I TIMOTHÉE VI

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HOMÉLIE VI. JE VOUS CONJURE DONC QU'AVANT TOUT DES DEMANDES, DES PRIÈRES, DES SUPPLICATIONS, DES ACTIONS DE GRACES SE FASSENT POUR TOUS LES HOMMES, POUR LES ROIS ET TOUS CEUX QUI SONT ÉLEVÉS EN DIGNITÉ, AFIN QUE NOUS MENIONS UNE VIE PAISIBLE ET TRANQUILLE, EN TOUTE PIÉTÉ ET RETENUE. CAR VOILA CE QUI EST BEAU ET DIGNE, AUX YEUX DE DIEU NOTRE SAUVEUR, QUI VEUT QUE TOUS LES HOMMES SOIENT SAUVÉS, ET ARRIVENT A RECONNAÎTRE LA VÉRITÉ. (II, 1-4.)

 

Analyse.

 

1. Le devoir du prêtre est de prier pour toute la terre. — Le chrétien doit avoir une élévation d'âme par laquelle il ne soit plus possible à rien de terrestre de l'atteindre et de le blesser.

2. Ne pas faire d'imprécation contre ses ennemis, ne pas prier contre eux.

3. Ne pas se contenter d'entendre la prédication, la mettre aussi en pratique.

 

1. Le prêtre, sur toute la terre, est comme un père commun. Il doit donc prendre soin de tous, comme le fait le Dieu dont il est le prêtre. C'est pour cela que l'apôtre dit : « Je vous conjure d'abord qu'avant tout des demandes, des prières se fassent ». Car il en résulte deux biens : l'inimitié que nous avons pour ceux qui sont étrangers à notre foi (1) s'évanouit; nul en effet ne pourra conserver de la haine envers celui pour qui il prie; et eux-mêmes. deviendront meilleurs par l'effet des prières adressées pour eux, et parce qu'ils cesseront d'être furieux contre nous. Il n'est rien qui persuade si bien de se laisser instruire que d'aimer et d'être aimé. Réfléchissez à ce que devaient ressentir des hommes qui machinaient contre nous , qui- nous livraient aux jouets, à l'exil, à la mort, en .apprenant que ceux qui éprouvaient ces cruels traitements adressaient à Dieu des prières assidues pour leurs persécuteurs. Vous voyez combien l'apôtre veut que le chrétien soit élevé au-dessus de tout. Qu'un petit enfant sans raison,

 

1 Pros tous exo. On voit par la suite du passage que la pensée de l'orateur se reporte spécialement sur l'époque où vivait l'apôtre; du reste, une partie de son auditoire avait vu Julien.

 

porté par son père, le frappe au visage, la tendresse du père envers lui n'en sera point diminuée; de même, si nous sommes frappés par les païens, nous ne devons rien perdre de notre bienveillance pour eux.

Et que veulent dire ces mots: « Avant tout? » Ils veulent dire : Dans le culte rendu à Dieu chaque jour. Ceux qui sont initiés savent comment cette prière se fait tous les jours soir et matin ; comment nous adressons nos vœux pour le monde entier, pour les rois et tous ceux qui sont élevés en dignité. Mais peut-être on dira que par ces mots : « Pour tous les hommes », l'apôtre entend, non le genre humain, mais les fidèles. Comment disait-il donc : « Pour les rois », car alors il n'y avait pas de rois qui fussent chrétiens; mais pendant longtemps ce furent des rois impies succédant à des rois impies. Et afin que sa parole fût exempte de flatteries, il a dit d'abord: « Pour tous les hommes », et ensuite : « Pour les rois ». Car s'il n'eût parlé que des rois, il aurait pu donner lieu à ce soupçon. Ensuite, parce qu'il était vraisemblable que l'âme d'un chrétien serait glacée à cette parole , et n'accueillerait pas l'avis qu'il faut offrir des prières (296) pour un païen, au moment de la célébration des mystères, voyez ce qu'ajoute l'apôtre, et quel avantage il signale afin que son avis soit reçu. « Afin», dit-il, « que nous passions une vie paisible et tranquille ». C'est-à-dire que le salut de ceux-là, c'est pour nous le repos ; c'est ainsi que, dans l'épître aux Romains, les engageant à obéir aux princes, il dit qu'on le doit faire, non-seulement par nécessité, mais aussi par conscience. Car c'est pour l'utilité commune que Dieu a établi les puissances. Ne serait-il donc pas déraisonnable qu'ils marchent à la guerre et dressent des armées, afin que nous vivions en sécurité et que nous- ne fassions pas même de prières pour ceux qui s'exposent aux périls et aux fatigues de la guerre ? Ce n'est donc point flatterie, mais justice. Car s'ils n'étaient point préservés dans les périls et n'acquéraient point d'honneur à là guerre, nous serions dans le trouble et les alarmes; nous serions obligés, s'ils étaient massacrés par l'ennemi, ou de marcher nous-mêmes aux combats, ou de fuir et d'errer en tous lieux. Ils sont pour nous comme des remparts qui gardent en paix les habitants d'une ville. — « Des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces ». Nous devons en effet rendre grâces à Dieu, même pour le bien qui arrive aux autres; de ce qu'il fait lever le soleil sur les méchants et les bons, et donne la pluie aux justes et aux injustes. Voyez-vous que ce n'est pas seulement par la prière, mais par les actions de grâces  qu'il nous unit comme en un seul corps ? Car celui qui est obligé de remercier Dieu du bonheur de son prochain, est obligé de l'aimer, d'être, animé envers lui de sentiments de bienveillance. Et si nous devons rendre grâces pour le bien qui est fait au prochain, combien plus pour celui qui nous est fait, même à notre insu; pour le bien qui nous est fait avec ou malgré notre volonté, et même pour ce qui nous paraît fâcheux, car Dieu dispose tout pour notre bien.

