HÉBREUX VIII

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HOMÉLIE VIII. CAR TOUT PONTIFE, ÉTANT PRIS D'ENTRE LES HOMMES, EST ÉTABLI POUR LES HOMMES, EN CE QUI REGARDE LE CULTE DE DIEU, AFIN QU'IL OFFRE DES DONS ET DES SACRIFICES POUR LES PÉCHÉS, ET QU'IL PUISSE ÊTRE TOUCHE, DUNE . JUSTE COMPASSION POUR. CEUX QUI PÉCHENT PAR IGNORANCE ET PAR ERREUR, COMME ÉTANT LUI-MÊME ENVIRONNÉ DE FAIBLESSE. ET C'EST CE QUI L'OBLIGE A OFFRIR LE SACRIFICE DE L'EXPIATION  DES PÉCHÉS AUSSI BIEN POUR LUI-MÊME QUE POUR LE PEUPLE. (V, 1, 2, 3, JUSQU'A LA FIN DU CHAPITRE.

 

Analyse.

 

1, 2. Sacerdoce du Christ.

3. Saint Paul reproche aux Hébreux la faiblesse de leur intelligence.

4. Comment peut-on s'habituer à discerner l'erreur de la vérité. — Devoir du lecteur dans l'église.

 

1. Saint Paul s'attache maintenant à démontrer combien le Nouveau Testament est préférable à l'Ancien, combien il lui est supérieur, et il commence par exposer les raisons sur lesquelles il se fonde. Sous la loi nouvelle, rien ne parle aux sens, il n'y a pas de représentation matérielle . point (487) de temple, point de saint des saints, point de prêtre revêtu de l'appareil sacerdotal, point de cérémonies légales; tout est plus élevé, tout est plus parfait. Rien pour le corps; tout pour l'esprit. Or, ce qui est du ressort de l'esprit ne frappe pas les âmes. faibles comme ce qui parle"aux sens; voilà pourquoi l'apôtre tourne et retourne son sujet de mille manières. Voyez combien il est habile. Il nous représente d'abord le Christ comme prêtre, il ne cesse de lui donner le nom de pontife; et il part de là pour nous montrer combien il différé des autres pontifes. Il donne la définition du. prêtre , il nous montre les caractères et les symboles du sacerdoce réunis dans la personne du Christ. Ce. qu'on pouvait lui objecter, ce qui lui faisait obstacle, c'est qu'il n'était ni d'une haute naissance, ni d'une tribu sacerdotale, ni revêtu d'un sacerdoce terrestre. On pouvait donc craindre d'entendre sortir de quelques bouches cette question : Comment se fait-il qu'il soit prêtre? Eh bien ! Paul procède ici comme dans l'épître aux Romains. (Rom. IV.) Il s'était chargé de soutenir une thèse difficile;.il fallait prouver que la foi opère des effets que n'ont pu opérer la loi, ni, toutes les peines et tous les travaux qu'elle imposait. Pour montrer que cet effet d'est produit et qu'il pouvait se produire, il a recours à l'exemple des patriarches et il remonte aux temps anciens. C'est ainsi ! qu'il entre dans la seconde voie suivie par le sacerdoce, en citant d'abord les anciens pontifes. De même qu'à propos des peines infligées aux méchants, Il a cité .à ses auditeurs non-seulement la géhenne, mais encore l'exemple de leurs pères; de même ici il commence par leur rappeler les faits présents à leur mémoire. Au lieu de leur montrer le ciel, pour les faire croire aux choses terrestres, il fait le contraire, en considération de leur faiblesse. Il expose d'abord les points de contact que le Christ peut avoir avec les autres pontifes, pour montrer ensuite la supériorité qu'il a sur eux. La comparaison est donc à l'avantage du Christ; puisque sous certains rapports, il y a ressemblance et. affinité entré eux et lui, tandis que sous d'autres points de vue, il leur est supérieur. Autrement, à quoi aboutirait cette comparaison?

