JEAN L'AUMONIER
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SAINT JEAN, L'AUMONIER *

 

Saint Jean l’aumônier, patriarche d'Alexandrie, étant une nuit en oraison; vit auprès de lui une jeune personne d'une beauté extraordinaire qui portait sur la tête une couronne d'olives. A sa vue, il fut gravement saisi et il lui demanda qui elle était. Elle répondit :

 

* Tiré des Vies des Pères du désert.

 

214

 

 « Je suis la miséricorde qui ai fait descendre du ciel le Fils de Dieu : prenez-moi pour épouse et vous vous en trouverez bien. » Il comprit donc que l’olive était le symbole de la miséricorde, et dès ce jour, il devint si miséricordieux, qu'il fut surnommé Eleimon, c'est-à-dire l’aumôniers Or, il appelait toujours les pauvres ses seigneurs, et c'est de là que les hospitaliers ont coutume jusqu'aujourd'hui de nommer les pauvres leurs seigneurs. Il convoqua donc torrs ses serviteurs et leur dit : « Allez parcourir la ville, et prenez par écrit le nom de tous mes seigneurs jusqu'au dernier. » Et comme ils ne comprenaient pas, il ajouta

« Ceux que vous appelez pauvres et mendiants, je les proclame seigneurs et auxiliaires, car ce sont eux qui pourront véritablement nous aider et nous donner: le royaume du ciel. » Dans le but de porter les hommes à pratiquer l’aumône, il avait coutume de raconter que les pauvres, une fois, en se réchauffant au soleil, se mirent à parler entre eux de ceux qui leur faisaient l’aumône, louant les bons et méprisant les méchants. Il y avait donc un receveur des impôts, nommé Pierre, qui était fort riche et jouissait d'une grande autorité, mais d'une dureté extrême envers les Pauvres, car il repoussait avec une excessive indignation ceux qui s'approchaient de sa maison. Or, comme il s'était trouvé que pas un d'eux n'avait reçu l’aumône chez lui, il y en eut un qui dit : « Que voulez-vous me donner, si moi-même aujourd'hui, je reçois une aumône de ses mains ? » Et après en avoir fait le pari entre eux, il vint à la maison de Pierre demander l’aumône. Or, celui-ci, rentrant chez soi, vit le pauvre (215) à sa porte, au moment qu'un de ses serviteurs apportait dans sa maison des pains de première qualité : le riche, ne trouvant pas de pierre, saisit un pain et le jeta sur-le pauvre avec fureur ; celui-ci s'en saisit aussitôt, et revint trouver ses compagnons en leur montrant l’aumône qu'il avait reçue de la main du receveur. Deux jours après, celui-ci fut pris d'une maladie mortelle, et il se vit conduit au jugement. Or, il y avait des Maures qui pesaient ses mauvaises actions dans le plateau d'une balance ; du côté de l’autre plateau, se trouvaient debout d'autres personnes habillées de blanc pleines de tristesse de ce qu'elles ne savaient où trouver :quoi que ce soit à mettre en contre-poids. Alors l’une d'elles dit: « Vraiment nous n'avons rien qu'un pain de fleur de farine qu'il a donné par force à J.