PSAUME CXIX

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EXPLICATION DU PSAUME CXIX. CANTIQUE DES DEGRÉS, OU SELON UNE AUTRE VERSION : CANTIQUE POUR LESMONTÉES. 1 « J'AI CRIÉ  VERS LE SEIGNEUR LORSQUE J'ÉTAIS DANS L'AFFLICTION, ET IL M'A EXAUCÉ. »

 

ANALYSE.

 

1. Le seul moyen de monter à Dieu c'est d'être dans les afflictions et les épreuves, conformément à cette parole du Maître : Bienheureux ceux qui pleurent, car alors ou se détache de soi-même et des choses de la terre, et on crie vers le Seigneur qui s'empresse toujours de nous exaucer.

2. Dans notre course à travers le monde, nous rencontrons bien des obstacles : le principal est le commerce avec les hommes pervers et trompeurs. C'est pourquoi nous devons nous unir au Prophète pour demander à Dieu d'en être délivrés et d'être mis en possession du Ciel.

3. Pour être exaucés, considérons cette terre comme un lieu d'exil et un passage, et soyons avec les méchants comme des agneaux au milieu des loups. Que la douceur soit notre seule arme de résistance. Elle nous fera triompher des pécheurs que nous convertirons, et mériter les biens éternels.

 

l. Chacun des autres psaumes a une inscription particulière , mais ici on en a réuni plusieurs sous un même titre : « Cantiques des degrés » ou «des montées, » selon un autre interprète. » Quelques-uns même les nomment simplement, «degré.» Et pourquoi cette dénomination, direz-vous? — Au point de vue historique, c'est parce qu'ils parlent du retour de Babylone, et qu'ils font mention de la captivité des Juifs en ce pays. — Dans le sens an agogique , c'est , au dire de plusieurs interprètes , parce qu'ils conduisent dans le chemin de la vertu; or, la voie par laquelle nous y arrivons est semblable à des degrés par lesquels l'homme vertueux et sage monte lentement jusqu'à Dieu. D'autres voient dans ces psaumes une figure de l'échelle de Jacob qui fut montrée à David et qui touchait le ciel. C'est  aussi au moyen de degrés et d'échelles qu'on peut s'élever aux lieux qui sont inabordables ou trop élevés. Hais comme ceux qui montent, arrivés à une certaine hauteur sont menacés du vertige, il est nécessaire d'affermir non-seulement ceux qui s'élèvent, ruais encore ceux qui sont parvenus au sommet. — Il n'y a qu'un moyen de salut : c'est de ne pas considérer à quelle élévation nous sommes parvenus , de peur de nous enorgueillir, mais d'examiner combien il nous reste encore de chemin à faire et de nous efforcer d'arriver au but, comme voulait nous le faire entendre saint Paul quand il disait: « Oublions ce qui est derrière nous, avançons-nous vers ce qui est devant nous. » (Philip. III, 13.) Telle est l'explication du sens anagogique. Maintenant, si vous le trouvez bon, revenons à l'histoire et considérons ceux (168) qui furent délivrés de la captivité. Comment donc eut lieu cette délivrance ? — Par le désir de voir Jérusalem; tandis que ceux qui n'avaient pas le même souci, ne profitèrent pas de la grâce de Dieu, mais passèrent leurs jours dans une perpétuelle servitude; ce sera aussi notre sort si nous agissons comme eux. Car si, au lieu d'être embrasés de l'amour des choses saintes et du désir de la céleste Jérusalem , nous nous attachons sans cesse à la vie présente, nous souillant dans la fange des choses terrestres, nous ne pourrons arriver à la patrie.

« J'ai crié vers le Seigneur lorsque j'étais dans l'affliction et il m'a exaucé. » Comme l'affliction nous est avantageuse ! comme la clémence est prompte à nous secourir ! la première nous porte à répandre des supplications saintes , la seconde exauce sur-le-champ ceux qui l'invoquent. C'est ce que nous voyons pour ce peuple juif en Egypte. Ecoutez le Seigneur: « J'ai vu l'affliction de mon peuple, et j'ai en tendu ses gémissements, et je suis descendu pour le délivrer. » (Exod. III, 7, 8.)