2. Que toute prière soit donc pour nous accompagnée d'actions de grâces. Mais s'il nous est ordonné de prier pour notre prochain, non-seulement fidèle, mais aussi infidèle, réfléchissez combien il est criminel de prononcer des imprécations contre nos frères. Que direz-vous? L'apôtre vous a ordonné de prier pour vos ennemis et vous maudissez votre frère. Ce n'est pas lui, c'est vous une vous maudissez, car vous irritez Dieu en prononçant des paroles impies : Faites-lui sentir ceci, faites-lui cela, frappez-le, rendez-lui le mal qu'il me fait. Loin des disciples du Christ de telles paroles : ils sont faciles et doux; loin d'une bouche qui est jugée digne de recevoir de tels mystères. Qu'elle ne prononce rien d'amer, rien de dur; la langue sur laquelle vient reposer le corps divin, gardons-la pure, en ne lui faisant point proférer d'imprécations. Car, si les médisants n'hériteront point du royaume de Dieu, combien plus ceux qui maudissent. Celui qui maudit se rend nécessairement coupable d'offenses envers son prochain. Prier l'un pour l'autre et s'en rendre coupable sont choses incompatibles; l'imprécation et la prière sont séparées par un abîme. Vous priez Dieu d'être miséricordieux envers vous et vous maudissez un autre homme? Si vous ne pardonnez, il ne vous sera point pardonné; et non-seulement vous ne pardonnez pas, mais vous priez Dieu de ne pas pardonner. Comprenez-vous cet excès de malice? S'il n'est point pardonné à celui qui ne pardonne pas, comment le serait-il à celui qui supplie le Maître commun de ne pas remettre la dette? Ce n'est pas à votre ennemi que vous nuisez, mais à vous-même. Non, si Dieu allait vous exaucer priant pour vous-même, vous ne serez point exaucé, parce que vous priez d'une bouche criminelle; cette bouche est vraiment criminelle et impure, pleine de toute infection et de toute impureté. Vous deviez trembler à cause de vos péchés, et ne faire effort que pour obtenir grâce, et vous venez vers Dieu pour 1'exciter contre votre frère? Ne craignez-vous donc point? Ne vous inquiétez-vous point pour vous-même? Ne voyez-vous pas à quelle issue vous arrivez?

