HÉBREUX XXII

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HOMÉLIE XXII. C'EST PAR LA FOI QUE NOUS SAVONS QUE LES SIÈCLES ONT ÉTÉ CRÉÉS PAR LA PAROLE DE DIEU, ET QUE TOUT CE QUI ÉTAIT INVISIBLE A ÉTÉ FAIT VISIBLE. (XI, 3, JUSQU'À 7.)

 

Analyse.

 

1 et 2. L'orateur résume les généralités sur la foi, et la fin de l'instruction précédente. — Il montre que la foi, qui parait un système en l'air, est la base même de la philosophie. — Celle-ci, en définissant Dieu, est obligée de faire un acte de foi. — Après le monde en général, l’apôtre aborde en particulier l'homme, et surtout les grands hommes. — Magnifique exemple d'Abel, au sujet duquel l'orateur donne des détails qu'on ne trouve pas dans la Genèse. — La foi d'Enoch, que la mort d'Abel aurait dd décourager. — Enoch est d'autant plus méritant qu'à son époque on ignorait la résurrection à venir? Où est Enoch ? Où est Die? Questions purement curieuses que l'Esprit-Saint n'a pas résolues. — Ce qu'il nous apprend suffit à notre instruction et à notre édification.

3. Il faut chercher Dieu avec la même âpreté qu'on met à chercher l'or. —L'obstacle étant la hauteur de Dieu, élevons nos âmes comme le mineur élève les yeux du fond de la carrière ou de la fosse. — Allusion à la prière Manibus extensis. — Volons par-dessus les obstacles, comme l'oiseau au-dessus des abîmes. —A cette hauteur, le démon ne peut nous atteindre : ses traits retombent sur lui. —Mais le moyen de repousser ses traits, c'est surtout la douceur. — La colère est mauvaise et puérile.

 

1. Le caractère de la foi est d'exiger une virilité d'âme, une jeunesse de coeur, une force qui nous élève au-dessus des choses sensibles, et qui laisse loin derrière elle la faiblesse des raisonnements humains. Il est impossible d'être vraiment fidèle, qu'a une condition : c'est qu'on se place au-dessus de tonte habitude vulgaire. Or, précisément, les Hébreux avaient laissé faiblir leurs âmes; après avoir débuté par la foi, ils avaient subi l'influence des événements; les troubles de coeur et les afflictions du dehors les avaient rendus pusillanimes; leur déchéance allait croissant. C'est pour les relever et leur rendre le courage, que l'apôtre a fait d'abord appel à leur première vertu, en disant : « Souvenez-vous de vos premiers jours ». Puis, invoquant l'Écriture sainte, il leur a dit avec elle : « Le juste vivra de la foi ». (Habac. II, 4.) Enfin, employant aussi le raisonnement, il a défini la foi, « la substance des choses que nous devons espérer, et la conviction de celles que nous ne voyons pas encore ».

A présent, il rappelle le témoignage et l'exemple de leurs ancêtres, de ces hommes si grands et si admirables, et leur dit équivalemment : Si pouvant jouir à discrétion des biens de la terre, ils ont cependant fait leur salut par la foi, combien plus cette voie doit-elle être la nôtre! Notre âme est ainsi faite que quand elle trouve un compagnon de souffrances, elle se calme et respire. Si la communauté d'afflictions console, la communauté de foi a le même avantage : « On se console mutuellement par la communauté de la même foi ». Car notre nature humaine est infidèle, défiante à l'excès; elle       ne peut se confier en elle-même, elle craint pour les biens qu'elle croit posséder, elle a grand souci de l'opinion. Que fait donc saint Paul ? Il les relève et les exhorte d'après les exemples de leurs ancêtres, remontant même aux faits précédents et qui sont connus du genre humain. Comme on reprochait à la toi d'être un Tain système que l'on ne peut ni prouver ni démontrer, et qui semble même une duperie, l'apôtre fait voir que les plus grandes vérités et les plus grandes vertus sont dues à la foi et non au raisonnement.

