LETTRES CCIII-CCXXXVI

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SOIXANTE-HUIT LETTRES PUBLIÉES POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 1613, D'APRÈS UN MANUSCRIT DU COLLÈGE D'ANVERS, DE LA SOCIÉTÉ DE JÉSUS. (Suite)

 

SOIXANTE-HUIT LETTRES PUBLIÉES POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 1613, D'APRÈS UN MANUSCRIT DU COLLÈGE D'ANVERS, DE LA SOCIÉTÉ DE JÉSUS. (CCIII-CCXXXVI)

LETTRE CCIII. AU PRÊTRE SALLUSTE.

LETTRE CCIV. A PAENIUS

LETTRE CCV. A ANATOLIE, EX-PRÉFET.

LETTRE CCVI. AU DIACRE THÉODULE.

LETTRE. CCVII. AUX MOINES GOTHS DU PAYS DE PROMOTE.

LETTRE CCVIII. AU PRÊTRE ACACIUS

LETTRE CCIX. A SALVION.

LETTRE CCX. A THÉODORE.

LETTRE CCXI. AU PRÊTRE TIMOTHÉE.

LETTRE CCXII. AU PRÊTRE THÉOPHILE.

LETTRE CCXIII. AU PRÊTRE PHILIPPE.

LETTRE CCXIV. AU PRÊTRE SÉBASTIEN.

LETTRE CCXV. PRÊTRE PÉLAGE.

LETTRE CCXVI. A MUSONIUS.

LETTRE CCXVII. A VALENTIN.

LETTRE CCXVIII. AU PRETRE EUTHYMIUS.

LETTRE CCXIX. A SÉVÉRINE ET A ROMULE.

LETTRE CCXX. A PAEANIUS.

LETTRE CCXXI. AU PRÊTRE CONSTANCE.

LETTRE CCXXII. A CASTUS, VALÉRIUS, DIOPHANTE, CYRIAQUE, PRÊTRES D'ANTIOCHE.

LETTRE CCXXIII. A HÉSYCHIUS.

LETTRE CCXXIV. A MARCIEN ET A MARCELLIN.

LETTRE CCXXV. AU PRÊTRE CONSTANCE.

LETTRE CCXXVI. A MARCIEN ET A MARCELLIN.

LETTRE CCXXVII. A CARTÉRIE.

LETTRE CCXXVIII. AU MÉDECIN THÉODORE.

LETTRE CCXXIX. A SÉVÈRE.

LETTRE CCXXX. A l’EVÊQUE ELPIDIUS.

LETTRE CCXXXI. A ADOLIE.

LETTRE CCXXXII. A CARTÉRIE.

LETTRE CCXXXIII. A L'ÉVÊQUE D'ANTIOCHE.

LETTRE CCXXXIV. A BRISON.

LETTRE CCXXXV. A PORPHYRE, ÉVÉQUE DE RHOSE.

LETTRE CCXXXVI. AU PRÉFET CARTÉRIUS.

 

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LETTRE CCIII. AU PRÊTRE SALLUSTE.

 

Cucune, 401.

 

Je n'ai pas été médiocrement affligé d'apprendre que le prêtre Théophile et vous, vous vous relâchiez. Je sais en effet que l'un de vous n'a fait que cinq homélies jusqu'au mois d'octobre, l'autre aucune; et cette nouvelle m'a été plus douloureuse que mon isolement. Si je suis mal informé, veuillez donc me détromper. Si la chose est vraie, portez-y remède. Réveillez mutuellement votre zèle, ou vous me causeriez une grande douleur, quoique j'éprouve pour vous une vive affection. Mais ce qui est autrement grave, c'est que la nonchalance où vous vivez, votre négligence à vous acquitter de vos fonctions appellent sur vos têtes le jugement de Dieu. Et qui donc pourrait vous excuser, vous, si, tandis que les autres sont persécutés, exilés, proscrits, vous abandonnez à lui-même ce peuple battu de la tempête, sans songer à lui donner l'assistance ni l'instruction que vous lui devez?

 

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LETTRE CCIV. A PAENIUS

 

Cucuse, 404.

 

Lorsque vous venez à songer, mon très honoré maître, ô vous qui m'êtes plus doux que le miel, au chagrin d'être séparé de nous, songez aux affaires dont vous êtes chargé, à cette ville entière que vous administrez, ou plutôt à cet univers entier que vous gouvernez en la gouvernant; et alors livrez-vous à la joie, à l'allégresse. En effet, ce n'est pas de l'avantage seulement, c'est encore du plaisir que vous pouvez retirer de vos fonctions. Des hommes occupés à amasser des biens périssables et pernicieux, trouvent dans leurs affaires un plaisir enivrant, alors même qu'ils sont séparés pour longtemps de leur maison, de leur femme, de leurs enfants, de tous leurs proches; or, qui pourrait exprimer par des paroles les charmes, le prix du trésor que vous recueillez chaque jour par l'effet. de votre seule présence? Je ne dis point cela pour vous flatter, comme le savent bien ceux qui nous entendent dire la même chose en ton absence, je le dis sous l'impression de la joie, de l'allégresse, qui m'agitent de leurs. transports. Oui, il suffit de Votre présence pour corriger beaucoup de ceux qui sont là-bas, les fortifier, les rendre plus fermes et plus dispos. Je connais mon héros, je sais les nobles qualités que vous déployez là-bas, votre zèle, votre vigilance, votre activité, la persévérance de votre âme, votre franchise, la liberté avec laquelle vous avez résisté même aux évêques lorsqu'il l'a fallu, tout en gardant la mesure convenable. Je vous admirais pour votre conduite, mais je vous admire encore bien plus aujourd'hui que, privé de tout auxiliaire, quand les uns sont en fuite, d'autres persécutés, que d'autres enfin se cachent, vous restez seul à votre rang, occupé à aligner le front de bataille, à empêcher les désertions, que dis-je? à faire chaque jour par votre adresse de nouvelles recrues dans le camp des ennemis. Et ce n'est pas seulement pour ces motifs que je vous admire, c'est encore parce que, du lieu où vous êtes fixé, votre sollicitude déborde sur tout l'univers, sur la Palestine, la Phénicie, la Cilicie; sujets particulièrement dignes de vous occuper. En effet, les Palestins et les Phéniciens, je le sais de bonne source, n'ont pas reçu l'ambassadeur que leur ont envoyé les ennemis, et n'ont pas même daigné lui répondre; l'évêque d'Ages, au contraire, et celui de Tarse se rangent parmi nos adversaires, je le sais; et celui de Castabale a fait savoir ici, à un de nos amis, que les gens de Constantinople contraignent ceux du pays d'adhérer à leur conspiration; que d'ailleurs ils tiennent bon jusqu'à présent. Vous avez donc besoin d'une grande sollicitude, d'une grande vigilance, pour guérir cette partie-là, en écrivant à mon maître, votre cousin, le seigneur évêque Théodore. Quant à Pharétrius, les choses vont mal et d'une manière affligeante. D'ailleurs, puisque ses prêtres n'ont pas encore, selon vous, conféré avec nos adversaires, qu'ils ne prennent point parti pour eux, et prétendent encore rester fidèles à notre cause, ne leur communiquez rien de cela; en ce qui concerne Pharétrius, sa conduite est tout à fait impardonnable. Cependant tout son clergé était dans la peine, dans l'affliction, dans le deuil, et, de coeur, tout avec nous. Mais pour ne pas les détacher brusquement, les aigrir, les renseignements (523) pris auprès des gens de la province, gardez-les pour vous, et traitez cette affaire avec une grande douceur; je connais votre industrie; dites à Pharétrius que nous avons appris nous-même qu'il était vivement affligé de ce qui s'était passé, qu'il était prêt à tout endurer pour réparer tous les attentats commis. Notre corps est en parfaite santé, et nous avons secoué les restes de notre maladie; d'ailleurs, quand nous songeons combien cela vous intéresse, ce n'est point pour nous une médiocre raison de nous bien porter que la vivacité de votre affection. Que Dieu vous donne la récompense de tant de zèle, de charité, de sollicitude, de vigilance, et dans cette vie et dans l'éternité ! qu'il vous protège, vous garde, vous conserve, et daigne vous octroyer les biens ineffables du Ciel! Et puisse-t-il nous accorder à nous là grâce de revoir bientôt votre visage chéri, de jouir de votre douceur, de célébrer une si belle fête! Car vous ne l'ignorez pas, ce serait pour nous une fête et une occasion d'allégresse que d'être admis encore à goûter les charmes de votre commerce et à en recueillir les fruits si précieux.

