ; et il me
reste à vous faire voir quelle justice il rendra à ses élus : c'est la seconde
partie.
DEUXIÈME PARTIE.
Je l'ai dit, c'est une vérité
incontestable, et qui nous est expressément marquée dans l'Ecriture, que Dieu a
fait toutes choses pour ses élus, que pour eux il a créé le monde, que pour eux
il le conserve, que sans eux il Je détruirait, que tous les desseins de sa
providence roulent sur eux, et que, dans l'ordre de la nature, de la grâce et
de la gloire, tout aboutit et se réduit à eux : Propter electos. Il faut
néanmoins reconnaître que cette parole, si avantageuse aux élus de Dieu, ne
doit proprement s'accomplir que dans le jugement dernier. En effet, dit saint
Chrysostome, s'il n'y avait point d'autre vie que celle-ci, et si jamais Dieu
ne devait juger le monde, il serait difficile de comprendre en quoi ses élus
auraient été si favorisés et si privilégiés; et, bien loin de convenir que Dieu
eût tout fait pour eux, on aurait souvent lieu de croire que ce serait plutôt
pour eux qu'il paraîtrait n'avoir rien fait, ou du moins avoir très-peu fait.
Car enfin, pendant cette vie, les élus, quoique élus de Dieu, ne font dans le
monde nulle figure qui les distingue , ni qui marque pour leurs personnes ces
égards si particuliers de la Providence. Au contraire, par une conduite de Dieu
bien surprenante, et que David confesse avoir été pour lui un sujet de
tentation et de trouble pendant cette vie, les élus de Dieu, qui sont les
Justes, bien loin d'être connus pour tels par la malignité du monde, sont
souvent décriés et confondus avec les hypocrites; pendant cette vie, les élus
de Dieu, qui sont les humbles, bien loin d'être honorés et respectés, sont souvent
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méprisés et insultés; pendant cette vie, les élus de Dieu,
qui sont les pauvres, bien loin d'être soulagés, sont souvent rebutés et
abandonnés; pendant cette vie, les élus de Dieu, qui sont communément les
faibles, bien loin d'être protégés, sont souvent accablés et opprimés. Or tout
cela est bien éloigné de cette favorable prédilection que Dieu, selon sa
promesse, doit avoir pour eux. Il est vrai, répond saint Chrysostome ; mais
c'est justement ce qui prouve la vérité, l'infaillibilité, l'absolue et
indispensable nécessité du jugement de Dieu : car, pourquoi le Fils de Dieu, en
qualité de souverain Juge, viendra-t-il à la fin des siècles? pour faire
justice à ses élus sur ces quatre chefs. Oui, il viendra pour venger les
Justes, je dis les vrais Justes, en les séparant des hypocrites, et faisant
pour jamais cesser le règne de l'hypocrisie ; il viendra pour venger les
humbles, en glorifiant dans leurs personnes l'humilité, et en confondant les
superbes qui n'auront eu pour elle que du mépris; il viendra pour venger les
pauvres qui, par la dureté des riches, auront langui dans la misère, mais aux
gémissements de qui il montrera bien qu'il n'a pas été insensible; il viendra
pour venger les faibles de tout ce que l'iniquité, la violence, l'abus de l'autorité,
leur aura fait indignement souffrir. Car ce sont là, mes chers auditeurs, par
rapport aux prédestinés, les fins principales pour quoi l'Ecriture nous fait
entendre que le Dieu vengeur paraîtra. Appliquez-vous donc, et, pour l'intérêt
que chacun de vous y doit prendre, redoublez votre attention.
Il viendra pour juger les Justes,
j'entends toujours les Justes de bonne foi, en les séparant des hypocrites;
comme le berger, dit-il lui-même dans l'Evangile, sépare les brebis d'avec les
boucs : première justice que Dieu rendra à ses élus; car, encore une fois,
durant cette vie, tout est mêlé et confondu, la vertu avec le vice, l'innocence
avec le crime, la vérité avec l'imposture, la religion avec l'hypocrisie; et
dans ce mélange le juste souffre, et l'impie triomphe.