Donc, mes très-chers, vous aussi, quand vous êtes dans l'affliction, ne vous désespérez pas, ne devenez pas nonchalants; mais alors principalement ranimez votre courage, parce que dans ce moment nos prières sont plus pures et que plus grande aussi est la miséricorde de Dieu pour vous. Vivez constamment de telle sorte que la vie vous soit à charge ; n'oubliez pas que: « Tous ceux qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ seront persécutés (II Tim. III, 12 ) ; et que c'est par beaucoup de tribulations que nous devons entrer dans le royaume des cieux. » (Act. XIV, 21.)

Ne courons donc pas après une vie molle et dissolue et ne cherchons pas à entrer par la voie large, car elle ne conduit pas au ciel, mais par la voie étroite et difficile. Si nous voulons parvenir aux demeures célestes, fuyons les plaisirs, foulons aux pieds la pompe extérieure du siècle, méprisons les richesses , la gloire , et la puissance, attachons-nous à la pauvreté, à la componction du coeur, à la confession, aux larmes, et poursuivons tout ce qui peut nous procurer le salut. C'est le moyen d'être plus en sûreté et de faire monter plus facilement nos prières vers Dieu. Si nous nous préparons de la sorte et si nous invoquons le Seigneur avec de semblables dispositions, il nous exaucera certainement, selon cette parole du Prophète : « Lorsque j'étais dans l'affliction, j'ai crié et j'ai été exaucé. » Apprenons donc à nous élever peu à peu et à donner pour ainsi dire des ailes à nos prières en chassant toute inquiétude et tout trouble dans les afflictions; ce sera le moyen de les rendre très-profitables. Si le prophète Elisée , tout homme qu'il était, ne permit pas à son disciple de repousser une femme qui venait à lui, disant: « Laissez-la parce que son âme est dans l'amertume « (IV Rois, IV, 27) , » afin de nous montrer que son affliction était pour elle une excuse et une défense très-grandes, à plus forte raison, Dieu ne nous repoussera pas si nous nous présentons à lui avec une âme remplie de tristesse. Voilà pourquoi encore le Christ appelle bienheureux ceux qui pleurent et malheureux ceux qui rient. Aussi a-t-il commencé par là ses béatitudes en disant. « Bienheureux ceux qui pleurent (1)?» (Matth. V, 5.)  — Si donc vous voulez monter les degrés de la vertu, retranchez dans vos habitudes tout ce qu'il y a de désordonné et de vain; astreignez-vous à un genre de vie difficile, abstenez-vous des choses terrestres. C'est là le premier degré. Car il est impossible, d'une impossibilité absolue, de monter en même temps l'échelle et de rester attaché à la terre.

2. Vous voyez comme le ciel est élevé, vous connaissez la brièveté du temps, vous savez combien l'heure de la mort est incertaine. Ne tardez donc pas, ne différez point, mais entreprenez ce voyage avec une grande ardeur, afin que vous puissiez franchir deux, trois, dix et vingt degrés par jour. — « Seigneur, délivrez mon âme des lèvres injustes et de la langue trompeuse (2). » On voit briller ici ce précepte évangélique: « Priez afin que vous « n'entriez pas en tentation. » (Luc, XXII, 46.) C'est qu'il n'y a point, ô mes très-chers, de tentation plus dangereuse, que d'être livré à un homme trompeur : il est plus à craindre que n'importe quelle bête sauvage. Elle, du moins, se montre telle qu'elle est, mais le fourbe cache souvent son poison sous le masque de la douceur, afin qu'on ne puisse découvrir les embûches et qu'on tombe sans défiance dans ses piéges. C'est pourquoi le

 

1 Nous ne comprenons pas pourquoi saint Jean Chrysostome dit que Notre-Seigneur commença ses béatitudes par ces mots: Bien. heureux ceux qui pleurent, puisque ni saint Matthieu, ni saint Luc ne placent cette béatitude la première. (Note des Bénédictins.)