 

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LETTRE CCV. A ANATOLIE, EX-PRÉFET.

 

Cucuse, 405.

 

C'est tard et brièvement, ou plutôt lentement que j'écris à votre générosité. D'ailleurs, la cause de mon silence n'est point la paresse, mais bien une longue maladie; car notre attachement est inébranlable à votre égard : nous connaissons trop la sincérité de votre affection, la noblesse, la candeur, la pureté de votre âme. Et nous n'avons point cessé de proclamer devant tout le monde les sentiments que votre générosité nous a constamment témoignés, non-seulement en notre présence, mais encore quand nous étions absent. Nous n'ignorons pas, en effet, quel zèle, après notre départ, vous avez déployé en paroles et en actions pour notre cause. Que Dieu vous accorde la récompense d'un si beau dévouement, ici-bas et dans la vie future. Mais, afin d'ajouter à la joie que nous éprouvons à vous écrire, celle de recevoir des lettres de votre grâce, daignez nous écrire et nous rassurer sur votre santé : dans l'exil où nous sommes relégué, ce sera pour nous une grande consolation. Oui, une lettre de votre charité, qui nous apprendrait que vous vous portez bien et nous instruirait de toutes les choses qui vous intéressent, nous ferait éprouver un grand soulagement jusque sur la terre étrangère où nous vivons.

 

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LETTRE CCVI. AU DIACRE THÉODULE.

 

Cucuse, 404.

 

Quelle que soit la fureur de la tempête et le soulèvement des vagues, quels que soient les efforts, les démarches, les intrigues de ceux qui veulent ébranler les Eglises de Gothie, vous du moins ne cessez pas de payer votre tribut. Quand bien même votre zèle n'aboutirait à rien, ce que je ne puis croire, en tous cas la bonté de Dieu vous prépare la récompense de vos sentiments et de vos intentions. Ne vous lassez donc point, mon bien-aimé, de faire tous vos efforts, de prodiguer vos soins et votre sollicitude, tant en personne que par le ministère de ceux que vous pourrez employer, pour qu'il n'arrive là-bas ni troubles, ni désordres. Avant toute chose, priez, et ne cessez pas d'invoquer, avec la ferveur et le zèle qui vous conviennent, la bonté divine, afin quelle mette un terme à vos épreuves présentes, et qu'elle procure à l'Eglise une paix complète et profonde. Jusque-là, ainsi que, je vous l'ai dit en commençant, employez tous les moyens pour gagner du temps; et vous, écrivez-moi assidûment tant que vous serez là-bas.

 

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LETTRE. CCVII. AUX MOINES GOTHS DU PAYS DE PROMOTE.

 

Cucuse, 404.

 

Je savais, avant même d'avoir reçu votre lettre, à quelles tribulations vous êtes en butte, à quels complots, à quelles tentations, à quelles hostilités; et c'est pour cette raison surtout que je vous félicite, en songeant aux couronnes, aux prix, aux palmes que ces luttes vous promettent. En effet, si vos ennemis, si vos persécuteurs appellent sur eux-mêmes un (524) jugement terrible et accumulent sur leur tête le bûcher de la géhenne, vous, leurs victimes, vous serez amplement dédommagés et récompensés. N'allez donc point vous alarmer, vous troubler pour cela; au contraire, réjouissez-vous et tressaillez d'allégresse, conformément aux sentiments de l'Apôtre : Maintenant, je me réjouis au sein de mes souffrances. (Coloss. I, 24.) Et ailleurs : Outre cela, nous nous glorifions encore dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience, et la patience l'épreuve. (Rom. V, 3 et 4.) Ainsi, plus éprouvés désormais, plus riches en trésors célestes, quand bien même vous auriez encore davantage à souffrir, vous ne devez éprouver que plus de joie. En effet : Les souffrances du temps présent ne comptent pas, au prix de la gloire future qui sera révélée en nous. (Rom. VIII, 18.) Nous n'ignorons pas votre résignation, votre courage, votre patience, votre sincère et ardente affection, l'inflexible et inébranlable fermeté de votre âme; nous vous en exprimons toute notre reconnaissance. Nous restons uni de tueur à vous pour jamais, et la distance des lieux ne nous rend pas plus tiède à l'égard de votre charité. Je vous remercie aussi des peines due vous avez prises pour empêcher tout désordre dans l'église des Goths et pour gagner du temps. Et, loin que je vous reproche de n'avoir envoyé personne, je vous en loue, au contraire, et vous approuve; car il vaut bien mieux que vous vous consacriez tous à cette tâche. Ne cessez donc pas de faire tout ce qui vous sera possible, tant en personne que par le ministère de ceux que vous pourrez employer, afin d'obtenir du répit. Que vous réussissiez ou non, vous n'êtes pas moins assurés d'obtenir la récompense de votre zèle et de vos bonnes intentions.

 

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LETTRE CCVIII. AU PRÊTRE ACACIUS

 

De 404 à 417.

