INSTRUCTION MORT

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
AVERTISSEMENT
EXHORTATIONS CHARITÉ I
EXHORTATION CHARITÉ II
EXHORTATIONS CHARITÉ III
EXHORTATIONS CHARITÉ IV
EXHORTATIONS CHARITÉ V
EXHORTATIONS CHARITÉ VI
EXHORTATION CHARITÉ VII
COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES I
COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES II
COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES III
COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES IV
EXHORTATION PRÊTRES
EXHORTATIONS CARÊME I
EXHORTATIONS CARÊME II
EXHORTATIONS CAREME III
EXHORTATIONS CAREME IV
EXHORTATIONS CAREME V
EXHORTATIONS CAREME VI
EXHORTATIONS CAREME VII
EXHORTATIONS CAREME VIII
EXHORTATION CAREME IX
EXHORTATIONS CAREME X
INSTRUCTION AVENT
INSTRUCTION CAREME
INSTRUCTION PAQUES
INSTRUCTION ST-SACREMENT
INSTRUCTION ASSOMPTION
INSTRUCTION MORT
INSTRUCTION PAIX
INSTRUCTION CHARITÉ
INSTRUCTION FOI
INSTRUCTION SALUT
INSTRUCTION ÉTAT DE VIE
INSTRUCTION COMMUNION
DU SALUT
DE LA FOI ET DES VICES
PÉNITENCE
DE LA DÉVOTION
DE LA PRIERE
ORAISON DOMINICALE
DE L'HUMILITÉ
DE LA CHARITÉ CHRÉTIENNE
DE L'ÉGLISE
DE L’ÉTAT RELIGIEUX
RETRAITE SPIRITUELLE
VEILLE DE LA RETRAITE
PREMIER JOUR
DEUXIÈME JOUR
TROISIÈME JOUR
QUATRIÈME JOUR
CINQUIÈME JOUR
SIXIÈME JOUR
SEPTIÈME JOUR
HUITIÈME JOUR

INSTRUCTION SUR LA MORT (1)

ANALYSE

 

La pensée de se préparer à la mort est une grâce.

Cette pensée de la mort doit produire d'abord en nous le détachement du monde.

Le détachement du monde ne peut être parfait, si nous n'y joignons le détachement de nous-mêmes.

Ni l'un ni l'autre ne doit aller jusqu'à nous faire négliger les choses de la vie et les soins temporels dont la Providence nous a chargés.

Nous devons encore tirer de la pensée de la mort une autre conséquence, qui est de nous hâter de faire le bien que Dieu demande de nous.

Jésus-Christ ne nous a pas dit seulement : Préparez-vous quand la mort viendra; mais : Soyez prêts.

La pensée de la mort est un remède contre la tiédeur dans les exercices de la religion.

Enfin, elle nous doit servir pour résoudre toutes les difficultés que nous pouvons avoir dans la conduite de notre vie.

 

1 Cette instruction fut faite pour une dame de qualité.

 

I. Vous devez établir pour principe, que la puisée qui vous est venue de vous préparer à la mort, et de faire désormais de cet exercice votre occupation principale,est non-seulement une grâce, mais la plus précieuse de toutes les grâces que vous pouviez recevoir de Dieu, et que Dieu, qui veille sur vous par un effet de sa miséricorde, vous a inspiré cette pensée pour vous engager plus que jamais à le servir en esprit et en vérité, et pour vous préserver par là de la corruption du monde, et en particulier des dangers de votre état ; car il est évident que le souvenir et la vue de la mort est le Doyen le plus efficace et le plus infaillible dont vous puissiez user pour conserver dans Votre état, et au milieu du monde, l'esprit de votre religion. Il est donc maintenant question que vous soyez fidèle à cette grâce, et que, répondant aux desseins de Dieu, vous en tiriez tout le fruit que vous en devez tirer pour la sanctification de votre vie, et pour l'accomplissement du grand ouvrage de votre concision.

