Pensées Détachées
Précédente Accueil Remonter
Bibliothèque

Accueil
Remonter
I Vendredi Saint
II Vendredi Saint
III Vendredi Saint
IV Vendredi Saint
I Pâques Jour
II Pâques Jour
III Pâques Jour
IV Pâques Jour
Pâques Jour abrg
Quasimodo
Pâques IIIe Dim.
Pâques IIIe Dim. abr.
Pâques Ve Dim.
Ascension
Pentecôte I
Pentecôte II
Pentecôte III
Pentecôte abr.
Trinité
III Pentecôte
V Pentecôte
IX Pentecôte
XXI Pentecôte abr.
Sainte Croix I
Sainte Croix II
Précis Ste Croix
Exh. Nvles Catholiques
Vie Xtienne
Ursulines Meaux I
Ursulines Meaux II
Ord. Ursul. Meaux
Ursulines Meaux III
Ursulines Meaux IV
Conf. Ursul. Meaux
Instr. Ursul. Meaux
Profess. Ursuline
Disc. Visitandines
Disc. Union J-C / Epouse
Pensées Xtiennes
Pensées Détachées

 

PENSÉES DÉTACHÉES.

 

I.  Il y en a qui ne trouvent leur repos que dans une incurie de toutes choses, qui ne prennent rien à cœur, qui se donnent à ce qui est présent et n'ont du futur aucune inquiétude, non point parce qu'ils ne croient pas, mais parce qu'ils n'y songent pas. Ils ne nient pas, mais ils ne sont pas persuadés du siècle futur.

II.  Les hommes estiment faiblesse de ne s'attendre qu'à Dieu. Il y a un athéisme caché dans tous les cœurs, qui se répand dans toutes les actions. On compte Dieu pour rien; on croit que quand on a recours à Dieu, c'est que les choses sont désespérées et qu'il n'y a plus rien à faire.

III.  La curiosité nous porte à disputer des choses divines, et produit en nous l'empressement d'en parler; de là naît ensuite le mépris et l'indifférence : il semble qu'on s'intéresse pour la piété, et dans le fait on en détruit tout l'esprit. La curiosité veut aller toute seule; la foi accorde et tempère toutes choses.

IV.  Il y a des hypocrites qui ont dessein de tromper; il y a des hypocrites qui trompent et n'en ont pas précisément le dessein, mais qui agissent par bienséance et ne veulent point donner de scandale. Les premiers sont plus dangereux pour les autres, et les seconds pour eux-mêmes.

V. Il semble qu'il y ait des personnes que Dieu n'ait destinées que pour les autres, pour instruire, pour donner exemple. Ils ont une demi-piété, des sentiments imparfaits de dévotion, parce que cela règle du moins l'extérieur et est nécessaire pour cet effet : mais le sceau de la piété, c'est-à-dire les bonnes œuvres et la conversion du cœur ne s'y trouvent pas; ils ne s'abstiennent pas des péchés damnables.

VI.  Combien en voit-on qui se servent de la philosophie, non pour se détacher des biens de la fortune, mais pour plâtrer la douleur qu'ils ont de les perdre, et faire les dédaigneux de ce qu'ils ne peuvent avoir?

VII. Nisi venerit discessio primùm (1) : « Il ne viendra point que

 

1 II Thess., II, 3.

 

636

 

la révolte et l'apostasie ne soit arrivée auparavant. » Quel est ce mystère d'iniquité, cette apostasie des hommes quittant Jésus-Christ, en sorte qu'il ne trouve plus de vraie foi parmi eux? Non inveniet fidem (1). Ce mystère d'iniquité est fait pour éprouver ses élus et ses fidèles serviteurs, et il consiste dans la corruption des maximes de l'Evangile et l'établissement de l'antichristianisme.

VIII. Nonne et ethnici hoc faciunt (2)? « Les païens ne le font-ils pas aussi? » Il faut que notre justice passe celle des gentils, qu'elle passe même celle des pharisiens. Quand serons-nous chrétiens, nous qui ne sommes pas encore arrivés au premier degré, qui est celui de la philosophie et sagesse purement humaine?

IX. Les chrétiens doivent apprendre à profiter de tout, des biens et des maux de la vie, des vices et des vertus des autres, de leur persévérance et de leur chute, de leurs tentations, de leurs propres fautes et de leurs bonnes actions.

X. Utamur nostro in nostram utilitatem (3) : faire usage de Dieu pour aller à Dieu, c'est la vie chrétienne.

XI.  Fili, in vitâ tuâ tenta animam tuam; et si fuerit nequam, non des illi potestatem (4) : « Mon fils, éprouvez votre âme pendant votre vie; et si vous trouvez que quelque chose lui soit dangereux, ne la lui accordez pas. » La tentation dans les grandes charges, dans les grandes affaires, c'est qu'on les trouve si importantes qu'on y donne tout et que l'affaire du salut s'oublie.

XII.  Que vous vous faites de belles maisons ! que vous acquérez de belles terres! Pourquoi vous faites-vous de nouveaux liens? pourquoi aggravez-vous votre fardeau? Votre maison est bâtie, votre héritage est assuré, toutes vos acquisitions sont faites ; il n'y a plus qu'à se mettre en possession.

XIII.  En l'autre vie tout est infiniment plus vif qu'en celle-ci. Nous n'avons ici qu'une ombre de plaisir, et qu'une ombre de douleur. Nous ne saurions concevoir toutes les puissances du siècle futur, Virtutes sœculi venturi (5). La vertu, la force, la puissance , se montrent Là : tout ce qui est en cette vie n'est rien.

XIV.  On voit dans les hommes le désir de plaire, c'est le premier

 

1 Luc, XVIII, 8.— 2 Matth., V, 17. — 3 S. Bern., hom. III, super Missus, n. 14. — 4 Eccli., XXXVII, 80. — 5 Hebr., VI, 5.

 

637

 

péché par complaisance ; on y voit aussi le désir de contredire. Comment accorder de si grandes contradictions? C'est que nous voulons tout rapporter à nous, et ne pouvons souffrir ce qui s'oppose à nos désirs. De la première source vient la flatterie, de l'autre la plupart des désordres de la vie.

XV.  Le précepte n'empêche pas le péché, parce qu'il faut boucher la source qui est la convoitise ; au contraire le précepte irrite le désir, car l’âme fait effort quand on veut lui ôter ce qu'elle regarde comme son bien. Or quand on lui défend, on lui arrache déjà en quelque sorte ce qu'elle possède par l'amour, et elle accroît son effort pour le retenir.

XVI.  Peut-on mettre en comparaison ce que vous faites de bien avec ce que vous faites de mal? Pourquoi péchez-vous? parce que vous aimez le péché. Pourquoi priez-vous? parce que vous craignez : l'un donc par l'inclination, l'autre par une espèce de force.

XVII.  Il est important que l'esprit soit dompté : nous n'avons pas le courage de retrancher nous-mêmes notre volonté ; Dieu, comme souverain Médecin, le fait en plusieurs manières, et surtout par les contradictions qu'il nous envoie. Les véritables vertus se font remarquer durant les persécutions.

XVIII.  De peccato triumphum agere (1) : « Triompher du péché connue un conquérant, qui non content d'avoir vaincu, choisit un jour pour triompher : » mener ainsi ce péché, ce roi captif en triomphe par une pénitence publique et édifiante. Deux sortes de personnes ont besoin de conversion : les honnêtes païens qui n'ont que des vertus morales, et ceux qui ont commis de grands crimes.

XIX.  Les criminels doivent agir différemment envers un juge qu'ils ne feraient envers un père : envers un juge, on nie, on se défend, on s'excuse; envers un père, on confesse, on promet, on demande grâce: on ne défend pas le passé, on donne des assurances pour l'avenir. Un juge veut la punition, et un père l'amendement du criminel; c'est pourquoi il oublie le passé, pourvu qu'on stipule pour l'avenir.

XX.  Dieu veut que nous le servions avec ferveur ; c'est

 

1 S. Greg. Nazianz., Orat. XL, n. 26

 

638

 

pourquoi il fait naître en nous les passions qui font agir ardemment, comme l'émulation.

XXI. Il faut mener les hommes passionnés comme des enfants et des malades, par des espérances vaines.

XXII. Pour pratiquer la patience chrétienne, il faut souffrir les maux, souffrir le dégoût, souffrir le délai.

XXIII. Orantes nolite multùm loqui (1) : « N'affectez point de parler beaucoup dans vos prières. » Jésus-Christ nous avertit ici d'éviter les prières où l'on ne fait que parler sans sentiment, où le cœur ne dit rien de lui-même, mais va tout emprunter de l'esprit.

XXIV. La retraite et l'oraison nous apprennent à mourir, parce que celle-là détache les sens des objets extérieurs, et celle-ci l'esprit des sens.

XXV.  Dieu enseigne quelquefois aux hommes des choses qu'ils ne pensent pas savoir : « J'ai instruit une veuve, dit-il à Elie, pour te nourrir (2). » Elle n'en savait rien, la disposition secrète du cœur.

XXVI. L'Ecriture donne de l’âme à ce qui n'en a pas, pour bénir Dieu; du corps à ce qui n'en a pas, pour nous rendre plus sensibles les opérations divines, et s'accommoder à notre faiblesse. Misericordia et veritas obviaverunt sibi ; justitia et pax osculatœ sunt (3) : « La miséricorde et la vérité se sont rencontrées; la justice et la paix se sont donné le baiser. »

XXVII.  Combien l'esprit de raillerie est-il opposé au salut et au sérieux de l'Evangile? Vœ vobis, qui ridetis (4) : « Malheur à vous, qui riez. » Les gens du monde ne savent eux-mêmes pourquoi ils y sont attachés.

XXVIII.  Nous agissons par humeur et non par raison; c'est pourquoi l'ambition ni l'avarice ne se changent pas pour avoir ce qu'elles demandent, parce que l'humeur demeure toujours. Les appétits, qui consistent à remplir les organes corporels, se finissent à cause que les organes sont bornés : mais dans les appétits où l'imagination doit être remplie, il n'y a nulle fin; c'est ce qui s'appelle agir par humeur.

 

1 Matth., VI, 1. — 2 III Reg., XVII, 9. — 3 Psal. LXXXIV, 11. — 4 Luc., VI, 25.

 

639

 

XXIX.  Rien de plus commun dans la bouche des hommes que le mensonge, et que de prendre à témoin la première vérité. Quiconque ment ne garde point la foi qu'il exige; car il veut que celui à qui il ment lui soit fidèle dans la chose même sur laquelle il le trompe. Or celui qui viole la foi donnée, est coupable d'une grande injustice.

XXX. On dit : Cet homme m'a ôté mon honneur. Comment? En me faisant un affront. Ce n'est pas lui qui vous l'ôte, car l'injuste injure étant mal fondée, n'ôte rien, c'est l'opinion de ceux qui jugent mal des choses.

XXXI. La renommée nous en impose, quoique cent fois on ait été trompé par ses faux bruits. Cette séduction a pour principe, ou la malignité de notre cœur toujours prêt à s'ouvrir à la médisance, ou notre amour-propre aussi empressé à se persuader tout ce qui peut flatter l'intérêt de ses désirs.

 

FIN   DU   DIXIÈME   VOLUME

(troisième des sermons).

Précédente Accueil