Quand, au reste, je parle de
l'hypocrisie, ne pensez pas que je la borne à cette espèce particulière qui
consiste dans l'abus de la piété, et qui fait les faux dévots. Je la prends
dans un sens plus étendu, et d'autant plus utile à votre instruction, que
peut-être malgré vous-mêmes serez-vous obligés de convenir que c'est un vice
qui ne vous est que trop commun ; car j'appelle hypocrite quiconque, sous de
spécieuses apparences , a le secret de cacher les désordres d'une vie
criminelle. Or, en ce sens, on ne peut douter que l'hypocrisie ne soit répandue
dans toutes les conditions, et que , parmi les mondains , il ne se trouve
encore bien plus d'imposteurs et d'hypocrites que parmi ceux que nous nommons
dévots. En effet, combien dans le monde de scélérats travestis en gens
d'honneur ! combien d'hommes corrompus et pleins d'iniquité, qui se produisent
avec tout le faste et toute l'ostentation de la probité! combien de fourbes
insolents à vanter leur sincérité ! combien de traîtres habiles à sauver les dehors
de la fidélité et de l'amitié! combien de sensuels, esclaves des passions les
plus infâmes, en possession d'affecter la pureté des mœurs, et de la pousser
jusqu'à la sévérité ! combien de femmes libertines, fières sur le chapitre de
leur réputation, et quoique engagées dans un commerce honteux , ayant le talent
de s'attirer toute l'estime d'une exacte et parfaite régularité ! Au contraire,
combien de Justes, faussement accusés et condamnés ! combien de serviteurs de
Dieu , par la malignité du siècle, décriés et calomniés ! combien de dévots de
bonne foi, traités d'hypocrites, d'intrigants et d'intéressés ! combien de
vraies vertus contestées ! combien de bonnes œuvres censurées! combien
d'intentions droites mal expliquées, et combien de saintes actions
empoisonnées! Or c'est là, dit saint Chrysostome, ce que le jugement de Dieu
dévoilera ; en sorte que chacun sera connu pour ce qu'il est, que chacun
paraîtra ce qu'il a été, que chacun tiendra le rang qu'il doit tenir; les
secrets des consciences seront révélés, et alors, dit l'Apôtre, chacun recevra
la louange qui lui sera due : Et tunc laus erit unicuique a Deo (1). Par
cette fatale et décisive séparation du bon grain d'avec l'ivraie (écoutez
l'oracle de Job, qui s'accomplira à la lettre, et qui sera une partie de la
justice que Dieu rendra à ses élus), par cette fatale et décisive séparation,
la joie de l'hypocrite finira, son espérance périra. Funeste, mais juste menace
que lui fait le Saint-Esprit : Et gaudium hypocritœ ad instar puncti : et
spes hypocritœ peribit (2).
