HOMÉLIE II

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HOMÉLIE II. SI NOUS SOMMES AFFLIGÉ, C'EST POUR VOTRE CONSOLATION ET VOTRE SALUT, QUI S'ACCOMPLIT DANS LA SOUFFRANCE DES MÈNES MAUX QUE NOUS SOUFFRONS. — ET NOUS AVONS UNE FERME ESPÉRANCE A VOTRE SUJET. (CHAP. I, 6, 7, JUSQU'À 11.)

 

Analyse.

 

1 et 2. La souffrance est une épreuve. — Elle enseigne l'humilité. 3. Dieu console.

4. La prière obtient ces divines consolations.

5-7. Les fidèles doivent prier les uns pour les autres, et aussi pour les catéchumènes.

 

1. L'apôtre vient de proposer un premier motif de consolation, et c'est la ressemblance et l'union avec le Sauveur. Un second motif, c'est que le salut des disciples s'opère par ces souffrances. Ne vous laissez donc pas abattre, dit-il, ne vous troublez point, ne craignez rien, .quand vous nous voyez dans l'affliction ; concevez au contraire de grands sentiments de confiance. Sans les tribulations que nous avons endurées , vous auriez été perdus. Comment cela? Oui, si la mollesse, si la crainte, nous eussent empêché de vous annoncer l'Évangile, et de vous donner la véritable science , c'en était fait de vous. Voyez-vous quelle force et quelle hardiesse de langage? Pour les consoler, il a recours à des expressions qui devraient , ce semble , porter le trouble dans leurs âmes. Plus la persécution redouble de violence contre nous, plus vous devez avoir d'espérance, parce que l'oeuvre s'opère d'autant mieux, et que votre consolation s'en augmente. Quoi de plus consolant en effet que les biens sans nombre dont les enrichit la prédication de l'Évangile? Ensuite pour ne. pas s'attribuer à lui seul toute la gloire , voyez comme il sait la partager avec eux ! Il vient de dire : « Si nous sommes affligés, c'est pour votre consolation et votre salut »; et il ajoute : « Il s'opère dans la souffrance des mêmes maux que nous souffrons ».

Il s'exprime ensuite plus clairement encore, en disant : « Comme vous partagez nos souffrances , vous partagerez aussi notre consolation ». Tout à l'heure, il se contentait de leur insinuer cette pensée , en disant, « les mêmes souffrances», et en leur appliquant ce mot aussi bien qu'à lui-même. Or voici le -eus de ses paroles : Ce n'est pas nous seulement qui nous occupons de votre salut, mais vous aussi. En, vous prêchant l'Évangile, nous souffrons l'affliction ; et vous qui écoutez nos enseignements, vous souffrez avec nous; nous souffrons l'affliction. pour vous transmettre ce que nous avons reçu , et vous, pour recueillir et conserver ce que l'on vous donne. Peut-il pousser plus loin l'humilité ? Ces chrétiens, qu'il laisse si loin derrière lui, il leur attribue une patience égale à la sienne. « Votre salut s'opère, dit-il, en endurant les mêmes souffrances que nous ». Ce n'est pas seulement votre foi qui vous sauvera , mais la patience avec laquelle vous supportez les mêmes souffrances que nous.

L'athlète excite l'admiration par la vigueur et les belles proportions de son corps, lors même qu'il se tient en repos ; mais s'il déploie (9) sa force, s'il frappe son adversaire, nous l'admirons bien plus encore; car alors nous avons la preuve de sa vigueur et de son habileté. Ainsi votre salut s'opère avec plus d'énergie, il se manifeste, il grandit, il s'étend par la patience et le courage au sein des afflictions. Ce n'est pas en maltraitant les autres, mais en supportant le mal qu'ils nous font, que s'opère notre salut. L'apôtre ne dit-il pas : « Qui opère (energouses) , mais :   qui s'opère (energoomenes), pour montrer que la grâce de Dieu s'unissant à leur ardeur et opérant dans leurs âmes, leur procurait les plus grands avantages. « Nous avons pour vous une ferme espérance ». C'est-à-dire, quelles que soient vos souffrances, nous sommes sûr que les persécutions ne vous feront point chanceler. Bien loin de supposer que nos tribulations puissent vous jeter dans le trouble , nous nous persuadons que vous ne vous laisserez pas même abattre par vos propres malheurs. Voyez-vous quels fruits a portés chez eux la première épître du saint apôtre ! Il donne moins d'éloges aux Macédoniens, que parfois cependant il loue dans cette lettre. Il n'était pas sans crainte à leur sujet, et il leur disait : « Nous vous avons envoyé Timothée pour vous affermir et vous encourager dans votre foi, afin que personne ne se laisse ébranler par ces tribulations : « Vous savez que nous y sommes sans cesse exposés ». Et encore : « Plein d'inquiétude je me suis enquis de votre foi; j'ai voulu savoir si le tentateur ne vous avait pas renversés, rendant ainsi notre travail inutile » . (I Thess. III, 2, 5.)

