I THESSALONICIENS I

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COMMENTAIRE SUR LA PREMIÈRE ENTRE AUX THESSALONICIENS.

 

AVERTISSEMENT POUR LES DEUX ÉPITRES.

 

Ces homélies furent prononcées à Constantinople, ainsi que l'orateur lui-même l’insinue, lorsqu'il dit dans la huitième homélie sur la première épître, vers la fin : « Pour moi, il faudra que je rende « compte de ce gouvernement des âmes qui m'a été confié ». Il l'indique non moins clairement dans la quatrième homélie sur la seconde épître, lorsqu'il dit : « Le diable s'arme contre nous plus terriblement que contre les autres : A la guerre, en effet, c'est surtout contre le chef que l'ennemi dirige ses attaques ».

Cà et là, il frappe fortement sur les vices des habitants de Constantinople, sur leurs sortilèges, leurs amulettes et leurs pratiques divinatoires. Il proscrit les théâtres et leurs divertissements grossièrement immoraux. Il blâme les deuils exagérés. Il rapporte certaines singularités concernant le lac de Sodome, comme des faits constants et avérés. Dans la quatrième homélie sur la deuxième épître, il dit que Néron est le type de l'antéchrist, et croit trouver dans le texte de saint Paul une prédiction de la chute prochaine de l'empire romain.

 

 

HOMÉLIE PREMIÈRE. PAUL, SYLVAIN ET TIMOTHÉE A L'ÉGLISE DE THESSALONIQUE QUI EST EN DIEU LE PÈRE ET EN JÉSUS-CHRIST NOTRE-SEIGNEUR. QUE LA GRACE ET LA PAIX VOUS SOIENT DONNÉES. NOUS RENDONS SANS CESSE GRACES A DIEU POUR VOUS TOUS, FAISANT MENTION DE VOUS DANS NOS PRIÈRES, ET NOUS REPRÉSENTANT SANS CESSE DEVANT DIEU QUI EST NOTRE PÈRE, LES OEUVRES DE VOTRE FOI, LES TRAVAUX DE VOTRE CHARITÉ, ET LA FERMETÉ DE L'ESPÉRANCE QUE VOUS AVEZ EN NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. (1, 1-3 JUSQU'A 7.)

 

Analyse.

 

1. Témoignage avantageux rendu par saint Paul à la foi et à la charité des Thessaloniciens.

2. Ils ont à peine embrassé la foi, et voilà qu'ils peuvent servir de modèle à tous les chrétiens de la Macédoine et de la Grèce.

3. Nécessité de la vigilance. — Il est très-utile que l'on prie pour nous, mais les prières d'autrui ne sont utiles qu'à ceux qui font déjà par eux-mêmes ce qu'ils peuvent.

4. Exemples qui prouvent l'utilité des prières quand s'y joint la diligence de ceux pour qui elles sont faites.

 

1. Pourquoi donc, lorsque l'apôtre écrit aux Philippiens et qu'il a Timothée avec lui, rie joint-il pas le nom de ce disciple au sien propre en tête de sa lettre (1), tandis qu'il le fait ici? Cependant Timothée était bien connu de ce peuple, et il en était admiré. « Vous avez « éprouvé vous-mêmes », leur dit saint Paul, « qu'il m'a servi comme un fils servirait son père. Je n'ai personne »; dit-il encore, « qui soit si véritablement dans les mêmes sentiments que moi, et qui ait autant soin de

 

1 C'est une erreur : le nom de Timothée est mis à côté de celui de saint Paul dans l'épître aux Philippiens. Il ne s'y trouve pas dans l'épître aux Ephésiens, mais ce qui suit montre que ce n'est pas de ceux-ci que parle saint Chrysostome, mais bien des Philippiens. La mémoire a fait défaut à l'orateur.

 

tout ce qui vous regarde ». (Philipp. XI, 22, 20.) Pourquoi donc le nom de Timothée se trouve-t-il mis à côté de celui de Paul dans un cas et non dans l'autre? Je crois que c'est parce que, lorsqu'il écrivait aux Philippiens, il était sur le point de leur envoyer bientôt Timothée. Il eût été superflu que celui-ci s'associât à l'envoi d'une lettre qu'il allait suivre de si près. Saint Paul, en effet, leur dit formellement qu'il était sur le point de leur envoyer bientôt Timothée. (Ibid. 23.) Pour ce qui regarde les Thessaloniciens, il n'en était pas de même. Mais Timothée était depuis peu de retour de chez eux, en sorte qu'il est naturel qu'il s'associe à la lettre qu'on leur écrit :  (179) « Timothée est revenu récemment près de nous après vous avoir vus », dit l'apôtre. (I Thess. III, 6.)

