DÉCOLLATION DE J.-B.
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LA DÉCOLLATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE

 

528

 

La décollation de saint Jean-Baptiste se célèbre et a été instituée, paraît-il, pour quatre motifs, d'après l’Office mitral *: 1° En raison de sa décollation; 2° à cause de la combustion et de la réunion de ses os ; 3° à l’occasion de l’invention de son chef ; 4° en mémoire de la translation d'un de ses doigts, et de la dédicace de son église. De là les différents noms attribués à cette fête, savoir la décollation, la collection, l’invention et la dédicace:

1. On célèbre cette fête à cause de la décollation. En effet, selon le récit de l’Histoire scholastique **, Hérode Antipas, fils d'Hérode le Grand, en partant pour Rome passa par chez son frère Philippe; alors eut lieu un accord secret entre lui et Hérodiade, femme de Philippe, et selon Josèphe, soeur d'Hérode Agrippa, de répudier sa propre femme à son retour et de se marier avec cette même Hérodiade. Sa, femme, fille d'Arétas, roi de Damas, eut connaissance de cette convention ; alors sans attendre le retour de son mari, elle. se hâta de rentrer dans sa patrie. En revenant, Hérode enleva Hérodiade à Philippe et s'attira l’inimitié d'Arétas, d'Hérode Agrippa et de Philippe tout à la fois. Or, saint Jean le reprit, parce que, d'après la loi, il ne lui était pas permis de prendre pour femme, ainsi qu'il l’avait fait, l’épouse de son frère du vivant de celui-ci.

 

* Cap. XLI.

** In Evangel., cap. LXXIII.

 

Hérode voyant que saint Jean le reprenait. si durement pour ce crime, et que, d'un autre côté, saint Jean, au rapport de Josèphe, à cause de sa prédication et de son baptême, s'entourait d'une foule de monde, le fit jeter en prison, dans le désir de plaire à sa femme, et dans la crainte d'un soulèvement populaire. Mais auparavant il voulut le faire mourir, mais il eut peur du peuple. Hérodiade et Hérode désiraient également trouver une occasion quelconque pour pouvoir tuer Jean. Il paraît qu'ils convinrent secrètement ensemble qu'Hérode donnerait une fête aux principaux de la Galilée et à ses officiers le jour anniversaire de sa naissance ; qu'il promettrait avec serment de donner à la fille d'Hérodiade, quand elle danserait, tout ce qu'elle demanderait; que cette jeune personne demandant la tête de Jean, il serait de toute nécessité de la lui accorder à raison de son serment, dont il ferait semblant d'être contrasté. Qu'il ait poussé la feinte et la dissimulation jusque-là, c'est ce que donne à entendre l’Histoire scholastique où on lit ce qui suit : « Il est à croire qu'Hérode convint secrètement avec sa femme de faire tuer Jean, en se servant de cette circonstance. » Saint Jérôme est du même sentiment dans la glose : « Hérode, dit-il, jura probablement, afin d'avoir le moyen de tuer Jean; car si cette fille eût demandé la mort d'un père ou d'une mère Hérode n'y eût certainement pas consenti. Le repas est prêt, la jeune fille est là présente ; elle danse devant tous les convives elle ravit le monde ; le roi jure de lui donner tout ce qu'elle demandera. Prévenue par sa Isère, elle demande la tête de Jean, mais l’astucieux Hérode, à cause (530)  de son serment, simula la tristesse, parce que, comme le dit Raban, il avait eu la témérité de jurer ce qu'il lui fallait tenir. Or, sa tristesse était seulement sur sa figure, tandis qu'il avait la joie dans le coeur. Il s'excuse sur son serment afin de pouvoir être impie sous l’apparence de la piété. Le bourreau est donc envoyé, la tête de Jean est tranchée, elle est donnée à la jeune fille, et celle-ci la présente à sa mère adultère. » Saint Augustin, à propos de ce serment, raconte l’exemple suivant dans un sermon qu'il fit à la Décollation de saint Jean-Baptiste.

