INSTRUCTION CAREME

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INSTRUCTION POUR LE TEMPS DU CAREME (1).

ANALYSE.

 

Le temps du carême est un temps de pénitence.

La loi de la pénitence en général est une loi indispensable.

La pénitence du carême ne consiste pas précisément dans l'abstinence ni dans le jeûne, mais dans l'esprit d'une salutaire componction.

A cet esprit de pénitence doit nous porter a la mortification de nos passions et à un véritable changement de cœur.

A cette pénitence il faut joindre les œuvres extérieures, autant qu'elles nous peuvent convenir : mortification des sens, exercices de charité.

Surtout il faut pratiquer l'aumône.

Retrancher les plaisirs et les vaincs joies du monde.

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Se tenir dans la retraite, à l'exemple de Jésus-Christ.

Assister à la parole divine et vaquer à la lecture.

Approcher des sacrements.

Enfin méditer souvent la passion et les souffrances du Fils de Dieu.

Prière à Dieu pour le remercier de nous avoir encore accordé ce temps de miséricorde et d'expiation de nos péchés.

 

1 Cette instruction fut faite pour une dame de qualité.

 

 

I.  Représentez-vous bien que le carême est un temps consacré à la pénitence, et qu'on peut par conséquent lui appliquer ce que saint Paul disait aux Corinthiens : Voici maintenant le temps favorable : voici les jours du salut (1) ; parce qu'il n'y a point de temps dans l'année plus favorable pour nous que celui où nous travaillons à apaiser la colère de Dieu, ni de jours plus précieux pour le salut que ceux qui sont employés à expier nos péchés. C'est donc à vous d'entrer dans ce sentiment de l'Apôtre. Quoique toute votre vie doive être une pénitence continuelle, eu égard aux fautes dont vous vous reconnaissez coupable devant Dieu, c'est particulièrement dans le carême que vous devez vous attacher à la pratique et aux exercices d'une vertu si importante et si nécessaire ; en sorte que vous puissiez dire : Voici maintenant le temps favorable pour moi, et qu'en effet ce soit pour vous un temps de pénitence. Car quel reproche auriez-vous à soutenir de la part de Dieu, si, pendant que toute l'Eglise est en pénitence , vous n'y étiez pas ; et si par le malheur et le désordre ou d'une vie lâche et dissipée, ou d'une vie molle et sensuelle, vous passiez ce temps du carême sans participer en aucune manière à la pénitence publique des chrétiens ! puisqu'alors , bien loin qu'il fût pour vous ce temps de grâce et de salut dont parle saint Paul, il ne servirait qu'à votre condamnation , et qu'il s'en suivrait de là que votre impénitence, criminelle en tout autre temps , le serait doublement en celui-ci.

II.  Il n'y a nulle raison qui puisse vous dispenser de la pénitence, parce que la loi de la pénitence est une loi générale, dont personne n'est excepté ; une loi qui dans tous les états de la vie se peut accomplir, et contre laquelle la prudence de la chair ne peut jamais rien alléguer que de vain et de frivole. Plus il vous paraît difficile, dans la place où vous êtes, d'observer exactement cette loi, plus vous devez faire d'efforts pour vous y assujettir, parce que c'est justement pour cela que vous avez encore plus besoin de pénitence. Vos infirmités mêmes, au lieu de vous rendre impossible l'observation de cette loi, sont au contraire , dans les desseins de Dieu, de puissants secours pour

 

1 2 Cor., VI, 2.

 

vous aider à y satisfaire , soit en vous tenant lieu de pénitence, lorsqu'elles vont jusqu'à l'accablement des forces, comme il arrive dans les maladies : soit en vous servant de sujets pour remporter sur vous de saintes victoires, quand ce ne sont que des incommodités ordinaires que vous devez alors surmonter par la ferveur de l'esprit, afin que vous fassiez de votre corps, selon l'expression du maître des Gentils, une hostie vivante et agréable aux yeux de Dieu. La pratique tout opposée où vous avez vécu doit non-seulement vous confondre, mais vous animer contre vous-même, et vous exciter fortement à réparer tout ce que l'amour-propre vous a fait commettre au préjudice de cette divine loi de la pénitence ; car voilà les sentiments avec lesquels vous devez commencer le carême : résolue d'une façon ou d'autre, de subir cette loi, que vous ne devez point regarder comme un joug pesant, ni comme une loi onéreuse , mais plutôt comme une loi de grâce d'où dépend tout votre bonheur.