Et comment le prouve-t-il, direz-vous? « C'est par la foi », avance-t-il, « que nous savons que le monde a été fait par la parole de Dieu, de sorte que de l'invisible a jailli le visible ». Il est évident, dit l'apôtre, que de ce qui n'était pas, Dieu a fait ce qui est ; de ce qui ne se peut voir, il a fait ce qu'on voit; de ce qui n'a ni corps ni consistance, il a fait les corps et les êtres consistants. Et comment est-il évident que la parole divine a tout fait? Car la raison ne suggère point cette vérité ; elle enseignerait plutôt le contraire, savoir que ce qui ne parait point vient de ce qui parait. Ainsi, les philosophes disent que de rien, rien ne se fait, parce que le philosophe, homme animal, n'accorde rien à la foi. Et cependant quand la sagesse humaine proclame une maxime noble et grande, quand, par exemple, elle avance que Dieu n'a point de principe qui le crée ni qui lui donne naissance, aussitôt elle est prise en flagrant délit d'emprunt à la foi : car la raison ne révèle point ce fait, mais plutôt tout l'opposé. Or voyez un peu l'immense folie de ces soi-disant sages. Ils disent que Dieu est incréé, sans principe, ce qui est bien autrement étonnant que d'être tiré du néant : car avancer de Lui qu'il est ainsi sans principe, ainsi incréé, qu'il ne doit sa naissance ni à lui-même, ni à aucun autre, voilà une proposition bien autrement inexplicable que celle qui dit : Dieu a fait de rien tout ce qui est. Il y a en ceci beaucoup de choses que la raison admet sans peine, par exemple, que Dieu a fait quelque chose, que les êtres faits ont eu un commencement, qu'ils ont été vraiment et absolument faits et créés. Mais l'autre vérité proclame Dieu existant par lui-même, spontanément, sans recevoir la naissance, sans avoir eu de commencement, sans être soumis au temps : cette affirmation, dites-moi, n'a-t-elle pas besoin de foi pour qu'on l'admette ?

Cependant l'apôtre n'a pas proposé cette première vérité bien autrement sublime, et il n'a (544) avancé que la seconde, bien inférieure : « La foi », a-t-il dit, «nous apprend que le monde a été créé par la parole de Dieu». Vous objecterez ici Comment pouvez-vous dire que Dieu d'une parole ait fait toutes choses? Car la raison ne le découvre pas, et personne n'était présent à ce moment de la création. Qui donc la prouve? — La foi, oui, la foi, qui seule ici vous donne l'intelligence; aussi a-t-il dit , que nous le savons par la foi. — Mais par cette expression « la foi », qu'entendons-nous? Que de l'invisible a jailli le visible. Voilà l'objet de la foi.

Après avoir exprimé cette vérité d'une manière générale, l'apôtre la poursuit dans ses applications particulières; car un grand homme est comme un petit univers. Saint Paul le donnera lui-même à entendre dans la suite. En effet, quand il aura fait sa preuve par l'exemple de cent ou de deux cents personnages qu'il va faire comparaître devant nous, il s'apercevra que ce nombre de témoins est petit comme quantité, mais il le grandira en ajoutant que du moins « le monde n'en était pas digne ». (Hébr. XI, 38.)