« Voici un fait qui  m’a été raconté par un homme innocent et de bonne foi. Quelqu'un lui ayant nié un prêt ou une dette, il en fut ému et il le provoqua à faire serment. Le débiteur le fit et l’autre perdit. La nuit suivante, ce dernier se crut traîné devant le juge qui l’interrogea en ces termes : « Pourquoi as-tu provoqué ton débiteur à faire serment, quand tu savais qu'il se parjurerait? » Et l’homme répondit : « Il  m’a nié mon bien. » « Il valait mieux, reprit le juge, perdre ton bien que de tuer son âme par un faux serment. » On le fit prosterner, et il fut condamné à être battu de verges ; or, il le fut si rudement, qu'à son réveil, on lui voyait encore la marque des coups sur le dos. Mais il lui fut pardonné après qu'il eut fait pénitence. » Ce ne fut cependant point à pareil jour que saint Jean fut décollé, mais un an avant la Passion de J.-C., vers les jours des azymes. Il a donc fallu, à cause des mystères de Notre-Seigneur, que l’inférieur le cédât à son supérieur. A ce sujet, saint Jean Chrysostome s'écrie : « Jean, c'est l’école des vertus, la règle de vie, (531) l’expression de la sainteté, le modèle de la justice, le miroir de la virginité, le porte-étendard de la pudicité; l’exemple de la chasteté, la voie de la pénitence, le pardon des péchés, la doctrine de la foi. Jean est plus grand qu'un homme, il est l’égal des anges, le sommaire de la loi, la sanction de l’évangile, la voix des apôtres, celui qui fait taire les prophètes, la lumière du monde, le précurseur du souverain juge, l’intermédiaire de la Trinité tout entière. Et cet homme si éminent est donné à une incestueuse, il est livré à une adultère, il est accordé à une danseuse ! » Hérode ne resta pas impuni, mais il fut condamné à l’exil. En effet, d'après ce qu'on trouve dans l’Histoire scholastique, Hérode Agrippa, vaillant personnage, mais pauvre, se voyant réduit à l’extrémité, s'enferma par désespoir dans une tour avec J'intention de s'y laisser mourir de faim. Hérodiade, sa soeur, informée de cette résolution, supplia Hérode Antipas, tétrarque, son mari, de le tirer de la tour et de lui fournir ce qui lui était nécessaire. Il le fit, et comme ils étaient tous les deux à table, Hérode, tétrarque, échauffé par le vin, reprocha à Hérode Agrippa les bienfaits dont il l’avait, comblé lui-même. Celui-ci en conçut un vif chagrin et partit pour Rome où il fut bien accueilli par Caïus César, qui lui accorda deux tétrarchies, celle de Lisanias et celle du pays d'Abilène; il lui plaça, en outre, le diadème sur le front, avec l’intention de le faire roi de Judée. Hérodiade, voyant que: son frère avait le titre de roi, pressait instamment son mari d'aller à Rome et de solliciter aussi pour lui la même distinction. Mais, (532) étant fort riche, il ne voulait pas suivre le conseil de sa femme, car il préférait le repos à des fonctions honorables. Vaincu enfin par ses prières, il alla à Rome avec elle Agrippa, qui en eut connaissance, expédia à César des lettres pour l’informer qu'Hérode s'était assuré de l’amitié du roi des Parthes, et voulait se révolter contre l’empire romain, et pour preuve, il lui fit savoir qu'il avait dans ses places fortes des armes en assez grande quantité pour armer soixante-dix mille soldats. Caïus, après avoir lu la lettre, s'informa, comme s'il le tenait d'une autre source, auprès d'Hérode, sur sa position, et entre autres choses, il lui demanda s'il était vrai, ainsi qu'il l’avait entendu dire, qu'il eût une si grande quantité de troupes sous les armes, dans les villes de sa juridiction. Hérode ne fit aucune difficulté d'en convenir. Caïus, persuadé alors de l’exactitude du rapport d'Hérode Agrippa, l’envoya en exil ; quant à son épouse, qui était soeur de ce L même Hérode Agrippa pour lequel il avait beaucoup d'affection, il lui permit de retourner dans son pays. Mais elle voulut accompagner son mari, en disant que puisqu'elle avait partagé sa prospérité, elle ne l’abandonnerait pas dans l’adversité. Ils furent donc déportés à Lyon; où ils finirent leur vie dans la misère. Ceci est tiré de l’Histoire scholastique.

