HOMÉLIE LXVII

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SOIXANTE-SEPTIÈME HOMÉLIE. « Israël dit à Joseph : Voici que je meurs, et Dieu vous fera retourner de cette contrée au pays de vos pères. Je te donne de plus qu'à tes frères Sichem, que j'ai prise avec mon glaive et mon arc. » (Gen. XLVIII, 21-22)

 

ANALYSE.

 

1. Résumé de l'instruction précédente. Suite de la prophétie de Jacob. Les talents naturels sont inutiles où manquent les bonnes mœurs. Explication des versets 1-4 du XLIXe chap. — 2. Explication des versets 5-11. — 3. Le mystère de l'Eucharistie préfiguré. Explication des versets 12-29. — 4. Suite de l'explication du texte jusqu'au verset 18 du Le chapitre. Pourquoi ces grandes lamentations qui accompagnent la mort, dans l'Ancien Testament. — 5. Fin de l'histoire de Joseph. Il console et comble de biens ses frères, il prédit, au moment de mourir, le retour des Juifs.

 

1. Je vous avais promis l'autre jour de terminer l'histoire de Jacob; mais notre discours s'étant prolongé, il ne nous a pas été possible de réaliser cette promesse. Je veux donc, aujourd'hui, mettre sous vos yeux la partie qui n'a pas été traitée l'autre jour, afin que, cette fois du moins, si Dieu le permet, nous finissions notre tâche. Mais il faut d'abord rafraîchir la mémoire de votre charité, et vous fixer le point précis du sujet où s'est arrêtée notre instruction. Vous n'ignorez pas, vous vous rappelez que c'est au moment où le juste voulant bénir les enfants de Joseph , préfère Ephraïm à Manassé, nonobstant le mécontentement du père, auquel il dit ces paroles : Je le sais bien, mon fils; celui-ci sera aussi chef dépeuple, et il sera exalté; mais son frère qui est le plus jeune, sera plus grand que lui, et de sa race une foule de peuples sortiront. Et il les bénit en ce jour, disant : En vous sera béni Israël, et l'on dira : Que Dieu te fasse comme à Ephraïm et à Manassé! et il mit Ephraïm devant Manassé. Parvenu à cet endroit, de peur d'encombrer votre mémoire, nous avons conclu l'instruction; mais si bon vous semble, nous verrons la suite aujourd'hui. Israël dit à Joseph: Voici que je meurs, et Dieu sera avec vous, et Dieu vous fera retourner de cette contrée au pays de vos pères. Je le donne de plus qu'à tes frères Sichem, que j'ai prise avec mon glaive et mon arc. Après qu'il a béni les enfants, et que, dans sa prévoyance, il a préféré le plus jeune à l'aîné, voulant convaincre Joseph qu'il n'a point agi ainsi par caprice ni sans raison, mais en vue de l'avenir qui lui était révélé, il lui prédit à lui-même sa fin, lui annonce que sa famille quittera la terre étrangère pour revenir dans la contrée de Chanaan, pays de leurs pères, et joint à cela des paroles d'espérance, propres à les soulager dans leur attente. En effet, l'espérance allége toujours les peines d'ici-bas. Puis, montrant jusqu'au moment de la mort la tendresse qu'il avait pour Joseph, il lui dit: Je te donne de plus qu'à tes frères, Sichem; indiquant assez clairement par là que son dire ne pouvait manquer de se réaliser, que ses enfants retourneraient au pays selon sa prédiction, et qu'ils hériteraient du pays de leurs pères; à telles enseignes qu'il donnait à Joseph Sichem en héritage de plus qu'à ses frères, Sichem qu'il avait ravie aux mains des Amorrhéens avec son glaive et son arc. Qu'est-ce à dire? C'est qu'il revendique l'expédition de Siméon et de Lévi contre ceux de Sichem, et de là ces mots : Que j'ai prise avec mon glaive (436) et mon arc. Mais ici il ne serait pas hors de propos de rechercher pourquoi, s'il revendiquait cette action, et devait plus tard tester en ces termes, il prononce ailleurs contre Siméon et Lévi une accusation que l'Ecriture nous a conservée? En cet endroit le juste ne se contredit point; il montre seulement la douceur de son caractère, et déclare que cette extermination s'est faite malgré lui; en effet, non content de blâmer cet acte- lorsqu'il s'exécutait, il le réprouva quand il eut été commis. Maintenant voulant montrer sa tendresse pour Joseph, il lui cède Sichem qu'il a prise, ajoute-t-il, avec son glaive et son arc. L'action a été faite par eux, mais la ville m'appartient. Car si le père est le maître de ses enfants, à plus forte raison peut-il disposer de leurs biens; et s'il peut en disposer, il peut aussi faire le par tage à sa volonté. Voulant donc montrer sa bienveillance pour Joseph, il ne se borne point pour cela à bénir Ephraïm et Manassé, dans la même intention, il laisse Sichem à son fils à part du commun héritage. Jacob fit venir ses fils et leur dit : .Réunissez-vous, afin que je vous annonce ce qui vous arrivera dans les derniers temps. (XLIX, 1.) Assemblez-vous, et écoutez votre père Israël. (Ibid. 2.) Venez ici, leur dit-il, et apprenez de ma bouche non les choses du présent, ni celles qui doivent arriver sous peu, mais celles qui s'accompliront dans les derniers temps. Et ce n'est pas moi, à vrai dire, qui vous les révélerai, ce sera l'inspiration du Saint-Esprit. C'est grâce à elle que je puis, dès à présent, vous prédire ce qui aura lieu après une longue suite de générations. En effet, sur le point de finir mes jours, je veux en chacun de vous, comme sur une table d'airain, graver mon souvenir. Voyez maintenant comment ce juste, en présence de ses enfants réunis, observant l'ordre des générations postérieures, accompagne chaque nom de la bénédiction ou de la malédiction qui lui convient, et montre en cela même l'excellence de sa vertu. Il commence par le premier. Ruben, dit-il, mon premier-né, ma force et le chef de mes enfants, dur à supporter, dur et obstiné. (Ibid. 3.) Considérez la sagesse du juste. Afin de renforcer l'accusation portée contre Ruben, il parle d'abord des prérogatives qu'il tient de la nature, de la préséance dont il a joui en tant que chef des enfants, et comme ayant le rang d'aîné; puis il inscrit pour ainsi dire sur une table d'airain les péchés où il est tombé, volontairement, montrant par là que les avantages naturels ne servent de rien, si l'on n'y joint les bonnes oeuvres et la vertu; car c'est là ce qui procure la louange ou attire le blâme. Dur à supporter, dur et obstiné. Tu es déchu, lui dit-il, par ta témérité, du rang que t'avait donné la nature. Puis il enregistre jusqu'à l'espèce du péché, afin que les descendants trouvent une grande leçon propre à les détourner de toute action pareille dans la condamnation prononcée contre Ruben. Tu t'es révolté, comme l'eau ne déborde point. Car tu es monté sur le lit de ton père : alors tu as souillé la couche où tu es monté. (Ibid. 4.) Il fait allusion au commerce de Ruben avec Balla.