«Tout pontife pris d'entre-les hommes ». Voilà une condition qui se rencontre dans le Christ, comme dans les autres. « Est établi pour les hommes, en ce qui tient au culte de Dieu». Même observation. « Afin qu'il offre des dons et des sacrifices pour le peuple ». Cela est encore; jusqu'à un certain point, commun au Christ et aux autres. Mais il n'en est pas ainsi du reste: «Afin qu'il puisse étire touché de compassion pour ceux qui sont dans l'ignorance et terreur». Voilà déjà un avantage que le Christ a sur les autres pontifes. « Comme étant lui-même environné de faiblesse, et c'est ce qui l'oblige à offrir le sacrifice de l'expiation des péchés, aussi bien pour lui-même que pour « le peuple».Puis il ajoute: Il a reçu le pontificat, mais-il ne s'est pas fait lui-même pontife. Il a encore cela de Commun avec lies, autres pontifes. « Nul ne s'est attribué à soi-même cet honneur; mais il faut y être appelé de Dieu comme Aaron,(4) ». Ici c'est autre chose qu'il s'applique à démontrer, il fait voir que le Christ est l'envoyé de Dieu. C'est ce que le Christ ne cessait de dire, en conversant avec les juifs : «Celui qui m'a envoyé est plus grand que, moi». (Jean VIII, 42.) Et ailleurs : « Je ne suis pas venu dé moi-même ». Selon moi, ces paroles font allusion aux pontifes juifs qui envahissaient le sacerdoce au mépris de la loi. « Ainsi Jésus-Christ ne s'est pas élevé de lui-même à la  dignité de souverain pontife (5) ».Quand donc a-t-il été institué et ordonné pontife? Aaron, .en effet, a été souvent institué et ordonné pontife, par la verge, par le feu du ciel, qui consuma ceux qui voulaient lui ravir le sacerdoce. ici, rien de pareil : non-seulement il n'est pas arrivé malheur aux faux pontifes, mais ils sont en bonne odeur. Comment donc saint Paul. prouve-t-il l'ordination de Jésus-Christ? Par les prophéties. Son pontificat n'a rien de matériel et ne tombe pas sous les sens. Ce qui prouve sa dignité de pontife, ce sont les prophéties, la prédiction de ce qui devait arriver, « c'est celui qui lui a dit : Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourd'hui ». Ces paroles se rapportent-elles au Fils de Dieu? Sans doute, c'est de lui qu'il s'agit ici. Mais quel rapport ces paroles ont-elles avec la question qui nous occupe? Elles en ont un très-grand. C'est la démonstration anticipée qu'il a été institué et ordonné pontife par Dieu même.

Selon qu'il lui dit aussi dans un autre endroit; «Vous êtes le pontife selon l'ordre de Melchisédech (6) ». A qui s'appliquent ces paroles? Quel est ce pontife qui est selon l'ordre de Melchisédech? Nul autre que le Christ. Tous en effet étaient soumis à là loi; tous observaient le sabbat; tous étaient circoncis. Il ne peut être ici question que du Christ. « Ainsi, durant les jours de sa chair, ayant offert avec un grand cri et avec des larmes, ses prières et ses supplications à celui qui pouvait le tirer de la mort, il a été exaucé à cause de son humble respect pour son Père (1). Et, quoiqu'il fût le Fils. de Dieu, il n'a pas cessé d'apprendre l'obéissance par ce qu'il a souffert (8) ». Voyez-vous comme l'apôtre s'applique uniquement à montrer la sollicitude et la haute charité du Christ pour les bommes? Quel est-le sens de ces mots : «Avec un grand cri?» On ne trouve nulle part dans l'Evangile qu'il ait adressé cette prière les larmes aux yeux et en poussant de grands cris :  Mais ne voyez-vous pas que saint Paul descend ici jusqu'à nous, jusqu'à notre faible intelligence? Il ne lui suffit pas de nous montrer le, Christ en prières; il nous le montre poussant de grands cris. .«Et il a été exaucé», dit-il, « à cause de son humble respect pour son Père; quoiqu'il fît le Fils de Dieu, il n'a pas laissé d'apprendre l'obéissance par ce qu'il a souffert. Et étant entré dans la consommation de sa gloire, il est devenu l'auteur du salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent (9). Dieu l'ayant déclaré pontife, selon l'ordre de Melchisédech (10) ». Il a offert ses prières avec des cris, soit : mais pourquoi avec de grands cris? Il les a même offertes en versant des larmes, dit-il, et il a été exaucé à causé de son respect pour son Père. Qu'ils rougissent, les hérétiques qui nient la réalité de l'Incarnation ! Que dites-vous? Quoi ! (488) le Fils de Dieu était exaucé à cause de son respect? Que direz-vous de plus, en parlant des prophètes? Et n'est-ce pas une inconséquence, lorsqu'on a dit « Il a été exaucé à cause de son respect », d'ajouter ces paroles : « Quoiqu'il fût le Fils de Dieu, il n'a pas laissé d'apprendre l'obéissance par tout ce qu'il a souffert». Peut-on tenir un pareil langage, en parlant de Dieu? Qui serait assez insensé pour cela? Où trouver un homme qui aurait assez peu de raison pour parler ainsi? « Il a été exaucé à cause de son respect, il a appris l'obéissance par tout ce qu'il a souffert». Quelle obéissance?' Il avait appris, jusqu'à en mourir, l'obéissance qu'un fils doit à son père? Avait-il donc besoin de faire encore l'apprentissage de l'obéissance?