-C. il y à deux jours. » Quand ils l’eurent mis dans la balance, il lui sembla que l’équilibre s'établissait et elles lui dirent : « Ajoute, à ce pain de froment, autrement les Maures t'emporteront. » A son réveil, Pierre se trouva délivré et dit : « Ha ! si un seul pain' que j'ai jeté par colère,  m’a tant valu, quel avantage retirer en donnant tous ses biens aux indigents! » Un jour donc que, revêtu de vêtements de grand,prix, il allait dans la rue, un homme qui avait fait naufrage lui demanda quelque habillement. Tout aussitôt il se dépouilla de son vêtement précieux et le lui donna. Le naufragé le prit et alla le vendre. Or, en rentrant cirez lui, le receveur, qui vit son vêtement suspendu à sa place, fut saisi de tristesse, au point de ne vouloir pas prendre de nourriture : « C'est, dit-il, parée que je n'ai pas été digne que ce pauvre eût eu un souvenir (216) de moi. » Mais pendant son sommeil, il vit un personnage plus brillant que le soleil, avec une croix sur la tète, portant sur lui le vêtement qu'il avait donné au pauvre, lui disant : « Qu'as-tu à pleurer, Pierre ? » Celui-ci lui ayant raconté- la cause de sa tristesse, le personnage ajouta. « Reconnais-tu ceci ? » « Oui, Seigneur, répondit-il. » Et le Seigneur lui dit : « Je l’ai porté depuis que tu me l’as donné; et je te remercie de ta bonne volonté, parce que j'étais gelé de froid et tu  m’as revêtu. » Etant donc revenu à lui, il commença à faire du bien aux pauvres : « Vive le Seigneur ! disait-il, je ne mourrai point que je ne sois devenu l’un d'eux. » Il donna donc tout ce qu'il possédait aux pauvres, fit venir son notaire et lui dit: « Je veux te confier un secret ; que si tu le divulgues, ou si tu ne consens pas à ce que je te vais dire, je te vendrai aux barbares. » Et en lui donnant dix livres d'or, il ajouta : « Va à la ville sainte, achète-toi des marchandises, vends-moi à quelque chrétien et puis distribue le prix aux pauvres. » Or, comme le notaire s'y refusait, il ajouta : «Si tu ne  m’obéis pas, je te vendrai aux barbares. » Alors celui-ci l’emmena, comme il avait été dit, le couvrit de haillons, le vendit comme un de ses esclaves, et donna aux pauvres trente pièces de monnaie, prix de son marché. Or, Pierre s'acquittait des plus vils emplois, en sorte qu'il était l’objet du mépris général. Les autres esclaves le battaient à chaque instant, et on en était venu à le traiter de fou. Mais le Seigneur lui apparaissait souvent et le consolait en lui montrant ses vêtements et les trente deniers. Cependant l’empereur et tout le monde étaient (217) dans la douleur d'avoir perdu un homme si recommandable, quand plusieurs de ses voisins, qui passèrent par Constantinople pour aller visiter les saints lieux, furent invités à table par son maître. Ils se disaient les uns aux autres à l’oreille : « Comme cet esclave ressemble au seigneur Pierre le receveur, » et l’un. d'eux dit aux autres qui l’examinaient avec curiosité: « Vraiment, c'est bien le seigneur Pierre, je vais me lever et le saisir. » Pierre s'en étant avisé, s'enfuit en cachette. Or, le portier était sourd et muet, et un signe devenait nécessaire pour qu'il ouvrît la porte; Pierre lui demanda, non par signes, mais de vive voix, de. lui ouvrir. A l’instant, le portier recouvre l’ouïe et la parole, et ouvre en lui répondant ; puis il rentre aussitôt dans la maison et dit à tous ceux qui étaient émerveillés de l’entendre : « Celui qui faisait la cuisine est sorti et a pris la fuite : mais prenez garde; c'est un serviteur de Dieu ; car lorsqu'il  m’a dit

