HOMÉLIE XXXIX

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TRENTE-NEUVIÈME HOMÉLIE. Quand Abraham eut quatre-vingt-dix-neuf ans, Dieu lui apparut (Gen. XVII, 1.)

 

ANALYSE.

 

1. Quand Dieu parle et promet, l'homme doit lui accorder tonte confiance. Nous ne devons point mesurer ses oeuvres à notre faiblesse. — 2. Pourquoi Dieu, en temporisant, a-t-il éprouvé Abraham? Comment doit s'entendre ce mot : apparut ? — 3. Etymologie des noms d'Abraham et de Noé. Les infidèles prophétisent. — 4. Raison de la circoncision. Que la circoncision ne confère aucun bien spirituel. — 5. Exhortation.

 

1. Vous avez vu, mes bien-aimés, qu'il n'y a rien d'inutile dans l'Ecriture sainte, et que nous avons tiré hier un grand profit de l'histoire d'Agar fugitive. Nous, avons connu la grande douceur du patriarche, l'excès de sa continence, le respect qu'il montra à Sara, et l'estime qu'il faisait de la concorde au-dessus de tous les autres biens. Nous avons vu la bonté infinie de Dieu qui, par égard pour le patriarche, non-seulement ramène Agar errant dans le désert où elle s'était enfuie par crainte de sa maîtresse, mais la rend mère d'Ismaël, afin de consoler le juste et de le récompenser de sa patience. Quand Ismaël fut venu au monde, l'Ecriture sainte , voulant nous donner l'âge du Patriarche, et nous indiquer le nombre de ses années, nous dit Quand Ismaël vint au monde, Abram avait quatre-vingt-six ans. (Gen. 16.) Voyons ici, comme nous le vérifierons par la suite, l'admirable patience du juste, et la bonté inouïe et infinie du Seigneur. Nous en serons convaincus, si nous pouvons calculer l'âge du juste; nous reconnaîtrons que la bonté de Dieu dispose tout en sa faveur et le met à l'épreuve en toute occasion pour mieux faire éclater sa piété. Il prévoyait la reconnaissance de son serviteur, appréciait toute la beauté de son âme et la pureté de cette perle si précieuse, mais il voulait la faire briller maintenant même, devant nos yeux, pour que la vertu du juste laissât à la postérité un modèle à imiter pour notre émulation. Aussi nous dévoile-t-il peu à peu le trésor de vertu de juste, pour que nous apprenions nous-mêmes à ne jamais manquer de confiance dans les prédictions divines, à ne pas nous décourager dans l'attente, mais à mettre moins d'espoir dans les choses que l'on voit et que l'on touche, que dans les choses invisibles, dès que c'est Dieu qui les a promises. Nous comprenons ainsi que les prédictions divines ne peuvent jamais manquer de s'accomplir; si pendant longtemps elles ne se réalisent pas, nous ne devons point nous en embarrasser l'esprit, mais penser à la puissance irrésistible et invincible de celui qui les a faites, et nous dire (265) que tout ce qu'il voudra se fera, puisque tout lui cède et lui obéit. En effet, puisqu'il est le Maître et le Créateur de la nature, il peut aussi nous accorder des choses surnaturelles.