III. Toute la pénitence du carême, comme l'a très-bien remarqué saint Léon, pape, ne se réduit pas à jeûner, ni à s'abstenir des viandes défendues ; c'en est bien une partie, mais ce n'est pas la principale ni la plus essentielle. Quoique le précepte de l'abstinence et du jeûne cesse en certaines conjonctures, celui de la pénitence subsiste toujours ; et comme il y a dans le monde des chrétiens relâchés, qui, par une espèce d'hypocrisie, jeûnent sans faire pénitence, ou parce qu'ils jeûnent sans renoncer à leur péché,00 parce qu'ils trouvent le moyen, par mille adoucissements, déjeuner sans se mortifier, ce qu'on peut appeler l'hypocrisie du jeûne, si souvent condamnée dans l'Ecriture : aussi, par une conduite toute contraire, les âmes fidèles à Dieu , quand le jeûne leur devient impossible, savent bien faire pénitence sans jeûner, parce que sans jeûner elles savent se vaincre elles-mêmes, s'interdire les délices de la vie, marcher dans les voies étroites du salut, et pratiquer en tout le reste la sévérité de l'Evangile. Suivez cette règle, et tenez-vous d'autant plus obligée à la pénitence, que vous vous sentez moins capable de garder à la lettre et dans la rigueur le commandement du jeûne. Car il est certain que la dispense

 

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de l'un ne vous peut être qu'un surcroît d'engagement pour l'autre. Si vous raisonnez en chrétienne, c'est ainsi que vous en devez user, afin que Dieu ne perde rien de ses droits, et que la délicatesse de votre santé ne vous empêche point de remplir la mesure de votre pénitence.

IV.  En conséquence de ces principes, la première chose que Dieu demande de vous, et que vous devez vous-même demander à Dieu pour tout ce saint temps, c'est l'esprit d'une salutaire componction, cet esprit de pénitence dont David était pénétré, et dont il faut qu'à son exemple vous vous mettiez en état de ressentir l'impression et l'efficace. C'est-à-dire que votre plus solide occupation pendant le Carême doit être de repasser tous les jours devant Dieu, dans l'amertume de votre âme, les désordres de votre vie, d'en reconnaître avec douleur la grièveté et la multitude, de nous en humilier, de vous en affliger, de ne les perdre jamais de vue : tellement que vous puissiez dire comme ce saint roi : Seigneur, mon péché m'est toujours présent (1). Car, selon l'Ecriture, voilà en quoi consiste l'esprit de la pénitence. Or, une excellente pratique pour cela même, c'est que pendant le carême vous fassiez toutes vos actions dans cet esprit, et par le mouvement de cet esprit ; allant, par exemple, à la messe comme au sacrifice que vous allez offrir vous-même pour la réparation de vos péchés; priant comme le publicain, et ne vous présentant jamais devant Dieu qu'en qualité de pénitente accablée du poids de vos péchés ; vous assujettissant de bon cœur aux devoirs pénibles de votre état, comme à des moyens d’effacer nos péchés; vous proposant pour motif dans chaque bonne œuvre de racheter vos péchés ; vous levant et vous couchant avec cette pensée: Je suis une infidèle, et Dieu ne nie soutire sur la terre qu'afin que je fasse pénitence de mes péchés. Cette vue continuelle de vos péchés vous entretiendra dans l'esprit de la pénitence, et rien ne vous aidera plus à l'acquérir et à le conserver, que de vous accoutumer à agir de la sorte.

V.  Cet esprit de pénitence, si vous êtes assez heureuse pour en être touchée, doit produire en vous un effet qui le suit naturellement, et qui en est la plus infaillible marque; savoir, la pénitence de l'esprit, c'est-à-dire une ferme et constante disposition où vous devez être de mortifier votre esprit, votre humeur, vos passions, nos inclinations, vos mauvaises habitudes,

 

1 Psal. L, 5.

 

mais par-dessus tout votre orgueil, qui est peut-être dans vous le plue grand obstacle à la pénitence chrétienne : car le fond de la pénitence chrétienne, c'est l'humilité ; et tandis qu'un orgueil secret vous dominera, ne comptez point sur votre pénitence. Il faut donc, pour répondre aux desseins de Dieu, qu'en même temps que vous célébrez le carême avec l'Eglise, animée de l'esprit de la pénitence, vous vous appliquiez à être plus humble, plus douce, plus patiente, plus compatissante aux faiblesses d'autrui, plus vide de l'estime de vous-même ; que vous parliez moins librement des défauts de votre prochain, que vous soyez moins prompte à le condamner; que si, malgré vous, vous en avez du mépris, vous n'y ajoutiez pas la maligne joie de le témoigner ; car si vous ne prenez sur tout cela nul soin de vous contraindre, quelque pénitence que vous puissiez faire, vous ne commencez pas par celle qui doit justifier devant Dieu toutes les autres, et sans laquelle toutes les autres pénitences sont inutiles. En vain, disait un prophète, déchirons-nous nos vêtements, si nous ne déchirons nos cœurs : c'est le changement du cœur et de l'esprit qui fait la vraie pénitence ; autrement, ce que nous croyons être pénitence n'en est que l'ombre et le fantôme. Du reste, il n'y a personne à qui convienne plus qu'à vous cette pénitence de l'esprit, puisque vous confessez vous-même que c'est principalement par l'esprit que vous avez péché.