Mais pourquoi nomme-t-il Silvain avant Timothée, Timothée à qui il rend les témoignages les plus avantageux et qu'il préfère à tous les autres ? Peut-être est-ce Timothée lui-même qui l'a ainsi voulu par humilité. En voyant son maître pousser l'humilité jusqu'à mettre ses disciples sur le même rang que lui, Timothée devait se sentir porté à pratiquer aussi l'humilité et à se mettre après tous les autres.

« Paul, Silvain et Timothée à l'Eglise de Thessalonique ». Saint Paul ne prend ici aucune qualité, il se nomme tout court Paul, sans ajouter apôtre, ou serviteur de Jésus-Christ. Les Thessaloniciens étaient encore assez novices dans la foi, ils n'avaient pas encore appris à connaître saint Paul, voilà pourquoi, ce me semble, l'apôtre ne met aucun terme qui rappelle sa dignité. C'est qu'en effet la prédication ne faisait encore que débuter chez eux. — « A l'Eglise de Thessalonique ». Ceci n'est pas mis sans intention. Ces fidèles étaient encore en petit nombre et sans beaucoup de cohésion, et c'est pour les encourager que l'apôtre emploie ici le terme d'Eglise. Il ne s'en sert pas toujours en s'adressant à des communautés depuis longtemps fondées, nombreuses et fortement constituées. Le terme d'Eglise implique à la fois le grand nombre et l'union bien cimentée des membres ; c'est comme encouragement que l'apôtre l'applique aux Thessaloniciens. — « A l'Eglise de Thessalonique, qui est en Dieu le Père et en Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Voici encore le mot « Dieu » employé également pour le « Père » et pour le « Fils ». Ces mots : « Qui est en Dieu », servent à distinguer l'Eglise ou assemblée des fidèles de Thessalonique d'avec les assemblées des juifs et des païens. C'est là un grand éloge, éloge incomparable que d'être en Dieu. Je voudrais pouvoir en dire autant de cette Eglise-ci, mais je crains fort qu'elle ne soit indigne d'une si belle appellation. On ne peut dire des esclaves du péché qu'ils sont en Dieu. — « Que la grâce et la paix vous soient données ». Vous le voyez, cette épître débute par dès éloges.

« Nous rendons sans cesse grâces à Dieu pour vous tous, faisant mention de vous dans nos prières ». Rendre grâces à Dieu pour ce peuple , c'était non-seulement témoigner de leur grand progrès dans la foi, mais encore leur montrer qu'ils doivent en être reconnaissants à Dieu qui a tout fait. Il leur enseigne donc l'humilité, et son langage revient à dire que la puissance divine est la source de tout bien et de toute vertu. L'action de grâces est donc un témoignage rendu à leur vertu, et la mention qu'il fait d'eux dans ses prières est une preuve de sa charité envers eux. La suite fait voir que ce n'était pas seulement dans ses prières, mais en tout temps qu'il se souvenait d'eux.