Car la joie de l'hypocrite était
d'en imposer, et cependant d'être honoré et respecté. Sa joie était d'avoir
dans le monde un certain crédit qui ne lui coûtait qu'à bien faire son
personnage, et qu'à bien jouer la comédie. Sa joie était d'être parvenu à force
de dissimulation, à recevoir l'hommage et le tribut des plus pures
109
vertus, et à jouir sans mérite de tous les avantages du vrai mérite. Voilà ce que
Job appelait les prospérités, les joies , le règne de l'hypocrisie ; mais dans le
dernier jugement, ce règne de l'hypocrisie sera détruit, ces prospérités de
l'hypocrisie s'évanouiront, ces joies de l'hypocrisie se changeront en des
afflictions mortelles : elles n'étaient fondées que sur l'erreur des âmes simples , séduites et éblouies par un
faux éclat ; mais cette séduction des âmes simples, trompées jusqu'alors, mais
enfin désabusées par la lumière de Dieu , après avoir été à l'hypocrite une
frivole consolation , se tournera pour lui, disons mieux, contre lui, en
opprobre et en confusion : l'espérance de l'hypocrite était qu'on ne le
connaîtrait jamais à fond, et qu'éternellement le monde serait la dupe de sa damnable
politique; et son désespoir, au contraire, sera de ne pouvoir plus se déguiser,
de n'avoir plus de ténèbres où se cacher, de voir malgré lui le voile de son
hypocrisie levé, ses artifices découverts, et d'être exposé aux yeux de toutes
les nations : Spes hypocritœ peribit. Les autres pécheurs, connus dans
le monde pour ce qu'ils étaient, en cela même qu'ils auront été connus, auront
déjà été à demi jugés, et déjà, par avance, auront essuyé une partie de
l'humiliation que leur doit causer le jugement de Dieu : mais l'hypocrite, à
qui il faudra quitter le masque de cette fausse gloire dont il s'était toujours
paré ; mais cette femme qui aura passé pour vertueuse, et dont les commerces
viendront à être publiés ; mais ce magistrat que l'on aura cru un exemple
d'intégrité, et dont les injustices seront mises dans un plein jour; mais cet
ecclésiastique réputé saint, à qui Dieu reprochera hautement sa vie dissolue ;
mais ce prétendu homme d'honneur dont on verra toutes les fourberies ; mais cet
ami sur qui l'on comptait, dont les lâches trahisons seront éclaircies et
vérifiées ; mais quiconque aura su l'art de tromper, et qui alors se trouvera
dans la nécessité affreuse de faire une réparation solennelle à la vérité, ah !
Chrétiens, c'est pour ceux-là que le jugement de Dieu aura quelque chose de
bien désolant!
La chose n'est que trop vraie ;
mais, par une raison tout opposée, c'est ce qui rendra le jugement de Dieu
non-seulement supportable, mais favorable, mais honorable , mais désirable aux
Justes et aux prédestinés : car leur gloire, dit saint Chrysostome, sera de
paraître à découvert devant toutes les créatures intelligentes; leur gloire, et
même le comble de leurs désirs, sera que l'on discerne enfin, et la droiture de
leurs actions, et la pureté de leurs intentions ; leur gloire sera qu'on les
connaisse, parce que leur disgrâce jusque-là aura été de n'être pas assez
connus : et voilà, âmes fidèles, qui, malgré la corruption du siècle , servez
votre Dieu en esprit et en vérité, voilà ce qui doit, dans la vie, vous
affermir et vous consoler. A ce terrible moment où le livre des consciences
sera ouvert, votre espérance, ranimée par la vue du souverain Juge, et sur le
point d'être remplie, vous soutiendra, et vous dédommagera bien des injustes
persécutions du monde ; tandis que l'impie, confondu, troublé, consterné,
marchera la tête baissée et sans oser lever les yeux, vous paraîtrez avec une
sainte assurance : pourquoi? parce que le jour de votre justification sera
venu. Maintenant l'envie, la calomnie lancent contre vous leurs traits
envenimés; mais enfin l'envie sera forcée à se faire, ou, si elle parle, ce ne
sera plus qu'en votre faveur ; la calomnie sera convaincue de mensonge, et la
vérité se montrera dans tout son lustre. Cependant, jouissez du témoignage
secret de votre cœur, que vous devez préférer à tous les éloges du monde ; dites
avec saint Paul : Peu m'importe quel jugement les hommes font présentement de
moi, puisque c'est mon Dieu qui doit un jour me juger : Qui autem judicat me
Dominus est (1) ; ou bien dites avec Jérémie : C'est vous, Seigneur, qui
sondez les âmes, et qui en découvrez les plis et les replis les plus cachés ;
c'est à vous que j'ai remis ma cause, vous la jugerez : Tibi enim revelavi
causam meam (2). Avançons.
