Conf. Ursul. Meaux
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CONFERENCE
AUX URSULINES  DE  MEAUX (b).

 

Quid hoc audio de te? Redde rationem villicationis tuœ.

 

« Qu'est-ce que j'entends dire de vous? Rendez compte de votre administration. » Ce sont les paroles de Jésus-Christ dans l'évangile de ce jour, en saint Luc, XVI, 2.

 

Je suis bien aise, mes Filles, de ne m'en aller pas sans vous dire adieu ; mais c'est un court adieu , puisque je ne m'éloigne que pour peu de temps, et j'espère même que je serai ici le dernier jour de ce mois. Il me semble que je ne pouvais mieux choisir que ces paroles pour le sujet de cette conférence, pour vous laisser quelque chose qui soit profitable et utile à votre salut, et qui s'imprime dans vos cœurs.

Ces paroles de l'Evangile s'entendent d'un seigneur qui ayant donné ses terres et confié son bien à un certain homme et ayant appris qu'il en faisait un mauvais usage, qu'il avait tout dissipé, le fait venir en sa présence, et lui dit ces paroles : « Qu'est-ce que j'entends dire de vous? » quel bruit est venu à mes oreilles? J'ai appris que vous avez dissipé mes biens et en avez fait un mauvais usage : venez, rendez compte de votre administration.

C'est ce que Jésus-Christ dit à chacun de nous en particulier,

 

(b) Encore aux Ursulines de Meaux, pendant la visite souvent mentionnée.

 

Et d'après le rapport d'une religieuse, comme le lecteur ne le verra que trop.

Dans le discours précédent, le tendre pasteur témoigne à ses ouailles le regret de n’avoir pu les visiter plus tôt ; il les prévient dans celui-ci qu'il ne veut pas s’éloigner sans leur dire adieu. Attention délicate! touchant empressement.

 

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et le premier sens de ces paroles peut être appliqué et entendu des pasteurs. Et il me semble que j'entends cette voix. Qu'entends-je, qu'entends-je de toi ? Rends compte, rends compte de ton administration. Où est cette charité pastorale? ouest ce zèle apostolique? où est cette sollicitude ecclésiastique? où est cette inquiétude spirituelle? où est cette charité chrétienne? où est ce soin de la perfection? Quand je fais réflexion à ces paroles, je vous avoue, mes Filles, que cette voix me fait trembler. Que puis-je répondre, sinon : Mon Dieu, ayez pitié de moi? Que puis-je faire, sinon attendre et demander la miséricorde de Dieu, et  m'abandonner à sa providence ?

Mais il ne faut pas que vous pensiez que ces paroles soient mises dans l'Evangile seulement pour les pasteurs de l'Eglise et pour les personnes supérieures ; elles s'adressent aussi à tous les chrétiens et à vous, mes Sœurs, tout particulièrement. Car «on demandera beaucoup à celui qui a reçu beaucoup (1), » et on demandera peu à celui qui a reçu peu. Jésus-Christ nous dit dans l'Evangile que celui qui avait cinq talents, on lui en demanda cinq autres; et celui qui n'en avait que deux, on ne lui en demanda que deux (2). C'est le Maître qui parle, il n'y a rien à dire : sa parole est expresse.

Qu'avez-vous reçu? Examinez un peu, mes Sœurs, les grâces que Dieu vous a faites, non-seulement comme au commun des chrétiens vous donnant la grâce du baptême et vous faisant enfants de Dieu ; mais encore la grâce de la vocation religieuse, grâce pour suivre les conseils évangéliques ; mais de plus vous donnant une abondance de lumières pour connaître les misères du monde, et les difficultés de s'y sauver. Envisagez un peu les occasions qu'il y a de se perdre dans le monde, les scandales, les médisances, les mauvais exemples, les sensualités, les dissensions ; et vous connaîtrez les grâces que Dieu vous a faites en vous faisant entrer dans la religion, où vous ferez votre salut avec plus de paix, de repos et avec moins d'inquiétude que dans le monde, n'ayant point de plus grande affaire que Tunique soin de votre salut. Prenez que je vienne aujourd'hui, non pas comme une personne

 

1 Luc., XII, 48. — 2 Matth., XXV, 20, 22.

 

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particulière, mais de la part de Dieu, qui m'envoie vous demander compte de l'administration de tous ses biens. Qu'entends-je de vous? Rendez compte de votre âme et de votre vocation. Qu'entends-je dire de vous? Quelles sont ces négligences? quelles affections humaines ! quel oubli de votre âme ! de votre âme, non pas parce qu'elle est votre âme, mais à cause qu'elle appartient à Jésus-Christ.

