A une postulante nommée Marie.
Air : Petit oiseau, dis, où vas-tu ?
Je cherche un enfant qui ressemble
A Jésus, mon unique Agneau,
Afin de les cacher ensemble,
Tous deux en un même berceau.
L'Ange de la sainte patrie
De ce bonheur serait jaloux ;
Mais je le donne à toi, Marie,
L'Enfant-Dieu sera ton Epoux !
C'est toi-même que j'ai choisie
Pour être de Jésus la soeur.
Veux-tu lui tenir compagnie ?
Tu reposeras sur mon coeur !
Je te bercerai sous le voile
Où se cache le Roi des cieux,
Mon Fils sera la seule étoile
Désormais brillante à tes yeux.
Mais pour que, toujours, je t'abrite
Sous mon voile, près de Jésus,
Il te faudra rester petite
Avec d'enfantines vertus.
Je veux que sur ton front rayonne
La ravissante pureté ;
Mais la vertu que je te donne
Surtout, c'est la simplicité.
Le Dieu, l'Unique en trois Personnes,
Qu'adorent les anges tremblants...
L'Eternel veut que tu lui donnes
Le simple nom de Fleur des champs !
Comme une blanche pâquerette
Qui toujours regarde le ciel,
Sois aussi la simple fleurette
Du petit Enfant de Noël.
Le monde méconnaît les charmes
Du Roi qui s'exile des cieux;
Bien souvent tu verras des larmes
Briller en ses doux petits yeux.
Il faudra qu'oubliant tes peines
Pour réjouir l'aimable Enfant,
Tu bénisses tes nobles chaînes,
Et que tu chantes doucement...
Le Dieu dont la toute-puissance
Arrête le flot qui mugit,
Empruntant les traits de l'enfance,
Est devenu faible et petit.
Le Verbe, Parole du Père,
Qui, pour toi, s'exile ici-bas,
Mon doux Agneau, ton petit Frère,
Enfant, ne te parlera pas !
Le silence est le premier gage
De son inexprimable amour.
Comprenant ce muet langage,
Tu l'imiteras chaque jour.
Et si parfois Jésus sommeille,
Tu reposeras près de lui ;
Son Coeur divin, qui toujours veille,
Te servira de doux appui !
Ne t'inquiète pas, Marie,
De l'ouvrage de chaque jour ;
Ton seul travail en cette vie
Doit être uniquement l'amour!
Et si quelqu'un vient à redire
Que tes oeuvres ne se voient pas
J'aime beaucoup, pourras-tu dire
Voilà mon travail ici-bas.
Jésus tressera ta couronne,
Si tu ne veux que son amour;
Si ton coeur à lui s'abandonne,
Il te fera régner un jour.
Après la nuit de cette vie,
Tu verras son très doux regard ;
Et là-haut ton âme ravie
Volera sans aucun retard...
Noël 1894.