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XIXe SEMAINE. COMMENCEMENT DES PERSÉCUTIONS DE L'ENFANT JÉSUS.
PREMIÈRE ÉLÉVATION. Sur l'ordre des évènements.
IIe ÉLÉVATION. Premier avertissement de l'ange à saint Joseph et la fuite en
Egypte.
IIIe ÉLÉVATION. Saint Joseph et ta sainte Vierge devaient avoir part aux
persécutions de Jésus-Christ.
IVe ÉLÉVATION. Le massacre des Innocents.
Ve ÉLÉVATION. L'enfant revient de l'Egypte : il est appelé Nazaréen.
VIe ÉLÉVATION. L'enfant Jésus, la terreur des rois.
« Après qu'ils eurent accompli
tout ce que la loi ordonnait, ils retournèrent en Galilée dans la ville de
Nazareth (1). » Ce passage de saint Luc insinue que la sainte Vierge et saint
Joseph demeurèrent avec l'enfant à Bethléem ou aux environs et proche de
Jérusalem, jusqu'à ce qu'ils eurent accompli tout ce qui se de-voit faire dans
le temple. Il y avait vingt ou vingt-cinq lieues de là à Nazareth, d'où ils
étaient venus , et où était leur demeure : et il était naturel, pour éviter ce
voyage, de demeurer dans le voisinage du temple.
Saint Luc qui nous a si bien
marqué la retraite dans Nazareth après l'accomplissement des saintes cérémonies,
ne dit pas ce qui s'est passé entre deux, que saint Matthieu avait déjà raconté
(2). » Cet évangéliste, après l'adoration des mages , soit qu'elle eût été faite
à Bethléem ou aux environs, marque leur retour par un autre chemin ,
l'avertissement de l'ange à Joseph, la retraite en Egypte, la fureur d'Hérode et
le massacre des Innocents; un second avertissement de l'ange après la mort
d'Hérode, qui bien constamment suivit de près la naissance de Notre-Seigneur et
enfin un troisième avertissement du Ciel pour s'établir à Nazareth. Voilà tout
ce qui précède, selon saint Matthieu, l'établissement de la sainte famille dans
ce lieu.
Ce temps, comme on voit, fut
fort court : la sainte famille était cachée ; et Hérode attendait des nouvelles
certaines de l'enfant par
1 Luc., II, 39. — 2 Matth., II, 12, 13 et
seq.
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les mages qu'il croyait avoir bien finement engagés à lui
en découvrir la demeure (1). » Il était naturel qu'il les attendit durant
quelques jours ; et pour ne point manquer sou coup, sa politique, quoique si
précautionnée, se laissa un peu amuser. Durant ce peu de jours, il fut aisé à
Joseph et Marie de porter l'enfant au temple sans se découvrir. Les merveilles
qui s'y passèrent pouvaient réveiller les jalousies d'Hérode : mais aussi
furent-elles promptement suivies de la retraite en Egypte. Les politiques du
monde seront éternellement le jouet de leurs propres précautions que Dieu tourne
comme il lui plaît ; et il faut que tout ce qu'il veut s'accomplisse, sans que
les hommes puissent l'empêcher, puisqu'il t'ait servir leurs finesses à ses
desseins.
Les mages s'étant retirés, Dieu
qui voyait dans le cœur d'Hérode ses cruelles dispositions et le temps des
grands mouvements qu'elles devaient exciter, les prévint par le message du saint
ange qui vint dire à Joseph durant le sommeil : « Levez-vous : prenez l'enfant
et sa mère, et fuyez en Egypte; car Hérode va chercher l'enfant pour le perdre
(2). » N'y avait-il pas d'antre moyen de le sauver qu'une fuite si précipitée?
Qui Le peut dire sans impiété? Mais Dieu ne veut pas tout faire par miracle; et
il est de sa providence de suivre souvent Le cours ordinaire qui est de lui,
comme les voies extraordinaires. « Le Fila de Dieu est venu en infirmité (3). »
Pour se conformer à cet état, il s'assujettit volontairement aux rencontres
communes de la vie humaine; et par la même dispensation qui a fait que durant le
temps de son ministère il s'est retiré, il s'est cache pour prévenir les
secrètes entreprises de ses ennemis, il a été aussi obligé de chercher un asile
dans l'Egypte.
Il y avait même un secret du
Ciel dans cette retraite; et il fallait accomplir la prophétie d'Osée, qui
disait : « J'ai appelé mon Fils de l'Egypte (4). »
1 Matth., II, s. — 2 Matth.,
II, 13.— 3 Hebr., V, 2.— 4 Osée, XI, 1; Matth., II,
15.
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Il est vrai que cet endroit du
prophète, selon l'écorce de la lettre, avait rapport à la sortie d'Egypte du
peuple d'Israël : mais le Saint-Esprit nous apprend qu'il avait été de son
dessein que, pour exprimer cette délivrance, le prophète se soit servi d'une
expression qui convient si expressément au Fils de Dieu , puisqu'il lui a dicté
ces mots : « Israël est un enfant, et je l'ai aimé, et j'ai appelé mon Fils de
l'Egypte. »
Allons à la source : Israël et
toute sa famille était la figure du Fils de Dieu. L'Egypte durant la famine
devait lui servir de refuge : après, elle en devait être la persécutrice : et
Dieu la devait tirer de ce lieu de captivité pour la transporter dans la terre
promise à ses pères, en laquelle seule elle devait trouver du repos. Tout cela
leur arrivait en figure. La terre d'Egypte qui devait être durant un temps le
refuge du peuple d'Israël, devait aussi servir de refuge à Jésus-Christ; et Dieu
l'en devait retirer en son temps. C'est donc ici une de ces prophéties qui ont
double sens : il y en a assez d'autres qui ne sont propres qu'à Jésus-Christ :
ici pour unir ensemble la figure et la vérité, le Saint-Esprit a choisi un terme
qui convînt à l'un et à l'autre et, à regarder les termes précis, plus encore à
Jésus-Christ qu'au peuple d'Israël.
Allez donc en Egypte , divin
enfant : heureuse terre qui vous doit servir de refuge contre la persécution
d'Hérode, elle sentira un jour l'effet de votre présence. Dès à présent, à votre
arrivée, les idoles sont ébranlées, et les démons qu'on y sert tremblent.
Viendra le temps qu'elle sera convertie avec toute la gentilité. Jésus qui doit
naître en Judée, sortira de cette terre pour se tourner vers la gentilité. Paul
dira : « Puisque vous ne voulez pas nous écouter, et que vous vous jugez
indignes de la vie, nous nous tournons vers les gentils1. » Allez donc vous
réfugier en Egypte, pendant que vous êtes persécuté en Judée : et découvrez-nous
par votre Evangile le sens caché des anciennes prophéties, afin de nous
accoutumer à le trouver partout, et à regarder toute la loi et la prophétie
comme pleine de vous, et toujours prête, pour ainsi parler, à vous enfanter.
1 Act., XIII, 46.
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Voici encore un mystère plus
excellent. Partout où entre Jésus, il y entre avec ses croix et toutes les
contradictions qui doivent l'accompagner. « Levez-vous, » lui dit l'ange ; «
hâtez-vous de prendre l'enfant et sa mère , et fuyez en Egypte (1). » Pesez
toutes ces paroles , vous verrez que toutes inspirent de la frayeur. «
Levez-vous, » ne tardez pas un moment : il ne lui dit pas : Allez, mais, «
fuyez. » L'ange paraît lui-même alarmé du péril de l'enfant : « et il semble,
disait un ancien Père, que la terreur ait saisi le ciel avant que de se répandre
sur la terre : » Ut videatur terror cœlum priùs tenuisse quàm terram (2).
Pourquoi? si ce n'est pour mettre à l'épreuve l'amour et la fidélité de Joseph,
qui ne pouvait pas n'être pas ému d'une manière fort vive, en voyant le péril
d'une épouse si chère et d'un si cher fils.
Etrange état d'un pauvre
artisan, qui se voit banni tout à coup : et pourquoi? Parce qu'il est chargé de
Jésus, et qu'il l'a en sa compagnie. Avant qu'il fût né à sa sainte épouse, ils
vivaient pauvrement, mais tranquillement dans leur ménage, gagnant doucement
leur vie par le travail de leurs mains; mais aussitôt que Jésus leur est donné,
il n'y a point de repos pour eux. Cependant Joseph demeure soumis et ne se
plaint pas de cet enfant incommode, qui ne leur apporte que persécution : il
part : il va en Egypte où il n'a aucune habitude, sans savoir quand il reviendra
à sa patrie, à sa boutique et à sa pauvre maison. L'on n'a pas Jésus pour rien :
il faut prendre part à ses croix. Pères et mères chrétiens, apprenez que vos
enfants vous seront des croix : n'épargnez pas les soins nécessaires,
non-seulement pour leur conserver la vie, mais ce qui est leur véritable
conservation, pour les élever dans la vertu. Préparez-vous aux croix que Dieu
vous prépare dans ces gages de votre amour mutuel ; et après les avoir offerts
1 Matth., II, 13. — 2 Chrysol.
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à Dieu comme Joseph et Marie, attendez-vous comme eux à en
recevoir, quoique peut-être d'une autre manière, plus de peines que de douceur.
L'affaire pressait : les
cruelles jalousies d'Hérode allaient produire d'étranges effets. Après avoir
attendu durant plusieurs jours le retour des mages, « voyant qu'ils s'étaient
moqués de lui, il entra dans une extrême colère (1). » Voilà ce que les
politiques ne peuvent souffrir, qu'on ait éludé leurs habiles prévoyances, qu'on
se moque d'eux en les rendant inutiles, et qu'on ait pu les tromper. « Il entra
donc eu fureur, et fit tuer tous les enfants à Bethléem et aux environs, depuis
deux ans et au-dessous , suivant le temps » de l'apparition de l'étoile, « dont
il s'était soigneusement enquis (2). » Soit que les mages vinssent d'un pays si
reculé dans l'Orient, qu'il leur fallût deux ans ou environ pour arriver au
temps marqué qui était celui de la naissance de Jésus-Christ; que Dieu pour les
préparer ait fait paraître son étoile longtemps auparavant sa naissance, pour
s'ébranler vers la Judée et vers Bethléem, environ le temps qu'ils y devaient
arriver ; soit enfin que la cruelle jalousie d'Hérode se soit étendue dans le
massacre de ces innocents, au delà de l'âge du Sauveur, de crainte de le
manquer, et lui en ait fait tuer plus qu'il ne fallait. Un auteur païen, d'une
assez exacte critique (3), raconte que, parmi les enfants de deux ans et
au-dessous qu'Hérode fit mourir, il s'y trouva un de ses enfants. S'il est
ainsi, on voit par là que par un juste jugement de Dieu les jalousies d'état qui
tyrannisent les politiques , les arment contre eux-mêmes et contre leur propre
sang ; et que la cruauté qui leur fait tourmenter les autres, commence par eux.
Quoi qu'il en soit, deux choses sont assurées : l'une que le miracle de
l'apparition de l'étoile servit de règle à Hérode pour étendre son massacre ;
l'autre, que celui qu'il cherchait fut le seul apparemment qui lui échappa.
1 Matth., II, 16. — 2 Ibid.
— 3 Macrob., Sat., lib. II, cap. 4.
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Seigneur, quels sont vos
desseins ? Votre étoile apparoissait-elle pour guider Hérode dans sa cruauté,
comme les mages dans leur pieux voyage? A Dieu ne plaise ! Dieu permet aux
hommes d'abuser de ses merveilles dans l'exécution de leurs mauvais desseins ,
et il sait bien récompenser ceux qui sont persécutés à cette occasion. Témoins
ces saints Innocents, qu'il a su mettre extraordinairement dans le rang et dans
les honneurs des martyrs et dans le ciel et dans son Eglise.
« Alors donc fut accompli ce qui
avait été dit par le prophète Jérémie : Des cris lamentables furent entendus à
Rama, » dans le voisinage de Bethléem : « des pleurs et des hurlements de
Rachel, qui pleurait ses enfants, et ne voulait point se consoler de les avoir
perdus (1). » Il attribue à Rachel les lamentations des mères d'autour de
Bethléem, où elle était enterrée. Les gémissements de ces mères célèbres par
toute la contrée, ont mérité d'être prédits; et la mémoire en durait encore au
commencement de l'Eglise, lorsque saint Matthieu publia son Evangile.
Où sont ici ceux qui voudraient,
pour assurer leur foi, que les histoires profanes de ce temps eussent fait
mention de cette cruauté d'Hérode ainsi que des autres, comme si notre foi
devait dépendre de ce que la négligence ou la politique affectée des historiens
du monde leur fait dire ou taire dans leurs histoires? Lais-sons-là ces faibles
pensées. Quand il n'y aurait ici que les vues humaines, elles eussent suffi à
L'évangéliste pour l'avoir empêché de décrier son saint Evangile , en y écrivant
un fait si public qui n'eût pas été constant. Encore un coup, laissons là ces
folles pensées. Tournons nos voix et nos cœurs aux saints Innocents. Enfans
bienheureux, dont la vie a été immolée à conserver celle de votre Sauveur, si
vos mères avaient connu ce mystère , au lieu de cris et de pleurs on n'aurait
entendu «pie bénédictions et que louanges. Nous donc à qui il est révélé,
suivons de nos cris de joie cette bienheureuse troupe jusque dans le sein
d'Abraham: allons la bénir, la glorifier, la célébrer jusque dans le ciel :
saluons avec toute l'Eglise ces premières fleurs, et écoutons la voix innocente
de ces bienheureuses prémices des martyrs : pendant que nous
1 Matth., II, 17, 18 ; Jerem., XXXI, 15.
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les voyons comme se jouant de leurs palmes et de leurs
couronnes, joignons-nous à cette troupe innocente par notre simplicité et
l'innocence de notre vie ; et soyons en malice de vrais enfanst, pour honorer la
sainte enfance de Jésus-Christ.
Hérode ne survécut guère aux
enfants qu'il faisait tuer pour assurer sa vie et sa couronne. « L'ange apparut
à Joseph encore en songe, et lui dit : Levez-vous et retournez dans la terre
d'Israël, parce que ceux qui cherchaient la vie de l'enfant sont morts. Il part
; » et comme il pensait « à s'établir dans la Judée, il apprit qu'Archélaüs,
fils d'Hérode, y régnoit à la place de son père. Il fut averti en songe de
s'établir dans Nazareth, pour accomplir ce qui avait été prédit par les
prophètes : Il sera appelé Nazaréen (1), » c'est-à-dire saint. Le mot de
Nazaréen contenait un grand mystère, puisqu'il exprimait la sainteté du Sauveur.
On l'appelait ordinairement Jésus Nazaréen, comme il paraît par le titre de sa
croix (2). Saint Pierre l'appelle encore, dans sa prédication à Corneille, «
Jésus de Nazareth (3) : » pour nous montrer qu'il était du dessein de Dieu, que
le nom de Nazaréen, qui avait été donné à plusieurs en figure de Jésus-Christ,
lui fût appliqué en témoignage de sa sainteté : et c'est une de ces prophéties
que Dieu fait connaître par son Saint-Esprit aux évangélistes, pour marquer en
Jésus-Christ le Saint des saints. « Soyons saints, puisqu'il est saint (4) : »
soyons purs et séparés, puisqu'il est pur et séparé par sa naissance.
Qu'avaient à craindre les rois
de la terre de l'enfant Jésus? Ignoraient-ils qu'il était un roi dont « le
royaume n'est pas de ce
1 Matth., II, 19-23. — 2 Joan.,
XIX, 19. — 3 Act., X, 38. — 4 Levit., XI, 44.
333
monde (1) ? » Cependant Hérode le craint et le hait dès sa
naissance : cette haine est héréditaire dans sa maison, et on y regarde Jésus
comme l'ennemi de la famille royale. Ainsi s'est perpétuée de prince en prince
la haine de l'Eglise naissante : ainsi s'est élevée contre l'Eglise une double
persécution : la première sanglante comme celle d'Hérode; la seconde plus sourde
comme celle d'Archélaüs, mais qui la tient néanmoins dans l'oppression et dans
la crainte, et cette persécution, durant trois cents ans, ne s'est jamais
ralentie.
Est-il possible que Jésus fût né
et son Eglise établie pour donner de la jalousie et de la terreur aux rois?
C'est que Dieu a condamné ces puissances si redoutables aux hommes et en
elles-mêmes si faibles, pour «trembler où il n'y a rien à craindre (2).» Les
maisons royales n'ont rien à craindre de ce nouveau roi, qui ne vient point
changer l'ordre du monde et des empires. Ils craignent donc ce qu'ils ne doivent
pas craindre : mais en même temps ils ne craignent pas ce qu'ils doivent
craindre de Jésus, qui est qu'il les jugera selon sa rigueur dans la vie future
: c'est ce qu'Hérode, ni Archélaüs, ni les autres rois n'ont pas voulu craindre.
Tremblez donc, faibles puissances, pour votre vie, pour votre couronne, pour
votre maison : tremblez et persécutez ceux qui ne veulent à cet égard vous faire
aucun mal. Tremblez, fier et cruel Hérode : pour conserver une vie qui s'écoule,
immolez les Innocents. Pour affermir le sceptre dans votre maison qu'on verra
bientôt périr, munissez-vous contre le Sauveur : tenez ce divin enfant et toute
sa sainte famille dans l'oppression. Hélas! que vous êtes faible, et que vous
trouvez dans d'imaginaires terreurs un véritable supplice !
Et vous, Jésus, revenez d'Egypte
dans la Judée : vous y naîtrez : vous en sortirez pour aller recueillir comme en
Egypte la gentilité dispersée : à la fin vous reviendrez en Judée, pour y
rappeler à votre Evangile les restes bénis des Juifs à la fin des siècles (2).
1 Joan., XVIII, 36.— 2 Psal.
XIII, 5. — 3 Isa., X, 22; XI, 11; Rom.,
IX, 27; XI, 5.
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