SAINTE MADELEINE

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SERMON POUR LA FÊTE DE SAINTE MADELEINE.

ANALYSE

 

Sujet. En même temps une femme de lu ville, qui était de mauvaise vie, ayant su que Jésus-Christ mangeait citez un pharisien, y apporta un vase d'albâtre plein d'une huile de parfum ; et s'étant prosternée à ses pieds, elle commença à les arroser de ses larmes, et elle les essuya avec ses cheveux.

 

Cette femme, c'est Madeleine, qui nous donne ici le modèle d'une parfaite pénitente.

 

Division. Pénitence de Madeleine, pénitence prompte pour surmonter tous ces retardements si ordinaires aux pécheurs : première partie. Pénitence généreuse, pour triompher de tous les obstacles, et en particulier de ces respects humains qui arrêtent tant de pécheurs : deuxième partie. Pénitence efficace, pour sacrifier à Dieu tout ce qui avait été la matière et le sujet de son péché : troisième partie.

Première partie. Pénitence prompte. Dès qu'elle connut, elle ne délibéra point. Elle marcha, elle exécuta. Se convertir, ce n'est point raisonner, mais conclure et agir. On ne se convertit point sans connaître; mais aussi connaître, à l'égard des prédestinés, est le point décisif de la conversion.

Mais encore que connut Madeleine? Deux choses : 1° que cet homme qu'elle cherchait était sauveur, et sauveur des âmes; 2° que ce Sauveur était dans la maison du pharisien, c'est-à-dire que cette maison était le lieu marqué dans l'ordre de la prédestination divine, où elle devait trouver l'auteur de son salut. Voilà ce qui la rendit si diligente et si active. Surtout, en connaissant, elle aima, et son amour acheva de la déterminer.

Appliquons-nous cet exemple. Nous savons qu'il faut nous convertir, mais nous différons toujours. De nous représenter l’injustice et la témérité de ces retardements, c'est ce qui nous touche communément assez peu. Que nous manque-t-il donc pour devenir plus prompts et plus agissants? Un peu de cette charité qui triompha du cour de Madeleine. Or, à quoi tient-il que ce feu divin ne prenne dans nos coeurs? Madeleine connaissait-elle mieux Jésus-Christ que nous ne le connaissons; et même ne peut-on pas dire que nous le connaissons mieux qu'elle ne le devait alors connaître? Faisons une fois ce que tant de fois nous avons proposé de faire.

Deuxième partie. Pénitence généreuse. Le plus grand obstacle que la pénitence ait à vaincre, c'est le respect humain : mais Madeleine sut bien le surmonter. Elle ne craignit point de se produire au milieu d'une assemblée. Elle quitta, pour ainsi dire, le luxe d'une mondaine, mais elle en retint tout le front; ou elle convertit l'effronterie du péché dans une sainte effronterie delà pénitence.

Mais à quel respect humain pouvait-elle être sensible, puisque c'était une pécheresse déjà connue? Il est vrai, c'était une pécheresse connue; mais quel est l'effet du péché? de nous rendre honteux pour le bien, autant que nous sommes hardis pour le mal. Or, c'est cette honte que Madeleine eut à surmonter, et qu'elle surmonta. La pénitence, par un effet tout contraire, la rendit honteuse pour le mal, et hardie pour le bien.

Soyons bien persuadés de cette maxime, que quand le respect humain nous dominera, nous ne serons point propres pour le royaume de Dieu. Disons comme l'Apôtre : Si je cherchais à plaire aux hommes, je ne serais pas serviteur de Jésus-Christ. Y a-t-il un respect humain que nous ne surmontions pour une fortune temporelle? Comment trouvons-nous si difficile pour Dieu ce qui nous devient si facile pour un intérêt si périssable?

Troisième Partie. Pénitence efficace. L'efficace de la pénitence, selon saint Paul, consiste à faire servir pour Dieu ce qu'on a fait servir pour le péché. Or, telle est la pénitence de Madeleine. Elle emploie ses yeux à pleurer, ses cheveux à essuyer les pieds de Jésus-Christ, ses mains à répandre sur les pieds de ce même Sauveur les liqueurs précieuses, et les parfums dont elle se servait pour contenter ses sens.

Voilà pourtant de femmes du monde la solide preuve d'une sincère conversion : faire à Dieu le sacrifice de tout ce quia servi à l'offenser; toute autre marque est équivoque et trompeuse. Comment détruire le péché, lorsqu'on n'en veut pas couper la racine?

Parce que la pénitence de Madeleine fut efficace, ce fut une pénitence durable ; et moins cette sainte pénitente s'épargna dans toute la suite de sa vie, plus elle goûta cette paix intérieure dont la grâce la remplit lorsque le Fils de Dieu lui dit, en lui remettant ses péchés : Allez en paix. C'est ce que nous éprouverons nous-mêmes; Dieu, dans notre pénitence, nous rendra aimable ce qui paraissait d'abord insupportable à la nature.

 

Si ecce mulier quœ erat in civitate peccatrix, ut cognovit quod Jesus accubuisset in domo pharisœi, attulit alabastrum unguenti; et stans retro secus pedes ejus, lacrymis cœpit rigare pedes ejus, et capillis rapitis sui tergebat.

 

En même temps une femme de la ville qui était de mauvaise vie, ayant su que  Jésus-Christ mangeait chez un pharisien, y apporta un vase d'albâtre plein d'une huile de parfum, et s'étant prosternée à ses pieds, elle commença à les arroser de ses larmes, et elle les essuya avec ses cheveux. (Saint Luc, chap. VII, 38.)

 

Cette femme que l'Evangile nous représente aujourd'hui, et qui doit faire tout le sujet de nos considérations, selon la pensée des Pères et dans le sentiment même de l'Eglise, c'est la bienheureuse Madeleine, dont l'histoire vous est aussi connue qu'elle est pour vous édifiante et touchante. Mulier in civitate peccatrix : Femme, il est vrai, pécheresse, mais prédestinée de Dieu pour être un vaisseau d'élection et de sainteté ; femme autrefois décriée par les désordres de sa vie, mais ensuite illustre par sa pénitence ; femme auparavant le scandale des âmes, mais depuis l'exemple le plus éclatant

 

