Miracles I

Bibliothèque - Saints du Jura  - Chapelle Notre-Dame du Vorbourg - Hagiographie

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Miracles-Appendice

 

MIRACLES,

apparemment du même auteur, tirés des manuscrits d’Helmenhorstianus

 

CHAPITRE I 

Liberté redonnée à l’église de sainte Vérène.
Par l’invocation de la sainte, la vue est rendue à un aveugle.
Prières de diverses personnes pour avoir des enfants.

 

1) Au temps où le très illustre Burchard obtint le duché de toute l’Alémanie, beaucoup, rebutés par sa dureté, le prirent en haine et s’opposèrent en tous points à sa volonté. Comme il engageait la guerre contre eux, il rassembla autour de lui une multitude de soldats auxquels il donna en bénéfice non seulement ses propres biens, mais encore, de façon irréfléchie, ceux de l’Église ; et, parmi eux un endroit appelé Zurzach, considérablement valorisé par le trésor du corps de la vierge sainte Vérène. Il le donna à l’un de ses satellites, appelé Dietpoldus. Mais, comme on le croit, une liberté suprême est réservée spécialement au domaine de Dieu : peu de jours après, une lumière du ciel montra que ce n’était pas une sage décision d’aliéner en récompense de services humains ce qui convient au service divin. Car ce qui est consacré à Dieu ne peut et ne doit être soumis à aucune autorité laïque. Comme le rapportent des fidèles contemporains, selon une relation digne de foi, une très belle vision divine se manifesta, montrant que la puissance de Dieu ne faisait pas défaut pour faire valoir les mérites de la vierge Vérène.

2) Lorsque le duc, ci-dessus nommé, entreprit un jour de poursuivre et de capturer quelqu’un qui combattait contre lui, il advint qu’avec une grande suite, il passa à gué le lit du Rhin, là où il longe le village fortifié de Zurzach ; puis ayant remonté les berges du fleuve et s’étant regroupés, les hommes poursuivirent leur route. Ils virent alors au-dessus de leurs têtes, dans les airs, deux hommes splendides portant en mains deux croix et deux chandeliers blancs ; ils étaient suivis par quatre autres portant un sarcophage sur leurs épaules ; ils avaient l’air d’emporter les reliques des saints et ils étaient escortés par une troupe nombreuse qui s’avançait comme en marchant au son très doux des hymnes. Alors, comme les soldats le racontèrent ensuite, ils les virent s’élever au-dessus d’une place, qui jusqu’à nos jours s’appelle Wihegaz, c'est-à-dire ‘rue de sainteté’. (C’est là que la vierge Vérène, de son vivant, servit si souvent les pauvres.) De là, progressant au-dessus du sol, la procession fut subitement interrompue dans sa marche et elle entra par une fenêtre de l’église consacrée à la Vierge Marie et ne reparut plus jamais.

3) Ce que voyant, le duc et tous ceux qui étaient avec lui, frappés d’une grande stupeur, entrèrent, déchaussés, dans l’oratoire, afin d’implorer le pardon par une très humble prière. Ensuite, se relevant de leur prière et s’approchant de plus près de l’autel, ils examinèrent avec grand soin la fenêtre par où ils avaient vu entrer une telle multitude. Elle se révéla solide et sans défaut, sans que dans les bords de la verrière, on trouve une trace quelconque de brisure. Alors, le duc lui-même avec ses satellites, poussés par le repentir, avec l’assentiment de tous, se lia par un vœu, déclarant qu’autant qu’il vivrait, il ne consentirait pas à ce que des séculiers prennent possession de ce lieu. Et ainsi, jusqu’à aujourd’hui, les serviteurs de ce lieu dédié à sainte Vérène n’ont eu à subir aucun dommage de la part d’une personnalité laïque cherchant à imposer son autorité sur eux.