« En nous représentant sans cesse devant Dieu qui est notre Père, les oeuvres de votre  foi, les travaux de votre charité et la fermeté « de l'espérance que vous avez en Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Les mots « devant Dieu » peuvent aussi se rapporter aux Thessaloniciens, et alors le sens serait: Nous représentant les oeuvres de votre foi, les travaux de votre charité, etc., lesquels sont devant Dieu, notre Père. Il ne se souvient pas de leur vertu seulement, mais aussi de leurs personnes, et cela « devant Dieu », mots qui sont pleins de sens. C'est comme si l'apôtre disait : Les hommes ne vous louent point de ce que vous faites, aucun ne vous en récompense, mais ayez confiance, vous travaillez en présence de Dieu. Qu'est-ce à dire : l'oeuvre de votre foi ? c’est-à-dire, que rien n'a ébranlé leur fermeté; car c'est en quoi consiste l'oeuvre de la foi. Si vous avez la foi, souffrez tout; si vous ne voulez pas tout souffrir, c'est que vous n'avez pas la foi. Est-ce que les promesses ne sont pas assez belles pour que celui qui y a foi souffre volontiers mille morts? C'est le royaume des cieux qu'il a en perspective, avec l'immortalité et la vie éternelle. Le croyant souffrira donc tout. Or, la foi se montre par les œuvres. Rien de plus juste que les expressions de l'apôtre ; elles reviennent à ceci : Vous n'avez pas montré simplement votre foi par vos paroles, mais encore par vos oeuvres, par votre fermeté, par votre zèle. — « Les travaux de votre charité ». A aimer d'une manière telle quelle, le travail est nul, mais il est grand à aimer véritablement, sincèrement. Lorsque tout est mis en oeuvre pour nous détacher de la charité, et que nous résistons à tout, n'est-ce pas un travail? Et que n'avaient-ils pas souffert, ces fidèles de Thessalonique, pour ne pas s'écarter de la charité ? Les adversaires de l'Evangile (180) n'allèrent-ils pas trouver l'hôte de Paul, et, ne l'ayant pas trouvé, n'entraînèrent-ils pas Jason, devant les magistrats? Etait-ce peu de chose, dites-moi, pour ces chrétiens, dont la foi ne faisait encore que de naître et n'avait pas acquis toute sa solidité, d'avoir à supporter un tel orage, de telles épreuves? « Ils exigèrent de lui une caution», dit le livre des Actes (XVII), et l'ayant obtenue, ils laissèrent aller Paul. Etait-ce donc peu de chose que cela ? Est-ce que Jason ne s'exposait pas à mourir à la place de Paul? C'est cet attachement à toute épreuve que l'apôtre appelle « le travail, de leur charité ».

2. Remarquez que l'apôtre ne parle de lui-même qu'après avoir fait l'éloge des Thessaloniciens, en sorte qu'il ne paraît ni se vanter, ni les aimer sans raison et comme par anticipation. — « Et votre fermeté». La persécution, en effet, n'avait pas duré qu'un instant, elle n'avait pas cessé. Les disciples y étaient en butte aussi bien que leur maître. Comment ceux qui persécutaient des hommes tels que les apôtres, des hommes qui opéraient des miracles et se montraient de toute manière si respectables, comment ceux-là auraient-ils épargné des gens de la même ville et de la même maison qu'eux qui, tout à coup, passaient dans le camp de Jésus-Christ? C'est à la fermeté de ces fidèles que l'apôtre rend témoignage en disant : «Vous avez été les imitateurs des Églises de Dieu qui sont en Judée ». (I Thess. II, 14.)

« Et l'espérance que vous avez en Jésus- Christ, devant Dieu notre Père ». Rien de plus juste que ces expressions, car la foi et l'espérance sont le principe de tout ce qu'ils ont fait. Leur conduite ne prouvait pas seulement qu'ils avaient du courage, mais encore qu'ils ajoutaient une foi pleine et entière aux récompenses, qui leur étaient réservées. Dieu permettait qu'il y eût des persécutions dès le commencement, afin que personne ne vînt dire que la prédication évangélique avait réussi d'une manière toute simple par l'intrigue et la flatterie; il le permettait encore pour faire paraître l'ardeur des fidèles, pour montrer qu'une foi assez ferme pour affronter mille morts n'était pas l'oeuvre d'une persuasion humaine, mais de la toute-puissante vertu de Dieu. Il fallait pour cela que, dès le commencement, la prédication fût profondément enracinée et assez solidement plantée pour ne craindre aucun orage.