II. Cette fête est célébrée à cause de la combustion et de la réunion des os de saint Jean; car des auteurs prétendent qu'on les brûla en ce jour, et que les restes en furent recueillis par les fidèles. C'est, en quel,que sorte, un second martyre que saint d'eau souffre, puisque i1 est brûlé dans ses os, et c'est la raison (533) pour laquelle l’Eglise célèbre cette fête comme si elle était son second martyre*. On lit donc au XIIe livre de l’Histoire scholastique ou ecclésiastique, que les disciples de saint Jean ensevelirent son corps auprès de Sébaste, ville de Palestine, entre Elisée et Abdias. I1 se faisait de grands miracles à son tombeau; mais, par l’ordre de Julien l’Apostat, les gentils dispersèrent les os du saint ; et comme les miracles continuaient toujours, on recueillit les os, on les brûla, puis on les réduisit à une poussière que l’on vanna dans les champs; toujours d'après l’Histoire scholastique. Mais le bienheureux Bède dit que les os eux-mêmes furent ramassés et épars plus loin encore. Saint Jean parut souffrir ainsi un second martyre. (C'est ce que certaines gens imitent sans savoir ce qu'ils font, quand, à la Nativité de saint Jean, ils ramassent des os partout et les brûlent.) Or, pendant qu'on les recueillait pour les brûler, d'après l’Histoire ecclésiastique et le témoignage de Bède, des moines, venus de Jérusalem, se mêlèrent en cachette à ceux qui étaient occupés à les recueillir, et en prirent une grande partie. Ils portèrent alors. ces ossements à Philippe, évêque- de Jérusalem, qui, plus tard, les envoya à Athanase, évêque d'Alexandrie. Dans la suite, Théophile, évêque de cette ville, les mit dans un temple de Sérapis, purgé de ses ordures; il le consacra comme une basilique, en l’honneur de saint Jean. Mais aujourd'hui, on les honore à Gênes, ainsi que Alexandre III

 

* Eusèbe de Césarée, I. II; — Hist. ecclésiastique, c. XXVIII; — Sigebert, Chronique, an 394.

 

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et Innocent IV l’ont approuvé par leurs privilèges, après eu avoir reconnu l’authenticité. De même qu'Hérode, qui fit couper la tète à saint Jean, subit le châtiment de ses crimes, de même aussi, Julien l’Apostat, qui fit brûler ses os, fut frappé par la vengeance divine. On a l’histoire de la punition de ce dernier dans la légende de saint Julien, après la conversion de saint Paul*.

Mais,   dans l’Histoire triparlite **, on trouve de plus amples détails sur l’origine: de Julien l’Apostat; sou règne, sa cruauté et sa mort. Constance, frère du grand Constantin et descendant du même père, eut deux fils, Gallus et Julien. A la mort de Constantin, Constance créa césar Gallus, son fils, que pourtant il tua par la suite. Alors Julien, plein de crainte, se fit moine, et imagina de consulter les magiciens pour savoir s'il pouvait avoir encore l’espérance de parvenir au trône. Après quoi, Constance créa césar Julien, qu'il envoya dans les Gaules, où il remporta grand nombre de victoires. Une couronne d'or, suspendue par un fil entre deux colonnes, tomba sur sa tète, en s'y adaptant parfaitement, au moment où il passait de fil s'était rompu; tous s'écrièrent alors que c'était un signe qu'il serait empereur. Comme les soldats le proclamaient Auguste, et qu'il ne se trouvait pas là de couronne, un des soldats prit un collier  qu'il avait au cou et le mit sur le front de Julien,

 

* Ou mieux, après la légende de sainte Paule, qui est à la suite de la conversion de saint Paul, c'est-à-dire, au 27 janvier.

** Lib. VI, passim.

 