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d'une parfaite conversion. Voilà, dis-je, Chrétiens, ce qui nous est ici proposa, et ce que Dieu , par une providence particulière, a voulu rendre public, afin que les grands pécheurs du monde eussent dans la personne de cette sainte, et un puissant motif de confiance, et un vrai modèle de pénitence : un puissant motif de confiance, pour ne pas tomber dans le désespoir, quelque éloignés de Dieu qu'ils paraissent; et un vrai modèle de pénitence, pour ne pas présumer de la miséricorde de Dieu jusqu'à négliger le soin de leur salut. Car je puis bien dire à une âme chrétienne engagée dans le péché ce que saint Ambroise , parlant de David , disait à l'empereur Théodose : Qui secutus es errantem, sequere pœnitentem ? Ame criminelle et infidèle à Dieu, si vous avez eu le malheur de suivre Madeleine dans ses égarements , consolez - vous ; car puisqu'elle a trouvé grâce auprès de Dieu , que n'avez-vous pas droit d'espérer ? mais tremblez , si, l'ayant suivie dans ses égarements , vous ne la suivez pas dans son retour et dans sa pénitence. Et en effet, que ne devez-vous pas craindre, si un exemple aussi salutaire et aussi convaincant que le sien , qui a converti tant de cœurs endurcis, ne fait pas la même impression sur vous? Madeleine, Chrétiens, est la seule qui paraisse, dans l'Evangile , s'être adressée à Jésus-Christ, en vue d'obtenir la rémission de ses péchés. Les autres, qui étaient Juifs d'esprit et de cœur aussi bien que de religion , ne recouraient à lui que pour obtenir des grâces temporelles, pour être guéris de leurs maladies, pour être délivrés des démons qui les tourmentaient ; et si Jésus-Christ les convertissait, c'était presque contre leur intention; mais Madeleine cherche Jésus-Christ pour Jésus-Christ même, et dans le sentiment d'une véritable contrition. Tâchons donc à nous former sur ce grand modèle, et pour cela implorons le secours du ciel par l'intercession de Marie. Ave, Maria.

 

Donner sur la pénitence des règles et des préceptes, c'est un long ouvrage, Chrétiens, et qui souvent ne produit rien moins dans les esprits des hommes que ce qu'on en attendait et que l'on avait droit de s'en promettre ; mais donner un modèle vivant de la pénitence, c'est une instruction abrégée, dont tous les esprits sont capables, et une espèce de conviction à laquelle il est comme impossible de résister; or, c'est ce que j'entreprends aujourd'hui. Il n'y a personne dans cet auditoire, en quelque disposition et en quelque état qu'il puisse être, qui n'ait besoin de se convertir : car nous disons tous les jours à Dieu, et nous ne croyons pas lui faire une prière inutile : Converte nos, Deus (1) : Seigneur, convertissez-nous. Soit que nous soyons dans l'état de sa grâce, soit que nous n'y soyons pas, soit que nous commencions à marcher dans la voie de Dieu , soit que nous y soyons plus avancés, il y a pour nous un certain changement de vie auquel Dieu nous appelle, et en quoi consiste notre conversion. Il est donc important que nous ayons devant les yeux une idée sensible où nous puissions reconnaître tous les caractères d'une vraie pénitence ; or, c'est ce que l'Evangile nous propose dans la personne de Madeleine : car je trouve que sa pénitence a eu trois qualités, qu'elle a été prompte, qu'elle a été généreuse, et qu'elle a été efficace. Pénitence de Madeleine, pénitence prompte, pour surmonter tous ces retardements si ordinaires aux pécheurs : c'est la première partie ; pénitence généreuse , pour triompher de tous les obstacles, et en particulier de ces respects humains qui arrêtent tant de pécheurs: ce sera la seconde partie; pénitence efficace, pour sacrifier à Dieu tout ce qui avait été la matière et le sujet de son péché : vous le verrez dans la troisième partie. Je m'en tiendrai à ce que nous dit l'Evangile, dont je veux seulement vous faire une simple exposition.

 

PREMIÈRE PARTIE.

 

La promptitude à suivre l'attrait et le mouvement de l'esprit de Dieu, quand il s'agit de conversion , c'est le premier caractère de la véritable pénitence, et celui que je remarque d’abord dans l'exemple de la bienheureuse Madeleine. Ut cognovit, dit l'Evangéliste : Sitôt qu'elle connut, c'est-à-dire dans le moment même que Dieu lui ouvrit les yeux , et que la grâce, par ses saintes lumières, lui éclaira l'esprit, elle renonça à son péché ; elle n'hésita point, elle ne délibéra point, elle n'écouta point l'esprit du monde qui lui inspirait de ne rien précipiter, et de ne pas faire légèrement une démarche d'un aussi grand éclat, et qui devait avoir d'aussi longues suites que celles-là ; elle n'eut point de mesures à prendre , ni d'affaires à régler, avant que d'en venir à l'exécution. Tous ces délais que l'amour-propre lâche à ménager quand une âme chrétienne est sur le point de se convertir, et, comme parle saint Grégoire, pape, qui sont déjà une

 

1 Psal., LXXXIV, 5.

 

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demi-victoire remportée sur elle parle démon, tous ces raisonnements, disons mieux, tous ces prétextes, que la prudence du siècle ne manque pas d'opposer à un pécheur pour lui persuader qu'il ne faut point aller si vite, et que, dans les choses mêmes de Dieu, on ne saurait procéder avec trop de circonspection, tout cela, dis-je, ne fit nulle impression sur son cœur; elle n'attendit point un temps plus commode et une occasion plus favorable : pourquoi ? parce qu'elle agissait déjà par l'esprit de la pénitence. Or, en matière de pénitence, dit saint Chrysostome, à une âme qui connaît Dieu , il n'est pas même permis de délibérer, non plus qu'en matière de foi il n'est pas même permis de douter. Quiconque doute volontairement n'a pas la foi, disent les théologiens; et quiconque délibère n'a pas l'esprit ni la vertu de la pénitence : car, à parler exactement, la pénitence est l'accomplissement actuel de tous les désirs et de toutes les délibérations. Se convertir, ce n'est pas raisonner, mais conclure ; ce n'est pas proposer, mais exécuter ; ce n'est pas vouloir se résoudre, mais être déjà résolu : d'où il s'ensuit que, tandis que je consulte, que je raisonne, que je délibère, je ne me convertis pas.

Voilà, Chrétiens, ce que Madeleine comprit d'abord, et voilà pourquoi le texte sacré porte : Ut cognovit, Dès qu'elle connut. Ah ! mes Frères, remarque saint Augustin, que cette parole exprime bien le mystère de la grâce ! Ut cognovit ; elle se convertit dans l'instant même qu'elle connut, parce que le temps de la connaissance est celui de la pénitence. En effet, ajoute ce saint docteur, on ne se convertit point sans connaître; et connaître à l'égard des prédestinés et des élus, est le point décisif de la conversion ; parce que dans un prédestiné cette connaissance dont je parle produit infailliblement l'amour, et que l'amour est la conversion parfaite du pécheur. Il y avait des années entières que Madeleine était engagée dans le désordre d'une vie scandaleuse, et qu'elle ne se convertissait pas : pourquoi ? parce qu'elle ne connaissait pas encore ce qui la devait toucher, ou, pour m'exprimer plus correctement, parce qu'elle ne le connaissait pas de cette manière spéciale qui fait le discernement des âmes dans l'exercice de la pénitence. Elle n'attend pas à demain pour se convertir, parce qu'elle ne sait pas si elle connaîtra demain, de cette espèce de connaissance particulière qui fait que l'on se convertit véritablement; elle se convertit aujourd'hui, parce qu'elle connaît aujourd'hui : Ut cognovit. Auparavant, quoiqu'elle eût des lumières plus que suffisantes pour être inexcusable devant Dieu et pour comprendre ce que Dieu demandait d'elle, on peut dire qu'elle était dans les ténèbres et dans l'aveuglement du péché ; et c'est pour cela qu'elle ne cherchait pas Jésus-Christ. Demain ce rayon favorable de grâce dont elle est prévenue, aurait peut-être cessé pour elle, et c'est pour cela qu'elle ne remet pas à ce lendemain. C'est aujourd'hui qu'elle est éclairée, et c'est aujourd'hui qu'elle marche : Ambulate, dum lucem habetis (1).