N'allons point mesurer les oeuvres de Dieu à notre faiblesse et nous,tourmenter des lois de la nature; mais, en fidèles serviteurs, reconnaissons le pouvoir immense de Notre-Seigneur, croyons à ses promesses et mettonsn-ous au-dessus de notre faiblesse naturelle pour jouir des faveurs qui nous sont annoncées, mériter sa bienveillance et l'honorer de toutes nos forces. Car le plus grand honneur que nous puissions lui rendre, c'est de nous confier à sa puissance, quand même les yeux de notre chair nous feraient voir le contraire. Et comment s'étonner que le plus grand hommage rendu à Dieu soit de rejeter le doute? Avec nos semblables, lorsqu'ils nous font des promesses sujettes au changement des choses périssables, si nous n'en doutons point, si nous y avons confiance, cette absence de doute, cette confiance sont regardées comme le plus grand honneur que nous puissions leur faire. S'il en est ainsi à l'égard des hommes si changeants et si impuissants, ne devons-nous pas croire bien mieux encore à ce qui nous est annoncé par Dieu, même quand ses promesses ne doivent se réaliser qu'après un long intervalle de temps? Ce n'est pas sans raison que je vous parle ainsi, c'est afin de vous mettre à même, lorsque nous aborderons la lecture d'aujourd'hui, de comprendre comment le bon Dieu, voulant illustrer le patriarche, - exerce sa patience pendant tant d'années durant lesquelles celui-ci ne s'abandonnait point au chagrin, à l'indifférence, au désespoir, mais nourrissait toujours sa piété par son espérance. Or, pour apprécier toute la vertu du patriarche, il est bon de savoir combien il a vécu. C'est ce que nous dit clairement le bienheureux Moïse, inspiré du Saint-Esprit. Que dit-il donc? Quand le juste eut obéi aux ordres de Dieu et quitté Charran pour aller dans la terre de Chanaan, il avait soixante-dix ans. Aussitôt qu'il fut venu dans cette terre, Dieu lui promit qu'il la donnerait tout entière à sa race, laquelle se multiplierait 'au point d'être innombrable comme le sable et les étoiles. Après cette promesse, il arriva au juste bien des aventures, sa descente en Egypte à cause de la famine, l'enlèvement de Sara, suivi aussitôt d'un effet de la divine providence, son retour d'Egypte, la nouvelle insulte que reçoit Sara du roi des Gérariens et le secours que Dieu leur donne encore. Eh bien! le juste voyant que tant d'événements contraires succédaient à cette promesse, n'avait aucune inquiétude et ne se demandait point pourquoi toutes ces assurances ne le préservaient pas de mille contrariétés, et pourquoi il restait si longtemps sans enfants. Rempli de piété, il ne voulait pas soumettre les actions de Dieu à la raison humaine, mais il s'y résignait et acceptait avec plaisir tout ce qui plaisait à Dieu.

2. Dix ans après il regarda Ismaël comme l'enfant pour lequel la prédiction devait s'accomplir. Car le patriarche, à la naissance d'Ismaël, avait quatre-vingt-six ans. Mais le bon Dieu exerce encore sa patience pendant treize ans, jusqu'à l'accomplissement de sa promesse. Il savait, en effet, que, l'or se purifiant avec le temps dans la fournaise, la vertu du juste prenait aussi plus de gloire et d'éclat. Quand Abram eut quatre-vingt-dix-neuf ans, Dieu lui apparut de nouveau. Et pourquoi cette longue attente? Pour nous faire connaître, non-seulement la vertu du juste et sa patience, mais aussi la grandeur de la puissance divine. Mais il faut entendre les paroles mêmes de Dieu. Quand il eut quatre-vingt-dix-neuf ans, Dieu lui apparut et lui dit : Par ces mots lui apparut, n'entendez rien de matériel, et ne croyez pas que les yeux de la chair puissent voir la puissance divine et immuable, mais considérez tout religieusement. Dieu lui apparut, c'est-à-dire, daigna communiquer avec lui, et le jugea digne de sa providence, en s'abaissant jusqu'à lui parler : Je suis ton Dieu, cherche à me plaire et à être irréprochable; je mettrai mon alliance entre toi et moi, et je te multiplierai abondamment. Et Abram tomba sur sa face. Quelle reconnaissance de la part du juste, quelle bonté de la part de Dieu ! Je suis ton Dieu. C'est comme s'il disait : c'est moi qui ai veillé sur toi jusqu'à présent; c'est moi qui t'ai amené de ton pays jusqu'ici, qui t'ai soutenu dans tous les temps, et qui t'ai rendu vainqueur de tes ennemis : c'est moi qui ai fait cela ! Il ne dit pas je suis Dieu, mais je suis ton Dieu. Voyez quelle immense bonté ! comme par l'addition de ce mot, il exprime son amour pour le juste ! C'est le Dieu de toute la terre, l'ouvrier dont la main a tout fait, le Créateur du ciel et de la terre, c'est lui-même qui dit . Je suis ton (266) Dieu ! quel honneur pour le juste ! c'est ainsi qu'il parle aux prophètes. Sans douté, alors et maintenant, il est le Seigneur de tous, et néanmoins il daigne se désigner par le nom d'un serviteur, et nous l'entendrons dire encore : Je suis le Dieu d' Abraham , le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. (Exod. III, 6.) Aussi les prophètes disent d'ordinaire : Dieu, mon Dieu, non pour restreindre dans les limites de leur propre personne , la domination de Dieu, mais pour montrer jusqu'où allait leur amour. Cela ne doit pas nous étonner de la part des hommes, mais de la part de Dieu lui-même cela peut nous paraître étrange et extraordinaire. N'en soyons pas surpris , mes bien-aimés, mais écoutons les paroles du Prophète : Mieux vaut, un seul homme qui observe la volonté du Seigneur, que mille qui la transgressent (Eccl. XVI, 3); écoutons,aussi les paroles de saint Paul : Ils portaient des peaux de brebis, de chèvres, ils étaient indigents, tourmentés , affligés, et le monde n'était pas digne de les posséder. (Héb. XI, 37, 38.)