Eh quoi ! mes Sœurs, ne serait-ce pas une désolation universelle et comment pourrait-on vivre et subsister, si ayant semé de bon grain dans ses terres, on ne trouvait que de méchante ivraie? Je sais bien que la terre, pour produire ses fruits, a besoin de la rosée du ciel et des influences du soleil. Mais combien plus nos âmes ont-elles besoin de ces pluies de grâce , de ces rosées célestes, de ce soleil de justice qui nous donne la fécondité des bonnes œuvres! Il veut bien que nous nous servions des secours extérieurs, mais c'est lui qui donne l'accroissement.

Rendez compte d'un grand nombre de grâces que vous avez reçues. N'avais-je pas semé de bon grain dans cette terre? D'où vient donc que je ne trouve que des ronces et des épines ? Que font dans ce cœur ces affections humaines, cet oubli de Dieu et de sa perfection? Que fera-t-on de cette paille inutile, quand le Maître dira à ses serviteurs : « Que la paille soit séparée du bon grain ; jetez-la au feu, et que le blé soit mis dans mon grenier (1)? » Mes Sœurs, si vous êtes cette paille inutile et qui n'est propre à rien, vous serez jetées au feu de la damnation éternelle ; et le bon grain sera porté dans ces greniers non pas terrestres, mais dans ces tabernacles éternels.

Ah ! qu'il faudrait souvent nous demander ce compte à nous-mêmes, afin qu'il n'y ait rien à redire, s'il se peut, à ce dernier et redoutable compte qu'il faudra rendre , que personne ne pourra éluder! Et c'est pour ce sujet que je vous le demande aujourd'hui, afin d'éviter cet éternel et épouvantable jugement, auquel il faudra que cette âme paroisse immédiatement devant Dieu, toute nue et revêtue seulement des bonnes œuvres qu'elle aura faites et pratiquées en ce monde.

 

1 Matth., XIII, 30.

 

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Où est donc ce grand zèle de votre perfection, que vous devez avoir et qui doit animer toutes les actions et la conduite de votre vie? Combien devez-vous faire état de vos âmes, qui ont été rachetées d'un grand prix, comme est le sang de Jésus-Christ ? « Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique pour notre salut (1). » Et il ne s'est pas contenté, cet aimable Sauveur, de venir une fois à nous dans le mystère de l'incarnation ; il se donne encore tous les jours à nous par la sainte communion, dans le sacrement de son amour, pour embraser nos cœurs des plus pures flammes de sa charité et nous consommer en lui, comme il dit lui-même, « afin qu'ils soient tous en moi comme je suis dans mon Père (2). » C'est Jésus-Christ qui veut que nous ayons avec lui la même union qu'il a avec son Père : jugez quelle perfection cela demande de vous.

Commençons donc à examiner sur vos vœux, et les obligations que vous avez toutes de tendre à la perfection de votre vocation. Que chacune mette la main à la conscience, et qu'elle considère si elle a cet esprit de pauvreté exact et détaché de tout, et même du désir d'avoir et de posséder quelque chose.

La pauvreté ne consiste pas seulement à vous dépouiller de tous les biens et de toutes les commodités superflues et inutiles; mais encore du plus intime de l’âme, par un dépouillement entier de toutes les pensées, désirs et affections aux choses du monde. Ce ne serait pas avoir une véritable pauvreté, si l'on avait le moindre désir et attachement pour les choses de ce monde, et si l'on se portait d'inclination à ce qui est des biens de la terre. Car remarquez ce que dit saint Paul : « Une vierge ne doit s'occuper que du soin des choses du Seigneur, et de ce qui peut lui plaire (3). » Si vous avez donc un désir, je dis un simple désir des choses de la terre, vous n'avez point la véritable pauvreté , qui demande un dégagement entier des moindres attaches, puisqu'elle ne vous permet pas un simple retour vers les choses de la terre pour votre propre satisfaction ; mais il faut que toute affection étrangère soit anéantie en vous, pour que votre cœur soit tout rempli de l'amour de votre divin Epoux. Voilà une pensée bien profonde et une

 

1 Joan., III, 16. — 2 Ibid., XVII, 21. — 3 I Cor., VII, 32 et seq.

 

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grande perfection à laquelle vous devez tendre, et à quoi vous devez faire de sérieuses réflexions.