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lequel fut ainsi créé empereur par les soldats. Dès lors, il renonça aux pratiques du christianisme, qu'il ne suivait que d'une manière hypocrite, ouvrit les temples des idoles et leur y offrit des sacrifices. Il, se proclamait le Pontife des païens et faisait abattre partout les images de la Croix. Une fois, la rosée tomba sur ses vêtements et sur ceux des personnes qui l’accompagnaient, et chaque goutte prit la forme d'une croix. Dans le désir de plaire à tous, il voulut, après la mort de Constance, que chacun suivît le culte qui lui convînt; il chassa de sa cour les eunuques, les barbiers et les cuisiniers; les eunuques, parce qu'après la mort de sa femme il ne s'était point remarié ; les cuisiniers, parce qu'il,ne faisait usage que des mets les plus simples, et les barbiers, parce que, disait-il, un seul était suffisant pour beaucoup de monde. Il composa une foule d'outrages, dans lesquels il déchira tous les princes, ses prédécesseurs. En chassant les cuisiniers et les barbiers il faisait oeuvre de philosophe, mais non pas d'empereur; mais en critiquant et en déférant des louanges, il ne se comporta ni en philosophe ni en empereur. Un jour que Julien offrait un sacrifice aux idoles, dans les entrailles de la brebis qui venait d'être immolée, on lui montra le signe de la croix entouré d'une couronne. A cette vue, les ministres eurent peur, et expliquèrent le fait en disant qu'il viendrait un temps qui n'aurait pas de terme, et où la croix serait victorieuse et uniquement vénérée. Julien lés rassura et dit que cela indiquait qu'il fallait réprimer le christianisme et le resserrer dans un cercle. Tandis que Julien offrait à Constantinople un (536) sacrifice à la Fortune, Maris, évêque de Chalcédoine, auquel la vieillesse avait fait perdre la vue, le vint trouver et l’appela impie et apostat. Julien lui dit « Ton Galiléen n'a donc pu te guérir, lui? » Maris lui répondit : « J'en rends grâces à Dieu, car il  m’a privé de la vue afin de ne pas te voir dépouillé de piété. »  Julien ne lui répondit rien et se retira. A Antioche, il fit ramasser. les vases sacrés et les ornements, puis les jetant parterre, il s'assit dessus et se permit de les salir. Mais à l’instant, il fut frappé à l’endroit par où il avait péché, en sorte que les vers y fourmillaient et rongeaient les chairs. Tant qu'il vécut depuis, il ne put se guérir.

Julien le préfet qui, par l’ordre de l’empereur, avait enlevé les vases sacrés appartenant aux églises, dit en les salissant de son urine : « Voyez dans quels vases on administre le fils de Marie.» Immédiatement sa bouche est changée en anus : et ce fut ainsi qu'il satisfaisait les besoins de la nature. Pendant que l’apostat Julien entrait dans le temple de la Fortune, les ministres du temple aspergeaient avec de l’eau ceux qui arrivaient afin de les purifier: Valentinien vit une goutte de cette eau sur sa chlamyde; plein d'indignation, il frappa du poing le ministre en disant qu'il était sali plutôt que purifié. L'empereur, témoin de cela, le fit mettre sous bonne garde et conduire dans un désert. En effet, Valentinien était chrétien, et il mérita pour récompense d'être élevé par la suite à l’empire. Par haine encore contre les chrétiens, Julien fit aussi réparer le temple des Juifs, auxquels il fournit des sommes énormes; mais quand ils eurent (537) rassemblé une grande quantité de pierres, un vent extraordinaire s'éleva subitement et les dispersa toutes; ensuite il se fit un affreux tremblement de terre; en dernier lieu, le feu sortit des fondements et brûla beaucoup de monde *. Un autre jour, une croix apparut dans le ciel et les habits des Juifs furent couverts de croix de couleur noire. En allant chez les Perses, il vint à Ctésiphonte qu'il mit en état de siège. Le roi, qui s'y trouvait, lui offrit la moitié de son pays, s'il voulait s'en aller. Mais Julien s'y refusa : car il avait les idées de Pythagore et de Platon au sujet de la mutation des corps, croyant posséder l’âme d'Alexandre, ou plutôt qu'il était lui-même Alexandre dans un autre corps. Mais tout à coup il reçut un dard qui s'enfonça dans son côté ; cette blessure mit fin à sa vie. Qui lança cette flèche ? On. l’ignoré encore ; mais les uns pensent que ce fut un des esprits invisibles, d'autres, que ce fut un. berger ismaélite : quelques-uns disent que c'était la main d'un soldat abattu par la faim et les fatigues de la route. Que ce soit un homme ou bien un ange, il fut évidemment l’instrument de Dieu. Calixte, un de ses familiers, dit qu'il fut frappé par le démon.

III. L'institution de cette fête eut lieu à l’occasion de l’invention du chef de saint Jean en ce jour. Au XIe livre de l’Histoire ecclésiastique, il est écrit que saint Jean fut détenu et décapité dans un château de l’Arabie nommé Machéronte. Mais Hérodiade fit apporter la tête du saint à Jérusalem où elle la fit

 

* Socrate, Hist. ecclés., I. III, c. XVII ; — Sozomène; Nicéphore, l. X, c. XXXII-XXXIII.