« Ouvre, te dis je, » tout à coup de sa bouche est sortie une flamme qui a touché ma langue et mes oreilles et à l’instant j'ai recouvré l’ouïe et la parole. » Tous sortirent pour courir après lui, mais il était trop tard pour pouvoir le trouver. Alors les gens de la maison firent pénitence d'avoir traité si indignement un homme si recommandable.

Un moine, nommé Vitalis, voulut éprouver si saint Jean se laissait influencer par les mauvais propos et s'il se scandalisait facilement. Il alla donc dans la ville et inscrivit sur une liste toutes les femmes de mauvaise vie. Or, il entrait chez elles successivement et disait à chacune : « Donnez-moi cette nuit et ne forniquez (218) pas. » Pour lui, à peine entré, il se retirait dans.,un coin, se mettait à genoux, passait toute la nuit en oraison, et priait pour la femme; le matin, il sortait en recommandant à chacune,de ne révéler cela à qui que ce fût. Cependant, une d'elles dévoila sa manière d'agir, mais aussitôt, à la prière du vieillard, elle fut tourmentée, par le démon. Tous lui dirent: « Tu as reçu de Dieu ce que tu méritais pour avoir menti, car c'est pour forniquer que ce scélérat entre chez toi, ce n'est pas pour un autre motif. » Lorsque le soir était venu, Vitalis disait à tous ceux qui voulaient l’entendre : « Je veux  m’en aller, car telle femme  m’attend. » Beaucoup de personnes lui faisaient un crime de sa conduite, mais il leur répondait: « N'ai-je pas un corps comme tout le inonde? Est-ce que Dieu se fâcherait seulement contre les moines ? Et eux aussi, ils sont véritablement des hommes comme les autres. » Quelques-uns lui disaient: « Révérend Père, prenez une femme, et changez d'habit, afin de ne point scandaliser le monde. » Alors il feignait d'être en colère et répondait : « Mais vraiment, je n'ai que faire de vous écouter ; allez-vous-en. Que celui qui veut se scandaliser, se scandalise et qu'il se brise le front contre la muraille. Dieu vous a donc établis mes juges ? Allez, et mêlez-vous de vos affaires ; vous ne répondrez pas pour moi. » Or il disait cela tout haut. Et lorsqu'on s'en plaignit a saint Jean, Dieu lui endurcit le cœur pour n'ajouter pas foi à ces récits. Mais Vitalis priait Dieu, qu'après sa mort, ses actions fussent révélées à quelqu'un, afin qu'elles ne fussent pas, imputées à péché à ceux qui s'en scandalisaient. (219) Or, il amena beaucoup de ces femmes à se convertir et il en plaça plusieurs dans un monastère. Un matin qu'il sortait de chez une d'entre elles, il se rencontra avec quelqu'un qui entrait pour forniquer avec elle, et qui lui donna un soufflet en disant: « Scélérat, quand te corrigeras-tu de tes infâmes désordres? » Et il répondit: « Crois-moi, je te rendrai un tel soufflet que je ferai rassembler tout Alexandrie. » Et voici que presque aussitôt le diable; sous la forme d'un Maure, lui donne un soufflet en disant : « C'est le soufflet que t'adresse l’abbé Vitalis: » A l’instant, il est tourmenté par le démon, au point qu'à ses cris tout le monde accourait ; cependant, il fit pénitence et fut délivré à la prière de Vitalis. Quand cet homme de Dieu fut arrivé à l’article de la mort, il laissa ces mots par écrit : « Ne jugez pas avant le temps. » Or, quand toutes les femmes déclarèrent comment il agissait, tous louaient Dieu, avec saint Jean qui disait le premier : « J'aurais reçu moi-même le soufflet que cet autre a reçu. »

Un pauvre, en habit de pèlerin, vint demander l’aumône à saint Jean, qui appela son trésorier et lui dit: « Donnez-lui six pièces. » A peine le pèlerin les eut-il reçues qu'il s'en alla, changea d'habits et vint encore une fois demander l’aumône à l’évêque. Celui-ci dit à son trésorier qu'il manda : « Donnez-lui six pièces d'or. » Et quand il les lui eut données et que le pauvre fut éloigné, son trésorier lui dit : « Comme vous  m’en avez prié Père, cet homme, après avoir changé d'habits, a reçu aujourd'hui double aumône.» Or, le bienheureux Jean fit comme s'il n'en savait rien. (220) Une troisième fois, le pèlerin changea encore d'habit, vint trouver saint Jean et lui demanda l’aumône. Alors le trésorier toucha le saint pour lui faire signe que. c'était encore le même. Jean répondit : « Allez lui donner douze pièces, de peur que ce ne soit mon Seigneur J.-C. qui veut  m’éprouver et savoir s'il se fatiguera plutôt de demander que moi de donner. » Une fois un seigneur voulait employer eh achat de marchandises une somme d'argent appartenant à l’Eglise, et le saint n'y voulait absolument pas consentir, dans l’intention de la donner aux pauvres. Après bien des contestations, ils se quittèrent irrités l’un contre l’autre. La neuvième heure étant arrivée, le patriarche envoya dire à ce seigneur par son archiprêtre : « Seigneur, le soleil vase coucher. » En entendant cela, celui-ci, ému jusqu'aux larmes, vint le trouver pour lui faire ses excuses.