 

Ami si zélé pour nous, si attaché à notre personne, eh quoi! pas même une lettre de votre main. Pourtant nous vous avons écrit une et deux fois; mais votre diligence, à vous, se ralentit. Songez donc au plaisir que vous nous causez en nous faisant connaître l’état de votre santé. Et hâtez-vous, je vous en prie, de nous écrire. Car c'est pour nous une grande consolation, que d'avoir des nouvelles suivies de votre santé, à vous tous qui nous aimez.

 

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LETTRE CCIX. A SALVION.

 

De 404 à 407.

 

Vous nous aimez, je le sais bien, soit que vous nous écriviez ou que vous restiez muet. Comment ignorer la vive affection que vous avez pour nous ? Tout le monde la célèbre, et plusieurs visiteurs me parlent de l'ardente et profonde tendresse que nous vous inspirons. Mais nous voudrions de plus recevoir de votre générosité des lettres fréquentes qui nous donnassent des nouvelles de votre santé, de votre femme, de toute votre maison; car vous savez combien cela nous intéresse. Je le sais, mon très-honoré maître, ce que nous vous demandons devient difficile, tant à cause de la saison, qu'à raison du petit nombre des voyageurs qui viennent dans ce pays; néanmoins, instruit de notre désir, lorsque vous le pourrez, ne manquez pas de nous écrire, et de nous donner les renseignements que nous réclamons. Votre santé, votre sécurité, c'est pour nous un trésor, un bonheur, un grand contentement. Ainsi donc, ne nous privez point d'un si doux plaisir,et soyez assez bon pour consoler ceux qui vous aiment bien par de semblables nouvelles qui nous procureront un grand soulagement.

 

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LETTRE CCX. A THÉODORE.

 

Cucuse, 404.

 

Je m'étonne d'avoir été instruit par d'autres de la négligence du prêtre Salluste. Il m'a été déclaré qu'il avait à peine prononcé cinq homélies jusqu'au mois d'octobre, et que le prêtre Théophile et lui, l'un par insouciance, l'autre par crainte, ne viennent point à la réunion des fidèles. J'ai écrit à Théophile une lettre sévère où je le réprimande; en ce qui concerne Salluste, je m'adresse à votre excellence, parce que je sais qu'il vous inspire une vive affection, (525) ce dont je me réjouis. Mais je me plains à votre excellence de n'avoir pas été averti par vous-même de ces désordres que, pour bien agir, vous deviez réprimer : mais vous n'en avez rien fait. Aujourd'hui du moins, et c'est un grand service que je vous rends comme à moi-même, je vous exhorte à réveiller, à stimuler Salluste, à ne pas souffrir qu'il s'endorme, ni qu'il reste oisif. En effet, si aujourd'hui, au milieu de la tempête et des orages actuels, il ne montre pas le courage qui convient, quand retrouvera-t-il une pareille occasion de nous être utile? Est-ce quand le calme et la paix seront revenus? Je vous y exhorte donc ; en faisant vous-même votre devoir excitez ce prêtre et les autres à secourir de tout leur zèle ce peuple en butte à l'orage ; je sais d'ailleurs, qu'en ce qui vous concerne, vous n'avez pas attendu notre lettre, pour faire tout ce qui est en votre pouvoir.

 

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LETTRE CCXI. AU PRÊTRE TIMOTHÉE.

 

Cucuse, 404.

 

Nous vous avons écrit une première fois, il y a peu de temps , ainsi qu'à mon seigneur le très-honoré tribun Marcion ; cependant vous ne nous avez fait parvenir aucune lettre de lui, et nous n'en avons pas non plus reçu de votre main. Pourtant fidèle à notre habitude, nous ne cessons pas de songer à vous, et nous vous écrivons, dès qu'il nous est possible. Ainsi faisons-nous, encore aujourd'hui, en vous rendant mille grâces pour le zèle que vous avez montré, pour les périls que vous avez bravés, et en vous félicitant. Car vous ne vous préparez point de petites couronnes, vous qui, par des souffrances d'un moment, vous assurez dans les cieux d'éternelles récompenses, ample dédommagement de vos sueurs : Les souffrances du temps présent ne comptent pas au prix de la gloire future qui sera révélée en nous. (Rom. VIII, 18.)

 

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LETTRE CCXII. AU PRÊTRE THÉOPHILE.

 

Cucuse, 401.

 

J'ai été bien chagrin d'apprendre que le prêtre Salluste et vous, vous n'allez pas assidûment à la réunion des fidèles : cela m'a causé une vive affliction. Je vous invite donc, si j'ai été induit en erreur, à me démontrer qu'il y a eu calomnie; si c'est la vérité, à vous guérir d'une pareille négligence. — En effet, si nue récompense éminente vous est réservée, à condition que vous montriez do courage, surtout dans les circonstances présentes; attendez-vous à une condamnation exceptionnelle, si vous vous ralentissez, si vous faiblissez, si vous ne payez pas votre tribut. Vous savez comment fut puni celui qui avait enfoui son talent : sans qu'il y eût contre lui aucun autre grief, pour cette faute seule il fut châtié et subit une peine irrémissible. Hâtez-vous donc de me tirer d'inquiétude. De même que c'est pour moi un grand soulagement, une grande consolation d'apprendre que vous consacrez tout votre zèle à comprimer l'orage parmi le peuple et à prévenir les divisions : de même, si je viens à apprendre que quelques-uns se relâchent, j'éprouve de, vives alarmes pour les coupables eux-mêmes. Ce beau troupeau, c'est la grâce de Dieu qui chaque jour le maintient dans l'union, comme les événements mêmes vous l'ont fait assez voir : mais ceux qui par mollesse négligent leurs fonctions, appellent sur eux, par cette mollesse, un jugement redoutable.

 

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LETTRE CCXIII. AU PRÊTRE PHILIPPE.

 

Cucuse, 404.

 

Je suis étonné que vous ne nous ayez pas écrit depuis si longtemps; si vous continuez à faire preuve en notre absence d'une vive affection pour nous, vous êtes bien avare de votre écriture. Ne tardez plus à nous écrire, à nous informer de votre santé : votre silence ne nous empêche pas de nous inquiéter de ce qui vous concerne, et nous avons appris que vous aviez (526) été chassé de votre école (1) pour avoir montré l'indépendance qui sied à votre caractère. Prenez cela comme une récompense, un marché avec le ciel, une immortelle couronne, un prix magnifique: et supportez bravement l'adversité. — Dieu saura bien mettre un terme à ces tentations, ramener promptement le calme et vous récompenser amplement dans la vie future, de votre résignation.

 

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LETTRE CCXIV. AU PRÊTRE SÉBASTIEN.

 

De 404 à 407.