Ce n'est pas de la sorte qu'il parle des fidèles de Corinthe ; au contraire, « Nous avons pour vous une ferme espérance. Si nous sommes consolés , c'est pour votre consolation et votre salut; sachant bien que partageant nos souffrances, vous partagerez aussi notre consolation ». C'est à cause d'eux en effet que l'on persécutait les apôtres, et c'est ce qu'il veut leur faire entendre par ces paroles. « Si nous souffrons, c'est pour votre consolation et votre salut ». Il veut leur montrer aussi que c'est à cause d'eux qu'ils sont consolés. Ne l'avait-il pas dit plus haut en termes plus obscurs : « Béni soit Dieu qui nous console dans toutes nos tribulations , afin que nous puissions à notre tour consoler ceux qui sont plongés dans l'affliction ». Il le redit maintenant avec plus de clarté , et ses paroles respirent la tendresse : « Si nous sommes consolés, c'est pour votre consolation ». Comme s'il disait: Notre consolation, c'est aussi la vôtre, et nous n'avons pas besoin de parler pour consoler vos coeurs. Il suffit que nous respirions pour que vous repreniez courage. Vous regardez nos malheurs comme étant les vôtres; et nous ne pouvons être consolés, sans que vous le soyez aussi. Non, puisque vous partagez mes souffrances, vous devez partager ma joie et mon bonheur. Vous vous associez à tout ce qui me concerne, à mes douleurs et à mes consolations ; et dès lors je ne crains point que vous me reprochiez d'avoir tardé si longtemps : car c'est pour vous que nous sommes affligés, et c'est pour vous que nous sommes consolés. On eût pu se blesser de cette parole : C'est pour vous que nous souffrons; aussi a-t-il soin d'ajouter : « C'est à cause de vous que nous sommes consolés ». Nous ne sommes pas seuls à courir des dangers, puisque vous vous associez vous-mêmes à nos souffrances.

2. En se les associant ainsi dans les dangers qu'il court, en trouvant en eux-mêmes la cause de ses propres consolations, il adoucit tout ce que ses paroles pouvaient offrir d'un peu dur. Si donc on nous dresse des embûches , rassurez-vous : C'est pour que votre foi se fortifie, que nous endurons tous ces maux. Si nous sommes consolés, vous pouvez vous en glorifier. C'est à cause de vous que nous goûtons ces consolations ; vous aussi vous serez consolés, puisque vous partagez notre joie. Entendez bien ici la nature de ces consolations : Non-seulement la conduite des Corinthiens le console; mais il se réjouit de penser qu'ils sont désormais délivrés de toute espèce de trouble à son sujet. Voyez les paroles qui suivent où i1 leur dit ouvertement : « Nous savons que, partageant nos souffrances, vous partagerez aussi notre consolation ». Vous souffrez de nos persécutions, comme si vous les subissiez vous-mêmes ; nous ne pouvons en douter, les consolations que nous éprouvons, causent à vos coeurs autant de jouissances qu'aux nôtres. Où trouver plus d'humilité? Cet homme, environné de tant de périls, veut bien associer à ses mérites ceux qui n'y ont aucune part; quant aux consolations, c'est à cause d'eux qu'il les éprouve , et nullement en vue de ses travaux. Il parlait de ses souffrances en général; (10) maintenant il désigne le pays où il a souffert. « Nous ne voulons pas vous laisser ignorer, mes frères, les tribulations que nous avons souffertes en Asie (8) ». Si nous vous parlons de nos souffrances, c'est pour que vous n'ignoriez pas ce qui nous arrive. Tout ce qui nous concerne, nous voulons que vous le sachiez, nous nous empressons de vous le dire. Et c'est de la part de l'apôtre une grande preuve d'affection. Dans la première épître, il leur faisait pressentir ces tribulations en disant : « Evidemment une large porte s'ouvre devant moi, et j'ai de nombreux adversaires dans Ephèse ». (I Cor. XVI, 9.) Maintenant donc il leur rappelle et leur expose ce qu'il vient d'endurer. « Je ne veux pas que vous ignoriez les maux que j'ai soufferts en Asie ». Il agit de même dans son épître aux Ephésiens. S'il leur envoie Tychique, c'est pour les informer de sa situation. « Je veux que vous sachiez tout ce qui m'arrive , tout a ce que je fais : Tychique vous le dira, Tychique notre frère bien-aimé et notre fidèle ministre dans le Seigneur; je vous l'envoie exprès, pour que vous sachiez ce qui nous concerne, et aussi pour qu'il répande la consolation dans vos coeurs ». (Ephés. VI, 21, 22.) Nous remarquons la même chose dans ses autres épîtres. Il n'y a rien là d'inutile: tout cela au contraire est nécessaire. N'est-ce pas une conséquence du grand amour de l'apôtre pour ses disciples? Ne fallait-il pas, au milieu de ces continuelles épreuves, trouver quelque consolation dans ces renseignements mutuels ? S'ils étaient tristes et affligeants, on se préparait à souffrir, on se tenait sur ses gardes ; s'ils étaient bons et joyeux, on ressentait une commune joie. Au reste en ce passage il mentionne en même temps et le commencement et la fin de l'épreuve. « Nous avons été accablé outre mesure et au-dessus de nos forces ». Ne dirait-on pas un navire qu'une charge trop pesante a submergé? Ces paroles : « Outre mesure et au-dessus de nos forces » semblent offrir le même sens. Il n'en est rien cependant. On eût pu dire : « L'épreuve était excessive, il est vrai , mais non point trop forte pour vous ». Et c'est pourquoi l'apôtre ajoute : L'épreuve était grande et au-dessus de nos forces; et tellement au-dessus de nos forces que la vie nous était à charge, c'est-à-dire, que nous désespérions de vivre plus longtemps. Ce que David appelle « les portes de l'enfer et les douleurs de l'enfantement », c'est ce que Paul veut faire entendre à son tour, quand il dit : Le danger que nous avons couru devait amener la mort.

« Et nous avons eu au dedans de nous« mêmes une réponse de mort, afin que nous ne mettions pas notre confiance dans nos forces , mais en Dieu qui ressuscite les morts (9) ». Qu'est-ce à dire : « Nous avons eu une réponse de mort? » C'est-à-dire une sentence, un jugement, l'attente de la mort. C'était là comme le cri , comme la réponse de ce qui nous arrivait: tout cela nous disait que nous devions mourir. Cependant la menace ne s'accomplit pas : notre attente ne se réalisa point. L'épreuve, par sa nature même rendait une sentence de mort; mais la puissance divine ne voulut pas qu'elle eût son effet; elle permit seulement que nous nous attendissions à mourir. Et c'est pourquoi l'apôtre dit : « Nous avons eu au dedans de nous-mêmes une réponse de mort », au dedans de nous-mêmes, et non pas dans la réalité. Pourquoi Dieu a-t-il permis une épreuve qui nous avait enlevé jusqu'à l'espérance, et abattu tout notre courage. « C'est, dit-il, afin que nous ne mettions pas notre confiance en nous-mêmes , mais en Dieu ».

