CHAPITRE VIII

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CHAPITRE VIII

CHAPITRE HUITIÈME. 1.« ET LE SEIGNEUR ME DIT : PRENDS UN LIVRE DE PAPIER NEUF, GRAND, ET ÉCRIS-Y EN CARACTÈRES CONNUS, QU'IL FAUT SE HATER DE PRENDRE LE BUTIN ET LES DÉPOUILLES. — 2. VOICI LE TEMPS : PRENDS-MOI POUR TÉMOINS DES HOMMES FIDÈLES, URIE LE PRÈTRE ET ZACHARIE, FILS DE BARACHIE. — 3. JE ME SUIS APPROCHÉ DE LA PROPHÉTESSE ET ELLE CONÇUT ET ELLE ENFANTA UN FILS. ET LE SEIGNEUR ME DIT : APPELLE-LE : HATEZ-VOUS DE PRENDRE LES DÉPOUILLES ET DE PARTAGER LE BUTIN. — 4. CAR AVANT QUE L'ENFANT SACHE NOMMER SON PÈRE ET SA MÈRE, ON EMPORTERA LA PUISSANCE DE DAMAS ET LES DÉPOUILLES DE SAMARIE DEVANT LE ROI DES ASSYRIENS. »

 

ANALYSE.

 

1. But du ministère prophétique. Précaution à prendre par le Prophète pour qu'on ne puisse révoquer en doute sa prophétie et pour lui assurer un caractère irréfragable d'authenticité.

2. Au premier signal que Dieu leur donnera, les Assyriens arriveront en foule comme des mouches.

3. Invasion d'Israël et de la Syrie.

 

 

1. D'après le sens littéral, il semble que ces prescriptions sont différentes et n'ont entre elles rien de commun; mais si vous voulez examiner les pensées, vous trouverez qu'elles se rapprochent et n'ont qu'un même but. Mais il faut dire d'abord dans quel dessein le ministère prophétique a été introduit dans le monde. Quelle est la mission de la prophétie; voilà ce qu'il faut dire. Ordinairement, Dieu est lent et tardif à punir les méchants, comme il est prompt à récompenser la vertu. Aussi les hommes doués de peu d'énergie se laissent-ils entraîner, en voyant que le châtiment ne suit pas immédiatement les fautes. Or, pour taire voir qu'il est patient et que l'on ne doit pas se faire de sa longanimité un prétexte pour le vice, Dieu se sert de la prophétie, non pour infliger des peines, mais pour apprendre aux pécheurs ce qui les attend, afin que la menace les rende meilleurs et leur fasse éviter des punitions réelles ; et c'est seulement lorsqu'ils restent insensibles qu'il finit par les châtier. Le démon , voyant ce dessein et sachant combien ce ministère est profitable aux hommes, envoie des faux prophètes , pour contredire ceux qui annoncent des famines, des pestes, des guerres, et pour prophétiser de grandes prospérités. Comme Dieu veut, en inspirant la crainte des paroles, faire éviter de réelles punitions, le démon s'efforce de faire le contraire; ses discours plaisent, ils amollissent les hommes et Dieu se voit dans la nécessité de leur (397) infliger des châtiments. Puis, lorsque ceux qui ont cru les faux prophètes, et qui, ne faisant aucun cas de la vertu, ont persévéré dans leurs fautes, se sont attirés de graves châtiments, et qu'enfin la vérité est mise en évidence tandis que le mensonge est confondu, le démon emploie d'autres piéges encore pour achever la ruine de ceux qui se laissent prendre. Il leur persuade à eux qui se laissent facilement tromper, qu'il faut attribuer ces événements fâcheux à la colère des démons rejetés et méprisés. C'est pour empêcher cette ruse que Dieu fait annoncer longtemps à l'avance aux hommes les maux qui leur arriveront ou plutôt qui les saisiront, pour qu'il ne soit pas possible à ceux qui trompaient les hommes, d'attribuer les événements à la colère des démons. Ce n'est pas par conjecture que je le dis : car entendez les paroles d'Isaïe : « Je sais que tu es dur, que ton cou est comme une barre de fer, que tu as un front d'airain. C'est pourquoi je t'ai parlé dès le commencement afin que tu ne dises pas: Ce sont mes idoles qui ont fait ces choses, ce sont mes images taillées et jetées en fonte qui me l'ont donné. Tu ne les as ni connues ni entendues. » (Isaïe, XLVIII, 4, 5, 8.)