Vous ne devez pas ignorer ce que c'est que d'embrasser la perfection évangélique, de faire des vœux de pauvreté, de chasteté, d'obéissance , puisque vous vous êtes engagées volontairement. Donc par la pauvreté intérieure et extérieure que vous avez vouée, vous avez renoncé aux biens, aux honneurs et aux plaisirs. Ce n'est donc pas pratiquer la pauvreté que d'avoir quelque chose en propre, parce que cela serait contraire à la perfection de votre état, qui exige que vous soyez dégagées de tout.

Venons à la chasteté. La chasteté demande de vous une séparation entière de tout plaisir; c'est-à-dire, en un mot, ne pas donner la moindre satisfaction aux sens extérieurs, et renoncer absolument à tout ce qui peut satisfaire la nature et la concupiscence , et que vous soyez comme des anges par la pureté de vos pensées. Il faut avoir cette pureté de corps et d'esprit, pour ne pas souffrir la moindre affection sensible et humaine : il faut qu'il n'y ait rien entre Jésus-Christ et l’âme, entre l'Epoux et l'Epouse; il faut être pures comme les anges, afin de pouvoir être dignes d'être présentées devant le trône de Dieu.

Quelle doit être enfin, mes Filles, votre obéissance? Elle ne doit pas seulement être extérieure et pour quelque temps, mais toujours la même et perpétuelle, accompagnée des sentiments du cœur, de l'esprit et de la volonté. Car qu'est-ce qu'une obéissance extérieure et forcée? On dira : il  faut obéir seulement à l'extérieur : car si je me révolte et que je marque de l'empressement, on ne m'accordera pas ce que je demande, parce qu'on pourrait croire que je suis préoccupée de passion. Il faut avoir encore patience trois mois : on verra ce qu'il fera. On met ainsi des bornes, et on marque l'obéissance jusqu'à un certain temps. Est-ce là une obéissance ou plutôt, pour la bien nommer par son propre nom, n'est-ce pas une vraie désobéissance ?

Je demande de vous, mes Sœurs, une obéissance et soumission d'esprit parfaite. Il faut prendre ce glaive dont Jésus-Christ parle dans son Evangile (1), cette épée, ce couteau à deux tranchants qui

 

1 Matth., X, 34.

 

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divise le corps d'avec l'esprit; qui coupe, qui tranche, qui sépare, qui anéantisse la volonté, le jugement propre. Quand on veut ouvrir un corps, on se sert des rasoirs les plus fins et les plus délicats pour couper et séparer les muscles des nerfs, des tendons; on fouille partout dans les entrailles, jusqu'au cœur et aux veines les plus délicates ; on sépare et on divise tout, jusqu'aux moindres petites parties. Ainsi il faut prendre cette épée à deux tranchants, qui coupe de tous côtés, à droite et à gauche; qui sépare et divise, qui anéantisse et retranche tout ce qui est contraire à l'obéissance, jusqu'aux moindres fibres.

Ces paroles de l'Evangile sont considérables et méritent une grande attention , pour atteindre à la pratique de l'obéissance : « Que celui qui veut venir, après moi, se renonce soi-même (1). » Ah ! que ces paroles sont dures, je l'avoue, et qu'elles sont difficiles à embrasser! Ces paroles sont bientôt dites, et sont plus aisées à dire qu'à faire. Mais il faut que le sacrifice soit entier; il faut que l'holocauste soit parfait, qu'il soit jeté au feu, entièrement brûlé, détruit et consumé, pour être agréable à Dieu. Et comme il ne désire autre chose de vous, mes Filles, qu'une parfaite obéissance, travaillez-y donc; c'est le vrai moyen de parvenir à cette perfection à laquelle vous devez tendre incessamment. Tous les chrétiens y sont obligés : combien devez-vous plus vous y avancer, puisque vous avez beaucoup plus de moyens ? N'ayez donc que ce soin, de vous occuper sans cesse de votre perfection. Car j'ai plus de désir, de soin, et de sollicitude de votre propre perfection que vous n'en pouvez avoir vous-mêmes.