3. Saint Paul tenait ce langage, non pas qu'il fût dans cette disposition : (loin de nous une telle pensée), mais tout en parlant de lui-même, il voulait instruire les autres ; c'était encore son humilité qui lui inspirait ce langage. Car plus loin, il dit : « J'ai senti l'aiguillon de la chair » ( II Cor. XII , 7), c'est-à-dire, les tentations, et cela, « de peur que je ne fusse enflé d'orgueil ». Dieu toutefois lui en donne une autre raison; et laquelle ? C'est qu'il veut faire éclater sa puissance : « Ma grâce te suffit », lui dit-il; « car ma puissance se montre tout entière dans la faiblesse ». Mais, comme je le disais, ce que Paul ne perd jamais de vue , c'est sa faiblesse : toujours il se range parmi ceux qui bien inférieurs à lui-même ont besoin de s'instruire et de se corriger. Ne suffit-il pas d'une ou. deux épreuves pour ramener l'homme le plus vulgaire à de meilleurs sentiments ? Comment donc cet apôtre, qui toute sa vie s'est montré le plus humble des hommes, qui a enduré toutes les souffrances, qui fait preuve depuis tant d'années d'une sagesse toute céleste, aurait-il (11) besoin de cet avertissement? Rien de plus évident; c'est par modestie, c'est pour reprendre ceux qui entretiennent des sentiments d'orgueil et de vaine gloire qu'il emploie ces paroles: « Afin que nous ne mettions pas notre  confiance en nous-mêmes, mais en Dieu ».

Et voyez avec quelle douceur il les traite avec quels ménagements? C'est à cause de vous, dit-il, que Dieu a permis que nous fussions éprouvés : tant votre âme a de prix aux yeux du Seigneur : « Si nous sommes dans la tribulation , c'est pour votre consolation et votre salut ». Mais l'excès même de cette tribulation, Dieu le permet pour prévenir en nous tout sentiment d'orgueil. « Nous avons été accablés au-delà de toute mesure et au-dessus de nos forces , pour que nous ne mettions pas en nous-mêmes notre confiance, mais en Dieu seul ». Il leur remet en mémoire cette doctrine de la Résurrection , qu'il développe si longuement dans la première épître, et qu'établit si bien la situation actuelle de l'apôtre. Il ajoute donc : « Qui nous a délivré si souvent de la mort (10) ». Il ne dit pas : De tant de périls. Non : car il veut montrer l'excès de ses souffrances, et confirmer ce qu'il a dit de la résurrection. La résurrection des morts appartient à l'avenir, et c'est pourquoi l'apôtre fait voir que tous les jours Dieu ressuscite des morts. Cet homme qui avait perdu tout espoir, qui était descendu jusqu'aux portes de la mort, Dieu, qui le rappelle à la vie, qui le retire de l'abîme où il est tombé , ne donne-t-il point par là comme un exemple de la résurrection future? Lorsque ces malades dont on désespère échappent à une maladie dangereuse, ou à d'intolérables souffrances , ne disons-nous pas : c'est une véritable résurrection.

« Nous espérons qu'il nous en délivrera encore, avec le secours des prières que vous a faites pour nous : afin que la grâce que nous avons reçue en considération de plusieurs , soit aussi reconnue parles actions de grâces que plusieurs en rendront pour nous (11) ». Il vient de dire : « Afin que nous ne mettions pas en nous-mêmes notre confiance »; et ces paroles semblent renfermer un reproche général dont quelques-uns pouvaient se blesser. Mais qui pourrait se plaindre , maintenant qu'il implore le secours de leurs prières , et qu'il leur rappelle que toute notre vie doit se passer dans les soucis et l'inquiétude ? Leur dire en effet : « Nous espérons qu'il nous en  délivrera encore », n'est-ce pas leur annoncer comme une armée de tentations, et du même coup l'assistance et le secours dans le combat ?

Que néanmoins la vue de ces dangers ne les consterne point; ils offrent de grands avantages, et ces avantages il les énumère dans ces paroles : « Afin que nous ne mettions pas en nous-mêmes notre confiance » ; c'est-à-dire, afin que Dieu nous maintienne dans une continuelle humilité, et que leur salut s'accomplisse. Autres avantages : l'épreuve met en communion avec Jésus-Christ. « Car », dit-il, « les souffrances de Jésus-Christ abondent en nous-mêmes » ; c'est pour les fidèles que l'apôtre souffre: « Si nous sommes dans la tribulation, c'est pour votre consolation et pour votre salut ». Ce même salut resplendit d'un plus grand éclat, car : « Il s'opère par les mêmes afflictions supportées avec patience ». De plus, la tribulation fortifie ; et surtout fait briller aux regards la radieuse espérance de la résurrection : « Il nous a tant de fois sauvés de la mort »; la souffrance rend vigilant, et force l'homme à lever sans cesse les yeux vers le Seigneur : « Nous espérons qu'il nous délivrera »; dernier avantage enfin, la souffrance ne permet pas de se détacher de la prière « Avec le secours des prières que vous faites pour nous ». Après leur avoir ainsi montré les avantages de la tribulation , après leur avoir inspiré une salutaire inquiétude , il ranime leur zèle et les excite à la vertu, par ce témoignage qu'il rend de l'efficacité de leurs prières : « Avec le secours des prières que vous faites pour nous , dit-il ». Quel est le sens des paroles qui suivent? « Afin que la grâce que nous avons reçue en considération de plusieurs, soit aussi reconnue par les actions de grâces que plusieurs en rendront pour nous ». Il nous a maintes fois sauvés de la mort, avec le secours de vos prières ; c'est-à-dire, vous l'avez tous prié pour nous. Ce salut, qu'il vient de nous accorder, c'est un bienfait que vous partagez avec nous; et ainsi vous devez joindre vos actions de grâces aux nôtres, puisque avec nous vous avez éprouvé la miséricorde de notre Dieu.