2. Voyez-vous comment, parla vertu de l'intelligence que lui avait octroyée l'Esprit, il prend les devants sur cette loi de Moïse que le père et le fils ne doivent pas approcher de la même femme? Le reproche qu'il adresse à son fils implique, en effet, cette interdiction: Tu as souillé la couche, en montant sur le lit de ton père tu as commis une action défendue. En conséquence, puisque de cette manière Tu t'es révolté, comme l'eau ne déborde point. Tu n'auras pas à te féliciter, veut-il dire, de cette criminelle entreprise, d'avoir osé, sans aucun égard pour ton père, déshonorer sa couche. L'Esprit-Saint a voulu que les générations sui. vantes se gardassent de suivre un tel exemple; voilà pourquoi il a pourvu à ce que cette accusation fût consignée par écrit. Par là, tout le monde peut apprendre et se convaincre qu'une préséance conférée par la nature est de nulle utilité, si les actes de la volonté y contredisent. Ensuite, lorsqu'il a suffisamment stigmatisé cette abominable action, il passe à Siméon et à Lévi. Siméon et Lévi ont consommé l'injustice de leur volonté. (Ibid. 5.) Leur zèle à venger leur sueur les a poussés à. cette injustice. Puis, montrant que c'est à son. insu qu'ils ont exécuté leur dessein, il ajoute : Que mon âme ne vienne point dans leurs conseils, et que mon coeur ne s'appuie point sur leur réunion. (Ibid. 6.) A Dieu ne plaise que j'aie été associé i leur dessein, que j'aie adhéré à leur injuste entreprise ! Parce que dans leur courroux ils ont tué des hommes. La raison n'a point dirigé leur courroux. Sichem eût-il été coupable, il ne fallait pas pour cela commettre un massacre général. Et dans leur fureur ils ont estropié le taureau. Il fait allusion ici au fils d'Hémor qu'il appelle taureau à cause de son âge, alors (437) dans sa fleur. Puis, ayant rappelé leur conduite, il ajoute une malédiction et dit : Maudit soit leur courroux, parce qu'il est inexorable, et leur ressentiment parce qu'il a été implacable. (Ibid. 7.) Il veut parler de la ruse qu'ils ont employée contre leurs ennemis, du stratagème dont ils se sont servis pour les attaquer.. Leur courroux, dit-il, est inexorable, impétueux, irréfléchi. Et leur ressentiment, parce qu'il a été implacable. En effet, c'est lorsque les Sichémites les croyaient le mieux disposés pour eux, que faisant éclater leur violente colère, ils ont fait de ce peuple leur proie et leur butin. Puis, quand il a fait le récit de leur péché, il prédit la vengeance qui doit les en punir. Je les diviserai en Jacob et les disperserai en Israël. Ils seront dispersés en tous lieux, veut-il dire, afin qu'il devienne clair pour tout le monde qu'ils sont ainsi punis de leur coupable entreprise. Juda, que tes frères te louent. (Ibid. 8.) la bénédiction donnée à Juda est une bénédiction mystique qui nous révèle à l'avance tout ce qui doit être réalisé dans le Christ. Juda, que tes frères te louent ! En effet , c'est parce que le Christ devait naître de cette famille, selon les calculs de la Providence, que Jacob, inspiré du Saint-Esprit, prophétise dès lors par ce qu'il dit touchant Juda, non-seulement la descente du Seigneur parmi les hommes, mais encore le mystère, la croix, l'inhumation, la résurrection, enfin tout absolument. Juda, que tes frères te louent. Tes trains sont sur le dos de tes ennemis , et les fils de ton père t'adoreront. Il indique ainsi la soumission où ils sont destinés à vivre. C'est un lionceau que Judo. Tu es sorti dit germe, mon fils. (Ibid. 9.) Il prédit sa royauté. Car c'est la coutume constante de l'Ecriture que de désigner la puissance royale par la figure du lion. Retombé tu t'es endormi comme un lion. Qui le réveillera? Ici il a en vue la croix et le sépulcre. Qui le réveillera ? Nul n'oserait tirer un lion de son sommeil, de là ces, mots : Tu t'es endormi comme un lion. Qui le réveillera? C’est lui-même, lui qui dit : J'ai le pouvoir de piller mon âme et le pouvoir de la reprendre. (Jean, X, 18. ) Puis il indique clairement l’époque où le Christ doit paraître suivant les rues de la Providence. Il ne manquera pas de rois issus de Juda, ni de chefs sortis de ses Panes, jusqu'à la venue de Celui à qui est réservé le dépôt. Et lui-même sera l'attente des nations.(Ibid.10.) C'est-à-dire que le judaïsme et les princes des Juifs subsisteront jusqu'à sa venue. Et il dit très-bien jusqu'à la venue de Celui à qui est réservé le dépôt; il parle de Celui à qui la royauté est préparée. Aussi est-il l'attente des rations. Voyez comment il parle déjà du salut futur des nations elles-mêmes. Lui-même sera l'attente des nations. Les nations attendent sa venue. Attachant à une vigne son poulain, et aux branches son ânon. (Ibid. 11.) Par cet ânon, il désigne les nations qui seront converties. L'âne étant un animal immonde, il dit pour cette raison : Ces nations impures seront amenées avec la même facilité qu'un ânon qu'on attache aux branches d'une vigne; il indique par là l'étendue de cet empiré, l'obéissance parfaite de ces nations. En effet, c'est la marque d'une grande douceur chez un âne que de se laisser attacher aux branches d'une vigne. Quant à la vigne, c'est une image à laquelle Jésus compare sa doctrine : Moi je suis la vraie vigne, dit-il, et mon Père est le vigneron. (Jean, XV, 1.) Les branches de la vigne représentent ce qu'il y a d'affectueux, de facile dans les articles de la législation ; il fait entrevoir par là que les nations seront plus dociles que les Juifs. Il lavera dans le vin sa robe, et dans le sang de la grappe son vêtement.