Ainsi le Prophète dit qu'un seul homme faisant la volonté de Dieu vaut mieux que mille qui s'en écartent, et saint Paul, le docteur de la terre, rappelant tous les hommes de bien dont il connaît les souffrances, dit encore : Le monde n'était pas digne de les posséder. D'un côté il met le monde entier , de l'autre ceux qui souffrent pour nous apprendre toute la puissance de la vertu. Aussi le Créateur dit au patriarche : Je suis ton Dieu; cherche â me plaire et à être irréprochable. Je te tiendrai compte des efforts de ta vertu ; je ferai une alliance entre toi et moi, et je te multiplierai abondamment. Non-seulement je te multiplierai, mais, abondamment, ce qui indique une grande postérité : ce qu'il avait exprimé antérieurement par la comparaison du sable et des astres, il l'exprime maintenant par ce mot abondamment. Ce serviteur pieux et reconnaissant, voyant que Dieu s'abaissait jusqu'à prendre un soin pareil, fut ému en songeant  à la faiblesse de sa nature, à la bonté de Dieu, et à sa puissance infinie. Il tomba sur sa face; ce qui montrait bien toute sa reconnaissance. Une pareille faveur ne lui inspira pas d'arrogante ni d'orgueil, mais une nouvelle humilité Il tomba sur sa face. Telle est la véritable reconnaissance qui honore Dieu d'autant plus qu'elle en est plus favorisée. Il tomba sur sa face. Le juste n'osait plus jeter les yeux sur lui-même et sur la faiblesse de sa nature; il n'osait se relever, mais son abaissement montrait son respect : voyez maintenant combien Dieu l'appréciait. Dieu lui parla, disant : J'ai fait une alliance avec toi et tu seras le père d'une multitude de nations: tu ne t'appelleras plus Abram, mais Abraham, parce que je t'ai établi pour être le père de plusieurs peuples, et je te ferai croître : je ferai sortir de toi des nations et même des rois.