Comme donc, selon ce que j'ai dit plus haut et ce qu'atteste ce passage, les Juifs opposaient les prophéties les unes aux autres, la vraie prophétie se hâte de remédier à cette erreur, en annonçant les événements longtemps à l'avance. Comme il était à présumer que les ingrats auraient dit : Vous ne l'avez pas prédit, nous ne l'avons pas entendu, vous forgez ces prophéties après l'événement : car vous ne connaissez pas l'avenir; comment saurons-nous que vous avez parlé d'avance? à ce langage, Dieu oppose une réponse péremptoire et ferme ces bouches impudentes. Il n'ordonne pas seulement à ses prophètes de parler, mais il ordonne d'écrire les prophéties sur le papier et non-seulement d'écrire, mais encore pour qu'on ne puisse pas dire que cela a été fait après coup, il ordonne de prendre pour témoins des hommes que leur dignité et leur conduite rendaient dignes de foi. « Prends-moi pour témoins, dit-il, des hommes fidèles, Urie le prêtre et Zacharie, » afin que, quand les événements se réaliseront et que les méchants diront : Ces choses n'ont pas été prédites par avance, le livre soit produit et que les hommes qui ont été témoins de sa composition ferment ces bouches impudentes. C'est pourquoi Dieu dit : « Prends-moi un livre de papier neuf, » afin qu'il ne périsse pas ait bout de quelque temps, mais qu'il reste longtemps et que ses caractères même accusent les détracteurs. «Et écris-y avec un style d'homme, avec une plume , ce qui doit arriver. Et que doit-il arriver? Il y aura guerre, victoire remportée par les barbares , partage des dépouilles, enlèvement du butin. Ecris, dit-il, toutes ces choses, qu'il faut se hâter de prendre le butin : car voici le temps. » Qu'est-ce à dire, « Voici le temps? » Cette parole nous fait entendre deux choses, que déjà la grandeur des fautes demandait châtiment, et que la punition est imminente. La patience de Dieu le fait temporiser : car il désire qu'ils se corrigent et rendent la punition inutile, et d'un autre côté il lui est facile par sa seule volonté de faire que tout s'exécute. En effet , lorsqu'il s'agissait des barbares qui devaient faire invasion , il dit : Ne pensez pas que la longueur de la route et la multitude de l'armée soient des causes de retard , comme il arrive souvent dans ce que font les hommes.

2. Mais pour Dieu, même ce qui est éloigné est présent, tant il lui est facile en un instant, en une seconde, d'amener et de faire arriver des extrémités de la terre même des multitudes innombrables. « Prends-moi pour témoins des hommes fidèles, Urie le prêtre et Zacharie, fils de Barachie. » Témoins de quoi ? De l'époque, afin que si l'on vient à récuser ces livres, les hommes qui auront assisté à leur composition et en connaissent par conséquent bien l'époque, puissent, lorsqu'il s'élèvera des contradicteurs impudents, leur fermer la bouche. Ce qui suit a le même but et contient une preuve plus manifeste encore. Comment et de quelle manière? « Il s'est approché , dit-il, de « la prophétesse. » Il appelle ainsi sa propre femme, peut-être parce qu'elle participait à l'esprit prophétique : car ce n'est pas seulement aux hommes que les grâces sont communiquées, mais aussi aux femmes. Ce n'est pas comme dans les choses temporelles où les sexes sont distingués, où les uns ont à remplir les devoirs des hommes, lés autres ceux des femmes, sans pouvoir changer de rôle; i1 n'en est pas ainsi dans les choses spirituelles; mais tout est commun, couronnes et combats. Volts verrez cela dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament et pour toutes les positions tic la vie. S'étant approché d'elle selon la loi du (398) mariage, il la rendit enceinte. Et lorsque cette femme eut mis au monde un fils, il lui donne un nom étrange, extraordinaire, un nom prophétique. Que dit-il en effet? « Appelle-le, hâtez-vous de prendre les dépouilles et de partager le butin, » afin que si l'on récuse le livre, du moins le nom même de l'enfant, nom prophétique , imposé bien avant la réalisation des événements , et depuis lors toujours en usage, fasse taire même les plus audacieux. Il sera évident que le Prophète ne l'a pas forgé après coup, mais qu'il avait prévu dès longtemps ces événements, et ceux même qui s'étudient à méconnaître les soins dont ils sont l'objet seront forcés de croire, puisque, même avant les événements , ils auront vu l'enfant porter ce nom , et par suite annoncer sans cesse les malheurs à venir.