3. Voyez combien ici l'allusion au mystère est complète. Les initiés savent à quoi s'applique la parole : Il lavera sa robe dans le vin; par ce mot, robe, il faut, si je ne me trompe, entendre le corps dont Jésus, dans son Incarnation, a daigné se revêtir. Puis, pour vous faire entendre ce que c'est qu'il appelle vin, il ajoute : et son vêtement dans le sang du raisin. Considérez comment, par ce mot sang, il nous fait songer au supplice, à la croix, et à toute la série des mystères. Ses yeux sont plus beaux que le vin, et ses dents plus blanches que le lait. (12.) Ici c'est la gloire qu'il veut représenter par cette métaphore du vin et des yeux. Et ses dents sont plus blanches que le lait ; c'est la justice et la majesté du juge. Par les dents et par le lait, il ne désigne rien autre chose que la pureté et l'éclat du jugement, qui rappellera les dents et le lait. Il ajoute : Zabulon habitera sur le rivage de la mer, et près du port des navires et il s'étendra jusqu'à Sidon. (13.) Voyez comme à celui-ci pareillement, il prédit où il aura son séjour, et qu'il dominera jusqu'à Sidon. Issachar a désiré le bien, et il se tient dans les bornes de sofa partage. (14.) Et voyant que le repos (438) est bon, et que la terre est fertile, il a baissé l'épaule pour travailler, et il est devenu cultivateur. (15.) Il le loue d'avoir choisi l'agriculture, et préféré à tout le travail de la terre. Dan jugera son peuple, comme une seule tribu dans Israël. (16.) Et que Dan devienne comme un serpent dans le chemin, comme un céraste dans le sentier, qui mord le pied du cheval; et le cavalier tombera à la renverse, attendant le salut du Seigneur. (17.) On ne saurait trop admirer comment ce juste, prévoyant tout avec les yeux de l'Esprit, prédisait l'avenir à ses enfants, et annonçait à chacun ce qui devait lui arriver; il prophétise dès lors ce qui ne doit se réaliser que beaucoup plus tard. La tentation tentera Gad; mais il tentera lui-même son ennemi de près. (19.) Le pain d'Azer sera excellent, et les rois s'en nourriront. (20.) Nephthali sera, comme un arbrisseau qui s'élève, et s'embellit en pullulant. Puis, après avoir parlé d'eux brièvement, il revient à Joseph, et dit : Mon fils Joseph a grandi, il est digne d'envie; Joseph est mon grand fils, mon jeune fils. (22.) Il veut lui dire : Tu es devenu un objet d'envie dès le commencement. (23.) On conspirait contre lui, on l'insultait; allusion au complot de ses frères contre lui. Puis, il rappelle ce que disait plus haut l'Ecriture, qu'ils avaient accusé perfidement Joseph auprès de son père : On conspirait contre lui, on l'insultait; et ceux qui ont des flèches l'attaquaient; c'est leur projet homicide. Et leurs arcs furent brisés avec force. (24.)