3. Considérez, mes bien-aimés, la clarté de ces prédictions faites au juste; voyez que pour les confirmer, il ajoute une lettre à son nom, et dit : Tu seras le père d’une multitude de nations : tu ne t'appelleras plus Abram , mais Abraham, parce que je t'ai établi pour être le père de plusieurs peuples. En effet, son premier nom indique ses voyages ( car Abram signifie voyageur, comme le savent ceux qui connaissent l'hébreu); ses parents l'avaient appelé ainsi quand il partit pour la terre de Chanaan. On dira peut-être : ses parents étant infidèles, d'où leur venait cette prescience d'indiquer l'avenir parle nom qu'ils donnaient ? C'est là une ressource de la sagesse de Dieu, qui agit souvent par l'entremise des infidèles et nous en trouvons bien d'autres exemples. Le premier qui nous vient à l'esprit est le nom de Noé. Ce n'est pas sans raison, ni au hasard que ses parents lui avaient donné ce nom; ils présageaient que, dans cinq cents ans, devait venir le déluge. Ce n'est pas que son père fût lui-même un juste parce qu'il a donné ce nom à son fils, car l'Ecriture sainte nous apprend que dans cette génération, Noé seul fut un juste accompli. (Gen. VI, 9.) Si son père Lamech lui avait offert le modèle des vertus, l'Ecriture ne l'aurait point passé sous silence, et n'aurait pas dit : Noé seul était juste. Voulant donner un nom à son fils, il dit : Il s'appellera Noé; il nous donnera le repos après nos travaux et la fatigue de nos mains, sur cette terre que le Seigneur Dieu a maudite. (Gen. V, 29.) D'où venait, dites-moi, cette prescience d'un avenir si éloigné? Il s'appellera Noé; il nous donnera le repos, Noé, en hébreu , signifie, repos. C'était lui, lorsque la terre serait envahie par le déluge, qui devait seul se sauver et renouveler la race humaine aussi est-il dit : il nous donnera le repos; ce mot de repos signifiant ici le déluge. En effet, la terre était comme fatiguée par la perversité (267) de ses habitants qu'elle supportait avec peine , lorsque le déluge, par la terrible invasion des eaux, mit fin à cette perversité , délivra la terre de la souillure de ses habitants et les punit en lui donnant le repos : Car la mort est le repos pour l'homme. (Job, III, 23.) Vous voyez donc que Dieu fait souvent prédire même par les infidèles. Quant au nom que les parents du patriarche lui avaient donné , on en sait la cause dès l'origine, lorsqu'il passa le fleuve pour aller dans une terre étrangère.

Maintenant Dieu lui dit : tes parents t'ont donné ce nom pour présager que tu devais venir ici : j'y ajoute une lettre pour t'apprendre que tu seras père d'une multitude de nations. Voyez quelle précision dans ces paroles. Il ne dit pas de toutes les nations, mais : d'une multitude de nations. Comme d'autres peuples devaient être mis à l'écart, pour que la race du juste eût seule part à son héritage , Dieu dit : Je t'ai établi pour être père dune multitude de nations; connaissant toute ta vertu je me servirai de toi pour instruire le monde: je te multiplierai de plus en plus et je ferai sortir de toi des peuples et même des rois. Arrêtons-nous sur ces paroles, mes bien-aimés. En songeant à l'âge du juste et à son extrême vieillesse, nous admirerons sa foi et la puissance de Dieu d'un homme déjà mort, pour ainsi dire, et impuissant en apparence, qui devait avoir toujours la mort devant les yeux , Dieu prédit qu'il sortira une race innombrable et plusieurs nations , même jusqu'à des rois.

Voyez l'étendue de ces promesses : Je te multiplierai de plus en plus. Ce mot est répété pour indiquer l'immense multitude qui doit naître du juste. Ainsi l'addition d'une lettre est comme une colonne où Dieu inscrit sa promesse, et il dit de nouveau : Je ferai une alliance entre toi et moi, et avec ta postérité après toi dans toutes les générations; comme une alliance éternelle, pour que je sois ton Dieu. Non-seulement je t’accorderai ma protection, mais aussi à ta race et après ta mort. Voyez comme il relève d'esprit du juste en lui promettant qu'il soutiendra toujours ses descendants. Et pourquoi cette alliance? Pour que je sois ton Dieu, et celui de ta race après toi. Ce sera pour toi et ta race le comble de l'honneur. Je te donnerai à toi et à ta race la terre que tu habites, toute la terre de Chanaan, en possession perpétuelle, et je serai leur Dieu. Grâce à ta vertu, tes descendants jouiront de ma providence et je leur donnerai en possession perpétuelle cette terre de Chanaan, et je serai leur Dieu. Que veut dire, je serai leur Dieu? Cela signifie : J'étendrai sur eux mes soins et ma protection et je combattrai toujours avec eux. Seulement tu garderas mon alliance, toi et ta postérité après toi dans toutes les générations. Je ne vous demande rien que l'obéissance et la reconnaissance, et j'accomplirai toutes mes promesses.