2. Ne voyez-vous pas qu'il s'agit ici de l'incarnation réelle? Ce qu'il dit là le fait assez entendre. Dites-moi : ne demandait-il point à son Père d'être préservé de la mort; n'était-il pas attristé par cette perspective de la mort? Ne disait-il pas : «Que ce calice, s'il est possible, s'éloigne de mes lèvres? » Mais, pour ce qui est de la résurrection, il n'a jamais prié son Père; au contraire, il dit lui-même tout haut : « Renversez ce temple, et dans trois jours, je le relèverai». Et il dit encore : «Je puis déposer la vie et la reprendre; personne ne me l'ôte; c'est moi-même qui la déposé ». (Jean, II, 19, et X, 18.) Qu'est-ce donc et pourquoi priait-il? Et . il disait aussi : « Nous allons à Jérusalem, et le Fils de Dieu sera livré aux princes des prêtres et. aux scribes qui le condamneront à mort et le livreront aux gentils; afin qu'ils le tournent en dérision, qu'ils le fouettent et le crucifient; et il ressuscitera le troisième jour». (Matth. XX,18,19.) Il n'a pas dit: Mon Père me fera ressusciter. Comment donc peut-on dire qu'il le priât pour le faire ressusciter? Mais pour qui priait-il? Pour ceux qui avaient cru en lui. Ce que dit l'apôtre revient à ceci : Il n'a pas de peine à se faire exaucer. Comme ses auditeurs ne se faisaient pas une juste idée du Christ, il dit qu'il a été exaucé, en tenant le langage que le Christ tenait lui-même, pour consoler ses disciples : «Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez, parce que je vais trouver mon Père qui est plus grand que moi ». (Jean, XIV, 28.) Comment donc ne s'est-il pas glorifié lui-même, ce Dieu qui a été assez dévoué pour s'annihiler, pour se livrer lui-même? «Il s'est sacrifié pour nos péchés», dit l'apôtre. (Gal. I, 4.) Et ailleurs : « C'est lui qui s'est livré, pour nous racheter tous » ( I Tim. II, 6.) Qu'est-ce donc? Ne voyez-vous pas que c'est le Dieu fait chair qui s'humilie? Aussi, quoiqu'il fût le Fils de Dieu, a-t-il été exaucé, en considération de son respect pour son Père. Il veut montrer, en effet, que l'œuvre qui s'est accomplie a été opérée par lui plutôt que par la grâce de Dieu. Tel était son respect filial et sa piété, dit l’apôtre, que Dieu son Père le respectait. Il a: appris à obéir à Dieu. Il montre encore quels sont les fruits de la souffrance. « Et étant entré dans la consommation de sa gloire, il est devenu l'auteur du salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent». Or, si lui qui était le Fils de Dieu a profité de ses souffrances. pour apprendre à obéir, à plus forte raison nous autres devons-nous mettre à profit un semblable. apprentissage. Voyez-vous comme il s'étend sur l'obéissance, afin de parvenir à les persuader? Ils m'ont tous l'air en effet d'être fort disposés à secouer le frein et à se révolter. C'est ce que saint Paul fait entendre par ces mots: «Votre attention s'est refroidie» : Ses souffrances, dit-il, lui ont appris à obéir à Dieu. Et il est entré dans la consommation de sa gloire par la souffrance. C'est donc là ce qui parfait l'homme, et la souffrance est le chemin de la perfection. Non-seulement il s'est sauvé lui-même, mais il a sauvé les autres. « Etant entré dans la consommation de sa gloire, il est devenu l'auteur du salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent, Dieu l'ayant déclaré pontife; selon l'ordre, de Melchisédech; sur quoi nous aurions beaucoup de choses à dire, qui sont difficiles à expliquer, à cause de votre lenteur et de votre peu d'application pour les entendre (11) ».