4) De plus, il nous revient en mémoire comment le susdit guerrier Dietpoldus, alors qu’il avait reçu en bénéfice le domaine de Zurzach des mains du duc, se mit à construire une muraille près du fleuve Aar et il édifia une tour d’une hauteur impressionnante. Puis il oppressa à un tel point toute la “famille” (*) de la vénérable Vérène par des travaux innombrables, par la faim, la soif et de nombreux tourments, que ceux-ci fuyaient en traversant le fleuve à la nage et arrivaient, nus pour ainsi dire, au sanctuaire de cette même Vierge ; là ils imploraient son secours pour qu’elle les libère et qu’elle consente à les prendre à son service. Ce qui fut réalisé. Un certain jour, comme Dietpoldus se trouvait chez lui avec sa famille et ses proches, la tour commença à trembler et à s’écrouler ; et ainsi sa vie prit fin misérablement. Dès lors, la ‘famille’ de Vérène en question se trouva libérée et se mit promptement au service de la sainte. De là, les habitants de ce lieu donnèrent à la sainte le nom de ‘Werina’(**), car tout ce qu’on lui demande avec foi, on est sûr de l’obtenir. C’est ainsi – à moins que nous manquions à la grâce du Saint-Esprit – que Dieu et ses saints s’interposent face au péril imminent qui nous mettrait en danger de mort.

(*) L’ensemble des familiers qui vivaient sur le domaine relevant du pèlerinage de Sainte Vérène.

(**) Ce surnom fait penser au verbe allemand ‘wehren’ qui signifie : défendre, protéger.

5) Cédant à la tromperie du Malin, certains firent irruption, la nuit, dans la maison d’un homme, et volèrent un cheval. Mais, se levant d’un bond, le propriétaire se mit à la poursuite des fuyards et eut tôt fait de les appréhender. A deux d’entre eux, (ils étaient trois en tout) il arracha les yeux. Le troisième était de la ‘famille’ de la bienheureuse vierge Vérène. Se voyant pris, il invoqua le nom de la sainte et cria grâce, demandant la paix et disant que, de toute sa vie, il n’avait jamais commis une telle chose et qu’à l’avenir, avec la grâce du Seigneur, il voulait ne plus en commettre, si l’autre consentait à le laisser partir en paix. Mais l’individu qui avait subi ce dommage ne fit aucune rémission à la suite de cette supplique ; il le jeta à terre, lui ôta la possibilité de voir la lumière en le frappant aux yeux, et s’en alla. Mais, pensant qu’il avait agi trop mollement et que l’homme qu’il avait laissé aveuglé était encore capable de voir un peu le jour, il revint, encore et encore et, traversant ses paupières, il lui vida si bien les orbites qu’il n’était plus possible à quiconque de douter de sa cécité. Après cela, rendu complètement aveugle, l’autre se releva et, comme il put, en tâtonnant, il commença à marcher, gardant ferme espoir cependant et pleine confiance de retrouver la lumière en s’appuyant sur Dieu et sur le patronage de sainte Vérène. Fait digne de louange et merveille de la miséricorde de Dieu, qu’un homme, aveuglé par sa malice, fût aussitôt illuminé par Dieu et qu’après avoir été aveuglé, il reçût une clarté de vue plus grande ! Il resta encore longtemps en vie, offrant ses services pour la sainte église de Zurzach, témoin des célestes bienfaits que le Seigneur, dans sa clémence, avait opérés en lui par l’intercession de sainte Vérène.

6) Conrad, roi glorieux des Burgondes (*), n’avait pas d’enfants de sa femme légitime et il nourrissait une grande inquiétude d’esprit en se demandant à qui il laisserait l’héritage de son royaume. Il dit à sa femme : « Il y a un endroit en Alémanie qui est consacré à Dieu et à une vierge sainte. Allons-y et implorons sa clémence afin que nous puissions avoir des fils. » Ils vinrent, adorèrent avec grande dévotion et offrirent des présents ; ils firent des vœux qu’ils accomplirent par la suite et, après avoir offert de larges aumônes selon la coutume, ils revinrent chez eux et, la nuit même, la reine entra auprès du roi, elle conçut et enfanta un fils. Le père ayant été exaucé, son fils, de son vivant, reçut les rênes du pouvoir et le royaume est encore ainsi affermi jusqu’à nos jours.