4. Il les exhortait par là à prier les uns pour les autres, et les habituait aussi à remercier le Seigneur, à l'occasion de ce qui arrive au prochain, leur faisant entendre que rien ne (12) pouvait lui être plus agréable. En effet, s'ils le font déjà pour le prochain, ils ne manqueront pas dans l'occasion de le faire pour eux-mêmes. De plus, il les forme à l'humilité et les pousse à s'enflammer d'une charité plus ardente. Ne leur dit-il pas, lui , ce grand apôtre, ne leur dit-il pas qu'il doit son salut à leurs prières , qu'elles lui ont valu le secours du ciel? Quelle ne doit donc pas être l'humilité des simples fidèles ! N'oubliez pas non plus, quelle est l'efficacité de la prière. Sans doute Dieu se montre miséricordieux envers nous, et c'est à la divine miséricorde que Paul au commencement de cette épître attribue son salut : « Le Dieu des miséricordes » , dit-il , « nous a délivrés ». Mais ici il proclame l'efficacité de la prière. L'homme qui devait dix mille talents vint se jeter aux pieds de son maître, et le maître eut pitié de lui : « Emu de pitié, il lui remit sa dette », dit l'Ecriture; ce fut à force d'instances, à force de persévérance, que la Chananéenne finit aussi par obtenir la guérison de sa fille : toutefois ce fut un effet de la miséricorde du Sauveur.

Ainsi donc, bien que Dieu manifeste envers nous sa miséricorde , nous devons recourir à la prière, si nous voulons nous en rendre dignes. Sans doute le secours de Dieu nous vient de sa miséricorde, mais il faut que Dieu nous en trouve dignes. On né l'obtient pas sans motif, et tout en demeurant dans l'inaction : « J'aurai pitié », dit-il , « de celui dont j'aurai pitié; et celui dont j'aurai pitié, éprouvera l'effet de ma miséricorde ». (Exod. XXXIII, 19.) Voyez aussi ce que dit l'apôtre : « Avec le secours de vos prières ». Ce n'est pas uniquement à leurs prières qu'il attribue son salut, de peur d'enfler leurs âmes; il leur attribue néanmoins une part dans les secours qu'il a reçus d'en-haut, pour accroître leur ardeur et resserrer les liens de la charité fraternelle. C'est pourquoi il leur disait encore : « Il vous a accordé ma délivrance ». Dieu semble comme avoir honte de résister à une multitude qui n'a qu'un coeur et qu'une voix pour le prier. Aussi disait-il à son prophète : « Quoi ! ne pardonnerai-je pas à cette cité dans laquelle habitent plus de cent vingt mille hommes ». (Jon. IV, 11.)

N'allez pas croire pourtant que le grand nombre suffise pour émouvoir la bonté de Dieu: car le Seigneur dit aussi : « Israël fût-il aussi nombreux que les grains de sable de la mer, il n'y aura de sauvé que les restes de ce peuple ». (Isaïe, X, 22.) Comment se fait-il donc qu'il ait sauvé les Ninivites? C'est que non-seulement ils étaient nombreux, mais ils firent éclater leur vertu, ils firent tous pénitence , et renoncèrent à leurs désordres. En les sauvant le Seigneur disait : « Ils ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche ». N'est-il pas évident qu'ils avaient péché plus par ignorance que par malice? Ne voyons-nous pas d'ailleurs qu'il suffit de quelques paroles pour les convertir? Si la seule vue des cent vingt mille habitants de Ninive eût pu déterminer le Seigneur, pourquoi dès le principe ne leur eût-il point pardonné? Pourquoi , demanderez-vous, ne disait-il pas au prophète: Ne pardonnerai-je pas à cette cité maintenant convertie, mais bien : « A cette cité qui renferme tant de milliers d'hommes? » C'était afin de ne rien omettre : la conversion était en effet manifeste; mais le prophète ne savait ni le nombre des Ninivites, ni leur ignorance. Dieu veut donc mettre tout en oeuvre pour leur faire miséricorde : le nombre n'est pas inutile, quand au nombre se joint la vertu.

C'est encore ce que nous dit l'Ecriture dans ce passage : « Sans cesse l'Eglise priait Dieu pour l'apôtre ». (Act. XII, 15.) Et voyez la puissance de ces prières ! Les portes de la prison étaient fermées , l'apôtre, chargé de chaînes et entouré de gardiens qui dormaient à ses côtés; les prières des fidèles le délivrèrent et renversèrent tous les obstacles. — Le nombre, disions-nous, n'est pas inutile, si au nombre se joint la vertu ; mais il n'offre aucun avantage, si le vice y domine. Les Israélites, en effet, aussi nombreux, dit l'Ecriture, que les grains de sable de la mer, périrent tous. Et au temps de Noé, les hommes n'étaient-ils pas innombrables? Quel avantage retirèrent-ils de leur grand nombre? C'est que le nombre seul ne peut rien : il n'est qu'un accessoire. Empressons-nous donc d'unir nos prières, prions les uns pour les autres, comme les premiers chrétiens .priaient pour les apôtres. Ainsi nous accompli: sons le précepte du Seigneur, ainsi nous fortifions en nous la charité; et ce mot de charité ne comprend-il pas tous les biens? Montrons aussi plus d'empressement à rendre grâces. Si l'on remercie Dieu pour les dons faits au prochain, à plus forte raison le remerciera-t-on pour les (13) bienfaits qu'on a reçus soi-même. David nous en a donné l'exemple : « Louez le Seigneur avec moi, et ensemble célébrons la sainteté de son nom ». (Ps. XXXIII, 4.) C'est ce que réclame sans cesse l'apôtre. Suivons ce conseil, publions partout les bienfaits de Dieu, pour associer tous nos frères aux actions de grâces que nous lui rendons. Quand nous publions les bienfaits que nous avons reçus des hommes , n'augmentons-nous pas leur bienveillance à notre égard ? Publions les bienfaits de Dieu, et nous nous ménagerons de sa part une plus grande bienveillance. Et si après avoir obtenu des hommes quelques faveurs, nous invitons les autres à joindre leurs remercîments aux nôtres , ne devons-nous pas, à plus forte raison, presser nos frères de s'unir à nous pour remercier le Seigneur? Paul le faisait, lui (lui- s'approchait de Dieu avec tant de confiance ; à plus forte raison, sommes-nous obligés de le faire nous-mêmes.

