Saint Jacques précis
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Académie Française

 

PRÉCIS D'UN PANÉGYRIQUE
POUR
LA   FÊTE  DE   SAINT   JACQUES  (a).

 

Die ut sedeant hi duo filii mei, unus ad dexteram tuam, et unus ad sinistram in regno tuo.

Dites que mes deux fils soient assis dans votre royaume, l'un à votre droite, et l'autre à votre gauche. Matth., XX, 21.

 

Nous voyons trois choses dans l'Evangile : premièrement leur ambition réprimée : Nescitis quid petatis (1) : « Vous ne savez ce que vous demandez; » secondement leur ignorance instruite: Potestis bibere calicem? « Pouvez-vous boire le calice que je dois boire?» troisièmement leur fidélité prophétisée : Calicem quidem meitm bibetis (2) : « Vous boirez, il est vrai, mon calice. »

 

PREMIER  POINT.

 

Il est assez ordinaire aux hommes de ne savoir ce qu'ils demandent, parce qu'ils ont des désirs qui sont des désirs de malades, inspirés par la fièvre, c'est-à-dire par les passions ; et d'autres ont des désirs d'enfants, inspirés par l'imprudence. Il semble que celui de ces deux apôtres n'est pas de cette nature: ils veulent être auprès de Jésus-Christ, compagnons de sa gloire et de son triomphe; cela est fort désirable, l'ambition n'est pas excessive. Il veut que nous régnions avec lui; et lui, qui nous promet de nous placer jusque dans son trône, ne doit pas trouver mauvais que l'on souhaite d'être à ses côtés : néanmoins il leur répond : « Vous ne savez ce que vous demandez : » Nescitis quid petatis.

Pour découvrir leur erreur, il faut savoir que les hommes peuvent se tromper doublement : ou en désirant comme bien ce qui ne l'est pas, ou en désirant un bien véritable, sans considérer assez en quoi il consiste, ni les moyens pour y arriver. L'erreur

 

1 Matth., XX, 22. — 2 Ibid., 23.

(a) Ecrit dans la troisième époque, vers 1684 : telle est du moins notre opinion.

 

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des apôtres ne git pas dans la première de ces fausses idées : ce qu'ils désirent est un fort grand bien, puisqu'ils souhaitent d'être assis auprès de la personne du Sauveur des âmes : mais ils le désirent avec un empressement trop humain ; et c'est là la nature de leur erreur, causée par l'ambition qui les anime. Ils s'étaient imaginé Jésus-Christ dans un trône, et ils souhaitaient d'être à ses côtés, non pas pour avoir le bonheur d'être avec lui, mais pour se montrer aux autres dans cet état de magnificence mondaine : tant il est vrai qu'on peut chercher Jésus-Christ même avec une intention mauvaise , pour paraître devant les hommes, afin qu'il fasse notre fortune. Il veut qu'on l'aime nu et dépouillé, pauvre et infirme, et non-seulement glorieux et magnifique. Les apôtres avoient tout quitté pour lui ; et néanmoins ils ne le cher-choient pas comme il faut, parce qu'ils ne le cherchaient pas seul. Voilà leur erreur découverte, et leur ambition réprimée : voyons maintenant dans le second point leur ignorance instruite.

 

SECOND  POINT.

 

Il semble quelquefois que le Fils de Dieu ne réponde pas à propos aux questions qu'on lui fait. Ses apôtres disputent entre eux pour savoir quel est le plus grand : Quis videretur esse major (1); et Jésus-Christ leur présente un enfant, et leur dit : « Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux : » Nisi efficiamini sicut parvuli, non intrabitis in regnum cœlorum (2). Si donc le divin Sauveur en quelques occasions ne satisfait pas directement aux demandes qui lui sont faites, il nous avertit alors de chercher la raison dans le fond de la réponse. Ainsi en ce lieu on lui parle de gloire, et il répond en représentant l'ignominie qu'il doit souffrir : c'est qu'il va à la source de l'erreur. Les deux disciples s'étaient figuré qu'à cause qu'ils touchaient de plus près au Fils de Dieu par l'alliance du sang, ils devaient aussi avoir les premières places dans son royaume : c'est pourquoi, pour les désabuser, il les rappelle à sa croix : Potestis bibere calicem? Et pour bien entendre cette réponse, il faut savoir qu'au lieu que les rois de la terre