Son neveu avait reçu une grave injure d'un marchand et s'en plaignait avec larmes au patriarche sans pouvoir se consoler. Le patriarche répondit : « Et comment avoir eu l’audace de te contredire et d'avoir ouvert la bouche contre toi ? Crois, mon fils, à mon indignité, crois que je lui ferai telle chose que tout Alexandrie en sera étonnée. » En entendant ces paroles, le, neveu fut consolé dans la pensée que son oncle ferait fouetter durement ,le marchand. Jean, le voyant consolé, le serra contre son coeur en disant : Mon fils, si tu es vraiment le neveu de mon humilité, apprête-toi à être flagellé et à souffrir les insultes des hommes. La vraie parenté n'est pas dans le sang ni. la chair, mais elle se reconnaît à la force du (221) caractère. » A l’instant, le neveu envoya chez le marchand et le tint quitte de toute amende et compensation. Cette bonne oeuvre excita l’admiration générale et-on comprit ce qu'avait dit le saint: « Je ferai de lui telle chose que tout Alexandrie en sera étonnée. » Le patriarche apprit que, après le couronnement de l’empereur, c'était la coutume que les ouvriers en monuments prissent quatre ou cinq petits morceaux de marbre de différente couleur et vinssent trouver l’empereur en lui demandant de quel marbre ou de quel métal Sa Majesté voulait qu'on fît son monument funéraire. Saint Jean imita cette coutume et commanda de lui construire son tombeau, mais il voulut qu'il restât inachevé jusqu'à sa mort; et il donna commission à ceux qui l’approchaient dans les grandes cérémonies, des jours de fête de lui dire : « Seigneur, votre tombeau n'est as terminé, faites-le achever, car vous ne savez pas à quelle heure doit venir le larron. »

Ayant remarqué que le bienheureux Jean n'avait que vils lambeaux pour lit, parce qu'il s'était dépouillé pour les, pauvres, un homme riche acheta une couverture de grand prix et la- lui envoya. Comme il s'en était couvert la nuit, il ne put jamais dormir en pensant que trois cents de ses seigneurs pourraient se couvrir avec le prix qu'avait coûté cette courtepointe. Il passa la nuit entière à se lamenter en disant : « Combien de gens qui n'ont pas soupé, combien de gens percés par la pluie sur la place publique, combien dont les dents claquent de froid, se sont couchés pour dormir aujourd'hui, et toi, tu dévores les gros poissons, tu te reposes dans un beau lit avec tous tes (222) péchés ; et tu te réchauffes sous une couverture de trente-six pièces d'argent ! Le pécheur Jean ne s'en couvrira plus une autre fois ! » Et, dès le matin, il la fit vendre et en donna l’argent aux pauvres. Le riche l’ayant su, acheta la même couverture une seconde fois, et la donna au bienheureux Jean avec prière de ne plus la vendre à l’avenir et de la garder pour son usage. Mais celui-ci la fit vendre de nouveau et en donna le prix à ses seigneurs. Le riche alla encore une fois la racheter, la porta chez le bienheureux Jean et lui, dit avec l’expression du bonheur: « Nous verrons qui se lassera, vous de la vendre, ou moi de la racheter. » Il s'en tirait agréablement avec le riche en disant que fon peut, avec l’intention de faire l’aumône, dépouiller les riches de cette manière, et ne pas pécher. C'est gagner deux fois : la première en sauvant leurs âmes, la seconde en leur procurant par là une large récompense. Pour exciter à faire l’aumône, il avait la coutume de raconter que saint Sérapion venait de donner son manteau à un pauvre quand il s'en présenta un autre qui gelait de froid ; il lui donna encore sa tunique, puis il s'assit tout nu en tenant le livre de l’Evangile. Quelqu'un lui demanda : « Père, qui donc vous a dépouillé? » « Voici, dit-il en montrant l’Évangile, celui qui  m’a dépouillé. » Ailleurs, il vit' un autre pauvre, vendit l’Evangéliaire même et en donna le prix au pauvre. Comme on lui demandait où il en aurait un autre, il répondit : « Voilà ce que commande l’Évangile : « Allez; vendez tout ce que vous avez et donnez-le aux pauvres ». J'avais l’Évangile lui-même, je l’ai vendu, ainsi qu'il le recommandait. »

 

223

 