5. Prions les saints, conjurons-les de remercier Dieu pour nous , et remercions-le aussi les uns pour les autres. C'est surtout le devoir des prêtres : il n'est pas une fonction plus élevée que celle-là. Quand nous montons à l'autel, nous commençons par rendre grâces au Seigneur au . nom du monde tout entier pour les bienfaits communs que tous ont reçus de sa munificence. Sans doute tous ensemble jouissent de ces bienfaits; mais n'en avez-vous point votre part? Donc pour cette part qui vous est faite, vous devez vous associer aux communes actions de grâces; et il est juste aussi qu'en votre particulier, vous remerciiez Dieu de ce qu'il étend ses bienfaits à tous les hommes. Ce n'est pas seulement pour vous qu'il a allumé le soleil dans le firmament, mais pour tous en général; toutefois vous en jouissez aussi complètement que s'il eût été créé pour vous seul. C'est pour l'utilité de tous que Dieu l'a fait si grand; et vous le voyez a vous seul aussi grand que tous les mortels ensemble. D'où il suit que votre reconnaissance doit égaler la commune reconnaissance du genre humain tout entier. Oui, vous devez remercier Dieu de ces bienfaits communs à tous les hommes, vous devez le remercier pour la vertu des autres. D'ailleurs ces bienfaits que Dieu nous accorde, ne tournent-ils pas aussi à l'avantage de nos frères? S'il y avait eu seulement dix justes dans Sodome, Sodome eût obtenu son pardon. Remercions Dieu des mérites de nos frères c'est une antique loi, qui a pris racine dans l'Eglise. Saint Paul ne rend - il pas grâces pour les Romains, pour les Corinthiens, pour l'univers entier ? Ne dites pas : Cette belle action n'est pas mon fait. Mais son auteur n'est-il pas comme vous un membre de l'Eglise, et n'est-ce pas assez pour que vous exprimiez à Dieu votre reconnaissance? Cette belle conduite, vous vous l'appropriez par vos actions de grâces, vous vous ménagez les faveurs du ciel , et vous acquérez des droits à la récompense.

Aussi les lois de l'Eglise prescrivent-elles de prier de la sorte non-seulement pour les fidèles, mais aussi pour les catéchumènes. L'Eglise, en effet, ne commande-t-elle pas aux fidèles de prier pour ceux qui ne sont pas encore initiés aux saints mystères ? Quand le diacre dit: « Prions avec ferveur pour les catéchumènes », ne se propose-t-il pas d'exciter la multitude des fidèles à prier pour eux? Cependant les catéchumènes ne font pas encore partie de l'Eglise; ils ne sont pas encore membres de Jésus-Christ; ils ne participent pas aux saints mystères , ils sont encore séparés du troupeau spirituel. Si donc il faut prier pour les catéchumènes, à plus forte raison faut-il prier pour ceux qui sont avec nous les membres d'un même corps. Le diacre dit: « Prions avec ferveur », pour que vous ne les rejetiez pas comme des étrangers, pour que vous ne les laissiez pas à l'écart, comme des inconnus. Eux, ils n'ont pas encore cette prière enseignée par Jésus-Christ et que la loi chrétienne nous impose : ils ne peuvent encore s'approcher de Dieu avec une filiale confiance, et ils ont besoin d'être aidés par ceux qui ont reçu le baptême. Ils se tiennent hors des demeures royales, loin de l'enceinte sacrée. Aussi les éloigne-t-on ; quand arrive le moment des redoutables prières. Le diacre vous exhorte donc à prier pour eux, afin qu'ils deviennent vos membres, et cessent d'être des étrangers et des profanes. Cette parole : « prions » s'adresse au peuple aussi bien qu'aux prêtres. Quand il dit : « Ayons une attitude respectueuse et prions », il vous invite tous à la prière. Puis il commence en ces termes : «Afin que le Dieu clément et tout miséricordieux exauce leurs demandes ». Ne dites pas : « A quoi sert-il de prier pour eux?» Ce sont des (14) étrangers, ils ne font point partie de notre communion: : comment obtenir pour eux les grâces du Seigneur? Comment leur obtenir miséricorde et pardon? Non, loin de vous une pareille hésitation : qu'elle cède devant ces paroles : « Afin que le Dieu clément et tout miséricordieux », entendez-vous? « Le Dieu tout miséricordieux ». Donc n'hésitez plus: le Dieu tout miséricordieux étend sa miséricorde à tous les hommes, aux pécheurs comme à ses amis. Ne dites donc plus : Comment prierai-je pour eux? Dieu exaucera les prières faites pour eux. Et que peuvent demander les catéchumènes, sinon de ne pas rester catéchumènes.