Imitez au moins les enfants qui vont à l'école : lorsqu'on demande à leur division compte de ce qu'elle a appris, et que tous sont châtiés pour leur paresse , qu'ils sont l'un après l'autre examinés sévèrement et accablés de coups, chacun meurt de peur; et quand un de ses condisciples l'aurait battu cent fois, l'élève n'a pas le loisir de se mettre en colère, mais la crainte l'occupe tout entier; il ne s'adresse point à son maître, mais n'a qu'une seule chose en vue, c'est d'entrer et de sortir sans être frappé; c'est là le seul point dont il s'occupe; quand il est parti, il ne pense même pas, tant il est content, si son camarade l’a (297) battu ou non. Et vous qui êtes là, songeant à vos péchés, vous ne frémissez pas, parce que vous vous rappelez les actions des autres ? Et comment implorez-vous Dieu? En demandant qu'il sévisse contre votre frère, vous empirez votre situation , vous ne permettez pas que Dieu vous pardonne vos fautes. Comment, en effet, dit-il, si tu veux que je demande un compte sévère des torts qu'on a eus envers toi, comment me demandes-tu de te pardonner tes propres offenses envers moi? Apprenons enfin à être chrétiens. Si nous ne savons pas prier, ce qui est doux et bien facile, comment saurons-nous le reste? Apprenons à prier comme des chrétiens. Ce ne sont pas là des prières de chrétiens, mais de juifs; celles du chrétien, tout au contraire, c'est de demander pardon et miséricorde pour les offenses commises envers lui. « Nous sommes maudits, et nous bénissons », dit l'apôtre; « nous sommes persécutés, et nous le supportons ; nous sommes calomniés, et nous prions ». (I Cor. IV, 12, 13.)

Ecoutez ce que dit Etienne : « Seigneur, ne leur imputez point ce péché ». (Act. VII, 59.) Non-seulement il n'a point lancé d'imprécation contre ses bourreaux, mais il a prié pour eux ; et vous, non-seulement vous ne priez pas pour vos ennemis , mais vous les maudissez. De mêuie donc qu'il estdigne d'admiration, vous, vous êtes un misérable. Qui admirons-nous, dites-moi? Ceux pour qui Etienne priait, ou l'auteur de cette prière ? Celui-ci assurément. Et si nous pensons ainsi, combien plus Dieu lui-même. Tu veux que ton ennemi soit châtié? Prie pour lui, mais non dans cette pensée, non pour l'atteindre; cet effet sera produit, mais ne le fais pas dans ce but. Bien que ce saint personnage souffrit injustement cette persécution, il priait pour ses bourreaux ; tandis que nous souffrons souvent de la part de nos ennemis des maux que nous méritons. Et si, souffrant contre toute justice, il n'a point osé maudire; bien plus , s'il n'a pas osé né point prier pour ses ennemis, nous qui soufrons avec justice et qui cependant, non-seulement ne prions point pour les nôtres, mais les maudissons au contraire , de quel châtiment ne sommes-nous pas dignes? Vous paraissez blesser votre ennemi, mais en réalité c'est en vous-même que vous enfoncez l'épée, puisque vous ne permettez point que le juge se montre miséricordieux pour vos péchés, en cherchant à l'irriter contre ceux des autres « On usera envers vous de la mesure dont vous aurez usé envers les autres , et vous serez jugés comme vous aurez jugé». (Matth. VII, 2.) Soyons miséricordieux, afin que nous obtenions de Dieu miséricorde.

3. Je voudrais que, ne vous bornant point à entendre ces paroles, vous fussiez fidèles à les observer. Maintenant elles ne vous laissent qu'un souvenir, et bientôt il sera lui-même effacé; quand vous vous serez dispersés, si quelqu'un de ceux qui ne sont pas venus ici vous interroge sur ce que nous avons dit, les uns ne sauront que dire, d'autres sauront seulement répondre quel a été le sujet de l'homélie, savoir que le prédicateur a dit qu'il ne faut point avoir de ressentiment, mais au contraire prier pour ses ennemis; ajoutant qu'ils ne chercheront point à reproduire toute la suite de mes paroles, car ils ne sauraient s'en souvenir; d'autres se souviennent de quelques minces lambeaux. C'est pourquoi je vous invite, si vous ne tirez nul profit de mes discours, à ne point vous attacher à m'entendre. Car que vous en revient-il, sinon un jugement plus sévère, un châtiment plus rigoureux, pour demeurer dans le même état après tant d'avertissements? Dieu nous a donné une formule de prière afin que nous ne demandions rien de terrestre et d'humain. Vous savez, vous qui êtes fidèles, ce qu'il faut demander, et dans quel sens est conçue toute la commune prière. Mais il n'est pas dit, dans cette prière, me répandrez-vous, que nous devons prier pour les infidèles. C'est que vous ne connaissez pas la force de cette prière, sa profondeur et le trésor qu'elle renferme; si l'on y pénètre, on l'y trouvera. Car lorsque l'on dit dans sa prière : « Que votre volonté soit faite sur la  terre comme au ciel », c'est là le sens qui se trouve caché dans cette parole. Comment cela? C'est qu'au ciel il ne se trouve ni infidèle ni prévaricateur. Si donc il n'était question que des fidèles, cette parole n'aurait pas de sens; car si les fidèles devaient seuls accomplir la volonté de Dieu, et qu'elle fût enfreinte par les infidèles, elle ne serait point accomplie comme dans le ciel. Et quoi encore? Au ciel, il n'est point de pervers; qu'il n'en soit donc plus sur la terre; attirez-les tous, mon Dieu, à votre crainte, faites des anges de tous les hommes, quand ils seraient nos ennemis et ceux de l'empire.