Après avoir dit leur entreprise, il en dit le résultat. Leurs arcs furent brisés; et les nerfs de leurs bras se détendirent. Ils essayèrent de le tuer, et exécutèrent leur projet, autant qu'il était en eux. Mais leurs arcs furent brisés et leurs nerfs détendus : n'est-ce pas là, en effet, ce qu'ils durent éprouver lorsqu'ils entendirent Joseph qui leur disait : Je suis votre frère Joseph que vous avez vendu pour qu'on l'emmenât en Egypte ? C'est alors surtout, c'est alors que leurs nerfs furent détendus par le Roi de Jacob. Tu es sorti de là pour être la force d'Israël, grâce ait Dieu de ton père, et mon Dieu t'a secouru. (Ib. 25.) C'est le Roi qui a détendu ces nerfs, car c'est mon Dieu lui-même qui t'a secouru. — Voyez le profond amour du juste pour le Seigneur; du Maître de l'univers il fait son Dieu, à lui, non pour limiter son empire, ni pour lui ôter son pouvoir sur le monde, mais pour manifester sa propre ferveur. Et il t'a béni du haut du ciel. Il ne s'est pas borné à te secourir, Il t'a béni de la bénédiction de la terre qui contient toutes choses, à caisse de la bénédiction des mamelles et des entrailles de la bénédiction de ton père et de ta mère. Il a surpassé les bénédictions des stables montagnes, et les désirs des collines éternelles. (Ibid. 26.) —  C'est sa gloire, son élévation, sa souveraineté sur l'Egypte qu'il a en vue dans ce passage; s'il parle de montagnes et de collines, c'est pour caractériser sa grandeur et sa puissance et faire voir qu'il a été porté au plus haut sommet. Ces bénédictions seront sur la tête de Joseph et sur la tête des frères dont il a été le chef. Ces bénédictions seront sur ta tête. Benjamin, loup ravissant,. mangera la proie le matin, et le soir il partagera la nourriture. (Ibid. 27.) Ici encore, il prédit à Benjamin des événements prochains; comment, pareil à un loup, il ira dévastant, tuant, exerçant mille ravages. Puis, après avoir prédit à tous ses fils les bénédictions propres à chacun, il bénit chacun d'eux, suivant la bénédiction qu'il lui avait donnée. (Ibid. 28.) C'est comme s'il disait: Il fit à chacun la prédiction qui devait lui être faite, et prophétisa les destinées réservées à chaque tribu; enfin, lorsqu'il eut distribué les révélations qu'il tenait de l'Esprit, il leur dit : Je rejoins mon peuple , vous m'ensevelirez avec mes pères. (Ibid. 29.)