Mais encore qu'est-ce que connut Madeleine, qui la détermina en si peu de temps, et qui fut capable de la porter à une conversion si subite et si prompte? Ce qu'elle connut? deux choses : premièrement, que cet homme qu'elle cherchait était Jésus, c'est-à-dire Sauveur, et Sauveur des âmes : Ut cognovit quod Jesus esset ; et en second lieu, que ce Sauveur était dans la maison du pharisien, c'est-à-dire que la maison du pharisien était le lieu marqué dans l'ordre de la prédestination divine, où elle devait trouver l'auteur de son salut : Ut cognovit quod Jesus esset in domo pharisœi. C'est ce qui l'oblige à ne point différer. Elle connut que cet homme qui passait dans Jérusalem pour un prophète, était en effet le Messie promis par les prophètes, et par conséquent le Sauveur du monde ; et de là vient qu'elle se hâta de recourir à lui. Elle ne considéra point, dit saint Grégoire, pape, que ce Jésus était un Dieu de majesté devant qui les anges tremblent; que c'était un Dieu de sainteté qui a en horreur  les âmes mondaines et impures ; que c'était un Dieu  sévère et juste, qui ne peut se dispenser de punir les crimes ; que c'était un Dieu-Homme , venu pour la ruine aussi bien que pour la résurrection de plusieurs en Israël : tout cela l'aurait troublée, et eût pu apporter du retardement à son dessein. Elle ferma donc les yeux à tout cela ; de toutes les qualités de Jésus-Christ, elle n'envisagea que celle de Jésus même : Ut cognovit quod Jesus esset. C'est un Sauveur, dit-elle, et je suis perdue ; c'est un rédempteur et je suis esclave ; c'est un médecin,  et je suis accablée de maux. Allons; et pourquoi remettre ; nous n'en trouverons jamais un plus puissant ni plus miséricordieux que lui ; reculer, c'est lui faire injure, et diminuer la gloire de son nom : car puisqu'il est Jésus et Sauveur, pourquoi ne me sauvera-t-il pas dès aujourd'hui; et pourquoi ne me donnerai-je

 

1 Joan., XII, 35.

 

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pas à lui dès ce moment, puisque dès ce moment je lui appartiens, et que je suis le prix de sa rédemption? Mais il est chez le pharisien qui l'a invité à manger, et ce sera un contre-temps de l'aborder dans une pareille conjoncture. Ah! Chrétiens, un contre-temps? au contraire, elle se hâte, parce qu'elle sait qu'il est chez le pharisien : Ut cognovit quod Jesus esset in domo pharisœi. Bien loin d'attendre qu'il en soit sorti, elle se fait un devoir de l'y trouver, et elle ne veut point d'autre heure que celle où elle apprend qu'il est à table avec les conviés, parce qu'en même temps Dieu lui fait connaître, dans le secret du cœur, que ce moment-là est le moment précieux et bienheureux pour elle, le temps de la visite du Soigneur, le jour du salut auquel sa conversion est attachée ; que le Sauveur n'est entré chez le pharisien que pour cela; que c'est là et non point ailleurs, que la grande affaire de sa conversion se doit traiter ; que ce banquet est l'occasion ménagée dans le conseil de la Providence, uniquement pour cette fin ; que Jésus-Christ l'y attend ; qu'il y est avec tous les remèdes de sa grâce et de sa miséricorde pour la guérir et que si elle laisse passer cette heure et ce moment, elle causera un désordre dans la disposition de son salut éternel, dont les suites seront irréparables. Encore une fois, Chrétiens, voilà ce que Madeleine connut et ce qui la rendit si diligente et si active : Ut cognovit.

Mais surtout elle aima, elle fut pénétrée de cette charité divine qui, selon le Prophète royal, par l'impression de ses mouvements, change les âmes qu'elle sanctifie en autant d'aigles mystérieuses. Or, puisqu'elle aima ce Dieu fait homme, de l'amour le plus saint et le plus parfait, il ne faut pas s'étonner qu'elle rompît si promptement les liens qui la séparaient de lui et qui l'attachaient au monde : car aimer et vouloir être un moment sans se remettre dans les bonnes grâces de celui qu'on aime, sans lui satisfaire dès qu'on lui a déplu, sans accomplir ce qu'il désire, ce qu'il demande avec instance, et ce qui dépend de nous, ce sont des choses qu'il est bien difficile d'accorder ensemble dans les amitiés du siècle, mais qui deviennent absolument incompatibles dans l'amour de Dieu.

Appliquons-nous donc l'exemple de cette illustre pénitente; et pour commencer à en tirer le fruit que Dieu prétend, permettez-moi de raisonner avec vous et avec moi-même sur la différence de sa conduite et de la nôtre. Car enfin, mes chers auditeurs, c'est sur quoi il faut aujourd'hui que nous nous expliquions à Dieu ; et si nous ne le faisons pas, c'est sur quoi Dieu nous jugera. Qu'il faille nous convertir un jour, nous le savons; que pour cela il faille renoncer à des engagements et à des commerces qui sont les sources de nos désordres, nous n'en disconvenons pas ; qu'étant tombés dans la disgrâce de Dieu, ce soit une nécessité indispensable de faire pénitence, nous en sommes convaincus : mais quand sera cette pénitence, mais quand sera ce renoncement, mais quand sera cette conversion? c'est à quoi nous ne répondons jamais. Il y a peut-être des années entières que nous roulons dans un train de vie ou lâche et imparfaite, ou même impie et criminelle, entassant chaque jour péchés sur péchés. Nous voyons bien qu'il en faut sortir, que, persévérant dans cet état, nous remplissons insensiblement la mesure de nos crimes, et qu'enfin nous pourrions mettre ainsi le comble à notre réprobation ; cependant nous n'entreprenons rien. Nous terminons tous les jours des affaires de nulle conséquence, ne voulant pas qu'elles demeurent indécises ; et pour celle de notre conversion, qui est l'importante affaire, nous ne la concluons jamais.