 

538     

 

enterrer avec soin auprès de la maison d'Hérode, dans la crainte que ce prophète ne ressuscitât, si son chef était enterré avec son corps. Or, du temps de Marcien, en 153, saint Jean révéla où était sa tête à deux moines venus à Jérusalem. Ils allèrent en toute hâte au palais qui avait appartenu â Hérode, et trouvèrent le précieux chef enveloppé dans des sacs de poils de chèvre provenant, je pense, des habits dont saint Jean était revêtu dans le désert. Durant le trajet qu'ils firent pour retourner en leur pays avec ce trésor, un potier de la ville d'Emèse, vivant de son métier, se joignit à eux. Or, tandis que cet homme portait la besace qu'on lui avait confiée, et dans laquelle se trouvait. le saint chef, ce dont il avait été averti la nuit par saint Jean, il se déroba de ses compagnons, et s'en vint à Emèse avec cette relique, qu'il y garda avec respect dans un trou profond tout le temps qu'il vécut: dès lors ses affaires prospérèrent extraordinairement. Etant près de mourir, il révéla son secret à sa soeur en toute confiance, et ses héritiers en firent autant les uns aux autres. Longtemps après, saint Jean révéla. à un saint moine, nommé Marcel, habitant la même caverne, que sa tête s'y trouvait. Le fait se passa de la manière suivante Pendant son sommeil il lui semblait qu'une grande foule s'avançait et disait : « Voici que saint Jean-Baptiste vient. » Il vit ensuite le saint. conduit par deux personnages, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche. Or, tous ceux qui s'approchaient recevaient une bénédiction. Marcel s'étant approché se prosterna à ses pieds, mais le saint précurseur le fit lever, et le prenant par le menton, il lui donna le baiser de paix. (539) Alors Marcel lui demanda: « Seigneur, d'où: êtes-vous venu chez nous?» Saint Jean répondit: « De Sébaste.» Quand Marcel fut éveillé, il fut fort étonné de cette vision; mais une autre nuit qu'il dormait, quelqu'un vint le réveiller; après quoi, il vit une étoile brillante arrêtée sur la porte de sa petite cellule. Il se leva et voulut la toucher, mais elle se posa ailleurs. Alors il suivit l’étoile jusqu'à ce qu'elle se fût arrêtée à l’endroit où se trouvait la tête de Jean-Baptiste. Il y fouilla, trouva une urne contenant ce saint trésor. Quelqu'un, qui n'en croyait rien, mit la main sur l’urne, niais à l’instant sa main se sécha et resta attachée au vase. Alors ses compagnons s'étant mis en prières, il put retirer sa main, mais elle resta paralysée. Or, saint Jean lui apparut et lui dit: « Quand on déposera mon chef dans l’église, tu toucheras l’urne et tu seras guéri. » Il le fit, et fut guéri entièrement. Marcel rapporta ces événements à Julien, évêque d'Emèse. Ils prirent la tète et la transportèrent dans la ville. A partir de cette époque, l’on commença en cette ville à célébrer la décollation de saint Jean au jour, où, pensons-nous, le chef fut trouvé ou élevé, selon ce qu'en dit l’Histoire scholastique. Dans la suite on en fit la translation à Constantinople.

D'après l’Histoire tripartite (l. IX, c. XLIII), l’empereur Valens ordonna que le saint chef fût mis sur un char et transporté à Constantinople ; mais arrivé auprès de Chalcédoine, on ne put faire avancer le char, quels qu'aient été les moyens employés pour aiguillonner et presser les boeufs. On fut donc forcé de laisser là le chef. Mais, dans la suite, comme Théodose voulait (540) l’enlever, il pria la vierge, aux soins de laquelle il était confié, de lui permettre de l’emporter. Elle y voulut bien consentir, dans la persuasion que, comme du temps de Valens, il ne se laisserait pas emporter. Alors le pieux empereur enveloppa le chef dans de la pourpre et le transporta à Constantinople où il lui fit bâtir la plus belle des églises. De là, il fut peu de temps après transporté à Poitiers dans les Gaules, sous. le règne de Pépin. Plusieurs morts y furent ressuscités par ses mérites. — Or, de même qu'Hérode, qui avait fait couper la tête à saint Jean et que Julien qui brûla ses os, furent punis, de même aussi Hérodiade, qui avait suggéré à sa fille de demander la tête de Jean, reçut la punition de son crime, ainsi que la fille qui avait fait la demande. Quelques-uns disent qu'Hérodiade ne mourut pas en exil comme elle y avait été condamnée, mais alors qu'elle tenait dans les mains la tète de saint Jean, elle se fit un plaisir de l’insulter; or, par aine permission de Dieu, cette tète elle-même lui souffla au visage, et cette méchante femme mourut aussitôt. C'est le récit du vulgaire ; mais ce qui a été rapporté plus haut, qu'elle périt misérablement en exil avec Hérode, est affirmé par les saints dans leurs chroniques : et il faut s'y tenir. Quant à sa fille, elle se promenait un jour sur une pièce d'eau gelée dont la glace se brisa sous ses pieds, et elle fut étouffée à l’instant dans les eaux. On lit cependant dans une chronique qu'elle fut engloutie toute vive dans la terre. Ce qui peut s'entendre, comme quand on parle des Egyptiens engloutis dans la mer Rouge, on dit avec l’Ecriture sainte : « La terre les dévora. »