Ensuite le diacre explique le sens de la prière; et quel est-il? « Afin, ajoute le diacre, qu'il ouvre les oreilles de leur coeur »; — car elles sont encore fermées et obstruées; non pas certes les oreilles du corps, mais celles de l'âme. — « Afin qu'ils apprennent ce que  l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, ce que le, coeur de l'homme n'a point senti ». Ils ne savent rien encore des sacrés mystères; mais ils se tiennent à l'écart pendant qu'on les célèbre; entendraient-ils, qu'ils ne comprendraient point ce qui se dit : il ne suffit pas en effet de les entendre, il faut en avoir l'intelligence, et les oreilles de leurs coeurs sont encore fermées. Aussi le diacre, demande-t-il pour eux le don de prophétie. Voici en effet ce que disait le prophète : « Dieu enseigne à ma langue le moment où elle doit parler : c'est lui qui m'ouvre la  bouche; dès le matin il m'a fait cette grâce, et il m'a donné une oreille qui entend bien ». (Isaïe, L, 4, 5.) De même que les prophètes entendaient autrement que les autres; de même les fidèles entendent autrement que les catéchumènes. Aussi enseignons-nous au catéchumène que ce n'est point des hommes que lui vient la science et l'intelligence : « N'appelez personne maître sur la terre », mais d'en haut, mais du ciel; « tous », dit l'Ecriture, « seront instruits par Dieu lui-même ». (Matth. XXIII, 8; Isaïe, LIV, 13.) Et le diacre ajoute : « Afin qu'il fasse résonner en eux la parole de vérité ». C'est d'une voix intérieure que leur vient l'enseignement. Car cette parole de vérité, ils ne la connaissent point encore comme il faut. « Afin qu'il répande sa crainte, comme une semence, dans leurs âmes ». Mais cela ne suffit pas, car la semence peut tomber sur le chemin ou sur la pierre.

6. Ce n'est certes point là seulement ce que nous demandons. Mais, de même qu'une terre fertile est renouvelée par les profonds sillons qu'y creuse la charrue , de même leurs âmes doivent être renouvelées pour recueillir la semence et retenir fidèlement tout ce qu'ils entendront : telle est le sens de notre prière. Ecoutez ce qui suit : « Afin qu'il affermisse la foi dans leurs coeurs » ; c'est-à-dire, afin qu'elle ne reste pas 'à la surface, mais qu'elle y jette de profondes racines. « Afin qu'il leur révèle l'Evangile de la justice ». Cet Evangile, un double voile leur en dérobe la vue ; d'abord les veux de leurs âmes sont fermés; ensuite l'Evangile est comme caché pour eux. C'est pourquoi le diacre disait tout à l'heure : « Afin qu'il ouvre les oreilles de leurs coeurs ». Et maintenant il ajoute : « Afin qu'il leur révèle l'Evangile de la justice », c'est-à-dire, afin qu'il leur donne la sagesse et les dispose à recevoir la grâce ; afin qu'il les instruise et jette dans leurs coeurs la bonne semence. A quoi leur servira-t-il d'être préparés, si Dieu ne leur en communique la science; et à quoi leur servira cet enseignement, s'ils ne veulent pas le recevoir? Aussi demandons-nous au Seigneur d'ouvrir leurs âmes et de leur apprendre l'Evangile. Qu'un ornement royal soit recouvert d'un voile, en vain regarderez-vous ; vos yeux ne l'apercevront pas; qu'on soulève le voile, vous ne l'apercevrez pas davantage, si vous ne tournez vos regards de ce côté. Or, que nos catéchumènes le veuillent, et le voile sera levé et leurs yeux seront ouverts.

Que signifient ces paroles : « l'Evangile de la justice ? » C'est comme si l'on disait « l'Evangile qui justifie ». Elles ont pour effet d'exciter en eux le désir du baptême, en leur montrant que non-seulement l'Evangile remet les péchés, mais qu'il donne aussi la justice. « Afin qu'il, leur donne une âme toute divine, « de sages pensées, et une vie vertueuse ». Entendez, fidèles, vous qui vous livrez tout entiers aux affaires de ce monde. Si l'Eglise nous prescrit de prier ainsi pour ceux qui n'ont pas encore reçu le baptême, dites-moi comment doivent se conduire ceux qui sollicitent ces grâces pour les autres ? Ne devons-nous pas rendre notre vie conforme à l'Evangile? Aussi, dans cette prière pour les catéchumènes, passons-nous de l'enseignement à la (15) pratique. Après avoir dit: « Afin qu'il leur révèle l'Evangile de la justice », le diacre ajoute aussitôt : « Afin, qu'il leur donne une âme toute divine ». Qu'est-ce à dire : « toute divine? » c'est-à-dire : « Afin que Dieu habite dans leurs âmes». —  « Car », dit le Seigneur, « j'habiterai au dedans d'eux, et j'y marcherai ». (Lév. XXVI,12.) L'âme, une fois douée de justice, et dépouillée de ses péchés, devient la maison de Dieu ; en elle plus rien d'humain, dès qu'il y a fixé son séjour. C'est ainsi que l'âme est comme divinisée ; tout ce qu'elle dit lui est pour ainsi dire inspiré par le Seigneur, qui l'a choisie pour en faire sa demeure.

Donc il n'a pas une âme divine, celui qui tient de mauvais discours; il n'est pas sage, celui qui met son bonheur dans d'indécentes bouffonneries. Qu'est-ce donc que posséder la sagesse? C'est avoir l'âme saine. L'esclave des mauvaises passions, celui qui soupire après les biens de cette vie,, n'est point sage ; son âme est malade. L'homme dont le corps est malade ne recherche-t-il pas ce qui ne peut lui convenir? C'est ce que fait aussi l'âme dont je parle.