Avant d'en venir aux deux espèces de sacerdoce, il reprend ses auditeurs en leur montrant qu'il abaisse son style pour descendre jusqu'à eux, et qu'il les traite comme des enfants à la mamelle; par conséquent il prend un ton plus humble, approprié aux choses de la chair et il parle du Christ, comme on parlerait d'un homme juste. Voyez, sans garder : un silence absolu, il ne s'explique pas complété. ment; il ne dit que ce qu'il faut pour les engager à mener une vie parfaite et à ne pas se priver d'un. haut enseignement; mais il s'arrange de manière à ne pas accabler leur intelligence; et il. s'exprime ainsi: « Sur quoi nous aurions beaucoup de choses à dire, qui sont difficiles à expliquer, à cause de votre lenteur et de votre peu d'application pour, les apprendre »: C'est parce qu'il a affaire à des auditeurs peu attentifs qu'il lui est difficile de s'expliquer. Car lorsqu'on s'adresse à des auditeurs bornés, dont l'intelligence n'est -pas à la hauteur du sujet, il n'est pas aisé de leur bien faire comprendre la vérité. Mais peut-être y a-t-il parmi vous qui m'écoutez, quelques hommes dont la tête se trouble et qui regrettent que la nature de son auditoire ait empêché saint Paul de mieux s'expliquer. Eh bien ! à l'exception d'un petit nombre d'auditeurs, vous êtes, je crois, dans le même cas que, les Hébreux, et vous pouvez-vous appliquer les paroles de l'apôtre. Malgré cela, je vais m'adresser à ce petit nombre d'auditeurs. Saint Paul a-t-il donc abandonné le sujet qu'il traitait ou l'a-t-il repris dans les versets suivants, comme il l'a fait dans l'épître aux Romains? Car là aussi il ferme tout d'abord la bouche aux contradicteurs en ces, termes : « O homme, qui donc es-tu, pour répondre à Dieu? » (Rom. IX, 20.) Mais il résout aussitôt le problème dont il s'agit. Eh bien ! ici, le crois que, sans garder un silence complet, il ne s'est pas tout à fait expliqué, afin de jeter ses auditeurs dans l'attente. Après les avoir avertis, après leur avoir fait entendre,qu'il abordait un grand sujet, voyez comme il les loue et les reprend tout à la fois Car c'est toujours sa méthode de mêler de douces paroles aux paroles amères. C'est ainsi que, dans son épître aux- Galates, il dit : «Vous couriez avec ardeur; qui donc a pu vous arrêter?» (Galat. V, 7.) «Serait-ce donc en vain que vous avez (489) tant souffert, si toutefois ce n'est qu'en vain? » (Galat. III, 4.) «J'espère pour vous, dans le Seigneur ». (Galat. III, 10.) Et ici il dit de même : « Nous avons une meilleure opinion de vous et de votre salut». ( Hébr. VI, 9.) II fait donc deux choses à la fois: il ne les exalte pas et il ne les laisse pas tomber dans l'abattement. Car si l'exemple d'autrui est propre à exciter l'auditeur et à faire naître dans son âme le sentiment de l'émulation; quand on peut se prendre soi-même pour exemple et qu'on vous engage à être pour vous-même un objet d'émulation, la leçon est encore plus efficace. Voilà ce que saint Paul fait ici : il ne les laisse pas tomber dans l'abattement, comme des réprouvés qui auraient toujours fait le mal; il leur montre que parfois ils ont fait le bien. « Tandis que depuis le temps qu'on vous instruit, vous devriez déjà être des maîtres (12) ». Il montre ici qu'il y a longtemps qu'ils ont commencé à croire; il montre aussi qu'ils devraient instruire les autres. Voyez comme il travaille à amener ce qu'il peut avoir à dire du pontife, et comme il diffère toujours ses explications. Ecoutez son début : « Ayant un grand pontife qui est monté au plus haut des cieux ». Et après avoir passé sous silence l'explication du mot « grand »; il reprend ainsi : «Car tout pontife, étant pris d'entre les hommes, est établi pour les hommes, en ce qui regarde le culte de Dieu ». Puis il dit : « Ainsi Jésus-Christ ne s'est pas élevé de lui-même à la dignité de souverain pontife ». Et après avoir dit: « Vous êtes le prêtre éternel, selon l'ordre de Melchisédech », il remet encore son explication, pour dire : « Qui durant les jours de sa chair, a offert ses prières et ses supplications ».