Ensuite il précise le sens de la prophétie en indiquant avec exactitude l'époque de ces infortunes - « Car avant que l'enfant sache nommer son père et sa mère, on emportera la puissance de Damas et les dépouilles de Samarie devant le roi des Assyriens. » Voici ce qu'il veut dire : à l'époque où son âge sera bien peu avancé, où il ne pourra parler encore, la victoire sera remportée, les trophées seront élevés, non que cet enfant puisse lui-même ranger l'armée et vaincre les ennemis, mais dans ce temps, c'est-à-dire avant que l'enfant puisse parler; tout sera livré aux ennemis. « Le Seigneur me parla encore et me dit : Parce que ce peuple a rejeté les eaux de Siloë qui coulent doucement et qu'il a mieux aimé avoir pour roi Basin et le fils de Romélie, le Seigneur fera fondre sur lui le roi des a Assyriens, comme les grandes et violentes eaux d'un fleuve (5-7.) »

Dieu, le plus souvent, n'annonce pas seulement le châtiment, mais il en indique la cause pour l'instruction des auditeurs; c'est ce qu'il fait également ici. Après avoir parlé du pillage exercé par des étrangers et de l'invasion des barbares, il indique quelle est la cause de cette guerre. Quelle est-elle? L'ingratitude des habitants de la ville. Comme ils avaient, dit-il , un roi doux, facile, humain, et qu'ils s'en sont séparés pour appeler des tyrans, pour essayer de passer sous une domination étrangère, parce qu'ils étaient fatigués de leur bonheur, eh bien ! j'accomplirai surabondamment leur désir, en amenant au milieu d'eux un homme barbare et cruel. Il emploie des expressions métaphoriques pour dépeindre le caractère du roi indigène et la puissance du roi barbare; il en agit ainsi, comme je l'ai déjà dit, pour donner à sa parole plus de force et d'expression. C'est pour cela qu'il dit : « Parce que ce peuple a rejeté les eaux de Siloë, » passage où il n'entend pas parler de l'eau, mais où, pour faire comprendre le caractère doux et humain du roi, il le compare au courant toujours tranquille de cette source aux eaux paisibles et sans bruit, et il désigne le roi par le mot de Siloë, cause de sa douceur et de sa modération : grande leçon pour les sujets qui, n'ayant à supporter qu'un joug léger, voulaient se soulever et se donner à des rois étrangers. Puisqu'ils ne veulent pas, dit-il, d'un roi doux et humain, mais qu'ils demandent Basin et le fils de Romélie, je leur enverrai le roi de Babylone; et la violence de ,on armée, il la rend par l'image d'un fleuve aux eaux abondantes et impétueuses.