II.  La première impression que doit faire en mus cette grâce ou cette pensée de vous préparer à la mort, est un solide et parfait détachement de toutes les choses du monde. Peut-être, dans les sentiments que Dieu vous donne, roua y croyez-vous déjà parvenue, et si cela était ainsi, j'en remercierais Dieu pour vous : mais quand vous aurez bien considéré ce que c'est qu'un détachement parfait et solide, peut-être aussi avouerez-vous que vous en êtes encore bien éloignée. Quoi qu'il en soit, il faut que vous en commenciez la pratique par la méditation fréquente de ces admirables paroles de saint Paul : Voici donc, mes Frères, ce que je vous dis : Le temps est court ; ainsi, que ceux qui possèdent des biens vivent comme ne les possédant pas ; ceux qui sont dans les honneurs comme n'y étant pas ; ceux qui usent de ce monde, comme n'en usant pas; car la figure de ce monde passe (1). Ces paroles ont quelque chose de divin qui se fait sentir. En effet, être élevé, honoré, heureux dans le monde, et devoir bientôt mourir, c'est comme être élevé et ne l'être pas, comme être honoré et ne l'être pas, comme être heureux et ne l'être pas. Ce terme de mourir efface, détruit tous les autres; et malgré nous-mêmes, pour peu que nous soyons raisonnables, il anéantit dans notre idée et dans notre estime ces prétendus biens et ces prétendus honneurs que nous sommes à la veille de quitter.

III. Soyez bien persuadée que ce détachement du monde ne peut être en vous, ni solide ni parfait, s'il ne renferme le détachement de vous-même ; et que c'est particulièrement dans vous-même qu'est ce monde corrompu, dont la pensée de la mort doit vous détacher; que hors de là, le détachement de tout le reste ne coûte rien ; qu'il n'y a que le détachement de soi-même qui soit difficile, et qui soit une vertu chrétienne, puisque tout autre détachement que celui-là s'est trouvé dans les païens ; qu'il ne s'agit donc pas de vous détacher des richesses ni des plaisirs du monde, dont peut-être vous vous souciez peu, mais de vous-même : c'est-à-dire, par exemple, qu'il s'agit

 

1 1 Cor., VII, 31.

 

222

 

que vous soyez sincèrement préparée à tout ce qui pourrait vous arriver de plus mortifiant et de plus humiliant ; à voir paisiblement et sans trouble vos sentiments contredits, vos desseins traversés, vos inclinations choquées ; en un mot, à vous voir vous-même, si Dieu le permettait ainsi, méprisée, rebutée, déchue de l'état de prospérité où il lui a plu de vous élever : car voilà ce que j'appelle le bienheureux détachement où vous devez aspirer, et que la vue de la mort doit opérer en vous. Sans cela, quelque détachée que vous soyez du monde, ou que vous paraissiez l'être, vous ne devez jamais compter d'être parfaite selon Dieu. Cette réflexion pourra vous être d'une grande utilité pour le discernement de vos dispositions intérieures.

IV. Prenez bien garde que ce détachement du monde, causé par la vue de la mort, ne se tourne en ennui, et n'aille quelquefois jusqu'au dégoût des choses à quoi Dieu veut que vous soyez appliquée, et qui sont pour vous des devoirs dans l'ordre de la Providence : car, à force d'envisager la mort, de la voir présente, on peut tomber dans ce dégoût, et dans une certaine indifférence pour toutes les choses du monde, qui fait qu'on se ralentit dans ses devoirs mêmes, parce qu'on ne voit plus rien dans le monde qui vaille la peine pour ainsi dire, de s'y affectionner. Il faut donc alors monter plus haut, et regarder les choses du monde, non plus dans la simple vue de la mort, mais dans la vue de ce qui la suit; c'est-à-dire, du jugement de Dieu, où nos actions doivent être pesées selon la mesure de nos obligations. La pensée de la mort ne doit pas, sous prétexte de détachement, nous abattre le courage, et beaucoup moins doit-elle nous porter au relâchement ; elle doit retrancher l'excès, l'empressement, l'impatience et l'inquiétude de nos désirs trop impétueux et trop ardents ; mais elle ne doit pas refroidir les désirs louables et honnêtes , que le zèle de notre condition et de notre religion nous oblige d'avoir. Retenez bien ces deux maximes, qui, jointes ensemble , font un merveilleux tempérament dans l’âme chrétienne. Il faut vivre détaché de tout, parce qu'il faut être prêt à mourir bientôt; mais en même temps il faut s'appliquer, vaquer, pourvoir et satisfaire à tout, parce qu'il faut rendre compte à Dieu de notre vie. Si vous sépariez l'un de l'autre, le détachement même du monde ne serait plus une préparation à la mort, parce que ce serait un détachement mal entendu et mal réglé.