 

298

 

Ne voyez-vous pas combien chaque jour Dieu est blasphémé?- Combien il est outragé par les infidèles et par les chrétiens, en paroles et en actions? Eh bien ! a-t-il pour cela éteint le soleil, voilé la lune, brisé le ciel, bouleversé la terre, desséché la mer, fait disparaître les sources des eaux, troublé les airs ? Nullement, mais il fait au contraire lever le soleil, tomber la pluie, pousser les fruits, et il nourrit chaque année les blasphémateurs, les insensés, les criminels, les persécuteurs, non un jour ni deux ou trois jours, mais durant toute leur vie. Imitez-le, efforcez-vous de le faire suivant l'humaine puissance. Vous ne pouvez pas faire lever le soleil? Ne dites pas de mal de vos ennemis. Vous ne pouvez leur donner la pluie? Ne les injuriez pas. Vous ne pouvez les nourrir? Ne les insultez pas dans l'ivresse. De votre part ces bienfaits suffiront. En Dieu, la bienfaisance envers les ennemis se manifeste par des actes; manifestez-la du moins par des paroles : priez pour votre ennemi, et ainsi vous serez semblable à votre Père qui est dans les cieux. Mille fois nous avons parlé de ce sujet, et nous ne cessons point de le faire; que seulement il s'opère quelque progrès. Nous ne nous engourdissons point, nous ne nous lassons point de parler, nous ne nous décourageons point, vous seulement ne paraissez pas vous. dégoûter de nous entendre. Or, on paraît se dégoûter quand, on ne tient nul compte des discours que l'on entend, car celui qui s'y conforme, veut les entendre encore, n'y trouvant point un sujet d'ennui, mais des éloges. Le dégoût ne vient que de ce qu'on n'observe point ce qu'on entend ; c'est ainsi que le prédicateur devient à charge.

Dites-moi, si un homme fait l'aumône et entend un sermon sur l'aumône, non-seulement il n'hésite pas à venir l'écouter, mais il s'y plaît comme si l'on racontait et publiait ses bonnes actions. De même, nous aussi, c’est parce que nous n'avons nulle patience, parce que nous ne pratiquons point cette vertu, que nous montrons de l'aversion pour de tels discours; si notre pratique y était conforme, ne nous déplairaient pas. Si donc vous voulez pas que nous vous soyons à charge odieux, conformez-vous à nos avis, montrer le par vos actions, car nous ne cesserons poil de revenir sur le même sujet jusqu'à ce que vous soyez convertis. Oui, c'est par zèle et te dresse pour vous que nous agissons ainsi c'est aussi à cause du péril qui nous mena nous-même. Le trompette doit sonner: quand nul ne marcherait à l'ennemi, il remplit son devoir. Ce n'est donc pas pour aggraver votre châtiment que nous agissons ainsi, mais pour dégager notre responsabilité. Ensuite notre charité pour vous nous anime; nos entrailles sont saisies et déchirées, quand de tels péchés se produisent. Mais qu'il n'en soit point ainsi Ce que nous vous demandons là n'exige ni de pense, ni longue route, ni sacrifice de riches ses; il ne faut que vouloir, qu'un mot, qu'u acte de volonté. Gardons notre bouche, met tons-y une porte et un verrou, afin de ne p prononcer une parole qui déplaise à Dieu C'est notre intérêt même plutôt que l'intérêt de ceux pour qui nous prions. Réfléchissons que celui qui bénit son ennemi se bénit lui. même, et que celui qui le maudit se maudis lui-même; que celui qui prie pour son en nemi prie pour soi plutôt que pour lui. C'es ainsi que nous pourrons réaliser ce progrès et obtenir les biens promis, que je souhaite à tous, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, à présent et toujours, et aux siècles des siècles, Ainsi soit-il.

 

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