 

Si de corps, nous sommes séparé de votre révérence, de coeur nous lui restons attaché; nous promenons votre amitié dans notre mémoire, en quelque endroit que nous soyons, fussions-nous relégué aux confins de la terre. Que votre souvenir nous est également fidèle, c'est ce dont il ne faut filas douter, je pense. Je connais la sincérité de votre affection , la solidité de votre attachement , la constance de votre âme. Nous vous prions donc de nous écrire fréquemment et de nous rassurer au sujet de votre santé. Car nous tenons beaucoup à en avoir des nouvelles : et une lettre qui nous en apporterait serait reçue comme une consolation dans l'isolement auquel nous sommes condamné.

 

LETTRE CCXV. PRÊTRE PÉLAGE.

 

Cucuse, 404.

 

Je connais votre douceur, votre sagesse, votre bonté, votre amitié, l'ardeur de votre affection, la sincérité de votre tendresse à notre égard. Je salue donc avec un vif empressement votre révérence , et je vous fais savoir, que je vous porte dans ma pensée, en quelque lieu que je me trouve. Ecoutez donc ma prière , pour ajouter à la joie que j'éprouve à vous écrire, celle que me causeront des nouvelles de votre santé, il faut m'en rendre compte assidûment. — Car, dussions-nous être transporté dans une solitude plus triste que celle-ci, recevoir

 

1. On ne sait pas au juste à quoi S. Jean Chrysostome fait allusion dans ce passage.

 

 

 

de pareilles lettres de ceux qui nous aiment, sera toujours pour nous un grand plaisir.

 

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LETTRE CCXVI. A MUSONIUS.

Cucuse, 404.

 

Nous avons déjà écrit à votre générosité, mon très-honoré ei très-religieux maître, et aujourd'hui nous recommençons, sans avoir reçu une seule lettre de vous. Nous ne cesserons point pour cela de vous écrire fréquemment, et de nous acquitter de nos obligations. Nous voudrions même le faire plus souvent mais nous vivons ici dans mie complète solitude, les incursions des brigands menacent la ville, l'hiver ferme les routes, et tout cela fait qu'il ne vient pas ici beaucoup de voyageurs : du moins, quand la chose est possible, et que nous trouvons des courriers, nous offrons à votre piété le salut que nous lui devons. Nous connaissons assez la sincérité de votre attachement, la vivacité de votre affection, la constance, la noblesse, la franchise de votre âme. Aussi vous promenons-nous constamment dans notre souvenir, en quelque lieu que nous soyons, et ne pouvons-nous oublier votre grâce. Mais ce n'est pas tout que d'écrire : nous voudrions, pour que notre joie fût complète, recevoir des lettres, des nouvelles de votre santé accordez-nous donc fréquemment cette faveur. Par là, dans l'éloignement où nous sommes, nous goûterons une précieuse consolation en apprenant que vous, nos amis si tendres et si dévoués, vous vivez en joie et en sécurité.

 

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LETTRE CCXVII. A VALENTIN.

 

Cucuse, 404 ou 405.

 

Je connais la générosité de votre âme, l’ardente charité que vous apportez à soulager les pauvres, la passion avec laquelle vous vous consacrez à cette belle oeuvre : vous donnez et vous donnez avec joie : vous doublez la couronne de votre bonté, vous en rehaussez l'éclat, en ajoutant au mérite de votre libéralité celui des sentiments qui vous l'inspirent. En (527) conséquence, instruits par le très-révérend prêtre Domitien, qui est chargé là-bas du soin des veuves et des vierges, que la faim menace ses ouailles, nous nous réfugions dans vos bras comme dans un port, afin que vous portiez remède à cette calamité de la famine. Je vous en prie, je vous en conjure , mandez ce prêtre, et daignez lui venir en aide autant qu'il vous sera possible. Aucune aumône ne pourrait être récompensée comme celle que vous êtes appelé à faire aujourd'hui : tant est furieuse la tempête déchaînée contre ceux qui vous implorent, privés maintenant de leurs ressources ordinaires. Réfléchissez donc tant au bénéfice attaché aux actions de ce genre, qu'au surcroît de gain que vous offrent les circonstances, et daignez faire tout ce qui sera en votre pouvoir. Il n'y a pas besoin d'en dire davantage, lorsqu'on s'adresse à une âme aussi charitable, aussi compatissante. Vous savez que vous nous devez des honoraires : nous vous libérons de votre dette en faveur de cette bonne oeuvre. Daignez nous écrire que vous avez fait droit à notre demande, en nous donnant de bonnes nouvelles au sujet de votre santé et de toute votre maison que Dieu bénit.

 

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LETTRE CCXVIII. AU PRETRE EUTHYMIUS.

 

Cucuse, 404.

 

Ne vous affligez nullement d'avoir été chassé de votre école; songez au bénéfice que vous retirez de cette tribulation, et combien l'éclat de vos couronnes s'en trouve rehaussé ; réjouissez-vous donc et tressaillez d'allégresse à cause de ces souffrances et de ces attaques. Elles augmentent votre trésor céleste, elles ajoutent à votre gloire, elles doublent vos récompenses. — Car c'est une route étroite et resserrée qui mène à la vie éternelle. Et vous, ne vous refusez point à nous donner souvent des nouvelles de votre santé. Vous savez quel est l'attachement qui nous unit à vous, et comment, quelque part que nous soyons, nous vous portons dans notre pensée , comment nous avons toujours eu pour vous une ardente affection : et elle est bien plus ardente aujourd'hui, que vous êtes embelli par la souffrance.

 

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LETTRE CCXIX. A SÉVÉRINE ET A ROMULE.

 

Cucuse, 401.

 

Si je ne connaissais pas bien votre sincère affection, et le zèle que vous avez toujours montré pour nous, je trouverais un motif d'accuser votre négligence dans ce long silence que vous avez gardé, et cela, quand vous recevez de nous des lettres si fréquentes et si multipliées. Mais je sais que, silencieuses ou diligentes à nous écrire, les mêmes sentiments vous animent toujours à noire égard : aussi je n'ai pas le courage de vous reprocher votre silence, quel que soit mon désir de recevoir de vous des lettres fréquentes, de fréquentes nouvelles de votre santé. Car vous ne pouvez alléguer la rareté des courriers : mon bien-aimé, mon aimable et cher Salluste, je le sais, aurait pu vous en tenir lieu. Néanmoins, non, je ne vous reproche rien, tant je suis sûr de votre attachement. Quant à moi, toutes les fois que je le pourrai, je ne manquerai pas de vous écrire car je connais la sincérité et l'ardeur de votre affection.

 

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LETTRE CCXX. A PAEANIUS.

 

Cucuse, 404.