 

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Psalmiste demande sans cesse à Dieu, avec instance, d'être délivré de tels ennemis. Que s'il faut fuir les gens fourbes et dissimulés, à plus forte raison les trompeurs, et ceux qui répandent des doctrines perverses. Les lèvres les plus dangereuses sont celles qui attaquent la vertu et qui portent au mal. C'est pourquoi le Prophète demande que son âme en soit délivrée. C'est vers ce point qu'il dirige tous ses traits: — « Que recevrez-vous et quel fruit vous  reviendra-t-il, ô langue trompeuse (3) ? » Une autre version porte: « Que vous produira, que vous rapportera la langue trompeuse? » Et une troisième : « Que vous donnera, que vous rapportera la langue selon l'imposture? » Expressions qui tendent toutes à montrer qu'il s'agit d'une grande malice et d'une espèce de vice horrible. C'est pourquoi vous voyez le Prophète irrité, ému, s'écrier : « Que recevrez-vous et quel fruit vous reviendra-t-il, ô langue trompeuse? » Ce qui      revient à ceci quel supplice sera digne d'un tel crime ! Ce qu'Isaïe voulait dire aux Juifs par ces paroles « A quoi servirait de vous frapper de nouveau, vous qui ajoutez péché sur péché (Is. I, 5), » le Psalmiste le dit par celle-ci : « Que retirerez-vous et quel fruit vous reviendra-t-il, ô langue trompeuse? » C'est comme s'il disait le méchant trouve son châtiment dans sa propre faute, et il devance le jugement de Dieu pour se punir puisque de lui-même il engendre le vice . car il n'y a pas de plus grand supplice pour l'âme que d'être livrée au vice, même avant qu'il sort puni. Quel châtiment donc pour un tel crime? Il n'y en a point ici-bas; Dieu seul pourra le trouver, l'homme n'y parviendrait pas, car c'est une malice qui surpasse tout châtiment. Mais Dieu se charge de la vengeance, et c'est ce que veut faire entendre le Prophète quand il ajoute aussitôt : — « Vous avez été percé avec des flèches très-pointues poussées par une main puissante, et vous serez brûlé avec des charbons dévorants (4). »

Le Psalmiste compare ici à des flèches les supplices dont il s'agit. Une autre version porte : « Les flèches de l'homme puissant qui me poursuit sont aigres, elles sont brûlantes  comme des charbons accumulés. » Ou bien encore : « Comme des charbons de genévrier; » expressions métaphoriques et variées qui augmentent en nous la crainte du supplice. Car ces mots : « charbons accumulés, charbons de genévrier » ont le même sens. Dans le premier cas on veut faire ressortir le nombre des peines, dans le second, leur intensité. C'est ce qu'ont voulu nous faire entendre les Septante quand ils ont traduit par « charbons dévorants, » c'est-à-dire, dévastateurs, destructeurs, ruineurs. Les saintes Lettres, pour nous donner une idée de la vengeance de Dieu, la comparent à des choses que nous regardons comme terribles et elles nous la représentent comme des flèches ou comme du feu. Il me semble aussi qu'il y a dans ces mots une allusion aux barbares, et c'est dans ce sens qu'un autre interprète a dit : « Délivrez mon âme de la lèvre menteuse. » Car telles sont leurs paroles, telles leurs ruses et leurs embûches. Tout en eux respire la fraude et les plus grands crimes. — « Que je suis malheureux de ce que mon exil est si long ! J'ai demeuré avec les habitants de Cédar (5). » On lit dans une autre leçon : « Que je suis malheureux d'avoir prolongé mon exil ! » Et dans une troisième : «Que je suis malheureux d'avoir été si longtemps dans la terre étrangère ! »

