Elév. Semaine XXI
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XXIe  SEMAINE.
LA   PRÉDICATION   DE  SAINT  JEAN-BAPTISTE.

 

XXIe  SEMAINE.  LA   PRÉDICATION   DE  SAINT  JEAN-BAPTISTE.

PREMIÈRE ÉLÉVATION.  La parole de Dieu lui est adressée.

IIe ÉLÉVATION.  La prophétie d'isaïe sur saint Jean-Baptiste, et comment il prépara la voie du Seigneur.

IIIe ÉLÉVATION.  Première préparation par les terreurs de la pénitence.

IVe ÉLÉVATION.  La consolation suit les terreurs.

Ve ÉLÉVATION.  Le baptême de Jean et celui de Jésus-Christ.

VIe ÉLÉVATION.  Quelle est la perfection de la pénitence.

VIIe ÉLÉVATION.  Seconde préparation des voies du Seigneur, en montrant au monde Jésus-Christ.

VIIIe ÉLÉVATION.  Première manière de manifester Jésus-Christ, avant que de l'avoir vu.

 

 

PREMIÈRE ÉLÉVATION.
La parole de Dieu lui est adressée.

 

Verrons-nous donc bientôt paraître Jésus? Nous le cachera-t-on encore longtemps ? Qu'il vienne : qu'il illumine le monde. Non : vous n'êtes pas encore assez préparé : sa lumière vous éblouirait : il faut voir auparavant saint Jean-Baptiste.

« L'an quinze de l'empire de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode étant tétrarque de la Galilée, Philippe son frère l'étant de l'Iturée et du pays des Trachonites, et Lysanias de la contrée d'Abilas, sous le pontificat d'Anne et de Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean fils de Zacharie dans le désert (1). » Elle lui est adressée comme aux anciens prophètes : l'esprit de prophétie se renouvelle et se fait entendre parmi les Juifs après cinq cents ans de silence, et les dates sont bien marquées selon le style de l'Ecriture.

Il n'était pas nécessaire que Jean fit des miracles pour autoriser sa mission et sa prophétie. Les autres prophètes n'en avaient pas toujours fuit. La conformité avec l'Ecriture et la convenance des choses justifiaient leur envoi. La vie de saint Jean était un prodige perpétuel : il était né sacrificateur, et sa mission tenait de l'ordinaire : on se souvenait des merveilles de sa conception et de sa naissance. Né comme Samson d'une mère stérile, comme lui il était nazaréen, c'est-à-dire consacré à Dieu dès qu'il vint au monde (2) : tout ce qui naissait de la vigne, ou qui peut enivrer lui était interdit : sa retraite dans le désert était miraculeuse , et son abstinence étonnante : en se nourrissant de sauterelles, il prenait une nourriture vile, désagréable et légère, mais expressément rangée parmi les viandes permises par Moïse dans le Lévitique,

 

1 Luc., III, 1, 2. — 2 Judic., XIII, 5.

 

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où « les animaux qui avaient de longues cuisses, comme tout le genre des sauterelles, quoiqu'ils marchassent à quatre pieds, étaient séparés des volatiles impurs (1), » qui n'avaient pas cette distinction. Ainsi il vivait en tout selon les règles de la loi : il prouvait son envoi par les prophètes précédents : et surtout la sainteté de sa vie, le zèle et la vérité qui régnoient dans ses discours , l'autorisaient parmi le peuple et le faisaient paraître un nouvel Elie.

C'était en effet sous cette figure qu'il avait été annoncé par le prophète Malachie (2) : et c'était un grand avantage au saint précurseur , non-seulement d'avoir eu un prophète qui le prédît si expressément, comme on a vu ; mais encore d'être figuré dans le prophète le plus zélé et le plus autorisé qui fût jamais, c'est-à-dire par Elie que son zèle fit transporter au ciel dans un chariot enflammé.