« C'est par la foi qu'Abel offrit à Dieu une plus excellente hostie que Caïn (4) ». Remarquez quel personnage il nomme le premier : c'est aussi le premier qui ait souffert, et qui ait souffert de la main de son frère, lequel pourtant est resté impuni, et n'a encouru que la haine de Dieu. Voilà, pour les Hébreux, l'exemple d'une persécution semblable à la leur, puisqu'ils étaient persécutés par leurs frères : « Et vous aussi », avait-il dit, «vous avez souffert les mêmes indignités de la part même de vos concitoyens». (I Thess. II,14.) Et il démontre que ceux-ci, nouveaux Caïus, obéissent à l'envie et à la haine. Abel honora Dieu, et mourut même pour l'avoir honoré; et il n'a pas encore obtenu la résurrection. Abel a signalé son zèle, il a fait tout ce qu'il devait faire; mais ce que Dieu, en retour, doit faire pour lui, Abel ne l'a pas encore reçu. L'apôtre appelle ici « une plus excellente hostie », une hostie plus honorable, plus glorieuse, plus filiale. Et nous ne pouvons pas prétendre, dit-il, qu'elle n'ait pas été acceptée; car elle a été reçue, si bien que Dieu disait à Caïn : « Je te refuse, si tu offres bien , mais que tu partages mal » (Gen. IV, 7); ce qui indique qu'Abel offrit bien et partagea également bien. Et pourtant de justice, quelle récompense a-t-il reçue? Il fut tué de la main de son frère; et la condamnation que son père entendit prononcer pour son péché, Abel, qui s'était conduit saintement, la subit le premier, et fut frappé d'autant plus cruellement qu'il le fut ainsi et le premier et par la main d'un frère. Et ces vertus, il les pratiqua sans exemple précédent qu'il pût contempler. Qui, en effet, aurait-il pu considérer pour s'animer à servir Dieu? Son père ou sa mère? Mais au lieu de reconnaître les bienfaits divins, ceux-ci avaient déshonoré Dieu. Son frère, peut-être? Mais celui-ci, à son tour, outrageait le Seigneur. Il ne puisa donc la vertu que dans son propre coeur. Or, étant digne de tant d'honneur, que souffrit-il cependant? Une mort violente. L'apôtre lui adresse encore une autre louange : «Par sa foi », dit-il, « il reçut le témoignage qu'il était juste; Dieu lui-même rendant ce témoignage aux offrandes d'Abel; par cette foi, enfin, il parle encore après sa mort ». Mais quel autre témoignage a-t-il reçu, et qui l'a déclaré juste? C'est le feu du ciel, qui, dit-on, descendit et consuma ses victimes. Car il est dit de lui : « Dieu regarda favorablement Abel et ses sacrifices»; et une version ajoute, que Dieu les consuma. Or, quoique ayant rendu par ses paroles et ses miracles ce témoignage à la vertu d'Abel, tout en le voyant périr à cause de sa foi en lui, Dieu ne le vengea pas, et laissa sa mort impunie.

2. Il n'en va pas ainsi de vous, leur dit l'apôtre; n'avez-vous pas en effet, et les prophètes, et les exemples, et d'innombrables consolations, et des miracles, et des prodiges tant de fois opérés? Chez Abel, c'était une foi vraie et pure : car quels miracles avait-il vus, pour croire ainsi aux récompenses à venir? N'est-ce pas la foi seule qui lui fit choisir la vertu?

Mais qu'est-ce que veut dire ceci : « Par la foi, il parle encore après sa mort? » Saint Paul craignant de pousser les Hébreux au désespoir, montre qu'Abel a reçu déjà en partie un dédommagement. En quel sens? C'est, dit-il, qu'on lui garde up grand honneur, une magnifique estime : l'expression, «il parle encore », donne cela à entendre, et signifie que s'il fut ravi au monde, au moins avec lui ne fut point ravie sa gloire, sa renommée. Non, il n'est pas :port, et vous-mêmes ne mourrez point! Plus auront été cruelles les souffrances d'un saint, plus grande est aussi sa gloire. Comment parle-t-il encore? C'est qu'une marque éclatante de vie, c'est certainement d'être célébré par tous les hommes, admiré partout, regardé comme bienheureux. En portant les autres à la vertu, il parle éloquemment. Un discours fera toujours moins d'effet que ce martyre. Et de même que le ciel nous parle, rien qu'en se dévoilant, ainsi ce grand saint nous prêche dès qu'il se révèle à notre souvenir. Il aurait prêché, il aurait eu mille voix, il vivrait encore, qu'il serait moins admiré qu'il ne l'est encore de nos jours. De telles vertus ne sont pas impunément frappées; elles ne peuvent passer inaperçues ni s'oublier avec les âges.