De dire qu'à en user de la sorte il y a, non pas de la témérité et de l'imprudence, mais de l'enchantement et de la folie, parce que c'est manquer à la plus essentielle charité que nous nous devions à nous-mêmes ; de s'étendre sur les trois risques affreux que nous courons en différant notre pénitence , l'un , du temps , l'autre, de la grâce, et le troisième, de notre volonté propre qui nous manquera ; d'insister sur le caprice et sur la bizarrerie de notre esprit, qui fait que nous voulons toujours faire pénitence dans un temps chimérique et imaginaire où elle ne dépend pas de nous, c'est-à-dire dans le futur, et que nous ne la voulons jamais faire dans un temps réel où elle est en notre pouvoir, c'est-à-dire dans le présent ; de vous montrer l'excès de votre présomption, qui va jusques à prétendre que la grâce vous attendra, et qu'après l'avoir cent fois rebutée, nous ne laisserons pas de la trouver prête, dès qu'il nous plaira qu'elle le soit; de déplorer le peu de connaissance que nous avons de nous-mêmes, quand nous croyons que nous serons toujours maîtres de notre cœur pour en disposer à notre gré ; enfin, de vous remettre dans l'esprit ces pensées terribles des Pères de l'Eglise, que tout ce que nous gagnons à différer, c'est de nous rendre encore Dieu plus irréconciliable,

 

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c'est d'éloigner de nous sa miséricorde, c'est d'amasser un trésor décolère pour le jour de sa justice, c'est de nous endurcir dans le péché, et de devenir, par une suite nécessaire, plus incapables de la pénitence chrétienne, à moins que Dieu, forçant, pour ainsi parler, toutes les lois de sa providence, ne fasse un coup en notre faveur, qui, dans l'ordre même surnaturel, doit passer pour un miracle : tout cela, je l'avoue, ce sont des raisons pressantes, touchantes, convaincantes, et qui, bien méditées, devraient aller d'abord, comme dit saint Paul, jusqu'à diviser votre âme d'elle-même par l'effort de la contrition : Pertingens usque ad divisionem animœ (1). Mais ces raisons, après tout, nous touchent communément assez peu : quoiqu'elles soient prises de notre intérêt, cet intérêt ne regardant que des biens invisibles et des biens à venir, il agit si lentement sur nous, qu'à peine nous fait-il faire la moindre démarche ; autant que celui du monde est efficace pour nous exciter, autant celui-ci est-il faible et languissant. Nous nous aimons, nous craignons de nous perdre, et néanmoins, insensés que nous sommes, nous ne prenons nulle sûreté ; nous demandons toujours trêve, et au hasard de tout ce qui en peut arriver, nous disons toujours à Dieu : Patientiam habe in me (2). Que nous manque-t-il donc pour nous rendre plus vifs et plus agissants ? Ah ! Chrétiens, un peu de cette charité qui triompha du cœur de Madeleine, et dont les opérations sont aussi promptes que ses conquêtes sont miraculeuses. Car voilà, mes Frères, dit saint Bernard, le privilège et le mystère de l'amour de Dieu : ce que la crainte de notre damnation ne peut obtenir de nous, l'amour de Dieu l'obtient sans résistance ; avec la crainte de l'enfer on délibère ; mais avec l'amour de Dieu on agit. A peine l'a-t-on sentie que l'on court, que l'on vole dans la voie des commandements. C'est assez d'avoir une étincelle de ce feu sacré que Jésus-Christ est venu répandre sur la terre ; avec cela on a honte d'avoir tant disputé, avec cela on se fait des reproches d'avoir si longtemps résisté à Dieu.

Or, à quoi tient-il qu'il ne prenne dans nos cœurs, ce feu divin? Madeleine connaissait-elle mieux Jésus-Christ que nous ne le connaissons ; et même ne puis-je pas dire que nous le connaissons mieux qu'elle ne le devait connaître, lorsqu'elle s'attacha si fortement et si promptement à ce Dieu Sauveur ? la foi du christianisme ne nous en découvre-t-elle pas

 

1 Hebr., IV, 12. — 2 Matth., XVIII, 20.

 

des choses qui étaient alors cachées pour cette pénitente? Pourquoi donc tarder davantage ; et, sans aller plus loin, pourquoi, avant que de sortir de cette Eglise et de nous retirer de cet autel où Jésus-Christ est encore, non plus en qualité de convié, comme il était chez le pharisien, mais en qualité de viande et de breuvage, en qualité de victime immolée pour nous, en qualité de sacrificateur et de pasteur; pourquoi, dis-je, ne nous pas donner à lui ? Faisons une fois ce que tant de fois nous avons proposé de faire, et disons-lui : Non, Seigneur, ce ne sera ni dans une année ni dans un mois, mais dès aujourd'hui ; car il n'est pas juste que je veuille temporiser avec vous : ce ne sera point quand je me trouverai dégagé de telle ou telle affaire ; car il est indigne que les affaires du monde retardent celles de mon Dieu : ce ne sera point quand je me verrai sur le retour de l'âge ; car tous les âges vous appartiennent, et ce serait un outrage pour vous bien sensible, de ne vouloir vous réserver que les derniers temps et le rebut de ma vie. Dès maintenant, Seigneur, je suis à vous, et j'y veux être; recevez la protestation que j'en fais, et confirmez la résolution que j'en forme devant vous. C'est ainsi, Chrétiens, que nous imiterons la promptitude de Madeleine. Il y aura des obstacles et surtout des respects humains à surmonter ; mais c'est encore pour cela que notre pénitence, comme celle de Madeleine, doit être généreuse : vous l'allez voir dans la seconde partie.

 

DEUXIÈME  PARTIE.

 

Rien n'est plus opposé à la vraie pénitence que cette vue de la créature, que nous appelons respect humain ; et la raison qu'en apporte saint Chrysostome est bien naturelle : Parce que la pénitence, dit-il, est une vertu essentiellement fondée sur le respect que nous avons pour Dieu, ou plutôt n'est rien autre chose qu'un certain respect pour Dieu aimé, révéré, et jugé digne d'être recherché préférablement à toutes les créatures. Or Dieu conçu de la sorte, et cette préférence due à Dieu ainsi expliquée, exclut nécessairement tous les respects humains. Cependant, Chrétiens, il faut l'avouer et le reconnaître avec douleur, c'est un dangereux ennemi que ce respect humain, puisque la grâce, toute puissante qu'elle est, est tous les jours obligée de lui céder, puisque c'est le plus grand obstacle qu'elle trouve dans le cœur de l'homme; puisqu'elle a besoin, pour le surmonter, de toute sa vertu, et qu'elle n'est

 

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jamais plus efficace ni plus victorieuse que lorsqu'elle en vient à bout : or, c'est ce qu'elle a fait, et de la manière la plus éclatante, dans la personne de la bienheureuse Madeleine. D'où je conclus toujours que la pénitence de cette sainte nous est justement proposée par le Saint-Esprit, comme le modèle de la pénitence des pécheurs : vérité dont vous êtes déjà persuadés , mais qui vous touchera encore plus sensiblement, à mesure que je vous la représenterai dans la suite de notre évangile.