4. Voulant se faire un peuple à lui des fils du patriarche et les empêcher de se mêler, après qu'ils se seraient multipliés, aux nations dont ils devaient recueillir l'héritage; voulant aussi éviter ce mélange en Egypte, où, d'après sa prédiction, ils devaient être asservis, il ordonne au juste la circoncision, comme signe de reconnaissance, et lui dit : Voici mon alliance que tu garderas entre moi et toi, ainsi que ta race pendant toutes les générations. Que chaque mâle soit circoncis. Vous circoncirez la chair de votre prépuce. Ensuite pour leur enseigner, ainsi qu'à nous tous, la raison de cet ordre, qui n'avait d'autre cause que de se faire un peuple réservé et mis à part, il dit : Ce sera la marque de l'alliance entre moi et vous. Après cela, il indique le temps où cela doit se faire : Circoncisez le garçon de huit jours, le serviteur né dans la maison, ou l'esclave acheté; en un mot, tous ceux qui sont avec vous recevront cette marque. Celui qui n'aura pas été circoncis dans le temps prescrit périra, parce qu'il aura violé mon alliance.

Voyez la sagesse du Seigneur ! comme il connaissait l'imperfection des hommes à venir, il leur impose comme un frein cette marque de la circoncision, pour dompter leurs mauvais penchants et les empêcher de se mêler aux autres nations. Il connaissait leur penchant au mal, et savait que, malgré une foule d'avertissements, leurs mauvaises passions ne seraient point enchaînées. Aussi, comme souvenir impérissable, il leur imposa ce signe de la circoncision, comme un lien qui les soumît à des lois infranchissables, pour rester fidèles à leur nation et ne jamais se mêler aux autres peuples, afin que la race du patriarche restât pure et reçût l'accomplissement des promesses divines. De même qu'un homme doux et sage qui a une servante portée à désobéir, lui donne l'ordre précis de ne point quitter la maison, et que quelquefois même il l'enchaîne pour contenir son instinct vagabond; de même Dieu, dans sa bonté, leur imposa le signe de la circoncision (268) comme une entrave, afin que cette marque particulière les empêchât d'aller rien chercher chez les autres.

Mais les Juifs ingrats et insensés veulent garder encore la circoncision dont il n'est plus besoin, et montrent ainsi leur puérilité. En effet, pour quelle raison, dites-moi, veulent-ils maintenant être circoncis ? Alors ils avaient reçu ce précepte pour ne pas se mêler aux nations impies, mais maintenant que la grâce de Dieu les a toutes amenées à la lumière de la vérité, à quoi sert la circoncision ? Cet enlèvement d'un morceau de chair peut-il servir à délivrer notre âme? N'ont-ils donc pas compris que si Dieu leur disait : ce sera le signe de l'alliance, il voulait dire que leur faiblesse réclamait une marque particulière? C'est ce qui arrive d'ordinaire dans les choses humaines. Quand nous doutons de quelqu'un, nous réclamons une preuve qui nous assure de sa bonne foi. De même le Tout-Puissant, connaissant l'inconstance de leur esprit, exigea d'eux ce signe, non pour le conserver toujours, mais pour qu'il disparût quand la loi antique aurait pris fin et que ce signe serait devenu inutile. Ceux qui ont réclamé une preuve de bonne foi la laissent de côté quand l'affaire est terminée ; de même ici , cette marque avait été introduite parmi vous pour distinguer la postérité du patriarche ; mais après que ces nations dont vous étiez ainsi séparées ont été, les unes détruites, les autres appelées au grand jour de la vérité, cessez de porter la preuve de votre faiblesse et revenez à votre nature primitive. Songez en effet que cet homme admirable, c'est-à-dire le patriarche, avant d'avoir reçu l'ordre de la circoncision (il était alors âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans), avait été agréable à Dieu et avait été mille fois loué par le Seigneur. Maintenant que les promesses allaient s'accomplir, qu'Isaac allait venir au monde, que la race allait s'accroître et que le patriarche approchait de sa fin, il reçoit le précepte de, la circoncision, et lui-même s'y soumet à son âge, afin que son exemple devienne une règle pour ses descendants.