Il viendra pour glorifier
l'humilité dans la personne des humbles, seconde justice que Dieu rendra à ses
élus. Cette humilité, cette simplicité du Juste, cette patience à souffrir les
injures sans se venger, que les mondains auront traitée de faiblesse d'esprit,
de petitesse de génie, de bassesse de cœur, Dieu viendra pour la couronner, et
pour convaincre tout l'univers qu'elle aura été la véritable force, la
véritable grandeur d'âme, la véritable sagesse. Car c'est alors, dit
l'Ecriture, dans cet admirable passage que vous avez entendu cent fois, et dont
vous avez été cent fois touchés, c'est alors que les humbles de cœur
s'élèveront avec confiance contre ceux qui les auront méprisés et insultés : Tunc
stabunt Justi in magna constantia (3). C'est alors que les sages du siècle,
que ces esprits forts seront non-seulement surpris, mais déconcertés, en voyant
ces hommes, qu'ils n'avaient jamais regardés que comme le
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rebut du monde, placés sur des trônes de gloire. C'est alors
qu'interdits et hors d'eux-mêmes, ils s'écrieront en gémissant : Ce sont là ceux
dont nous nous sommes autrefois moqués, et qui ont été le sujet de nos
railleries : Hi sunt quos habuimus aliquando in deritum (1). Insensés
que nous étions ! leur vie nous paraissait une folie, et toute leur conduite
nous faisait pitié : Nos insensati vitam illorum œstimabamus insaniam (2)
; cependant les voilà élevés au rang des enfants de Dieu, et leur partage est
avec les Saints : Ecce quomodo computati sunt inter filios Dei, et inter
sanctos sors illorum est (3). C'est, dis-je, alors que l'orgueil du monde
rendra ce témoignage, quoique forcé, à l'humilité des élus de Dieu ; et c'est
là même qu'on verra sensiblement l'effet de cette promesse de Jésus-Christ, que
quiconque s'humilie sera glorifié : Omnis qui se humiliat exaltabitur (4).
Car pendant la vie il n'est pas
toujours vrai, et même il est rarement vrai que celui qui s'abaisse et qui
s'humilie soit élevé. On en voit dont l'humilité, quoique véritable et quoique
solide, est accompagnée jusqu'au bout de l'humiliation. On en voit qui, pour
chercher Dieu, et par un esprit de religion, s'étant ensevelis et comme
anéantis devant les hommes, meurent dans leur obscurité et dans leur
anéantissement. Combien d'âmes saintes dont la vie est cachée avec
Jésus-Christ, et à qui le monde n'a jamais tenu nul compte du courage héroïque
qu'ils ont eu de se séparer et de se détacher de lui? Or c'est pour cela ,
reprend saint Chrysostome, qu'il doit y avoir et qu'il y aura un jugement à la
fin des siècles.
Parce que le monde ne rend pas
justice à ces chrétiens parfaits qui s'humilient et s'anéantissent pour Dieu,
Dieu, qui se pique d'être fidèle, la leur rendra au centuple. Parce qu'il y a
des saints sur la terre dont l'humilité, quoique sincère, n'est ni connue du
monde, ni honorée au point qu'elle le devrait être si le monde était équitable,
Dieu suppléera au défaut du monde, et la relèvera ; mais aux dépens de qui ?
toujours aux dépens et à la honte du mondain, dont la fausse gloire, dont la
vanité ridicule, dont la présomptueuse ambition, condamnée et réprouvée, rendra
hommage à la sainteté des maximes que le sage et humble chrétien aura suivies ,
puisqu'on même temps que l'humble sera exalté, Qui se humiliat exaltabitur
(5), l'orgueilleux sera
humilié et couvert d'un éternel opprobre : Et qui se
exaltat humiliabitur. Ce n'est pas assez.