Car, prenez garde, s'il vous plaît, Madeleine se sent appelée de Dieu ; et la grâce qui opère en elle, par un mouvement secret, la presse de s'aller jeter aux pieds de Jésus-Christ dans la maison du pharisien. Mais quoi! ira-t-elle se produire au milieu d'une assemblée, dans un repas de cérémonie s'exposera-t-elle à la censure des conviés? se fera-t-elle passer pour une imprudente et une insensée, après s'être déjà décriée comme une femme perdue? donnera-t-elle sujet de parler à toute une ville, et que dira-t-on de son procédé? comment interprétera-t-on cet empressement? quelle matière de discours et de raillerie pour ceux qui, ne pénétrant pas dans ses intentions, jugeront d'une telle action avec malignité! Ah! mes Frères, répond saint Augustin, voilà l'ennemi terrible et redoutable dont il faut que Madeleine, ou plutôt que la grâce triomphe. Cette crainte de la censure et des jugements du monde, ce respect humain, c'est le second démon qu'elle sait vaincre, et dont elle s'affranchit. Elle a été jusqu'à présent une femme mondaine et sans pudeur, dit Zénon de Vérone (cette pensée est belle, et vous paraîtra aussi solide qu'elle est ingénieuse); elle a été jusqu'à présent une femme mondaine, et elle en a retenu le front : voilà pourquoi elle ne sait ce que c'est que de rougir : Frons meretricis facta est tibi, nescis erubescere (1). C'est-à-dire, pour appliquer ces paroles à mon sujet, quoique dans un sens bien différent de celui de l'Ecriture, Madeleine a quitté le luxe d'une mondaine, l'impureté d'une mondaine, l'avarice insatiable d'une mondaine , les artifices et les ruses d'une mondaine, parce que tout cela ne pouvait servir qu'à sa perle et à sa ruine; mais elle s'est réservé le front d'une mondaine pour ne point rougir, parce que cela pouvait lui être encore utile, et était même nécessaire à sa pénitence : Frons meretricis facta est tibi. Et pourquoi, ajoute saint Grégoire, pape, rougirait-elle d'aller trouver Jésus-

 

1 Jerem., III, 3.

 

Christ, et de lui découvrir ses plaies, puisque c'est lui seul qui doit être l'auteur de sa guérison? Non, non, dit ce saint docteur, cela n'entrait pas dans une âme aussi éclairée et aussi solidement convertie que Madeleine ; elle avait trop de sujets en elle-même qui la confondaient , pour en prendre d'ailleurs ; et elle ne crut pas que rien de tout ce qui était hors d'elle lui dut causer de la honte, parce qu'elle savait bien que tout son mal était au dedans d'elle-même : Quia semetipsam graviter crubescebat intus, nihil esse credidit quod verecundaretur foris.

C'est ainsi qu'elle raisonna, et c'est ainsi que l'amour qu'elle conçut pour Jésus-Christ la rendit généreuse ; convertissant en elle ( ne vous offensez pas de ce terme), convertissant en elle, si j'ose ainsi parler, l'effronterie du péché dans une sainte effronterie de la pénitence : car pourquoi ne me serait-il pas permis de m'exprimer de la sorte, puisque Tertullien nous parle bien de la sainte impudence de la foi, et que la charité n'est pas moins hardie à mépriser, dans la vue de Dieu, les considérations du monde , que la foi, dans la pensée de cet auteur, à se glorifier des humiliations de la croix ? Mais , me direz-vous , quels respects humains Madeleine eut-elle à surmonter dans la démarche qu'elle fit en se déclarant au Sauveur du monde, et devant une nombreuse compagnie? c'était une pécheresse connue, et qui passait pour telle dans Jérusalem : que pouvait-elle donc avoir à ménager ou à craindre? Ah! mes chers auditeurs, c'est pour cela même que, suivant les lois du monde, elle avait tout à craindre et à ménager. Il est vrai, c'était une pécheresse , et une pécheresse connue : Mulier in civitate peccatrix; mais vous savez ce que produit le péché dans nous, et ce qui serait presque incroyable, si l'expérience ne le vérifiait pas. L'effet du péché, surtout quand il est formé en habitude, est de nous rendre honteux pour le bien, et en même temps hardis et effrontés pour le mal. Au lieu que Dieu ne nous a donné la honte, ou, pour parler plus exactement, le principe de la honte, que comme un préservatif contre le péché; le péché dont le caractère est de pervertir en toutes choses l'ordre de Dieu, fait que nous employons cette honte à ce qui devrait être le sujet de notre gloire, je veux dire aux exercices et aux devoirs de la pénitence chrétienne, et que nous faisons gloire de ce qui devrait être le sujet de notre honte, c'est-à-dire du péché même. Ainsi un homme du siècle aura

 

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fait une profession ouverte d'être impie et libertin, et il ne s'en sera pas caché : forme-t-il la résolution de changer de vie, dès là il devient timide, et n'ose plus, ce semble, paraître ce qu'il veut être et ce qu'il est. Il ne rougissait pas d'une action criminelle, et maintenant il rougit d'une action de piété. De même une femme se sera peu mise en peine de causer du scandale à toute une ville, et en cela elle se sera rendue indépendante des respects humains ; mais qu'elle prenne le parti de retourner à Dieu, et qu'on lui parle d'en donner des marques pour satisfaire à l'obligation d'édifier par sa conduite ceux qu'elle a scandalisés par ses mauvais exemples, c'est à quoi elle oppose cent difficultés. Elle n'a pas craint de passer pour mondaine, et elle craint par-dessus tout de passer pour dévote, c'est-à-dire pour servante de Dieu.

Voilà le désordre du péché ; mais que fait la grâce delà pénitence? elle corrige ce désordre, en rétablissant dans nous un ordre tout contraire ; car au lieu que le péché nous rendait hardis pour le mal et timides pour le bien, cette grâce de conversion nous rend hardis pour le bien et honteux pour le mal. Dans l'état du péché nous avions des égards pour les hommes, et nul respect pour Dieu ; et la pénitence, nous inspirant le respect de Dieu, nous affranchit de celui des hommes. En fut-il jamais une preuve plus sensible que l'exemple de Madeleine? étudions, Chrétiens, étudions cet admirable modèle. Elle entre chez le pharisien; elle paraît dans la salle du festin avec un saint mépris des conviés, sans craindre de les troubler, sans s'arrêter à ce qu'ils diront, sans se distraire un moment en leur rendant des civilités inutiles, et même sans penser à eux : voilà le respect de la créature anéanti. Mais en même temps elle n'ose paraître en face devant Jésus-Christ ; elle se tient derrière lui, les larmes aux yeux : Stans retro; elle demeure prosternée à ses pieds : Secus pedes ; et elle a tant de vénération pour sa personne, qu'elle n'a pas l'assurance de lui parler : voilà le respect de Dieu rétabli dans son cœur. Elle est exposée à l'injustice d'autant de censeurs qu'elle a de témoins de sa pénitence; le pharisien la condamne comme une pécheresse , et le blâme en retombe sur Jésus-Christ même : Hic si esset propheta, sciret utique quœ et qualis est millier quœ tangit illum, quia peccatrix est (1) ; Si cet homme était prophète, il saurait que celle qu'il soutire à ses pieds est une femme de mauvaise

 

1 Luc, VII.

 

vie. Sur quoi saint Grégoire de Nysse, prenant la défense de Jésus-Christ, fait une réponse bien judicieuse. Tu te trompes, Simon, dit-il à ce pharisien: et en voulant raisonner, tu pèches dans le principe : tu crois que Jésus-Christ n'est pas un prophète , parce qu'il souffre que Madeleine rapproche; et c'est pour cela qu'il est prophète, et plus que prophète, puisqu'il a eu la vertu de l'attirer : car ce don d'attirer les pécheurs et de les sanctifier, est la grâce particulière des prophètes et des hommes de Dieu. Ainsi le pharisien tomba dans une double erreur : car il ne crut pas Jésus-Christ prophète, et il l'était; il crut Madeleine pécheresse et elle ne l'était plus; il jugea ce qui n'était pas, et il ne connut pas ce qui était : mais quoi qu'il en soit, Madeleine méprisa ses jugements et ses erreurs; et animée du seul amour de Dieu qui la possédait, elle s'alla jeter aux pieds de Jésus-Christ : voilà ce qui s'appelle une pénitence généreuse, et ce que nous sommes indispensablement obligés d'imiter.