Ce sont des lamentations au sujet de la captivité de Babylone. Saint Paul parlant de l'exil de cette vie qui se prolonge trop longtemps s'écrie : «Pendant que nous sommes dans le corps comme dans une tente, nous gémissons sous le poids de notre condition mortelle (II Cor. V, 4); » et encore : « Et non-seulement les créatures soupirent, mais nous qui avons reçu les prémices de l'Esprit nous gémissons nous-mêmes. » (Rom. VIII, 23.) C'est que la vie présente est un exil. Que dis-je, un exil ? C'est quelque chose de pire. Et Notre-Seigneur lui-même l'a appelée un passage quand il a dit : « La porte de la vie est petite et la voie qui y mène est étroite. » (Matth. VII, 14.) Aussi la meilleure, et par conséquent la première science pour nous, c'est de savoir que nous ne sommes dans ce monde que des voyageurs. Les anciens patriarches n'avaient pas d'autre doctrine et saint Paul les en loue hautement, comme on peut le voir dans ses Epîtres : « Pour cette cause Dieu ne rougit point d'être appelé leur Dieu. » (Héb. XI, 16.) Pour quelle cause, je vous le demande? Parce qu'ils confessèrent qu'ils étaient étrangers et voyageurs. (Héb. XI, 13.) Car c'est là le principe et le fondement de toute vertu, parce que celui qui est étranger au milieu de ce (170) monde sera citoyen du ciel. Celui qui est étranger aux objets d'ici-bas, ne se complaira point dans le présent; maison, argent., bonne chère, rien ne le touchera; mais semblable à ceux qui habitent un pays étranger, dont tous les actes, toutes les pensées tendent à les faire rentrer dans leur patrie, et qui chaque jour ont hâte de revoir la terre qui les a vus naître; ainsi celui qui est enflammé du désir des biens futurs, ne se laissera ni abattre par les adversités, ni enorgueillir par les prospérités du présent, mais il passera par-dessus tout, comme le voyageur qui fait sa route. C'est pourquoi nous devons dire dans notre prière : « Que votre règne arrive ! (Matth. VI, 10; Luc, XI, 2), » afin qu'entretenant dans notre âme la pensée et le désir ardent de cet avènement, et que l'ayant sans cesse devant les yeux, nous ne considérions plus les choses présentes. Si les Juifs, désireux de revoir Jérusalem, même après leur délivrance, pleurent encore au souvenir du passé, serons-nous pardonnables, pourrons-nous être excusés de ne pas être embrasés d'un violent amour de la Jérusalem céleste ?

3. Voyez donc comme ils se lamentent d'être obligés de vivre avec leurs ennemis : « J'ai demeuré, » disent-ils, « avec les habitants de Cédar, mon âme a été longtemps étrangère. » Ils ne gémissent pas seulement d'être détenus sur la terre, de l'exil, mais encore d'habiter avec des barbares, imitant en cela l'exemple des autres prophètes qui se lamentent en ces termes sur la. vie présente : « Malheur à moi, parce qu'on ne trouve plus de saints sur la terre; il n'y a personne qui ait le coeur droit. » (Mich. VII, 12.) Le Psalmiste lui même ne s'est-il pas écrié dans un autre endroit? « Sauvez-moi, Seigneur, parce qu'il n'y a plus de saints sur la terre! » (Ps. XI, 2.) C'est qu'en effet cette vie n'est pas seulement pénible parce qu'elle renferme une grande vanité et des soucis importuns, mais encore à cause du grand nombre des méchants. Car il n'y a rien de plus fâcheux pour les gens de bien que d'être obligés de vivre avec des hommes pervers. La fumée et la vapeur fatiguent moins les yeux que le commerce des méchants n'attriste l'âme. Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même prend soin de nous montrer combien de pareils rapports sont à charge. En effet, quand il s'écrie : « Jusqu'à quand serai-je avec vous? Jusqu'à quand vous supporterai-je?» N'est-ce pas dire en termes moins clairs : « J'ai demeuré avec les habitants de Cédar? » Ces peuples barbares ont pour habitude de traiter leurs inférieurs avec la cruauté des bêtes sauvages, en sorte qu'ils vivent sous des tentes et qu'ils sont réduits à la férocité de ces animaux. Mais plus terribles encore sont ces ravisseurs cupides qui passent leur vie dans les débauches, dans le luxe et les plaisirs de toutes sortes. — « Mon âme a été longtemps en exil (6). »

Pourtant il semble que non, car cet exil ne fut que de soixante-dix ans. Mais le Psalmiste a moins en vue le nombre des années que les peines qu'il avait endurées, car quelque court que soit le temps d'une affliction, il paraît fort long à ceux qui souffrent. Tels doivent être nos propres sentiments, et quoique nous vivions peu d'années sur cette terre, elles doivent nous paraître nombreuses à cause du désir des biens célestes. Et en parlant de la sorte, je ne veux point accuser la vie présente ; loin de moi une telle pensée, car cette vie est l'œuvre de Dieu, mais je voudrais faire naître en vous le désir des biens futurs et y détruire toute complaisance dans la possession des objets présents et tout attachement à voire corps, comme aussi vous empêcher de ressembler à ces âmes vulgaires qui, après une longue vie, se plaignent de n'avoir eu que peu d'années sur cette terre. Quoi de plus insensé ! Quelle n'est pas la stupidité de ces hommes à qui on offre le ciel avec tous ses biens que l'œil n'a point vus, que l'oreille n'a point entendus (I Cor. XI, 9), et qui soupirent après des ombres, et qui veulent traverser le fleuve de cette vie, trouvant leur plaisir à rester continuellement au -milieu des flots, des tempêtes et des naufrages. Il n'en était pas ainsi de saint Paul. Niais il avait hâte d'avancer, et il n'y avait qu'une chose qui pût le retenir, le salut de ses frères. « Je gardais un esprit de paix avec ceux qui haïssaient la paix; dès que je leur parlais, ils s'élevaient contre moi (7). »