4. Par cette recommandation il leur procure une consolation incomparable. Car ils pensaient que le juste ne leur aurait pas prescrit ce soin, s'il n'avait été certain de leur futur retour et de la cessation de leur servitude en Egypte. Il fixe ensuite le lieu. Dans la caverne qui est dans le champ d'Ephron Héthéen. Et ayant dit ces paroles, il cessa de donner des ordres à ses fils. Et Jacob ayant levé ses pieds au-dessus du lit, mourut et se réunit à soit peuple. Considérez comme la fin du juste est elle. même admirable. En effet, après avoir donné ses instructions à ses enfants, il élève ses pieds au-dessus du lit : on dirait que cela lui cause de la joie. Ainsi, après avoir fait toutes ses recommandations, il élève ses pieds, c'est-à-dire, les étend, les allonge : puis il meurt, et se réunit à son peuple. Et Joseph se jetant sur la face de son père, pleura sur lui et le baisa. Voyez-vous cette tendresse filiale? Voyez-vous cette ardente affection? Quand l'âme a quitté le corps, Se jetant sur la face de son père il le (439) baisa et pleura sur lui. Après cela Joseph se hâte d'accomplir les prescriptions paternelles. Il ordonna aux embaumeurs d'embaumer son pire. (Ibid. 2.) Et il pleura durant les quarante jours que dura l'embaumement, et l’Egypte soixante-dix jours durant. (Ibid. 13.) Et quand toutes les cérémonies furent terminées, alors il fit connaître à Pharaon et à -ses eus les volontés de son père, et dit : Mon père m'a fait jurer, disant : Le sépulcre, que je me suis creusé dans la terre de Chanaan est le lieu où tu m'enseveliras. Maintenant donc, je partirai avec mon père, je l'ensevelirai, et je reviendrai. (Ibid. 5.) II convient que ses ordres soient exécutés par moi. Quand j'aurai fait selon sa volonté, je reviendrai. Là-dessus Pharaon permit. Et Joseph partit pour ensevelir son père, et avec lui partirent tous les serviteurs de Pharaon. (Ibid. 7.) Et ils quittaient leur famille, leurs boeufs et leurs brebis. (Ibid. 8.) Et avec lui partirent des chars et des cavaliers, et ce fut une invasion très-considérable. (Ibid. 9.) Voyez quel empressement montrent les Egyptiens, afin d'honorer Joseph : ils l'accompagnent en si, grand nombre que c'est une véritable invasion : Et parvenus à un certain endroit, ils se frappèrent longuement et violemment en signe de douleur. Et il donna à son père un deuil de sept jours. (Ibid. 11.) Et les habitants de Chanaan virent cela et dirent : Les Egyptiens sont en grand deuil. De là le nom Deuil d'Egypte, donné à ce lieu, qui est au delà du Jourdain.