VI. La pénitence purement intérieure ne suffit pas, et tous les oracles de la foi nous apprennent qu'il y faut joindre l'extérieure, parce que la corruption du péché s'étant également répandue sur l'homme extérieur et sur l'homme intérieur, Dieu, dit saint Augustin, exige de nous, selon l'un et l'autre, le témoignage de notre condition. Conformément à cette maxime, vous devez être pendant le carême plus fidèle que jamais aux petites mortifications que Dieu vous a inspiré de vous prescrire à vous-même, afin qu'au moins en quelque chose vous ayez la consolation , suivant la parole de saint Paul, de porter sur votre corps la mortification du Seigneur Jésus, et quelle paraisse dans votre chair mortelle (1). Par la même raison, le temps du carême doit encore allumer votre ferveur, pour rendre aux malades que Dieu confie à vos soins les visites de charité, et même les services humiliants qu'ils attendent de vous : car ces services et

 

1 2 Cor., IV, 11.

 

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ces visites sont pour vous des œuvres de pénitence ; et vous devez vous souvenir que comme la foi est morte sans les œuvres, ainsi l'esprit de pénitence s'éteint peu à peu, quand il n'est pas entretenu par les œuvres de la pénitence. Vous ne devez pas non plus négliger, autant qu'il dépend de vous, d'être plus modeste dans vos habits pendant le carême, qu'en tout autre temps de Tannée , puisque le Saint-Esprit, en mille endroits de l'Ecriture, fait consister dans cette modestie un des devoirs de la pénitence des pécheurs : d'où vient que les pénitents de la primitive Eglise se revêtaient du cilice et se couvraient de cendres. Vous ne professez pas une autre religion qu'eux ; et tout votre zèle, à proportion et dans l'étendue de votre condition, doit être de vous conformer à eux.

VII. L'aumône, selon la doctrine des Pères, ayant toujours été considérée comme inséparable du jeûne, parce que les pauvres, disaient-ils, doivent profiter de la pénitence des riches, il est évident que cette obligation des riches devient encore bien plus grande a leur égard, quand   par   des   raisons   légitimes  ils   sont dispensés   de  jeûner.  L'aumône   n'est  plus alors un simple accompagnement, mais un supplément du jeûne, dont elle doit tenir la place. Il faut donc qu'elle soit plus abondante, comme étant due à double titre, et du jeûne et de l'aumône même. C'est par Là que vous devez mesurer et régler vos aumônes  pendant ce saint temps, ne vous contentant pas des aumônes que la loi commune de la charité vous engage à faire en toute sorte de temps, mais en faisant  d'extraordinaires que  la loi de la pénitence y doit ajouter, parce qu'il est constant qu'une pécheresse doit  bien plus à Dieu   sur ce   point,   qu'une   chrétienne qui aurait conservé la grâce de son innocence. Vos aumônes, pour être le supplément de votre jeûne , et pour faire partie de votre pénitence, doivent être des aumônes qui vous coûtent ; je veux dire que vous les devez faire de ce que vous vous serez refusé à vous-même, et qu'une de vos dévotions du carême doit être de sacrifier à Dieu certaines choses dont vous voudrez bien vous priver pour avoir de quoi secourir votre prochain, préférant le soulagement de ses misères à votre sensualité, à votre curiosité, à votre vanité. C'est par de semblables victimes, dit le saint apôtre , qu'on se rend Dieu favorable.