« C'est par la foi qu'Enoch a été enlevé du monde, afin qu'il ne mourût pas; et on ne l'y a plus vu, parce que Dieu l'a transporté ailleurs et l'Écriture lui rend ce témoignage qu'avant d'avoir été ainsi enlevé, il plaisait à Dieu; or, il est impossible de plaire à Dieu sans la foi; car pour s'approcher de Dieu, il faut croire premièrement qu'il y a un Dieu, et qu'il récompensera ceux qui le cherchent (56) ». L'apôtre révèle ici une foi plus grande que celle d'Abel. Comment? C'est que, bien qu'Enoch ait vécu après lui, l'exemple de sa mort affreuse suffisait pour détourner Enoch de suivre sa voie. En effet, Dieu avait prédit ce meurtre, quand il disait à Caïn : «Tu as péché , ne vas pas. plus loin! » Et cependant il ne vengea point cet Abel qu'il honorait. Enoch ne fut point découragé par cette triste histoire; il ne se dit pas à lui-même : Que gagne-t-on à subir les travaux et les dangers? Abel a honoré Dieu, et n'en a point reçu de secours. Car (545) que servit-il à la victime de Caïn, que celui-ci ait subi une certaine condamnation et un supplice?

Qu'y a-t-il gagné pour lui-même ? Supposons même que le meurtrier ait été sévèrement puni. Qu'importe à celui qui est mort si. prématurément? Enoch ne tint point ce langage, il n'eut point ces pensées; passant par-dessus toutes ces considérations, il comprit que s'il est un Dieu, ce Dieu est nécessairement rémunérateur.

Or, ces anciens ne savaient rien encore de la résurrection. Si donc, avec l'ignorance entière de ce dogme consolant, voyant même tout l'opposé en apparence, ils ont su néanmoins chercher te bon plaisir de Dieu : combien plus y sommes-nous obligés ? Car ils n'avaient, eux, ni cette connaissance de la résurrection, ni la facilité de contempler des modèles. Et c'est précisément pour n'avoir rien reçu de Dieu, que ce saint personnage fut agréable à Dieu. Car enfin, répondez-moi . il tenait pour sûr que Dieu est rémunérateur; mais d'où le savait-il? Abel n'avait certes point été rémunéré. Ainsi la raison suggérait de tout autres pensées que celles de la foi ; celle-ci disait le contraire de ce qu'on voyait. Donc, vous aussi, chers disciples, s'écrie l'apôtre, si vous n'êtes point rétribués en ce monde, ne vous en troublez pas!

Comment Enoch fat-il « transporté par la foi, hors de ce monde? » il plaisait à Dieu, et c'est pourquoi il fut enlevé; et la cause de cette amitié de Dieu pour lui fut sa foi. Car s'il eût ignoré que Dieu lui gardât une récompense, comment l'eût-il servi ? « Sans la foi il est impossible de plaire à Dieu ». Un homme croit ces deux points, l'existence de Dieu et la récompense à venir: il recevra le salaire de ses oeuvres. C'est cette foi qui rendit Enoch agréable au Seigneur.

« Car il faut, pour s'approcher de Dieu, croire qu'il est », et non savoir ce qu'il est. Or si, rien que pour croire à son existence, il faut la foi déjà, et non les raisonnements, comment, par la raison, pourrions-nous comprendre sa nature ?« Et qu'il récompense ceux qui le cherchent ». Si ce second point exige aussi la foi, et non pas seulement la raison, comment, encore une fois, notre raison pourrait-elle comprendre l'essence et les perfections de Dieu ? Quel raisonnement pourrait atteindre à ces hauteurs? En effet, il se rencontre des hommes qui attribuent au hasard l'existence même de cet univers. Vous voyez donc que si, sur tous les points, nous ne gardons pas la foi, si elle n'est pas là pour nous faire accepter, je ne dis pas seulement la rémunération à venir, mais la vérité si élémentaire de l'existence de Dieu, tout est perdu pour nous !