Je puis vous rendre ce témoignage, et me le rendre à moi-même comme étant sous les yeux de Dieu, que je vous porte toutes écrites dans mon cœur et empreintes dans mon esprit. Je n'ai pour vous que des entrailles de miséricorde : je comtois tous vos besoins, je sais toutes vos nécessités; et comme je vous ai dit plusieurs fois, j'ai tout entendu et n'ai pas oublié un seul mot ni une seule syllabe; rien n'est échappé à ma mémoire de tout ce que vous m'avez dit chacune en particulier. Ce n'est donc point pour m'exempter d'avoir cette sollicitude et cette sainte inquiétude

 

1 Matth., XVI, 24.

 

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que je ne me rends pas à ce que vous souhaitez; au contraire plus je verrai que vous aurez d'obéissance, plus je serai porté à prendre un grand soin de votre avancement. Donnez-moi donc cette consolation : que je dise que vous êtes mes véritables filles sous ma main, car je suis jaloux du salut de vos âmes.

Pourquoi croyez-vous, mes Filles, que je demande de vous une si grande perfection ? Est-ce pour moi ? m'en revient-il quelque chose? Point du tout : je recevrai seulement bonne édification de votre vertu et de votre obéissance. Mais croyez que c'est principalement pour vous, pour votre salut, et pour éviter ce jugement terrible et cette condamnation qui se fera d'une âme qui n'aura pas fait usage des moyens de perfection pour assurer son salut. Travaillez incessamment à l'acquérir, et demeurez toujours dans les bornes d'une parfaite soumission à tout ce que l'on souhaitera de vous. Et pour ce sujet il est à propos et convenable de vous faire connaître, comme par degrés, les principes qui doivent vous diriger, et de vous instruire de l'ordre et de la discipline de l'Eglise. Car je crois que vous êtes filles de l'Eglise ; et par conséquent vous êtes plus capables d'en concevoir les règles, qu'il ne faut pas que vous ignoriez.

Apprenez donc, mes Filles, aujourd'hui sa conduite, et qu'elle ne se porte pas facilement ni légèrement à changer les personnes qui servent par leur ministère à la conduite des âmes, et comme il y a une subordination dans les règles qu'elle observe.

Par exemple, les prêtres sont amovibles et les évêques sont perpétuels. Les prêtres dépendent et sont sous l'autorité des évêques, et ce sont les évêques qui les établissent dans les fonctions de leur ministère. Or quoique cela soit, on observe de ne les point ôter que pour des causes extraordinaires, et après avoir examiné leur conduite. Moi donc, à qui Dieu a commis le soin de ce diocèse et à qui, tout indigne que je suis, Dieu a mis cette charge sur les épaules, qui me fait gémir et soupirer à toutes les heures du jour par la pesanteur du poids qui m'accable, estimant mes épaules trop faibles pour le pouvoir porter ; moi qui me rends tous les jours, par mes péchés, digne des plus grands châtiments de la colère de Dieu,... Or je reviens, et je dis : Si Dieu eût permis

 

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que vous eussiez un méchant évêque, il faudrait bien que vous me souffrissiez tel que je serais, parce qu'étant votre pasteur, vous êtes obligées de m'obéir. Je le dis de même de ceux qui vous sont donnés par notre autorité pour la conduite de vos âmes, à qui vous devez vous assujettir comme à Dieu, puisqu'ils vous sont donnés et établis et approuvés de notre autorité.

Vous me direz et me répondrez peut-être que l'Eglise ne vous contraint et ne vous oblige pas à cela. Il est vrai, puisque, en quelque façon, vous ne dépendez que de l'évêque seul. Mais que serait-ce, mes Filles, si dans le corps humain tous les membres voulaient exercer les mêmes fonctions ? Il faut que chacun demeure à la place qui lui est convenable. Je dis le même, mes Sœurs, de la subordination qui doit être parmi vous. Si l'obéissance n'est point gardée en cette maison, ce ne sera que confusion et un continuel désordre, tout ira à la division et à la ruine totale de la perfection.

