L'abandon.

 

« L'abandon est le fruit délicieux de l'amour. » Saint Augustin.

 

Il est sur cette terre

Un arbre merveilleux ;

Sa racine, ô mystère!

Se trouve dans les cieux.

Jamais, sous son ombrage,

Rien ne saurait blesser ;

Là, sans craindre l'orage,

On peut se reposer.

De cet arbre ineffable,

L'amour, voilà le nom ;

Et son fruit délectable

S'appelle l'abandon !

 

Ce fruit, dès cette vie,

Me donne le bonheur ;

Mon âme est réjouie

Par sa divine odeur.

Ce fruit, quand je le touche,

Me paraît un trésor ;

Le portant à ma bouche,

Il m'est plus doux encor.

Il me donne en ce monde

Un océan de paix ;

En cette paix profonde

Je repose à jamais.

 

Seul, l'abandon me livre

En tes bras, ô Jésus !

C'est lui qui me fait vivre

Du pain de tes élus ;

A toi je m'abandonne,

O mon divin Epoux !

Et je n'ambitionne

Que ton regard si doux.

Toujours je veux sourire,

M'endormant sur ton Coeur...

 

Et là, je veux redire

Que je t'aime, Seigneur !

Comme la pâquerette

Au calice vermeil,

Moi, petite fleurette,

Je m'entr'ouvre au soleil.

Mon doux soleil de vie,

O mon aimable Roi!

C'est ta divine Hostie,

Petite comme moi...

De sa céleste flamme

Le lumineux rayon

Fait naître dans mon âme

Le parfait abandon.

 

Toutes les créatures

Peuvent me délaisser ;

Je saurai sans murmures

Près de toi m'en passer.

Et si tu me délaisses,

O mon divin Trésor !

N'ayant plus tes caresses,

Je veux sourire encor.

En paix je veux attendre.

Doux Jésus, ton retour,

Et sans jamais suspendre

Mes cantiques d'amour !

 

Non, rien ne m'inquiète,

Rien ne peut me troubler.

Plus haut que l'alouette

Mon âme sait voler !

Au-dessus des nuages,

Le ciel est toujours bleu ;

On touche les rivages

Où règne le bon Dieu !

J'attends en paix la gloire

Du céleste séjour,

Car je trouve au ciboire

Le doux fruit de l’amour!

 

Mai 1897.

 

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