Car soyons bien persuadés, Chrétiens, de cette maxime, et établissons-la comme une des règles les plus certaines de notre vie : tandis que le respect humain nous dominera, tandis que nous nous rendrons esclaves des jugements des hommes, tandis que nous craindrons d'être raillés et censurés, quoi que nous fassions, nous ne sommes point propres pour le royaume de Dieu. Qu'est-ce qui arrête aujourd'hui les effets de la grâce dans la plupart des âmes ? qu'est-ce qui empêche mille conversions, qui se feraient infailliblement dans le monde ? un respect humain. Un homme dit : Si je m'engage une fois à mener une vie chrétienne et régulière, quelle figure ferai-je dans ma condition ? Une femme dit : Si je renonce à ces visites et à ces divertissements, quelles réflexions ne fera-t-on pas? On se donne l'alarme à soi-même ; on se demande : Comment pourrai-je soutenir la contradiction et les discours du monde? avec cela il n'y a point de bons désirs qui n'avortent, point de résolutions qui ne s'évanouissent, point de ferveurs qui ne s'éteignent. On voudrait bien que le siècle fût plus équitable, et que, sans choquer ses lois ni s'attirer ses mépris, il y eût, non-seulement de la sûreté, mais de l'honneur même selon le monde, à prendre le parti de la vrai piété : car on sait que c'est le meilleur parti ; on se tiendrait heureux de l'embrasser, et on ne doute point que l'on n'y trouvât des avantages bien plus solides que partout ailleurs ; mais la loi tyrannique du respect humain nous retient;

 

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et l'on aime mieux, en se perdant, se soumettre à cette loi, que de se maintenir dans sa liberté en sauvant son âme. Or, c'est cette loi, Chrétiens, qu'il faut combattre et détruire en nous par la loi souveraine de l'amour de Dieu. Que dira-t-on de moi si je change de conduite? on en dira tout ce qu'on voudra; mais je veux être fidèle à mon Dieu : or je ne puis lui être fidèle, et avoir ces complaisances pour les hommes ; c'est saint Paul qui me l'apprend : Si hominibus placerem, Christi servas non essem (1). Il faut donc que je sois résolu à déplaire aux hommes, à être raillé et contredit des hommes, pour commencer de vivre à Dieu. Mais je ferai parler de moi dans le monde : le monde parlera selon ses maximes, et moi je vivrai selon les miennes. Si le monde est juste, s'il est chrétien, il s'édifiera de ma conduite ; et s'il ne l'est pas, bien loin de chercher à lui plaire, je dois l'avoir en horreur. Or il ne l'est pas, et il est même perverti jusqu'à ce point, de ne pouvoir souffrir la vertu sans la censurer : il faut donc que je le réprouve, et que je le déteste lui-même. Mais je passerai pour un esprit léger, pour un esprit faible, ou pour un hypocrite. Si je suis tel que je dois être, toutes ces idées s'effaceront bientôt, et ma conduite répondra à tous ces reproches. Mais quoi que je fasse, on me méprisera. Que je sois méprisé, j'y consens ; je ne le puis être pour un meilleur sujet. N'est-ce pas pour cela que je suis chrétien? Dans la religion que je professe, les mépris du monde sont plus honorables que tous ses éloges.

Mais cette résolution que je prends est bien difficile à soutenir. Difficile, Chrétiens? vous vous trompez : permettez-moi de vous le dire, Rien n'est plus aisé ; car ce que vous voulez faire pour Dieu, ne l'avez-vous pas fait cent fois, et ne le faites-vous pas encore tous les jours pour le monde et pour les intérêts du monde? j'en appelle à votre propre témoignage. Y a-t-il respect humain que vous ne surmontiez pour une fortune temporelle, que vous ne surmontiez pour une passion, que vous ne surmontiez pour votre santé, et cela sans peine? Or, il est bien indigne que vous trouviez difficile pour Dieu ce qui vous devient si facile pour mille autres sujets. Mais quand la chose serait aussi difficile que vous le prétendez, n'est-il pas juste que vous fassiez quelques efforts pour le salut? n'est-ce pas une assez importante affaire, et pouvez-vous en acheter trop cher le succès? Dieu  n'est-il pas un assez grand maître; et

 

1 Galat., I, 39.

 

quand il s'agit de rentrer en grâce avec lui, qu'y a-t-il d'ailleurs à ménager? Cependant, Chrétiens, il reste encore un dernier caractère que doit avoir notre pénitence, comme celle de Madeleine, qui fut une pénitence efficace ; et c'est ce que je vais vous expliquer dans la troisième partie.

 

TROISIÈME  PARTIE.

 

On ne peut mieux exprimer en quoi consiste l'efficace de la pénitence chrétienne, que par ces admirables paroles de saint Paul : Sicut exhibuistis membra vestra servire immunditiœ et iniquitati ad iniquitatem , ita nunc exhibete membra vestra servire justitiœ ad sanctificationem (1). Mes Frères, disait aux Romains le grand Apôtre, comme vous avez fait servir vos corps à l'impureté et à l'injustice, pour commettre des actions criminelles, il faut maintenant que vous les fassiez servir à la justice et à la piété, pour mener une vie toute sainte ; car c'est en cela que votre pénitence paraîtra véritable et solide. Il faut que ce qui a été la matière de votre péché devienne la matière de votre pénitence; ce que vous avez donné au monde, lorsque vous en étiez les esclaves, il faut maintenant que vous le donniez à Dieu ; et les mêmes choses que vous avez employées à votre vanité et à votre plaisir, vous devez désormais les employer aux exercices de la religion , autrement ne vous flattez pas d'être bien convertis : je n'en jugerai que par là, et je ne ferai que par là ce juste discernement de ce que vous êtes et de ce que vous n'êtes pas.