Le bienheureux Jean fit donner cinq deniers à un mendiant qui, indigné de n'avoir pas reçu davantage, se mit à dire du mal de lui et à l’insulter en sa présence. Les gens du saint, témoins de cette scène, voulurent se jeter sur le mendiant et le maltraiter; le bienheureux Jean s'y opposa absolument. « Laissez, dit-il, mes frères, laissez-le me maudire. Voici que j'ai soixante ans pendant lesquels j'ai outragé J.-C. par mes oeuvres, et je ne pourrais pas supporter une injure de cet homme! » Il fit apporter sa bourse devant lui pour lui laisser prendre ce qu'il voulait. Après la lecture de l’Évangile, le peuple sortait de l’église, et restait dehors à dire des paroles oiseuses ; une fois, après l’évangile, le Patriarche sortit et s'assit au milieu de la foule. Tout le monde,en fut surpris: « Mes enfants, dit-il alors, où sont les brebis, là est le pasteur, ou bien entrez donc et j'entrerai avec vous, ou bien demeurez ici et j'y resterai aussi. » Il fit cela une ou deux fois, et il apprit ainsi au peuple à rester dans l’église. Un jeune, homme avait enlevé une religieuse et les clercs blâmaient cette action devant le bienheureux Jean, en disant qu'il méritait d'être excommunié parce qu'il perdait deux âmes, la sienne et celle de la religieuse. Le bienheureux Jean les calma en disant : « Ce n'est pas cela, mes enfants, ce n'est pas cela. Permettez que je vous montre que vous commettez, vous, deux péchés ; le premier, en allant contre le précepte du Seigneur qui dit : « Ne jugez point et vous  ne serez pas jugés» : le second, parce que vous n'êtes pas certains s'ils continuent de pécher encore aujourd'hui et s'ils ne se repentent point. » Le bienheureux (224) Jean, dans ses prières et dans ses extases, fut entendu en discussion avec Dieu et disant ces paroles : « Oui, oui, bon Jésus, nous verrons qui l’emportera de moi qui donnerai ou de vous qui me fournissez de quoi donner. » Saisi par la fièvre et se voyant près de mourir, il dit : « Je vous remercié, ô mon Dieu, d'avoir exaucé ma misère qui priait votre bonté qu'on ne trouvât qu'une seule obole à ma mort. Je veux qu'on la donne aux pauvres. » On plaça son corps vénérable dans un sépulcre où avaient été inhumés les corps de deux évêques, et ces corps se reculèrent miraculeusement pour laisser la place du milieu d'eux au bienheureux Jean. Quelques jours avant sa mort, une femme, qui avait commis un péché énorme, n'osait s'en confesser à personne : saint Jean lui dit qu'au moins, elle l’écrivît (car elle savait écrire), lui apportât le pli scellé, et qu'il prierait pour elle. Elle y consentit, et après avoir écrit son péché, elle le scella avec soin et le remit à saint Jean. Mais peu de jours après, saint Jean tomba malade et passa au Seigneur. Aussitôt que la femme apprit sa mort, elle se crut déshonorée et perdue, dans la conviction qu'il avait confié son écrit à quelqu'un et qu'il était passé entre les mains d'un tiers. Elle va au tombeau de saint Jean et là elle répand un torrent de larmes en criant: « Hélas! Hélas ! en pensant éviter la confusion, je suis devenue une confusion à l’esprit de tous.» Or, comme elle pleurait très amèrement et qu'elle priait saint Jean de lui- indiquer où il avait déposé son écrit, voilà que saint Jean sortit en habits pontificaux de, son cercueil, ayant à ses côtés les deux évêques qui reposaient avec lui, et qui (225) dit à la femme: « Pourquoi nous importuner de la sorte et pourquoi ne pas nous laisser en repos moi et les saints qui sont avec moi ? Voici que nos ornements sont tout mouillés de tes larmes. » Et il lui remit son écrit scellé comme il était précédemment, en lui disant : « Vois ce sceau, ouvre ton écrit et lis. » En l’ouvrant, elle trouva son péché entièrement effacé ; et elle lut ces mots écrits à la place : « A cause de Jean, mon serviteur, ton péché est effacé. » Ainsi elle remercia beaucoup Dieu; et le bienheureux Jean rentra dans son tombeau avec les autres évêques. Il mourut environ vers l’an du Seigneur 605, au temps de l’empereur Phocas.

 

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