« Sachant, mes, frères bien-aimés, que votre action est de Dieu, parce que l'Evangile que nous vous avons prêché, ne vous a pas été seulement présenté en paroles, mais encore dans la vertu de Dieu, dans l'Esprit-Saint, et dans une certitude abondante. Vous savez aussi de quelle manière nous avons agi parmi vous pour votre salut». Que veut-il dire par ces mots: « Vous savez aussi de quelle manière nous avons agi parmi vous pour votre salut?» L'apôtre effleure ici son propre éloge, mais très-légèrement. Il veut d'abord épuiser l'éloge des Thessaloniciens. Voici le sens de ses paroles : Nous savions que vous étiez des hommes généreux, et, magnanimes, des hommes choisis, c'est pourquoi nous avons aussi tout enduré pour vous. En effet, dire : « Vous savez de quelle manière nous avons agi » , c'était leur rappeler qu'on aurait de grand coeur donné sa vie pour eux; dévouement dont l’apôtre attribue le mérite non à lui, mais à eux, parce qu'ils étaient des hommes élus de Dieu. C'est la même pensée qu'il exprime encore ailleurs en ces termes : «Je souffre tous ces maux pour les élus». (II Tim. II,10.) Que ne souffrirait-on pas pour les bien-aimés de Dieu? A peine a-t-il parlé de lui-même qu'il se hâte d'ajouter presque en propres termes : Puisque vous êtes les bien-aimés et les élus de Dieu, il était naturel que je souffrisse tout pour vous. Ce n'était pas tout de les louer pour les fortifier, il était bon encore de leur rappeler dans le même but qu'ils avaient eux-mêmes montré un courage égal au zèle qu'on leur avait témoigné.

Il ajoute donc : « Et vous êtes devenus nos imitateurs et les imitateurs du Seigneur, ayant reçu la parole au milieu d'une grande tribulation, avec la joie du Saint-Esprit». Quel éloge ! Les disciples, en un moment, sont devenus des docteurs. Non-seulement ils ont écouté la prédication , mais encore ils ont atteint jusqu'au faite où était saint Paul. Mais cela n'est rien en comparaison de ce qui suit, voyez jusqu'où il les exalte en disant : «Vous êtes devenus les imitateurs du Seigneur». De quelle manière? « En recevant la parole au milieu d'une grande tribulation, avec la joie du Saint-Esprit ». Non-seulement au milieu de la tribulation, mais au milieu « d'une grande tribulation ». On peut voir, par les Actes des apôtres, quelle persécution l'on suscita contre eux. (Act. XVII.) Ils émurent tous (181) les magistrats, dit l'auteur, et soulevèrent toute la ville. Et l'on ne peut pas dire que s'ils ont été affligés et ont reçu la foi, ils l'aient fait avec tristesse, puisqu'il est dit au contraire qu'ils ont montré une grande joie. Il en était de même des apôtres. « Ils se réjouissaient », est-il dit «de ce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir pour le nom de Jésus-Christ». (Act. V, 44) Ce qu'il y avait de merveilleux dans leur conduite, c'était principalement cette joie. Ce n'est pas déjà peu de chose que de souffrir l'affliction n'importe comment, mais la souffrir avec joie suppose des hommes élevés au-dessus de la nature humaine, et dont le corps est devenu comme impassible. Comment étaient-ils devenus les imitateurs du Seigneur? Parce que le Seigneur avait lui-même enduré beaucoup de souffrances, et qu'il ne s'en était pas plaint, mais réjoui, puisqu'il les avait acceptées volontairement, et qu'il était venu sur la terre pour cela. En effet, il s'est anéanti lui-même pour nous, sachant qu'il aurait à souffrir les crachats, les soufflets, la croix. Et au milieu de ces souffrances, la joie qu'il éprouvait lui faisait dire : « Mon Père, glorifiez-moi». (Jean, XVII, 1.)

3. « Avec la joie du Saint-Esprit ». Pour qu'on n'objecte pas: Comment mêlez-vous ensemble l'affliction et la joie ? Ces choses-là ne sont-elles pas incompatibles? l'apôtre ajoute : « Avec la joie du Saint-Esprit ». L'affliction est dans les choses du corps, la joie dans celles de l'esprit. Comment cela? Les faits sont douloureux, mais les suites en sont tout autres, par la permission du Saint-Esprit. Ainsi, on peut souffrir sans se réjouir, comme lorsqu'on souffre pour ses péchés; et l'on peut aussi se réjouir jusque sous les fouets, lorsqu'on souffre pour Jésus-Christ. Telle est la joie du Saint-Esprit. De ce qui semble douloureux, elle fait sortir des délices. On vous a affligés, persécutés, veut dire l'apôtre, mais l'Esprit-Saint ne vous a pas délaissés dans vos maux mêmes : et comme autrefois il versa la rosée sur les trois enfants de la fournaise, il répand de même sur volis une joie céleste au milieu de vos afflictions. Et comme alors la rosée qui rafraîchissait les trois enfants, n'était point l'effet du feu; de même la joie que vous ressentez maintenant n'est point l'effet de vos maux. Les afflictions naturellement ne produisent point la joie; cela est réservé aux afflictions que l'on souffre pour Jésus-Christ, et est l'effet de la rosée du Saint-Esprit, qui, par la fournaise des maux, fait passer les élus dans un repos et un rafraîchissement éternel. « Avec la joie », dit saint Paul; et non simplement avec la joie, mais avec une grande joie; car c'est ce que marque ce mot : «Avec la joie du Saint-Esprit».