VIII. Ce n'est pas assez : mais pour sanctifier le carême, il faut de plus retrancher les plaisirs et les vaines joies du monde;  rien n'étant plus opposé à l'esprit de la religion , beaucoup plus à l'esprit de la pénitence, que ce qui s'appelle plaisir, surtout dans un temps dédié à la pénitence solennelle de l'Eglise. Ainsi nue âme chrétienne doit alors , non-seulement abandonner tous les divertissements profanes qui ne sont permis en nul autre temps, comme les spectacles , les comédies , les danses ; mais même les jeux innocents, les conversations mondaines, les assemblées, les promenades, tout ce qui peut faire perdre l'esprit de recueillement et de componction. Il n'y a pas jusques aux personnes les plus séparées du monde par leur état de vie, qui ne doivent entrer dans cette pratique, ayant un soin particulier pendant le temps du carême, de s'abstenir de certaines récréations, et d'en faire à Dieu le sacrifice. Ce qui doit néanmoins s'entendre des choses qui ne sont ni nécessaires, ni utiles, et dont on se peut passer sans préjudice d'un plus grand bien. Ce qu'on accorde même pour lors ou à la santé, ou à une honnête relâche de l'esprit doit être accompagné d'une secrète douleur de se voir réduit à la nécessité de prendre ces petits soulagements, et à l'impuissance de faire une pénitence parfaite, telle qu'on voudrait la pouvoir faire pour s'acquitter pleinement auprès de Dieu.

IX. Jésus-Christ, durant son jeûne de quarante jours, se retira au désert, et quittâmes! ses disciples : d'où vous devez conclure que le carême des chrétiens doit être pour eux un temps de retraite et de séparation du monde, puisque le Fils de Dieu n'en usa de la sorte que pour notre instruction, et non pas pour sa propre sanctification ; et que le jeûne qu'il observa ne fut que pour servir de modèle au notre. Car c'est ce que tous les Pères de l'Eglise nous ont enseigné. Formez-vous sur ce grand exemple. Faites-vous une règle de vous séparer du monde, non par l'amour de votre repos, mais par le désir et le zèle de votre perfection. A l'exemple de votre Sauveur,  et conduite comme lui par l'Esprit de Dieu, allez passer certains jours dans votre solitude, pour j tiquer à Dieu et à vous-même. Ne vous conteniez pas de cela : mais sans changer de lieu, ni en faire dépendre votre dévotion, établissez-vous au milieu de vous-même une solitude intérieure, où, dans le silence et hors du tumulte, vous communiquiez avec Dieu, donnant tous les jours du carême plus de temps à l'oraison et à la prière. Est-il personne au monde, sans exception, à qui cet exercice de retraite, joint à l'oraison et à une sainte communication avec

 

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Dieu, soit si nécessaire qu'à vous? Disposez-vous donc à en tirer tous les avantages que Dieu par sa miséricorde y a attachés pour voire salut. Car c'est à vous-même et de vous-même que Dieu dit, par le prophète Osée : Je la conduirai dans la solitude et là je lui parlerai au cœur (1).

X.  La parole de Dieu a été , dès les premiers siècles du christianisme, la nourriture spirituelle dont l'Eglise , pendant le jeûne du carême, a pourvu ses enfants, et l'usage en est encore aujourd'hui très-commun. Vous devez là-dessus , non-seulement accomplir votre devoir , mais l'accomplir exemplairement : fous affectionnant à la divine parole qui vous est prêchée, vous y rendant assidue, l'estimant, la goûtant, la méditant, craignant d'en abuser ou de la négliger, portant les autres à l'entendre comme vous, et lui donnant du crédit, quand ce ne serait que pour empêcher l'avilissement où elle tombe. Par là vous aurez part à la béatitude de ceux qui l'honorent : car c'est Jésus-Christ lui-même qui les a déclarés bienheureux. Au défaut de la prédication, lorsque vous serez dois d'état d'y assister, et même quand vous y assisterez, vous devez aller à la source de cette parole toute sainte, lisant chaque jour du carême l'évangile qui lui est propre; mais le lisant avec respect, avec attention , avec foi, parce que c'est la parole pure et immédiate du Saint-Esprit, et qu'en ce sens cette parole est encore plus vénérable que celle qui vous est annoncée par le ministère des hommes.

XI.  Ajoutez qu'une des fins du carême et de son institution est de préparer les fidèles à la Communion pascale, et que c'est à quoi vous devez singulièrement penser, travaillant plus que jamais à purifier votre conscience , faisant les confessions avec plus d'exactitude, rentrant plus souvent en vous-même pour vous éprouver, afin que dans la solennité île Pâques Jésus-Christ vous trouve plus digne d'approcher de lui et de ses divins mystères. Il serait bon que nous fissiez pour cela, d'année en année, une espèce de revue durant le carême, pour remédier a nos relâchements et à vos tiédeurs. Par cette confession générale depuis la dernière, nous vous renouvelleriez et vous disposeriez à la fête qui approche, et qui doit être le renouvellement universel de toutes les âmes chrétiennes. Du reste , la plus excellente préparation pour bien communier est, selon saint Chrysostome, la communion même. Vous ne pouvez mieux vous disposer à celle de Pâques, que par les communions fréquentes et ferventes du carême. Car voilà pourquoi dans la plupart des Eglises d'Occident, comme nous l'apprenons des anciens conciles, la coutume était, pendant le carême, de communier tous les jours. Coutume que saint Charles souhaita si ardemment de rétablir dans l'Eglise de Milan, n'ayant point trouvé de moyen plus efficace pour préparer les peuples au devoir pascal, que d'ordonner dans le temps du carême la fréquentation des sacrements. Pourquoi donc ne vous conseillerais-je pas la même pratique, puisque j'en ai les mêmes raisons, et que je suppose de votre part les mêmes dispositions.