V.  Vous appliquant ces paroles de saint Paul: Le temps est court, tirez-en une autre conséquence , qui n'est pas moins essentielle que ce détachement du monde, savoir : combien il est donc nécessaire que vous vous hâtiez de faire le bien que Dieu demande" de vous et qu'il attend de vous ; car le plus grand de tous les malheurs qui pourrait vous arriver serait que vous fussiez prévenue de la mort, en laissant l'ouvrage de Dieu imparfait. Il faut, s'il est possible, que vous puissiez dire à Dieu, par proportion, ce que Jésus-Christ disait à son Père : J'ai achevé, Seigneur, l'ouvrage dont vous m'aviez chargé (1). Dans la condition où Dieu vous a appelée, vous savez à quoi cela s'étend, non-seulement par rapport à vous-même, mais peut-être encore davantage par rapport aux autres. Quelle consolation, si vous pouviez , en mourant, vous rendre le témoignage que Jésus-Christ se rendit sur la croix, en disant : Tout est accompli (2). Mais pour cela, encore une fois , il faut vous hâter et profiter du temps, dont tous les moments sont précieux ; ne remettant point au lendemain ce que vous pouvez faire aujourd'hui, ne couvrant point votre paresse du voile d'une fausse prudence, exécutant ponctuellement ce que Dieu vous inspire, en faisant le bien , comme dit saint Paul, pendant que vous le pouvez et que Dieu vous donne le temps de le faire. Agir de la sorte, c'est se préparer solidement à la mort.

VI.   Considérez bien que Notre - Seigneur, instruisant ses disciples sur cette importante matière, ne leur disait pas : Préparez-vous; mais : Soyez prêts (3) ; car il arrive tous les jours aux enfants du siècle ce qui arriva aux vierges folles. Elles se préparaient, et même avec empressement, pour aller au-devant de l'Epoux : cependant on leur ferma la porte. Combien ai-je connu dans le monde de personnes qui ont été surprises de la mort, dans le temps qu'elles formaient des desseins, qu'elles prenaient des mesures, qu'elles faisaient même déjà quelques démarches pour leur salut ? Tout cela était un commencement de préparation : mais parce qu'une préparation commencée ne suffit pas, et qu'il en faut une complète ; par un terrible jugement de Dieu, qui était peut-être le châtiment de leurs infidélités passées, malgré leur préparation même, Dieu les rejetait, parce qu'elles n'étaient pas entièrement préparées. Examinez donc les plis et les replis de votre cœur, pour vous rendre

 

1 Joan., XVII, 4. — 2 Ibid., XIX, 30. — 3 Matth., XXIV, 44.

 

223

 

cette vérité salutaire. Voyez s'il y a encore quelque chose en vous qui soit un obstacle à cette préparation consommée où vous devez être pour trouver grâce auprès de Dieu, quand il faudra paraître devant lui ; car ce serait assez d'un seul point pour vous faire éprouver le malheureux sort de ces vierges folles de l’Evangile.

VII. Mais le principal usage que vous devez faire de la pensée de la mort et de l'obligation de vous y préparer, est que cela même vous soit un remède contre le désordre que vous avez le plus à craindre, qui est la tiédeur et la lâcheté dans les exercices de la religion. Or, ce remède est non-seulement souverain, mais facile : car vous n'avez pour cela qu'à vous mettre dans la disposition où vous voudriez être si vous étiez sur le point de mourir : par exemple, ne vous approcher jamais du sacrement de pénitence qu'avec la même contrition que vous voudriez avoir à la mort; ne communier jamais qu'avec la même foi et le même zèle que vous communieriez à la mort. Et cela n’est-il pas juste, et même dans le bon sens ? Cette vue de la mort répandra dans vos actions un esprit de ferveur qui vous deviendra même sensible ; ces actions ainsi faites sanctifieront votre vie, et vous ne serez point exposée à la malédiction des âmes lâches qui font l'œuvre de Dieu négligemment ; une de ces actions vous attirera plus de grâces que cent autres : et voilà comment votre vie sera une préparation continuelle à une heureuse et précieuse mort.

VIII. Servez-vous de la pensée de la mort pour vous déterminer et pour vous résoudre sur toutes les difficultés que vous pourrez avoir dans la conduite de votre vie. Il n'y a point de règle plus sûre que celle-là : Que penserai-je à la mort de ce que j'entreprends aujourd'hui ? Cette vue de la mort vous servira de conseil et de lumière pour ne prendre jamais un mauvais parti, et pour ne vous repentir jamais de ce que vous aurez fait ; rien ne décidera mieux vos doutes, ni n'éclairera mieux les choses où il vous paraîtra de l'obscurité ; et au défaut de celui que vous avez choisi pour votre guide dans la voie du salut éternel, vous aurez toujours dans vous-même un conseiller fidèle, qui ne vous trompera point et qui ne vous flattera point. De cette manière vous vous préparerez encore efficacement à la mort, puisqu'à la mort votre conscience ne vous reprochera rien et ne vous objectera rien à quoi vous n'ayez déjà pourvu par une anticipation de la mort même : heureux état pour s'assurer tout à la fois, autant qu'on le peut, une vie sainte et une mort tranquille !

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante