Abbaye de Jouarre
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Abbaye de Jouarre

 

 

PIECES CONCERNANT
L'ÉTAT DE L'ABBAYE DE JOUARRE

 

PIECES CONCERNANT  L'ÉTAT DE L'ABBAYE DE JOUARRE

FONDATION DU MONASTÈRE DE JOUARRE.

PREMIÈRE PIÈCE.

DEUXIÈME PIÈCE, DE L'AN DC L,

TROISIÈME PIÈCE, DU MÊME TEMPS,

REMARQUES SUR LA FONDATION.

LA DÉPENDANCE DU MONASTÈRE DE JOUARRE.

QUATRIÈME  PIÈCE,

CINQUIÈME PIÈCE,

SIXIÈME PIÈCE, DE L’AN  M.  C. LXIII,

SEPTIÈME PIÈCE, DE L’AN M. C. LXXXIII,

HUITIÈME PIÈCE, DE L'AN M. CC. III,

NEUVIÈME PIÈCE, DE MÊME DATE

FAITS RÉSULTANTS  DES  PIÈCES PRÉCÉDENTES.

DIXIÈME PIÈCE, DE  L'AN M. CC IV,

Moyens de fait et de droit résultants de cette pièce.

ONZIÈME  PIÈCE,  DE L’AN M. CC. VI,

DOUZIÈME PIÈCE, DE  L'AN  M.  CC.  VI,

TREIZIÈME PIÈCE,

FAITS RÉSULTANTS DE  CE CHAPITRE.

MOYENS  DE DROIT  RÉSULTANTS DE CES  FAITS.

QUATORZIÈME ET QUINZIÈME PIÈCES.

SEIZIÈME  PIÈCE, DE L’AN M. CC. XXV.

FAITS  RÉSULTANTS  DE CETTE  PIÈCE.

MOYENS  D'ABUS  ET DE DROIT  RÉSULTANTS  DE CES  FAITS.

Sur le Cartulaire de Meaux.

CHANGEMENT DE DISCIPLINE  ET MODÉRATION DES EXEMPTIONS

Décret du concile œcuménique de Vienne dans la Clémentine Attendentes : De statu monachorum.

Le même traduit en français.

Décret du concile de Trente, session XXV, De reformatione, cap. IX.

Le même traduit en français.

REMARQUES. ; § I. ; § II.  ; § III.

REMARQUES.

BREFS APOSTOLIQUES,

Bref adressé aux sieurs Boust et Vinot, docteurs de Sorbonne.

Bref adressé à M. l'archevêque de Paris.

ARRÊT DU  CONSEIL  D'ÉTAT  SUR LE DERNIER BREF.

REMARQUES.

MÉMOIRE POUR  MESSIRE JACQUES-BÉNIGNE BOSSUET,

SUR  L'ARTICLE  XXVII  DE L'ORDONNANCE DE  BLOIS,  ET  SUR  LE  BREF  DE  L’ARCHEVÊQUE  DE PARIS.

Article XXVII de l'ordonnance de Blois.

Concilii Tridentini, sessione XXV, de Regularibus, cap. IX.

Bref d'Innocent XI à M. l'archevêque de Paris.

Arrêt de 1631.

Le bref d'Hière.

Réponse aux actes de possession concernant l'exemption.

Réponse de M. l'évêque de Meaux à la sentence arbitrale du cardinal Romain, et à la possession prétendue de la juridiction épiscopale sur le clergé et sur le peuple de Jouarre.

Réponse à la collation de la cure.

Réponse à la possession de la juridiction épiscopale.

SOMMAIRE DE LA CAUSE.

PROCÉDURE.

DEUX MOYENS  DU  FOND.

PREMIER MOYEN. Que le monastère de Jouarre n'a aucun privilège.

SECOND MOYEN. Quand les religieuses auraient un privilège, il est révoqué.

ARRÊT DE LA COUR DE PARLEMENT,

PROCÈS-VERBAL DE VISITE.

ORDONNANCE DE VISITE. : I. ; II.  ; III.  ;  IV. V.  : VI.  ; VII. ; VIII. ; IX.  ; X.

 

 

PIECES CONCERNANT
L'ÉTAT DE L'ABBAYE DE JOUARRE

 

Pour Messire Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Meaux,
contre Révérende dame Henriette de Lorraine, abbesse de Jouarre.

 

FONDATION DU MONASTÈRE DE JOUARRE.

 

PREMIÈRE PIÈCE.

 

Sainte Théodéchilde a été la première abbesse de Jouarre. Il n'y a nulle mention de privilège dans sa vie imprimée par les PP. Bénédictins (1). Il est encore parlé de cette fondation dans les pièces suivantes.

 

DEUXIÈME PIÈCE, DE L'AN DC L,

 

Tirée de la vie de saint Agile, abbé de Rebais (2).

 

Horum fratrum major natu, Ado nomine, semet cum propriis voluptatibus ac copiis abdicavit, verùm etiam in proprio solo intra Jorani saltûs arva, ope fratris venerabilis videlicet Audoeni, super amnem Maternam monasterium œdificavit, cui Jotrum nomen imposuit atque ex rébus propriis fecundissimè dilavit : in quo etiam monastice secundum B. Columbani instituta, unà cum catervâ præclarœ religionis, superno Régi Christo militavit.

 

TROISIÈME PIÈCE, DU MÊME TEMPS,

 

Tirée de la Vie de saint Faron, évoque de Meaux, écrite sous le règne de Charles le Chauve, par Hildegar aussi évêque de Meaux (3).

 

Quorum major natu, Ado nomine, semet cum suis voluptatibus abdicavit, postque intra Jotri saltum monasterium ex beati régula Columbani construxit.

 

REMARQUES SUR LA FONDATION.

 

Il est constant que c'est là tout ce qu'on a de la fondation de

 

1 Act. Ord. S. Bened., auct. D. Joh. Mabillon., saec. II, p. 486 — 2 Ibid. p. 321. 3 Ibid., p. 612.

 

496

 

Jouarre. Il n'y paraît aucun privilège; et loin que cette fondation ait été royale dans son origine, on voit qu'Ado, un particulier, a fondé ce monastère dans ses terres et l'a doté de ses propres biens : In proprio solo, atque ex rebus propriis.

Quand cette fondation seroit royale, elle ne le seroit pas à plus juste titre que celle des monastères de Sainte-Croix de Poitiers et de Chelles, où deux grandes reines, sainte Radégonde et sainte Bathilde ont pris l'habit de religieuses, après les avoir fondés avec une magnificence royale; et néanmoins ces deux abbayes sont soumises à l'ordinaire dès leur origine. Celle de Jouarre ne doit pas se croire plus privilégiée que ces deux-là ; ni que saint Faron lui ait accordé plus de privilège qu'au monastère de sa sœur sainte Fare, à qui il est bien constant qu'il n'en a jamais donné aucun, et qui en effet est toujours demeuré soumis et l'est encore.

Quant aux privilèges du Saint-Siège, outre qu'il n'en est fait aucune mention, comme on a vu dans l'histoire de cette fondation, on sait d'ailleurs que les papes n'en accordaient alors qu'à regret, même aux monastères d'hommes ; et on ne croit pas qu'on en trouve aucun exemple pour les monastères de filles. Ainsi il est déjà très-constant que le monastère de Jouarre est soumis dans son origine, comme il le devait être naturellement, suivant les règles de l'Eglise et la pratique ordinaire de ces temps.

 

LA DÉPENDANCE DU MONASTÈRE DE JOUARRE.

 

Sous Honoré II, qui siégeait depuis l'an 1125 jusqu'à 1129.

 

QUATRIÈME  PIÈCE,

 

Tirée du Cartulaire de Meaux, d'où elle a été compulsée parties présentes ; et imprimée daus le Recueil des épitres d'Innocent III, de M. Baluze, l'an 1682, tome II, p. 296.

 

Epistola Honorii II, de subjectione monasteriorum Resbacensis et Jotrensis.

 

Honorius Episcopus servus servorum Dei, venerabili fratri Burcardo

 

497

 

Meldensi Episcopo(1) ejusque successoribus canonicè promovendis in perpetuum. In eminenti apostolicae Sedis spécula disponente Domino constitutif ex injuncto nobis officio fratres nostros Episcopos debemus diligere, et ecclesiis sibi à Deo commissis suam debemus (2) justitiam conservare. Proindè,charissime in Christo frater Burcarde Episcope Meldensis Ecclesiœ, cujus à Deot ibi cura commissa est, salubriter nostrâ sollicitudine providentes, statuimus, ut omnes tam clerici quàm laici in villa Resbaceosi et Jotrensi commorantes, Meldensi Ecclesiœ jure parochiali subjaceant, et ea quœ de eis ad jus parochiale pertinent, tibi tuisque successoribus et illibata serventur. Decernimus etiam ut abbas Resbacensis, Jotrensis abbatissa canonicam tibi tuisque successoribus obedientiam persolvant. Benedictio quoque eorum, sicut per tuos antecessores hactenùs celebrata constiterit, sic per te tuosque successores deinceps exhibeatur. Promotiones etiam monachorum ad ecclesiasticos ordiues per Meldensem administrentur Episcopum, si videlicet gratis eas sine pravitate voluerit exhibere, et gratiam apostolicœ Sedis habuerit. Si quis autem, quod absit, huic nostro decreto sciens contraire tentaverit, honoris et officii sui periculum patiatur, nisi præsumptionem suam dignà satisfactione correxerit. Datum Laterani, XVII kal. maii.

 

Ces mots, jure parochiciali et canonicam obedientiam, emportent la pleine soumission ; et il est constant par cette pièce que les monastères de Jouarre et de Rebais avec leurs paroisses, étaient dans une dépendance absolue.

 

Sous Innocent II, qui siégeait en 1130 jusqu'à 1143.

 

CINQUIÈME PIÈCE,

 

Imprimée par M. Petit, tom. II, p. 673, du Pénitentiel de Théodore de Cantorbéry. Ou s'en est servi pour favoriser l'exemption de Jouarre; mais elle prouve le contraire.

 

Ex compositione ab Hugone Antissiodorensi Episcopo et Gaufrido Cathalaunensi factâ, ex pracepto Innocentii II, inter Ecclesiam Meldensem et Farense monasterium.

 

Ex Cartulario Farensis monasterii.

 

Deliberavimus quòd sacerdos Farensis monasterii populum recturus de manu Meldensis Episcopi curam totius parochia; tam clericorum quàm laicorum suscipiet, chrisma quoque et aquam reconciliationis ecclesiarum, si violatae fuerint, ab Ecclesia Meldensi requiret. Sanè

 

1 Ce n'était donc pas on privilège pour la personne, mais un droit du siège — 2 C'est donc justice et droit, et non privilège.

 

498

 

sacerdos ille, si quâ culpâ (1) fuerit notatus, prima vice mandabit Episcopus abbatissa ut consilio clericorum suorum corrigat eum : si autem posteà crebuerit eadem infamia atque succreverit, tunc Episcopus per abbatissam statuet diem,  quo veniens Episcopus in capituum sanctœ Farœ, per se sacerdotem illum judicabit, et si ei visum fuerit, deponet. Porrò si culpa sacerdotis per pœnitentiam et per pecuniam debeat puniri, Episcopus impone sacerdoti pœnitentiam, sed Farensis ecclesia retinebit pecuniam. Sic de omnibus parochianis statutum est, ut si quœ libet eorum culpa mulctatur per pecuniam, semper ecclesia Farensis habebit eam; sed paroebianos suos ducet sacerdos ad Episcopum propter suorum criminum pœnitentiam. Tandem si sacerdos ille venerit ad synodum Meldensem, an non venerit, statuera supersedimus, quoniam audivimus sacerdotes Jotrensem et Resbacensem qui (2) similiter curam de manu Episcopi suscipiunt, nunquàm sedisse nec etiam ad synodum venisse, et hoc ecclesias illas ex antiquissimà consuetudine tenuisse, etc.

 

Sous Alexandre III, qui siégeait depuis 1160 jusqu'à  1181.

 

SIXIÈME PIÈCE, DE L’AN  M.  C. LXIII,

 

Tirée du Cartulaire de Meaux, compulsée et imprimée par M. Baluze, tome II des épîtres d'Innocent III p. 296

 

Epistola Alexandri III,  quâ confirmât superiores Honorii II litteras.

 

Alexander Episcopus, servus servorum Dei, venerabili fratri Stephano Meldensi Episcopo, ejusque successoribus canonicè substituendis in perpetuum. In eminenti apostolica; Sedis spécula, etc., ut in illâ Honorii, usque : Proindè, charissime in Christo frater Stephane, Meldensi Ecclesia, cujus à Deo tibi cura commissa est, salubriter providentes, ad exemplar sanche recordationis patris et prædecessoris nostri Honorii Papœ, statuimus, ut omnes tam clerici quàm laici in villa Resbacensi et Jotrensi commanentes, Meldensi Ecclesiœ jure parochiali subjaceant, etc.; ut in illâ Honorii, usque : Si quis autem contra hanc nostrœ consti-tutionis paginam venire præsumpserit, secundo tertiôve commonitus, nisi temeritatem suam congruâ satisfactione correxerit, potestatis honorisque sui dignitate careat, et à sacratissimo corpore ac sanguine Dei ac

 

1 Cet endroit fait voir quelle sorte de juridiction pouvaient avoir les abbesses sur les ecclésiastiques; elle n'était qu'économique, temporelle et eu choses légères; mais c'est sur ce fondement que quelques-unes ont tâché de l'étendre. — 2 Cet endroit est remarquable, parce qu'il l'ait voir que le curé de Jouarre prenait de l'évêque de Meaux curam animarum, aussi bien que celui de Fare-monslier, qui est constamment pleinement soumis comme tous les autres curés; et on verra que ce droit n'a point été ôté à l'évêque, même par la sentence arbitrale.

 

499

 

Domini nostri Jesu-Christi alienus fiât, atque in extremo examine districtœ ultioni subjaceat. Conservantibus autem hœc sit pax Domini nostri Jesu-Christi ; quatenùs et hic fructum bonœ actionis percipiant, et apud supremum Judicem gaudia œternœ pacis inveniant. Amen. Data Turonis, anno M. C. LXIII.

 

Cette constitution d'Alexandre III est la répétition et confirmation de celle d'Honoré II, et on y peut faire les mêmes remarques.

Les évêques obtenaient alors de semblables concessions des papes, parce que les monastères commençaient à être inquiets et à se vouloir rendre indépendants, comme il est constant par l'histoire.

 

Sous Luce III, qui tint le siège depuis 1181 jusqu'à 1186.

 

SEPTIÈME PIÈCE, DE L’AN M. C. LXXXIII,

 

Tirée du Cartulaire de Meaux, compulsée et imprimée tom. Il du Pénitentiel de Théodore, p. 715.

 

Epistola Willehni, Remôrum Archiepiscopi, de honore et reverentiâ et de omni jure quod Eustathia Abbatissa Ecclesias Jutrensis promisit semper se exhibituram Episcopo Meldensi.

 

Willelmus, Dei gratiâ Remorum Archiepiscopus, sanctœ Romanœ Ecclesiœ titulo Sanctœ Sabinœ cardinalis, apostolicœ Sedis legatus  universis fidelibus tam futuris quàm præsentibus, ad quos litterœ istœ pervenerint, in Domino salutem. Noverit universitas vestra, quod cùm inter venerabilem fratrem nostrum Simonem Meldensem Episcopum et Ecclesiam Jotrensem super benedictione abbatissam, et aliis consuetudinibus quœstio verteretur ; tandem inter eos nobis mediantibus compositio facta est in hunc modum : Eustathia abbatissa, assensu (1) capituli sui in præsentiâ nostrâ publiée Meldis recognovit Meldensem Episcopum esse suum (2), et Villa; Jotrensis Episcopum ; et electam Jotrensem non debere benedici, nisi ab eo : nec etiam clericos Jotrenses ordinari, nisi per ipsum. Promisit etiam se Meldensi Episcopo exhibituram (3) omnem honorem

 

1 On a voulu dire que  l'abbesse de  Jouarre s’était trouvée par hasard à Meaux: mais ces mots font voir qu'elle y était venue exprès du consentement de son chapitre, avec un légitime pouvoir. — 2 La contestation n'était pas sur le territoire, mais sur la sujétion; et c'est en cela que  l'abbesse reconnaît l'évêque de Meaux pour son évêque. — 3 Les mots suivants renferment toute la juridiction, et il paraît que l’évêque en était en possession : ce que les paroles suivantes marquent encore mieux.             

 

500

 

et reverentiam et omne jus, et omne debitum, quod prædecessores sui antecessoribus ipsius Episcopis (1) exhibuerunt; et insuper processiones, primam videlicet post Episcopi consecrationem et caeteras quoties Episcopus à Romanâ Sede redierit. Huic igitur compositioni per nos factae testimonium perhibuimus;sigilli nostri munus apposuimus. Actum anno ab incarnatione Domini (2) M. C. lXXXIII. Datum per manum Lambini Cancellarii nostri.

 

Contestation sous Innocent III, qui siégea depuis 1198 jusqu'à 1216.

 

HUITIÈME PIÈCE, DE L'AN M. CC. III,

 

Tirée du même Cartulaire, compulsée et imprimée tome II du Pénitentiel de Théodore, p. 713, et par M. Baluze, tom. II des épitres d'Innocent III, p. 290.

 

Sententia ab Innocentio III lata contra presbyterum de Jotro, qui audito Episcopi mandato in vocem appellationis proruperat.

Innocentius Episcopus, servus servorum Dei, venerabili fratri Parisiensi Episcopo, et dilecto filio Abbati Laliniacensi, saluleni et apostolicam benedictionem. Conquerente venerabili frafre nostro Meldensi (3) Episcopo, nostris est auribus intimatum, quòd Hugo presbyter sancti Pétri Jotrensis, licet à (4) prædecessore suo curam susceperit animarum, et ei teneatur super hoc respondere, monitus ab eo ad præsentiam ejus venire contempsit, et audito ejus mandato statim in vocem appellationis prorupit; quod (5) multis jam annis elapsis non fuit per se vel per alium persecutus. Quocirca discretioni vestrae per apostolica scripta mandamus : quatenùs eumdem presbyterum, ut super hoc ipsi episcopo débitant satisfactionem impendat, et deinceps mandatis illius obedial ut tenetur, per censuram ecclesiasticam, appellatione remotà, cogalis : testes notent qui nominati fuerinl, si se gratià, odio vel terrore subtraxerint, per districtionem ecclesiasticam (6) appellatione postposità compellatis veritati testim onium perbibrre, nullis lilteris veritati et justifiai præjudicium facientibus, si quœ apparuerint à Sede apostolica impetratae. Quòd si non ambo his exequendis potueritis interesse, tu, frater Episcope, ea

 

1 On a vu par les constitutions d'Honoré II et Alexandre III, qu'on leur rendort une pleine obéissance.— 2 Remarquez que jusqu'à 1183, il n'y avait point de privilège. — 3 C'était Anseau, qui tint le siège depuis 1200 jusqu'à 1208. — 4 On voit par là que le curé de Jouarre recevait son institution et la cure de âmes, curum animarum, de l'évêque de Meaux, et lui demeurait soumis; ce qui venait de plus haut et de toute antiquité, puisqu'il paraît pur la pièce V, ci-dessus, que le droit de l'évêque lui avait été conservé de tout temps. — 5 Remarquez le mauvais droit de ce curé rebelle qui avait abandonné son appel — 6 Le pape ordonne qu'on procède nonobstant appel, comme dans une chose qui ne recevait point de difficulté.

 

501

 

nihilominùs exequeris. Datum Lateran., X. kialend. junii, pontilicatûs nostri anno quinto.

 

C'est ici la première commission d'Innocent III, adressée à Odon de Sulli, évêque de Paris, et à l'abbé de Lagny, contre le curé de Jouarre ; et on en va voir une semblable adressée aux mêmes, et. de même date contre l'abbesse, le clergé et le peuple.

 

Sous le même Innocent III.

 

NEUVIÈME  PIÈCE, DE MÊME DATE,

 

Tirée du même Cartulaire, compulsée et imprimée tome II du Pénitentiel de Théodore, p. 714, et par M. Baluze, tome II des épitres d'Innocent 111, p. 290.

 

Sententia ab Innocentio III lata pro auctoritate Episcopi adversùs abbatissam, clerum et populum Jotreum, sublato appellationis diffugio.

 

Innocentius Episcopus, servus servorum Dei, venerabili fratri Pari-siensi Episcopo, et dilecto filio abbati Latiniacensi, salutem et apostolicam benedictionem. Sicut venerabilis frater noster Meldensis Episcopus in nostrâ præsentià constitutus suâ nobis conquestione monstravit, quòd abbatissa Jotrensis obedientiam (1) quam debet impendere cum clericis etiam et hominibus ejusdem villœ ipsi Meldensi Episcopo suo renuit obedire. Ne igitur, si eorum inobedientia remaneat incorrecta, eis incentivum pariât delinquendi ; discretioni vestrœ per apostolica scripta mandamus, quatenùs abbatissam, clericos et laicos suprà dictos, ut super hoc memoralo Episcopo debitam (2) satisfactionem impendant ; ac deinceps eidem sicut Episcopo suo, prout tenentur, obedientiam exhibeant et honorem, per districtionem ecclesiasticam sublato appellationis diffugio justitiâ mediante cogatia : testes autem qui nominati fuerint si se gratià, odio vel timoré subtraxerint, per districtionem ecclesiasticam (3) appellatione postposità compellatis veritati testimonium perhibere, nullis lilteris veritati et justifiœ præjudicium facientibus, si quœ apparuerint à Sede apostolica impetratae. Quòd si non ambo his exequendis potueritis interesse, tu, frater Episcope, ea nihilominùs exequaris. Datum Lateran., X kalend. junii, pontificatûs nostri anno quinto.

 

1 L'évêque énonce que l'abbesse lui devait une pleine obéissance, et la vérité de l'énoncé est démontrée par toutes les pièces précédentes. — 2 Jusqu'ici l'évêque jouit de tout son droit, et on punit les désobéissants. — 3 Remarquez encore qu'on doit procéder contre les religieuses, comme contre le curé nonobstant appel.

 

502

 

FAITS RÉSULTANTS  DES  PIÈCES PRÉCÉDENTES.

 

1.  Que l'exemption de Jouarre n'a pas la faveur de celles qui sont ab origine, dès le temps de la fondation des abbayes.

2.  Que loin d'être millénaire, elle n'était pas en 1183 : par la pièce vu.

3.  Qu'elle ne pouvait avoir que quinze ans au plus à l'exaltation d'Innocent III, n'y en ayant pas davantage depuis 1183 jusqu'à 1198, où ce pape fut élu.

4.  Que sous ce pape l'évêque était maintenu en pleine juridiction , du moins jusqu'à la cinquième année de son pontificat, qui était l'an 1203, sans qu'il parût aucune exemption.

5.  Qu'on ne saurait dire quand , ni comment elle est née.

 

Sous le même Innocent III.

 

DIXIÈME PIÈCE, DE  L'AN M. CC IV,

 

Tirée du même Cartulaire, compulsée et imprimée par M. Baluze, tome II des épitres d'Innocent III, p. 291, et produite dans le factum de Jouarre.

 

Dilectis filiis Longipontis Suessionensis et sancti Justi Belvacensis diœcesum Abbatibus, et Magistro G. Archidiacono Suessionensi.

 

In nostrâ præsentià constituas dilectus filius venerabilis fratris nostri Meldensis Episcopi procurator proposuit coràm nobis, quòd cùm Jotrense Monasterium (1) à sua: fundationis tempore fuerit Ecclesiaj Meldensi subjectum, ita quòd Meldensis Episcopus tam in benedictione et (2) obedientià abbatissœ, quàm consecratione altarium et ecclesiarum, vela-tione virginum, clericornm ordinatione, procurationibus, pœnitentiis imponendis pro majoribus criminibus ac aliis in monasterio ipso et villâ Jotrensi, episcopalem jurisdictionem (3) consueverit exercere, abbatissa quœ monasterio modo præest, debitam ei obedientiam et reverentiam, et procurationes quœ ipsi et præedecessoribus ejus fuerunt exhibîtœ denegans, presbyterum etiam, clericos et laicos villœ Jotrensis ab ejus obedientiâ revocavit : cùmque propter hœc idem Episcopus suam ad nos

 

1 L'évêque énonce que le monastère de Jouarre est soumis dès son origine, et la vérité de l'énoncé se démontre par toutes les pièces précédentes. — 2 Remarquez la profession de l'obéissance de l'abbesse à sa bénédiction; ce qui est conforme à la pièce vu, ci-dessus. — 3 Remarquez encore que l'évêque était en pleine possession de toute la juridiction, tant sur le monastère que sur le cierge et le peuple; ce qui est confirmé par toutes les pièces précédentes.

 

503

 

querimoniam destinasset, venerabili fratri nostro Parisiensi Episcopo et dilecto filio Abbati Latiniacensi causam (1) commisimus terminandam. Coràm quibus cùm restitutionis beneficium super abbatissa; obedientiâ et jurisdictione quam prædecessores ejus in monasterio et villâ Jotrensi exercuerant, postulasset ; procurator monasterii et hominum villa; prædicta; multa proposuit contra cum, qua; quoniam judices reputarunt (2) frivola sicut erant, procurator ipse ad nostram audientiam appellavit. Judices verô appellationi frustratoriœ nullatenùs deferentes, præsertim cùm per litteras nostras sublatum fuisset partibus (3) diffugium appellandi, in abbatissam (4) excommunicationis, et tam clerum quàm populum villa; Jotrensis interdicti sententias protulerunt, et mandaverunt postmodùm utramque senlentiam per vicinas ecclesias publicari. Sed nec abbatissa se (5) pro excommunicatù habuit, nec clerus et populus interdicti sententiam servarunt. Verùm quoniam eos citare cœperunt (6), aliqui vicinorum per nuntios ad Sedem apostolicam destinatos ad venerabilem fratrem nostrum Cathalaunensem Episcopum tunc electum, et dilectum lilium Abbatem Trium-Fontium sub certà forma (7) litteras impetrarunt : qui, licet pars monasterii (8) nullam exceptionum probaverit quas proposuerat coràm nobis, prædictam sententiam relaxarunt, certum terminum partibus præfigentes quo se nostro conspectui prasentarent. Petebat igitur procurator Episcopi pro Episcopo memorato ante omnia beneficium sibi restitutionis impendi, cùm non deberet causam ingredi spoliatus, et canonicè tam abbatissam quàm clericos et laicos Jotrensis villœ puniri, quia latam in se sententiam non servarant. Cœterùm procurator partis alterius proposuit ex adverso, quod cùm monasterium Jotrense (9) plenâ gaudeat libertate, ac in villa Jotrensi tam

 

1 Ces commissions d'Innocent III sont rapportées ci-dessus, pièces VIII et IX. — 2 On voit par cet énoncé que les juges délégués jugèrent frivole l'appellation des religieuses et de la ville de Jouarre. et tout ce qu'on alléguait pour la soutenir. — 3 Les délégués avaient raison de procéder nonobstant appel, selon les termes de leur commission, dans les pièces VIII et IX. — 4 L'abbesse est excommuniée, et le clergé et le bourg interdits par les délégués, selon les tenues de leur commission, aux mêmes pièces VIII et IX. —  5 on voit par là l'attentat manifeste du monastère et du bourg de Jouarre, qui ne déférèrent point à l'excommunication et à l'interdit, quoique le pape eût ordonné qu'on procéderait nonobstant appel. — 6 Les religieuses sentaient en leur conscience leur cause si mauvaise, qu'elles n'osaient paraître à Rome par elles-mêmes, et ce furent leurs voisins qui y eurent recours pour elles : aliqui vicinorum. — 7 C'est ici la commission d'où le chapitre Ex parte a été tiré, et dont il sera parlé dans la pièce XIV; ce qui paraît par l'adresse et par le contenu de ce chapitre, conforme de mot à mot à ce qui en est rapporté ici. — 8 Cet endroit fait voir encore combien était juste la sentence des premiers délégués, qui étaient l'évêque de Paris et l'abbé de Laguy, contre les religieuses de Jouarre, puisque ces religieuses ayant proposé contre eux diverses exceptions devant le pape il est constant par cet endroit qu'elles n'en avaient prouvé aucune, en sorte qu'elles n'avaient raison en rien. — 9 Les religieuses énonçaient deux choses : la première, leur pleine exemption; la seconde, leur pleine juridiction spirituelle et temporelle sur le bourg de Jouarre; mais ce dernier est faux manifestement, comme on le verra ci-dessous par leurs propres pièces. On pourrait juger par là de la vérité de leur première allégation, quand elle ne serait pas contraire à toutes les pièces précédentes.

 

504

 

spiritualem quàm temporalem jurisdictionem habeat abbatissa,  sicut prædecessorum nostrorum privilegia Monasterio concessa Jotrensi pleniùs manifestant, prædictus Episcopus (1) non ignarus eorum monasterium et Villam Jotrensem per litteras ad prædictos judices impetratas graviter molestavit.  Coràm quibus per procuratorem  propriœ pars eadem constituta (2), non contestando litem, sed excipiendo potiùs contra eos, libertatem suam et jus Sedis apostolicœ (3) allegavit, adjiciens quòd cùm venerabilis frater noster (4) Hostiensis Episcopus, tunc apostolicœ Sedis legatus, ipsius privilegia cognovisset, electam à monialibus benedixerat abbatissam, et professionem ab eâ pro nobis et Ecclesià Romani receperat, et solitum etiam juramentum. Verùm cùm judices delegati et assessores eorum postulatas ab abbatissa, et...(5) inducias ad exhibenda libertatis privilégia denegassent, procurator earum ad Sedem apostolicam appellavit ; excipiens contra judices delegatos, quòd cùm pradictus Parisiensis Episcopus adversùs dilectum filium abbatem sanctas Genovefœ movisset similem quacstionem, erat ei de jure suspectus, cùm vix credibile videretur quòd aliam sententiam promulgaret quam vellet in simili pro se ferri. Prætereà cùm sine conjudice suo interloqui voluisset, licèt pars abbatissœ illum peteret expeclari, ex hoc quod notam surreptionis incurrerat apud ipsas et suum induxerat in suspicione col-legam, quem asseruit quidquid vellet ipse faclurum : insuper cùm de

 

1 On fait accroire à l'évêque qu'il n'ignorait pas les privilèges de Jouarre, bien qu'on n'en voie auparavant aucune mention, mais au contraire la pleine dépendance de ce monastère. — 2 On voit ici que les religieuses n'usaient que de chicane et de vains subterfuges, en proposant des exceptions contre l'évêque de Paris et l'abbé de Lagny, sans en pouvoir prouver aucune, comme il paraît par la remarque suivante. — 3 On voit bien que ces religieuses allèguent dès lors comme à présent leurs prétendus privilèges, sans les produire devant les juges et avec la partie, parce que la fausseté ou la nullité en auraient été trop facilement reconnues. — 4 Les religieuses tirent avantage de ce que le cardinal évêque d'Ostie avait béni leur abbesse, et avait reçu la profession de son obéissance pour l'Eglise de Rome; ce qu'il n'aurait point fait, disent-elles, si ce légat n'a voit connu leur privilège et leur exemption. Mais il n'y a rien à conclure de cette action du légat, qui est une entreprise manifeste, puisqu'il paraît, par les XIVe et XVe pièces, qu'encore en  1209 et jusqu'à 1220, les papes mêmes reconnaissaient que la bénédiction de l'abbesse appartenait à l'évêque de Meaux. On voit ici, comme ailleurs, que tout ce qui est favorable aux religieuses se fait par voie de fait et sans règle; on voit des allégations de privilèges qu'on suppose que d'autres ont vues, mais jamais le privilège même, qui est pourtant ce qu'il faudrait voir. — 4 Les religieuses de Jouarre fuient et chicanent toujours : si elles avaient eu un privilège aussi authentique qu'elles le prétendent, elles n'auraient pas demandé du temps pour le produire, et elles l'auraient produit d'abord; Jouarre n'est pas si éloigné de Paris ou des environs, où l'évêque de Paris et l'abbé de Lagny procédaient.

 

505

 

privilegiis apostolicœ Sedis nullam facerent mentionem, et per privilegia ipsa suam defenderet monasterium libertatem, non cogebatur ad prædictas litteras respondere. Cœterùm judices nec appellationi ad nos interpositœ, nec proposais exceptionibus déférentes, excommunicationis in abbatissam, et in clerum, et populum interdicti sententias protulerunt. Nuntiis ergo Jotrensis Ecclesiœ in nostrâ præsentiâ constituas, nobisque (1) privilegium apostolicum ostendentibus, per quod (2) constabat Jotrense Monasterium ad Romanam Ecclesiam specialiter pertinere, quia pro parte alterâ non comparebat sufficiens responsalis, licèt diutiùs fuerit expectatus, quamvis nuntius quidam simplex prædicti Parisiensis et conjudicis sui nobis litteras præsentasset, privilegium Ecclesià; Jotrensi concessum duximus innovandum, ita tamen quòd per innovationem ipsius nihil accresceret juris ipsi ultra id quod ei per antecessorum nostrorum privilégia fuerit acquisitum, cùm per hoc non novum jus ipsi concedere, sed antiquum vellemus potiùs conservare. Quia verô de prædictis exceptionibus nobis non poterat fieri plena fides, prædictis Cathalaunensi Episcopo et Abbati Trium-Fontium dedimus in mandatis, ut si pars Jotrensis Ecclesi œ illis vel aliis probandis instaret circa sententias memoratas, partibus convocatis, audirent quœ proponerentur utrinquè ; et si constaret sententias ipsas post appellationem ad nos legitime interpositam fuisse prolatas, denuntiarent eas sublato appellationis obstaculo non tenere : quòd si alias minus rationabiliter essent latœ, ipsas exigenle justitià revocarent, alioquin cùm propter contumaciam tantùm promulgatœ fuissent, tam ab abbatissa quàm ab aliis à quibus exigenda vidèrent, juratoriam reciperent cautionem, quod super iis ad mandatum apostolicum juri starent, et sic relaxarent sententias memoratas, ad majorem cautelam facientes idipsum, si abbatissa fugiens strepitum quœstionum, ab exceptionum suarum probatione cessaret. Ad haec (3), cùm nollernus ut de privilegiis Uonianoruin pontilicum alii de facili judicarent ; eisdem dedimus in mandatis, ut si de jure suo vellet Meldensis Episcopus experiri, præfigerent partibus terminum competentem, quo per se vel procuratores idoneos nostro se conspectui

 

1 Voici tout l'énoncé et tout le dispositif du chapitre Ex parte, comme il paraît par les termes de ce chapitre ci-après, pièce XIV; ce qui marque qu'il est antérieur à la pièce que nous rapportons à présent, et L'on verra de quelle conséquence est cette date.— 2 Comme c'est ici l'énoncé du chapitra Ex parte, on renvoie aux remarques qu'on fera sur ce chapitre ci-après, pièce XIV ; on remarquera seulement ici que les religieuses qui se contentent d'alléguer leur privilège avec la partie, ne le produisent que dans un temps où il n'y avait point de légitime contradicteur : Pro parte alterâ non comparebat sufficiens responsalis ; ou comme porte le chapitre même Ex parte : nullus apparuit idoneus responsalis qui partem defensaret adversam. — 3 On voit par toute la suite que la cause pour le fond était encore indécise, puisque le pape charge les commissaires de citer pour cela les parties devant lui, et de mettre l'affaire en état ; ce qui est important, comme on va voir.

 

 

506

 

præsentarent. Undè cùm abbatissa strepitum judiciorum evitans, exceptiones probare propositas noluisset, judices juxta mandatum apostolicum  procedentes, prædictas sententias relaxarunt. Cùm  ergo propter hoc mandaverimus partes ad nostram præsentiam destinari, quia judicari de privilegiis Sedis apostolicæ per alios nolebamus, et per privilégia, non  possessio,  sed proprietas potiùs demonstretur, procurator monasterii asserebat  quòd super proprietate venerat tractaturus, nec tenebatur super restitutionis articulo respondere (1). Præterea idem Episcopus mercato quodam confirmato Jotrensi Monasterio per Sedem apostolicam  illud temerè  spoliarat, cùm sub pœnâ excommunicationis inhibuit ne quis illud  prout solitum fuerat frequentaret : sic quod Jotrensi Ecclesiœ non modica damna intulerat et jacturas. Idem etiam Episcopus à quibusdam Jotrensis Ecclesiæ non modica, quos absolvere proprià temeritate præsumpserit, exegit, in monasterii præjudicium, juramentum, quod durante interdicto Jotrum de cætero non redirent. Nos igitur attendentes, quod etsi de privilegiis antecessorum nostrorum non mandaverimus, sed quodammodô inhibuerimus per alios judicari, volentes nobis eorum judicium reservare : quia tamen adjecimus ut si prædictus Episcopus de jure suo vellet forsitan experiri, præfigeretur partibus terminus quo se nostro conspectui præsentarent, et non tantùm ad proprietatem, sed etiam ad possessionem se habeat verbum juris, discretioni vestræ per apostolica scripta mandamus, quatenùs cùm lis tam super Episcopi spoliatione quàm impedimento fori coram nobis fuerit contestata, quae super præmissis proposita fuerint audiatis, et recipiatis appellatione remotâ tam instrumenta quàm testes, depositiones publicetis et examinetis legitime, ac si partes consensissent, ad sententiam procedatis; alioquin causant sufficienter instructam ad nos remittere procuretis, statuentes terminum competentem partibus quo recepturœ sententiam per se vel responsales idoneos nostro se conspectui representent. Testes autem qui fuerint nominati, si se gratià, odio et timore subtraxerint, per censuram ecclesiasticam, appellatione cessante, cogatis veritati testimonium perhibere, nullis litteris obstantibus præter assensum partium à Sede  apostolica impetratis. Quòd si non omnes iis exequendis potueritis interesse, duo vestrùm ea nihilominùs exequantur. Datum Anagniæ, XI kal. januar., pontificatùs nostri anno sexto.

 

Moyens de fait et de droit résultants de cette pièce.

 

1. Que l'évêque était en pleine possession de la juridiction, et que les religieuses ne faisaient que fuir et chicaner, n'osant

 

1 Il paraît par cet endroit qu'outre le différend pour le spirituel, il y avait des droits temporels  à débattre entre l'évêque et le monastère.

 

307

même d'abord par elles-mêmes avoir recours au Saint-Siège.

2.  Qu'elles allèguent des privilèges devant les juges délégués, sans oser les produire avec la partie, mais les montrant seulement lorsqu'il n'y avait aucun légitime contradicteur.

3. Que le privilège qu'on ne montre point encore à présent, n'a jamais été vu comme il faut, ni dans aucun jugement contradictoire.

4.  Que la date du chapitre Ex parte, qui contient la commission adressée à l'évêque de Châlons et à l'abbé de Trois-Fontaines, doit être entre la commission à l'évêque de Paris et à l'abbé de Lagny , et celle-ci qui est adressée aux abbés de Longpont et de Saint-Just.

5. Qu'il demeure démontré par là que si cette commission aux abbés de Longpont et de Saint-Just laisse l'affaire de l'exemption indécise dans son fond, à plus forte raison est-elle indécise par le chapitre Ex parte, qui la précédait : ce qui montre que ce chapitre n'a point été, comme on l'a prétendu, la décision ni un jugement définitif de la cause, par où est clairement renversé le principal fondement des religieuses, ce qui sera confirmé par toutes les pièces suivantes.

 

Sons le même Innocent III.

 

ONZIÈME  PIÈCE,  DE L’AN M. CC. VI,

 

Tirée du même Gartolaire, et imprimée par M. Baluze, tom. II des épîtres d'Innocent III, p. 292, et produite au factum de Jouarre.

 

Dilectis filiis Decano sancti Thomas Crispiacensis Silvanectensis Diœcesis, Germundo Canonico Suessionensi, et Magistro Gerardo de Sancto Dio-nysio Canonico Noviomcnsi.

 

Olim inter procuratores venerabilis fratris nostri Meldensis Episcopi, et dilectœ in Christo filiæ Abbatissæ Jotrensis, lite in auditorio nostro legitime contestatâ tam super obedientiâ quam dictus Episcopus ab eâdem abbatissa conquerebatur sibi esse subtractam in consecratione altarium, dedicatione ecclesiarum, velatione virginum, ordinatione clericorum, exhibitione procurationum, et pœnitentiis pro majoribus criminibus imponendis, ac aliis quæ in Monasterio et Villà Jotrensi Meldensis Episcopus consueverat exercere, quàm impedimento fori, super quo abbatissa conquerebatur per ipsum Episcopum illatas sibi et monasterio

 

508

 

suo graves Nurias et jacturas : nos examinationem hujus negotii dilectis filiis Longipontis et Sancti Justi abbatibus, et Magistro G. Archidiacono Suessionensi duximus committendam, qui auditis confessionibus, receptis testibus et allegationibus intellectis, causam ipsam sufficienter instructam  cum  quorumdam instrumentorum  rescriptis ad nostrum remiserunt examen, præfigentes partibus terminum competentem quo recepturæ sententiam nostro se conspectui præsentarent. Partibus igitur in nostrâ præsentià constituas, postquàm de meritis causæ fuimus sufficienter instructi, de fratrum nostrorum consilio restitutionem obedientae super præscriptis capitulis,  salvà quæstione proprietatis, adjudicavimus Episcopo faciendam (1), illis duntaxat exceptis super quibus in clero et populo Villa; Jotrensis asserebat obedientiam sibi fuisse subtractam; super quibus ab impeditione Episcopi quoad judicium possessorium absolvimus abbatissam, eumdem Episcopum nihilominùs absolvantes super impedimento fori de quo eum ad restitutionem damnorum impetierat abbatissa. Quocircà discretioni vester per apostolica scripta mandamus, quatenùs prælibatam sententiam per censuram ecclesiasticam facientes firmiter observari, postquàm idem Episcopus fuerit restitua audiatis (2) quae super jure proprietatis proposita fuerint coràm vobis, et causam sufficienter examinatam ad audientiam nostram fideliter remittatis, per nostrae diffinitionis sententiam terminandam. Si verô præfatus Episcopus infra mensem post factam sibi restitutionem nollet coràm vobis super petitorio respondere, vos eum de contumaciâ punientes, abbatissam in possessionem  libertatis super  præscriptis capitulis reducatis. Testes autem qui fuerint nominati, etc. nullis litteris, etè. Quòd si non omnes, etc. duo vestrùm sublato cujuslibet contradictions et appellations obstaculo ea nihilominùs exequantur. Datum Romae apud Sanctum Petrum, V kal. februarii, pontificatùs nostri anno octavo.

 

1 Il ne paraît pas ici bien clairement en quoi le. possession avait été adjugée à l'évoque; mais on verra ci-après par la sentence du cardinal Romain, pièce XVI, qu'il demeura en possession du droit de visite : ce qui emporte la pleine supériorité. — 2 L'état de la cause se voit ici parfaitement. Par la sentence du pape la possession est adjugée à l'évoque en beaucoup de choses, et entre autres, comme on vient de voir, dans le droit de visite : et le fond restait à instruire, par conséquent Indécis, même au chapitre Ex parte, qui a précédé cette commission, comme il a été dit ci-dessus.

 

 

509

 

Sous le même Innocent III.

 

DOUZIÈME PIÈCE, DE  L'AN  M.  CC.  VI,

 

Tirée du même Cartulaire, et imprimée par M. Baluze, tome II des épîtres d'Innocent III, p. 292, et produite au factum de Jouarre.

 

Dilectis filiis Sancti Justi Belvaceiisis Diœcesis, et Longipontis Abbatibus, et G. Archidiacono Suessionensi.

 

Significavit nobis venerabilis frater noster Meldensis Episcopus, quòd cùm causam quae inler ipsum ex unû parte, et abbatissam, clerum et populum Jotrenses Meldensis Diœcesis ex altera, super obedientià, procurationibus et aliis quae in monasterio ejusdem loci et Villa Jotrensi idem Episcopus sibi dioecesano jure competere asserebat, sub certâ forma vobis duxerimus committendam, vos interlocutoriam protulistis, quòd dictus Episcopus contra clerum et populum per litteras illas agere non valebat. Quare idem Episcopus vobis dari in mandatis à nobis Humiliter postulabat, ut eum tara contra abbatissam quàm dictos clerum et populum audientes, in causa prædictà juxta prions mandati nostri tenorem procedere ratione præviâ curaretis. Cùmque dileclus lilius Magister P. procurator cleri et populi Jotrensis se opponeret ex adverso, dilectum filium A. subdiaconum et capellanum nostrum ipsis dedimus audito-rem. In cujus præsentià idem magister proponere procuravit, quod cùm idem Episcopus contra abbatissam, clerum et populum Jotrensem litteras apostolicas impetrasset de libertatibus vel privilegiis quæ ipsis à Sede apostolica sunt indulta, quarum Episcopus ipse non erat ignarus, nullà penitus habita mentione, auctoritate illarum litterarum agere voluit contra eos, et propter contumaciam fecit in ipsos, post appellationem ad nos légitimé interpositam , excommunicationis et interdicti sententias promulgari; quas postmodùm venerabilis frater noster Cathalaunensis Episcopus, et dilectus filius Trium-Fontium Abbas auctoritate apostolica relaxantes, partibus certum terminum quo se nostro conspectui præsentarent, de mandato Sedis apostolicæ præfixerunt. Cùmque procuratores utriusque partis termino constituto fuissent in nostrâ præsentiâ constituti, procurator ipsius Episcopi contra abbatissam intendens nihil penitùs contra clerum et populum propone procuravit; undè ad suscitandam contra clerum et populum quam semel omisenit quastio-iiein, admitti iterùm non debebat. Quia verô de præmissis nobis non potuit fieri plena fides, vobis de communi partium assensu per apostolica scripta mandamus, quatenùs tam in abbatissam quàm clerum et populum Jotrensem juxta commissionis vobis factæ tenorem ratione præviâ procedatis. Datum Romæ apud Sanctum Petrum, nonis martii pontificatûs nostri anno octavo.

 

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Cette pièce dont les religieuses se servent, n'est bonne qu'à faire voir qu'après le chapitre Ex parte et toutes les pièces précédentes, la question de la juridiction pour le fond était encore indécise entre l'évêque d'un côté, et le monastère, le clergé et le peuple de l'autre, puisque le pape ordonne encore à ses délégués de procéder contre l'abbesse, le clergé et le peuple, à la requête de l'évêque.

 

TREIZIÈME PIÈCE,

 

Tirée du corps du Droit canonique : le chapitre Ex parte, de privilegiis.

 

Innocentium III, Cathalaunensi electo et Abbati Trium-Fontium.

 

(1) Innovatio privilegiorum novum jua non tribuit, sed antiquum conservat.

 

Ex parte abbatissa; ac sororum Jotrensis Ecclesian nostris fuit auribus ultimatum, quòd venerabilis frater noster Meldensis Episcopus commissionis occasione cujusdam, ad venerabilem fratrem nostrum Parisiensem Episcopum et dilectum filium Abbatem de Latiniaco à nobis obtentæ ; in quà nulla mentio habebatur de ipsarurn privilegiis quae illas et earum ecclesiam, clerum et populum Jotrensem ad apostolicam Sedem nullo mediante spectare declarant (2), quorum ipse non erat ignarus, eas incœpit graviter molestare, obedientiam ab ipsis ac clero et populo Villa- Jotrensis, qui secundùm privilegia Sedis apostolicam gaudent consimili libertate, subjectionem omnimodam impendendam sibi requirens. Et infrà: Verùm cùm judices et assessores corum ipsas valdè gravarent, ad appellationis beneficium convolarunt. Et infrà: Sed judices ipsi appellationi minime (3) deferentes, nec fragilitati sexûs compatientes earum, in abbatissam et conventum excommunicationis, in clerum et populum Villæ Jotiensis interdicti sententias protulerunt. Sanè cùm nuntii Jotrensis Ecclesiœ prædicta et alia milita in nostrâ pnnsentiâ retulissent, quibus cas et suos contra libertatem eis concessam gravât os dicebant, privilegium nobis apostolicum ostenderunt per quod Ecclesiam Jotrensem constabat ad Romanam Ecclesiam specialiter pertinere. Nos autem eos diutiùs detinentes propter appellationem prædictam, quia tandem nullus apparuit idoneus responsalis (4) qui partem defensaret

 

1 C'est le sommaire de ce chapitre qui fait voir quel en est l'esprit, et pourquoi il est inséré dans le corps du Droit. — 2 L'évêque n'avait garde d'avoir connaissance des privilèges de Jouarre, dont on n'avait vu jusqu'alors nulle mention, et que les religieuses n'avaient osé montrer en sa présence, comme il a déjà été dit que la pièce X, remarques. — 3 Parce qu'il était dit dans leur commission, pièces VIII et IX, qu'ils procéderaient, appellatione posposita, et sublato appellationis diffugio, — 4 L'évêque était occupé alors à la poursuite de son droit devant l’évêque de Paris et l’abbé de Lagny, comme il paraît pièce X. Dans l'édition de M. Pitliou, ce chapitre est daté de 1213. Si cela est, le siège de Meaux était vacant par la retraite volontaire de Godefroi de Tressi dans  l'abbaye de Saint-Victor de Paris, ce qui arriva cette même année.

 

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adversam, licèt postmodùm quidam simplex nuntius super hoc prædictorum Parisiensis Episcopi et Latiniacensis Abbatis litteras præsentasset, privilegium apostolice Sedis Ecclesiae Jotrensi (1) concessum duximus innovandum : ita tamen ut per innovationem ipsius, eidem ecclesiæ nihil juris plus accrescat quàm per privilégia prædecessorum nostrorum obtinuit : cùm per hoc (2) novum ei non concedere, sed antiquum jus conservare velimus.

 

 

FAITS RÉSULTANTS DE  CE CHAPITRE.

 

1.  Que ce chapitre n'est pas inséré dans le Droit pour confirmer le privilège de Jouarre, mais seulement pour faire voir qu'en renouvelant un privilège, on ne donne aucun nouveau droit ; ce qui aussi est marqué par le sommaire, et paraît clairement par la fin du chapitre.

2.  Que le dessein d'Innocent III, dans ce chapitre, n'était pas de juger la question du privilège, puisque son intention est, sans préjuger, de laisser les choses en l'état où elles étaient.

3.  Qu'en effet en 1223, où le cardinal Romain rendit sa sentence, l'évêque était encore en possession du droit de visite qui emporte toute la juridiction, comme il paraîtra ci-après, pièce XIV.

4.  Que lorsque ce privilège fut montré au pape, il n'y avait point de légitime contradicteur, ni personne de la part de l'évêque; ce qui fait qu'on peut aisément avoir surpris le pape en lui montrant un privilège, ou faux, ou nul : Nullus apparuit idoneus responsalis, qui partem defensaret adversam.

5.  Que si l'évêque eût été présent et qu'il eût contredit le privilège, le pape ne l'aurait pas confirmé; ce qui est conforme au chapitre Cùm olim, de Privil., où le pape parle ainsi : Cùm olim essemus apud Perusium constituti, et tu, fili Abbas, privilegium Lucii papœ nobis præsentans postulaveris innovari; propter contradictionem Episcopi Eugubini asserentis hoc in suum prædicium redundare, non fuit effectui mancipatum. On voit clairement

 

1 il paraît donc que ce privilège n'aurait pas été confirmé, s'il y avait eu un  légitime contradicteur. — 2 Voilà manifestement pourquoi ce chapitre est inséré dans le droit, et la raison du sommaire qu'on a mis à la tête.

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par ce chapitre, qui est d'Innocent III aussi bien que le chapitre Ex parte, que la seule opposition de l'évêque empêcha le pape de confirmer le privilège d'une abbaye, et que c'était là l'esprit des papes, et en particulier celui d'Innocent III, et c'est pourquoi il dit clairement qu'il ne confirme ce privilège qu'à cause qu'il ne parut point d'opposition de la part de l'évêque.

6.  Que ce prétendu privilège est énoncé fort confusément, sans dire ni précisément ce qu'il contient, ni de quelle date il est, ni même quel pape en est l'auteur.

7.  Que le pape énonce seulement : Ecclesiam Jotrensem, ad Romanam Ecclesiam, etc., sans parler ni du clergé ni du peuple, au lieu que les religieuses avaient énoncé : Ipsas et earum ecclesiam, clerum et populum Jotrensem, etc. ; ce qui montre que le pape ne s'était pas mis beaucoup en peine de vérifier ce qu'on lui avait exposé.

8.  Qu'il ne faut point s'étonner s'il a si peu pris garde à ce privilège , puisque , quel qu'il fût, il déclarait qu'en le renouvelant il ne donnait pas un nouveau droit, et ne faisait tort à personne.

9.  Que les religieuses disent bien à la vérité que leur privilège est si notoire, que l'évêque même ne l'ignoroit pas ; mais que cette allégation ne se trouve établie par aucune pièce précédente ; tout au contraire de celle de l'évêque, qui n'a rien exposé au pape sur son droit et sa possession qui ne soit justifié par pièces.

10. Que ni le pape ni elles n'ont énoncé qu'elles eussent une juridiction active sur le clergé et sur le peuple de Jouarre, mais seulement que ce clergé et ce peuple étaient immédiats au Saint-Siège ; ce qui justifie clairement que la juridiction active des religieuses est une entreprise contre leur titre.

 

MOYENS  DE DROIT  RÉSULTANTS DE CES  FAITS.

 

Il résulte de ces faits et de ceux qu'on a établis par les pièces précédentes :

1.  Que ce chapitre ne décide rien pour l'exemption, puisqu'il paraît que longtemps après l'affaire était encore à instruire, et que ce chapitre fait seulement partie de l'instruction.

2.  Que ce chapitre porte son contredit avec soi, puisqu'il paraît

 

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par les termes dont il est conçu , que le privilège qui y est énoncé n'a été confirmé qu'en l'absence de l'évêque, et ne l'aurait pas été s'il eût été présent pour s'y opposer.

3.  Que c'est encore un autre contredit dans les termes de ce chapitre, de ce que le pape dit expressément que cette confirmation laisse tout en son entier.

4.  Que ce chapitre demeure en sa pleine vigueur quant à la maxime qu'on y a établie, qui est qu'en renouvelant ou confirmant un privilège , le pape ne donne aucun nouveau droit.

5.  Que c'est donc à tort qu'on s'est récrié avec tant de véhémence à l'audience, comme si on allait abolir le Droit au grand scandale des Allemands et autres étrangers parmi lesquels il est reçu, puisqu'on voit que le droit que les papes ont ici voulu établir subsiste en son entier.

6.  Que quand il serait véritable qu'on jugerait contre ce chapitre, il n'y aurait pas plus à se récrier pour celui-ci que pour cent autres des Décrétales qu'on ne suit pas, ou parce qu'elles ne conviennent pas à nos mœurs, ou parce qu'on y a dérogé par un nouveau droit. Dans la seule session XXIV du concile de Trente, chap. 1, 2, 3, 4, on a dérogé à une infinité de Décrétales qui validaient les mariages clandestins, etc. Ce même concile a réduit presque à rien trente Décrétales sur les empêchements, excognatione spirituali, expublicà honestate, ex affinitate per fornicationem, etc. Tous ces décrets du concile sont reçus parmi nous, et personne ne s'écrie qu'on ait anéanti le Droit. Il y a pareillement trente Décrétales, de rescriptis, de præbendis, de concessione præbendœ, qui contiennent des mandats, ad vacatura , ad obtinendam præbendam, etc., qui sont abolies par un meilleur droit. Quand donc le privilège de Jouarre serait canonisé dans le Droit, ce qui n'est pas, il n'y aurait point à s'étonner que le concile de Vienne dans la Clémentine Attendentes, et le concile de Trente, Sess. XXV, De reform. cap. XI, y eût dérogé.

7.  Il y a bien plus à s'étonner qu'on osât préférer ce chapitre aux décrets des deux conciles œcuméniques , celui de Vienne et celui de Trente, reçus par l'ordonnance de Blois.

 

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Sous Innocent III en 1209, et Honore III en 1220.

 

QUATORZIÈME ET QUINZIÈME PIÈCES.

 

Ces deux pièces regardent la bénédiction de l'abbesse de Jouarre. La première, qui est une épître d'Innocent III à l'évêque de Meaux, imprimée par M. Baluze, tom. II, lib. XI, Epist. 56, p. 160, contient ces faits :

1° Que l'évêque de Meaux à qui le bref était adressé, n’ était pas consacré; ce qui paraît même par l'adresse : Dilecto filio Meldensi Episcopo electo. Il n'était donc qu'élu; s'il eût été sacré, le pape l'aurait honoré du titre de frère.

2° Que l'abbesse de Jouarre n'avait pu être bénie, parce que l'évêque de Meaux qui devait faire cette fonction n'était pas sacré.

3° Que le pape lui ordonne de bénir cette abbesse quinze jours après son sacre, sinon qu'il a donné la charge de le faire à l'évêque de Troyes, un des évêques voisins.

Cette lettre est de l'an onzième du pontificat d'Innocent III, qui est l'an 1200; ce qui montre qu'encore en ce temps, le droit de bénir l'abbesse était conservé au propre évêque, ce qui emportait la profession de l'obéissance.

Encore onze ans après et dans la quatrième année d'Honoré III, successeur d'Innocent III, qui était l'an 1220 de Notre-Seigneur, ce pape ayant commis un autre évêque pour bénir l'abbesse, l'évêque de Meaux s'en plaignit, comme étant dépouillé injustement de son droit; et il reçut du pape un acte de non-préjudice, qui se trouve tout entier dans le Cartulaire de Meaux, d'où il a été tiré et imprimé par M. Baluze, tom. II, pag. 293; ainsi le droit de l'évêque et sa possession était encore en son entier en 1220. Tout cela fait voir clairement que ce fut une entreprise manifeste au légat qui bénit l'abbesse de Jouarre au préjudice du droit de l'évêque, comme il a été observé, pièce X, Remarque. Ce légat, qui favorisait l'abbesse, vit bien que s'il la laissait bénir à l'évêque de Meaux, la profession d'obéissance inséparable de cette action était une reconnaissance de la soumission du monastère ; c'est pourquoi, pour l'en exempter et la rendre autant qu'il se

 

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pouvait immédiatement soumise au Saint-Siège, il ôta la bénédiction à l'évêque, encore qu'on voie à présent qu'elle lui appartenait légitimement. Ainsi les religieuses n'avancent que par surprise et par faveur, contre la règle et le droit.

 

Sentence du cardinal Romain.

 

SEIZIÈME  PIÈCE, DE L’AN M. CC. XXV.

 

Compositio facta inter Episcopum Meldensem et Ecclesiam Jotrensem.

 

Romanus miseratione divinâ Sancti Angeli diaconus cardinalis, apostolica; Sedis legatus, omnibus ad quos præsens scriptum pervenerit, in Domino salutem et sinceræ dilectionis affectum. Noverit universitas vestra, quòd subortà inter venerabilem patrem Petrum Episcopum Meldensem ex parte unâ, et dilectos in Christo Abbatissam et conventum, clerum et populum Jotrensem ex alterâ, super subjectione ipsius monasterii et eorumdem cleri et populi, materià quæstionis, idem Episcopus proposuit in jure libellum hujusmodi contra eos. Petit Meldensis Episcopus ab Abbatissà et conventu Jotrensi, quòd sibi obediant tanquàm suo Episcopo in visitationibus faciendis, in corrigendis excessibus, in cognitionibus causarum tàm civilium quam spiritualium ac criminalium, quarum cognitio ad Episcopum diœcesanum pertinet tanquàm ad judicem ecclesiasticum , et in decisionibus earumdem et in iis quas ad cognitionem et decisionem pertinent, videlicet in veniendo ad citationes, recipiendo dierum assignationes, et in aliis quæ ad cognitionem et decisionem pertinent, et in observatione mandatorum suorum et statutorum suorum legitimorum, et processionibus faciendis Episcopo Meldensi, quando post consecrationem suam primo accedit ad ecclesiam earum, et in omnibus aliis ad jus episcopale pertinentibus. Petit etiam quòd Abbatissà in omnibus prædictis obedientiam ei promittat, bis exceptis in quorum possessione est idem Episcopus et (1) quorum possessio fuit ei adjudicata auctoritate domini Papas, videlicet in consecratione altarium, in dedicatione ecclesiarum, velatione virginum, ordinatione clericorum (2) exhibitione procurationum, et pœnitentiis pro majoribus criminibus injungendis : de quibus ad præsens non agit, cùm sit in possessione eorumdem. Petit etiam idem Episcopus ut non impediant ipsum uti de cætero jurisdictione omnimodà, quam potest exercere in

 

1 on verra dans les remarques suivantes, que les religieuses demeuraient d'accord que l'évêque était en possession de toutes les choses énoncées ici: c'est-à-dire de la consécration des autels, de la dédicace des églises, de la cérémonie de voiler les vierges, du droit de visite et de la pénitence publique à la réserve de ce dernier cas, qui pouvait n'être pas arrivé. — 2  Remarquez le droit de visite parmi les choses dont la possession était adjugée à l'évêque.

 

2

 

suis subditis Episcopus diœcesanus, in clero et populo Jotrensi. Petit à Clero Jotrensi Episcopus Meldensis, quôd sibi obediat tanquàm suo Episcopo in visitationibus faciendis, in corrigendis excessibus, in cognitionibus causarum tàm civilium quàm spiritualium ac criminalium quaruin cognitio ad Episcopum diœcesanum, tanquàm ad judicem eccle-siasticum pertinet, et in decisionibus earumdem, et in bis quæ ad cognitionem et decisionem pertinent, videlicet in veniendo ad citationes, recipiendo dierum assignationes, et in aliis quæ ad cognitionem et decisionem pertinent et ad executionem eorum faciendam, et in observatione mandatorum et statutorum suorum legitimorum, et in omnibus aliis ad jus episcopale pertinentibus, hoc excepto in cujus possessione est idem Episcopus, videlicet in ordinationc eorum. Petit Episcopus Meldensis à populo Jotrensi, quòd sibi obediant tanquàm suo Episcopo in corrigendis excessibus omnibus quorum correctio ad Episcopum diœcesanum tanquàm ad judicem ecclesiasticum pertinet, in cognitionibus causarum tam civilium quàm spiritualium ac criminalium quarum cognitio ad Episcopum diœcesanum, tanquàm ad judicem ecclesiasticum pertinet, et in decisionibus earumdem, et in his quæ ad cognitionem et decisionem pertinent earumdem, videlicet in veniendo ad citationes, recipiendo dierum assignationes, et in aliis quæ ad cognitionem et decisionem pertinent, et ut sententias excommunicationis et interdicti ab ipso latas in ipsos observent, et ut obediant ei in omnibus aliis ad jus episcopale pertinentibus. Quidquid autem idem Episcopus ab Abbatissâ et conventu et clero et populo Jotrensi petit, petit salvo jure addendi, minuendi, mutandi. Istis autem petitionibus procurator Abbatissæ et conventûs, cleri et populi Jotrensis in hunc modum respondit. Dicunt Abbatissâ et convenais Monasterium Jotrensi exemptum esse et subesse immediate domino Papæ in omnibus, et proprietatem totius jurisdictionis ecclesiasticam in Monasterio Jotrensi, nullo mediante, ad dominum Papam pertinere, et usum esse monasterium longissimo tempore hàc libertate, sicut probabimus, si necesse fuerit (1), per privilegia et testes et instrumenta. Et ideò dicunt Abbatissâ et conventus, quòd non tenentur obedire Episcopo Meldensi (2) in visitationibus faciendis, nec in aliâ re pro visitatione faciendâ, in excessibus corrigendis, in causarum civilium vel spiritualium vel criminalium cognitionibus, nec in decisionibus earumdem, nec tenentur venire ad citationes ipsius, nec recipere dierum assignationes, nec mandata vel statuta observarè, nec ei processionem facere, quandô primo accedit post consecrationem suam ad Ecclesiam Jotrensem, nec aliàs ei in aliquibus ad episcopale jus  pertinentibus obedire. Item non tenetur ei Abbatissâ

 

1 Remarquez que les religieuses en faisant l'énonciation de leurs titres, ne disent point qu'elles aient des lettres-patentes. — 2 Elles nient que l'évêque ait droit de visite, mais sans lui en contester la possession, connue on va voir.

 

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super præmissis vel aliquo præmissorum, vel aliquà re in mundo obedientiam repromittere. Quod autem dicit Episcopus se ipsum esse in possessione quantum (1) ad pœnitentias pro majoribus criminibus imponendas, negant Abbatissâ et conventus ipsum esse in possessione. Aliorum verò articulorum in quorum possessione dicit se esse idem Episcopus, dicunt ipsum nullum jus habere in proprietate (2). Dicunt etiam Abbatissâ et conventus omnimodam justitiam ecclesiasticam et forensem in clero et populo Jotrensi pertinere ad Abbatissam.Dicit Clerus Jotrensis quòd non tenetur obedire Episcopo Meldensi in visitationibus faciendis et in corrigendis excessibus et cognitionibus causarum tam civilium quàm spiritualium ac criminalium quarum cognitio ad Episcopum diœcesanum, tanquàm ad judicem ecclesiasticum, dicitur pertinere, nec in decisionibus earumdem, nec venire ad citationes ipsius, nec assignationes dierum accipere, nec mandata ejus observare, nec ei in aliquo obedire. Dicit populus Jotrensis omnimodam justitiam ecclesiasticam et forensem in populo Jotrensi pertinere ad Abbatissam Jotrensem. Et ideô respondet per se idem quod clerus respondet per se, et quòd in nullo tenetur obedire Meldensi Episcopo. Hæc omnia respondent Abbatissâ et conventus, clerus et populus Jotrensis; salvis privilegiis domini Papæ salvo jure Ecclesiæ Romanæ, et salvo jure addendi, minuendi, corrigendi et mutandi. Cùmque super iis fuisset coràm judicibus à Sede apostolicâ delegatis diutiùs litigatum, tandem utraque pars tam super iis de quibus actum extiterat, quàm etiam super omnibus aliis quæ quoquo modo poterant ratione proprietatæ vel possessionis ad jus episcopale lege diœcesanà vel jure communi, seu alio quocumque jure spectare (3), commiserunt se judicio, diffïnitioni, seu ordinationi nostris sub iis formis. Omnibus præsentes litteras inspecturis (4) Petrus Dei gratis Meldensis Episcopus salutem in Domino. Noverit universitas vestra quòd cùm inter nos ex unâ parte, et Abbatissam et conventum , clerum et populum Jotrensem ex altéra, super subjectione ipsius monasterii et eorumdem cleri et populi, tam ex petitorio judicio quàm possessorio quæstio verteretur, quòd monasterium cum eisdem clero et populo nobis dicebamus pleno jure subjectum, necnon et omnijure subjectionis ad nos et successores nostros tanquàm loci diœcesanos lege diœcesanâ spectare, et posse in ipso monasterio, clero et populo Jotrensi libere procurationem recipere, visitationem, correctionem et omnia jura episcopalia exercere, quod eadem Abbatissâ et conventus

 

1 Remarquez que les religieuses ne contestent à l'évêque la possession que de ce qui regardait la pénitence publique ; tout le reste dont il est parlé ci-dessus n'est pas contesté, et par conséquent il est clair que l'évêque était demeuré en possession de la visite; ce que la suite fera encore mieux paraître. — 2 Les religieuses énoncent que tonte la juridiction temporelle et spirituelle appartient à l'abbesse; mais la fausseté de cet énoncé paraît dans la suite. — 3 Il paraît ici et dans la suite, qu'il ne juge que par compromis. — 4 C’était Pierre de Cuissi.

 

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negantes, ipsum monasterium , clerum et populum Jotrensem asserebant ad jus et proprietatem Ecclesiæ Romanæ nullo medio pertinere , super præmissis et omnibus aliis quæ possint ad jus episcopale spectare, de consensu decani et archidiaconorum et capituli nostri commisimus nos judicio, diffinitioni, seu ordinationi venerabilis (patris) Romani Sancti Angeli diaconi cardinalis, apostolicæ Sedis legati , in ipsum tanquàm in legatum et judicem consentiendo, promittentes nos judicium, diffinitionem , seu ordinationem ipsius in perpetuum servare et nullo tempore contravenire : renuntiando omnibus judicibus, commissionibus, processibus et actis quæ nobis competebant vel competere possent in causa istà. In cujus rei testimonium, ad majorem præmissorum omnium firmitatem, præsentes litteras exindè confectas sigillo nostro duximus roborandas. Actum Meldis, anno Domini M CC vicesimo quinto, mense octobri. Omnibus præsentes litteras inspecturis, Decanus Briensis et Meldensis Archidiaconi, totumque Meldensis Ecclesiæ (capitalum) salutem in Domino. Noverit universitas vestra nos litteras venerabilis patris Petri Episcopi nostri sigillo sigillatas inspexisse formam hujusmodi continentes. Petrus Dei gratià Meldensis Episcopus, etc., ut superius continentur. Nos igitur præscriptarum litterarum tenore diligenter inspecto, factum dicti Episcopi nostri in hâc parte approbavimus et ratum habuimus nostrum super præmissis omnibus impartientes assensum. In hujus itaque rei evidentiam sigilla nostra præsentibus duximus litteris appendenda. Actum Meldis, anno Domini M CC vicesimo quinto, mense octobri. Omnibus præsentes litteras inspecturis, Abbatissa et conventus, clerus et populus Jotrensis, salutem in Domino. Noverit universitas vestra quòd cùm inter nos ex unâ parte, et venerabilem patrem Petrum Episcopum Meldensem ex altéra , super subjectione nostra tam petitorio judicio quàm possessorio quæstio verteretur, cùm idem Episcopus assereret Jotrense monasterium et nos pleno jure sibi subesse, necnon et omni jure successionis ad ipsum et successores ipsius tamquàm loci dioecesanos lege dioecesanâ spectare, et posse in ipso monasterio et nobis libere procurationem recipere, visitationem, correctionem et omnia jura episcopalia exercere, quod nos negantes , dictum monasterium Jotrense asserebamus ad jus et proprietatem Ecclesiæ Romanæ nullo medio pertinere, super præmissis et omnibus aliis quæ possent ad jus episcopale spectare, commisimus nos judicio, diffinitioni, seu ordinationi venerabilis patris Romani Sancti Angeli diaconi cardinalis, apostolicæ Sedis legati, in ipsum tanquàm in legatum et judicem consentiendo,  promittentes nos judicium, diffinitionem, seu ordinationem

 

1 L’évêque se soumet volontairement au jugement du légat.  Les religieuses parlent de même. D'où il s'ensuit que le cardinal n'agit pas comme légat en vertu de la délégation du pape, mais par compromis et par le consentement volontaire des parties, ce qui est décisif dans une cause où il s'agit d'un droit public.

 

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ipsius in perpetuum servare et nullo tempore contravenire; renuntiando omnibus judicibus, commissionibus, processibus et actis qure nobis competebant vel competere possent in causa istà. In cujus rei testimonium, ad majorem præmissorum omnium firmitatem, præsentes litteras exindè confectas nos Abbatissa et conventus sigillis nostris duximus roborandas. Nos veto clerus et populus, quia sigillum proprium non habemus , eisdem sigillis Abbatissæ et conventus fidem volumus omni modam adhiberi. Actum Meldis, anno Domini M CC XXV, mense octobri. Nos autem rationibus utriusque partis diligenter auditis, inspectis Jotrensis Monasterii (1) privilegiis, habito etiam super hoc cum viris prudentibus diligenti tractatu, pronuntiamus, diffinimus, et ordinamus quòd Abbatissa et conventus Monasterii Jotrensis (2) chrisma , oleum sanctum (3), consecrationes altarium seu basilicarum (4), benedictiones monialium, et (5) ordinationes clericorum qui ad ordines fuerint promovendi à dicto Meldensi Episcopo et successoribus suis suscipiant et non ab aliis, siquidem catholicus fuerit et gratiam atque communionem apostolicæ Sedis habuerit, et ea gratis et sine difficultate voluerit exhibere. Alioquin liceat eis quemcumque voluerint catholicum adire antistitem, qui eis licenter exhibeat postulata. Quandò verò Episcopum Meldensem ab eisdem Abbatissa et conventu propter hac exequénda contigerit evocari, dictus Episcopus exhibeatur honestè,cùm nullus teneatur secundùm Apostolum suis stipendiis militare. Oterùm Abbatissa à quocumque maluerit episcopo absque professione et promissione cujuslibet obedientiæ libere consecretur. In omnibus autem aliis dictum Monasterium Jotrense, cum universo clero et populo Villæ et Parochiæ Jotrensis sibi subjectis pronuntiamus, diffinimus et ordinamus ab omni jure et jurisdictione episcopali et omnimodà subjectione Meldensis Ecclesiae omninò (6) liberum et exemptum , ita quòd in eisdem monasterio, clero et populo prædictis seu personis aliquibus Monasterii, Villæ et Parochiae Jotrensis dictus Episcopus, Ecclesia Meldensis , seu quœcumque alia

 

1 Le cardinal, non plus que les religieuses, n’énonce dans le vu des pièces que les privilèges: nouvelle preuve qu'où n'a point produit de lettres-patentes. — 2 Sous le chrême, la confirmation qui appartient au caractère pontifical, est réservée à l'évoque aussi bien que l’ordination l'est dans la suite; mais les religieuses n'ont jamais appelé l'évoque pour donner ce sacrement, et ont entrepris de le faire administrer par d'autres. — 3 Les religieuses ont elles-mêmes produit des actes où il paraît que, loin d'appeler l'évoque, elles ont fait entreprendre des bénédictions et des consécrations de leur cloître et de leur église par d'autres évêques. — (4) Il est  inouï  qu'on ait  parlé à l'évêque , de la réception des filles, loin de l'inviter à les bénir. — 5 Quand les évêques de Meaux ont fait les ordres à Jouarre, on en a lire un acte de non-préjudice au mépris de l'ordre épiscopal, et la pièce en a été lue à l'audience. — 6 Le cardinal n'accorde au clergé et au peuple que la liberté et l'exemption , ce qui est bien  éloigné de la juridiction active spirituelle que prétendaient les religieuses ci-dessus. Le prétendu privilège présenté à Innocent III ne contenait rien davantage ; mais l'abbesse et les religieuses ont usurpé la juridiction active qu'on ne leur a jamais donnée.

 

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Meldensis Ecclesiae persona, nec procurationem eidem Episcopo aliquandô à Sede apostolicâ (1) adjudicataire nec aliud quodcumque proter præmissa sibi valeat aliquatenùs vindicare ; salvis duobus modiis quos habet Episcopus in granchiâ (2) de Troci, quæ est Ecclesiæ Jotrensis, et cerâ Thesaurarii Meldensis. Sanè ordinamus quòd dicti Abbatissa et conventus decem et octo modios bladi decimalis ad mensuram Meldensem, duas partes hibernagii et tertiam partem avenæ annuatim Episcopo memorato suisque successoribus in perpetuum persolvent apud  (3) Malleum, infra Purificationem beata; Mariæ. Et si decima ejusdem villæ ad dicti bladi persolutionem non sufficeret, residuum infra dictum terminum apud Troci solvetur in decimâ quam ibi habet Ecclesia Jotrensis ; ita quòd si bladum hujusmodi aliquibus decimis Meldensis Diœcesis Abbatissa et conventus Jotrensis justo modo poterint adipisci, Episcopus contractui suum impertiri teneatur assensum, et ipsum bladum taliter acquisitum accipiens, illo solo debeat esse contentus, ita quod tantùm-dem sibi valeat quantum valebit in locis superiùs annotatis. In decimis sanè quæ sunt de feudo episcopali non tenebitur suum præstare consensum, si ipse vellet eas redimere. In his enim ipse Episcopus præferetur. Hanc autem ordinationem (4) partes ratam habuerunt, et expresse consenserunt in ipsam. Nos verô volentes ipsius ordinationis notitiam ad posteros pervenire, ut futuris temporibus inviolabiliter observetur, præsentem paginam exindè confectam sigillo  nostro duximus roborandam. Actum Meldis, anno Domini M CC XXV, mense novembri, pontificatûs Domini Honorii Papæ III anno decimo.

Romanus miseratione divinâ Sancti Angeli diaconus cardinalis , apostolicæ Sedis legatus, omnibus presentes litteras inspecturis, salutem in Domino. Noverit universitas vestra, quòd nos inter venerabilem patrem Episcopum Meldensem et Abbatissam et conventum, clerum et populum Jotrensem , ordinationem quamdam deliberatione providâ fecimus, eamque in scriptis redactam et à partibus (5) approbatam nostri (6) sigilli duximus munimine roborandam. Verùm antequàm protulissemus eamdem, retinuimus nobis expresse de auctoritate nostrâ et communi partium assensu liberam potestatem declarandi et interpretandi si quid in eâdem ordinatione repertum fuerit dubium vel obscurum. Actum Parisiis, anno Domini M CC XXV, II nonas novembris.

 

1 Il est clair par ces paroles que le droit de procuration et de visite qui comprend toute juridiction, avait été adjugé à l'évêque par le pape, et qu'il en était en possession au temps de cette sentence. — 2 On ne fera ici aucune remarque sur les droils temporels qui sont conservés à l'évêque, parce que c'est une affaire à part. — 3 May, village du diocèse de Meaux. — 4 Le cardinal déclare qu'il a prononcé du consentement des parties. — 5 Nouvelle déclaration qu'il prononce du consentement des parties. — 6 On voit la sentence bien soigneusement rédigée, scellée, rapportée dans toute son intégrité; rien n'y manque : on aurait rapporté de même l'homologation, s'il y en avait.

 

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FAITS  RÉSULTANTS  DE CETTE  PIÈCE.

 

1° Que le cardinal a autorisé un privilège non confirmé par le roi et sans ses lettres-patentes.

2° Que, quoique légat, il agit sans pouvoir du pape, et qu'il n'a d'autorité que du consentement des parties dans une affaire de droit public.

3° Que la sentence n'est point autorisée par la puissance publique , et n'oblige que ceux qui ont consenti, sans que l'obligation passe aux successeurs.

4° Que les religieuses ayant exigé d'un évêque de dures conditions , n'ont pas exécuté le peu qu'elles lui avaient promis.

5° Que contre leur propre titre, soit qu'on le prenne duns cette sentence, soit qu'on le prenne dans l'énoncé du chapitre Ex parte, elles ont usurpé sur le pape même la juridiction active réservée à son siège, et que personne ne leur avait accordée.

6° Qu'on prive l'évêque de la possession de la visite que le pape lui avait adjugée, quoique les religieuses n'eussent jamais été ni pu être en possession de leur prétendu privilège qui, en le supposant véritable, ne pouvoit avoir tout au plus que vingt ou vingt-cinq ans, comme il paraît par la pièce VII.

7° Qu'on le dépouille pareillement du droit de bénir l'abbesse, où les papes Innocent III et Honoré III l'avaient maintenu, pièces XIII et XIV.

 

MOYENS  D'ABUS  ET DE DROIT  RÉSULTANTS  DE CES  FAITS.

 

De ces faits, six moyens d'abus et de droit indubitables.

Ier moyen. — Que le cardinal a jugé sans que toutes les parties fussent appelées, puisqu'il ne paraît ici que l'évêque et le chapitre , au lieu qu'il fallait encore appeler le métropolitain et le primat, qui avaient pareil intérêt que l'évêque à la juridiction. En effet il paraît par le chapitre : Cùm à nobis : de Arbitris, qui est de Grégoire IX et beaucoup après cette sentence, que le métropolitain prétendoit encore ses droits, et que la difficulté fut terminée par une sentence arbitrale dont le contenu ne se trouve point dans ce chapitre, que les religieuses ne rapportent pas et dont on ne sait rien du tout. Pour le primat, il n'en a jamais été parlé.

        IIe moyen. — Que le privilège de Jouarre est destitué de lettres-patentes ; ce qui est essentiel par l'article LXXI de nos libertés, que «nul monastère, église, collège ou autre corps ecclésiastique ne peut être exempt de son ordinaire, pour se dire dépendre immédiatement du Saint-Siège, sans licence et permission du roi. » La maxime a été constante dès l'origine de la monarchie, comme il paraît par la première et seconde formule de Marculphe, livre Ier, où la première est le formulaire du privilège de l'évêque, et la seconde est le formulaire du consentement du roi.

Il ne faut point dire qu'on doit présumer qu'il y a eu des lettres patentes par la règle In antiquis, etc. ; car 1° il n'y a pas à présumer qu'il y en ait eu, puisqu'on voit qu'il n'y en a pas; 2° s'il était dit qu'il y en eût, on présumerait tout au plus par cette règle qu'elles seraient en bonne forme ; mais il faudrait donc qu'on en parlât, autrement il n'y a rien à présumer sur ce qui n'est pas; 3° cette maxime n'a lieu que dans les choses favorables où l'on peut s'aider de présomptions, mais non pas dans les exemptions qui sont d'un droit étroit et odieux.

IIIe moyen. — Qu'une sentence arbitrale de cette nature était sujette à homologation ou ratification du supérieur; autrement ce n'est qu'un acte particulier destitué de toute autorité publique, par conséquent nul pour les successeurs dans une matière où il s'agit d'un droit public comme celui de l'épiscopat.

IVe moyen. — Que l'abbaye de Jouarre ne peut s'aider de sa possession pour soutenir sa juridiction active, puisque c'est une possession de mauvaise foi contre son propre titre, c'est-à-dire contre le prétendu privilège énoncé au chapitre Ex parte, et contre la sentence arbitrale où l'on ne fait nulle mention de juridiction active : de sorte qu'il est constant que les abbesses de Jouarre ont usurpé ce droit sur le pape même qui se l'était réservé.

Ve moyen. — Sentence non exécutée par les religieuses mêmes, qui n'ont jamais appelé l'évêque pour confirmer, pour bénir et consacrer les églises, ni pour bénir les religieuses; et au contraire, ont entrepris de faire faire toutes ces fonctions par d'autres évêques, ce qui montre encore que leur possession est une entreprise contre leur titre.

 

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VI° moyen. — Les religieuses n'ont pas même exécuté la sentence au sujet de leur exemption et dépendance immédiate. La dépendance immédiate ne dit pas seulement ne pas reconnaître l'évêque, mais encore reconnaître le pape et être gouverné par son autorité. Or on ne montre dans tout ce procès aucun acte de juridiction exercée par le pape, ni par lui-même, ni par ses délégués; de sorte que les religieuses n'ont aucune possession que celle de n'avoir eu aucun supérieur, qui est une possession vicieuse et réprouvée par les chapitres Cùm non liceat, et Cùm ex officio : De præscript.

VIIe moyen. — Il résulte de tout cela que le monastère de Jouarre n'a dans le fond aucun privilège ni exemption.

Le privilège doit être représenté par les chapitres : Repetimus et Porrô : De privilegiis.

Quand un privilège se perd par quelque malheur, le droit a pourvu au moyen de le rétablir en produisant des témoins qui assurent de l'avoir vu de telle et telle teneur : Talem dicti privilegii fuisse tenorem : Ext. Cùm olim : De privilegiis. Il n'y a rien de tout cela dans ce procès : nulle plainte du privilège perdu, nulle preuve de ce qu'il contenait; l'énoncé d'Innocent III est de nul effet, comme on a vu; celui du cardinal Romain n'est pas meilleur ni de plus grand poids. Il est constant que l'évêque était toujours demeuré en possession du droit de visite qui emporte l'entière juridiction, et qu'il y était encore lorsque la sentence fut prononcée. Il n'est pas moins certain que le droit de bénir l'abbesse, dont la sentence le dépouille, n'avait reçu aucune atteinte jusqu'à l'an 1209 et 1220, comme il paraît par les papes Innocent III et Honoré III.

Ainsi deux choses étaient constantes : l'une, que le privilège était tout nouveau et ne pouvait pas avoir plus de vingt-cinq ans ; l'autre, que les religieuses n'en avaient jamais joui, et que l'évêque était demeuré en pleine possession. Par conséquent dans le fond il n'y avait rien de plus caduc que ce privilège. La sentence du Légat était si faible, que le cardinal fut contraint d'en mettre le fort dans le consentement des parties, et qu'on n'osa même pas en demander la ratification au pape ni à aucune puissance

 

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publique.  On voit par toutes les pièces que les religieuses ne se soutenaient que par la faveur des légats. Premièrement par celle du cardinal d'Ostie, qui tâcha de dépouiller les évêques du droit de bénir l'abbesse par une entreprise contraire aux décrets d'Innocent III et d'Honoré III, et secondement du cardinal Romain qui pouvait tout en France, et qui faisait son affaire propre de celle des exemptions en général et des religieuses de Jouarre en particulier, comme il serait aisé de le faire voir. L'évêque fut obligé de céder à une si grande autorité et à la politique qui régnait alors, où l'on ne songeait qu'à étendre les exemptions. De cette sorte le plus nouveau, le moins établi et le plus faible de tous les privilèges est devenu le plus outré qu'on vît jamais; mais aussi se détruit-il par son propre excès.

Voilà les moyens de droit qui résultent des faits constants dans ce procès contre le privilège de Jouarre. Quoiqu'ils soient certains dans les règles, ce n'est pas le fort de la cause de M. l'évêque de Meaux, et il a pour lui les conciles œcuméniques de Vienne et de Trente ; ce dernier expressément reçu en ce chef par l'ordonnance de Mois, et l'un et l'autre dérogeant en termes formels à tout ce qui a précédé contre le droit de l'évêque.

 

Sur le Cartulaire de Meaux.

 

C'est un livre constamment d'environ quatre cents ans, qui a été originairement dans les archives du chapitre de Meaux, qui s'est égaré dans un procès, et qui après avoir passé par les plus curieuses bibliothèques, a été  mis par les mains fidèles de M. d'Hérouval et de M. Joly, chantre de Notre-Dame de Paris, dans la bibliothèque de cette église métropolitaine de Meaux. Il a été manié de tous les sa vans sans avoir reçu aucune atteinte; tout le monde a puisé dedans, et l'avocat même de madame de Jouarre a loué les pièces imprimées par M. Daluze, que ce savant auteur n'a puisées que de là. Il ne doit être suspect à personne, puisqu'il contient également ce qui est pour et ce qui est contre l'évêque de Meaux, comme la sentence arbitrale ; et enfin il est consacré par la foi publique.

 

 

CHANGEMENT DE DISCIPLINE
ET MODÉRATION DES EXEMPTIONS

 

PAR LES CONCILES DE VIENNE ET DE TRENTE.

 

Décret du concile œcuménique de Vienne dans la Clémentine Attendentes : De statu monachorum.

 

Sacro approbante concilio duximus statuendum : ut singula monialium monasteria per ordinarios; exempta videlicet, quæ ita Sedi apostolicæ quòd nulli alii subjecta noscuntur, apostolicà; non exempta verô, ordinarià auctoritate ;  exempta alia per alios quibus subsunt, annis

singulis debeant visitari,..... privilegiis, statutis et consuetudinibus

quibuslibet in contrarium minime valituris.

 

Le même traduit en français.

 

Nous avons trouvé bon d'ordonner, avec l'approbation du saint concile, que les monastères des religieuses, chacun en particulier, fussent visités tous les ans par les ordinaires; à savoir, ceux qui sont exempts et tellement soumis au Saint-Siège, qu'ils ne reconnaissent d'autre supérieur, avec l'autorité apostolique; ceux qui ne sont pas exempts, par l'autorité ordinaire; et les autres exempts, par ceux auxquels ils sont soumis,... sans qu'aucuns privilèges, statuts et coutumes à ce contraires puissent l'empêcher.

 

Décret du concile de Trente, session XXV, De reformatione, cap. IX.

 

Monasteria sanctimonialium, sanctœ Sedi apostolicœ subjecta, etiam sub nomine capitulorum Sancti Pétri, vel Sancti Joannis, vel alias quomodocumquè nuncupentur, ab episcopis tanquàm dicta; Sedis delegatis gubernenlur, non obstantibus quibuscumque. Qu;e verô à deputatis in capitulis generalibus vel ab aliis regularibus reguntur, sub eorum cura et custodià relinquantur.

 

Le même traduit en français.

 

Que les monastères des religieuses, soumis immédiatement au Saint-Siège, même au nom des chapitres de Saint-Pierre ou de Saint-Jean, ou de quelque autre manière que ce soit, soient gouvernés par les évêques comme délégués du même Saint-Siège, nonobstant toutes

 

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choses à ce contraires. Quant à ceux qui sont régis par les députés des chapitres généraux ou autres réguliers, ils demeureront sujets à leur» soins et à leur conduite.

 

REMARQUES.

 

§ I.

 

On voit ici trois sortes de monastères : les uns exempts, qui sont soumis à des supérieurs et à un gouvernement réglé, comme ceux qui dépendent de Citeaux ou de quelque autre congrégation ; les autres exempts, qui n'ont point de semblable gouvernement et ne sont point en congrégation, comme le monastère de Jouarre prétendait être; et enfin les autres non exempts. Les premiers, qui sont en congrégation et soumis à un gouvernement réglé, sont laissés en leur état ; les autres , exempts ou non exempts, sont soumis à l'Ordinaire, auquel, pour gouverner ceux qui sont supposés exempts, l'autorité du Pape est transmise, comme il paraît par les termes de ces conciles.

On voit aussi parles décrets des mêmes conciles, qu'ils n'exigent des évêques aucune sommation ni diligence précédente pour rentrer dans le droit de visiter et gouverner ces monastères : mais qu'ils y rentrent pleinement, dès qu'ils trouvent ces monastères sans aucuns supérieurs réglés : Per ordinarios...debeant visitari, dit le concile de Vienne; Ab episcopis... gubernentur, dit celui de Trente.

Par là il paraît encore que l'esprit des conciles est que ces monastères soient soumis à un gouvernement et à des supérieurs réglés, tels que sont ou les évêques ou les supérieurs d'une congrégation canoniquement établie ; tout le reste est contraire à l'esprit de ces conciles et de l'Eglise.

On voit encore par tout cela que la discipline établie par le concile de Trente n'était pas nouvelle, puisqu'il ne fait que reprendre et exécuter ce qui avait été réglé dans le concile de Vienne.

On voit enfin qu'on ne peut plus alléguer ni privilège ni possession, ni accord ou transaction, ni sentence pour soutenir ces privilèges, puisque deux conciles œcuméniques ont prononcé qu'on n'y aurait aucun égard : Privilegiis, statutis, et consuetudinibus

 

527

 

quibuslibet in contrarium minime valituris , comme dit le concile de Vienne ; ou comme dit celui de Trente : Non obstantibus quibuscumque.

Les motifs de ces décrets de Vienne et de Trente on! été :

1° Les désordres des monastères à qui leur prétendue exemption ne servait qu'à les rendre indépendants de toute puissance ecclésiastique, et à y établir l'impunité.

2° Les clameurs de toute la chrétienté, contre ces déréglements.

3° La décharge de la conscience du Pape, qui ne pouvait de si loin et parmi tant d'affaires, ni s'occuper du gouvernement de ces monastères, ni s'en reposer mieux que sur les évêques qui en étaient chargés naturellement.

4° Pour éviter les procès sur les prétendues exemptions, les conciles et les Papes n'y ayant pu trouver de meilleur remède que celui de transmettre aux évêques, en tant que besoin serait, l'autorité apostolique pour la joindre avec celle qui leur appartenait par leur caractère.

 

§ II.

 

On ne peut pas douter que ces décrets des conciles de Vienne et de Trente ne soient approuvés et confirmés par les papes.

Clément V a prononcé lui-même dans le concile de Vienne où il était en personne, la Clémentine Attendentes.

Pie IV a expressément confirmé le concile de Trente par sa bulle Benedictus Deus. Le même pape a aussi nommément révoqué tous privilèges émanés du Saint-Siège, entant qu'ilsseraient contraires aux décrets du même concile, par sa bulle In principis Apostolorum Sede. Les autres papes ont fait plusieurs décrets semblables.

 

§ III.

 

Ainsi on ne peut pas objecter que ces décrets du concile ne sont pas reçus dans le royaume; car 1° on n'a pas besoin d'acceptation particulière des choses où l'on ne fait que rentrer dans le droit commun.

2° Il suffirait pour faire casser les privilèges, en tant que contraires au concile de Trente, que le Pape eût approuvé ce concile

 

528

 

où ils ont été révoqués, comme on a vu, non obstantibus quibuscumque.

3° Les papes ont bien plus fait, puisqu'ils les ont révoqués eux-mêmes comme on vient de dire.

4° Les choses de pure grâce et qui dérogent au droit commun, n'ont besoin, pour êtres éteintes, que de la soustraction de la puissance qui les donne; ainsi la révocation a son effet dès qu'elle est faite, sans qu'il soit besoin du consentement ni de l'acceptation de personne.

5° Cette révocation est une espèce d'abdication de la part du pape de tous les droits que ces privilèges pouvaient lui avoir acquis sur ces monastères ; et en effet, dans le fait il n'y fait rien, et n'en prend aucun soin, parce qu'il s'en est déchargé sur la conscience des évêques, qui dès là en demeurent chargés.

6° Et néanmoins il est certain., pour comble de droit, que ce décret du concile est expressément accepté par l'ordonnance de Blois, comme on va voir.

 

Article XXVII de l'ordonnance de Blois.

 

Tous monastères qui ne sont sous chapitres généraux, et qui se prétendent sujets immédiatement au Saint-Siège apostolique, seront tenus dans un an se réduire à quelque congrégation de leur ordre en ce royaume, en laquelle seront dressés statuts et commis visitateurs pour faire exécuter, garder et observer ce qui aura été arrêté pour la discipline régulière; et en cas de refus ou délai, il y sera pourvu par révoque.

 

REMARQUES.

 

Les parties ont prétendu que cette ordonnance n'était que comminatoire , et qu'avant que de réduire les monastères qui se prétendent exempts à leur obéissance, les évêques étaient tenus à faire des diligences pour les obliger à se mettre en congrégation. On trouvera dans la suite un mémoire exprès pour détruire cette prétention , et on dira seulement ici en abrégé :

1° Que le dessein de l'ordonnance est d'entrer dans l'esprit du concile, qui, comme on a vu, n'a exigé des évêques aucune diligence ; mais leur ordonne de gouverner les monastères même

 

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exempts, dès qu'ils ne les trouvent pas soumis à un gouvernement réglé.

2° Les termes de l'ordonnance : Il y sera pourvu par l'évêque, sont relatifs à ce qui a été dit auparavant, qu'il serait dressé des statuts et commis des visitateurs par les congrégations auxquelles les monastères se seraient réduits, c'est-à-dire que de plein droit l'évêque ferait ces choses ; ce qui revient à ce que dit le concile, que ces monastères seront gouvernés par les évêques.

3° L'esprit du concile et de l'ordonnance était d'en revenir le plus près qu'il se pouvait du droit commun, dont le changement avait été cause de tous les inconvénients qu'on avait vus arriver.

4° Obliger les évêques à faire des diligences pour réduire les monastères en congrégations indépendantes, c'eût été, loin d'établir leur autorité, comme on en avait le dessein, leur faire faire des actes et des diligences contre eux-mêmes.

5° C'eût été faire regarder comme une peine le retour à la juridiction ordinaire, qui au contraire était le bien qu'on leur voulait procurer.

6° Aussi dit-on dans l'ordonnance que les monastères seront tenus de se mettre en congrégation, et non que les évêques les y contraindront.

7° Les termes de l'ordonnance : En cas de refus ou délai, font voir que l'intention est de remettre les monastères sous les évêques, faute de se mettre en congrégation, non-seulement s'ils le refusent en étant requis, mais encore s'ils diffèrent en quelque manière que ce soit.

8° L'intention de l'ordonnance, comme celle du concile, n'était pas d'obliger à des procédures qui tirent les affaires en longueur, mais d'apporter un prompt remède à un mal pressant.

 

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BREFS APOSTOLIQUES,

 

PAR LESQUELS LES SIEURS BOUST ET VINOT, ET ENSUITE M. L'ARCHEVÊQUE DE PARIS SONT COMMIS VISITEURS DU MONASTÈRE DE JOUARRE.

 

Bref adressé aux sieurs Boust et Vinot, docteurs de Sorbonne.

 

Innocentius PP. XI, ad futuram rei memoriam. Prospero felicique monasterii monialium de Jouarre (1), Sedi Apostolicœ, ut asseritur, immediate subjecti, ordinis sancti Benedicti, Meldensis Diœcesis, regimini et gubernio quantum nobis ex alto conceditur, providere et regularem disciplinam ubi benedicente Domino viget, firmiùs constabiliri, sicubi verô exciderit, opportunis rationibus restitui 2, piisque charissimi in Christo filii nostri Ludovici Francorum regis christianissimi votis in idipsum laudabililer tendentibus favorabiliter annuere cupientes, ac de dilectorum filiorum Guidonis Boust professoris in collegio Sorbonœ, et Francisci Vinot ex collegio Navaræ, doctorum Facultatis theologiæ Parisiensis, probitate, integritate, prudentiâ, doctrinâ, charitate et religionis zelo plurimùm confisi, et eorum singulares personas à quibusvis excommunicationis, suspensionis  et  interdicti  aliisque ecclesiasticis sententiis, censuris et pœnis à jure vel ab bomine quâvis occasione vel causa latis, si quibus quomodolibet innodati existant, ad effectum præ-sentium duntaxat consequendum, harum série absolventes et absolutos fore censentes, supplicationibus memorati Ludovici régis nomine nobis super hoc humiliter porrectis paternà benignitate inclinati : eosdem Guidonem et Franciscum  visitatores apostolicos supradicti monasterii Monialium de Jouarre, cum facultatibus necessariis et opportunis, ut monasterium ipsum (3) tam in capite quàm in membris, ad præscriptum sacrorum canonum et (4) concilii Tridentini ac apostolicarum et ordinis prædieti constitutionum, auctoritate nostrâ apostolicâ visitent, corrigant atque reforment, eâdem auctoritate tenore præsentium constituimus et deputamus. Decernentes easdem præsentes litteras firmas, validas et efficaces existere et fore, suosque plenarios et integros effectus sortiri et obtinere, ac illis ad quos et quas spectat et spectabit in

 

1 On n'énonce pas absolument que le monastère soit exempt, mais on dit qu'il l'est, ut asseritur. — 2 Ce n’est pas le Pape qui pourvoit d'office à la visite de ce monastère; c'est le Roi, et non pas les religieuses, qui demande des visiteurs. — 3 Le monastère devait être réformé dans le chef et dans les membres. — 4 Le Pape, loin de déroger au concile de Trente, eu ordonne l'exécution.

 

 

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futurum plenissimè suffragari, et ab eis respective inviolabiliter observari, sicque in præmissis per quoscumque judices ordinarios et delegatos, etiam causarum palatii apostolici auditores, judicari et definiri debere, ac irritum et inane, si secùs super bis à quoquam, quàvis auctoritate, scienter vel ignoranter contigerit attentari (1); non obstantibus constitutionibus et ordinationibus apostolicis, ac quatenùs opus sit monasterii et ordinis prædictorum eliam juramento, confirmatione apostolicâ vel quâvis lirmitate alià roboratis, statutis et consuetudinibus, et privilegiis quoque, litteris et induitis et litteris apostolicis, aut contrariis præmissorum quomodolibet concessis, confirmatis et innovatis; quibus omnibus et singulis illarum tenorem, præsentibus pro plenè et sufficienter expressis et ad verbum insertis habentes, illis aliàs in suo robore permansuris ad præmissarum effectum, hâc vice duntaxat, specialiter et expresse derogamus, cæterisque contrariis quibuscumque. Datum Romæ apud S. Mariam Majorem, sub annulo Piscatoris, die XXIII octobris M. D. C. LXXIX. Pontificatûs nostri anno quarto. Et infrà, F. Lucius.

 

Bref adressé à M. l'archevêque de Paris.

 

Innocentius PP.Xl venerabili fratri Archiepiscopo Parisiensi, salutem et apostolicam benedictionem. Laudabilia fraternitatis tua; in Ecclesiam Dei studia cum singulari prudentiâ , charitate, pastorali vigilantiâ, dexteritate et religionis zelo, ac in nos et hanc sanctam Sedem fide et devotione conjuncta nos adducunt, ut ea quæ nobis maxime cordi sunt, tibi libenter committamus, firmà spe et fiducià in Domino freti, te expectationi et desiderio de te nostris cumulatè responsurum. Cùm itaque sicut (2) charissimi in Christo filii Ludovici Francorum regis christianissimi nomine nobis nupor expositum fuit in Monasterio monialium de Jouarre, Sedi apostolicæ, ut asseritur, immédiate subjecto, ordinis sancti Bencdidi, Meldensis Diœcesis (3), aliquid inordinatum reperiatur. quod idem Ludovicus rex operà tuâ (4) ad rectam monasticae disciplina; normam revocari plurimùm desiderat. Nos ipsius Ludovici regis piis votis hâc in re, quantum cum Domino possumus, favorabiliter annuere, ac regularem in dicto monasterio observantiam, ubi benedicente Domino viget,  firmiùs constabiliri, sicubi verò exciderit, opportunis rationibus restitui cupientes ; supplicationibus memorati Ludovici regis nomine nobis super hoc humiliter porrectis benigne inclinati, ac deputationem duorum visitatorum ejusdem monasterii, à nobis per quasdam nostras in simili forma breves litteras die XXIII octobris proximè prateriti expeditas,

 

1 Notez encore que le Pape ne déroge pas au concile de Trente.— 2 Le bref demandé au nom du roi. — 3 Il y avait quelque désordre au monastère de Jouarre dont le roi désirait la réformation. — 4 Ce désordre regardait le spirituel et la règle de la discipline monastique.

 

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quarum tenorem præsentibus haberi volumus pro expresso factum, harum serie (1) revocantes, te supradicti monasterii monialium de Jouarre, superiorem et visitatorem apostolicum cum facultate monasterium ipsum per te ipsum vel (2) alium, seu alios viros idoneos, vitae probitate, morum gravitate, prudentiù, charitate et religionis zelo, aliisque ad id requisitis qualitatibus præditos à te deputandos, tam (3) in capite quàm in membris, ad præscriptum sacrorum canonum et (4) concilii Tridentini decretorum ac apostolicarum et ordinis prædicti constitutionum, auctoritate nostrâ apostolicà visitandi, corrigendi atque reformandi, ac cum aliis facultatibus necessariis et opportunis eâdem auctoritate tenore præsentium constituimus et deputamus. Decernentes easdem præsentes litteras armas, validas et efficaces existere et fore, suosque plenarios et integros effectus sortiri et obtinere, ac tibi et aliis ad quos et quas spectat et spectabit in futurum plenissimè suffragari, et ab eis respective inviolabiliter observari; sicque in præmissis per quoscumque judices ordinarios et delegatos etiam causarum palatii apostolici auditores, judicari et detiniri debere, ac irritum et inane, si secùs super his à quoquam quâvis auctoritate scienter vel ignoranter contigerit attentari  (5); non obstantibus præmissis constitutionibus et ordinationibus apostolicis, necnon quatenùs opus sit, monasterii et ordinis prædictorum etiam juramento, confirmatione apostolicâ vel quâvis firmitate aliâ roboratis, statutis et consuetudinibus, privilegiis quoque, indultis et litteris apostolicis in contrarium præmissorum quomodolibet concessis, confirmatis et innovatis : quibus omnibus et singulis illarum tenorem præsentibus pro plenè et sufficienter epressis et insertis habentes, illis aliàs in suo robore permansuris ad præmissorum effectum, hâc  vice duntaxat, specialiter et expresse derogamus, caeterisque contrariis quibuscumque. Datum Romæ, apud Sanctum Pelrum, subannulo Piscaloris, die VII februarii M. DC. LXXX, pontilicatûs nostri anno quarto. Et infrà signulum, J. F. Lucas. Et au dos est écrit : Venerabili fratri Francisco Archiepiscopo Parisiensi.

 

1 Le Pape révoque le bref ci-dessus où les sieurs Boust et Vinot étaient commis visiteurs.—  2 Le Pape donne pouvoir à M. l'archevêque de Paris de subdéléguer. — 3 On exprime que le monastère de Jouarre avait besoin de réforme, tant dans le chef que dans les membres. — 4 Le Pape ordonne l'exécution du concile de Trente. — 5 Le Pape ne déroge pas au concile de Trente.

 

ARRÊT DU  CONSEIL  D'ÉTAT
SUR LE DERNIER BREF.

 

Extrait des registres du Conseil d'Etat. Vu par le roi, étant en son conseil, le bref de notre saint Père le

 

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Pape, du septième février dernier, par lequel Sa Sainteté a commis le sieur archevêque de Paris pour visiter et réformer le monastère des religieuses de Jouarre, ordre de Saint-Benoît, au diocèse de Meaux, avec pouvoir de subdéléguer un ou plusieurs commissaires; et voulant qu'il ait son effet, Sa Majesté étant en son conseil, a ordonné et ordonne que ledit bref sera exécuté. Ce faisant, que par ledit sieur archevêque de Paris, ou ses subdélégués, il sera incessamment procédé à la visite et réforme dudit monastère des religieuses de Jouarre; et les ordonnances et règlements qui seront faits par ledit sieur archevêque ou ses subdélégués pour raison de ce, exécutés nonobstant oppositions ou appellations, et sans préjudice d'icelles. Fait au conseil d'Etat du roi, Sa Majesté y étant, tenu à Saint-Germain-en-Laye, le vingt-septième d'avril mil six cent quatre-vingt. Ainsi signé, Colbert. Et scellé.

 

REMARQUES.

 

On a fait dans le mémoire suivant des remarques particulières sur ce bref et sur l'arrêt. On observera seulement ici,

1° Qu'il y avait à Jouarre du désordre dans le spirituel, assez grand pour venir aux oreilles du roi et pour être porté par le roi à celles du Pape ; et il paraît que ce monastère avait besoin de réforme dans le chef et dans les membres.

2° Le roi avait fait visiter le monastère par M. de Saillant, prêtre de l'Oratoire, à présent évêque de Poitiers ; et ainsi Sa Majesté était si bien informée du mal de ce monastère qu'elle se crut obligée de l'exposer au pape.

3° Les religieuses protestèrent contre le bref adressé aux sieurs Boust et Vinot, lorsqu'ils firent leur visite à l'abbaye de Jouarre; à ce que, dirent-elles, l'exécution dudit bref ne pût nuire ni préjudicier à leurs immunités et exemptions, comme relevantes et dépendantes immédiatement de Sa Sainteté : ce qui paraît par l'acte de protestation passé par-devant Royer, notaire apostolique à Meaux, en date du 27 juin 1679; lequel est signé de celles qui sont aujourd'hui les premières de l'abbaye.

4° Les sieurs Boust et Vinot ayant fait une seconde visite, Sa Majesté confirmée dans la connaissance qu'elle avait des besoins de ce monastère, les expose de nouveau au Pape, et demande pour visiteur M. l'archevêque de Paris.

5° Ce prélat ne voulut point se charger de cette commission; ni

 

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il n'a accepté le bref, ni il ne l'a intimé au monastère de Jouarre; ni il n'a subdélégué comme il en avait le pouvoir, ni il n'a fait aucune visite, ni aucun acte juridique en vertu de ce bref. On a lu à l'audience quelques lettres de compliment du même prélat, qui ont bien fait voir qu'il ne songeait à aucune fonction; de sorte que ce bref est demeuré entièrement sans exécution.

6° Dix ans après le bref obtenu, l'abbesse et les religieuses, envers qui il n'a jamais eu d'exécution, s'avisent de vouloir s'en servir, et cela lorsque l'évêque fait sa charge : de sorte que tout l'effet de ce bref est de laisser les religieuses dans l'indépendance si l'évêque ne disait mot, et de l'empêcher lorsqu'il ferait son devoir.

7° Ce bref est si peu connu des abbesses et religieuses et si peu en leur pouvoir, que lorsqu'elles ont voulu s'en servir dans le procès, elles ont été obligées de le tirer par un compulsoire des registres du secrétariat de l'archevêché de Paris.

8° Ce n'était donc point un bref qui eût eu la moindre exécution, puisqu'en ce cas le premier pas qu'il eût fallu faire eût été de l'intimer aux religieuses. M. l'archevêque de Paris ne songeait pas plus à s'en servir, puisqu'on le tire de lui par un compulsoire, et qu'il n'agit pas pour le faire valoir, n'ayant en aucune sorte paru dans la cause et n'ayant fait aucune action pour revendiquer la juridiction.

9° Selon toutes les maximes du droit, ce bref est suranné, et entièrement devenu caduc par la mort du Pape déléguant avant toute exécution.

10° L'arrêt du conseil n'a non plus été exécuté, ni même signifié.

11° Ces brefs ne dérogent pas aux décrets des conciles de Vienne et de Trente, qui par conséquent demeurent en leur entier.

12° Si l'évêque eût fait son devoir, le roi n'aurait pas songé à impétrer un tel bref contre l'esprit des conciles et de l'ordonnance, qui veulent que les monastères aient un gouvernement réglé.

 

MÉMOIRE POUR
MESSIRE JACQUES-BÉNIGNE BOSSUET,

 

ÉVÊQUE DE MEAUX,

CONTRE

Dame Henriette de Lorraine, abbesse de Jouarre.

 

 

SUR  L'ARTICLE  XXVII
DE L'ORDONNANCE DE  BLOIS,
ET  SUR  LE  BREF  DE  L’ARCHEVÊQUE  DE PARIS.

 

Article XXVII de l'ordonnance de Blois.

 

Tous monastères qui ne sont sous chapitres généraux, et qui se prétendent sujets immédiatement au Saint-Siège apostolique, seront tenus dans un an se réduire à quelque congrégation de leur ordre en ce royaume, en laquelle seront dressés statuts et commis violateurs, pour faire exécuter, garder et observer ce qui aura été observé pour la discipline régulière; et en cas de refus ou délai, y sera pourvu par l'évêque.

 

Madame l'abbesse de Jouarre prétend que M. l'évêque de Meaux ne peut se prévaloir contre elle de cette ordonnance, parce qu'il ne l'a point sommée de s'agréger.

Il répond que la sommation serait nécessaire pour la constituer en demeure, si l'ordonnance n'a voit point déclaré ce qui se doit faire, au cas que les monastères négligent de se réduire en congrégation dans un an; mais elle a dit : Et en cas de refus ou délai, y sera pourvu par l'évêque. S'il se présente donc un monastère qui ait différé plus d'un an à s'agréger, l'ordonnance ne porte pas qu'il sera sommé de le faire ; elle veut en ce cas que l'évêque y pourvoie. Dans le commencement de l'article, elle oblige les monastères à faire diligence de s'agréger dans un an ; l'obligation leur en est imposée par ces mots : Seront tenus : ce n'est pas l'évêque qui est chargé de poursuivre leur agrégation, ce sont les monastères auxquels il est enjoint d'y procéder.

 

536

 

Madame l'abbesse de Jouarre n'allègue point de causes canoniques pour excuser son monastère de ce qu'il n'y a point satisfait. Les abbesses qui l'ont précédée avaient bonne connaissance de l'ordonnance de Blois, qui avait été publiée dans tous les bailliages du royaume dès l'an 1580. Cette loi les a interpellées de jour à autre de s'unir à quelque congrégation de leur ordre ; cependant elles ont négligé de le faire pendant plus de cent ans ; et après ce long temps, lorsque M. l'évêque de Meaux se présente pour exercer sa charge, madame l'abbesse de Jouarre soutient qu'elle n'est point en demeure de s'agréger, sous prétexte que les prédécesseurs de M. l'évêque de Meaux ne l'en ont point sommée. Ils n'y étaient point obligés : le terme d'un an limité aux monastères pour se réduire en congrégation, est purement et simplement une grâce à l'égard des monastères de religieuses, parce que le concile de Trente ne le leur a point accordé. Il a distingué les monastères d'hommes de ceux de filles : ceux-là ont eu un an pour s'agréger, et ceux-ci n'ont eu aucun temps; le concile en a remis tout le gouvernement aux évêques comme délégués du Saint-Siège (1), En voici le décret.

 

Concilii Tridentini, sessione XXV, de Regularibus, cap. IX.

 

Monasteria sanctimonialium sanctœ Sedi apostolicae immediatè subjecta, etiam sub nomme capitulorum sancti Petri vel sancti Joannis, vel aliàs quomodocumquè nuncupentur, ab Episcopis, tanquàm dictas Sedis delegatis GUBERNENTUR, non obstantibus quibuscumque. Quae verô à deputatis in capitulis generalibus, vel ab aliis regidaribus reguntur, sub eorum cura et custodià relinquantur.

 

S'il est porté dans le chapitre VIII qu'en cas de négligence de la part des monastères de s'agréger, le métropolitain convoquera ceux de sa province pour en former une congrégation, madame l'abbesse de Jouarre n'en saurait tirer avantage pour deux raisons : l'une, que cette convocation par le métropolitain n'a point été acceptée par l'ordonnance, ni reçue dans notre usage ; et l'autre, qu'elle ne regarde que les monastères d'hommes, parce que ceux des religieuses obligées à garder la clôture ne peuvent être convoqués, et que le concile règle dans le chapitre neuvième ci-dessus qu'ils seront gouvernés par les évêques.

 

1 Sess. XXV, de Regul., cap. VIII.

 

537

 

Il n'y a donc aucun moyen pour établir qu'il fût nécessaire de sommer l'abbaye de Jouarre de s'agréger ; elle en a été suffisamment interpellée par l'ordonnance. L'exception de cette sommation est d'autant moins recevable, que les choses ne sont plus entières lorsque madame l'abbesse de Jouarre la propose. Il y a une procédure commencée contre elle ; l'évêque est rentré dans l'exercice de sa juridiction.

L'arrêt rendu le 10 janvier 1679 au profit de M. l'évêque de Luçon contre l'abbaye de la Grenetière, a nettement jugé qu'il n'était pas besoin de sommation pour soumettre les monastères qui se prétendaient exempts, à la visite du diocésain. Les religieux , prieur et couvent de la Grenetière se prétendant exempts de l'Ordinaire, avaient refusé de recevoir M. l'évêque de Luçon pour visiter leur monastère; l'official de Luçon avait décrété un ajournement personnel contre le prieur claustral et le sacriste. Ils en appelèrent comme d'abus, et pendant l'appel obtinrent du visiteur général de la congrégation des Bénédictins exempts de France, un décret par lequel leur communauté était unie à sa congrégation. M. l'évêque de Luçon était appelant comme d'abus de ce décret. Sur ces appellations comme d'abus respectives, l'arrêt prononce « qu'il n'y a abus dans la procédure faite contre les religieux ; et sur l'appel comme d'abus de l'évêque, qu'il a été mal, nullement et abusivement procédé. Ce faisant, enjoint aux religieux de subir la juridiction et visite de l'évêque de Luçon, et les condamne aux dépens. »

Ces sommations ne furent point aussi jugées nécessaires lors de l'arrêt du G mars 1653 pour l'abbaye de la Règle. Il déclare l'abbesse et religieuses sujettes à la visite et à toute autre juridiction et supériorité appartenantes à l'évêque de Limoges, sans avoir égard à l'intervention du syndic de l'ordre de Cluny, auquel elles s'étaient agrégées pendant le procès.

Un autre arrêt donné le 3 août 1679 a maintenu M. l'évêque d'Autun au droit de la juridiction épiscopale sur le monastère, abbesse et religieuses de Saint-Andoche.

Madame l'abbesse de Jouarre n'est pas mieux fondée à soutenir que, quand il est dit dans l'ordonnance , qu'en cas que les monastères

 

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refusent ou diffèrent de s'agréger dans l'an, il y sera pourvu par l'évêque; ces termes, dit-elle, Il y sera pourvu par l'évéque, ne signifient point que les monastères retourneront sous la juridiction de l'évêque; ils expriment seulement que l'évêque pourra les contraindre par son autorité, de s'unir à une congrégation pour se réformer. Cette explication ne s'accorde ni avec le pouvoir de l'évêque, ni avec les paroles et le sens de l'ordonnance : elle ne s'accorde pas avec le pouvoir de l'évêque, d'autant que les monastères ayant laissé passer le temps qui leur est prescrit par l'ordonnance pour s'agréger, il n'est plus en la puissance de l'évêque de les y contraindre : la raison est qu'ils ne peuvent faire l'agrégation sans avoir préalablement obtenu des lettres-patentes pour être relevés du laps de temps porté par l'ordonnance, ils ne peuvent plus être agrégés sans avoir préalablement obtenu d'autres lettres qui leur permettent de s'unir à une congrégation, nonobstant la déclaration du mois de juin 1671, registrée en parlement , qui défend à tous les parlements de souffrir aucune union nouvelle de monastères à ces congrégations réformées, sans une permission préalable du roi. Or il n'est point encore au pouvoir de l'évêque de donner cette permission ; et ainsi ce n'a point été l'intention de l'ordonnance de le charger de procédures qui ne dépendaient aucunement de lui.

Si l'on réfléchit sur les paroles et sur le sens de l'ordonnance, on verra qu'elle a voulu que les monastères qui auraient négligé durant un an de s'agréger, fussent remis sous la juridiction de l'évêque. Car pourquoi est-ce qu'elle leur a enjoint de se réduire à une congrégation de l'ordre ? Elle déclare dans la seconde partie de l'article, que c'est afin qu'il soit dressé des statuts dans la congrégation, et qu'il y soit commis des visitateurs, pour faire exécuter ce qui aura été arrêté pour la discipline régulière; et prévoyant (dans la dernière partie de l'article) qu'il y aurait beaucoup de monastères qui ne voudraient souffrir ni statuts nouveaux de discipline régulière, ni visitateurs qui les fissent observer, elle a ajouté qu'en cas de refus ou délai, il y sera pourvu par l'évêque; c'est-à-dire que l'évêque pourvoira à la réformation du monastère, comme la congrégation aurait pu faire s'il s'y était

 

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uni. Il pourvoira à la discipline régulière en la même forme que les visitateurs de la congrégation auraient fait.

C'est ainsi que les conciles dont l'ordonnance est tirée la doivent faire expliquer. C'est ce que disent les autres ordonnances qui l'ont précédée ou suivie, et c'est ce que les arrêts ont jugé. Le décret du concile de Trente ci-dessus imprimé porte que les monastères de religieuses, soumis immédiatement au Saint-Siège , soient gouvernés par les évêques, ab episcopis gubernentur : et de prétendre qu'il n'est point reçu pour ce regard dans le royaume, c'est ce qui ne peut se soutenir. Cet article ne blesse point les libertés de l'Eglise gallicane, il ne fait que renouveler le décret du concile général de Vienne, célébré dans le royaume à la poursuite de nos rois. La décision de ce concile rapportée dans la Clémentine Attendentes : De statu monachorum, est conçue en ces termes : Sacro approbante concilio, duximus statuendum, ut singula monialium monasteria per ordinarios : exempta videlicet, quœ ita Sedi apostolicœ quòd nulli alii subjecta noscuntur, apostolicà; non exempta verò, ordinarià auctoritate; exempta alia per alios quibus subsunt, annis singulis debeant visitari : privilegiis, statutis, consuetudinibus in contrarium minimè valituris. Ces derniers monastères sont ceux qui sont gouvernés par chapitres généraux en congrégation.

Voilà les règlements faits par les deux conciles, dont l'ordonnance de Blois est tirée. Si l'on oppose qu'ils ne donnent pouvoir aux évêques de visiter les monastères de religieuses qu'en qualité de délégués du Saint-Siège, on répond que cette délégation n'est point en usage dans le royaume. Les évêques ne sont pas de simples vicaires du Saint-Siège, ils sont fondés dans une autorité ordinaire; et les arrêta ont jugé qu'ils ne pou-voient en ce cas et autres semblables procéder comme délégués du Saint-Siège sans commettre abus, parce que ce serait renverser les degrés de la juridiction ecclésiastique établis par le concordat.

L'ordonnance d'Orléans sert aussi pour interpréter celle de Blois. Elle veut, en l'article XI, que tous abbés et abbesses non étant chefs d'ordre , soient sujets à l'archevêque ou évêque diocésain,

 

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sans qu'ils puissent s'aider d'aucun privilège d'exemption. On convient que l'ordonnance de 1629 n'est pas reçue dans l'usage pour avoir force de loi ; mais comme elle a été composée sur les mémoires des Etats de 1614 et sur ceux de l'assemblée des notables de 1625, et qu'elle a été délibérée dans le conseil du roi, les règlements qu'elle contient sont de grande autorité. Le roi y enjoint par l'article IV à tous prélats, tant réguliers que séculiers, de procéder dans six mois à la réformation des abbayes, prieurés et autres maisons de leurs diocèses, tant de religieux que de religieuses , non étant en congrégation réformée, y faire garder la règle monastique et clôture, conformément à l'ordonnance de Blois, nonobstant toutes réserves au Saint-Siège.

L'assemblée générale du clergé tenue en 1645, fit un règlement de discipline par lequel, exécutant les conciles et les ordonnances, elle arrêta, en l'article XXV , que tous monastères immédiatement soumis au Saint-Siège, qui ne seraient pas réduits en congrégation réformée dans le délai porté par le concile de Trente et par l'ordonnance de dois, demeureraient sujets à la juridiction de l'évêque diocésain.

Enfin les arrêts rendus pour les abbayes de la Grenetière, de la Règle et de Saint-Andoche, ci-dessus allégués, ont jugé que les religieux et les religieuses qui ne s'étaient point mis en congrégation , devaient subir la juridiction et visite de leur évêque ; de sorte que toutes les lois civiles et ecclésiastiques concourent pour faire voir que quand l'ordonnance de Blois a voulu qu'en cas de refus ou délai par les monastères de s'agréger, il y fût pourvu par l'évêque, son intention a été que les monastères retournassent sous la juridiction des évêques.

Madame l'abbesse de Jouarre insiste que les évêques de Meaux ne se sont point présentés pour visiter son monastère depuis l'ordonnance de Blois, et ainsi que le pouvoir en est dévolu par leur négligence au métropolitain, du métropolitain au primat, et du primat au Pape, lequel s'étant trouvé ressaisi de la juridiction, a pu députer par un bref M. l'archevêque de Paris pour visiteur de son abbaye.

M. l'évêque de Meaux répond que l'ordonnance n'a point préfini

 

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de temps dans lequel les évêques fussent tenus de visiter les monastères qui ne se seraient point agrégés. Elle a bien enjoint aux monastères de se réduire en congrégation dans un an ; mais elle n'a pas déclaré qu'en cas de refus ou délai, les évêques fussent tenus d'y pourvoir dans l'année suivante ; elle a seulement statué qu'ils y pourvoiraient, sans leur imposer la nécessité de le faire dans un certain temps. C’est une circonstance qui montre que ce n'est point un cas sujet à dévolution , parce que la dévolution n'a lieu de l'inférieur au supérieur, pour cause de négligence , que dans les cas où l'inférieur est obligé par la loi de faire un acte dans un certain temps : comme en matière de collations, l'évêque est tenu de pourvoir dans les six mois de la vacance, sinon le droit en est dévolu au métropolitain. Les électeurs doivent élire à une dignité dans les trois mois de la vacance, sinon leur pouvoir est dévolu au supérieur, auquel la confirmation de l’élection appartient : et de vouloir établir cette dévolution, ce serait remettre les monastères sous la supériorité immédiate du pape, qui y a renoncé dans les conciles de Vienne et de Trente ; ce serait faire chose directement contraire à l'ordonnance , qui a voulu que les monastères eussent un supérieur dans le royaume.

 

Bref d'Innocent XI à M. l'archevêque de Paris.

 

Pour le bref par lequel le pape a député M. l'archevêque de Paris, visiteur et réformateur de l'abbaye de Jouarre, il est important d'observer que le roi, avant de le solliciter , envoya visiter la communauté de Jouarre par un prêtre de l'Oratoire, à présent évêque. Madame l'abbesse de Jouarre ne rapporte point son procès-verbal , pour faire voir la régularité qu'elle observait et faisait observer dans sa maison. Le roi en ayant été informé, donna ordre à son ambassadeur à Rome d'obtenir un premier bref par lequel les sieurs Boust et Vinot, docteurs en théologie, furent députés visiteurs apostoliques de l'abbaye de Jouarre. Ils y firent leur visite en vertu de ce bref; mais ce second procès-verbal ne paraît point encore.

L'idée qu'on en peut concevoir est que l'autorité de ces docteurs ne fut pas jugée suffisante pour faire ce qui concernait au

 

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bien de l'abbaye; c'est ce qui obligea le roi d'obtenir, le 6 février 1680, un second bref qui révoqua le premier, et députa M. l'archevêque de Paris commissaire apostolique pour visiter et réformer cette abbaye.

Le second bref expédié sur la réquisition du roi est fondé : Cùm aliquid reperiatur inordinatum in dicto monasterio; et dans la suite sont ces termes qui expliquent cet inordinatum : Quod idem Ludovicus rex ad rectam disciplinae monasticœ normam revocari plurimùm desiderat.

Les moyens pour montrer que ce bref ne sert de rien pour la décision de la cause, sont : 1° Qu'il n'a été accordé qu'au roi seul. Il n'a point été concédé à madame l'abbesse de Jouarre, ni aux religieuses de son monastère. Elle n'est point saisie de l'original : et comme ce n'est pas une pièce qui lui appartienne, elle n'en a qu'une copie compulsée dans son sac; de sorte que quand elle l'allègue, c'est l'exception d'un tiers dont elle se défend ; il n'y a que M. le procureur général qui le peut opposer à M. l'évêque de Meaux.

2° M. l'archevêque de Paris n'a point jugé à propos d'exécuter ce bref depuis dix ans qu'il est expédié. Il n'y a point de procès-verbal par lequel il en ait accepté l'exécution; il n'a point subdélégué suivant la faculté qu'il en avait; il n'a point envoyé de mandement de visite à l'abbaye de Jouarre ; il n'est point intervenant en la cause pour le soutenir. On dit seulement qu'il a écrit des lettres à madame l'abbesse de Jouarre pour lui permettre de sortir. Ces lettres qui n'ont point été communiquées ni reconnues, ont été lues dans la réplique; mais ce sont plutôt des compliments et des honnêtetés que des permissions de sortir données à une religieuse. M. l'archevêque de Paris n'y prend point la qualité de commissaire apostolique ; et ce n'est point par des lettres que l'exécution d'un bref s'accepte, il faut un acte juridique.

3° Si un arrêt du conseil d'Etat en a permis l'exécution, il n'a pas été rendu sur la requête de madame l'abbesse de Jouarre pour qu'elle puisse s'en servir ; c'est un arrêt donné sans réquisition d'aucune partie, et sans que M. l'évêque de Meaux ait été ouï : le roi n'y a point fait défenses à tous juges de connaître des contestations

 

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qui naitraient sur l'exécution de ce bref : il n'en a point réservé la connaissance à sa personne ; et ainsi la Cour a la liberté entière d'y prononcer.

4° Ce bref n'a été accordé que sur le fondement que l'abbaye de Jouarre était exempte de l'Ordinaire et sujette au pape, ut asseritur ; cependant elle ne l'est point; c'est donc un bref nul et obreptice.

5° Ce bref ne déroge point aux conciles de Vienne et de Trente, qui soumettent aux Ordinaires tous les monastères de religieuses dépendants immédiatement du pape. L'arrêt du conseil d'Etat ne déroge point aussi aux ordonnances d'Orléans et de Blois, qui remettent tous les monastères non étant en congrégation sous la juridiction des évêques; et ainsi le pouvoir que les conciles et l'ordonnance attribuent à M. l'évêque de Meaux, ne lui étant ôté ni par ce bref, ni par cet arrêt, il peut s'en servir.

6° Il était nécessaire de faire confirmer ce bref par lettres-patentes et de les faire registrer; c'est ce qui n'a point été fait.

7° Ce bref est caduc, pour avoir été négligé et abandonné durant dix années : Pro derelicto habitum. Ce n'est qu'une commission de justice adressée à un juge extraordinaire, laquelle n'ayant point été exécutée dans l'an , elle est finie par le laps de ce long temps sans exécution, et l'on ne saurait la taire revivre pour empêcher que ce juge ordinaire n'exerce ses fonctions.

8° Cette commission est expirée par la mort du pape Innocent XI ; car les rescrits de justice finissent par la mort du déléguant, lorsque les choses sont encore entières au temps de son décès ; c'est ce qui est décidé, cap. Relatum: cap. Gratum : De officio et potestate. Si delegans ante litis contestationem decessit, non est à judicibus quos delegaverat ex delegatione hujusmodi procedendum.

Quand on dit que les concessions faites par les papes à nos rois sont perpétuelles et irrévocables, cela est vrai pour les induits et autres rescrits de grâce qu'ils leur accordent ; mais pour les rescrits de justice, qui ne contiennent qu'une députation de commissaire, ils ne sont point exceptés de la loi qui les fait expirer.

La circonstance que celui-ci a été confirmé par un arrêt du

 

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conseil d'Etat, ne l'a point perpétué au delà de la mort du Pape contre la disposition du droit, parce que cet arrêt n'est point un acte du commissaire député pour l'exécuter ; il ne contient qu'une permission de mettre le rescrit à exécution, et c'est ce qui n'a point été fait.

Il faut encore considérer que ce bref donne à M. l'archevêque de Paris une juridiction immédiate, et en première instance dans le diocèse de son suffragant, hors les cas marqués par le droit; et que si M. l'archevêque de Paris avait fait une visite dans ce monastère dont il y eût appel, il le faudrait relever en cour de Rome, et non pas au primat, d'autant qu'il n'y aurait pas procédé comme archevêque de Paris, mais en qualité de commissaire du Pape : c'est ce qui renversait l'ordre et les degrés de la juridiction ecclésiastique établis par le concordat.

 

Arrêt de 1631.

 

Madame l'abbesse de Jouarre prétend que quand ce bref lui serait inutile , son exemption ne pourrait pas être contestée ; d'autant qu'elle a été confirmée depuis l'ordonnance de Blois par un arrêt du 26 mai 1631, sur les conclusions de feu M. l'avocat général Talon. Mais cet arrêt n'a point été rendu avec les prédécesseurs de M. l'évêque de Meaux ; il ne s'y agissait ni de visite, ni de correction de mœurs. Un curé avait fait assigner l'abbesse de Jouarre devant l'official de Meaux pour se désister d'un droit de dîmes; il y avait eu une sentence qui avait débouté l'abbesse de son déclinatoire. Elle en était appelante comme d'abus ; et sur son appel il intervint arrêt, sans que l'évêque ni ses officiers fussent parties entre le curé et l'abbesse seulement, par lequel il fut dit qu'il y avait abus dans la sentence, et la cause renvoyée devant l'abbé de Sainte-Geneviève, comme conservateur, des privilèges apostoliques.

Si cet arrêt a été l'effet d'une conclusion , c'est ce que M. l'évêque de Meaux n'examinera point ; il remarquera seulement qu'il ne déclare point l'abbesse exempte de la visite de l'ordinaire ; que si les moyens sur lesquels l'abbesse fonde son exemption y ont été allégués, il n'y a point été parlé de ceux que l'évêque tire

 

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des conciles de Vienne et de Trente, et de l'ordonnance ; et pour le plaidoyer de feu M. l'avocat général Talon, ce n'est point son ouvrage : la minute qui est au greffe n'est point paraphée de lui ; il n'y a eu qu'un commis au greffe qui y ait eu part, et les conclusions en sont fondées sur des lettres-patentes confirmatives de l'exemption de Jouarre, registrées, qui ne paraissent point.

 

Le bref d'Hière.

 

La prétention que le bref qui a député le sieur abbé Chamillard, visiteur de l'abbaye d'Hière, est un exemple pour faire confirmer celui donné pour l'abbaye de Jouarre, n'est pas mieux fondée; car ces deux brefs ne sont pas semblables. Celui-là a été concédé sur la requête de l'abbesse et des religieuses d'Hière : celui de Jouarre a été expédié sans la participation de l'abbesse et des religieuses et sur la seule réquisition du roi. Celui-là est confirmé par lettres enregistrées en la cour : celui-ci n'est autorisé ni par lettres-patentes , ni par arrêt d'enregistrement. Celui-là a été accepté en forme judiciaire par le commissaire que le Pape a député : celui-ci ne l'a point été. L'Ordinaire ne réclame point contre celui-là, il en agrée l'exécution : M. l'évêque de Meaux soutient que celui-ci ne peut être exécuté.

 

Réponse aux actes de possession concernant l'exemption.

 

C'est une circonstance importante pour faire voir l'abus de cette possession, que depuis que le monastère de Jouarre se prétend soumis immédiatement au Saint-Siège, le Pape ne l'a point visité ni fait visiter par aucun subdélégué. Il n'y a point eu de commissaire apostolique nommé pour donner aux abbesses et aux religieuses de Jouarre les permissions dont elles ont eu besoin pour sortir, ni pour accorder aux séculiers celles d'entrer dans le monastère, pour approuver les confesseurs ordinaires et extraordinaires de l'abbesse et des religieuses; pour recevoir les plaintes de la communauté, procéder à sa réformation et faire tous les règlements nécessaires afin d'entretenir la discipline monastique. L'abbesse et les religieuses ont vécu dans l'indépendance, sans qu'aucun supérieur ait veillé sur leur conduite. Voilà

 

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la possession en laquelle madame l'abbesse de Jouarre demande d'être maintenue.

Elle a dit en sa réplique que les précédentes abbesses avaient député des vicaires pour visiter les religieuses; et pour le justifier, elle a communiqué un vicariat du 17 juin 1518. Mais une abbesse ne peut pas se choisir un visiteur sans la permission de son supérieur, et ce vicariat n'a point été exécuté. Il n'y a point eu de procès-verbal de visite, ni de comptes représentés pour voir comment le temporel de l'abbaye est administré ; de sorte qu'il est constant dans le fond qu'il n'y a pas eu depuis quatre cent cinquante années un seul acte de supériorité, juridiction, visite ou correction exercé sur les abbesses et religieuses de Jouarre : quelque nécessité qu'il y ait eu d'y faire la visite , il ne s'y en est point fait, sinon celles qui ont donné lieu en ce dernier temps aux deux brefs dont il a été parlé ci-dessus.

Les prédécesseurs de M. l'évêque de Meaux n'ont osé se présenter pour visiter ce monastère , par respect des noms de Charlotte de Bourbon, de Louise de Bourbon , de Jeanne de Bourbon, de Madeleine d'Orléans, de Marguerite de la Trimouille, de Jeanne de Lorraine et autres princesses qui en ont été consécutivement abbesses depuis deux cents ans; la crainte du procès qu'il leur eût fallu soutenir contre des personnes de ce rang, les a retenus dans le silence. Mais ce défaut ne fait pas que les évêques de Meaux en aient perdu le droit. Il n'y a point d'archevêque ni d'autre supérieur qui l'ait prescrit contre eux, et ce monastère a été incapable de prescrire de son chef l'exemption; le droit de visite est imprescriptible par l'inférieur contre son supérieur : cap. Cùm non liceat : De præscriptionibus.

Et venant aux actes particuliers de sa prétendue possession, il paraît qu'elle n'en a point depuis la sentence arbitrale du cardinal Romain de l'an 1225 jusqu'en 1457; ce sont d'abord deux cent trente années de vide qui se rencontrent sans aucun acte de possession : et il est arrivé pendant le cours de ces deux cent trente années, que le concile général de Vienne a été célébré dans le royaume, à la réquisition du roi Philippe le Bel, en l'an 1311 ; et que par ce concile, dont le texte est rapporté dans la Clémentine

 

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Attendentes : De statu monachorum , toutes les religieuses exemptes ont été soumises à la visite des ordinaires, non obstantibus exemptionibus et privilegiis quibuscumque : ce sont les termes du concile qui emportent une révocation des exemptions, et qui font voir que si madame l'abbesse de Jouarre avait des actes de possession de son exemption postérieurs à ce concile général, ils ne pourraient passer que pour une usurpation contre le droit public, ce seraient des abus et des entreprises contre la loi.

En effet les premières pièces communiquées par madame l'abbesse de Jouarre sont : un acte de 1157 par lequel Jean, évêque de Meaux, déclare qu'encore qu'il confère les ordres et le sacrement de confirmation dans l'abbaye de Jouarre à ses diocésains, ou aux sujets de la juridiction spirituelle de l'abbesse, les privilèges de l'abbaye n'en recevront aucun préjudice : un procès-verbal de la bénédiction du cloître de l'abbaye de Jouarre en 1552 par l'évêque de Philadelphie , et un autre procès-verbal de la consécration de l'Eglise de Jouarre en 1588, par l'évêque de Digne.

Ces trois pièces prouvent que les abbesses se prévalant de l'autorité de leur naissance, usurpaient des droits qui ne leur appartenaient point parleurs propres titres, parce que la sentence du cardinal Romain réservait expressément à l'évêque de Meaux la consécration des autels , l'ordination des clercs de Jouarre, la bénédiction des religieuses et les autres actes qui dépendent du caractère épiscopal. Cependant les abbesses de Jouarre se mettent en possession de faire faire ces mêmes actes par d'autres évêques, qu'elles choisissent sans le consentement de celui de Meaux contre leurs propres titres.

C'est dans le même esprit qu'elles se sont qualifiées de nul diocèse , nullius diœcesis, par plusieurs de leurs bulles de provision, afin de faire croire qu'elles n'avaient pas seulement une exemption personnelle, mais qu'elles en avaient une réelle ; que leur territoire était exempt; et néanmoins la sentence arbitrale du cardinal Romain déclare qu'elles sont Dioecesis Meldensis.

Madame l'abbesse de Jouarre tire un grand avantage de ce que toutes les bulles des précédentes abbesses les qualifient depuis un temps immémorial sujettes immédiatement au Saint-Siège  de ce

 

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que ces bulles ont été fulminées avec cette même qualité, et qu'il y en a même eu plusieurs exécutées par les officiaux de l'évêché de Meaux.

Lorsque les officiers de cour de Rome souffrent ces énonciations en des bulles d'abbayes de religieuses, ce n'est pas pour exempter de la visite des évêques les monastères qui ne sont point en congrégation : c'est pour engager les évêques à y procéder non pas comme évêques, mais en qualité de délégués du Saint-Siège suivant l'esprit du concile de Trente; c'est pour avoir le prétexte de dire que la juridiction appartient toujours à la cour de Rome en première instance sur les religieuses; et que si les évêques l'exercent , ce n'est que comme simples vicaires du Pape. Or cette manière de procéder ne s'accorde pas avec les anciens canons, qui désirent que les évêques étant successeurs des apôtres, exercent de leur chef leur juridiction dans leurs diocèses; et lorsque quelques-uns ont voulu procéder comme vicaires du Saint-Siège, les arrêts ont jugé leurs procédures abusives, par la raison que quand l'ordonnance de Blois a accepté le décret du concile qui soumet aux ordinaires les monastères non en congrégation, elle n'a pas dit qu'il y serait pourvu par l'évêque en qualité de délégué du Saint-Siège , elle a simplement dit qu'il y serait pourvu par l'évêque : et si l'on en usait autrement, ce serait renverser les degrés de la juridiction ecclésiastique établis par le concordat, d'autant que l'appel de l'évêque n'irait plus au métropolitain, ni du métropolitain au primat, il faudrait le porter directement en cour de Rome, attendu que l'évêque n'aurait visité et fait ses ordonnances que comme vicaire du Saint-Siège.

Si quelque officiai de Meaux a fulminé des bulles avec déclaration qu'il n'entendait point préjudicier aux privilèges de l'abbaye de Jouarre, c'est une procédure dont l'on ne saurait argumenter contre l'évêque, parce qu'il n'a pas été au pouvoir d'un officiai d'aliéner une juridiction dont il n'était que dépositaire. Il faut en revenir à l'examen du droit prétendu par le monastère, et observer qu'il y a plusieurs de ces bulles, et entre autres celles de Jeanne de Bourbon de l'an 1586, de Jeanne de Lorraine de 1611, et celle de madame l'abbesse de Jouarre de l'an 1655, par lesquelles

 

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les papes donnant la faculté aux abbesses de se faire bénir par un autre que par le diocésain, il déclare que c'est sans préjudicier aux droits de l'évêque de Meaux : Quòque per hoc venerabili fratri nostro Episcopo Meldensi, cui dictum monasterium ordinario jure subesse dignoscitur, nullum in posterum proejudicium generetur.

La bulle accordée par Clément VII en 15-25 à l'abbaye de Jouarre pour confirmer son exemption, estime pièce pareillement inutile: elle n'autorise que privilegia et alia indulta vobis et vestro monasterio rite concessa : elle ne spécifie aucun de ces privilèges ni sa teneur : c'est une confirmation en termes vagues et généraux, sans ouïr ni appeler les parties intéressées; qui n'approuve que les privilèges concédés dans les formes, rite concessa, sans attribuer aucun droit.

Pour les présentations de diverses cures adressées aux évêques de Meaux, par lesquelles les abbesses de Jouarre se sont qualifiées sujettes immédiatement au Saint-Siège, madame l'abbesse n'en saurait tirer avantage. Ce sont des actes demeurés en sa possession , dans lesquels les abbesses ont mis ce que bon leur a semblé ; les provisions que les évêques de Meaux ont expédiées sur les présentations des abbesses, ne contiennent point de clause semblable. C'est de ces provisions qu'on pourrait argumenter contre les évêques, et non pas de ces présentations qui ne sont point de leur fait, et qui ne sont peut-être pas seulement venues à leur connaissance.

Enfin madame l'abbesse de Jouarre a remontré dans sa réplique que cette cause était de la dernière conséquence pour Rome, parce que si elle perdait sa cause, on ne manquerait pas de s'y plaindre de ce que le parlement aurait casse la Décrétale, Ex parte : De privilegiis, qui avait confirmé l'exemption de son monastère.

M. l'évêque de Meaux n'examinera point en cet endroit la teneur de cette décrétale, parce qu'il l'a fait ci-devant où elle est transcrite. Il remarquera seulement que quand cette décrétale aurait accordé à l'abbaye de Jouarre une exemption revêtue de toutes les formes requises pour sa validité, Rome ne se pourrait plaindre dé ce que le monastère de Jouarre aurait maintenant été

 

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assujetti à la juridiction de l'Ordinaire, parce que les papes auraient depuis dérogé à son exemption par les conciles de Vienne et de Trente et par plusieurs bulles, qui ont soumis aux évêques tous les monastères de religieuses, non étant en congrégation.

Il ne faut point qu'elle allègue le concile de Constance pour dire que son exemption étant antérieure à la mort de Grégoire XI, elle y a été approuvée. Ce concile a révoqué les exemptions concédées par les papes depuis la mort de Grégoire XI, pendant le schisme d'Avignon. Et à l'égard de celles qui étaient plus anciennes, il n'est point vrai qu'il les ait confirmées. Il ne les a ni autorisées ni infirmées : il a seulement déclaré qu'il n'entendait point y faire préjudice : Cœteris autem exemptionibus ante obitum dicti Gregorii habitis vel concessis, nullum volumus per hoc præjudicium generari ; c'est-à-dire qu'il les laisse en l'état qu'elles étaient', sans décider sur leur validité ou invalidité. Mais le concile de Trente est depuis survenu, ensemble les ordonnances d'Orléans et de Blois, qui ont résolu en faveur des évêques toutes les difficultés qui pouvaient être formées sur ce sujet.

 

Réponse de M. l'évêque de Meaux à la sentence arbitrale du cardinal Romain, et à la possession prétendue de la juridiction épiscopale sur le clergé et sur le peuple de Jouarre.

 

La sentence arbitrale donnée au mois de novembre 1225 par le cardinal Romain, légat du Pape, contient quatre chefs différents. Par le premier elle ordonne que l'abbesse et le couvent du monastère de Jouarre prendront le chrême et les saintes huiles de l'évêque de Meaux; qu'il appartiendra à l'évêque de faire les consécrations des autels, les bénédictions des religieuses et les ordinations des clercs, et néanmoins que l'abbesse pourra se faire bénir par tel évêque que bon lui semblera.

Par le second, elle déclare le monastère de Jouarre, le clergé et le peuple de la ville et paroisse de Jouarre , exempts de la juridiction épiscopale de l'évêque de Meaux ; en sorte que l'évêque ne pourra leur demander le droit de procuration qui lui avait été adjugé par le Pape, ni aucun autre droit quel qu'il soit.

Par le troisième, il est dit que le monastère de Jouarre, le

 

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clergé et le peuple sont affranchis de tous droits envers l'église de Meaux, sans préjudice de deux muids de grain que l'évêque de Meaux a le droit de prendre sur la grange de Trocy appartenant a l'abbaye de Jouarre , et de la cire due au trésorier de l'église de Meaux.

Et par le dernier, la sentence ordonne en outre que l'abbesse et le couvent paieront par chacun an à l'évêque de Meaux dix-huit muids de blé sur les dîmes de la paroisse de May, les deux tiers hivernage et le tiers avoine; et qu'au cas que les dîmes de May ne soient pas suffisantes pour payer cette quantité de grain , ce qui s'en défaudrait sera pris sur la dime de Trocy appartenant à l'abbaye. Pourront néanmoins l'abbesse et le couvent acquérir d'autres dimes pour les bailler à l'évêque en récompense de cette redevance, et l'évêque sera tenu de les accepter, pourvu que ce ne soient pas dîmes que l'évêque voulut racheter dans son fief.

M. l'évêque de Meaux a incidemment appelé comme d'abus de cette sentence, en ce qu'elle déclare le monastère, le clergé et le peuple de Jouarre, exempts de sa juridiction et immédiatement sujets au Pape. Ses moyens sont,

1° Qu'elle est contraire au concile général de Chalcédoine, qui a soumis tous les moines à la juridiction de l'évêque : Monachos autem qui sunt in unaquâque regione et civitate, episcopo subjectosesse (1). Elle est contraire aux conciles nationaux tenus en France, à Agde en 506, et à Orléans en 511 : Abbates pro humilitate religionis in episcoporum postestate consistant ; et si quid extra regulam fecerint, ab Episcopis corriguntur. Et elle blesse la police universelle de l'Eglise, qui veut que les curés soient sujets à la juridiction de l'évêque, pour lui répondre de l'administration de la parole de Dieu et des sacrements au peuple.

Madame l'abbesse de Jouarre a prétendu qu'il y avait d'autres canons qui avaient autorisé les exemptions ; et pour le montrer, elle a cité le concile de Cartilage tenu en 525. Mais à quoi bon recourir à ce concile d'Afrique, puisqu'il y en a de plus anciens qui ont réglé la difficulté dans le royaume? Pourquoi l'alléguer, puisqu'il n'y est point parle de monastères sujets immédiatement

 

1 Conc. Chalced., can.  4.

 

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au Saint-Siège, et que sa décision ne dit rien autre chose, sinon que : Erunt igitur omnia omninà monasteria, sicut semper fuerunt, à conditione clericorum modis omnibus libéra, sibi tantùm et Deo placentia ? Si ces mots : Libéra à conditione clericorum, ont besoin d'explication, il n'y a qu'à consulter le glossaire du sieur du Cange sur le mot conditio, l'on verra que ce terme signifie obnoxiatio, tributum, pensitatio; et qu'entre plusieurs preuves que cet auteur en rapporte, il se sert du texte d'un autre concile tenu à Carthage en 535 sous Réparât, évêque, où il est dit : Neque ecclesiasticis eos conditionibus aut angariis subdens. Le terme angariis, qui signifie des corvées, explique l'autre et fait voir que les religieux n'étaient lors affranchis que de droits temporels.

2° Cette sentence arbitrale est contraire aux anciennes ordonnances du royaume, savoir aux Capitulaires de Charlemagne (1), portant confirmation des anciens conciles, qui ont déclaré que l'élection des abbesses serait confirmée par l'évêque auquel le monastère était sujet ; qui ont expressément autorisé le décret du concile d'Orléans pour la puissance des évêques sur les religieux et religieuses, et qui sont remplis de textes pour justifier qu'il appartient aux évêques de corriger les abbés et les abbesses.

3° Cette sentence est contraire aux constitutions d'Honoré II et d'Alexandre III, qui avaient déclaré l'abbesse de Jouarre, le clergé et le peuple, sujets à la juridiction de l'évêque de Meaux ; le cardinal Romain y a excédé son pouvoir, parce qu'il y a infirmé le jugement de deux Papes, auquel il ne pouvait déroger sans un mandement spécial.

4° Cette sentence a été rendue sans que les parties intéressées y aient été appelées. L'archevêque de Sens, alors métropolitain de Meaux, y avait intérêt, parce que l'appel de l'évêque de Meaux ressortissait devant lui. Le primat de Lyon y avait aussi intérêt, parce que l'appel du métropolitain de Sens se relève devant lui. Ils n'y ont pourtant point été appelés ni l'un ni l'autre : la sentence les a privés de leur juridiction métropolitaine et primatiale sans les entendre. C'est un moyen d'abus auquel madame l'abbesse de Jouarre a répondu qu'il paraissait par le chapitre Cùm à nobis :

 

1 Lib. V, art. 384; lib. VI, art. 139.

 

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De arbitris, qu'il y avait eu un accommodement fait entre l'archevêque de Sens et l'abbesse, lequel avait été homologué; mais cet accommodement n'est point représenté, et l'on ne sait point quelles en sont les conditions. Si l'exemption a subsisté ou a été détruite, il n'en est rien dit dans ce chapitre. C'est une pièce que les agents de madame l'abbesse suppriment.

5° Cette sentence est contraire aux anciennes coutumes de l'Eglise gallicane, selon lesquelles aucun monastère ne se peut prétendre exempt de la juridiction de l'Ordinaire, si son exemption n'a été confirmée par lettres-patentes. C'est une ancienne police du royaume, justifiée par toutes les plus anciennes exemptions qui se trouvent approuvées par lettres du roi, dont la formule est rapportée par Marculphe; c'est la seconde de ses formules, et c'est ce qui est porté par l'article 71 des libertés de l'Eglise gallicane, compilées par le sieur Pithou. Cependant l'abbaye de Jouarre n'a jamais eu aucunes lettres du roi pour autoriser sa prétendue exemption et pour déroger aux ordonnances, qui veulent que tous monastères soient sujets à la juridiction de l'évêque.

Voilà cinq moyens sur lesquels M. l'évêque de Meaux a fondé son appel comme d'abus. Il les soutient suffisants pour faire dire qu'il y a abus dans cette sentence arbitrale, en ce qu'elle déclare le monastère, le clergé et le peuple de Jouarre exempts de sa juridiction. C'est une circonstance importante, qu'ils n'ont rien de commun avec les deux redevances en grains, que l'abbaye de Jouarre est condamnée par la même sentence de payer à l'évêché de Meaux; et ainsi elle peut être abusive au chef de l'exemption, et ne l'être pas au chef de ces deux redevances.

S'il y a de l’abus dans le chef de la sentence qui prononce sur l'exemption, ce n'est pas une conséquence qu'il y en ait dans celui qui juge que les deux rentes en grain sont dues. Le décret du concile de Trente qui soumet aux évêques les monastères non étant en congrégation, n'est pas en usage en ce qu'il ordonne que les évêques n'y exerceront leur juridiction ordinaire qu'en qualité de délégués du Saint-Siège; mais il est approuvé par l'ordonnance pour le surplus de la disposition. Les bulles contenant les facultés des légats à latere qui viennent en France, sont abusives,

 

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en ce qu'elles sont contraires aux libertés de l'Eglise gallicane, et le parlement les modifie pour ce regard ; mais il en ordonne l'exécution pour les articles qui ne blessent point la discipline du royaume. C'est ce qui fait voir qu'une bulle ou une sentence peuvent être abusives dans un chef et être légitimes dans l'autre, lorsque les différons chefs sont indépendants l'un de l'autre et roulent sur différent fondements. Il y en a plusieurs exemples dans les arrêts de la cour.

A l'égard de la prétention que la redevance de dix-huit muids de grain a été accordée pour récompense de l'exemption et qu'il en faut par conséquent décharger l'abbaye de Jouarre, attendu que c'est une simonie, M. l'évêque de Meaux renoncerait à cette redevance, s'il la croyait fondée sur une convention simoniaque ; mais ce fait ne lui paraissant point, il ne peut ni ne doit le faire, parce que ce serait aliéner le domaine de son évêché au préjudice de ses successeurs.

La simonie est un crime dont une abbesse, un évêque et un cardinal ne doivent pas être jugés coupables, sur de simples présomptions , plus de 450 années après leur mort. Ce n'est point par des interprétations, ni en suppléant des clauses à un acte, que des personnes constituées en de si grandes dignités en peuvent être chargées; le fait ne peut leur en être imputé qu'en trouvant dans une pièce une convention précise sur un droit spirituel qui ait été cédé pour un temporel. Or il n'y a rien de semblable dans la sentence arbitrale du cardinal Romain ; car les parties n'y conviennent d'aucune chose : c'est lui seul qui ordonne, et il n'ordonne pas que l'abbesse et son monastère seront exempts moyennant la redevance de dix-huit muids de grain : il n'y dit pas que cette redevance sera payée à l'évêque pour récompense de l'exemption : sa sentence porte seulement que l'abbesse et le couvent paieront par chacun an les dix-huit muids de blé à l'évêque,  sans en spécifier la cause, parce qu'il n'y a point de loi qui désire, et ce n'est point l'usage qu'un arbitre ou un juge expliquent les raisons de leur jugement dans le dispositif.

De dire que c'est une nouvelle charge qui a été imposée à l'abbaye, parce que quand la sentence prononce pour les deux muids

 

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sur la grange de Trocy, elle porte : Suivis duobus modiis, quos habet Episcopus in grangiâ de Trocy; et quand elle prononce poulies dix-huit muids sur les dîmes de May, elle dit : Sanè ordinamus, quod Abbatissa et conventus persolvent ; c'est ce qui ne résulte point de cette prononciation qui a distingué ces deux redevances, parce qu'elles étaient assignée» sur différentes dîmes : l'une sur les dîmes de Trocy, et l'autre sur les dîmes de May; et s'il y avait quelque doute, il y aurait bien plus lieu de croire que les dîmes de May étaient contestées entre l'évêque et l'abbesse, et que pour terminer la contestation, la redevance de dix-huit muids a été établie, que de soutenir qu'elle ait été réglée pour une récompense criminelle, dont il n'est fait aucune mention dans l'acte.

Les parties n'étaient pas seulement en différend pour l'exemption, la sentence justifie qu'elles avaient compromis, tant sur l'exemption que sur toutes les autres choses contestées entre eux : Tam super iis de quibus actum extiterat, quâm etiam super omnibus aliis quœ quoquo modo poterant, ratione proprietatis vel possessionis, ad jus episcopale, lege diœcesanâ, vel jure communi, seu alio quocumque jure, spectare. C'est cette clause qui a donné lieu au cardinal Romain de statuer sur la redevance des deux muids, sur la cire du trésorier, et ensuite sur la rente des dix-huit muids.

Et pour montrer que ces dix-huit muids n'ont point été accordés pour indemniser l'évêque de la perte de sa juridiction épiscopale, c'est que s'ils lui avaient été accordés pour indemnité, Le chapitre de Meaux y aurait eu part, pour récompense de ce qu'il aurait été privé de sa juridiction pendant la vacance du siège ; les archidiacres de Meaux y auraient aussi eu part, pour les dédommager de leurs droits de visite sur le chapitre et sur le curé de Jouarre. Le chapitre de Meaux et ses archidiacres étaient parties dans le compromis; ils sont établis dans les qualités de la sentence pour défendre leurs intérêts; cependant ils n'ont aucune part dans cette redevance, ni pendant que le siège est rempli, ni durant la vacance du siège ; c'est un ténu lignage certain que cette redevance n'a point été causée pour indemnité de l'exemption. Pour le

 

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confirmer il n'y a qu'à faire réflexion sur ce qui s'est pratiqué pour désintéresser l'archevêché de Sens de ce qu'on en avait distrait les évêchés de Chartres, Meaux et Orléans, pour ériger l'archevêché de Paris. Le Pape a uni du consentement du roi l'abbaye du Mont-Saint-Martin à l'archevêché de Sens, à la charge que vacation arrivant de l'archevêché de Sens, les fruits de ladite abbaye appartiendront, pour la première année de chaque vacance au chapitre de Sens, sur iceux prise la somme de mille livres, payable à l'archidiacre de Sens pour ses droits.

Cette union de l'abbaye du Mont-Saint-Martin sous ces conditions, a été confirmée par lettres-patentes registrées eu la cour le 17 mai 1672, et la même chose s'est observée lorsque l'évêché d'Albi a été exempté de la juridiction de son métropolitain de Bourges. Le chapitre de Bourges a obtenu qu'à chaque vacance il jouirait pendant la première année, des quinze mille livres de rente que l'évêché d'Albi a données de récompense à l'archevêché de Bourges. Ce sont autant d'exemples qui persuadent que si les dix-huit muids de grain avaient été ordonnés pour désintéresser l'évêché de Meaux, le chapitre de Meaux et l'archidiacre y auraient eu part; et que n'y en ayant point eu, il est certain que celte redevance n'a point été assignée pour récompense de l'exemption.

Aussi, lorsque cette redevance de dix-huit muids de grain a été contestée en justice, le monastère de Jouarre a perpétuellement été condamné de la payer. M. l'évêque de Meaux a levé au greffe un arrêt du 22 janvier 1486, confirmatif d'une sentence des requêtes du palais qui en avait ordonné le paiement; et en 1565 le procès pour le paiement de cette redevance ayant été renouvelé , l'abbesse le fit évoquer au parlement de Rouen, où elle fut condamnée par arrêt contradictoire de la payer ; et il est fait mention dans le vu de l'arrêt, de la sentence arbitrale de 1225, en ces termes : « Extrait d'une sentence donnée à Meaux par Romain, cardinal légat en France, en l'an 1225, entre les religieuses, abbesse et couvent de Jouarre d'une part, et l'évêque de Meaux, qui pour lors était d'autre part. »

Le vu de cet arrêt forme une circonstance décisive, parce que si cette sentence avait été simoniaque , les juges qui l'examinèrent

 

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en 1565 s'en seraient aperçus ; et la trouvant infectée de simonie, ils auraient déchargé le monastère du paiement de cette redevance, au lieu de le condamner à en acquitter les arrérages. Il ne faut pas dire que l'exemption n'étant point alors contestée, la redevance devait être continuée : car soit que l'exemption fût contestée ou ne le fût pas, la redevance n'était point due ; il n'y a point déjuges qui eussent voulu l'autoriser, s'ils l'eussent estimée simoniaque.

Madame l'abbesse de Jouarre, qui sait que cette redevance est fondée sur des causes légitimes, n'est point demanderesse en requête pour en être déchargée, ni en requête civile pour faire rétracter les arrêts de 1486 et de 1565, qui l'ont condamnée delà payer.

Que si cette sentence arbitrale est insérée dans le Cartulaire de l'église de Meaux, c'est un argument qu'il n'y a point de simonie, parce que s'il y en avait eu, ceux qui ont pris le soin de le composer ne l'y auraient point mise : ils l'auraient supprimée, et auraient porté les évêques à purger leur église d'un bien si mal acquis; mais la rente de dix-huit muids de grain leur ayant paru légitime, ils ont jugé à propos d'en conserver cette preuve à la postérité.

L'acquiescement des parties à la sentence arbitrale ne marque point aussi de simonie : il ne contient aucune convention ; et si M. l'évêque de Meaux ne rapporte pas des titres antérieurs à cette sentence pour montrer que la redevance ou les dîmes de May, sur lesquelles elle est assignée, lui appartenaient avant l'année 1225, le temps de plus de quatre cent soixante années, qui se sont écoulées depuis, l'en dispense. Il n'est point permis, après le laps de tant de siècles, d'ajouter à ladite sentence une cause de cette redevance, qui n'y est point écrite. S'il y avait quelque doute, le respect dû à la mémoire d'un cardinal légat, recommandé dans l'histoire pour les grands services qu'il a rendus à l'Eglise, la devrait plutôt faire interpréter en bonne qu'en mauvaise part.

 

Réponse à la collation de la cure.

 

M. l'évêque de Meaux convient que madame l'abbesse de Jouarre est en possession de conférer de plein droit la cure de Jouarre; mais il soutient que c'est une usurpation et un abus

 

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intolérable. C'est une usurpation, parce que le titre même que madame l'abbesse de Jouarre a tiré du Cartulaire de Faremontier, pour montrer que le curé de Jouarre était exempt d'aller au synode, porte que les curés des paroisses de Rebais et de Jouarre recevaient la charge des âmes de la main de l'évêque ; c'est une des pièces que M. l'évêque de Meaux a fait imprimer : Quoniam audivimus sacerdotes Jotrensem et Resbacensem, qui similiter curam de manu Episcopi suscipiunt, nunquàm ad synodum venisse ex antiquà consuetudine.

Pour autoriser cette usurpation, madame l'abbesse de Jouarre a cité la Glose sur le chapitre Dilecta : De majoritate et obedientiâ, où il est parlé d'une abbesse qui confère des bénéfices; mais il n'y est pas dit que ce fût des églises paroissiales ou autres bénéfices ayant charge d'âmes; c'étaient des bénéfices tels que les chapelles et les canonicats que madame l'abbesse de Jouarre confère de plein droit dans son abbaye, et que M. l'évêque de Meaux ne lui conteste point. C'est ce qui sert de réponse à la multitude des exemples qui ont été allégués, pour faire voir qu'il y a plusieurs seigneurs laïques qui confèrent des bénéfices, et qu'il est fait mention dans la règle De mensibus et alternativâ, de femmes qui étaient collatrices. Tout cela s'entend de bénéfices sans charge d'âmes et sans juridiction spirituelle.

Si du Moulin a dit sur la règle De infirmis, num. 120, qu'il y avait des laïques et des religieuses proche Etampes qui conféraient des cures de plein droit, il faut tomber d'accord, suivant son sentiment, que leur collation ne pouvait être donnée qu'à la charge de prendre par le pourvu l'institution autorisable de l'évêque : c'est ce qu'il a parfaitement expliqué dans ses notes sur le Commentaire des règles du droit civil par Décius ; où examinant la règle qui exclut les femmes de toutes les charges, Décius traite la question de savoir si une abbesse peut avoir la collation de quelques bénéfices. Sur quoi du Moulin répète : « Beneficiorum etiam curatorum parochialium, ut quandoquè vidi, tamen institutio autorisabilis necessario semper spectabit ad episcopum à quo separari non potest, ut notatur per Philippum Francum in capite unico, De capellis monachorum; De verborum significat. In Sexto.

 

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In tantum, quod etiam ubi hujusmodi bénéficia curata conferuntur à rege jure regaliœ, ut in Scotià, tamen institutio autorisabilis débet spectare ad episcopum (1). »

La tradition de la charge des âmes dépend tellement de l'évêque, que si un archidiacre se trouve en possession immémoriale de la donner, le pape Alexandre ÏI1 a décidé, cap. Cùm satis : De officio archidiaconi, que c'était un abus: « Mandamus ut nemini sine licentià et mandato episcopi curam præsumas committere animarum. » Quoique les prêtres reçoivent dans leur ordination la puissance d'absoudre, l'Eglise ne leur donne pas toutefois des sujets sur lesquels ils puissent exercer cette juridiction : elle ne leur permet pas de confesser et d'annoncer la parole de Dieu au peuple. Ils ont besoin d'une approbation et d'une mission de l'évêque ; et pour l'obtenir, ils sont obligés de subir un autre examen que celui de l'ordination, nonobstant tous privilèges et coutumes contraires. C'est la discipline du royaume autorisée par l'arrêt d'Agen et par ceux du parlement.

On ne saurait voir sans étonnement qu'une fille incapable, non-seulement des ordres sacrés, mais de la simple cléricature, veuille se maintenir sans aucune bulle ni concession de l'évêque, en la possession de conférer de plein droit en son nom la cure de Jouarre, et de mettre en des provisions : « Curam animarum, administrationem sacramentorum et verbi divini, contulimus. » Il est difficile de concevoir comment elle peut donner à un prêtre des pouvoirs qu'elle n'a pas.

Quelque privilégiée que soit la Régale, le roi n'y confère point les cures; et il a voulu par sa déclaration de 1682 que ceux qui seraient à l'avenir pourvus en régale de doyennés . pénitenceries, théologales et autres bénéfices ayant charge d'âmes ou juridiction spirituelle, fussent tenus de se présenter aux vicaires généraux des chapitres, le siège vacant, pour en obtenir l'approbation et mission canonique.

 

Réponse à la possession de la juridiction épiscopale.

 

1° Cette prétendue juridiction est une usurpation manifeste

 

1 In cap. col. 2.

 

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contre les propres titres de madame l'abbesse de Jouarre. Elle n'a ni concession des évêques, ni bulles des papes, qui lui en permettent l'exercice. Elle a observé qu'elle était qualifiée par le chapitre Dilecta : De excessibus prælatorum : Caput et patrona clericorum Jotrensis Ecclesiœ; et que ce terme caput était expliqué par les canonistes d'une juridiction episcopale. Mais elle n'a point dit le nom de ces canonistes ; et quelque recherche qu'on en ait faite, l'on n'en a point trouvé qui lui aient donné cette signification. Il ne veut rien dire autre chose, sinon qu'elle est la mère de famille dans l'abbaye de Jouarre. Il n'est point question dans ce chapitre d'aucune juridiction spirituelle qui lui appartienne : il s'y agit simplement de savoir si les chanoines de Jouarre auront un sceau particulier. L'abbesse soutient qu'ils ne sont que membres de son monastère; et le pape députe des commissaires pour leur faire défense de fabriquer un sceau. C'est toute la décision de ce texte, dans lequel ni dans la Glose, il n'est point dit que l'abbesse ait aucune juridiction.

Madame l'abbesse de Jouarre a encore cité le chapitre Dilecta : De majoritate et obedientià, où il est parlé d'une juridiction prétendue par l'abbesse de Quedeluburg en Allemagne. C'est un exemple qui ne peut pas lui servir de titre, et qui n'a pas même de rapporta sa prétention ; car cette abbesse n'avait point d'officialité. Il est dit dans le texte qu'elle ne pouvait excommunier les clercs de sa juridiction : Eadem Abbatissa eos excommunicare non potest : son pouvoir ne s'étendait point sur un curé et sur un peuple ; il était réduit à suspendre ses clercs, en cas de désobéissance, de leurs bénéfices et de l'entrée du chœur. C'était une abbesse qui en usait comme une mère de famille qui exerce une juridiction correctionnelle sur des clercs qui étaient ses aumôniers, qu'elle privait pour un temps de leurs distributions et de l'entrée du chœur. Sur quoi les canonistes remarquent qu'elle ne pouvait pas les suspendre de la fonction de leurs ordres, et qu'il faut extrêmement distinguer la suspension des bénéfices qu'elle conférait de la suspension des ordres qu'elle ne leur avait pas donnés.

Madame l'abbesse de Jouarre a encore fondé su juridiction sur l'exemple de madame l'abbesse de Fontevrauld, qui peut visiter

 

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les couvents de son ordre, choisir les confesseurs et excommunier les religieux et les religieuses. Mais que lui servent ces exemples, puisqu'elle n'a ; as les mêmes privilèges ni les mêmes prétentions? Car madame l'abbesse de Fontevrauld ne confère point de cures de plein droit, n'a point d'officialité, et n'exerce point de juridiction episcopale sur un clergé et sur un peuple : c'est une générale d'ordre ; la puissance est bornée aux religieux et aux religieuses qui ont fait profession dans son ordre, qui est fondée en bulles et en lettres-patentes registrées au grand conseil ; et madame l'abbesse de Jouarre n'a ni bulles ni lettres-patentes.

Mais outre qu'elle n'a ni bulles ni lettres-patentes, il est constant que le cardinal Romain qui l'a déclarée sujette immédiatement au Pape et exempte de l'Ordinaire, n'a point ordonné par sa sentence qu'elle aurait juridiction sur le clergé et sur le peuple. La Décrétale Ex parte : De privilegiis, où les abbesses ont exposé au Pape qu'elles dépendaient immédiatement du Saint-Siège, ne fait point mention qu'elles eussent juridiction sur un clergé et sur un peuple; de sorte qu'il est non-seulement vrai de dire qu'elle n'a point de titre pour établir sa juridiction, mais la juridiction qu'elle prétend est contraire à ses propres titres : c'est une usurpation manifeste.

2° Il y a incapacité de droit divin en la personne d'une fille, pour acquérir une juridiction quasi episcopale. Il n'en est pas de la juridiction ecclésiastique comme des hautes, moyennes et basses justices annexées à une terre. Les femmes sont capables , selon la plupart des coutumes, de posséder les terres ayant dignité ; la justice qui en dépend leur appartient; elles peuvent commettre des officiers pour l'exercer. Il n'en est pas de même de la juridiction épiscopale, qui ne peut résider qu'en la personne de ceux qui en ont les ordres sacrés. Les évêques ont besoin d'une consécration particulière pour l'exercer par eux-mêmes et par leurs vicaires; et l'on prétendra que les femmes qui ne sont pas seulement capables d'allumer les cierges dans l'église, qui n'y ont leur place qu'à l'extrémité de la nef, pourront monter jusqu'au sanctuaire, en chasser l'évêque et y prendre sa place ; qu'une abbesse sera le pasteur d'un peuple, le prédicateur et le confesseur

 

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contre le précepte de l'Apôtre qui lui enjoint de se taire dans l'église? Mulier in silentio discat cum omni subjectione : docere autem mulieri non permitto, neque dominari in virum, sed esse in silentio. On dit que madame l'abbesse de Jouarre exerce cette juridiction par des vicaires : mais comment leur peut-elle communiquer un pouvoir dont elle est incapable et dont elle n'a point de titre? Elle exerce les principaux actes de cette juridiction en son nom, puisqu'elle confère la cure en son nom, pourvoit un officiai, un promoteur et un greffier, commet des vicaires généraux , érige en son nom des titres de chapelles, et fait en son nom des règlements généraux de discipline; ce sont autant de nouveautés monstrueuses contre lesquelles M. l'évêque de Meaux peut employer le chapitre Nova : De panitentiis. Nova quœdam nuper, de quibus miramur non modicum, nostris sunt auribus intimata, quod abbatissœ videlicet in Burgensi et Palentinâ Diœcesibus constitutœ, moniales proprias benedicunt ipsorumquae confessiones criminalium audiunt, et legentes Evangelium præsumunt publicè prædicare. Cùm igitur id absonum sit pariter et absurdum, nec à nobis aliquatenùs sustinendum, discretioni vestrœ per apostolica præcepta mandamus, quatenùs ne id de cœtero fiât, auctoritate curetis apostolica firmiter inhibere. Quia, licet beatissima Virgo Maria dignior et excellentior fuerit apostolis universis, non tamen illi, sed istis Dominus claves regni cœlorum commisit.

3° Il n'y a point de lettres-patentes qui aient permis l'érection d'un siège d'officialité à Jouarre ; et ainsi comment soutenir une juridiction aussi extraordinaire contre le droit public, sans aucune concession de la part de l'Eglise ni aucune confirmation de la part du roi?

4° La sentence du cardinal Romain étant abusive, tous les actes de possession qui s'en sont ensuivis le sont pareillement.

Après avoir expliqué ces moyens de droit, il est important avant que de finir, d'observer que l'usurpation de cette juridiction a augmenté de jour en jour; car les abbesses n'ont commencé à faire tenir des synodes qu'en 1637, le plus ancien qui soit rapporté n'est que de cette année.

 

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Elles ont aussi commencé en 1Gi2 à faire délivrer des monitoires par leur official.

Elles ont commencé en 1629 à faire des mandements pour la publication des jubilés, et pour ordonner des prières de quarante heures; ce sont là les principaux actes de la juridiction épiscopale dont elles n'avaient point d'exercice avant les temps ci-dessus marqués, depuis lesquels elles n'ont pu en acquérir la prescription sans titre et contre le droit commun.

Il n'y a point de sentences rendues en l'officialité de Jouarre qui aient déposé des prêtres de leurs fonctions, qui les aient privés du titre de leurs bénéfices, ou déclarés irréguliers et imposé les autres grandes peines canoniques : il n'y a que des corrections légères; et si les abbesses sont en possession d'une officialité, ce n'est pas à dire qu'elles soient en possession de la juridiction épiscopale : les archidiacres de Chartres et de plusieurs autres diocèses ont été maintenus au droit d'avoir un officiai, promoteur et greffier, pour connaître des cas légers à la charge de l'appel à l'évêque, et cependant ils n'ont pas juridiction épiscopale.

C'est une des raisons pour lesquelles madame l'abbesse de Jouarre ne saurait pas appliquer à sa cause la disposition du concile de Trente, où toutes les cures sont soumises à la juridiction des évêques, à la réserve de celles où les abbés généraux d'ordre ont leur siège principal, et les monastères ou maisons, in quibus abbates aut alii regulonum superiores jurisdictionem episcopalem et temporalem in parochos et parochianos exercent (1). L'exception contenue dans ce chapitre ne comprend point les abbesses, elle ne parle que des abbés; et ainsi il ne faut pas étendre sa disposition contre le droit commun hors son cas.

Elle oppose deux sentences, l'une rendue par le bailli de Meaux le 9 septembre 1496, l'autre donnée par le même bailli le 12 août 1502. A l'égard de la première, c'est un abus manifeste, parce qu'elle « casse et annule, et met du tout au néant une sentence d'excommunication» prononcée par le doyen rural de la Ferté-Aucol; c'est ce que le juge royal ne peut faire, d'autant qu'il n'est point le supérieur ; du juge ecclésiastique, pour mettre

 

1 Sess. XXV. De regular., cap. XI.

 

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au néant une excommunication ; et cette sentence n'ayant point été rendue avec les prédécesseurs de M. l'évêque de Meaux, elle ne peut être tirée à conséquence contre lui.

L'autre sentence prononce un défaut contre le procureur et l'avocat de l'évêque, qui ont dit «ne savoir ou vouloir aucune chose dire ou proposer pour, empêcher le défaut : » c'est qu'ils n'avaient point charge d'occuper; sur quoi le juge a donné défaut, et pour le profit maintenu les religieuses en leurs possessions; c'est une sentence par défaut qui n'a jamais été signifiée, et dont par conséquent il n'est point permis d'argumenter.

Les prérogatives de la juridiction épiscopale prétendue par madame l'abbesse de Jouarre, ne sont pas moins extraordinaires que la juridiction même. Les jugements qui s'y rendent sont en dernier ressort; il est sans exemple qu'il y en ait jamais eu aucun appel interjeté ni à Rome, ni à l'évêque de Meaux.

Elle a communiqué un registre de collations et présentations commençant en 1550 et finissant en 1593; il n'y a pas un seul témoin qui ait signé la minute des provisions; et le registre des causes de l'officialité commençant en 1509, n'est signé ni paraphé d'aucun juge ni greffier; en sorte que l'on n'aurait pas su que ce fût un registre de causes, si le greffier de cette officialité n'avait mis un certificat au pied, depuis la plaidoirie commencée, pour faire savoir la qualité du livre.

Pour les corrections qui se font dans cette officialité, quelque curieuses qu'elles soient, M. l'évêque de Meaux n'en parlera point. Il remarquera seulement que madame l'abbesse de Jouarre ne doit-pas se prévaloir de la sentence du bailli de Meaux, par laquelle il renvoya, le 29 septembre 1540, maître Jacques Bruslefer devant l'official de Jouarre : c'est un jugement donné sans que l'évêque y ait été ouï ni appelé ; il ne sert qu'à faire voir que depuis ce renvoi ce prêtre demeura dans l'impunité, son procès ne lui fut point instruit. Il en est de même d'un arrêt du 3 décembre 1048, par lequel Nicolas de Vert, chanoine, fut renvoyé en l'officialité de Jouarre. C'est un arrêt rendu sur un sommaire, sans que l'évêque y ait pareillement été ouï ni appelé, et sans conclusions de M. le procureur général. Il faut ajouter que depuis

 

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ce renvoi, il n'y a eu aucune sentence de correction contre cet ecclésiastique.

Madame l'abbesse de Jouarre a remarqué dans sa réplique qu'elle avait plusieurs arrêts du conseil et du grand conseil, qui la maintenaient en diverses prérogatives appartenant à sa dignité d'abbesse. M. l'évêque de Meaux représente de son côté que ces arrêts ordonnent seulement que les comptes de la maladrerie de Jouarre seront rendus à l'abbesse ; que l'abbesse pourra faire célébrer les messes conventuelles et offices par d'autres prêtres que par les chanoines de Jouarre : il ne s'agit point de juridiction, et ainsi ce sont pièces inutiles pour la cause.

Reste à observer que la transaction rapportée à l'insu de M. l'évêque de Meaux par madame l'abbesse de Jouarre, et passée le 21 février 1082 avec madame l'abbesse de Faremontier, ne peut pas être déclarée commune avec madame l'abbesse de Jouarre, parce que la condition du monastère de Faremontier et de celui de Jouarre est différente : celui-là était agrégé par lettres-patentes registrées au grand conseil à l'ordre de Cluny, celui-ci n'est uni à aucune congrégation ni en état de s'y unir : celui-là n'avait pas besoin de réforme; on convient que celui-ci en a grand besoin , et pour y procéder il est nécessaire que l'autorité de l'évêque ne soit pas restreinte par des privilèges, qu'il ait la liberté de choisir des personnes capables d'y travailler sous lui, et ne soit pas réduit à se servir de ceux qui lui seraient présentés.

 

 

M. Nouet le Jeune, avocat.

 

SOMMAIRE DE LA CAUSE.

 

PROCÉDURE.

 

Ce qui a donné lieu à la contestation, est une information de l'official de Meaux à la requête du promoteur, contre madame l'abbesse de Jouarre, pour raison de ses fréquentes sorties sans permission; suivie d'un décret pour être ouïe, qui a été converti

 

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en ajournement personnel sur le refus de subir l'interrogatoire, avec défenses de sortir sans permission sous les peines de droit.

Pour éluder cette procédure, madame l'abbesse de Jouarre a formé sa demande en complainte contre les officiers de l'officialité, qu'elle a portée aux requêtes du palais en vertu de son committimus; et y a obtenu sentence du 2 juillet, qui casse le décret de l'official ou vice-gérant avec défenses de passer outre, et permet d'emprisonner en cas de contravention.

M. l'évêque de Meaux a pris le fait et cause pour ses officiers, et obtenu arrêt qui le reçoit appelant ; fait défense d'exécuter la sentence, et ordonne que la procédure commencée à l'officialité sera continuée.

Il a ensuite donné requête à fin d'évocation du principal, qui est la demande en complainte de madame l'abbesse de Jouarre; et après y avoir fourni des défenses, la cause a été mise au rôle.

Depuis M. l'évêque de Meaux en plaidant a appelé comme d'abus d'une sentence du cardinal Romain, en ce qu'elle déclare le monastère, le clergé et le peuple de Jouarre exempts de sa juridiction : et il y a eu arrêt à l'audience qu'on plaiderait sur le tout.

Question unique à juger : Si en infirmant la sentence des requêtes du palais, M. l'évêque de Meaux sera maintenu en toute juridiction sur lesdits monastère, clergé et peuple.

Quant à la sentence des requêtes du palais, on voit bien qu'elle est insoutenable : en la forme, messieurs des requêtes ne sont point juges compétents des sentences émanées des officialités; au fond, s'agissant de discipline, ils n'auraient pu surseoir l'exécution de la procédure. Il en faut donc venir au fond.

 

DEUX MOYENS  DU  FOND.

 

1° Que le monastère de Jouarre n'a aucun titre ni privilège; 2° que quand il en aurait eu, ils sont révoqués.

 

On ne prétend pas déduire ces moyens tout au long ; on l'a fait dans les mémoires précédents; mais seulement les remettre devant les yeux de Messieurs, et faire voir qu'on peut tout trancher par un arrêt.

 

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PREMIER MOYEN. Que le monastère de Jouarre n'a aucun privilège.

 

La maxime est constante, que toute exemption doit avoir le concours des deux puissances ; il y faut donc également un privilège et des lettres-patentes : et dans le fait, il est constant que le monastère de Jouarre ne produit ni l'un ni l'autre.

Déjà pour lettres-patentes, ni on n'en produit, ni on ne produit aucune pièce où elles soient énoncées. L'arrêt de 1631 parle des lettres-patentes ; mais la partie adverse est demeurée d'accord en plaidant, que ce n'était pas des lettres-patentes pour confirmer le privilège; et en effet on les représenterait encore si elles avaient été alors.

Il n'est point question de présumer ce qui n'est ni produit ni énoncé nulle part, surtout dans une matière de droit étroit, et encore d'un droit odieux, où il faut des preuves constantes, et non pas des présomptions.

Voilà donc déjà la question jugée par le seul défaut de lettres-patentes.

Mais il n'y a non plus de privilège : le chapitre Ex parte n'est pas un privilège, il ne contient qu'une simple énonciation d'un privilège, mais en confusion, sans même en dire la date, ni de quel pape il est, sans légitime contradicteur : Quia tandem nullus apparuit idoneus responsalis, qui partem defensaret adversam ; et avec expresse déclaration du Pape, qu'il laissait les parties au même état où elles étaient avant renonciation et le renouvellement de ce privilège : Ita ut non plusjuris accrescat.

La sentence du cardinal Romain n'est pas un privilège, ni n'équipolle à un privilège. Ce cardinal n'avait pas le pouvoir d'affranchir un monastère ni de valider un privilège qu'Innocent III avait laissé indécis; il ne l'énonce qu'en termes généraux : Inspectis privilegiis; ainsi on ne sait encore ce que c'est. La sentence ne lui donne point d'autorité : 1° parce qu'elle est abusive; 2° ce n'est qu'un acte particulier dans une affaire de droit public; 3° elle est demeurée sans exécution.

Abusive : 1° en ce que ce cardinal a autorisé un privilège sans

 

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lettres-patentes. 2° On a vu les privilèges des religieuses, inspectis privilegiis, on n'énonce nulles pièces de la part de l'évêque, il y en avait cependant qu'on a imprimées; ainsi l'évêque a été mal défendu. 3° Toutes les parties n'ont pas été appelées, et on n'y fait nulle mention du métropolitain ni du primat, qui avaient pareil intérêt que l'évêque à la juridiction dont on exempte le monastère.

Cette sentence est un acte purement particulier. Ce cardinal n'avait point de-pouvoir du Pape pour cela; il n'agit pas comme légat, mais en vertu du pouvoir donné par les parties : pouvoir insuffisant en matière de droit public, dont les parties ne pourvoient disposer.

Il ne sert de rien que le cardinal ait prononcé du consentement des parties ; car au contraire c'est ce qui fait voir que la sentence n'a force que de transaction entre particuliers. On ne pouvait remédier à ce défaut que par une homologation. Il n'y en a point, et n'y en eut jamais : donc la sentence demeure destituée de toute puissance publique dans une matière purement de droit public ; ce qui emporte dans le principe la nullité la plus essentielle, et dans l'exécution le plus grand abus.

Cette sentence n'a jamais été exécutée par les religieuses : elles n'ont jamais appelé l'évêque à donner la confirmation, à consacrer les églises, à bénir les filles, au mépris de l'évêque et de la sentence qui les y obligeait.

La sentence n'a pas même été exécutée parles religieuses en ce qui regarde l'exemption; car l'exemption dit deux choses : Ne pas reconnaître l'évêque, et être soumises au gouvernement du Pape. Ce dernier chef a été sans exécution, puisque depuis la sentence on ne produit aucun acte de juridiction que le Pape ait exercée par lui-même ni par ses délégués ou subdélégués : ainsi nulle exécution, de la part des religieuses, de l'article principal de leur sentence. Ce qu'elles ont fidèlement exécuté, c'est de n'avoir point de supérieur qui les gouvernât ; ce qui est le comble de l'abus.

Il résulte de ce que dessus un autre abus dans leur prétendu privilège. L'exemption, dit saint Bernard (1), est une injustice où

 

1 S. Bern., De consid., lib. III, cap. IV.

 

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l'on dépouille l'évêque, le métropolitain, le primat de ce qui leur appartient par le droit divin, par les conciles œcuméniques et par leur caractère ; on ne peut couvrir cette injustice qu'en prenant leur consentement, ou du moins en les appelant, comme il a toujours été fait. Mais on les a méprisés dans ce privilège : il est donc nul et abusif. Tout cela est clair et fondé sur des maximes constantes.

 

Si le monastère de Jouarre a une légitime possession.

 

Il est constant que non par toutes les maximes : 1° Parce que sa possession est sans titre dans une matière où il en faut un nécessairement ; 2° parce qu'on a vu que les convent et religieuses ne sont en aucune possession d'être gouvernées par le Pape, mais seulement de n'avoir aucun supérieur, qui est une possession manifestement abusive et réprouvée par les chapitres du Droit : Cùm non liceat, et Cùm ex officio : De præscript.

Les actes de possession qu'on produit sont 1° des consentements des évêques, dont il est constant par le droit que la négligence ne peut préjudicier à leur caractère ni à leurs successeurs; 2° des sentences rendues dans un temps où le privilège n'était pas contesté , et sans que le droit de l'évêque soit défendu par un légitime contradicteur; 3° l'arrêt de 1631, où ni l'évêque ni ses officiers n'étaient en cause ; où il ne s'agissait pas de l'exemption, mais d'une sentence donnée en matière décimale par l'official de Meaux, et où il est dit seulement qu'il y a abus.

Ajoutons que si on a égard à cette possession, il faudra autoriser les abbesses à violer la clôture, en sortant et faisant sortir les religieuses sans permission; ce qui est de tous les abus celui qui est le plus réprouvé par les canons; et encore autoriser le monastère dans l'usage d'être acéphale et sans supérieur légitime, en sorte que leur possession n'est qu'entreprise et usurpation : Corruptela, non consuetudo, comme parlent les canons.

 

SECOND MOYEN. Quand les religieuses auraient un privilège, il est révoqué.

 

C'est ici le moyen décisif qui ne consiste qu'en deux mots.

 

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L'article vu de l'ordonnance d'Orléans soumet absolument et indistinctement tout monastère exempt et non exempt aux archevêques et évêques.

L'ordonnance de Blois, en entrant dans l'esprit du concile de Trente (1), ne soumet aux évêques que les monastères exempts qui ne seront point en congrégation, et leur donne un an pour s'y mettre.

Le terme échu, l'évêque rentre pleinement dans son droit sans formalité ni procédure. C'est à quoi on en voulait venir pour ramener les choses en leur état naturel, et mettre fin aux scandales causés par les exemptions, qui faisaient crier toute la Chrétienté depuis trois cents ans.

Le concile de Trente avait dit : Monasteria..... ab episcopis.....

gabernentur. C'est ce que l'ordonnance exprime : «Il y sera pourvu par l'évêque ; » c'est-à-dire qu'il sera pourvu « à faire statuts et commettre visitateurs, » aux termes de l'ordonnance.

Le concile de Trente et l'ordonnance n'ont fait que rappeler la discipline déjà ordonnée au concile œcuménique de Vienne en 1312, dans la Clémentine, Attendentes : De statu monachorum. Ut monasteria monialium per ordinarios, exempta quidem, apostolicà, non exempta verò ordinariâ auctoritate debeant visitari. C'est le décret d'un concile œcuménique confirmé par un autre concile œcuménique, qui est celui de Trente, constamment reçu en ce point par l'ordonnance, à l'exception de la clause : Tanquàm sanctœ Sedis... delegatis, qui ne convient pas à nos mœurs. On ne peut donc plus alléguer ni le chapitre Ex parte, ni la sentence du cardinal Romain, ni la possession des religieuses, ni la négligence des évêques, puisque deux conciles œcuméniques ont prononcé, non obstantibus quibuscumque.

Dans le fait, en exécution de ces deux conciles, le Pape qui les a reçus et approuvés s'est actuellement démis du gouvernement de ces monastères ; il n'y pourvoit en aucune sorte, et s'en tient absolument déchargé sur les évêques : donc, ou par abdication, ou par abandonnement des papes, les évêques sont tenus à faire leur charge.

 

1 Sess. XXV, De reform., cap. IX.

 

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Si l'on peut donner du temps aux monastères pour se mettre en congrégation.

 

Il est bien certain que non, pour deux raisons décisives. 1° Le terme donné par l'ordonnance est expiré, il faudrait des lettres du roi pour être restitué contre le laps du temps. On n'en produit point; on n'en a pas même demandé depuis le temps que dure cette cause, parce qu'on sait que le roi n'en veut point donner, ni rien changer en l'état où l'affaire est à présent. 2° Il n'y a point de lieu à l'agrégation au préjudice de l'évêque, qui est rentré dans son droit et l'exerce actuellement. Ainsi jugé par l'arrêt de la Grenetière au profit de M. l'évêque de Luçon le 10 janvier 1079, lu à l'audience et communiqué aux parties qui n'y ont rien répliqué. 3° Quand il y aurait des lettres-patentes, elles réserveraient le droit de l'évêque, et ce ne serait qu'un nouveau procès. Il vaut donc mieux trancher à présent la question en l'état où elle est.

 

Le Bref de M. l'archevêque de Paris et celui d'Hière.

 

On dit que le monastère de Jouarre est actuellement sous la supériorité de M. l'archevêque de Paris par un bref que le roi même a impétré, et dont il a ordonné l'exécution par un arrêt du conseil : ce qui n'a rien d'abusif, puisque le roi et la cour ont bien reçu un pareil bref en faveur du monastère d'Hière.

Mais la réponse est aisée : Le bref de M. l'archevêque de Paris est demeuré sans exécution, ni intimation au monastère de Jouarre, pour faire connaître non-seulement à l'abbesse, mais encore aux religieuses, le supérieur auquel elles devaient avoir recours. Il n'y a ni subdélégation, ni visite, ni citation, ni aucun acte juridique de la part de M. l'archevêque de Paris. Des lettres de compliment ou en termes généraux ne sont pas une acceptation ni une exécution légitime : le bref est suranné; le déléguant, qui est le Pape, est mort avant que le délégué ait rien exécuté ; par conséquent la commission nulle par le droit. Il n'y a point de lettres-patentes, et on n'en a point demandé depuis dix ans, parce qu'on sait que le roi n'en veut point donner; et maintenant il n'y à plus de lieu à ces lettres contre le droit acquis à l'évêque, qui fait

 

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actuellement sa charge : droit auquel le roi ne veut point déroger.

C'est ce qui montre la différence du monastère d'Hière, où l'évêque ne réclamait point le monastère et ne faisait rien.

Le bref d'Hière était soutenu de lettres, et celui-ci non.

Le bref d'Hière est obtenu par les religieuses, et c'est leur propre pièce : celui-ci n'est pas au pouvoir des religieuses de Jouarre, mais en celui de M. l'archevêque de Paris, qui ne s'en sert point, qui ne revendique point sa juridiction, qui laisse ce bref inutile dans son secrétariat d'où il l'a fallu compulser, qui trouve plus digne de lui de demeurer le supérieur naturel du monastère de Jouarre par son titre de métropolitain que par une commission empruntée.

 

Sur la juridiction active.

 

Si l'abbesse de Jouarre est soumise, comme elle ne le peut éviter par les deux moyens précédents, sa juridiction active tombe avec son exemption : étant contradictoire qu'une personne soumise exerce une juridiction indépendante.

D'ailleurs il est bien constant par les propres titres des religieuses, c'est-à-dire par le privilège énoncé dans le chapitre Ex parte et par la sentence arbitrale, qu'il n'y est attribué à l'abbesse aucune juridiction sur le clergé et le peuple. Il est bien dit dans la sentence du cardinal Romain, que ce peuple et ce clergé sont soumis immédiatement au Pape; mais le Pape n'a pas transmis son autorité à l'abbesse. Sa sentence ne lui attribue ni le droit de s'ériger un tribunal et une officialité, ni celui d'instituer et destituer des prêtres; de leur conférer le droit d'administrer les sacrements, et de prêcher la parole de Dieu, ni d'exercer comme elle fait, toutes les fonctions pastorales. Elle a usurpé tout cela par entreprise.

De là il résulte clairement que l'abbesse n'a pu prescrire cette juridiction active, ni s'aider de sa prétendue possession, parce qu'elle est de mauvaise foi et contre son propre titre par un attentat manifeste sur le Pape, qu'elle dit être son supérieur immédiat. D'ailleurs pour ériger un tribunal, avoir des prisons et le reste, il faudrait des lettres-patentes, et il n'y en a point ici.

Et enfin l'abbesse ne peut prescrire cette juridiction, parce

 

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qu'elle en est incapable. L'abbesse de Montivilliers a quelque juridiction, qui néanmoins lui est contestée, quoiqu'elle soit subordonnée à celle de l'archevêque de Rouen, son diocésain. L'abbesse de Fontevrauld exerce aussi quelque juridiction sur ses religieux et religieuses dans l'intérieur de son ordre, subordonnément à un visiteur qu'on lui élit de trois ans en trois ans, hors de son ordre dans le chapitre général, où il y a des députés de toutes les maisons. Madame l'abbesse de Jouarre est la seule qui ait un clergé et un peuple ; la seule qui ait usurpé la pleine juridiction épiscopale; qui l'exerce plus indépendamment que les évêques, qui ont sur eux des métropolitains, et que les métropolitains qui ont sur eux des primats. Elle serait donc un vrai pasteur contre tout droit divin et humain, et contre la sujétion que saint Paul ordonne à son sexe : Mulieres in ecclesià taceant. Ainsi quand on conserverait tous les autres privilèges, il faudrait anéantir celui-ci le plus excessif et le plus insupportable de tous.

Il y a lieu de le faire par un seul arrêt, puisque tous les faits sont constants. Les pièces essentielles sont entre les mains de tous les juges; les maximes de droit sont connues et indubitables. Il n'y a plus qu'à apporter un prompt remède à des maux qui en ont besoin, et qu'à renvoyer un évêque dans son diocèse et des religieuses dans leur retraite.

 

ARRÊT DE LA COUR DE PARLEMENT,

 

Qui déclare l'abbesse et les religieuses de l'abbaye de Jouarre, te clergé, chapitre, curé, peuple et paroisse dudit lieu sujets à la juridiction et visite de l'évêque de Meaux.

 

Du 26 janvier 1690.

Extrait des registres de parlement.

 

Entre dame Henriette de Lorraine, abbesse de l'abbaye de Jouarre ordre de Saint-Benoît, diocèse de Meaux, demanderesse aux fins de l'exploit

 

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fait aux requêtes du palais le 17 juin 1689, à ce qu'elle ait acte de la complainte par elle formée par ledit exploit contre l'official et promoteur de Meaux :  ce faisant, il soit dit qu'elle sera maintenue et. gardée en la possession et jouissance en laquelle elle est de l'exemption de  toute juridiction de  l'évêque de Meaux, avec  défenses de l'y troubler à peine de tous dépens, dommages et intérêts, et à fin de dépens, intimée,  défenderesse et opposante à l'exécution de l'arrêt du  22 juillet 1689, suivant sa réponse à la signification dudit arrêt du 4 août en suivant, d'une part. Et messire Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, conseiller du roi en ses conseils, ci-devant précepteur de monseigneur le Dauphin, premier aumônier de madame la Dauphine, prenant le fait et cause de ses official et promoteur en l'évêché de Meaux, défendeur à ladite demande et opposition, et appelant de la sentence obtenue sur requête judiciaire par ladite dame abbesse de Jouarre, auxdites requêtes du palais le 2 dudit mois de juillet 1689, portant cassation de la procédure, extraordinaire contre elle faite en ladite officialité de Meaux, citation et tout ce qui s'en est ensuivi; et demandeur en requête présentée à la cour le 12 novembre 1689, à ce qu'en infirmant ladite sentence de cassation, il lui fut donné acte de ce qu'il emploie le contenu en sadite requête pour défenses à la demande en complainte formée aux requêtes du palais par l'abbesse de Jouarre. Ce faisant, qu'il plût à la cour évoquer le principal différend des parties pendant auxdites requêtes du palais ; et y faisant droit, sans avoir égard à ladite demande en complainte, le maintenir et garder au  droit de la juridiction  épiscopale sur le monastère, abbesse et religieuses de Jouarre; ensemble sur le collège et chanoines, curés et prêtres habitués dudit Jouarre, et faire défenses à ladite abbesse de plus l'y troubler; et pour l'avoir fait, la condamner aux dépens, d'autre part. Et entre ledit sieur Evêque de Meaux, appelant comme d'abus de la sentence rendue parle cardinal Romain en l'année 1225, en ce que par icelle le monastère, le-clergé et le peuple de Jouarre sont déclarés exempts de la juridiction de l'évêque de Meaux , d'une part ; et ladite dame abbesse de Jouarre, intimée, d'autre part. Et encore entre ladite abbesse de Jouarre, demanderesse en requête du 9 janvier 1690, à ce qu'en déclarant ledit sieur évêque de Meaux non recevable en son appel comme d'abus et en sa complainte, et en  adjugeant à ladite dame abbesse les autres lins et conclusions par elle prises, il fût ordonné que le bref du  pape Innocent XI, du 7 février 1680, qui a établi l'archevêque de Paris supérieur et visiteur de ladite abbaye de Jouarre, et l'arrêt du conseil d'Etat du 27 avril ensuivant, qui en a ordonné l'exécution, seraient, en tant que de besoin, exécutés de l'autorité de la Cour, d'une pari ; et ledit sieur évêque de Meaux, défendeur, d'autre part, sans que les qualités puissent nuire ni préjudicier aux parties. Après que Nouet

 

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le Jeune pour l'évêque de Meaux, et Vaillant pour l'abbesse de Jouarre, ont été ouïs pendant sept audiences ; ensemble Talon pour le procureur général du roi, qui a dit qu'il y a lieu, en tant que touche l'appel simple, mettre l'appellation et ce dont est appel au néant. A l'égard de l'appel comme d'abus, dire qu'il a été mal, nullement et abusivement statué et ordonné. Faisant droit sur les complaintes, sans s'arrêter aux requêtes de ladite dame abbesse de Jouarre ,  maintenir l'évêque de Meaux aux droits de juridiction et visite sur l'abbaye, sur le clergé et sur le peuple de Jouarre, laquelle juridiction sera par lui exercée aux mêmes clauses et conditions portées par la transaction passée entre lui et l'abbesse de Faremontier le 21 février 1682. Ce faisant, l'abbesse de Jouarre demeurera à l'avenir déchargée de la redevance de dix-huit muids de grain mentionnée dans la sentence de 1225, sans restitution des arrérages du passé. La Cour ordonne qu'elle en délibérera sur le registre; et après en avoir délibéré, ladite Cour, en tant que touche l'appel interjeté par la partie de Nouet de la sentence rendue aux requêtes du palais le 2 juillet 1689, a mis et met l'appellation et ce dont il a été appelé au néant. Emendant, évoque le principal, et y faisant droit, ensemble sur l'appel comme d'abus, dit qu'il a été mal, nullement et abusivement procédé, ordonné et exécuté; et en conséquence et suivant les saints canons et les ordonnances, maintient la partie de Nouet et ses successeurs évêques de Meaux, au droit de gouverner le monastère de Jouarre et d'y exercer leur juridiction épiscopale tant sur l'abbesse et religieuses que sur le clergé, chapitre, curé, peuple et paroisse dudit lieu ; de faire dans leurs visites et autrement les statuts et règlements qu'ils estimeront les plus propres pour maintenir la discipline régulière dans ledit monastère suivant la règle de son institution, et de les y faire garder et exécuter. Ordonne que la partie de Nouet sera tenue de rapporter dans trois mois les titres, même ceux antérieurs à la sentence de l'année 1225, si aucun il a, en vertu desquels il prétend que la redevance de dix-huit muids de grain à prendre sur ladite abbaye appartient à son évêché, pour, après qu'ils auront été communiqués à la partie de Vaillant, y être fuit droit ainsi qu'il appartiendra ; et sur le surplus des demandes des parties, les met hors de cour et de procès ; condamne la partie de Vaillant aux dépens. Fait en parlement, le vingt-sixième janvier mil six cent quatre-vingt-dix. Collationné. Signé Du Tillet.

 

PROCÈS-VERBAL DE VISITE.

 

Extrait du registre des visites du diocèse de Meaux.

 

L'an mil six cent quatre-vingt-dix, le samedi 25 février, nous

 

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Jacques-Bénigne, par la permission divine Evêque de Meaux, sommes parti de la ville de Meaux sur les huit heures du matin, accompagné de Mre Jean Phelipeaux, prêtre, docteur de Sorbonne, chanoine et trésorier de notre église ; de Mre Jean Corvisart, prêtre, curé de Mareuil-les-Meaux, promoteur de notre cour épiscopale ; et de Mre François Ledieu, prêtre chanoine de notre église, notre aumônier ordinaire, ensemble de nos autres officiers et gens de notre suite : nous nous sommes transportés au bourg de Jouarre, pour y faire la visite tant du monastère que de la paroisse dudit lieu, conformément à l'Indication de ladite visite par nous ordonnée être faite sur les lieux, et à cette fin nos mandements et ordonnances signifiés par Crétien, huissier royal audit Meaux. Et étant arrivés à la croix hors des portes du bourg dudit Jouarre, aurions rencontré le clergé de Jouarre, revêtu de surplis et camail, venu processionnellement avec croix et eau bénite et suivi d'un grand peuple. Ledit clergé, tant chanoines de l'abbaye dudit Jouarre que le curé, vicaire et autres ecclésiastiques de la paroisse dudit lieu; à savoir: Mre Gilles Lépreux, ancien desdits chanoines, Mre Pierre de Verse, Henri de Belloy, Thomas Davanécourt, Jacques Bernage et Denis Pinart, tous prêtres et chanoines de ladite abbaye; desquels ledit Mre Gilles Lépreux, ancien, nous aurait déclaré tant en son nom qu'en celui de ses dits confrères présents, faisant la plus grande partie d'entre ceux qui étaient actuellement résidents audit Jouarre, qu'ils nous recevaient avec joie et consolation, parce qu'ils trouvaient en nous leur véritable pasteur et supérieur, dont jusqu'alors ils avaient été privés au mépris de leur caractère, protestant qu'ils étaient prêts de nous rendre en cette qualité toute sorte de soumissions et obéissances; ce que lesdits chanoines ses confrères auraient tous unanimement déclaré être leurs véritables sentiments. Après quoi Mre Jacques Bernage, l'un d'iceux et curé de la paroisse dudit Jouarre, s'étant avancé suivi de son vicaire et maître d'école, revêtu d'une étoile, qu'il aurait à l'instant quittée en se prosternant à nos pieds, puis nous en aurait revêtu, disant qu'il remettait en même temps tout son pouvoir entre nos mains, et qu'il ne désirait l'exercer désormais qu'après l'avoir reçu de nous

 

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et sous nos ordres. Sur quoi nous lui aurions répondu en taré, sence de tout le peuple que nous lui rendions tous ses pouvoirs et lui enjoignions de continuer comme il avait fait ci-devant d'administrer les saints sacrements et annoncer la parole de Dieu, persuadé qu'il en userait selon les saints canons et les ordres qu'il recevrait de nous. Puis nous nous serions acheminés processionnellement vers l’église de la paroisse, au chant du répons Benedictus, et de l’hymne Te Deum laudamus, et au carillon des cloches, suivis d’une grande multitude de peuple, et les rues bordées de la plupart des habitants à genoux pour recevoir la bénédiction épiscopale. Arrivés à l'église paroissiale, nous y aurions été reçus par lesdits curé, vicaire et chapelains, ensemble lesdits chanoines toujours présents, avec les cérémonies accoutumées. Le Te Deum achevé les versets et oraisons marquées à cet usage auraient été chantées par ledit curé, tandis que nous faisions notre prière sur le prie-dieu préparé au pied du grand autel, où nous serions ensuite monté pour le baiser, et aurions donné la bénédiction solennelle. Puis assis sur un fauteuil aurions expliqué au peuple les raisons de la visite épiscopale, et exposé succinctement quel est le gouvernement ecclésiastique établi par Jésus-Christ le souverain pasteur des âmes, et réglé par les saints canons  leur indiquant au surplus que le jour suivant, huit heures du matin nous commencerions la visite et la continuerions les jour suivants, avec toutes les fonctions de notre ministère; exhortant les pères et mères d'envoyer leurs enfants au catéchisme, auquel nous assisterions en personne, afin qu’étant assuré de leur capacité, nous leur puissions donner le sacrement de confirmation. Le peuple ainsi renvoyé en paix, nous sommes descendu au presbytère de ladite cure, ou nous avons pris notre logement : où étant nous nous serions informé du nombre des chanoines dudit Jouarre ; sur quoi nous aurions appris qu'ils sont en tout treize titulaires : six actuellement présents et ci-dessus nommés, plus deux jeunes clercs étant aux études, et enfin cinq autres prêtres, à savoir Mre Louis de la Vallée, qu'on nous a dit être de présent à Paris ; Mre Jean-Baptiste Riché, dont la prébende est  en litige, absent pour cette raison ; Mre Raphaël Gallot, Mre Nicolas Rassicod et

 

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Mre Daniel de la Vallée, dit Laburie, lesquels trois derniers on nous a assuré être dans le bourg; sur quoi nous aurions donné ordre que lesdits Gallot, Rassicod et Laburie fussent avertis de se rendre auprès de nous, aujourd'hui cinq heures de relevée.

Et ledit jour, quatre heures de relevée, nous nous serions transporté, revêtu de camail et rochet, accompagné de nosdits ecclésiastiques et autres officiers comme dessus, au monastère dudit Jouarre, dont la première porte nous aurait été ouverte par un suisse habillé de vert. Arrivés à la porte du tour, aurions enjoint à la tourière du dehors d'avertir la mère prieure, la dame abbesse absente, que nous venions faire la visite conformément à nos ordonnances et mandements signifiés à cet effet ; que pour cette cause on eût à nous ouvrir les portes de l'église et assembler la communauté au parloir pour recevoir nos ordres. Mais après avoir attendu quelque temps sans qu'on nous rendît autre réponse, sinon que personne du dedans ne paraissait au tour, nous aurions fait frapper à la porte de clôture dudit monastère, et par la petite grille de ladite porte la prieure dudit monastère aurait paru : à laquelle nous aurions déclaré que, conformément aux saints canons et notamment aux décrets du saint concile de Trente, nous venions faire la visite, et lui aurions réitéré les ordres ci-dessus. A quoi elle aurait répondu qu'elle ne pouvait nous reconnaître, attendu que ledit monastère ne dépendait d'autre supérieur ecclésiastique que de N. S. P. le Pape, dont elle et ses sœurs attentaient la volonté ; que quant à l'arrêt de la cour de parlement que nous leur aurions fait signifier audit monastère, il n'avait pas été rendu avec la communauté. Sur quoi lui ayant demandé si la communauté avait d'autres moyens à alléguer ou titres à produire que ceux allégués et produits par ladite dame abbesse, elle nous aurait dit que non à la vérité, mais qu'elles attendaient la volonté du Pape. Lui ayant ensuite demandé si ladite communauté était avertie de notre arrivée et présence, elle aurait répondu que oui. Toutes lesquelles réponses ayant pris pour refus, et icelle prieure interpellée une, deux et trois fois de nous obéir, sans en recevoir autre réponse que celle ci-dessus, notre promoteur présent nous aurait requis qu'il nous plût ordonner

 

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qu'incessamment les portes nous fussent ouvertes pour procéder à ladite visite, sur les peines de droit, dont nous lui aurions donné acte. En même temps ladite prieure s'étant retirée sans attendre de nouveaux ordres, nous serions aussi retourné à notre logement, pour de tout ce que dessus délibérer ; dont et de quoi nous avons fait et dressé le présent procès-verbal pour servir et valoir en temps et lieu, ainsi que de raison. Puis nous aurions ordonné que la procédure par nous commencée serait continuée, et lesdites prieure et religieuses admonestées de nous obéir ; et cependant, attendu leur désobéissance et contumace, nous aurions recours à la cour de parlement et imploration du bras séculier.

Et ledit jour, sur le soir, nous aurions mandé Mre Barthélemi de Rémond, prêtre, confesseur en ladite abbaye, et F. Basile, prêtre, religieux de Saint-Dominique, prêchant le carême en l'église de ladite abbaye, pour venir recevoir nos ordres sur les fonctions de leur ministère. Lesquels s'étant rendus auprès de nous, nous leur aurions déclaré qu'attendu la résistance et opposition à nos ordres de la part des prieure et religieuses dudit monastère, ne les jugeant pas en état de s'approcher des sacrements, nous leur défendions, auxdits de Rémond et F. Basile, de confesser lesdites prieure et religieuses sans notre permission spéciale et par écrit, laquelle nous accorderions volontiers à celles par lesquelles nous en serions requis; qu'au surplus nous leur laissions la liberté de dire et chanter la sainte messe, ne voulant pas que le service de Dieu cessât ; et que quant à la prédication, nous permettions audit F. Basile de la faire à condition que ce fût publiquement, les portes de l'église ouvertes, à ce que le peuple et nous-même y puissions assister comme nous le désirions. A quoi lesdits de Rémond et F. Basile nous auraient promis d'obéir avec protestation de toute sorte de soumission.

Serait pareillement venu vers nous Mre Jean-Baptiste Richer, prêtre, chanoine dudit Jouarre, ne résidant point à cause qu'il est en procès pour sa prébende; lequel informé de notre visite audit Jouarre, y serait venu pour nous y rendre ses soumissions et recevoir nos ordres comme de son légitime supérieur, lequel nous aurions reçu avec affection.

 

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Quant à Mre Raphaël Gallot, prêtre, chanoine dudit Jouarre, cité à comparoir devant nous sous peine d'interdiction, par exploit signifié en sa maison audit Jouarre, du 20 février audit an, sur ce que les chanoines ses confrères nous auraient assuré qu'il serait sorti dudit Jouarre et nous suppliaient de surseoir à prononcer contre lui. Inclinant à leur prière, nous aurions bien voulu surseoir toute procédure contre ledit Gallot, espérant, comme ils nous le disaient, que de lui-même il viendrait à l'obéissance ; ce qu'il a fait, étant revenu audit Jouarre depuis notre départ, avec protestations de soumissions pareilles à celles de ses confrères, entre les mains dudit sieur Phelipeaux.

Pour Mre Nicolas Rassicod et Mre Daniel de la Vallée, dit Laburie, aussi prêtres et chanoines audit Jouarre, attendu leur désobéissance et contumace, après avoir été cités par trois fois de comparoir par-devant nous, par exploits à eux signifiés à la requête de notredit promoteur en trois jours consécutifs, nous les aurions déclarés interdits de toutes les fonctions de leurs saints ordres par notre ordonnance du mardi 28 février audit an, à eux signifiée le mercredi Ier mars suivant, à ce qu'ils n'eussent à faire aucunes fonctions de leurs saints ordres au préjudice de l'interdit prononcé contre eux, sur les peines portées par les saints canons, ainsi qu'il paraît plus amplement parles actes séparés du présent procès-verbal.

Le jeudi 2 mars audit an, l'arrêt de la cour de parlement du 28 février 1090, portant qu'il sera fait ouverture des portes de ladite abbaye de Jouarre en présence du sieur lieutenant-général de Meaux, commis par la cour à l'exécution dudit arrêt, fut signifié au monastère dudit Jouarre par Regnault, huissier à Meaux.

Et ledit jour 2 mars audit an, une heure de relevée, nous évêque susdit, accompagné de MM Hugues Janon, prêtre; de Mre Jean Phelipeaux, docteur de Sorbonne, chanoine et trésorier de notre église; de messire Jean Corvisart, curé de Mareuil-les-Meaux et promoteur de notre cour épiscopale ; de Mre François Ledieu, chanoine de notre église, et notre aumônier ordinaire, tous prêtres ; et de Mre Pierre Royer, secrétaire ordinaire de notre évêché, et nos autres officiers, nous nous serions transporté, revêtu de camail et rochet, et pareillement nos ecclésiastiques susdits, à la

 

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porte de l'abbaye dudit Jouarre, avec le sieur lieutenant-général de Meaux, commissaire en cette partie, nommé par ledit arrêt pour faire notre visite audit monastère, dont la première porte nous aurait été ouverte par un suisse vêtu de vert. Et arrivés à la porte du tour, nous aurions enjoint à la tourière du dehors d'avertir la mère prieure, la dame abbesse absente, que nous venions faire notre visite conformément à nos ordonnances et mandements signifiés, tant à ladite dame abbesse qu'aux prieure et religieuses dudit monastère de Jouarre, par Crétien, huissier à Meaux, le 23 février dernier, et que pour cet effet la prieure eût à nous faire ouvrir les portes de l'église et assembler la communauté au parloir pour nous venir recevoir et obéir à nos ordres.

Est comparu M. Cheverry, procureur fiscal de la dame abbesse et religieuses de Jouarre, lequel assisté des autres officiers de ladite abbaye, conformément à la signification à nous faite du jour d'hier, aurait protesté au nom desdites prieure et religieuses, sans néanmoins nous pouvoir montrer aucun acte capitulaire, ni ordre par écrit de faire lesdites protestations, encore qu'il en eut été requis, que notre entrée audit monastère ne pourrait nuire ni préjudicier aux privilèges et exemptions de l'abbaye. Sur quoi nous aurions ordonné que nous continuerions de faire notre visite conformément aux saints canons et en particulier aux décrets des saints conciles de Vienne et de Trente, dont l'exécution aurait été ordonnée tant par l'ordonnance de Blois que par les arrêts susdits, et ce nonobstant toute opposition ou appellation quelconque, comme en matière de discipline et correction de mœurs. Aurions en outre requis ledit sieur lieutenant-général, en cas qu'on continuât de nous faire les empêchements et troubles déjà commencés en refusant d'assembler les religieuses devant nous, comme on a fait jusqu'ici, d'exécuter l'arrêt dont il est porteur, en ordonnant que les portes dudit monastère nous fussent ouvertes, afin que nous parlions auxdites religieuses et procédions à la visite des lieux réguliers; ce qu'il aurait en même temps ordonné et fait exécuter, ainsi qu'il est plus au long porté au procès verbal fait par ledit sieur lieutenant-général. Et après que les ouvriers amenés par ledit sieur lieutenant-général

 

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se seraient mis en devoir de faire ouverture de la porte de clôture dudit monastère, elle nous aurait été ouverte en dedans par deux religieuses. Et nous évêque susdit serions entré dans ledit monastère, accompagné de nos ecclésiastiques susdits et officiers, ensemble ledit sieur lieutenant-général avec ses officiers. Puis la porte refermée par lesdites religieuses qui l'avaient ouverte, elles se seraient retirées à l'instant avec précipitation, sans même vouloir nous dire leurs noms et offices. Ce fait, nous nous serions acheminés vers le dortoir et en chemin aurions rencontré une religieuse, laquelle nous aurait dit être sœur Marie Gobelin, dite des Archanges, et qu'elle se retirait dans sa cellule suivant l'ordre qui en avait été donné ; à laquelle nous aurions ordonné de nous suivre et de nous conduire audit dortoir et cellules; ce qu'elle aurait fait. Où étant, nous aurions été de cellule en cellule dans les deux dortoirs et aurions parlé aux religieuses qui y étaient demeurées en plus grand nombre, les autres s'étant retirées ailleurs, et ayant laissé leurs cellules fermées pour la plupart, la prieure elle-même s'étant absentée du dortoir, sa cellule ouverte : et sur ce que nous aurions ordonné aux religieuses présentes de la faire venir devant nous, toutes nous auraient déclaré ne savoir où elle était, non plus que les autres religieuses. Aurions dit auxdites religieuses que notre intention était de tenir le chapitre, où nous leur aurions ordonné de nous suivre et à quoi elles auraient obéi. Mais avant, cela, nous étant fait conduire à l'église, au chœur des religieuses, nous nous serions contenté d'y adorer le saint Sacrement, sans y faire autre cérémonie ni visite, désirant d'apporter un prompt remède aux besoins les plus pressants. De là étant allés à la porte du chapitre, afin que les absentes n'en pussent ignorer, nous aurions fait sonner le timbre, comme il se pratique en cas pareil. La porte dudit chapitre s'étant trouvée fermée, aurions tenu l'assemblée dans une salle voisine, dite la Salle de communauté, où se seraient trouvées vingt-trois religieuses: savoir sœur Catherine de Fiesque, seconde prieure, sœur Henriette de Lusancy, dite de Sainte-Hélène, troisième prieure, etc., ensemble nos ecclésiastiques et officiers : puis la prière et invocation du Saint-Esprit préalablement faite suivant la coutume,

 

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aurions fait lire en français auxdites religieuses, par l'un desdits ecclésiastiques, les décrets susdits des saints conciles de Vienne et de Trente, leur faisant voir que nous aurions été troublés dans l'exécution d'iceux par la sentence que madame leur abbesse aurait obtenue aux requêtes du palais, par laquelle la procédure de notre officiai, quoique régulière et canonique, aurait été cassée et défenses faites à nous et à nos officiers de passer outre. Ce qui nous aurait forcé, pour réparer un tel attentat, d'avoir recours à l'autorité de la cour de parlement, où nous aurions obtenu l'arrêt bien connu des religieuses, puisqu'il leur a été signifié et qu'elles y sont comprises. Leur aurions pareillement remontré que c'était à tort qu'on tâchait de leur faire entendre que ledit décret du saint concile de Trente n'était pas reçu dans le royaume, puisqu'il était accepté par l'ordonnance de Blois, dont lecture leur fut pareillement faite ; et que ladite cour de parlement, à qui il appartient d'exécuter les ordonnances, l'avait ainsi jugé par ledit arrêt, qui ne faisait autre chose que d'ordonner l'exécution de ladite ordonnance de Blois et des saints canons ; en sorte qu'il ne leur restait que l'obéissance qu'elles nous auraient aussi toutes promis de nous rendre. Après quoi nous aurions fini le chapitre par la prière. Ensuite notre promoteur nous aurait remontré que l'entrée des tours n'était pas libre, que les clefs ni du monastère, ni desdites tours n'étaient point en notre disposition ; et que les officiers qui en étaient chargés ne nous avaient point encore rendu obéissance ; en sorte que si nous procédions au scrutin et audition des religieuses à la grille, selon la coutume, lesdites religieuses n'auraient point un libre accès auprès de nous, mais en seraient empêchées, tant par la prieure qui ne nous avait pas obéi, ni paru devant nous, que par les autres officières désobéissantes ; ajoutant que nous retirant hors du monastère, nous perdrions l'occasion de parler aux religieuses qui ne voulaient pas nous reconnaître ni se ranger à leur devoir, nous requérant qu'à ces causes et autres que notre prudence pourrait suppléer, il nous plût à cette fois et sans tirer à conséquence, procéder audit scrutin et audition des religieuses au dedans : ce que nous aurions ordonné et à l'instant y aurions procédé jusqu'environ six heures du soir, après quoi

 

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nous nous serions retiré du monastère et retourné au presbytère dudit Jouarre.

Le vendredi 3 mars audit an, nous aurions mandé à l'abbaye dudit Jouarre qu'on eût à nous ouvrir les portes de l'église, lesquelles jusqu'alors se tenaient soigneusement fermées, attendu que nous désirions y célébrer la sainte messe, visiter le saint Sacrement et faire les autres fonctions de notre ministère, à quoi on n'avait pas obéi. Ce qui nous aurait obligé contre notre attente d'avoir recours audit sieur lieutenant-général, avec lequel, revêtu et accompagné comme ci-dessus, nous nous serions transporté à la principale porte de ladite église, à laquelle nous aurions trouvé ledit Cheverry, qui sous les protestations plus amplement énoncées au procès-verbal dudit sieur lieutenant-général, aurait offert de nous faire ouvrir les portes, après qu'on aurait fait effort à ladite porte : ce que nous aurions refusé par la révérence des saints lieux ; mais aurions ordonné que lesdites portes seraient ouvertes incessamment et demeureraient ensuite ouvertes à toutes les heures accoutumées, afin que le peuple put assister au service divin et prédication qui se faisaient en ce saint temps, défendant de plus tenir ladite porte fermée , comme si l'église eût été interdite, et déclarant que nous aimions mieux nous retirer que de faire aucun effort à ladite porte : admonestant au surplus lesdites religieuses, en la personne dudit Cheverry, de ne pas commettre un si grand scandale : et à l'instant ladite porte avait été ouverte, par laquelle étant entré dans ladite église avec nosdits ecclésiastiques et officiers, nous aurions fait d'abord notre prière et autres préparations au saint sacrifice, sur un prie-dieu préparé au bas du maître autel; puis aurions visité le saint Sacrement reposant au tabernacle dans un ciboire de vermeil et en aurions fait ostension au peuple, sans toutefois chanter les antiennes, versets et oraisons accoutumées, à cause de la division des religieuses, et évitant tout ce qui pouvait donner scandale au peuple. Aurions ensuite célébré la sainte messe, finissant à l'ordinaire par la bénédiction pontificale. Après les actions de grâces, nous aurions visité la sacristie où nous aurions trouvé toutes choses en fort bon ordre, et enfin nous nous serions retirés audit presbytère.

 

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Et ledit jour deux heures de relevée, ayant envoyé notredit promoteur audit monastère y déclarer que nous désirions continuer notredite visite, et qu'on eût à nous en ouvrir les portes et faire venir les religieuses pour nous parler, il nous aurait rapporté qu'il n'aurait trouvé personne à qui parler; en sorte que nous aurions été contraint d'avoir recours de nouveau audit sieur lieutenant-général, avec lequel, ensemble nos ecclésiastiques et officiers revêtus comme dessus, nous nous serions transporté à ladite abbaye, où personne ne se présentant pour nous recevoir, ni même pour nous parler, nous aurions requis ledit sieur lieutenant-général de faire sa charge. Et après l'effort fait à la petite grille et à la serrure de la porte de clôture, ladite porte nous aurait été ouverte par deux religieuses, qui se seraient nommées sœur Anne de Marie, dite de Sainte-Foy, et sœur Anne de Menou, dite de la Visitation, portières. Après quoi notre promoteur nous aurait remontré qu'il y avait lieu d'espérer que la prieure; et les religieuses qui lui adhèrent se contenteraient de leur première résistance, et ne pousseraient pas la contumace jusqu'à nous contraindre d'appeler toujours la justice séculière; qu'il n'était pas juste de nous exposer à de pareils inconvénients et irrévérences; et que parmi les divisions qui paraissaient dans le monastère et la résistance de celles qui ne voulaient pas nous obéir, il pouvait arriver au dedans de grands désordres et scandales, sans que nous puissions y apporter de remède, si nous ne nous rendions maîtres de la porte et ne mettions les religieuses qui nous obéissent en état d'avoir recours à nous dans le besoin : partant requérait que nous eussions à nous faire remettre en main les clefs du monastère par les portières ici présentes, et leur donner tels ordres que nous trouverions à propos. Requérant de sa part ledit sieur lieutenant-général de donner les ordres nécessaires aux ouvriers par lui amenés de faire par notre ordre ce qui serait nécessaire à ce que nous fussions assuré de l'entrée du monastère, et libre accès desdites religieuses par devers nous. Sur quoi nous, évêque susdit, aurions ordonné auxdites sœurs de Marie et de Menou de nous remettre présentement entre les mains toutes les clefs tant de la porte qu'autres lieux dudit monastère, comme c'était la

 

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coutume dans les visites; et leur aurions pareillement enjoint, sous peine de désobéissance, d'aller trouver de notre part ladite prieure, pour lui enjoindre de venir elle-même nous rendre compte du monastère et recevoir nos ordres. Lesquelles nous auraient répondu qu'elles ne donnaient pas les clefs, mais qu'elles les laissaient là; et quant à la prieure, qu'elles ne savaient où elle était; ce qu'ayant dit, elles auraient pris la fuite, sans même vouloir signer leur dire comme elles en étaient requises. Et après les ordres donnés par ledit sieur lieutenant-général aux ouvriers qu'il avait amenés pour faire ce que nous ordonnerions pour la sûreté de la clôture, il se serait retiré; et nous, évêque susdit, aurions défendu sous peine d'excommunication à toutes personnes d'entrer dans le monastère, hors à ceux à qui nous l'ordonnerions expressément, nous serions entré dans ledit monastère, commettant la garde de ladite porte de clôture à l'un de nos ecclésiastiques, à l'huissier dudit sieur lieutenant-général et à deux de nos domestiques; aurions ensuite continué l'audition desdites religieuses, jusqu'environ six heures du soir.

Et lorsque nous étions sur le point de sortir, notredit promoteur nous a remontré que la serrure de ladite porte de clôture était fort endommagée ; en sorte que la fermeture de la porte ne serait pas assurée, s'il n'y était par nous pourvu : qu'il y aurait même à craindre que si nous nommions des officiers à qui nous commissions les clefs, elles ne leur fussent enlevées par force dès que nous nous serions retirés, ce qui nous ferait retomber dans les inconvénients qu'il nous avait ci-dessus remontrés, nous requérant d'y pourvoir. Sur quoi nous, évêque susdit, aurions ordonné que ladite serrure serait levée et raccommodée, et la clôture fermée par le dehors avec une chaîne et un cadenas, dont nous aurions emporté la clef, et donné les ordres nécessaires pour la sûreté de la clôture; après quoi nous nous serions retirés.

Le samedi 4 mars audit an, nous, évêque susdit, nous nous serions transporté dès le matin à l'église dudit monastère, où nous aurions célébré la sainte messe avec les ornements les plus beaux de l'abbaye, qui nous auraient été préparés ; à l'issue de laquelle nous serions entré audit monastère, revêtu et accompagné comme

 

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ci-dessus, dont nous aurions visité les lieux réguliers que nous aurions trouvés ouverts, sans vouloir faire aucun effort à l'égard de ceux qui se seraient trouvés fermés. Aurions ensuite continué l'audition des religieuses, que nous aurions achevée l'après-dinée. Et le soir nous nous serions retiré, après avoir fait remettre la serrure de la porte de clôture, dont nous confiâmes les clefs à la sœur de Saint-Nicolas, portière, qui était dans l'obéissance et entrait en semaine.

De là rentrant au presbytère, le susdit Mre Nicolas Rassicod, prêtre, chanoine dudit Jouarre, se serait présenté à nous, lequel nous aurait demandé pardon de sa désobéissance, nous suppliant humblement de le vouloir rétablir dans toutes les fonctions de ses saints ordres; ce que nous aurions bien voulu faire aussitôt en considération de la repentance sincère qu'il nous témoignait, comme il paraît par un acte séparé.

Le dimanche 5 mars audit an, nous nous serions transporté à l'église de l'abbaye sur les huit heures du matin, revêtu et accompagné comme dessus, où après les préparations accoutumées, nous aurions administré le sacrement de confirmation à plusieurs enfants et quelques personnes d'âge, leur en ayant préalablement expliqué les cérémonies et les effets, à la grande grille du chœur en présence d'un grand peuple. Puis nous aurions célébré la sainte messe au grand autel avec les ornements et vaisseaux les plus riches de l'abbaye. Et après notre communion, aurions aussi administré le saint Sacrement à plusieurs religieuses et à plusieurs autres personnes séculières de l'un et de l'autre sexe préparées à cet effet; et toute la cérémonie finie, nous nous serions retiré audit presbytère.

Où étant, nous nous serions fait rapporter notre ordonnance donnée ledit jour, laquelle nous aurions fait remettre es mains de Mre Jacques Bernage, curé de l'église paroissiale de Saint-Pierre dudit Jouarre, pour être par lui lue et publiée au prône de la messe paroissiale, qu'il allait célébrer et chanter : de laquelle ordonnance la teneur s'ensuit.

Jacques-Bénigne, par la permission divine Evêque de Meaux : aux abbesses, religieuses et couvent, clergé, peuple et paroisse

 

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de Jouarre, salut et bénédiction. Comme messire Louis de la Vallée, maintenant absent dudit Jouarre, et messire Daniel de la Vallée, dit Laburie, prêtres, chanoines et chapelains de l'église abbatiale, se sont ingérés de faire les fonctions de vicaire général, official, vice-gérant et promoteur, en vertu des prétendues lettres, commissions ou pouvoirs à eux donnés par l'abbesse de ce monastère, bien que ladite abbesse ni eux n'en aient reçu aucun pouvoir ni du Saint-Siège, ni de nos prédécesseurs ou de nous ; nous leur défendons, et à tous autres, de procéder, ordonner ou exécuter auxdites qualités en vertu desdits pouvoirs, ni d'exercer aucune commission où la juridiction ecclésiastique soit requise, sans en avoir auparavant reçu de nous ou de nos vicaire-général et officiai un pouvoir spécial et par écrit, sur toutes les peines portées contre les usurpateurs de la juridiction ecclésiastique et intrus en icelle. Défendons sur mêmes peines à ladite abbesse et à celles qui lui succéderont, et à tout autre officier de l'abbaye, le siège abbatial vacant ou non vacant, de donner de pareils pouvoirs ou commissions. Déclarons nul et de nul effet tout ce qui sera dorénavant attenté au préjudice de la présente ordonnance, sans néanmoins donner atteinte à ce qui aurait été ci-devant géré, ordonné et exécuté selon les canons, quoiqu'en vertu desdits pouvoirs et commissions, tant que nos prédécesseurs et nous l'avons toléré et sans que pour raison de ce il soit permis de troubler et inquiéter les consciences. Défendons en outre auxdites abbesse et toute autre officière de l'abbaye, d'instituer à l'avenir, vacance arrivant, les curés de Jouarre, ou de les mettre en possession et exercice de cette charge, sans qu'ils reçoivent auparavant de nous et de nos successeurs la cure des âmes et tout ce qui y est annexé, sans préjudice de ce qui a été fait et sera fait à l'avenir en ladite qualité par le curé de Jouarre, auquel même, et en tant que besoin serait, nous avons continué et continuons tous ses pouvoirs. En conséquence de ce que dessus, avons déclaré et déclarons que nul autre que ledit curé n'a pouvoir dorénavant de prêcher la parole de Dieu et d'administrer les sacrements, notamment celui de pénitence, dans toute l'étendue de la paroisse de Jouarre, à moins de l'avoir reçu par notre permission et approbation

 

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spéciale et par écrit dans le cours de la présente visite, et ci-après en la même forme par nous ou notre vicaire général. Déclarons que les confessions qui se feront dorénavant au préjudice de ce que dessus seront nulles et de nulle valeur, et qu'il les faudra réitérer à des prêtres approuvés comme dessus. Et afin que le peuple sache à qui il peut s'adresser, déclarons que ce sont tous ceux qui exerceront cette fonction dans l'église paroissiale, attendu que le curé aura vu leurs pouvoirs selon l'ordre qu'il en a de nous. Mais d'autant que les confesseurs des religieuses doivent être revêtus de qualités dont nous nous sentons obligé de faire un examen particulier, pour cette considération et autres à nous connues, déclarons que les permissions et approbations par nous données, même par écrit, ne vaudront pour les religieuses et notamment pour celles de Jouarre, à moins qu'elles n'y soient spécialement comprises et dénommées. Défendons expressément à tous prêtres séculiers et réguliers, d'entreprendre de confesser et absoudre lesdites religieuses au préjudice de la présente, à peine d'interdiction encourue ipso facto, révoquant tout pouvoir à ce contraire, ainsi que nous l'avons déjà déclaré et dénoncé auxdites religieuses, à ce qu'elles ne s'exposent à faire des confessions nulles et sacrilèges. Donné à Jouarre, dans la maison presbytérale, durant le cours de notre visite, ce jourd'hui cinquième jour de mars mil six cent quatre-vingt-dix. Signé + Bénigne, évêque de Meaux. Et plus bas: Par monseigneur, Royer.

 

La présente ordonnance a été lue et publiée au prône de la messe paroissiale de Jouarre, le dimanche cinquième jour de mars audit an, par moi Jacques Bernage, prêtre, curé de ladite paroisse de Jouarre, soussigné. Signé J. Bernage.

 

Ledit jour, sur les deux heures après-midi, nous évêque susdit revêtu de camail et rochet, et accompagné de nos ecclésiastiques et des chanoines dudit Jouarre en leurs habits d'église, serions allé en l'église de l'abbaye, où après notre prière étant monté en chaire, aurions expliqué le mystère de la Providence divine, à l'occasion de l'évangile de ce quatrième dimanche du carême, où est rapportée la multiplication des cinq pains, à laquelle prédication auraient assisté toutes les religieuses et un

 

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grand concours de peuple, tant de la paroisse de Jouarre que des paroisses voisines. A l'issue de laquelle et tout le service de l'église étant achevé, nous serions entré dans ledit monastère, revêtu comme dessus et accompagné de nosdits ecclésiastiques et officiers, où étant, aurions fait sonner le timbre qui est à la porte du chapitre, lequel nous aurions trouvé ouvert et y aurions assemblé la plus grande partie des religieuses, auxquelles nous aurions donné les avis nécessaires par rapport à l'état présent du monastère, les assurant qu'avec la grâce de Dieu et le secours du temps elles recevraient des fruits plus abondants de nos soins ; et aurions aussi écouté ce qu'elles nous auraient proposé sur les besoins les plus pressants pour y apporter l'ordre convenable ; après quoi nous nous serions retiré au presbytère, où nous serait venu trouver le susdit Mre Daniel de la Vallée, dit Laburie, prêtre, chanoine dudit Jouarre, lequel nous aurait demandé pardon de sa désobéissance, et nous aurait humblement supplié de le vouloir rétablir dans toutes les fonctions de ses saints ordres. Auquel, après lui avoir donné en particulier les avertissements que nous jugeâmes nécessaires, nous aurions bien voulu accorder à l'instant la grâce de le relever de l'interdiction, en considération de la grande repentance qu'il nous aurait fait paraître, ainsi qu'il est plus au long porté dans notre acte séparé.

Le lundi 6 mars, audit an, sur les sept heures du matin, nous nous serions transporté audit monastère dans lequel nous serions entré revêtu et accompagné comme dessus, et de plus de messire Barthélemi de Rémond, prêtre, confesseur de ladite abbaye, approuvé de nous, et de F. Basile, aussi prêtre, religieux de l'ordre de Saint-Dominique, aussi pareillement par nous approuvé, et aurions fait sonner le timbre pour assembler les religieuses au chapitre. Où étant toutes les religieuses soumises et lesdits confesseurs présents, aurions fait faire lecture et publication par notre secrétaire susdit, de nos règlements et ordonnances de visite, dont la teneur s'ensuit.

 

ORDONNANCE DE VISITE.

 

Nous, Evêque de Meaux , après avoir ouï dans notre présente

 

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visite celles des religieuses de Jouarre qui se sont soumises selon leur devoir et les saints canons à notre obéissance, lesquelles se sont trouvées composer la plus grande et la meilleure partie des religieuses dudit monastère, avons ordonné et ordonnons, statué et statuons ce qui s'ensuit :

 

I.

 

Que lesdites religieuses demeureront dans l'obéissance qu'elles nous doivent et qu'elles nous ont rendue, se souvenant de la parole de Notre-Seigneur que «celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière, n'est pas propre au royaume de Dieu (1) ; » et de celle de saint Pierre, « qu'il vaudrait mieux n'avoir pas connu la voie de la justice , qu'après l'avoir connue, se retirer de nouveau du saint commandement qui leur a été donné (2). »

 

II.

 

Qu'elles se comporteront avec charité envers leurs sœurs qui sont encore désobéissantes, leur remontrant les vérités que nous avons représentées et les décrets des conciles œcuméniques et des papes, en vertu desquelles nous agissons en toute douceur, patience et humilité : leur donnant aussi, comme elles font, l'exemple de régularité et observance.

 

III.

 

Nous déclarons aux prieure, religieuses, couvent et monastère de Jouarre, comme nous avons déjà fait plusieurs fois et par toutes les manières les plus authentiques, que nous avons défendu et défendons sous peine d'interdiction encourue ipso facto, à tous prêtres séculiers et réguliers, de confesser lesdites prieure et religieuses sans notre permission spéciale et par écrit : laquelle nous accorderons à celles desdites prieure et religieuses qui nous l'ont demandée et nous ont reconnu pour supérieur ou le feront à l'avenir, dont nous donnerons les noms aux confesseurs; jugeant et déclarant les autres qui refusent de nous obéir incapables de recevoir les sacrements, et révoquant tout pouvoir contraire à la

 

1 Luc., IX, 62. — 2 II Petr., II, 21.

 

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présente défense, à ce qu'elles n'en ignorent et ne s'exposent à faire des confessions nulles et sacrilèges.

 

IV.

 

Nous leur déclarons pareillement que nous laissons en ce lieu jusqu'à notre prochain retour, notre très-cher en Notre-Seigneur, Mre Jean Phelipeaux, prêtre docteur de Sorbonne, chanoine et trésorier de notre église cathédrale, avec tout pouvoir de nous de donner les permissions et approbations nécessaires par écrit, pour confesser celles qui auront recours à nous, et nous reconnaîtront pour supérieur, et non les autres, quelque titre et office qu'elles aient dans la maison, même celui de prieure.

 

V.

 

Bien que la mère de la Croix, première prieure, soit des plus coupables envers nous et envers l'obéissance, puisque dûment avertie de nos intentions par messire Hugues Janon, prêtre, que nous avons envoyé avant la visite, et par nous-même dès le moment de notre arrivée, elle nous a néanmoins obligé depuis d'implorer jusqu'à deux fois le bras séculier pour nous faire ouvrir le monastère, sans vouloir se présenter devant nous nonobstant tous les commande mens que nous lui en faisions par tous les moyens possibles, ni permettre à celles qui lui adhéraient de s'y présenter, pendant qu'à l'exemple du bon Pasteur nous les cherchions de tous côtés avec un esprit de douceur et de charité : nous ordonnons néanmoins qu'on lui rendra l'obéissance requise, tant que nous trouverons à propos de la tolérer dans sa charge, non toutefois dans les choses qui seraient contraires aux ordres par nous donnés verbalement ou par écrit.

 

VI.

 

Et d'autant qu'il se pourrait faire que ladite première prieure refuserait à ses sœurs les permissions nécessaires en certains cas, nous les renvoyons en cas de refus aux autres prieures, officières et anciennes successivement, auxquelles nous donnons à cet effet tous les pouvoirs nécessaires.

 

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VII.

 

D'autant aussi qu'il est nécessaire que toutes les religieuses dudit monastère aient une libre communication avec nous de vive voix ou par lettres, et pareillement avec ledit sieur Phelipeaux et autres par nous commis, sans quoi tout le monastère tomberoit dans des troubles et inconvéniens trop à craindre pour n'être pas prévus avec toute la sévérité des canons, nous défendons à ladite mère de la Croix, première prieure, aux autres prieures, portières, tourières et autres officières et non officières, d'empêcher directement ou indirectement ladite communication, sous peine d'excommunication encourue par le fait même, et nonobstant toutes défenses à ce contraires, que nous déclarons nulles et attentatoires.

 

VIII.

 

Leur défendons pareillement, sous la même peine, d'empêcher celles qui voudront se soumettre à nous de nous en donner les marques qu'elles trouveront à propos.

 

IX.

 

Admonestons ladite mère de la Croix, première prieure, et celles qui lui adhèrent, de nous rendre une prompte obéissance, à peine d'être incessamment procédé contre elles par toutes censures ecclésiastiques.

 

X.

 

Nous nous réservons à statuer pour le surplus sur ce qui sera nécessaire au bon ordre du monastère, tant au spirituel qu'au temporel, lorsque nous en aurons pris une connaissance plus particulière. Ordonnons que la présente sera affichée à la porte du chœur des religieuses, à ce que personne n'en ignore, et qu'elle sera exécutée comme en matière de discipline et correction de mœurs, nonobstant toutes oppositions et appellations quelconques, et sans préjudice d'icelles. Ce fut fait, ordonné et statué en la clôture de la visite, les religieuses ci-dessus capitulairement assemblées au son du timbre dans ce chapitre. Lu et publié en icelui en présence de Mre Barthélemi de Rémond, prêtre,

 

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confesseur de ladite abbaye, et F. Basile, religieux de l'ordre de Saint-Dominique, aussi prêtre par nous approuvé, pour être exécuté en ce qui les touche, à peine d'interdiction encourue ipso facto. Et en fut laissé copie signée de nous, et une autre affichée comme ci-dessus est ordonné, ce jourd'hui sixième jour de mars mil six cent quatre-vingt-dix, avant midi.

Après quoi nous retirant dudit monastère, aurions fait donner copie des noms desdites religieuses et sœurs converses soumises auxdits confesseurs, à ce qu'ils n'ignorassent de celles qu'ils avaient pouvoir de confesser ; et serions sorti accompagné de nos ecclésiastiques et officiers revêtus comme dessus, ensemble desdits confesseurs. Et à l'instant nous étant transporté à l'église dudit monastère, y aurions célébré la sainte messe avec les cérémonies accoutumées, et nous serions retiré à la maison presbytérale; où étant, nous aurions fait et dressé l'ordonnance dont la teneur ensuit :

 

Nous, Evêque de Meaux, ouï et ce requérant notre promoteur, avons ordonné et ordonnons que la dame abbesse de Jouarre, ensemble les sœurs de Baradat et de Gauderon, religieuses absentes de leur monastère, y retourneront incessamment, à moins de nous apporter une excuse et empêchement canonique, et prendre notre congé sur ce nécessaire, huit jours après la signification de la présente, sur toutes les peines de droit. Donné à Jouarre dans le cours de notre visite, le sixième mars mil six cent quatre-vingt-dix. Signé Jacques-Bénigne , évêque de Meaux : Et plus bas, Par monseigneur, Royer.

 

Et l'après-midi dudit jour, accompagné de nosdits ecclésiastiques et officiers, et suivi des gens de notre suite, serions parti pour retourner à Meaux, après avoir laissé audit Jouarre ledit Mre Jean Phelipeaux, docteur de Sorbonne, chanoine et trésorier en l'église de Meaux, pour régler les affaires dudit monastère en notre absence. Et sur le soir serions heureusement arrivé audit Meaux, et descendu en notre palais épiscopal.

Le jour du Vendredi saint 24 mars audit an, ladite mère de

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la Croix, prieure, et avec elle six autres religieuses, auraient humblement déclaré audit sieur Phelipeaux, qu'elles nous reconnaissaient pour leur évêque et légitime supérieur, et promettaient de nous rendre une obéissance sincère conformément aux saints canons et notamment aux décrets des saints conciles de Vienne et de Trente ; ce qui aurait obligé ledit sieur Phelipeaux à donner permission auxdits confesseurs de les recevoir, comme aussi toutes les sœurs converses, lesquelles l'auraient fait assurer de leur obéissance par ladite mère prieure et par les autres officières préposées à leur conduite.

Et le samedi de Quasimodo, premier avril audit an, tout le reste des religieuses dudit monastère auraient fait pareille déclaration, et auraient été reçues de même manière à la participation des saints sacrements.

 

 

FIN DU CINQUIÈME VOLUME.

 

 

 

 

 

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