3.Après s'être détourné tant de fois de son but, par forme de réponse et d'excuse, il leur dit : C'est votre faute. Quelle différence en effet? Ils devraient être des maîtres; et ils ne sont que des disciples, les derniers de tous. «Depuis le temps qu'on vous instruit, vous devriez être des maîtres et vous auriez encore besoin qu'on vous apprit les premiers éléments, par lesquels on commence à expliquer la parole de Dieu ». Ces premiers éléments sont ici la science humaine. Dans les lettres profanes, il faut d’abord apprendre les éléments; ici aussi il faut d’abord apprendre ce qui se rapporte à l'homme. Vous voyez pourquoi il abaisse ici son langage c'est ce qu'il faisait en parlant aux Athéniens «Dieu laissant passer ces temps d'ignorance, fait maintenant annoncer à tous les hommes et en tous lieux qu'ils fassent pénitence, parce qu'il a arrêté un jour où il doit juger le monde selon sa justice, par celui qu'il a destiné à en être le juge, de quoi il a donné à tous les hommes une preuve certaine, en le ressuscitant d'entre les morts ». (Act. XVII, 30, 31.) Lorsque Paul exprime quelque idée haute et sublime, il l'exprime brièvement, tandis que dans cette épître, il s'étend en maint endroit sur l'anéantissement de Jésus-Christ. C'est donc à la brièveté de l'expression que l'on reconnaît chez lui l'élévation de l'idée; et d'autre part l'humilité du langage indique sûrement qu'il ne parle pas du Christ entant que Dieu. Ici donc, pour plus de sûreté, il emploie un humble langage à exprimer ce qui se rapporte à l'homme. Il avait pour raison l'intelligence de ses auditeurs qui n'étaient pas en état de comprendre des idées plus relevées. C'est ce qu'il voulait dire dans son épître aux Corinthiens, par ces mots : « Puisqu'il y a parmi vous des jalousies et des disputes, n'est-il pas visible que vous êtes charnels? » (I Cor. III, 3.) Voyez quelle est sa prudence, et comme il s'entend à traiter tous ces malades, dont ii est le médecin. La faiblesse des Corinthiens venait en grande partie de leur ignorance ou plutôt de leurs péchés; celle des Hébreux ne provient pas de leurs péchés, mais de leurs afflictions continuelles. C'est pourquoi il emploie des expressions bien propres à faire ressortir cette différence. «N'est-il pas visible que vous êtes charnels? » dit-il aux Corinthiens. Et il dit aux Hébreux : L'excès de votre douleur a émoussé vos facultés. Les Corinthiens, hommes charnels, n'ont jamais pu supporter l'enseignement spirituel; mais les Hébreux le pouvaient autrefois. Car ces paroles : « Votre application à m'entendre s'est ralentie », indiquent qu'autrefois leurs âmes étaient saines, fortes et pleines d'ardeur. Et plus tard, il atteste ainsi leur faiblesse : « Vous êtes tombés en enfance; ce n'est pas une nourriture solide; c'est du lait qu'il vous faut ».

Dans plusieurs passages et même toujours il appelle « lait » le style qui s'abaisse. « Tandis que depuis le temps », dit-il, « vous devriez être des maîtres». C'est comme s'il disait : Ce qui a produit votre relâchement et votre abattement, c'est le temps qui aurait dû vous rendre forts. Le lait, selon lui, c'est ce style terre à terre qui convient aux simples; cette nourriture ne convient pas à des auditeurs plus avancés, et ce serait pour eux un dangereux régime. Aujourd'hui il ne faudrait plus citer l'ancienne loi et y puiser des comparaisons; il lié faudrait plus nous représenter le pontife sacrifiant et priant avec des cris et des supplications. Voyez comme tout cela est devenu pour nous un objet de dédain ; mais alors c'était pour les Hébreux une nourriture qu’ils ne dédaignaient pas. Oui : la parole de Dieu est bien une nourriture qui soutient l’âme. Ecoutez plutôt le Prophète et l'apôtre : « Je ferai en sorte qu'ils soient non pas affamés de pain, non pas altérés d'eau, mais affamés de la parole de Dieu: (Amos, VIII, 11.) Je vous ai donné à boire du lait, au lieu de vous donner une nourriture solide », (I Cor. III, 2.) Il n'a pas dit : Je vous ai nourris, montrant par là que ce n'est pas une nourriture solide, qu'il leur a donnée, mais qu'il les a nourris comme des enfants qui ne peuvent encore manger du pain;. car le breuvage des enfants est leur unique nourriture. Il n'a pas: parlé de leurs besoins ; mais il a dit : « Vous êtes faits pour vous nourrir de lait, et non d'aliments solides »; c'est-à-dire : C'est vous qui l'avez voulu; c'est vous qui vous êtes réduits vous-mêmes à cette extrémité, à cette nécessité. — « Car quiconque n'est nourri que de lait, est incapable d'entendre le langage de la justice; car il n'est encore qu'un enfant (13) ».