 

Nous respirons, nous tressaillons d'allégresse, nous doutons de notre exil, en apprenant que votre grandeur est rentrée dans cette ville éprouvée si cruellement. Et ce qui nous cause une pareille joie, ce n'est point votre accroissement de dignité : à vrai dire, votre dignité réside clans la vertu de votre âme; personne auparavant n'a pu vous l'ôter; personne, par la même raison, n'a pu vous la rendre aujourd'hui. Si je suis transporté de joie, c'est que votre retour est une grande consolation pour ceux qui étaient persécutés, massacrés, jetés dans les fers : en vous ils trouvent un patron commun, un port ouvert à tous. En effet, vous savez chercher votre bénéfice, là où il doit être cherché. Ecrivez-moi donc tout le bien que vous faites, dites-moi positivement combien de cadavres vous avez ressuscités, combien de (528) chutes vous avez réparées, combien de détresses vous avez soulagées, à quelles souffrances vous êtes venu en aide dans ce long espace de temps, quelles négligences vous avez réveillées, quelles activités vous avez stimulées, enfin faites-nous savoir en détail tous les exploits par lesquels vous vous êtes signalé dans ce combat. Je n'ai pas besoin de vos lettres pour le savoir, car je connais votre âme, je vous sais courageux athlète, combattant héroïque ; je voudrais néanmoins être instruit de tout cela par votre voix bien-aimée. Consentez donc à notre demande : vous savez quel plaisir vous nous ferez en l'exauçant.

 

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LETTRE CCXXI. AU PRÊTRE CONSTANCE.

 

De Nicée, lors du départ, de Chrysostome pour l'exil, 404.

 

Le quatrième jour du mois de juillet, avant de quitter Nicée, j'adresse cette lettre à votre religion, pour la supplier, comme je n'ai pas cessé de le faire, de continuer, quand bien même la tempête et le déchaînement des vagues redoubleraient de violence, à vous acquitter le mieux possible de l'emploi qui vous a été confié : j'entends par là l'extermination de l'hellénisme, la multiplication des églises, le soin des âmes: et ne vous laissez pas abattre par les difficultés de la situation. Un pilote ne quitte point le gouvernail parce qu'il voit les flots se soulever avec fureur; un médecin, parce qu'il voit son malade succomber à la maladie, ne renonce point pour cela à lui donner ses soins; que dis-je ? c'est alors surtout que l'un et l'autre mettent en oeuvre toutes les ressources de l'art. Faites donc comme eux, mon très-honoré et très-religieux maître, déployez maintenant un zèle infatigable, et ne vous laissez point abattre par les événements : car loin d'avoir à rendre compte du mal que nous font les autres, nous en serons, au contraire, récompensés. Mais si nous-même nous ne faisions pas notre devoir, si nous nous relâchions, tant d'épreuves ne nous serviraient de rien pour notre rémunération. Paul en prison, dans les fers, faisait son devoir; Jonas aussi, pendant qu'il était dans le ventre du monstre marin ; les trois enfants aussi, tandis qu'ils étaient dans la fournaise : aucun d'eux ne perdit rien de son activité dans ces prisons de diverses espèces. Songez à cela, mon maître, et ne cessez pas de vous occuper de la Phénicie, de l'Arabie et de toutes les Eglises d'Orient, persuadé que votre récompense sera proportionnée aux obstacles qui auront été opposés à vos efforts. Ne vous refusez pas non plus à nous écrire assidûment, et le plus souvent que vous le pourrez. Nous venons d'apprendre que ce n'est point à Sébastée, mais bien à Cucuse, qu'on nous relègue là, il vous sera encore plus facile de correspondre avec nous. Ecrivez-nous combien d'églises ont été élevées chaque année, quels saints personnages se sont transportés en Phénicie, et si l'on remarque des progrès. A Nicée, j'ai trouvé un moine reclus, à qui j'ai persuadé de se rendre auprès de votre piété, et de s'en aller en Phénicie. Songez à me faire savoir si vous l'avez vu. Pour ce qui concerne Salamine en Chypre, que menace de toutes parts l'hérésie des Marcionites, j'étais entré cri conférence avec qui de droit, et j'avais remédié à tout; mais mon exil a tout arrêté. Si vous apprenez donc que mon maître l'évêque Cyriaque soit à Constantinople, écrivez-lui à ce sujet, et il sera à même de tout terminer. Et, par-dessus tout, invitez ceux qui sont en crédit auprès de Dieu à multiplier les prières, à redoubler de zèle, afin de conjurer la tempête déchaînée sur l'univers. Car ce sont vraiment des maux intolérables que ceux qui ont fondu sur l'Asie, ainsi que sur d'autres villes encore et d'autres Eglises; j'omets les détails, pour ne pas vous importuner. Je n'ajouterai plus qu'une chose : il nous faut de nombreuses prières et des supplications assidues.

 

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LETTRE CCXXII. A CASTUS, VALÉRIUS, DIOPHANTE, CYRIAQUE, PRÊTRES D'ANTIOCHE.

 

Cocuse, 404.

 

Nous écrire, prévenir nos propres lettres, les solliciter, nous demander de ne pas nous renfermer dans la mesure des missives ordinaires, voilà qui montre l'ardeur et la vivacité de votre tendresse. Par là, le désert où nous vivons cesse de nous paraître un désert. Par là, nous sommes consolé des périls continuels et de tout genre dont nous sommes assailli. Qu'est-ce que vaut, en effet, l'amitié ? Rien absolument. (529) C'est la racine, la source, la mère des biens, C'est une vertu qui n'est point pénible, une vertu mariée au plaisir, et qui procure un grand bonheur à ceux qui la poursuivent de toute leur âme. Aussi, vous savons-nous beaucoup de gré, de ce que vous êtes restés si fidèles à vos sentiments pour nous ; et nous, de notre côté, en quelque lieu que nous soyons, fussions-nous relégué aux confins de la terre, dans un pays plus désert que celui-ci, nous emportons partout votre image, gravée dans notre pensée, empreinte dans notre souvenir; ni la longueur de la route, ni le temps écoulé, ni les dangers courus ne nous ont rendu plus tiède à l'égard de votre grâce ; nous vous voyons, comme si nous avions conversé avec vous hier ou avant-hier, ou plutôt, comme si nous ne vous quittions pas, et vous êtes présents aux yeux de notre amitié. Voilà ce que c'est que l'affection : ni l'éloignement ne la brise, ni le temps ne la flétrit, ni les tribulations n'en triomphent; elle ne cesse de grandir, elle a l'essor de la flamme. Vous savez cela mieux que personne , puisque , mieux que personne , vous savez aimer: ce dont nous vous félicitons fort. Nous sommes, quant à nous, malheureux et sans pouvoir : mais Dieu est assez riche pour vous payer au centuple le prix de votre attachement, car son opulence rémunère toujours hors de toute proportion ceux qui font le bien, soit en action, soit en paroles. Je voudrais bien vous voir avec les yeux du corps, jouir de votre aspect, me rassasier par là de votre affection; mais cela n'étant pas possible , non faute d'empressement ou de bonne volonté, mais par suite des entraves où me retient mon exil, du moins veuillez me dédommager en m'écrivant lettres sur lettres pour m'informer de votre santé. Si vous faites droit à notre prière, ce sera pour nous un grand soulagement dans l'exil où nous sommes relégué. Ne nous refusez donc pas un si vif plaisir, bien persuadés de la joie, du contentement que vous nous causerez. En tenant vos lettres, c'est vous-mêmes que nous croirons avoir en notre compagnie ; et un tel commerce rendra plus vive en nous l'illusion de votre présence.