« De sorte que vous avez servi de modèles à tous ceux qui ont embrassé la foi dans la  Macédoine et dans l'Achaïe». Cependant ils avaient été les derniers visités par l'apôtre. Mais vous avez brillé, leur dit-il, jusqu'à devenir les modèles de ceux qui vous ont précédés. C'était là une vertu vraiment apostolique. L'apôtre ne dit pas simplement qu'ils ont servi de modèles à ceux qui n'ont pas encore embrassé la foi, mais à ceux mêmes qui l'ont déjà embrassée. Vous leur avez appris de quelle manière il faut croire en Dieu, vous qui, à peine entrés dans la foi, avez commencé à combattre pour elle. — « Dans l'Achaïe», c'est-à-dire dans la Grèce. Que ne fait point le zèle? Il ne lui faut ni temps, ni délai, ni retard. Il lui suffit de se montrer, et tout est fait. Ainsi les Thessaliens, les derniers venus dans la foi, se montraient les maîtres des premiers venus. Que personne donc ne se décourage: quand même on aurait passé une bonne partie de sa vie sans tien faire, on pourrait encore, en très-peu de temps, faire plus qu'on n'aurait peut-être fait en s'y prenant dès le commencement. Si celui qui n'était pas encore chrétien, jette tout en le devenant un si vif éclat, que ne pourra pas faite celui qui a déjà la foi?

Mais, d'un autre côté, qu'on n'aille pas tomber dans la paresse sous prétexte qu'on pourra tout réparer en peu de temps. Car l'avenir est incertain et le jour du Seigneur est un voleur qui survient tout à coup pendant que nous dormons. Si nous ne dormons point, il ne viendra pas nous surprendre comme un voleur, il ne nous emmènera point sans que nous soyons prêts. Si nous veillons, il viendra comme un envoyé du Rai du ciel nous appeler au bonheur qui nous est préparé. Mais si nous nous endormons, il se présentera comme un voleur. Que personne donc ne s'endorme, que personne ne soit lâche dans la pratique de la vertu, car voilà le sommeil. Ne savez-vous pas que, lorsque nous dormons, nos biens sont peu en sûreté, et qu'il est facile de nous les prendre? Veillons-nous, la garde en est facile. Dormons-nous, malgré tous nos soins, nous perdons souvent ce que nous avons. Portes, (182) verrous, sentinelles en dedans et au dehors, rien n'empêche le voleur d'entrer. Quelle conséquence tirer de mes paroles? c'est qu'éveillés nous n'avons pas besoin du secours d'autrui, et qu'endormis le secours d'autrui ne nous servira de rien et n'empêchera point notre perte.