« Une vie toujours vertueuse ». La doctrine appelle l'action. Ecoutez, vous qui, pour recevoir le baptême , attendez que vous soyez mourants. Nous demandons que vous fassiez le bien après votre baptême ? Et vous, au contraire, vous voulez absolument sortir de ce monde sans avoir fait aucune action chrétienne. Il ne suffit pas d'être juste seulement par la foi. Nous demandons que vous le soyez aussi par vos bonnes oeuvres. « Pour songer sans cesse aux choses de Dieu, pour les rechercher sans cesse, pour les mettre sans cesse eu pratique », ce n'est pas en effet pour un jour ou deux seulement, mais pour toute la durée de la vie que nous demandons cette sagesse et cette vertu, et ce qui est la source de tout bien, les bons désirs. « La plupart, en effet, recherchent ce qui leur convient, et non pas ce qui appartient à Jésus-Christ. » Et comment former ces bons désirs? Il faut joindre à la prière la bonne volonté. « Si jour et nuit nous étudions sa Loi ». Aussi le diacre demande-t-il ensuite que les catéchumènes « s'appliquent jour et nuit à la Loi du Seigneur ». Il disait plus haut « sans cesse », il dit maintenant « jour et nuit » ; c'est le même sens. C'est pourquoi je m'afflige à la pensée

que certains chrétiens se montrent à peine une fois l'an dans l'Eglise. Comment les excuser? On leur fait une loi d'étudier, ce n'est pas assez dire, de méditer jour et nuit la Loi de Dieu; et ils refusent d'employer même une faible partie de leur vie à se souvenir de ses préceptes et à garder ses justices !

7. Comme toutes ces demandes se suivent bien, s'enchaînent bien les unes avec les autres ! Pas de chaîne d'or plus solide et plus belle. On demande d'abord une âme toute divine, et on dit ensuite ce qu'il faut pour l'obtenir. Que devons-nous donc taire? Il faut sans cesse s'appliquer aux choses de Dieu. Et comment y arriver ? En méditant sans cesse sa loi sainte. Comment y amener les hommes? En leur persuadant d'observer les commandements; ou plutôt c'est la méditation de la Loi divine qui engendre l'observation des commandements; comme aussi le zèle des choses de Dieu, la sanctification de l'âme, font qu'on s'y applique. En effet , chacune des choses dont nous venons de parler en produit une autre, qui, à son tour, reproduit la première; et elles sont comme renfermées l'une dans l'autre. « Prions encore pour eux avec plus de ferveur ». D'ordinaire un long discours fatigue l'âme et l'endort. Ces paroles sont dites pour la réveiller. C'est qu'il faut demander de grandes faveurs, des grâces signalées ; et c'est pourquoi il est dit : « Prions pour eux avec plus de ferveur ». Que va-t-il donc solliciter? « Que le Seigneur les délivre de tout mal et de toute action funeste ».

Ici nous demandons qu'ils n'entrent point en tentation et que Dieu préserve du danger leurs corps aussi bien que leurs âmes. Et c'est pourquoi le diacre ajoute : « Que Dieu les préserve de toute action diabolique, et de toutes les embûches de l'ennemi ». Paroles qui indiquent clairement les tentations et les péchés. Car le péché assiège l'homme , il l'entoure de tous côtés , par devant, par derrière, et cherche à le renverser. Après nous avoir mis sous les yeux nos obligations, après nous avoir rappelé que nous devons étudier la Loi de Dieu, nous souvenir de ses préceptes et observer ses justices, on nous avertit que tout cela est insuffisant, si Dieu ne nous vient en aide. « En effet, si le Seigneur ne construit la maison, en vain travaillent ceux qui veulent la construire ». (Ps. CXXVI,1.) Et si le secours d'en-haut est nécessaire, n'est-ce pas surtout (16) à ceux qui sont encore soumis à l'empire du démon? Vous le savez, vous tous qui avez été baptisés. Rappelez a votre mémoire ces paroles que vous, prononçâtes en renonçant à le servir, à genoux devant celui que vous preniez pour votre roi : paroles redoutables qui nous disent assez que nous ne devons plus obéir au démon en quoi que ce soit.

Le démon, le diacre l'appelle un adversaire: car il ne cesse de calomnier Dieu auprès des hommes, et les hommes auprès de Dieu. Autrefois ne calomniait-il pas Job auprès du Seigneur, quand il disait : « Job n'a-t-il pas intérêt à servir Dieu? » (Job, I, 9-16.) Ne calomnie-t-il pas Dieu auprès de Job, quand il lui dit: « Le feu est descendu du ciel? » N'en agit-il pas de même auprès d'Adam et d'Eve, en lui affirmant que leurs yeux seront ouverts? Et quand il dit aux hommes : « Dieu ne s'occupe point de ce monde visible ; c'est aux démons qu'il abandonne le soin de vos affaires » ; n'est-ce pas encore là calomnier le Seigneur? Que de Juifs prêtèrent l'oreille à ses calomnies contre le Christ, qu'il appelait imposteur et magicien ! Maintenant voulez-vous savoir comment il s'y prend ? S'il rencontre une âme que n'inspire point la divine sagesse, qui met en oubli les commandements de Dieu, qui n'observe point ses justices, il s'en empare et l'entraîne à sa suite. Si Adam s'était rappelé l'ordre de son Dieu : « Mange des fruits de tous les arbres, etc. » ; s'il eût tenu compte de cette menace : « Du jour où vous en mangerez, vous mourrez de mort » (Gen. II, 17), eût-il subi la peine qu'il a subie?

« Que Dieu leur accorde au temps favorable le bain de la régénération et la rémission de leurs péchés ». Nos demandes se rapportent, les unes au présent, les autres, à l'avenir. Nous exprimons les effets du baptême, et leur apprenons tout ce qu'il a de salutaire. Nous les habituons,à regarder le baptême comme une seconde naissance, à comprendre que ces eaux sacrées nous donnent la vie surnaturelle, comme nos mères nous ont donné la vie temporelle. Nous ne voulons pas qu'ils disent avec Nicodème « Comment un homme déjà vieux peut-il naître? Peut-il entrer dans le sein de sa mère, et naître une seconde fois? » (Jean, III, 4.) Cette rémission des péchés dont il vient de parler, il y revient encore : « Qu'il leur accorde le vêtement de l'immortalité ». Le baptisé est élevé à la dignité de Fils de Dieu; désormais il est donc immortel. Que signifient ces mots : « En temps favorable » ? Recevoir le baptême en temps opportun, c'est le recevoir dans de bonnes dispositions , avec une âme remplie d'ardeur et de foi : voilà le temps véritablement opportun.