XII. Enfin le carême, de la manière qu'il est institué dans le christianisme, se rapportant tout entier au grand mystère de la passion de Jésus-Christ, qui en est le terme, c'est surtout dans cette sainte quarantaine que vous devez être occupée du souvenir des souffrances du Sauveur. Souvenir que Jésus-Christ attend de vous, et auquel vous ne pouvez manquer sans vous rendre coupable de la plus énorme ingratitude. Souvenir qui vous doit être infiniment avantageux, et que vous ne pouvez perdre sans renoncer aux plus solides intérêts de votre salut. C'est, dis-je, dans le temps du carême que vous devez vous l'imprimer profondément, ce souvenir, afin qu'il ne s'efface jamais de votre âme, et qu'à tous les moments de votre vie vous puissiez vous écrier : Ah ! Seigneur, j'oublierais plutôt ma main droite que je n'oublierais ce que vous avez souffert pour moi. Il est donc important que vous ne passiez aucun jour du carême sans lire dans les évangélistes quelque chose de la passion du Fils de Dieu et de sa mort. Quels miracles de vertu, pour peu «pie vous y soyez attentive, n'y découvrirez-vous pas? Le souvenir des souffrances d'un Dieu vous rendra tous les exercices de la pénitence non-seulement supportables, mais aimables ; et l'une des plus douces pensées pour vous, et des pratiques les plus consolantes dans la suite du carême, sera d'unir votre pénitence à la pénitence de Jésus-Christ. Telle était la dévotion de saint Paul, quand il disait : Je suis attaché à la croix avec Jésus-Christ (1); ne séparant point la croix de Jésus-Christ d'avec la sienne, et n'en faisant qu'une des deux. Mais pour parvenir à cette dévotion du grand Apôtre, il faut que le mystère de la passion soit le sujet le plus ordinaire de vos considérations et de vos réflexions.

 

1 Galat., II, 19.

 

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XIII. Voilà les avis que j'ai à vous donner pour un temps qui vous doit être si précieux. Vous ne pouvez trop reconnaître la bonté de Dieu qui vous l'accorde, et qui veut bien accepter le bon emploi que vous en ferez pour la rémission de vos fautes. Car il y a dans cette conduite de Dieu envers vous une double miséricorde, dont vous ne sauriez assez le bénir, ni lui témoigner assez votre reconnaissance, lié! Seigneur, devez-vous lui dire, qu'ai-je fait, et par où ai-je mérité que vous m'ayez ainsi attendue, et que vous m'ayez fourni un moyen si facile de payer à votre justice tant de dettes dont je me trouve chargée? Vous n'avez pas voulu me perdre comme des millions d'autres; et bien loin de me traiter comme eux dans toute la rigueur de vos jugements, vous vous relâchez en quelque sorte pour moi de tous vos droits. A combien de pécheurs et de pécheresses, moins coupables que moi, avez-vous refusé ce temps de pénitence, et quelle proportion y a-t-il entre cette pénitence que votre Eglise m'impose, et toutes les infidélités de ma vie? Mais plus vous m'épargnez, mon Dieu, moins je m'épargnerai moi-même; et plus vous usez d'indulgence envers une misérable créature pour lui faciliter la juste réparation qu'elle vous doit, plus j'userai de sévérité pour vous rendre, non pas toute la gloire que je vous ai ravie, et qui vous est due, mais toute celle au moins que je suis en état de vous procurer. Que n'ai je été toujours animée de ce sentiment! je n'aurais point tant écouté mille prétextes, que l'esprit du monde, que la nature corrompue, que ma faiblesse et mon amour-propre me suggéraient. Mais si je n'ai pas profité du passé, vous voyez, Seigneur, la résolution où je suis de ne laisser rien échapper du présent, ni de l'avenir, autant qu'il vous plaira de me donner encore de jours. Daignez, mon Dieu, me confirmer dans cette heureuse disposition; et comme votre grâce me l'inspire, qu'elle m'aide à la soutenir. Ainsi soit-il.

 

 

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