C'est ainsi que le Prophète nous montre combien il est pénible de demeurer dans cette vie. Il n'a pas dit : « Avec ceux qui n'ont pas la paix, » mais, « avec ceux qui haïssent la paix, j'étais pacifique. » Voilà l'avantage de l'affliction, voilà le fruit de la captivité. Qui de nous pourrait maintenant en dire autant? Nous trouvons que c'est déjà beaucoup d'être pacifique avec les pacifiques, tandis que le (171) Prophète gardait un esprit de paix avec ceux qui haïssaient la paix. Que devons-nous donc faire pour n'être pas en défaut sur ce point? C'est de demeurer sur cette terre comme des étrangers — car j'en reviens toujours à mon premier raisonnement, — comme des voyageurs qui ne se laissent arrêter par aucune des choses présentes. Il n'y a rien, en effet, contre quoi nous devions lutter et combattre autant que contre l'amour des choses présentes et le désir de la gloire, de l'argent et des délices. Mais quand nous aurons coupé tous ces liens et que notre âme ne sera plus retenue par aucun, nous verrons où était le principe de la lutte et sur quoi doivent reposer les bases de la vertu. Ainsi encore, le Christ veut que nous soyons « comme des brebis au milieu des loups (Matth. X, 16), » afin que nous ne disions pas J'ai tant souffert que je suis devenu violent. — Car, nous répond-il, quand vous auriez souffert mille maux, gardez la douceur de la brebis et vous triompherez des loups. Cet homme est méchant et vif, mais vous disposez de forces si considérables que vous êtes au-dessus de tous les méchants. Quoi de plus doux que la brebis, de plus sauvage que le loup? Elle triomphera de lui cependant, comme on l'a vu par tes martyrs. C'est qu'il n'y a rien de plus puissant que la mansuétude, rien de plus fort que la douceur. Aussi le Christ nous ordonne-t-il d'être comme des agneaux au milieu des loups. Puis, après avoir parlé de la sorte, comme si celle douceur ne suffisait pas à qui veut paraître son disciple, il ajoute autre chose encore : « Soyez, » nous dit-il, « simples comme des colombes (Matth. X, 16), » réunissant ainsi la mansuétude des deux animaux doux et simples par excellence. Tant est grande la vertu qu'il exige de nous quand nous sommes avec des gens sauvages ! Et ne me dites pas : Cet homme est méchant, je ne puis le souffrir. Car c'est surtout avec des personnes grossières et inhumaines qu'il faut faire preuve de douceur. C'est alors qu'éclate la vertu, c'est alors que son utilité, son heureux succès, ses fruits brillent à tous les yeux.

« Dès que je leur parlais ils s'élevaient contre moi. » Un autre interprète dit . « Et quand je leur parlais, ils combattaient. » Ce qui signifie : « J'étais pacifique avec ceux qui haïssaient la paix; » ou bien : Quand je leur parlais ils combattaient contre moi. Expressions qui reviennent toutes à ceci: Au moment même où je parlais à mes ennemis, alors surtout que je montrais ma charité en proférant les paroles les plus affectueuses, ils s'emportaient, ils me dressaient des embûches et rien ne les arrêtait. Néanmoins , je faisais paraître ma vertu, sans avoir égard à leurs mauvaises dispositions.

Ainsi doit-il en être de nous. Quoiqu'on réponde à notre amour en nous frappant, en nous blessant, en nous tendant des piéges, ne cessons point de nous montrer pleins de bonté, nous souvenant de la parabole qui nous ordonne d'être comme des agneaux et des colombes au milieu des loups. En agissant ainsi nous rendrons nos ennemis meilleurs et nous mériterons les biens célestes. Puissions-nous tous les posséder un jour, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles! Ainsi soit-il.

 

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