« Qu'il bénisse leur entrée et leur sortie, qu'il bénisse leur vie tout entière ». Ici on nous prescrit de demander pour eux des bénédictions temporelles; et cela, parce qu'ils sont encore trop faibles. « Qu'il bénisse leurs maisons et leurs familles ». C'est-à-dire, leurs serviteurs, ou leurs proches, ou leurs amis. Telles étaient les récompenses de l'ancienne Loi; et rien alors n'était pénible comme le veuvage, la stérilité, une mort prématurée, la famine, les revers. Le diacre leur permet donc de se complaire encore dans ces demandes des biens temporels, et peu à peu il les fait monter plus haut. N'est-ce pas aussi ce que fait Jésus-Christ, ce que fait saint Paul? Ne rappellent-ils pas eux-mêmes les antiques bénédictions? Jésus-Christ dans ces paroles : « Bienheureux ceux qui sont doux ! car ils posséderont la terre ». Et saint Paul, quand il dit : « Honore ton père et ta mère, afin que tu vives longtemps sur la terre ».

8. « Qu'il bénisse leurs enfants, qu'il les conduise à la perfection de l'âge et les forme à la sagesse ». Ici encore il sollicite pour eux des bienfaits temporels et spirituels. Mais ensuite il n'a plus en vue que les dons spirituels. « Qu'il dirige toutes leurs entreprises selon leur utilité » ; non pas seulement leurs entreprises, mais selon leur avantage. Souvent en effet on se propose un voyage, mais ce voyage n'est pas utile; on se- propose autre chose qui n'offre elle-même aucune utilité. Ainsi nos catéchumènes peuvent apprendre qu'en toute circonstance il faut louer Dieu, qui ne perd jamais de vue notre intérêt. Cette prière achevée , le diacre leur ordonne de se lever. Jusque-là ils étaient prosternés ; maintenant qu'ils ont prié et que la confiance remplit leurs âmes, on les invite à se lever et à prier Dieu par eux-mêmes. Nous prions d'abord nous-mêmes; nous leur ouvrons, pour ainsi dire, les portes de la prière, et ensuite nous leur abandonnons le soin de prier à leur tour. Ce sont, pour ainsi dire, des enfants que nous instruisons, et qui doivent ensuite prendre eux-mêmes la parole. Nous leur disons donc : (17) « Demandez l'ange de la paix, ô catéchumènes ! » N'y a-t-il pas en effet l'ange du tourment, comme il est dit dans le psaume : « Les troubles suscités par les mauvais anges? » Il  y a un ange exterminateur. Aussi leur enjoignons-nous de demander l'ange de la paix, et leur apprenons-nous ainsi à demander le bien qui résume tous les autres, cette paix qui les préserve de tout combat, de toute guerre, de toute dissension.

« Ne vous proposez rien que de pacifique». —Ayez la paix, et tout fardeau, même le plus lourd; vous devient léger. Et c'est pourquoi le Christ disait : « Je vous donné ma paix ». Le démon n'a point d'arme plus puissante et plus. terrible que la lutte, la guerre, les dissensions. « Demandez la paix pour cette journée, et pour tous les jours de votre vie ». Voyez-vous comme il leur enjoint encore de pratiquer la vertu toute leur vie? « Demandez, que votre fin soit chrétienne; demandez en un mot tout ce qui est bien, tout ce qui est utile ». Ce qui n'est pas honnête, en effet, ne saurait être utile. Nous avons de l'utile une toute autre opinion que le vulgaire. « Recommandez-vous au Dieu vivant et à son Christ ». Nous ne les exhortons pas encore à prier pour le prochain ; c'est assez qu'ils puissent déjà prier pour eux-mêmes. Qu'elle est belle; qu'elle est parfaite cette prière ! Quelle doctrine et quelle règle de conduite ! Nommer l'Evangile, rappeler ce vêtement d'immortalité, ce bain de la régénération, n’est-ce pas en peu de paroles comprendre tous les dogmes chrétiens? Quant à la vie chrétienne, n'en traçons-nous pas le modèle dans ces expressions, : « Une âme toute divine; de sages pensées » ; et le reste. Nous leur ordonnons ensuite d'incliner la tête, pour recevoir les bénédictions. de Dieu, gage certain que les prières ont été exaucées. Ce n'est point l'homme en effet qui bénit, mais par les mains et par la voix du prêtre nous offrons leurs tètes au Roi suprême. Et tous s'écrient alors : « Amen ».

Pourquoi ce discours ? Pour vous montrer que nous devons nous intéresser au bonheur de nos- frères; et pour rappeler aux fidèles que toutes ces prières récitées pour les catéchumènes, ils doivent y prendre part. Ce n'est pas aux murs que s'adresse le diacre, quand il dit : « Prions pour les catéchumènes. » Mais il en est d'assez insensés, d'assez lâches, d'assez dissolus pour se tenir mal, pour lier des conversations, non-seulement au moment de la prière pour les catéchumènes, mais encore pendant . la prière pour les fidèles. Aussi on se corrompt, on se perd; et comment en serait-il autrement? C'est au moment même où nous pourrions nous rendre Dieu propice que nous excitons sa colère en nous retirant. On nous enjoint de prier pour les évêques; pour les prêtres, pour les empereurs, pour les princes, pour la terre et pour la mer, pour la sérénité de l'air, pour l'univers tout entier, et d'implorer sur tous la divine miséricorde. Nous devrions avoir assez de crédit auprès de Dieu pour intercéder en «faveur des autres., et nous mettons de la négligence à prier même pour nous ! Comment serions-nous donc excusables? Ah! je vous en conjure, rappelez-vous mes paroles , saisissez avec bonheur le temps de la prière, élevez vos âmes, abandonnez la terre, montez jusqu'au ciel, afin de vous rendre Dieu propice et d'obtenir les biens qu'il vous promet. Puissions-nous y arriver un jour par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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