Plusieurs demandent comment et pourquoi Enoch fut transporté hors de ce monde, pourquoi il n'est pas mort, non plus qu'Elie, et, supposé qu'ils vivent encore, comment et dans quel état ils vivent; autant de problèmes inutiles à résoudre. Que l'un, Enoch veux-je dire, ait été transféré ailleurs ; que l'autre, c'est-à-dire Elie, ait été enlevé, l'Ecriture le déclare. Où sont-ils maintenant, et comment sont-ils, l'Ecriture ne l'a pas dit aussi clairement. C'est qu'en effet, elle ne nous enseigne que les vérités à nous nécessaires. Cette première translation a ou lieu dans les commencements du monde, pour donner au genre humain la double espérance que la loi de la mort serait un jour abrogée et la tyrannie du démon à jamais vaincue. J'ai dit que la loi de la mort serait abrogée : car Enoch fut transféré, non pas après sa mort, mais « pour qu'il ne mourût pas » ; et c'est pourquoi l'apôtre ajoute : Il fut transféré tout vivant, parce qu'il avait plu au Seigneur. Ainsi qu'un père, après avoir menacé son fils, veut tout bas oublier ses menaces , et toutefois soutient son premier mot et y persévère pour le châtier en attendant, et pour le tenir comme averti, laissant ainsi à ses menaces un caractère de durée et d'immutabilité; ainsi notre Dieu, agissant pour ainsi dire à la façon des hommes,. au lieu de soutenir son rôle menaçant, a montré dès le commencement que la mort était déjà abrogée, mais il a laissé d'abord le juste Abel subir le trépas; voulant, par l'exemple du fils, effrayer le père. Son dessein étant de montrer que sa sentence première est sérieuse et stable, s'il ne châtie point aussitôt les méchants, du moins il laisse périr cruellement un serviteur qu'il aimait, j'ai nommé ce bienheureux Abel ; mais presque aussitôt après celui-ci, il transporte hors du monde Enoch. tout vivant. Ainsi, par la mort d'Abel, Dieu imprime la terreur; et par l'enlèvement d'Enoch, il inspire aux hommes un saint zèle, une sainte rivalité à le servir. C'est assez vous dire combien déplaisent à Dieu ceux qui prétendent que tout marche à l'aventure, que le hasard dirige tout, et qui n'attendent pas la rémunération : idée et conduite vraiment païennes. Car, pour ceux qui le cherchent, et par les bonnes couvres et par la croyance, Dieu saura les récompenser.

3. Nous avons un rémunérateur ; faisons donc tout au monde, pour ne pas être privés d'une récompense qui ne se donne qu'à la vertu. Qui pourrait assez pleurer le mépris que l'on ferait d'une telle récompense, et l'indifférence que l'on témoignerait pour une si glorieuse couronne; car comme Dieu saura payer largement ceux qui le cherchent, ainsi saura-t-il traiter tout autrement ceux qui n'ont point souci de lui.