Ce langage de la justice, quel est-il? Je crois qu'il entend par là un plan de vie conforme à la (490) vertu, et c'est ce que voulait dire le Christ, quand. il s'exprimait ainsi : « Si votre justice n'est pas « plus abondante que celle des scribes et des pharisiens ». (Matth. V, 20.) C'est ce que l'apôtre lui-même veut dire par ces mots : « Si vous ne connaissez pas le langage de la justice ». Cela signifie : Si vous ne connaissez pas la philosophie d'en-haut, vous ne pouvez pas tendre à la perfection. Peut-être à ses yeux la justice n'est-elle autre chose que le Christ , et la parole élevée et sublime de l'orateur qui parle du Christ. Il les a traités d'esprits faibles et bornés. Pourquoi? Il ne s'est pas expliqué là-dessus. Il leur permet de deviner et il ne veut pas les choquer. Dans son épître aux Galates, au contraire, il a l'air d'être surpris et d'hésiter, et cette forme de style est plus consolante elle est d'un homme qui ne s'attend pas au mal. Voyez-vous la différence qui existe entre l'enfance de l'âme et sa perfection? Tâchons donc d'atteindre à cette perfection. Tout enfants, tout jeunes que nous sommes, noirs pouvons y atteindre; ce n'est point ici l'oeuvre de la nature, c'est l'oeuvre de la vertu. — «La nourriture solide est pour les parfaits, pour ceux dont l'esprit, par l'habitude et par l'exercice; s'est accoutumé à discerner le bien du mal (14) ». Eh quoi? Leurs sens n'étaient-ils pas exercés? Ne savaient-ils pas ce que c'est que le bien, ce que c'est que le mal ? C'est que, quand il parle de discerner le bien et le mal, il ne parle pas de ce discernement appliqué aux choses ordinaires de la vie. Ce discernement-là, le premier venu en est capable; saint Paul parle ici de ce discernement qui distingue les hautes et sublimes doctrines des croyances fausses et abjectes. Le petit enfant ne sait pas distinguer les aliments bons ou mauvais, souvent il avale de la poussière, il prend une nourriture malsaine, il agit en tout sans discernement. Il n'en est pas ainsi de l'homme fait. Oui. : ce sont des enfants, ces hommes qui croient sans réfléchir à tout ce qu'on leur dit, qui prêtent indifféremment l'oreille à tous les discours; saint Paul reproché ici à ses auditeurs dé tourner à tout vent, de prêter l'oreille tantôt à l'un, tantôt à l'autre. — C'est-ce qu'il finit par faire entendre, lorsqu'il dit : « Ne vous laissez pas séduire par toutes sortes de doctrines étranges ». Et il sous-entend : « Si vous voulez distinguer le bien du mal »; car c'est le palais qui juge des mets, et c'est l’âme qui juge des paroles.