Il viendra pour béatifier les
pauvres : autre mystère du jugement de Dieu, autre justice qu'il rendra à ses
prédestinés. Car il est de la foi que le pauvre ne sera pas éternellement dans
l'oubli : Quoniam non in finem oblivio erit pauperis (1). Il est de la
foi que la patience des pauvres ne périra pas pour jamais, c'est-à-dire qu'elle
ne sera pas pour jamais inutile et sans fruit : Patientia pauperum non
peribit in finem (2). Et il est néanmoins évident que ces deux oracles du
Saint-Esprit ne se vérifient pas toujours ni même communément dans cette vie.
Car combien de pauvres y sont oubliés! combien y demeurent sans secours et sans
assistance I Oubli d'autant plus déplorable que, de la part des riches, il est
volontaire, et par conséquent criminel : je m'explique. Combien de malheureux
réduits aux dernières rigueurs de la pauvreté,
et que l'on ne soulage pas, parce qu'on ne les connaît pas et qu'on ne
les veut pas connaître ! Si l'on savait l'extrémité de leurs besoins, on aurait
pour eux, malgré soi, sinon de la charité, au moins de l'humanité. A la vue de
leurs misères, on rougirait de ses excès, on aurait honte de ses délicatesses,
on se reprocherait ses folles dépenses, et l'on s'en ferait avec raison des
crimes devant Dieu. Mais parce qu'on ignore ce que souffrent ces membres de
Jésus-Christ, parce qu'on ne veut pas s'en instruire, parce qu'on craint d'en
entendre parler, parce qu'on les éloigne de sa présence, on croit en être
quitte en les oubliant; et quelque extrêmes que soient leurs maux, on y devient
insensible. Combien de véritables pauvres que l'on rebute comme s'ils ne
l'étaient pas, sans qu'on se donne et qu'on veuille se donner la peine de
discerner s'ils le sont en effet ! combien de saints pauvres dont les
gémissements sont trop faibles pour venir jusqu'à nous, et dont on ne veut pas
s'approcher pour se mettre en devoir de les écouter ! combien de pauvres abandonnés dans les provinces!
combien de désolés dans les prisons! combien de languissants dans les hôpitaux,
combien de honteux dans les familles particulières! Parmi ceux qu'on connaît
pour pauvres, et dont on ne peut ni ignorer, ni même oublier le douloureux
état, combien sont négliges ! combien sont durement traités! combien de serviteurs de Dieu qui manquent de
tout, pendant que l'impie est dans l'abondance, dans le
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luxe, dans les délices 1 S'il n'y avait point de jugement
dernier, voilà ce que l'on pourrait appeler le scandale de la Providence : la
patience des pauvres outragée par la dureté et par l'insensibilité des riches.
Mais c'est pour cela même, dit saint Chrysostome, que la Providence prépare aux
riches un jugement sévère et rigoureux ; et c'est ce que comprenait
parfaitement David, quand il disait : Cognovi quia faciet Dominus jadicium
inopis, et vindictam pauperum (1) : J'ai connu que Dieu jugera la cause des
pauvres, et qu'il les vengera. Et par où l'avait-il connu ? par cet invincible
raisonnement, que la patience des pauvres, dans le sens que je l'ai marquée, ne
devant et ne pouvant périr pour jamais, il fallait qu'il y eût un jugement
supérieur à celui des hommes, où l'on connût qu'en effet elle ne périt point,
c'est-à-dire que Dieu a pour elle tous les égards qu'elle a droit d'attendre
d'un maître souverainement équitable : Patientia pauperum non peribit in
finem (2) ; un jugement où non-seulement les pauvres fussent dédommagés de
cette inégalité de biens qui les a réduits dans l'indigence et la disette, mais
où leur patience poussée à bout fût pleinement vengée des injustes traitements
qu'elle aurait soufferts. C'est pour cela, dit Dieu lui-même, que je me lèverai
: c'est parce que les souffrances des pauvres, à qui le riche impitoyable aura
fermé son cœur et ses entrailles, auront excité mon courroux, parce que leurs