« Cherchez », est-il écrit, « et vous trouverez ». (Matth. VII, 7.) Or, comment peut-on trouver le Seigneur? Réfléchissez comment on trouve l'or avec bien des travaux ! « J'ai levé mes mains vers Dieu durant la nuit », disait le Prophète, « et je n'ai pas été déçu ». (Ps. LXXVI, 3.) Quant à nous, cherchons le Seigneur, comme nous cherchons un objet perdu et de grand prix. N'est-il pas vrai qu'alors nous tournons vers un seul point tout notre esprit? N'examinons-nous pas tous les passants ? Reculons-nous devant un lointain voyage ? Ne promettons-nous pas de l'argent? Et si c'était un de nos enfants qu'il fallût retrouver, que ne ferions-nous pas? Quelle terre, quelle mer ne verrait nos démarches? Argent, maisons, propriétés, tout serait sacrifié volontiers au prix d'une telle découverte. Et l'avons-nous retrouvé, nous le saisissons, nous l'embrassons, nous ne pouvons le quitter. Pour rentrer en possession d'un si précieux trésor, enfin, aucun sacrifice ne nous paraît (546) pénible; combien plus, quand il s'agit de Dieu, devons-nous avoir de pareils sentiments, et le poursuivre comme notre bien indispensable, je devrais dire même comme incomparable à tout autre bien ? Mais nous sommes si misérables, que le me borne à dire : Cherchons Dieu, comme nous ferions pour l'argent, pour un enfant égaré. Encore une fois, pour cette tête si chère, un voyage vous effraie-t-il, ou n'auriez-vous jamais voyagé pour un motif pécuniaire? Ne sondez-vous pas tous les recoins? Et cet enfant une fois rendu à votre amour, n'ôtes-vous pas au comble de la joie?

« Cherchez», est-il dit, « et vous trouverez ». Ce qu'on cherche , surtout quand il s'agit de Dieu, exige un inquiet empressement. Bien des obstacles, en effet, nous arrêtent; bien des ombres nous offusquent, bien des luttes contrarient nos désirs. Par lui-même, le soleil éclate, il s'offre à tout regard, on n'a pas besoin de le chercher. Mais supposons qu'on veuille s'enterrer et qu'on soulève des flots de poussière, il faudra dès lors de vrais et de pénibles efforts pour voir le soleil. Ainsi en sera-t-il, si nous nous plongeons dans les bas-fonds des passions mauvaises, dans les ténèbres qui peuvent troubler le coeur, ou dans les inutiles soucis des affaires temporelles : alors à grand'peine regarderons-nous en haut, à grand peine nous élèverons-nous. Toutefois, l'homme qui se trouve au fond d'une fosse, aperçoit le soleil de plus en plus, à mesure que lui-même élève davantage son regard. Secouons donc, nous aussi, la poussière ; perçons les brouillards qui pèsent sur nos têtes. lis sont si épais et si compacts, qu'ils ne permettent pas à nos yeux de regarder en haut. — Mais, dira-t-on, comment percer ces impénétrables nuages? — En appelant et attirant vers nous les rayons du soleil, de ce soleil de justice qui éclaire les intelligences; en élevant nos mains vers le ciel, car « l'élévation de mes mains», dit le Prophète, « est mon sacrifice du soir » (Ps. CXL, 2), et surtout en élevant à la fois et nos bras et nos coeurs. Vous me comprenez, vous qui ôtes initiés aux saints mystères. Peut-être reconnaissez-vous ce que je désigne, vous voyez dans vos pensées ce que je fais entendre à demi-mot. Elevons en haut nos pensées. Je connais, moi, des hommes presque suspendus au-dessus. de cette pauvre terre, et qui regrettent de ne pouvoir prendre leur vol vers les cieux, tant ils prient avec un coeur ardent et sublime. Je voudrais que cette image, cette prière, fut la vôtre, à tous et toujours; sinon toujours, du moins souvent; sinon souvent, du moins quelquefois, du moins le matin, du moins chaque soir. Au reste, si vous ne pouvez ainsi garder vos bras étendus et élevés, du moins qu'ainsi s'élève et s'étende la libre ardeur de votre âme. Etendez-la, oui, jusqu'au ciel; si vous voulez en toucher les sommets, et même arriver plus haut, vous le pouvez.