C'est un grand bien que d'être secouru par les prières des saints, mais à la condition que nous nie resterons pas nous-mêmes sans rien faire. Vous dites : Mais de quoi me serviront les prières des autres, si moi-même je suis vigilant, et si je ne me réduis pas moi-même à en avoir besoin ? Je vous conseille fort de ne pas vous réduire à cet état. Cependant nous avouerons, si nous sommes sages, que nous ne sommes jamais sans avoir besoin des prières des autres. Saint Paul ne disait pas: Qu'ai-je besoin de prières ? Et cependant ceux qui priaient pour lui étaient loin d'être ses égaux. Et vous, vous dites : Qu'ai-je besoin de prières? Saint Pierre non plus ne disait pas : Qu'ai-je besoin de prières? « Une prière assidue », dit le livre des Actes (XII, 5), « était adressée pour lui à Dieu, par l'Eglise ». Et vous, vous dites : Qu'ai-je besoin de prières ? Vous en avez un grand besoin, puisque vous vous imaginez n'en avoir pas besoin. Vous seriez un saint Paul que vous en auriez encore besoin. Ne vous élevez pas, pour que vous ne soyez pas rabaissé. Mais, comme je viens de le dire, c'est à la condition que nous agirons nous-mêmes, que les prières faites pour nous, nous seront utiles. Ecoutez les paroles de saint Paul : « Je sais que cela tournera à mon salut, par l'assistance de vos prières et le secours de l'Esprit de Jésus- Christ » (Philip. I, 49); et ailleurs : « Vous m'aiderez aussi en cela par le secours des prières que vous ferez pour moi, afin que Dieu, nous ayant fait grâce par les prières de plusieurs personnes, plusieurs personnes se joignent aussi à nous pour lui en témoigner notre reconnaissance ». (II Cor. I, 11.) Et vous, vous dites : Qu'ai-je besoin de prières? Mais si nous demeurons dans la lâcheté, personne, par ses prières, ne pourra nous être utile. De quel secours Jérémie fut-il pour les Juifs? Trois fois il se présenta devant le Seigneur, et trois fois il lui fut répondu : « Ne priez point, ne demandez rien pour ce peuple , parce que je ne vous exaucerai point ». (Jérém. VII, 16.) De quel secours fut pour Saül la prière de Samuel ? Et cependant il pleura sur lui jusqu'au dernier jour de sa vie, et il n'offrait pas seulement pour lui quelque prière en passant. De quel secours furent pour les Israélites les prières de ce même prophète? Ne disait-il pas lui-même : « Dieu me garde de pécher jusqu'à oublier de prier pour vous ». Et néanmoins tous périrent. — Les prières sont donc inutiles, direz-vous. Au contraire, elles sont utiles et grandement, mais à la condition que nous y joignions notre action. Les prières sont une aide et un secours; or, on ne secourt et on n'aide que celui qui travaille déjà lui-même. Si vous restez sans rien faire, l'utilité du secours sera nulle.

4. Si les prières des autres pouvaient mener au ciel même les négligents, pourquoi tous les païens ne sont-ils pas chrétiens ? Ne prions-nous pas pour tous les hommes? Saint Paul ne faisait-il pas de même? Ne demandons-nous pas que tous se convertissent? Pourquoi donc, dites-moi, les méchants ne deviennent-ils pas tous bons? N'est-il pas évident que c'est parce qu'ils ne veulent rien faire de leur côté ? L'utilité des prières des autres pour nous est très-grande, lorsque, de notre part, nous faisons ce qui dépend de nous. Faut-il vous prouver cette utilité ? Rappelez-vous Corneille et Tabithe. (Act. X, 3 et IX, 36.) Ecoutez ce que Jacob dit à Laban « Si le Dieu que mon père craignait, n'était venu à mon secours, vous m'auriez renvoyé  nu de chez vous » ; voyez encore ce que Dieu dit : « Je protégerai cette ville à cause de moi, et de David mon serviteur ». (Gen. XXXI, 42 ; IV Rois, XIX, 34.) Mais quand parle-t-il ainsi ? A l'époque d'Ezéchias, roi juste. Si les prières pouvaient quelque chose pour les plus méchants, pourquoi, lorsque Nabuchodonosor vint, Dieu ne dit-il pas la même chose, mais lui livra-t-il la ville ? Alors le crime prévalut. Ce même Samuel, dont je viens de parler, pria une autre fois pour les Israélites, et obtint ce qu'il demandait, mais en quelle circonstance? Ce fut lorsqu'ils étaient eux-mêmes agréables à Dieu, et c'est pourquoi Dieu mit en fuite leurs ennemis.