3. Puis, interprétant sa métaphore, il dit: « Le roi des Assyriens. » Voyez-vous combien est certain ce que j'ai dit plus haut, que partout l'Ecriture donnait elle-même la clef des métaphores qu'elle employait? C'est ce qu'elle fait encore ici. Elle a parlé d'un fleuve, mais, sans continuer sa métaphore, elle dit quel fleuve, « le roi des Assyriens, avec toute sa gloire. Il descendra dans toutes vos vallées et il entourera tous vos murs. Et il enlèvera de la Judée tous ceux qui peuvent lever la tête ou faire quelque chose. Et son armée sera si nombreuse qu'elle couvrira toute votre contrée. » Pour montrer que tout cela arrivera, non par la vertu de l'homme, mais à cause de la colère de Dieu, il ne le représente pas comme un ennemi qui a besoin de combattre en bataille rangée, mais comme un homme qui vient enlever un butin tout préparé. Il ne se tiendra pas sous les armes, il ne se mettra pas, dit le Prophète, en ordre de bataille; mais cette multitude couvrira la face de la terre et vaincra facilement. Puis, même au milieu de la colère, il y a encore de la clémence. Dieu ne menace pas les Juifs de la ruine de leur capitale, il leur annonce seulement l'exil et la captivité, voulant que le châtiment de ceux qui seront enlevés corrige ceux qui resteront. « Il enlèvera de la Judée tous ceux qui peuvent lever la tête. » Tous les puissants, veut-il dire, ceux qui pillent et emportent tout, ceux qui sont les fléaux du (399) peuple, il les jettera dans les fers et l'esclavage, afin que leurs sujets puissent respirer un peu et que la crainte qu'ils éprouveront en voyant emmener les autres ainsi que la conservation de leur propre liberté les rende meilleurs. C'est pourquoi il dit : « Qui peut faire quelque chose, » c'est-à-dire celui qui est fort, qui peut agir, qui est capable de quelque travail. Et avant même qu'ils soient enlevés, dit-il, peut-être serez-vous assez effrayés à la vue de ce barbare qui couvrira de ses troupes votre pays. C'est pourquoi il ajoute : « Son armée sera si nombreuse qu'elle couvrira toute votre contrée. Dieu est avec nous. Sachez-le, nations, et vous serez vaincues : entendez-le jusqu'aux extrémités de la terre, et malgré votre force vous serez vaincues; et si vous prévalez une seconde fois, vous serez vaincues une seconde fois. — Les desseins que vous aurez formés, le Seigneur les dissipera; les paroles que vous aurez dites n'auront point d'effet, parce que Dieu est avec nous (8-10). »

Il me semble prophétiser ici la victoire d'Ezéchias, ce brillant fait d'armes et sa cause. S'ils ont, semble-t-il dire, des armes, de nombreux soldats , l'expérience militaire , nous avons, nous, le plus puissant des auxiliaires, c'est-à-dire, Dieu. Le barbare vint, comme le Prophète en avait fait la menace, et il s'en alla après avoir pris beaucoup de villes; mais quand il revint de nouveau, il éprouva un sort tout contraire. C'est ce que le Prophète annonce, ainsi que la cause de cette victoire, et il s'adresse aux barbares eux-mêmes. Que cette première victoire, dit-il, ne vous enorgueillisse pas : car dans votre incursion présente nous avons un puissant auxiliaire. Sachez-le donc et retirez-vous: car vous entreprenez une chose impossible. Puis il montre la cause de cette victoire, il dit que la renommée publiera ces hauts faits jusqu'aux extrémités de la terre «Entendez-le jusqu'aux extrémités de la terre.» Personne en effet n'a été sans apprendre ce qui s'est passé alors à Jérusalem; c'est pourquoi le Prophète dit : « Entendez-le jusqu'aux extrémités de la terre, malgré votre force vous serez vaincues. » Le barbare eut une grandi; renommée à cause de sa puissance. Or, en cet endroit il appelle forts non ceux dont le corps est robuste, mais ceux que l'abondance de leurs richesses et l'éclat de leur gloire font remarquer. « Et si vous prévalez une seconde fois vous serez vaincues une seconde fois. Les desseins que vous formerez, le Seigneur les dissipera ; les paroles que vous aurez dites n'auront point d'effet, parce que Dieu est avec nous. » Comme leurs desseins étaient mauvais, qu'ils se proposaient de ne retourner chez eux qu'après avoir renversé la ville de fond en comble, le Prophète parle de leurs projets et dit : Tout en restera aux parole; Puis comme les choses qu'il annonce dépassent la nature humaine, il a recours, afin de faire croire à sa parole, à la grandeur de celui qui accomplira tout, et répète souvent « parce que Dieu est avec nous, » et qu'il dissipera lui-même toutes ces machinations. Qu'à lui soit la gloire.

 

 

 

Traduit par M. FANIEN.

 

 

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