Savez-vous, mes Sœurs, d'où viennent les schismes et les hérésies dans l'Eglise? Par un commencement de division et de rébellion secrète. C'en est là un commencement que je trouve ici. Prenez-y garde; car j'ai reconnu, dès le commencement de la visite, que les unes veulent trop, les autres pas assez : cela marque trop d'empressement et d'attachement à ce qui est de l'homme. Ecoutez ce que dit saint Paul au peuple de Corinthe : « J'ai appris qu'il y a des partialités entre vous;... l'un dit : Je suis à Pierre; l'autre dit : Je suis à Paul, moi à Apollo, moi à Céphas, et moi à Jésus-Christ. Jésus-Christ est-il donc divisé ? Paul a-t-il été crucifié pour vous? Avez-vous été baptisés au nom de Paul (1)? » Mais saint Paul que répondit-il à ces gens-là? Leur dit-il : Laissez-moi faire, je dirai à Pierre qu'il se retire et qu'il ne vous parle plus ; Apollo, Céphas, ne vous en mêlez plus : ne vous mettez pas en peine; je m'éloignerai moi-même, et ferai en sorte que Jésus-Christ viendra en personne vous conduire et vous gouverner en ma place? Eh ! quel discours, mes Filles! Ne sommes-nous pas tous à Jésus-Christ, et Jésus-Christ n'est-il pas pour tous? Qu'est-ce que vous trouvez dans ce prêtre? J'ai examiné et approuvé

 

1 I Cor., I, 11-13.

 

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sa conduite : il est de bonnes mœurs, il a la charité, il est rempli de zèle, il a l'esprit et la capacité de son ministère.

Enfin on veut pousser à bout. Fera-t-on, ne fera-t-on pas? Ah! le voilà dit : qu'on ne m'en parle plus. Je vous déclare que je le veux et que je ne changerai point: je serai ferme, et ne me laisserai point ébranler par tout ce que vous me pourriez dire, jusqu'à ce que le Saint-Esprit me fasse connaître autre chose, et que je vous voie toutes dans une si parfaite obéissance sur ce sujet, qu'il ne reste pas la moindre répugnance ni résistance sur ce qui a été du passé. Je veux vous voir dans une parfaite soumission à mes ordres; à moins de cela n'attendez rien autre chose de moi. Abandonnez-vous donc à moi, mes chères Filles, pour le soin de votre perfection. Je sais mieux ce qui vous est utile que vous-mêmes : j'en fais mon principal, comme si je n'a vois que cela à penser.

Je vous conjure, mes Filles, de vous tenir en union les unes avec les autres, par ce lien de la charité qui unit tous les cœurs en Dieu. Que je n'entende plus parler de divisions , de partialités. Que l'on ne tienne plus ces discours : L'on parle plus à celle-ci, on ne parle point à cette autre ; on parle rudement à celle-ci, on parle doucement à celle-là, on ne me traite pas comme certaines. Eh ! les ministres de Dieu ne sont-ils pas à tous , et ne se font-ils pas tout à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ? Vous vous arrêtez trop à ce qui est humain et extérieur, sans considérer la grâce intérieure qui vous est conférée par le pouvoir du caractère, qui est dans ce ministre de Jésus-Christ. Ainsi vous recevez toujours l'effet du sacrement. Que ce soit de ce monsieur-ci ou de ce monsieur-là, que vous importe? Agissez surnaturellement et par des vues plus spirituelles et dégagées des sens.

Croyez-moi, mes Filles, mettez-vous dans ces dispositions, et vous expérimenterez une grande paix et tranquillité d'esprit. Qu'on ne voie plus entre vous d'ambition, d'envie, de jalousie. Qu'on n'entende plus parmi vous ces plaintes si peu religieuses : On élève cette personne, on la met dans cet office, et moi je n'y suis pas. Tous sont-ils propres à une même charge; et comme dit saint Paul, « tous sont-ils docteurs? tous sont-ils

 

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prophètes (1)? » tous sont-ils capables d'un même emploi? Mais la vertu est utile à tous, et tous sont obligés de se rendre capables de la pratiquer. C'est pourquoi dilatez, dilatez vos cœurs par la charité ; n'ayez point des cœurs rétrécis, resserrés et petits : allez à Dieu en esprit de confiance, courez à grands pas dans la voie de la perfection, afin que vous puissiez croître de vertu en vertu, jusqu'à ce que vous parveniez toutes à la consommation de la gloire, que je vous souhaite en vous bénissant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

 

Après que Monseigneur eut achevé sa conférence, il dit encore ce peu de mots, en s'adressant à notre Mère supérieure :

 

Ma Mère, je vous recommande cette communauté; soyez-leur toujours une bonne mère, comme vous leur avez été jusqu'à présent. Il faut que vous ouvriez vos entrailles et que vous élargissiez votre sein, pour les recevoir toutes et pourvoir à leurs besoins. De leur part, il faut aussi qu'elles se rendent obéissantes et soumises à ce que vous leur ordonnerez, sans vous faire peine.

 

1 I Cor., XII, 29.

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