crimes m'auront touché; parce que j'aurai été indigné de voir qu'on s'endurcit
à leurs plaintes : Propter miseriam inopum, et gemitum pauperum, nunc
exurgam, dicit Dominus (3). Ces cris des pauvres, qui sont montés jusqu'à
moi, me solliciteront eu leur faveur; et je ne croirai point m'être acquitté de
ce que je leur dois et comme créateur et comme juge, que dans ce grand jour où
je prononcerai pour eux un arrêt de salut, tandis que je réprouverai, par un
jugement sans miséricorde, ceux qui n'auront usé envers eux de nulle
miséricorde. A entendre ainsi Dieu parler dans l'Ecriture, ne dirait-on pas que
le jugement dernier, quoique universel, ne doive être que pour les pauvres, et
qu'il n'ait pour terme et pour fin que de leur faire justice? Propter
miseriam inopum et gemitum pauperum ; à voir comment le Fils de Dieu qui
doit y présider s'y comportera et y procédera, ne dirait-on pas que tout le jugement
du monde doit rouler sur le soin des pauvres ; que de là doive dépendre
absolument et essentiellement
le sort éternel des hommes, c'est-à-dire que les uns ne
doivent être condamnés que parce qu'ils auront méprisé le pauvre, et les autres
comblés de gloire, que parce qu'ils l'auront secouru? Heureux donc, concluait
le Prophète royal, heureux celui qui pense attentivement au pauvre : Beatus qui
intelligit super egenum et pauperem (1) : pourquoi ? parce que Dieu, au
jour de sa colère, l'épargnera et le sauvera : In die mala liberabit eum
Dominus (2).
Finissons, et disons encore que
Dieu viendra pour venger les faibles que le pouvoir, joint à la violence, aura
opprimés : quatrième et dernière justice dont il se tiendra redevable à ses élus.
Car maintenant c'est le crédit qui l'emporte, et qui a presque partout gain de
cause : le plus fort a toujours raison, quoi qu'il entreprenne, et parce qu'il
est le plus fort, il croit avoir un titre pour l'entreprendre, et il en vient à
bout. Combien de persécutions, de vexations causées par l'abus de l'autorité !
combien de misérables, combien de veuves, faute d'appui, sacrifiés comme des
victimes à la faveur ! combien de pupilles dont l'héritage devient, après bien
des formalités, la proie du chicaneur et de l'usurpateur ! combien de familles
ruinées parce que le bon droit, attaqué par une partie redoutable, n'a point
trouvé de protection ! combien de procès mal fondés, néanmoins hautement
gagnés, parce que les sollicitations, la cabale et les brigues ont prévalu !
Malgré la justice et les lois, le faible succombe presque toujours. S'il y a
des juges sans probité, c'est toujours contre lui et jamais pour lui qu'ils se
laissent corrompre. Du moment qu'il est le plus faible, par une malheureuse
fatalité, tout lui est contraire et rien ne lui est favorable. Mais , Seigneur,
il trouvera enfin auprès de vous ce qui lui aura été refusé à tous les
tribunaux de la terre ; vous viendrez plein d'équité et de zèle, et vous
prendrez la défense de l'orphelin, afin que le puissant, que le grand qui avait
tant abusé de sa grandeur, cesse de se glorifier : Judicare pupillo et humili,
ut non apponat ultra magnificare se homo super terram (3). Jusque-là il
aura toujours eu le dessus; jusque-là fier de ses succès, parce que rien ne lui
résistait, il aura passé, non-seulement pour le plus fort, mais pour le plus
habile, pour le mieux établi clans ses droits, pour le plus digne d'être
distingué et honoré; jusque-là il se sera fait une fausse gloire et un prétendu
mérite de ses violences mêmes : mais vous le détromperez bien alors,
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Seigneur, et vous lui ferez bien rabattre de ses vaines
idées : Ut non apportat ultra magnificare se. Comment cela? c'est que
vous tirerez le faible de l'oppression , et qu'il trouvera en vous, ô mon Dieu,
un vengeur et un protecteur.