 

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LETTRE CCXXIII. A HÉSYCHIUS.

 

Cucuse, 404.

 

J'aurais désiré n'avoir pas besoin de prévenir votre grâce pour recevoir une lettre de vous car t'eût été la preuve d'une vive ;affection. Mais au lieu d'attendre vos lettres, je les préviens, montrant par là même l’ardente amitié que j'ai pour votre grâce. D'ailleurs, je vous sais gré de votre silence même; car je sais bien qu'il provient chez vous non de négligence, mais d'un excès de réserve. Ne craignez donc plus de nous témoigner votre attachement, ni de nous écrire lettres sur lettres, pour nous informer de votre santé. Si vous faites droit à notre demande, fussions-nous relégué aux extrémités du monde, dans un pays plus désert que celui-ci, votre affection nous consolera. Car rien n'est aussi propre à soutenir l'âme, à la tenir dans un profond contentement qu'une bonne affection partagée : et vous le savez mieux que personne, puisque , mieux que personne, vous savez aimer.

 

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LETTRE CCXXIV. A MARCIEN ET A MARCELLIN.

 

 

Cucuse, 404.

 

 

Qu'est-ce à dire? Vous qui nous aimez si fort (car la distance à laquelle nous sommes relégué ne nous a pas empêché de nous apercevoir de votre affection, tant elle est vive et brûlante), vous pouvez garder le silence? Vous ne nous avez pas écrit une seule fois, vous nous avez donné cette énigme à déchiffrer? Car je ne me paye point du prétexte que vous avez allégué dans votre lettre à mon maître, le pieux prêtre Constance. Mais je ne veux point vous faire de chicanes. Prenons donc qu'il en est ainsi, et admettons que telle est la cause de votre silence : eh bien ! cette cause n'existe plus et nous avons pris les devants pour vous écrire pour vous remercier de la profonde tendresse que vous conservez dans toute sa vivacité à notre égard, et pour vous prier de nous écrire, fréquemment, quand (530)  cela vous sera possible. Je no doute point que vous ne fussiez empressés de venir ici, sans les empêchements allégués par votre sagesse; ou plutôt par le coeur, vous êtes ici. Mais puisque présentement vous ne pouvez vous transporter ici en réalité, consolez-moi avec des lettres, rassurez-moi au sujet de votre santé et de toute votre maison. Si vous faites droit à notre prière en nous écrivant fréquemment, fussions-nous retenu dans une solitude plus affreuse que celle-ci, vos messages nous procureraient encore de grandes consolations.

 

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LETTRE CCXXV. AU PRÊTRE CONSTANCE.

 

Cucuse, 404.

 

Je ne puis m'expliquer comment vous, notre ami zélé, vous, prêt à tout taire, à tout endurer pour, notre cause (nous le savons, une sincère affection n'échappe pas facilement aux regards), comment, dis-je, vous ne nous avez pas écrit une seule fois, et cela quand nous nous sommes rapproché de vous, et quand mon honoré et très-illustre frère Libanius est venu nous visiter. Ce ne sont pas là des reproches, mais des plaintes. Je suis vivement affectionné à votre religion; et la raison en est que vous prenez le plus grand soin de votre âme, que vous êtes comme un port ouvert à tous ceux qui souffrent, le recours des pauvres, le soutien des veuves, l'appui des orphelins, le père commun de tout le monde : moi donc, qui vous aime pour toutes ces raisons, je désire recevoir des lettres de votre piété. Accordez-moi cette grâce, exaucez mon voeu. Dans mon isolement, ce ne sera point pour moi une consolation légère, que de recevoir des lettres dictées par votre âme si chère et écrites de votre main, avec des nouvelles de votre santé et de toute votre maison.

 

 

LETTRE CCXXVI. A MARCIEN ET A MARCELLIN.

 

Cucuse, 404.

 

Voilà l'énigme résolue. Que le prétexte allégué ne suffisait point pour votre justification, c'est ce que vers avez fait voir vous-mêmes, en prenant les devants pour m'écrire avant d'avoir reçu ma lettre. Voilà l'amitié elle ne se résigne point à se taire : dût-elle être accusée d'indiscrétion, elle remplit sa tâche. Pour nous, nous sommes si éloigné de vous faire un reproche de ce que vous nous avez prévenu, que nous glorifions, au contraire, votre zèle et vous en fanons honneur. C'est. maintenant, mieux que jamais, que nous connaissons votre affection profonde, et cela, non-seulement parce que vous nous avez écrit, mais parce que vous nous avez écrit les premiers. Dieu saura vous guérir de votre maladie, vous rendre une santé parfaite, et vous donner toutes facilités pour converser de près avec nous : c'est, du moins, pour nous maintenant même, une grande consolation que de recevoir une lettre dictée par d'aussi nobles sentiments: mais cela ne nous empêche pas de désirer encore cet autre commerce plus réel : puisse-t-il nous être donné d'en jouir promptement !  ce serait pour nous une bien belle fête.

 

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LETTRE CCXXVII. A CARTÉRIE.

 

Cucuse, 404.

 

Que dites-vous ? Vos indispositions continuelles ne vous ont pas permis de vous joindre à nous? Vous vous trompez, vous êtes venue, vous êtes parmi nous, votre bonne volonté nous suffit, vous n'avez pas besoin d'apologie. C'est assez de votre ardente et généreuse affection, toujours si vivace, pour nous remplir de joie. Mais comme vous nous avez inspiré de vives inquiétudes, parce que vous dites de vos infirmités, si vous vous en guérissez (Dieu le peut, il peut vous remettre en parfaite santé), en relevant de maladie faites-le-nous savoir, afin que nous soyons, nous, guéris de notre inquiétude. — Car ce que je n'ai cessé de vous exprimer dans mes lettres, je vous l'exprime encore aujourd'hui : c'est que, partout où nous nous trouvons, fussions-nous transporté dans un pays encore plus désert, nous ne saurions cesser de nous inquiéter de vous , de vos affaires. Les gages que vous nous avez donnés de votre vive et profonde tendresse sont tels que le temps n'en s'aurait effacer ni (531)

altérer le souvenir. — Eloigné ou voisin de votre générosité, nous vous gardons toujours le même attachement, connaissant la candeur et la pureté de l'affection que vous n'avez cessé de nous témoigner.

 

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LETTRE CCXXVIII. AU MÉDECIN THÉODORE.