Or ne dirait-on pas, Chrétiens, que saint Paul avait entrepris de faire dans ces paroles le portrait de Madeleine et de sa pénitence? Qu'est-ce que Madeleine aux pieds du Sauveur? Ah ! répond saint Augustin, c'est une idole du monde changée en victime et consacrée au vrai Dieu ; c'est, ajoute ce saint docteur, usant des propres termes de l'Apôtre, l'injustice et l'iniquité même qui donnent des armes à la piété, le luxe qui en fournit l'humilité, la mollesse et la délicatesse de la chair qui prêtent secours à la mortification et à l'austérité, afin d'accomplir cette parole de l'Apôtre : Exhibete membra vestra arma Deo. Venons au détail. Ainsi les yeux de Madeleine avaient été comme les premiers organes de ces honteuses passions, qui commencent dans les âmes mondaines par la curiosité de voir et par le désir d'être vu; mais si ses yeux l'avaient perdue, c'est de ses

 

1 Rom., VI, 19.

 

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yeux qu'elle tire ce qui doit contribuer à la sauver. Ses yeux avaient allumé dans son cœur l'amour du monde, et c'est par les pleurs qui coulent de ses yeux qu'elle l'éteint; elle n'en avait jusque-là versé que pour de profanes objets, et que pour leur marquer une tendresse criminelle dont elle se piquait; mais, dit-elle, j'en verserai pour mon Dieu, et je n'en verserai que pour lui. Non-seulement j'en verserai pour lui, mais sur lui, puisqu'il s'est rendu visible; je l'arroserai de mes larmes, et mes larmes, ainsi purifiées, me purifieront moi-même; j'en laverai les pieds de mon Sauveur, et j'obtiendrai par là d'être lavée dans son sang. Felices lacrymœ, conclut saint Léon, quœ dum culpas abluerunt pristinœ conversationis, virtutem habuere baptismatis ! Heureuses larmes qui tinrent lieu de baptême à Madeleine, et qui, l'ayant rendue mille fois coupable, eurent enfin le pouvoir et la vertu de la justifier ! Madeleine, dans l'extérieur de sa personne, avait été vaine jusqu'à l'excès : idolâtre d'une beauté périssable, et n'oubliant rien de tout ce qui pouvait lui attirer et lui conserver des adorateurs, elle s'était surtout attachée au soin de ses cheveux; vanité que Tertullien appelle une impudicité étudiée et affectée : Confictam et elaboratam libidinem. Mais ces cheveux qu'elle a cultivés avec tant d'affection et tant d'étude, lui seront-ils inutiles dans sa conversion ? Non, Chrétiens ; l'esprit de pénitence qui l'anime lui apprend à en faire un nouvel usage : ils avaient été jusque-là l'ornement d'une tête pleine d'orgueil, et désormais ils seront employés à l'exercice de l'humilité la plus profonde. Madeleine s'en servira pour essuyer les pieds de Jésus-Christ; et en essuyant les pieds de ce Dieu Sauveur, cette pécheresse effacera toutes les taches de ses péchés. Je serais infini, si je m'arrêtais à toutes les preuves que me fournit l'Evangile pour établir et pour confirmer ma proposition. C'était une femme sensuelle que Madeleine : parfums, odeurs, liqueurs précieuses, c'étaient ses délices ; mais que sera-ce pour elle dans sa pénitence ? Ah ! si dans ses mains elle porte encore un parfum exquis, ce n'est plus pour contenter ses sens, mais pour le répandre sur les pieds de son Dieu. Les disciples mêmes de Jésus-Christ en seront surpris, ils en murmureront, ils s'en scandaliseront : Ut quid perditio hœc (1) ? Mais elle sait ce qu'elle fait, et elle ne croit pas devoir rien ménager quand il s'agit de témoigner à son Sauveur la vivacité de son repentir

 

1 Matth., XXVI, 8.

 

et la sensibilité de son amour : pour cela, elle n'a rien de si cher à quoi elle ne veuille renoncer ; pour cela, elle est disposée à se sacrifier elle-même : trop heureuse si son sacrifice est agréable, et que Dieu daigne accepter une hostie tant de fois profanée, mais enfin sanctifiée par le feu tout céleste et tout sacré qui la consume !

Tels sont désormais les sentiments de Madeleine ; et sans s'arrêter à de vains sentiments, tels sont les effets de sa pénitence. Or voilà, Mesdames ( car c'est surtout à vous que j'adresse cette morale), voilà par où vous pourrez juger vous-mêmes de la sincérité de votre retour à Dieu et de votre conversion. Tout le reste est équivoque, est trompeur, est faux. Ayez en apparence les plus beaux sentiments, tenez le langage ou le plus sublime et le plus élevé, ou le plus vif et le plus touchant ; tandis que vous en voudrez demeurer là, sans en venir aux mêmes effets que Madeleine, ne comptez ni sur tout ce que vous direz, ni sur tout ce que vous penserez ou que vous croirez penser. Vous avez dans vous-mêmes, aussi bien que cette fameuse pénitente, tout ce qui peut contribuer à votre sanctification, et vous pouvez dire à Dieu comme David : In me sunt, Deus, vota tua (1) ; Oui, Seigneur, je reconnais que tout ce que vous désirez de moi est en moi, et c'est pour cela que je suis absolument inexcusable si je ne vous le donne pas. Ces habits, Mesdames, dont vous vous faites une si vaine gloire, et qui entretiennent votre luxe; ces ajustements qui occupent presque tout votre esprit, et à quoi vous employez plus de temps qu'à l'affaire de votre salut, et qu'à toutes les affaires même humaines dont Dieu vous a chargées; cet amour de vous-mêmes, qui vous fait rechercher avec tant de soin toutes les douceurs de la vie , les compagnies, les jeux, les spectacles; surtout cet amour de votre corps, qui vous rend si attentives aie maintenir dans un certain éclat, à relever son lustre par tous les déguisements d'une artificieuse mondanité, à lui procurer toutes ses aises, toutes ses commodités, voilà de quoi la pénitence doit faire en vous un holocauste à Dieu.

Je pourrais vous dire que le seul christianisme devrait vous porter à le faire, ce sacrifice : car , pour peu que vous fussiez entrées jusqu'à présent dans le véritable esprit delà religion que vous professez, vous auriez compris que c'est un esprit de retraite, un esprit

 

1 Psalm., LV, 12.

 

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d'humilité et de mortification , et qu'il n'est pas possible d'accorder ensemble la retraite chrétienne et les assemblées du monde, l'humilité chrétienne et le faste du monde, la mortification chrétienne et la mollesse du monde ; mais ce qui est un devoir si indispensable pour vous, en qualité de chrétiennes, combien plus encore l'est-il pour des pécheresses et des pénitentes? Si, dans une supposition imaginaire, tous ces divertissements et ces plaisirs mondains, toutes ces délicatesses et ces superfluités ne vous avaient pas éloignées de Dieu ; si vous aviez su avec tout cela lui être fidèles, peut-être tout cela vous serait-il moins défendu? Mais lorsque vous ne pouvez ignorer à combien d'égarements et de péchés tout cela vous a conduites, quel prétexte pouvez-vous avoir pour n'y pas renoncer? comment pouvez-vous revenir sincèrement à Dieu, et cependant aimer ce qui si longtemps vous en a séparées? comment pouvez-vous quitter de bonne foi votre péché, et ne quitter pas ce qui en a été la source empoisonnée? comment pouvez-vous le haïr, et ne vouloir pas le détruire ? or vous ne le détruirez jamais, tandis que vous n'en couperez pas la racine. Le même principe aura toujours les mêmes suites, et la même cause produira toujours les mêmes effets.