Mais, direz-vous, quel besoin ai-je qu'un autre prie pour moi, si je suis, moi, en grâce auprès de Dieu? Ne tenez jamais ce langage, ô homme, vous avez un besoin réel de prières, et un grand besoin. Voyez ce que Dieu dit des amis de Job: « Job priera pour vous, et (183) votre péché vous sera remis ». (Job, XLII, 8.) Ils avaient commis un péché, mais non un grand péché. Cependant ce même saint qui, par ses prières, avait pu sauver ses amis, n'eût pas sauvé les Juifs dans le temps de leur ruine. « Quand Noé, Job et Daniel se présenteraient devant moi pour eux », dit Dieu, « ils ne délivreraient pas leurs fils, ni leurs filles, parce que leur malice a prévalu ». (Ezéch. XIV, 16.) Il dit encore à Jérémie : « Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, je n'écouterais pas leurs prières ». (Jér. XV, 1.) Dieu fait la même réponse à ces deux prophètes, parce qu'ils l'avaient tous deux prié inutilement pour le peuple. Ezéchiel dit à Dieu : Hélas, Seigneur, perdrez-vous ce qui reste d'Israël? Et Dieu, pour lui montrer la justice de ses vengeances, et afin qu'il fût convaincu que s'il rejetait ses prières, ce n'était point qu'il méprisât sa personne, Dieu fait voir à ce saint prophète les péchés de son peuple, ce qui revenait à lui dire , Ce que vous voyez suffit pour vous convaincre que si je n'exauce pas votre prière, ce n'est point par mépris pour vous, mais à cause de l'énormité de leurs péchés. Néanmoins il ajoute encore : « Quand Noé, Job et Daniel me prieraient pour eux, je ne les écouterais point ». Il était naturel que Dieu parlât de la sorte à un prophète qui avait tant souffert. Vous m'avez commandé, disait-il à Dieu, de manger sur un fumier, et je l'ai fait; vous m'avez commandé de me raser, et je vous ai obéi; vous m'avez commandé de dormir en me tenant toujours couché sur un côté, et je l'ai fait; vous m'avez commandé de passer par le trou d'une muraille chargé de bagages, et je l'ai fait; vous m'avez ôté ma femme avec défense de la pleurer, et je ne l'ai point pleurée. J'ai souffert une infinité d'autres choses pour ce peuple ; et lorsque je vous prie pour lui, vous n'écoutez pas mes prières. Il est vrai, répond Dieu, que je ne vous écoute pas, mais ce n'est point par mépris pour vous; quand Noé, Job et Daniel prieraient pour leurs propres enfants, je ne les écouterais pas.

Et Jérémie qui avait moins souffert par les ordres de Dieu, mais bien davantage par la malice de son peuple, que lui dit le Seigneur ? « Ne voyez-vous pas ce qu'ils font? » (Jér. VII, 17.) — Oui, répondit le Prophète, je vois ce qu'ils font, mais faites pour moi ce que je vous demande. C'est alors que le Seigneur lui dit «Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, je ne les écouterais pas ». Il nomme d'abord Moïse, leur législateur, celui qui les avait tant de fois délivrés du péril, celui qui disait : « Si vous voulez pardonner cette faute, pardonnez-la, sinon, effacez-moi aussi de votre livre ». (Exod. XXXI, 32.) Quand le même prophète, dit Dieu, se présenterait encore aujourd'hui devant moi, et me ferait la même prière, ce serait inutilement. Samuel lui-même n'obtiendrait rien, Samuel qui les a aussi tant de fois délivrés, Samuel qui fut dès son enfance si admirable. J'ai dit du premier que je m'entretenais avec. lui comme un ami avec son ami, et non par énigmes. J'ai dit de l'autre que je lui étais apparu dès son enfance, et que, par égard pour lui, j'avais rouvert la prophétie depuis un certain temps fermée; il est dit, en effet, que la parole du Seigneur était rare alors, et qu'il n'y avait pas de vision distincte. (I Rois, III, 1.) Eh bien, quand ces hommes se présenteraient maintenant devant moi, ils n'obtiendraient rien. Il est dit aussi de Noé, qu'il était juste et parfait dans sa génération (Gen. VI, 9); de Job, qu'il était irréprochable, juste, pieux et véridique (Job, I,1); quant à Daniel, les Chaldéens le prenaient pour un Dieu : or ils viendraient devant moi pour me supplier, qu'ils ne pourraient sauver leurs fils ni leurs filles.

Que la vue de ces vérités, mes frères, nous porte à ne pas mépriser les prières des saints, et à ne pas non plus nous y reposer entièrement; ainsi, d'une part, ne soyons pas négligents, ne vivons pas au hasard ; de l'autre, ne nous privons pas du secours si important de la prière. Demandons aux saints qu'ils prient pour nous, qu'ils élèvent pour nous leurs mains vers Dieu, et nous, de notre côté, attachons-nous à la vertu. Par là nous obtiendrons les biens promis à ceux qui aiment Dieu; par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, empire, honneur soient au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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