Mais toi, mon cher auditeur, en écoutant ce récit, garde-toi de n'y accorder qu'une attention distraite : songe à l'époque où ces choses se passaient, et décharge Joseph de toute imputation. Les portes de l'enfer n'étaient pas encore brisées, les chaînes de la mort n'étaient pas déliées, la mort n'était point réputée un sommeil: voilà pourquoi, craignant la mort, on agissait de la sorte. Aujourd'hui, par la grâce de Dieu, la mort étant devenue un sommeil, le trépas un assoupissement, la résurrection une certitude, nous nous réjouissons, nous tressaillons d'allégresse comme au passage d'une vie dans une autre. Et que dis-je, d'une vie dans une autre? D'une vie inférieure à une vie meilleure, d'une vie fugitive à une vie éternelle, d'une vie terrestre à une vie céleste. Enfin, tout étant accompli, Joseph retourna en Egypte, avec ses frères et ceux qui l’avaient accompagné. Considérez ici la pusillanimité des frères de Joseph, et la crainte qui agitait leur âme. Les frères de Joseph, voyant que leur père était mort, dirent: Puisse Joseph ne pas nous garder rancune, ne pas nous rendre ce qu'il nous doit, tous les maux que nous lui avons faits! (Ibid. 15.) L'effroi tourmente leur coeur : déchirés de remords, ils ne savent que faire. Voyant donc que leur père n'était plus; et redoutant de la part de Joseph une juste vengeance, ils se présentèrent devant lui, et dirent : Ton père nous a fait jurer avant de mourir, disant : Dites et Joseph : Pardonne-leur leur injustice et leur faute. (Ibid. 16.) Remarquez de nouveau comment ils s'accusent eux-mêmes. Observez combien est accablant le témoignage de la conscience. Vous avez beau faire : vous savez que vous avez commis l'injustice, le péché, que vous vous êtes rendus coupables de mauvaises actions. Et maintenant accueille l'iniquité des serviteurs du Dieu de ton père. Vous avez vu comment, c'est sans y être forcés qu'ils s'accusent et disent : Ton père a dit : Pardonne-leur le mal qu'ils t'ont fait, et accueille l'iniquité des serviteurs du Dieu de ton père. Mais cet homme admirable, excellent, est si éloigné de garder aucun souvenir des traitements qu'il a subis, que ces paroles l'émeuvent : Et Joseph pleura, tandis qu'ils lui parlaient. Et ils vinrent lui dire : Nous sommes tes serviteurs. (Ibid. 18.) Voyez ce que c'est que la vertu, à quel point elle est forte et irrésistible, et quelle est la faiblesse du vice. En effet, voici que cet homme tant éprouvé est devenu souverain, et que ceux qui avaient traité leur frère de la sorte, demandent à être les serviteurs de celui qu'ils ont vendu comme esclave.