Isaie même l'avait annoncé comme celui « dont la voix préparait le chemin du Seigneur dans le désert (3). » Et quand on l'en vit sortir tout d'un coup, après y avoir passé toute sa vie dès son enfance, pour annoncer la pénitence dont il portait l'habit et dont il exerçait avec tant d'austérité toutes les pratiques , le peuple ne pouvait pas n'être point attentif à un si grand spectacle.

Allons donc écouter avec tous les Juifs ce nouveau prédicateur de la pénitence, si saint, si admirable et si renommé par toute la contrée.

 

IIe ÉLÉVATION.
La prophétie d'isaïe sur saint Jean-Baptiste, et comment il prépara la voie du Seigneur.

 

« Comme il est écrit dans le livre des paroles du prophète Isaïe : La voix de celui qui crie dans le désert : préparez les voies du Seigneur : rendez droits ses sentiers : aplanissez le chemin : tonte vallée sera comblée et toute montagne et toute colline abaissée et aplanie : et toute chair verra le salut qui vient de Dieu (4). »

 

1 Levit., XI, 21-23.—  2 Malach., III, 1. — 3 Isa., XL, 3 ; Marc, I, 2, 3 . — 4 Marc, I, 2, 3 ; Isa., XL, 3-5 ; Luc., III, 4, 5.

 

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Deux moyens de préparer les voies au Christ nous sont montrés dans cet oracle d'Isaïe : l'un, qu'il devait « prêcher devant lui à tout le peuple d'Israël le baptême de la pénitence (1) » pour préparer son avènement, ainsi que saint Paul le dit dans les Actes; et l'autre, qu'il devait « montrer au peuple ce Sauveur, » comme il est encore porté dans le même sermon de l'Apôtre.

Concevons donc ces deux caractères de saint Jean-Baptiste, et laissons-nous préparer par le grand précurseur à l'avènement du Sauveur des âmes.

 

IIIe ÉLÉVATION.
Première préparation par les terreurs de la pénitence.

 

La prédication de la pénitence a deux parties : l'une, de relever les consciences humiliées et abattues, c'est ce qu'Isaïe appelle « combler les vallées ; » l'autre, d'abattre les cœurs superbes, c'est ce que le même prophète appelle « abaisser les montagnes et aplanir les collines. » Saint Jean fait l'un et l'autre; et pour commencer par le dernier, il abat les superbes, en disant aux pharisiens et aux sadducéens : O Race de vipères, de qui apprendrez-vous à fuir la vengeance qui doit venir? Faites donc de dignes fruits de pénitence : car la cognée est déjà à la racine des arbres (2). » Il ne s'agit pas d'un ou de deux : c'est une vengeance publique et universelle : « Tout arbre qui ne porte point de bon fruit sera coupé et jeté au feu (3) » Toutes ces paroles sont autant de coups de tonnerre sur les cœurs rebelles. Et celles-ci où il parle de Jésus-Christ ne sont pas moins fortes : « Il a un van en sa main , et il purgera son aire, et il recueillera le bon grain dans son grenier, et il brûlera la paille d'un feu qui ne s'éteint pas (4). »

Tout cela est préparé par ces premières paroles : « Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche (5). » Le monde dans peu de temps verra paraître son juge : plus il apporte de miséricorde, plus ses jugements sont rigoureux. Abaissez-vous donc , orgueilleuses montagnes, qui semblez vouloir menacer le ciel,

 

1 Act., XIII, 24, 25. — 2 Matth., III, 7, 8.— 3 Ibid., 10.— 4 Ibid. 12. — 5 Ibid., 2.

 

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abaissez vos superbes têtes. « Ce n'est pas, dit saint Chrysostome, aux feuilles ni aux branches, mais à la racine que la cognée est attachée (1). » Il ne s'agit pas des biens du dehors, des honneurs et des richesses qu'on peut appeler les feuilles et les ornements de l'arbre, ni de la santé ou de la vie corporelle que l'on peut comparer aux branches qui font partie de nous-mêmes : c'est à la racine , c'est à l'âme qu'on va frapper : il y va du tout et le coup sera sans remède. Et ce ne sont pas seulement les plantes venimeuses et malfaisantes qu'on menace : c'est la paille, les serviteurs inutiles ; ce sont les arbres infructueux que le feu brûlera toujours sans les consumer ; et pour périr à jamais, il suffit de ne porter pas de fruit. Car c'est alors que vient la rigoureuse parole du sévère Père de famille, qui, visitant son jardin, prononce cette sentence contre le figuier stérile : « Car pourquoi occupe-t-il la terre ? Coupez-le et le mettez dans le feu (2). » Tremblez donc , pécheurs endurcis ; tremblez, âmes superbes et impénitentes : craignez cette inévitable cognée qui est déjà mise à la racine. Si le serviteur tonne ainsi, que fera le Maître quand il aura pris la parole ? « Si ceux qui ont transgressé la loi de Moïse sont inévitablement punis, quel traitement recevront ceux qui auront outragé le Fils de Dieu, méprisé sa parole et foulé son sang aux pieds (3)? » Où irons-nous donc, race de vipères, qui ne produisons que des fruits empoisonnés? Qui nous apprendra à éviter la colère du Tout-Puissant qui nous poursuit? Où nous cacherons-nous devant sa face? « Collines, couvrez-nous; montagnes, tombez sur nos têtes (4) »

 

IVe ÉLÉVATION.
La consolation suit les terreurs.

 

« Pour moi, je vous donne un baptême d'eau, afin que vous fassiez pénitence : mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de lui porter ses souliers. C'est lui

 

1 Chrysost., in Matth., hom. XI, n. 3. — 2 Luc., XIII, 7. — 3 Hebr., X, 28, 29. — 4 Luc., XXIII, 30.

 

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qui vous baptisera dans le Saint-Esprit et dans le feu (1). » Si saint Jean nous inspire tant de terreur; s'il nous brûle par la frayeur du feu éternel et de l'implacable colère de Dieu, un baptême lui est donné pour nous rafraîchir. Allons donc avec tout Jérusalem et avec toute la Judée, et avec tout le pays que le Jourdain arrose; allons écouter le prédicateur de la pénitence, et recevons son baptême pour nous y consacrer. Car ce n'est pas ici un de ces faibles prédicateurs qui prêchent la pénitence dans la mollesse : celui-ci la prêche dans le cilice, dans le jeûne, dans la retraite,«dans la prière. Mais allons, en confessant nos péchés non en général, ce que les plus superbes ne refusent pas ; humilions-nous et confessons chacun en particulier nos fautes cachées et commençant par celles qui nous humilient davantage. Prenons un confesseur comme Jean-Baptiste ; sévère, mais sans être outré. Car que dit-il aux pécheurs en général ? « Que celui qui a deux habits en donne à celui qui n'en a pas, et que celui qui a de quoi manger en use de même (2). » La colère de Dieu est pressante et redoutable : mais consolez-vous, puisque vous avez dans l'aumône un moyen de l'éviter. Partagez vos biens avec les pauvres : il ne vous dit pas de tout quitter ; c'est bien là un conseil pour quelques-uns, mais non pas un commandement pour tous. Il ne nous accable donc pas par d'excessives rigueurs. Et que dit-il aux publicains, ces gens de tout temps si odieux? les oblige-t-il à tout quitter ? Non, pourvu qu'ils « ne fassent rien au delà des ordres qu'ils ont reçus (3). » Car la puissance publique peut imposer des péages pour le soutien de l'Etat : il lui faut laisser arbitrer ce que demandent les besoins publics, et s'en tenir à L'exécution sans vexer le peuple. Il ne dit non plus aux gens de guerre : Quittez l'épée : renoncez à vos emplois; mais : « Ne laites point de concussion : contentez-vous de votre solde (4). » Le prince rendra compte à Dieu et des tributs qu'il impose et des guerres qu'il entreprend : mais ses ministres, qui sans inspirer de mauvais conseils, ne font qu'exécuter les ordres publias, sont à couvert aux yeux de Dieu par l'autorité de saint saint Jean. Jésus viendra donner les conseils de perfection: Jean s'attache aux préceptes: et sans

 

1 Matth., III, 11. — 2 Luc., III, 11. — 3 Ibid., 12, 13.— 4 Ibid., 14.

 

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prêcher aucun excès, il console tout le monde en ouvrant la porte du ciel aux emplois non-seulement les plus dangereux, mais encore les plus odieux, s'ils sont nécessaires, pourvu qu'on s'y renferme dans les règles.