4. Et nous aussi, instruisons-nous, En apprenant que cet homme n'est ni gentil, ni juif, n'allez pas en conclure qu'il est chrétien. Car les manichéens et les hérétiques de toutes sortes ont pris le masque du christianisme pour tromper les âmes simples. Mais, si nous sommes exercés à distinguer le bien du mal, nous pourrons appliquer ici notre discernement. Or quels moyens avons-nous de nous exercer? Nous n'avons qu'à écouter sans cesse la parole de Dieu, et qu'à nous fortifier dans la connaissance de l'Ecriture sainte. Quand nous vous aurons mis devant les yeux l'égarement de ces hérétiques, quand aujourd'hui vous aurez entendu parler de leurs erreurs, quand demain vous serez convaincu de la fausseté de leurs doctrines, il ne vous restera plus rien à apprendre, il ne vous , restera plus rien à connaître, et si aujourd'hui, vous ne comprenez pas; vous comprendrez demain. « Ceux », dit-il, « dont les sens sont exercés ». Voyez-vous comme nos oreilles doivent s'habituer à ces enseignements divins, pour se refuser à entendre des doctrines étrangères? « Nous devons être exercés », dit l'apôtre, « à discerner le bien et le mal »; c'est-à-dire, que nous de  vous être habiles à distinguer l'un de l'autre. L'un ne croit pas à la résurrection ; l'autre ne croit pas à la vie future ; un autre dit qu'il y a un autre Dieu ; un autre dit que Jésus-Christ tire son principe de Marie. Voyez comme tous ces hérétiques sont tombés dans l'erreur, faute de garder une; juste mesure. Les uns ont été trop loin; les autres se sont arrêtés en route. En voulez-vous un exemple ? C'est Marcion qui .a donné le signal de l'hérésie. Il a introduit un autre Dieu qui n'existe pas; il est allé trop loin. Voici venir après lui Sabellius qui prétend, que le Père, le Fils et le Saint-Esprit rie font qu'une seule et même personne. Puis c'est l'hérésie de Marcellus et de Photin qui prêchent la même doctrine. Puis c'est l`hérésie de Paul de Samosate qui avance que Dieu n'a commencé à exister qu'en- sortant du sein de Marie. C'est ensuite l'hérésie des manichéens, qui vient après toutes les autres. Et puis c'est Arius; et puis ce sont d'autres hérésies encore.

C'est pour cela que nous avons. reçu la foi, c'est afin que nous ne soyons pas obligés de nous jeter dans ces hérésies saris nombre ; c'est afin que, nous n'en soyons pas le jouet et les victimes; c'est afin que nous regardions comme faux tout ce qu'on pourrait ajouter ou retrancher aux articles de la foi. Ceux qui admettent les mesures légales ne sont pas obligés de recourir laborieusement à une foule de poids et de mesures arbitraires; ils veulent que l'on s'en tienne aux mesures établies; il en est de même pour nos dogmes. Mais on ne veut pas faire attention aux saintes Ecritures. Si nous y faisions attention, non-seulement, nous ne tomberions point dans l'erreur, mais nous délivrerions les hommes abusés et nous les tirerions du péril. Un brave soldat, en effet, n'est pas bon pour lui seul ; il sait défendre le camarade qui est près de lui et le soustraire aux coups de l'ennemi. Mais aujourd'hui on ne connaît pas les saintes Ecritures, malgré toutes les précautions prises par le Saint-Esprit pour que ce dépôt conservé. Remontez jusqu'aux premiers temps, et apprenez à connaître l'ineffable bonté de Dieu. C'est lui qui a inspiré Moïse, qui a fait graver ses commandements sur les tables de la loi, qui l’a retenu à cet effet quarante jours sur la montagne; qui l'y a retenu quarante jours encore pour publier sa loi. (Exod. XXIII.) Puis il a envoyé des prophètes qui ont subi des épreuves sans nombre. Voilà la guerre allumée, les prophètes morts; les livres brûlés! Dieu inspire un autre législateur admirable Esdras, pour exposer sa loi et pour en rassembler les débris. Puis il l'a fait interpréter par les Septante.