Pourquoi la pénitence de Madeleine fut-elle une pénitence durable? parce que ce fut une pénitence efficace. Du moment que cette sainte pénitente eut sacrifié à Dieu tout ce qui avait entretenu jusque-là ses désordres, elle s'attacha si fortement à Jésus-Christ, qu'elle lui demeura toujours étroitement et inséparablement unie. Elle s'attacha à.ce Dieu Sauveur, dit saint Bernard, dans tous les états où depuis il fit paraître son adorable humanité ; c'est-à-dire qu'elle s'attacha à Jésus-Christ vivant, qu'elle s'attacha à Jésus-Christ mourant, qu'elle s'attacha à Jésus-Christ mort et enfermé dans le tombeau, qu'elle s'attacha à Jésus-Christ ressuscité et triomphant, enfin qu'elle s'attacha à Jésus-Christ glorieux dans le ciel. C'est ce que nous savons de l'Evangile; et s'il ne nous parle plus de Madeleine après l'ascension du Fils de Dieu, la tradition nous apprend où elle se relira, quelle vie dans sa retraite elle mena, quels exercices de piété et de mortification elle pratiqua , avec quelle1 ferveur et quelle persévérance elle les continua. Interrompit-elle jamais en effet sa pénitence? Ah! Chrétiens, quelle merveille et quelle instruction pour nous! tous ses péchés lui avaient été remis, et elle en avait eu une révélation expresse de la bouche même de Jésus-Christ : Remittuntur tibi peccata tua (1). Cependant, bien loin de diminuer ses austérités, elle les redoubla. Si le Sauveur du monde lui dit : Allez en paix : Vade in pace (2), elle comprit que cette paix ne devait être que dans le cœur; ou, si vous voulez, elle comprit que cette paix devait consister à se faire une guerre perpétuelle, à ne se pardonner rien de tout ce que son divin Maître lui avait pardonné, à se traiter d'autant plus rigoureusement qu'il l'avait traitée avec plus de douceur; à crucifier sa chair, à la couvrir du cilice, à l'exténuer par l'abstinence et par le jeune. Elle le comprit, dis-je , et voici, Chrétiens, un mystère que le monde ne peut se persuader, et dont la seule expérience vous convaincra , si vous vous mettez en état, comme Madeleine, d'en faire l'épreuve. Plus votre pénitence sera efficace, c'est-à-dire plus elle sera sévère, en retranchant de vos personnes tout ce qui flattait vos sens, tout ce qui favorisait vos passions , tout ce qui faisait le prétendu bonheur de votre vie ; et plus alors cette pénitence, qui semble au dehors si triste et si dure, vous deviendra douce et aimable, parce que vous y trouverez l'abondance de la paix.

Ce ne fut point une parole sans effet que celle de Jésus-Christ à Madeleine, Vade in pace; mais cette parole divine opéra dans son cœur tout ce qu'elle signifiait. Dans un moment, cette mondaine, dégagée de la servitude du monde , commença à goûter la sainte liberté des enfants de Dieu ; dans un moment, cette âme, exposée à tous les troubles que cause immanquablement l'amour du monde , commença à jouir d'un repos inaltérable ; dans un moment, cette conscience déchirée de mille remords commença à sentir cette joie intérieure que donne une sainte assurance, et que l'Ecriture compare à un repas délicieux; dans un moment, cette pécheresse, délivrée de son péché comme d'un fardeau qui l'accablait, commença à se trouver toute remplie de l'onction de la grâce. Ce n'était point en se ménageant elle-même, en s'épargnant, en sauvant de ses premières habitudes tout ce qu'elle en eût cru pouvoir réserver sans crime; ce n'était point, dis-je, par là qu'elle se fût établie et maintenue dans un calme si parfait; mais c'est en se dépouillant de tout, en se refusant tout, en s'immolant tout entière elle-même, qu'elle se mit dans une disposition si tranquille et si heureuse. Car, au milieu de toutes les rigueurs de sa pénitence, quel soutien et quelle consolation

 

1 Luc., VII, 47. — 2 Ibid., 50.

 

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était-ce pour elle de penser qu'elle satisfaisait à Dieu, qu'elle s'acquittait auprès delà justice de Dieu, qu'elle réparait la gloire de Dieu, qu'elle se tenait en garde contre tout ce qui pouvait lui faire perdre l'amour de Dieu, qu'elle purifiait son cœur, et le disposait à recevoir les plus intimes communications de Dieu? et d'ailleurs qui peut dire de quelles douceurs secrètes Dieu comblait cette âme ainsi purifiée et préparée, de quelles lumières il l'éclairait, de quel feu il l'embrasait, de quelles visites il la gratifiait, quels sentiments, quels transports il y excitait?

Voilà, Chrétiens, ce que vous éprouverez vous-mêmes; et si vous sortez de ce discours, déterminés comme Madeleine à cette pénitence efficace, qui est le caractère des âmes bien converties; voilà ce que je puis vous promettre de la part de Dieu. Vade in pace : Allez en paix, et n'écoutez point les retours de la nature. Le sacrifice que je vous demande l'effraye; et plus vous donnerez d'attention à ses frayeurs, plus elles augmenteront et vous troubleront. Mais comptez sur la parole de Jésus-Christ, et, malgré toutes les frayeurs, entreprenez, commencez , agissez : bientôt vous verrez que c'étaient des frayeurs chimériques. Je ne vous dis pas que vous recevrez toutes les faveurs divines dont Madeleine fut gratifiée dans son désert ; mais sans que Dieu vous fasse part de ces dons extraordinaires et miraculeux, je dis que, par un miracle de sa grâce encore plus grand, il vous rendra doux ce qui vous semble plus amer; qu'il vous rendra non-seulement supportable, mais léger, mais agréable et aimable, ce qui vous parait plus pesant: que, dans le renoncement même à toutes les consolations du siècle, il vous fera trouver la plus pure et la plus sensible consolation. Ah ! s'écriait saint Augustin, parlant de sa pénitence et de ce qu'il y sentit, quel plaisir fût-ce tout à coup pour moi de me passer de tous les plaisirs ; et ces vanités humaines où j'avais pris tant de goût, qu'elles me devinrent insipides! Quoi qu'il en soit, mon cher auditeur, puisque vous avez péché , il n'y a point d'autre moyen de salut pour vous que la pénitence ; ou tout autre moyen sans celui-là vous est inutile. Dieu pouvait vous le refuser ; mais il vous l'accorde encore : il vous fait voir l'exemple de Madeleine pour vous exciter, il vous tend les bras pour vous inviter, il vous parle par la bouche de son ministre, pour vous appeler. Entrez dans la voie qui vous est ouverte: ne dussiez-vous y trouver que des épines, il faut la prendre et y marcher ; car c'est la seule voie qui vous reste pour vous préserver du souverain malheur, et pour arriver à l'éternité bienheureuse que je vous souhaite, etc.

 

 

 

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