 

Ve ÉLÉVATION.
Le baptême de Jean et celui de Jésus-Christ.

 

« Je vous baptise dans l'eau; mais celui qui vient après moi vous baptisera dans le Saint-Esprit et dans le feu (1). » Ce que Jésus-Christ explique lui-même à ses disciples, lorsqu'il leur dit en montant au ciel : « Jean vous a donné un baptême d'eau, mais dans peu de jours vous serez baptisés dans le Saint-Esprit (2). » Saint Paul explique le baptême de Jean par ces paroles : « Jean-Baptiste a baptisé le peuple du baptême de la pénitence, en l'avertissant de croire en celui qui devait venir après lui, c'est-à-dire en Jésus (3). » Voilà donc deux différences des deux baptêmes : celui de Jean préparait la voie à Jésus-Christ, en montrant que c'était en lui, et non pas en Jean qu'il fallait croire pour avoir la rémission des péchés ; et outre cela le baptême de Jean ne donnait ni le Saint-Esprit, ni la grâce, ni par elle le feu céleste de la charité qui consume tous les péchés, et cet effet était réservé au baptême de Jésus-Christ.

Quand saint Jean oppose l'eau de son baptême au feu de celui de Jésus-Christ, et quand Jésus-Christ explique lui-même que ce baptême de feu et du Saint-Esprit est celui dont les disciples furent inondés au jour de la Pentecôte, on entend bien qu'il ne faut pas croire que le baptême de Jésus-Christ ne soit pas comme celui de Jean un baptême; mais c'est que celui de Jean ne contenait qu'une eau simple, au lieu que l'eau que donnait Jésus était pleine du Saint-Esprit et d'un feu céleste, c'est-à-dire de ce même feu du Saint-Esprit dont le déluge s'épancha sur toute l'Eglise dans le cénacle. C'est ce feu qui anime encore aujourd'hui l'eau du baptême , et qui fait dire au Sauveur « qu'on n'a point de part à

 

1 Luc., III, 16; Matth., III, 11. — 2 Act., I, 5. — 3 Ibid., XIX  4.

 

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son royaume, si l'on ne renaît de l'eau et du Saint-Esprit  (1), » c'est-à-dire dans le langage mystique, si l'on ne renaît de l'eau et du feu. Voici donc la consolation : l'eau du baptême de Jésus-Christ n'est pas une eau vide et stérile : le Saint-Esprit l'anime et la rend féconde : an lavant le corps, elle enflamme le cœur : si vous ne sortez du baptême plein du feu céleste de l'amour de Dieu, ce n'est pas le baptême de Jésus-Christ que vous avez reçu. La pénitence chrétienne, qui n'est autre chose qu'un second baptême, doit être animée du même feu : « Celui à qui on remet davantage, doit aussi, » dit le Sauveur, « aimer davantage (2). » Quand vous n'avez que les larmes que la terreur fait répandre, ce n'est encore que l'eau et le baptême de Jean : quand vous commencez à aimer Dieu « comme l'auteur et la source de toute justice (3), » Jésus commence à vous baptiser intérieurement de son feu, et son sacrement achèvera l'ouvrage.

 

VIe ÉLÉVATION.
Quelle est la perfection de la pénitence.

 

« Les chemins tortus seront redressés, et les raboteux seront aplanis (4) : » ce sont les paroles d'Isaïe rapportées par saint Luc : c'est-à-dire qu'il faut que le cœur souffre la violence, si sa pénitence est sincère. Car on n'est pas sans violence sous la bêche et sous le boyau : il tant que le bois qu'on veut aplanir, gémisse longtemps sous le rabot : on ne réduit pas sans travail les passions qu'on veut abattre, les habitudes qu'on veut corriger : il vous l'a ni pour vous redresser, non-seulement une main ferme, mais encore rude d'abord : mais à mesure qu'elle avancera son ouvrage, son effort deviendra plus doux; et à la lin tout étant aplani, le rabot coulera connue de lui-même . et n'aura plus qu'à ôter de légères Inégalités, que vous-même vous serez ravi devoir disparaître, afin de demeurer tout uni sous la main de Dieu, et occuper la place qu'il vous donne dans son édifice. Les grands

 

1 Joan., III, 5. — 2 Luc., VII, 47.— 3 Conc. Trident, sess. VI, De Justif.,

cap. VI. — 4 Isa., XL, 4 ; Luc., III, 5.

 

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combats sont au commencement : la douce inspiration de la charité

vous aplanira toutes choses, et c'est alors, comme dit saint Luc,

que « vous verrez le salut donné de Dieu (1). » Avant que ce salut parût au monde, Isaïe avait prédit que la pénitence devait paraître dans toute sa sévérité, dans toute sa régularité , dans toute sa force. Avait-elle jamais mieux paru que dans la prédication de saint Jean-Baptiste, et la sévérité de la vie s'était-elle jamais mieux unie avec celle de la doctrine? Paraissez donc, il est temps, divin Sauveur : la voie vous est préparée par la prédication de la pénitence.

 

VIIe ÉLÉVATION.
Seconde préparation des voies du Seigneur, en montrant au monde Jésus-Christ.

 

Souvenons-nous que la préparation des voies a été mise en deux choses : dans la prédication de la pénitence, et dans la désignation de la personne de Jésus-Christ. Nous avons vu la première : passons à la seconde.

Saint Jean annonce aux Juifs plusieurs choses de Jésus-Christ : la première, qu'il allait venir; la seconde, qu'il était déjà au milieu d'eux sans être connu ; la troisième, qui il était et quelle était sa puissance.

Pour expliquer ce troisième point, il fallait que Jean commençât à se dépriser lui-même : « Je ne suis pas, disait-il, celui que vous croyez : il en vient un après moi, qui est plus puissant que moi et dont je ne suis pas digne de porter ni de délier les souliers (2). » Ce n'était pas assez de parler ainsi en général : il explique en quoi consistait cette prééminence de Jésus-Christ. Il la fait consister premièrement, dans son éternelle préexistence : « Celui, dit-il, qui est venu après moi, a été mis devant moi, a été fait mon supérieur (3), » parce qu'il était devant moi de toute éternité. Il était, et ce qu'il était ayant Jean de toute éternité, a été cause de l'avantage qu'il devait avoir sur lui dans le temps, et de ce qu'il

 

1 Luc., III, 6. — 2 Act., XIII, 25; Matth., III, 11; Marc., I, 7; Luc., III, 16; Joan., I, 27. — 3 Joan., I, 15, 24.                                           '        '    '   

 