(*) Conrad, roi de la Bourgogne Transjurane, appelé Pacifique, était le fils de Rodolphe II, et le père de Rodolphe III. Il eut pour femme Mathilde, fille de Louis d’Outremer, roi des Francs. L’historien André Duchêne en fait longuement l’éloge et dit qu’il a eu un seul fils, Rodolphe, et quatre filles. Il est mort en 994.

7) Hermann (*), duc des Alamans, prit pour femme la très noble dame Regilinda(**). Mais comme ils n’avaient pas d’enfants, ils vinrent eux aussi vénérer la vierge sainte Vérène et là, ils passèrent la nuit. Cette dame vit en songe comme quelque chose qui descendait en son sein et s’y dilatait. Elle raconta cela à son mari ; celui-ci, qui était un sage, comprit qu’ils auraient une fille. Elle conçut et mit au monde une fille (***). Celle-ci grandit entourée d’innombrables honneurs aux yeux du monde mais davantage encore aux yeux de Dieu – à ce que nous croyons – et elle avait beaucoup de pouvoir sur le ciel.

(*) Hermann Ier, duc des Suèves. Duchêne dit qu’il était fils de Gérard, comte de Franconie, lequel fut tué dans la lutte contre les Hongrois en 910. Hermann lui-même est mort en 948.

(**) Regilinda était veuve de Burchard II, après la mort duquel, elle épousa Hermann, qui succéda à Burchard dans le duché des Suèves.

(***) Il s’agit de Itha, mariée à Luitolphe, fils de l’empereur Othon Ier. Ce Luitolphe devint duc des Suèves, après son beau-père Hermann.

8) A tout cela, il faut ajouter un troisième récit, parce qu’il est digne d’être gardé en mémoire. Une noble dame habitait en Alsace. Mariée depuis longtemps, elle restait cependant sans enfant. Elle se mit à invoquer sainte Odile avec constance afin d’obtenir de sa bonté une progéniture. Elle devint enceinte et engendra une fille. Mais, faisant peu de cas d’une naissance féminine, car elle désirait un garçon, elle continua à implorer le secours de la vierge. Concevant de nouveau, elle engendra une autre fille qu’elle prit en aversion. Et cependant, elle n’en continuait pas moins à implorer la grâce de sainte Odile. Concevant pour la troisième fois, elle engendra une troisième fille. Lorsqu’elle la vit, elle tomba de chagrin et personne ne put la consoler. Comme elle n’avait pas été exaucée, elle gisait sur son lit à demi-morte.

9) Saint Odile, ayant pitié de son mal, intervint et la consola avec de douces paroles en lui disant : « Pourquoi agis-tu ainsi ? Pourquoi as-tu des pensées déraisonnables ? Ce que tu m’as demandé, je l’ai fait comme j’ai pu. Mais, si tu veux avoir des fils, demande-le à la sainte et vénérable vierge Vérène : elle, pas moi, a la grâce de donner des fils et des filles. » Et ce disant, elle disparut à ses yeux. Rassemblant ses forces, la dame convoqua les prêtres du lieu et s’enquit auprès d’eux de l’endroit où reposait le corps de la vierge sainte Vérène. Dès lors, sur leur conseil, elle servait spirituellement sainte Vérène tous les jours de sa vie. Elle se mit à invoquer son nom et à l’implorer pour obtenir un garçon. Après quoi elle conçut. Après avoir si longtemps désiré un garçon, elle obtint deux fils jumeaux.

Je pourrais citer beaucoup d’autres noms et d’autres faits, mais il n’est pas nécessaire de les nommer un par un, car il y aura encore beaucoup de personnes qui demanderont la même grâce. O vierge Vérène, digne de toute louange, prie pour notre salut et celui de tous, afin que nous ne périssions pas dans notre pèlerinage.

 

 

Zurzach : Monastère de Ste Vérène

 

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