5. Mais soyez attentifs à la patience de Joseph vis-à-vis de ses frères; voyez comment il n'omet rien pour les consoler, leur persuader qu'ils n'ont eu aucun tort envers lui. Ne craignes rien: J'appartiens à Dieu. (Ib. 19.) Vous avez eu de mauvais desseins contre moi, mais Dieu a changé ce mal en bien, afin de faire advenir ce qui se réalise aujourd'hui, qu'un peuple nombreux soit nourri. (Ib. 20.) N'ayez pas peur, sortez d'inquiétude : J'appartiens à Dieu, et j'imite mon Maître : je m'efforce d'obliger ceux qui m'ont causé des maux extrêmes : Car j'appartiens à Dieu. Puis, voulant montrer quelle bienveillance Dieu lui accorde, il ajoute: Votre conduite envers moi était dictée par de mauvais desseins, mais Dieu a changé pour moi ce (440) mal en bien. De là ces mots de Paul : Ceux qui aiment Dieu voient tout conspirer à leur bien. (Rom. VIII, 28.) Tout, qu'est-ce à dire? C'est-à-dire même les contrariétés, les sujets apparents d'affliction, il change tout cela en bien : c'est ce qui arriva pour cet homme incomparable. La conduite de ses frères fut le principal motif de son élévation, grâce à la puissance, à la sagesse de Dieu qui changea en prospérités toutes ses infortunes. Afin qu'un peuple nombreux soit nourri. Ce n'est pas nous seulement qu'il a eus en vue dans ce changement, c'est encore la subsistance de tout ce peuple. Et il leur dit : Ne craignez rien :je vous nourrirai, vous et vos familles. Et il les exhorta, et il parla à leur coeur. (Ib.21.) Que craignez-vous désormais? Je pourvoirai à votre subsistance et à celle de tous les vôtres. Et il les exhorta, et il parla à leur coeur. Il ne se borne pas à les exhorter, il y met tant de zèle qu'il dissipe tout leur chagrin. Et Joseph habita en Egypte, lui et ses frères, et toute la maison de son père. (Ib. 22.) Et Joseph villes enfants d'Ephraïm jusqu'à. la troisième génération. (Ib. 23.) Et Joseph parla à ses frères, disant: Je meurs. Dieu vous visitera, et vous emporterez avec vous mes os hors de ce pays. (Ib. 24.) Ainsi, comme son père, il recommande qu'on emporte ses restes. Et voyez comment afin de les rassurer encore, de les affermir dans l'espérance du retour, après leur avoir prédit d'abord qu'ils retourneront au pays, il dit ici : Vous emporterez avec voies. En partant vous emporterez avec vous mes os.

Il n'agissait pas ainsi par caprice ni sans motif, mais pour deux raisons : d'un côté, parce qu'il craignait que les Egyptiens, gardant le souvenir de ses nombreux bienfaits, et fidèles à leur usage de diviniser des hommes, ne commissent l'impiété pour honorer le corps d'un juste; d'autre part, afin que les siens fussent bien assurés qu'ils retourneraient de toute manière au pays. En effet, si cela n'eût été certain, il ne leur eût pas ordonné de ramener ses ossements. — Spectacle étrange et nouveau ! Celui qui nourrissait en Egypte tout Israël, c'était celui-là même qui donnait le signal du retour, qui introduisait ce peuple dans la terre promise. Et Joseph mourut âgé de cent dix ans. (Ibid. 25.) A quoi bon nous dire son âge? Afin de nous instruire du temps durant lequel il gouverna l'Egypte. Il était arrivé dans ce pays à l'âge de dix-sept ans; à trente ans il parut devant Pharaon, et expliqua les songes. Durant les quatre-vingts années qui suivirent, il fut le maître absolu de l'Egypte. Vous voyez s'il fut largement dédommagé, magnifiquement récompensé de ses peines. Pendant treize années il lutta contre les tentations, esclave, calomnié, en butte aux souffrances de la captivité. Et lorsqu'il eut tout supporté avec courage et avec des actions de grâces, il fut généreusement rétribué même en ce monde. — Réfléchissez en effet qu'en échange de quelques années de servitude et de captivité, il gouverna un royaume quatre-vingts années durant. — Mais que la foi dirigeait toutes ses actions, que c'est elle encore qui lui inspira ses dernières volontés au sujet du transport de ses os, c'est Paul qui nous l'apprend, en disant; C'est par la foi que Joseph mourant parla du départ des enfants d'Israël. (Hébr. XI, 22.) Et il ne s'en tient pas là; afin de nous révéler le motif pour lequel il recommande que ses os fussent transportés, il ajoute : Et qu'il fit des dispositions touchant ses os.

Peut-être ai-je parlé trop longtemps; excusez-moi. Parvenu à la fin du livre, nous avons voulu le terminer aujourd'hui en même temps que notre discours , et ajouter à cela notre exhortation habituelle de garder souvenir de nos paroles, de chercher à imiter la vertu de ces justes, leur patience à l'égard de leurs oppresseurs , leur longanimité vis-à-vis de leurs persécuteurs , leur chasteté à toute épreuve. C'est par là, en effet, que notre juste s'est concilié toutes les faveurs d'en-haut. Par conséquent, si nous voulons nous assurer le même appui, n'estimons rien tant que la vertu. De cette manière, nous nous concilierons la grâce de l'Esprit, nous passerons dans le calme la vie présente, et nous serons admis au partage du bonheur futur, auquel puissions-nous tous parvenir, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui, gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

 

 

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