5. Les faits eux-mêmes vous montreront, mes bien-aimés, que cet usage ne sert en rien à l'âme. Que dit Dieu? Le garçon de huit jours sera circoncis. Je crois qu'il a eu deux raisons de prescrire ce terme; l'une parce que, dans un âge si tendre, l'opération est moins douloureuse; l'autre, pour indiquer que ce n'est qu'une marque, sans utilité pour l'âme. L'enfant nouveau-né, qui ne connaît et ne comprend rien, quel avantage peut-il en recevoir? Ce qui peut être bon pour l'âme lui arrive par son propre choix. Ce qui est bon pour l'âme, c'est de préférer la vertu au vice, c'est de ne désirer que le nécessaire, et de distribuer le superflu aux indigents; ce qui est bon pour l'âme, c'est de ne pas s'attacher au présent et même de le mépriser, en pensant toujours à l'avenir. Quel bien peut-il y avoir dans un signe charnel? Mais les Juifs ingrats et insensés, quand la vérité a passé, restent encore dans l'ombre; tandis que le Soleil de la justice s'est levé et a répandu partout ses rayons, ils ne s'éclairent qu'à la lueur de leur lampe; lorsqu'il est temps de goûter des aliments solides, ils se nourrissent encore de lait et ne veulent pas entendre la voix de saint Paul, qui leur dit d'une manière si puissante, au sujet de leur patriarche : Il reçut la marque de la circoncision comme le signe de la justice qu'il avait eue par la foi. (Rom. IV, 11.)

Voyez comme l'Apôtre nous montre que ce n'était qu'un signe, et que cette circoncision montrait que sa foi l'avait justifié. Qu'un juif n'ose pas nous dire: n'est-ce point la circoncision qui l'a justifié? le même saint, élevé par Gamaliel (Act. XXII, 3) et, connaissant si profondément la loi, lui dira : Ne croyez pas, juifs impudents, que la circoncision fasse quelque chose pour justifier, car, avant ce temps, Abraham crut à Dieu et sa foi lui fut réputée à justice. (Rom. IV, 3.) C'est donc après avoir été justifié par sa foi qu'il reçut la circoncision. Dieu commence par ajouter une lettre à son nom, puis lui ordonne de se circoncire, ce qui montre que le Seigneur l'a adopté pour sa vertu, ainsi que sa postérité. De même que celui qui a acheté un esclave, change souvent son nom et son costume, pour constater qu'il en est le maître et qu'il peut lui commander; de même le Seigneur de toutes choses, voulant distinguer le patriarche des autres hommes, ajoute une lettre à son nom pour faire voir qu'il sera père d'une multitude infinie, puis il le fait circoncire pour le séparer, ainsi que son peuple, des  autres nations. Ceux dont l'aveuglement veut encore la conserver, n'écoutent pas ces autres paroles de saint Paul : Si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien.. (Galat. V; 2.) En effet, le Seigneur est (269) venu pour supprimer cette pratique, et la loi étant accomplie, l'observation de la loi doit finir; aussi saint Paul dit-il : Si vous vous justifiez par la loi, vous perdez la grâce. (Gal. V, 4.) Obéissons donc à ce saint, et ne pratiquons plus la circoncision, car il a dit : Vous avez été circoncis, non point dans la chair, mais par le retranchement des péchés de la chair; c'est la circoncision du Christ. (Colos. II,11.)

Ce signe de la circoncision séparait les Juifs des autres nations, et montrait que Dieu les avait choisis en particulier; de même notre circoncision parle baptême montre mieux-la séparation des fidèles et des infidèles. Nous ne sommes point circoncis dans la chair, mais par le retranchement des péchés de la chair. Car ce que faisait la circoncision de la chair, le baptême le fait en supprimant nos péchés. Une fois que nous nous en sommes dépouillés et que nous avons revêtu la robe de pureté, persévérons, mes bien-aimés, dans cette pureté, et restons supérieurs aux affections de la chair, en embrassant la vertu. Et nous, qui sommes sous la grâce, prenons pour modèle celui qui a vécu sous la loi et même avant la loi. En dirigeant notre vie d'après la sienne, nous mériterons de nous retrouver dans son sein et de jouir des biens éternels, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel, ainsi qu'au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance et honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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