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a été fait son supérieur. La prééminence de Jésus-Christ consiste en second lieu, dans sa plénitude : « Il est plein (1), » car tout est en lui et il est la source de la grâce : ainsi elle regorge de sa plénitude ; la grâce se multiplie en nous sans mesure : une grâce en attire une autre : la grâce de la prière attire celle de l'action : la grâce de la patience attire celle de la consolation : la grâce qui nous rend fidèles dans les moments, attire celle de la persévérance ; la grâce de cette vie attire celle de l'autre. « Moïse a donné la loi (2) » qui était stérile, et ne consistait qu'en figures ; propre à nous déclarer pécheurs, et non pas à nous justifier ; propre à nous montrer le chemin , mais non pas à nous y conduire ni à nous y faire entrer : « par Jésus-Christ est venue la grâce » qui nous fait agir , « et la vérité, » au lieu des ombres. Enfin le dernier trait de prééminence en Jésus-Christ, c'est qu'il est « le Fils et le Fils unique , et le Fils toujours dans le sein de son Père (3) : » ce qui fait que la connaissance de Dieu se va augmenter, puisque c'est celui qui est dans son sein qui nous en révélera le secret : « Jamais personne n'a vu Dieu : mais son Fils unique » va nous « découvrir le secret du sein paternel ; » en sorte « qu'en le voyant, nous verrons son Père (4). » Faut-il donc s'étonner, si Jean ne se reconnaît pas digne de lui délier ses souliers? Si Jésus-Christ n'était qu'une créature, Jean en aurait-il parlé ainsi ? Qui jamais a ainsi parlé , ou d'Elie un si grand prophète, ou de Salomon ou de David de si grands rois, ou de Moïse lui-même ? Aussi n'étaient-ils tous « que des serviteurs : mais Jésus-Christ est le Fils unique (5). » S'il est éternellement dans le sein du Père, il ne peut pas être d'une nature inférieure ou dégénérante : autrement il avilirait, pour ainsi parler, le sein où il demeure. Abaissons-nous donc à ses pieds : c'est le seul moyen de nous élever. Jean s'abaisse jusqu'à se juger indigne de déchausser son souverain : et Jésus pour le relever, viendra bientôt recevoir de lui le baptême : et cette main qui se juge indigne de toucher les pieds de Jésus, « est élevée, » dit saint Chrysostome, « au haut de sa tète, pour verser dessus l'eau baptismale (6). »

 

1 Joan., I, 14.— 2 Ibid., 17. — 3 Ibid., 18. — 4 Joan., XIV, 9. — 5 Hebr., III, 5, 6. — 6 Chrysost, hom. IX, alias hom.  III, in Matth., n. 5.

 

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VIIIe ÉLÉVATION.
Première manière de manifester Jésus-Christ, avant que de l'avoir vu.

 

Dieu avait déterminé à saint Jean-Baptiste deux temps où il devait faire connaître le Sauveur, dont le premier était avant que de l'avoir vu. Quelle merveille, un artisan encore dans la boutique et gagnant sa vie, était le sujet des prédications d'un prophète plus que prophète, et si révéré, qu'on le prenait pour le Christ (a) ! C'était de cet homme dans la boutique, que saint Jean disait : « Il y a un homme au milieu de vous que vous ne connaissez pas, et dont je ne suis pas digne de toucher les pieds (1). » Il est plus grand que Moïse : il donne la grâce quand Moïse ne donne que la loi : il est devant tous les siècles le Fils unique de Dieu et dans le sein de son Père : nous n'avons de grâce que par lui : cependant vous ne le connaissez pas, quoiqu'il soit au milieu de vous. Dans quelle attente de si hauts discours devaient-ils tenir le monde, et quelle préparation des voies du Seigneur! On s'accoutumait à entendre nommer le Fils unique de Dieu qui venait en annoncer les secrets : mais quoi ! c'était de ce charpentier qu'on partait ainsi. Qu'est-ce après cela que la gloire humaine? Qu'est-ce devant Dieu que la différence des conditions? Jean ne l'a voit jamais vu , et ne le connait peut-être que par l'impression qu'il en avait ressentie au sein de sa mère. Elle se continuait, et il éprouvait que le Fils de Dieu était au monde par les effets qu'il faisait sur lui. Aussi confessait-il que « nous recevons tous de sa plénitude (2), » et il sentait que c'était de là que lui venait à lui-même cette abondance de grâce. Mais il se prépare de plus grands mystères : Jésus va paraître au monde; et le premier qu'il va visiter, c'est Jean-Baptiste : et si ce saint précurseur l'a si bien fait connaître avant que de l'avoir vu, quelles merveilles nous paraîtront quand ils seront en présence ?

 

1 Joan., I, 26, 27. —  2 Ibid., 16.

(a) Var : Quelle merveille qu'un artisan encore dans la boutique et gagnant sa vie, fût le sujet...!

 

 

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