Car notre âme est plus légère, et notre pensée est plus prompte et plus rapide que l'oiseau du ciel, par sa nature. Que si, par surcroît, elle reçoit la grâce que donne l'Esprit divin, Dieu ! qu'elle devient vive, agile, capable de tout gravir, incapable de se porter en bas, et surtout de tomber par terre ! Procurons-nous ces ailes merveilleuses ; grâce à elles, nous pourrons franchir l'océan tumultueux de ce monde. Les oiseaux les plus agiles passent au vol et sans se blesser, les monts et les précipices, les mers et les écueils. Telle est aussi notre âme; une fois qu'elle est pourvue de ses ailes, une fois qu'elle plane au-dessus des misères de la vie, rien désormais ne peut la captiver; elle est plus élevée que tout au monde, et même que les traits enflammés du démon.

Non, le démon ne peut lancer ses traits ni si juste ni si haut, qu'il puisse arriver jusqu'à elle; il prodigue ses flèches, il est vrai, car il est impudent ; mais il n'atteint pas le but, mais son dard retombe inutile, et non-seulement inutile, mais redoutable pour sa tête, sur laquelle il revient. Une fois lancée, une flèche doit toujours frapper. Le projectile qui part d'une main d'homme, frappe toujours, ou son adversaire qu'il a visé, ou un oiseau, un mur, un vêtement, une planche; ou du moins il fend l'air : tel est aussi un trait du démon; il faut nécessairement qu'il frappe. S'il ne blesse pas la personne qui sert de point de mire, il déchire la main qui l'a, envoyé. Plus d'un exemple nous prouverait que, quand nous n'avons pas souffert de ses coups, c'est lui qui les reçoit tout entiers. Ainsi, pour ne citer que ces deux faits: Il a tenté Job, ne l'a pas atteint, et a reçu le coup;, il a assailli Paul, ne la pas blessé, et s'est blessé lui-même. Et si nous sommes sages et vigilants, nous verrons ainsi que de pareils faits arrivent partout : dès qu'il frappe, il se blesse lui-même. Mais surtout lorsque nous saurons nous armer contre, lui de l'épée et du bouclier de la foi, nous serons en pleine sûreté contre ses assauts, et sans péril d'être vaincus.

Tout mauvais désir est un trait du démon. Plus qu'aucun autre, du reste, la colère est un feu, une flamme qui saisit, mord et embrase. Eteignons-le par la douceur et la patience. Comme un fer rouge plongé dans l'eau perd son feu, ainsi la colère tombant sur une âme douce et patiente, loin de la blesser, lui fait du bien, puisqu'elle en devient plus forte. Point de vertu comparable à la douceur et à la patience. Celui qui en est armé, ne sent plus l'outrage; et comme le diamant que rien ne peut entamer, ainsi devient une âme de cette trempe; elle est au-dessus de tous les traits; car l'homme doux et patient est élevé, si élevé même qu'aucun dard ne peut arriver à sa hauteur.

Un homme s'emporte, riez, vous, non pas en face de lui, de peur de l'irriter davantage, mais riez dans votre âme en vous-même et pour vous. En effet, qu'un enfant nous frappe dans sa petite colère en croyant se venger ainsi, nous rions. Si donc vous riez d'un outrage, vous mettrez entre vous et le furieux la même distance qui sépare un homme d'un enfant. Que si vous vous emportez, vous devenez enfant au contraire; car quiconque s'irrite a moins de sens que ces pauvres petits. Dites-moi, quand l'un d'entre eux s'emporte, n'en rit-on pas, encore une fois? L'homme irrité prête ainsi le flanc. Et s'il est pusillanime, il est insensé, (547) puisque, selon le Sage, « quiconque est pusillanime manque complètement de sens ». (Prov. XIV, 29.) Et qui manque ainsi de raison, n'est qu'un enfant. Au contraire, ajoute Salomon, « celui qui est patient est aussi très-prudent ». Et c'est pourquoi, mes frères, tendons à cette grande patience, qui procure à l'homme vertueux cette grande prudence, laquelle nous fera gagner les biens promis en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Qu'avec lui soient au Père, en union avec l'Esprit-Saint, gloire, empire, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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