 

1 Luc., XXII, 24. — 2 Matth., XVIII, 4.

 

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tirent le titre de leur royauté de leur origine et de leur naissance, Jésus-Christ tire Je sien de sa mort. Sa naissance est royale, il est le fils et l'héritier, de David; et néanmoins il ne veut être roi que par sa mort. Le titre de sa royauté est sur sa croix : il ne confesse qu'il est roi qu'étant près de mourir. C'est donc comme s'il disait à ses disciples : Ne prétendez pas aux premiers honneurs , parce que vous me touchez par la naissance : voyez si vous avez le courage de m'approcher par la mort. Celui qui touche le plus à ma croix, c'est celui à qui je donne la première place , non pour le sang qu'il a reçu dans sa naissance , mais pour celui qu'il répandra pour moi dans sa mort : voilà le bonheur des chrétiens. S'ils ne peuvent toucher Jésus-Christ par la naissance, ils le peuvent par la mort, et c'est là la gloire qu'ils doivent envier.

 

TROISIÈME POINT.

 

Les disciples acceptent ce parti : « Nous pouvons, disent-ils, boire votre calice : » Possumus (1) ; et Jésus-Christ leur prédit qu'ils le boiront. Leur promesse n'est pas téméraire : mais admirons la dispensation de la grâce dans le martyre de ces deux frères. Ils demandaient deux places singulières dans la gloire ; il leur donne deux places singulières dans sa croix. Quant à la gloire, « ce n'est pas à moi à vous la donner : » Non est meum dare vobis, je ne suis distributeur que des croix, je ne puis vous donner que le calice de ma passion ; mais dans l'ordre des souffrances, comme vous êtes mes favoris, vous aurez deux places singulières. L'un mourra le premier, et l'autre le dernier de tous mes apôtres; l'un souffrira plus de violence, mais la persécution plus lente de l'autre éprouvera plus longtemps sa persévérance. Jacques a l'avantage, en ce qu'il boit le calice jusqu'à la dernière goutte. Jean le porte sur le bord des lèvres : prêt à boire on le lui ravit pour le faire souffrir plus longtemps.

Apprenons par cet exemple à boire le calice de notre Sauveur selon qu'il lui plaît de le préparer. Il nous arrive une affliction c'est le calice que Dieu nous présente : il est amer, mais il est salutaire. On nous fait une injure : ne regardons pas celui qui

 

1 Matth., XX, 22.

 

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nous déchire ; que la foi nous fasse apercevoir la main de Jésus-Christ, invisiblement étendue pour nous présenter ce breuvage. Figurons-nous qu'il nous dit : Potestis bibere? « Avez-vous le courage de le boire? » Mais avez-vous la hardiesse, ou serez-vous assez lâches de le refuser de ma main, d'une main si chère? Une médecine amère devient douce en quelque façon, quand un ami, un époux, etc., la présente : vous la buvez volontiers, malgré la répugnance de la nature. Quoi ! Jésus-Christ vous la présente, et votre main tremble, votre cœur se soulève? Vous voudriez répandre par la vengeance la moitié de son amertume sur votre ennemi, sur celui qui vous a fait tort? Ce n'est pas là ce que Jésus-Christ demande. Pouvez-vous boire, dit-il, ce calice des mauvais traitements, qu'on vous fera boire? Potestis bibere? Et non pas : Pouvez-vous renverser, sur la tête de l'injuste qui vous vexe, ce calice de la colère qui vous anime? La véritable force, c'est de boire tout jusqu'à la dernière goutte. Disons donc avec les apôtres : Possumus; mais voyons Jésus-Christ qui a tout bu comme il l'avait promis : Quem ego bibiturus sum. Et quoiqu'il fût tout-puissant pour l'éloigner de lui, il n'a usé de son autorité que pour réprimer celui qui, par l'affection toute humaine qu'il lui portait, voulait l'empêcher de le boire : Calicem quem dedit mihi Pater, non vis ut bibam illum (1) ?

 

1 Joan., XVII, 11.

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