 

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IV. La translation de son doigt et la dédicace de son église. On dit que le doigt avec lequel saint Jean montra le Seigneur ne put être brûlé. C'est pour cela que ce doigt fut trouvé par les moines dont il a été parlé. Dans la suite sainte Thècle le porta au delà des Alpes et le déposa dans une église dédiée à saint Martin*. Ceci est attesté par Jean Belette qui dit que sainte Thècle apporta ce doigt, qui n'avait pu être brûlé, des pays d'outre-mer en Normandie** où elle fit élever une église en l’honneur de saint Jean. On assure que cette église fut dédiée à pareil jour. C'est ce qui a porté le souverain Pontife à faire célébrer en ce jour cette fête dans l’univers entier. — Dans une ville des Gaules nommée Maurienne ***, se trouvait une dame remplie de dévotion envers saint Jean-Baptiste elle priait Dieu avec les plus grandes instances pour obtenir quelqu'une des reliques de saint Jean. Mais comme elle voyait que ses prières n'étaient pas exaucées, elle prit la confiance de s'engager avec serment à ne point manger, jusqu'à ce qu'elle eût reçu ce qu'elle demandait.

Après avoir jeûné pendant quelques jours, elle vit 'sur l’autel un pouce d'une admirable blancheur, et elle recueillit avec joie ce don de Dieu. Trois évêques étant accourus à 'l’église, chacun d'eux voulait avoir une parcelle de ce pouce, quand ils furent saisis de voir couler trois gouttes de sang sur le linge où

 

* Les éditions plus modernes disent saint Maxime.

** J. Beleth dit la Mauritanie, c. CXLVII.

*** Saint-Jean de Maurienne ainsi nommée à cause des miracles de saint Jean-Baptiste.

 

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était placée la relique, et ils s'estimèrent heureux d'en avoir obtenu chacun une *.

Théodoline, reine des Lombards, fit élever et dota à Modoetia, près de Milan, une grande église en l’honneur de saint Jean-Baptiste. Dans la suite du temps, d'après le témoignage de Paul **, Constantin; aussi bien que l’empereur Constance, voulant soustraire l’Italie à la domination des Lombards, demanda à un saint homme, doué de l’esprit de prophétie, quelle serait l’issue de la guerre. Celui-ci passa la nuit en prière et le lendemain matin,. il répondit : « La reine a fait construire une église à saint Jean-Baptiste qui intercède continuellement pour les Lombards, et c'est pour cela qu'ils ne peuvent être vaincus. II viendra cependant un temps que ce lieu sera méprisé et alors les Lombards seront vaincus.» Ce qui fut accompli au temps de Charles. — Il est rapporté par saint Grégoire ***, qu'un homme d'une grande sainteté, nommé Sanctulus, avait reçu en sa garde un diacre pris par les Lombards, sous la condition que si ce diacre s'enfuyait, il serait, lui, condamné à perdre la tête. Sanctulus força le diacre à s'enfuir et à recouvrer la liberté. Alors Sanctulus fut conduit au supplice; et pour l’exécution on choisit le bourreau le plus robuste qui pourrait, sans le moindre doute, trancher la tête d'un seul coup. Sanctulus avait présenté son cou et le bourreau avait levé l’épée avec le bras de toute sa force, quand le patient dit : « Saint Jean, recevez-le. » A l’instant,

 

* Saint Grégoire de Tours, De gloria martyr., 1. I, c. XIV.

** Histoire des Lombards, l. V, c. VI.

*** Dialogues, l. III, c. XXXVII.

 

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le bras du bourreau se roidit et resta immobile avec l’épée en l’air; il fit alors le serment de ne frapper désormais plus aucun chrétien ; alors l’homme de Dieu pria pour lui et aussitôt il put baisser le bras.

 

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