 

 

Cucuse, probablement 404.

 

Vous alléguez, vous, l'occupation que vous donnent vos affaires, et vous cherchez par là à vous justifier de n'être pas venu : quant à moi je pense que vous n'avez pas besoin de telles excuses. Vous êtes ici : et ceux même qui se sont rendus auprès de nous n'ont aucun avantage sur vous dans notre coeur : nous vous saluons, du fond de l'âme, du même nom qu'eux-mêmes, nous vous inscrivons au premier rang de nos amis, et nous vous savons gré de ce que, après un si court séjour auprès de nous (court, c'est peut-être beaucoup dire? vous ne nous témoignez pas moins d'affection que ceux qui ont vécu longtemps dans notre société. Nous vous savons donc un gré infini, et nous vous prions de nous écrire fréquemment. Nous voudrions vous voir en personne mais pour ne pas faire de tort à ceux qui ont besoin de vos bras et de vos paroles, pour ne pas leur fermer l'accès d'un si bon port, nous n'osons vous amener ici de vive force. Au moins, lorsqu'il vous sera possible, écriveznous, je vous prie, fréquemment, et rassureznous sur votre santé. — Bien qu'éloigné de vous, ce sera pour nous une grande consolation que de recevoir de pareilles lettres de votre grâce.

 

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LETTRE CCXXIX. A SÉVÈRE.

 

Cucuse, 404,

 

Je n'ai jamais vu votre générosité avec les yeux du corps, mais il n'est personne que j'aie mieux considéré avec ceux de la charité : sorte de contemplation à laquelle aucune distance ne saurait mettre obstacle. Mon maître bien-aimé Libanius, en nous faisant connaître le zèle et l'empressement de votre générosité pour la vraie foi, nous a transporté d'allégresse. Voilà pourquoi, sans vous connaître de vue, nous nous sommes bâté d'écrire le premier à votre piété, afin de vous inviter à nous écrire aussi quand il vous sera possible. S'il nous arrivait de votre grâce une lettre qui nous donnât des nouvelles de votre santé et de toute votre maison, ce serait pour. nous, bien que vivant à l'étranger, une bien grande consolation. Car rien ne vaut l'affection.

 

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LETTRE CCXXX. A l’EVÊQUE ELPIDIUS.

 

Cucuse, 404.

 

J'ai une grande obligation à mon bien-aimé maître Libanius, de ce qu'il a quitté sa demeure, de ce qu'il est venu ici, et de ce qu'ensuite il est retourné auprès de votre piété ; mais c'est surtout pour ce dernier motif. En effet, j'attache la plus grande importance à ce que vous soyez honoré et cultivé par tout le monde : non que vous ayez besoin de cela, mais parce que c'est une chose utile aux Eglises, tant à celles qui souffrent qu'à celles qui sont en paix. Sachez-lui donc gré de sa bonté, mon très-honoré et très-religieux seigneur, et quand vous aurez appris de lui en détail et les affaires d'Antioche et les nôtres (car il vous en instruira aussi, un court séjour parmi nous lui ayant permis de juger l'état des choses), congédiez-le en joie et en contentement. Car il est très-attaché à votre piété, et il nous aime tendrement. N'oubliez pas de saluer de notre part notre bien-aimé et très-honoré seigneur le prêtre Asyncritius avec ses enfants bien-aimés, et pareillement tout votre clergé que vous avez dressé bien vite à imiter votre affection pour nous. Je n'ignore pas quel attachement il nous témoigne, et combien il se montre prêt à tout faire et à tout souffrir pour nous A donner des preuves. Tout cela est un ouvrage de votre religion.

 

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LETTRE CCXXXI. A ADOLIE.

 

Cucuse, 404.

 

Souvent nous avons écrit à votre piété, mais souvent n'est pas assez à nos yeux; c'est chaque jour que nous voudrions le faire. Car vous savez quels sont nos sentiments à l'égard de votre grâce. Puisque c'est chose impossible, c'est du moins un grand plaisir que nous nous faisons à nous-même de nous acquitter, dès que nous le pouvons, du devoir de vous saluer, afin d'avoir des nouvelles fréquentes et suivies touchant votre santé de corps et d'âme. Ainsi, je vous en prie, sachant quel plaisir vous nous faites en nous mandant ces nouvelles , veuillez vous imposer cette tâche, de nous tenir bien au courant. Aujourd'hui, par exemple, j'ai vu avec un vrai chagrin que vous n'ayez pas profité du voyage que devait faire ici un homme connu, pour ainsi dire, Universellement, et bien aimé de nous, mon maître, le très-honoré Libanius, pour nous adresser une lettre. Peut-être ignoriez-vous ce départ : mais ceci même nous fait de la peine, qu'on puisse nous venir voir sans que vous en soyez informée. Car de notre côté, nous ne cessons pas de nous enquérir avec sollicitude et importunité de ceux qui vont dans votre pays, et de nous servir d'eux dès qu'une occasion se présente, pour contenter notre désir, qui est d'écrire sans relâche à votre grâce.

 

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LETTRE CCXXXII. A CARTÉRIE.

 

Cucuse, 404.

 