Il est donc vrai que le jugement
de Dieu sera pour ses élus le jour de leur rédemption, le jour de leur gloire,
le jour où Dieu leur fera justice. Ah! Chrétiens, à quoi pensons-nous, si,
persuadés d'une vérité si touchante, nous ne travaillons pas de toutes nos
forces à être du nombre de ces heureux prédestinés? que faisons-nous, si,
renonçant aux fausses maximes du monde, nous ne nous mettons pas en état d'être
de ces élus de Dieu qui paraîtront avec tant de confiance devant le tribunal de
Jésus-Christ ? Or, en voici, mes chers auditeurs, l'important secret, que je
vous laisse pour fruit de tout ce discours. Commencez dès maintenant à
accomplir dans vos personnes ce que Dieu, dans le jugement dernier, fera en
faveur de ses élus ; il les séparera d'avec les hypocrites et les impies :
séparez-vous-en par la pratique d'une solide et d'une véritable piété ; il
glorifiera les humbles : humiliez-vous, dit saint Pierre, et soumettez-vous à
Dieu, afin que Dieu vous élève au jour de sa visite, c'est-à-dire dans son
jugement : Humiliamini, ut vos Deus exaltet in tempore visitationis (1)
; il béatifiera les pauvres : assistez-les, soulagez-les, faites-vous-en des
amis auprès de votre juge, afin que quand il viendra vous juger ils soient vos
intercesseurs, et qu'ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels ; il
vengera les faibles opprimés : protégez-les, et, selon la mesure de votre
pouvoir, soyez leurs patrons ; servez, à l'exemple de Dieu, de tuteurs au
pupille et à la veuve.
Et vous, justes, humbles,
pauvres, faibles, les bien-aimés de Dieu, soutenez-vous dans votre justice,
dans votre obscurité, dans voire pauvreté, dans votre faiblesse, par l'attente
de ce grand jour, qui sera tout à la fois le jour du Seigneur et le vôtre. Non
pas que vous ne deviez craindre le jugement de Dieu, il est à craindre pour
tous; mais en le craignant, craignez-le de sorte que vous puissiez au même
temps le désirer, l'aimer, l'espérer : car, pourquoi ne l'aimeriez-vous pas,
puisqu'il doit vous délivrer de toutes les misères de cette vie? pourquoi ne le
désireriez-vous pas, puisqu'il doit vous racheter de la servitude du siècle?
pourquoi ne l'espéreriez-vous pas, puisqu'il doit commencer votre bonheur
éternel? Craignez le jugement de Dieu, mais craignez-le d'une crainte mêlée
d'amour et accompagnée de confiance; craignez-le comme vous craignez Dieu. Il
ne vous est point permis de craindre Dieu sans l'aimer; il faut qu'en le
craignant vous l'aimiez, et que vous l'aimiez encore plus que vous ne le
craignez ; sans cela votre crainte n'est qu'une crainte servile, qui ne suffit
pas même pour le salut. Or, il en est de même du jugement de Dieu :
craignons-le tous, mes chers auditeurs, ce terrible jugement, mais craignons-le
d'une crainte efficace, d'une crainte qui nous convertisse, qui corrige nos
désordres, qui redouble notre vigilance, qui rallume notre ferveur, qui nous
porte à la pratique de toutes les œuvres chrétiennes, tellement que nous
méritions d'être placés à la droite, et d'entendre de la bouche de notre juge
ces consolantes paroles: Venite, benedicti Patris mei (1) : Venez, vous
qui êtes bénis de mon Père ; possédez le royaume qui vous est préparé dès la
création du monde : je vous le souhaite, etc.