Le Christ arrive, il prend les tablettes  de la loi, les apôtres vont la publier partout. Le Christ fait (491) des signes et des miracles. Qu'arrive-t-il ensuite?, Après tant de soins, tant de précautions, les apôtres, à leur tour, se mettent à l'oeuvre, comme dit Paul: «Toutes ces choses ont été écrites pour notre instruction, à nous autres, qui nous trouvons à la fin des siècles ». (I Cor. X, 11.) Et le Christ disait : « Vous vous trompez, parce que vous ne connaissez pas les Ecritures ». (Matth. XXII, 29.) Et Paul disait encore : « C'est dans notre résignation et dans les paroles consolantes des saintes Ecritures que nous avons confiance » (Rom. XV, 4) ; et ailleurs : « L'Ecriture sainte, ce livre si utile, est d'un bout à l'autre une inspiration divine. (II Tim. III, 16.) Que la parole du « Christ habite en vous et remplisse vos âmes ». (Col. III, 16.) Et le Prophète dit : « Il méditera la loi, nuit et jour ». (Ps. I, 2.) Et il dit ailleurs : « Ne vous  lassez pas d'expliquer la loi de l'Etre suprême ». (Ecclés. IX, 23.) Et il dit encore : « Que vos paroles sont douces pour mon palais ! » (Il ne dit pas: pour mes oreilles, mais « pour mon palais). Je les trouve plus douces que le miel ». (Ps. XVIII, 11.) Et Moïse dit aussi : « Méditez les saintes Ecritures, en vous levant, en vous reposant, en vous couchant ». (Deut. VI, 7.) C'est ce que dit encore saint Paul dans son épître à Timothée : « Appesantissez-vous sur les saintes Ecritures et méditez-les ». (I Tim. IV, 15.) On pourrait s'étendre à l'infini sur ce chapitre. Et après tout cela pourtant, il y a des gens qui n'ont pas ;la moindre idée de l'Ecriture sainte. Aussi ne connaissons-nous ni les saines doctrines, ni la justice, ni notre intérêt. Pourtant si l'on veut connaître l'art militaire, il faut en apprendre les règles: Si l'on veut connaître la politique, la science du forgeron ou toute autre, il faut apprendre. Eh bien ! pour acquérir la science qui nous occupe, on ne fait rien de semblable, et cependant il faut bien des veilles pour l'acquérir. Si vous voulez le savoir, écoutez cette parole du Prophète : «Venez, mes enfants, écoutez-moi, et je vous enseignerai la crainte de Dieu ». (XXXIII, 12, 14.) La crainte de Dieu est donc une chose qui s'apprend. Puis il est dit : « Quel est l'homme qui veut vivre? » vivre de la vie d'en-haut. Et ailleurs : « Ne souillez point votre langue; que vos lèvres ne laissent point échapper de paroles perfides ; détournez-vous du mal et faites le bien ; recherchez la paix ». Savez-vous quel est le prophète, l'historien, l'apôtre ou l'évangéliste qui a dit cela? Je crois que, parmi vous, il en est peu qui le sachent; et ces quelques hommes qui le savent seraient à leur tour en défaut, si je leur citais un autre passage. Tenez, voici la même pensée exprimée en d'autres termes : « Lavez vos souillures, soyez purs, faites disparaître de devant mes yeux cette perversité que j'aperçois dans vos âmes ; apprenez. à faire le bien ; recherchez la justice . ne souillez point votre langue et faites le bien ; oui, apprenez à faire le bien ». (Is. I, 16, 17.) Voyez-vous comme la vertu a besoin d'être enseignée? Plus haut, nous lisons : « Je vous enseignerai la crainte de Dieu ». Ici nous lisons : « Apprenez à faire le bien ». Savez-vous d'où ces paroles sont tirées? Peu d'entre vous le savent, à ce que je crois. Et pourtant voilà des choses que nous vous lisons deux ou trois fois par semaine. Et, quand le lecteur arrive, il commence par citer le livre dont il cite un fragment : c'est tiré de tel Prophète, de tel apôtre, de tel évangéliste. Il vous le dit, pour vous faire mieux remarquer et retenir le passage, pour que vous en connaissiez la lettre , l'esprit et l'auteur. Mais toutes ces attentions sont peine perdue; vous ne pensez qu'à la vie présente, sans tenir aucun compte des choses spirituelles. Voilà pourquoi les événements même de cette vie présente ne sont pas conformes à ce que vous souhaitez; voilà pourquoi vous trouvez tant d'écueils sous vos pas. Le Christ ne dit-il pas : « Demandez le royaume de Dieu et vous obtiendrez avec lui tout le reste » (Matth. VI, 33) ; c'est-à-dire, que nous obtiendrons ;tout le reste par-dessus le marché. Mais nous intervertissons cet ordre ; c'est la terre que nous cherchons, et avec elle, tous les biens terrestres, comme si les autres nous devaient être donnés par surcroît Aussi n'avons-nous ni les uns ni les autres. Revenons donc enfin à la raison et désirons les biens à venir; avec eux, les autres nous arriveront. Car, lorsqu'on recherche les choses de Dieu; on obtient aussi nécessairement les biens terrestres, s'il faut en croire la vérité éternelle dont ce sont là les paroles. Recherchons donc les choses de Dieu, pour ne pas tout perdre. Dieu peut nous toucher et nous rendre meilleurs, par la grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur, etc.

 

 

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