Si vous saviez bien quel plaisir vous nous causez en nous- écrivant, en nous écrivant toujours, en exprimant dans des lettres le miel de votre affection, vous feriez tout pour qu'il vous fût possible de nous en adresser chaque jour. Nous ne croyons plus habiter Cucuse ni vivre au désert, quand nous goûtons le charme de vos lettres et de votre profonde affection. Mais vous ne vous êtes pas bornée à m'écrire vous avez encore persuadé à mon maître, à notre bien-aimé frère Libanius, de quitter votre séjour, et d'entreprendre ce voyage. Quel attachement ! quelle sollicitude! Nous en tressaillons d'allégresse. Car rien ne vaut une bonne affection. Vous nous demandez de conserver pour vous les sentiments que nous avons témoignés dès l'origine à votre grâce. — Mais nous, nous ne nous résignons point à rester dans cette mesure : chaque jour, nous travaillons à ajouter quelque chose à ces sentiments et par là, nous nous faisons le plus grand plaisir à nous-même. En effet, nous ne cessons point de repasser perpétuellement en nous-même la noblesse de votre âme, sa candeur, sa franchise, son dévouement, sa droiture, sa sincérité, et toutes ces idées ne nous reviennent pas en mémoire sans nous causer une joie bien vive. Nous vous prions donc, confiante dans notre affection, de ne ressentir aucune peine, si nous vous avons renvoyé ce que votre révérence nous avait fait tenir. De coeur, nous avons reçu cet envoi, nous en avons joui : mais n'étant pas dans le besoin, nous vous avons exprimé le voeu que la garde en restât à votre générosité. Que si jamais nous tombons dans le besoin, vous verrez avec quelle assurance et quelle liberté nous vous écrirons pour réclamer un envoi , fidèle en cela même à vos commandements. Car vous dites à la fin de votre lettre : « Montrez que votre religion daigne se confier en nous, et user de ce qui est à nous, comme de son bien.» Si donc vous voulez que nos dispositions soient telles, ou plutôt puisque vous le voulez, et que nous enjoignons de tenir pour nôtre ce qui vous appartient, attendez ma requête avant de rien m'envoyer. En effet, le meilleur signe que ces choses m'appartiennent , ce sera qu'elles me soient envoyées à ma volonté, et non lorsque je n'en ai pas besoin. Montrez donc encore la profonde amitié, et la considération que vous avez pour nous, en nous laissant libre sur ce point; et adressez-nous promptement une lettre pour nous annoncer que vous n'êtes point fâchée. Car si vous ne le faisiez pas, vous nous tiendriez dans une perpétuelle inquiétude; nous ne cesserions de nous demander si nous ne vous avons pas fait de peine : tant nous tenons à votre affection, à contenter votre générosité. Maintenant que nous avons suffisamment plaidé notre cause, faites-nous savoir que vous agréez notre justification. Votre grâce peut savoir, en effet, (533) qu'avec d'autres personnes qui avaient agi de même, et qui sont nos amis dévoués, nous n'avons pas eu besoin d'apologie, et qu'il nous a suffi de refuser leurs envois : mais vis-à-vis de votre révérence, nous nous justifions; nous la supplions de ne point se fâcher, et nous ne cesserons point nos instances, tant que vous ne nous aurez pas fait savoir que vous n'êtes point fâchée. Si nous obtenons de vous une pareille lettre, nous croirons avoir reçu le double, le triple, et bien au delà de ce que vous nous avez envoyé. En effet, rien n'est plus propre à montrer la considération et les égards que vous avez pour nous.

 

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LETTRE CCXXXIII. A L'ÉVÊQUE D'ANTIOCHE.

 

Cucuse , 404.

 

Votre piété devrait, au lieu de se laisser abuser par les propos qu'on lui tient, apporter une grande vigilance à discerner la vérité parmi la foule des mensonges. Si vous prenez pour vérités toutes les rumeurs, il n'y aura plus de sécurité pour personne. Si au contraire vous usiez des voies légales pour arriver à découvrir la vérité, je vous demanderais à être jugé, autant du moins que la calomnie ne dirigera pas contre moi de nouveaux traits. Car je crains, oui, je crains maintenant les ombres et les spectres, depuis que vous-mêmes avez jugé de la sorte. Les amis ont renié leur amitié, les compagnons ont passé au large, et ceux qui sont loin décochent les traits de la calomnie. J'étais au milieu du port, et volts m'avez fait essuyer un naufrage: mais quoique banni, quoique séparé de l’Eglise, je suis résolu à me tenir prêt à tous les supplices. Je veux user de philosophie et supporter noblement l'adversité. Car je sais, oui je sais, du reste, que le désert est moins changeant que la ville, et que les bêtes fauves qui sont dans la campagne sont moins farouches que les amis. Portez-vous bien.

 

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LETTRE CCXXXIV. A BRISON.

 

Cucuse, 404.

 

Après un voyage de soixante-dix jours environ, ce qui permet à votre excellence de se représenter tous les maux que nous avons eu à souffrir, assiégé en maint endroit d'alarmes causées par les Isauriens, en butte aux assauts d'insupportables fièvres, nous sommes enfin parvenu à Cucuse , l'endroit le plus désert qui soit dans le monde entier. Si je parle ainsi, ce n'est point pour vous prier d'importuner personne afin que l'on nie tire d'ici (les épreuves les plus pénibles sont traversées, celles du voyage); mais je vous demande en grâce de nous écrire assidûment, et de né point nous priver, vu l'éloignement où nous sommes aujourd'hui, de cette consolation. Vous savez en effet quel soulagement c'est pour nous, jusque dans nos afflictions et nos dangers personnels, d'apprendre comment vous vous portez, vous qui m'aimez, de savoir que vous êtes en joie et en santé, et que vous ne courez aucun risque. Ainsi donc, si vous voulez nous faire jouir libéralement de ce plaisir, adressez-nous assidûment de pareilles nouvelles. Ce ne sera point une simple récréation, mais une consolation bien efficace que je vous devrai : car vous n'ignorez pas combien je me réjouis de vos prospérités.

 

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LETTRE CCXXXV. A PORPHYRE, ÉVÉQUE DE RHOSE.

 

Cucuse, 404.

 

Je connais l'invariable, l'inébranlable solidité de votre attachement; je sais qu'aucun otage ne saurait le mettre en péril : votre conduite l'a prouvé. Voilà pourquoi de notre côté, bien qu'étant en proie à la maladie, bien que transporté dans l'endroit le plus désert de notre monde, à Cucuse, bien qu'assiégé par les incursions des Isauriens, et exposé à des périls de tout genre, nous vous écrivons, nous nous acquittons envers votre piété du salut que nous lui devons, toujours uni à elle de coeur, quoique séparé de corps, et c'est pour nous la (534) plus grande des consolations. Quels que soient en effet les désagréments d'un pareil séjour, j'y trouve ce grand avantage que je deviens votre voisin, et que je puis sans relâche, vu la faible distance qui nous sépare, écrire à votre piété et en recevoir des lettres. Admis à pareille fête (car à mes yeux c'est une fête et un sujet de vive allégresse), je deviendrai insensible à mon isolement, à la crainte, aux angoisses.

 

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LETTRE CCXXXVI. AU PRÉFET CARTÉRIUS.

 

Cucuse, 404.

 

C'est un endroit prodigieusement désert que Cucuse : d'ailleurs notre solitude nous attriste moins que nous ne trouvons de charmes dans la tranquillité et dans la paix profonde où elle nous laisse. Aussi, comme si ce désert était pour nous un port, nous y respirons paisiblement des maux du voyage, et nous profitons de ce calme pour effacer en nous les derniers vestiges de la maladie et des autres épreuves que nous avons supportées. Si nous disons cela à votre excellence, c'est que nous savons quel prix vous attachez à notre repos car nous ne pouvons oublier jamais ce que vous avez fait là-bas, afin de réprimer ces folles agitations, vos efforts pour nous protéger et pour faire votre devoir. Partout où nous portons nos pas, nous ne cessons de publier vos bienfaits dans notre reconnaissance, illustre seigneur, pour votre parfait dévouement. Mais faites-nous la grâce d'ajouter à la joie que nous donne votre affection, celle que nous causeraient des lettres de votre main, nous informant que vous êtes en bonne santé. En effet, ce ne serait pas, même dans notre exil, un faible soulagement pour nous, que de recevoir de telles lettres de votre excellence.

 

Traduit depuis la 128e lettre par M. X***

 

 

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