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Conf. M. Claude Avert.
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Conférence M. Claude
Conférence Suite
Réflexions sur M. Claude

 

 REMARQUES HISTORIQUES
- AVERTISSEMENTS -
APPROBATIONS

 

REMARQUES HISTORIQUES.

II

III.

AVERTISSEMENT  POUR LA DEUXIÈME ÉDITION.

AVERTISSEMENT  DES ÉDITIONS PUBLIÉES APRÈS 1689.

APPROBATIONS.

APPROBATION  De Messeigneurs les Archevêques et Evêques.

LETTRE  De Monseigneur le Cardinal Bona à Monseigneur le Cardinal de Bouillon.

LETTRE  De Monseigneur le Cardinal Sigismond Chigi, à M. l'abbé de Dangeau.

LETTRE  Du Révérendissime Père Hyacinthe Libelli, alors Maître du sacré Palais et maintenant Archevêque d'Avignon, à Monseigneur le Cardinal Sigismond Chigi.

LETTRE  De Monseigneur l’Evêque et Prince de Paderborn, alors Coadjuteur et depuis Evêque de Munster, à l'Auteur.

LETTRE  Du Révérendissime Père Raimond Capisucchi, Maître du Sacré Palais, à l'Auteur.

APPROBATIONS  DE L'EDITION ROMAINE DE 1678.

APPROBATION  Du seigneur Michel-Ange Ricci, Secrétaire de la sacrée Congrégation des Indulgences et des saintes Reliques, et Consulteur du saint Office.

APPROBATION  De P. M. Laurent Brancati de Laurea, Consulteur et Qualificateur des Congr. Consist., des Indulg., des Rites, de la Visite, et du saint Office, et Bibliothécaire de la Bibliothèque Vaticane.

APPROBATION  De M. l'abbé Etienne Gradi.

BREF  DE NOTRE SAINT PERE LE PAPE.

SECOND BREF  DE NOTRE SAINT PÈRE LE PAPE.

 


 

REMARQUES HISTORIQUES.

 

Réfutation du Catéchisme de Ferry. — Lorsque Bossuet eut couronné les cours de théologie par le doctorat, comme plusieurs, sermons lui avaient obtenu de grands applaudissements, saint Vincent de Paul et son maître Cornet lui conseillèrent, de, ne point s'arrêter à ces premiers succès, de fortifier son talent, par de. nouveaux travaux et de ne paraître dans les chaires de la capitale qu'après, des études plus larges et plus profondes. Il alla chercher la solitude à Metz, où l'influence de sa famille et son mérite l'avaient mis en possession d'un canonicat. Dans cette heureuse retraite, loin du  monde et de ses préoccupations, il étudia pendant plusieurs années l'Ecriture sainte, les Pères et les Docteurs, ne quittant son cabinet de travail que pour se rendre au chœur, dans la chaire du dans les asiles de charité.

Alors vivait à Metz un homme, de science et de talent, ministre de l'évangile, estimé des catholiques comme des protestants. D’une éloquence forte et persuasive, parce qu'il avait un cœur ardent et doux tout à la fois, il prêchait la Réforme avec succès parmi les siens depuis quarante ans. En 1654, il fit paraître à Sedan le Catéchisme général de la réformation de la religion. Dans cet ouvrage, s'oubliant pour ainsi dire lui-même, Paul Ferry dépassait les bornes de la modération qu'il avait respectées jusqu'alors : chose incroyable et pourtant naturelle dans la Réforme, parce que la calomnie lui fournit ses armes les plus puissantes, il prêtait à l'Eglise des maximes qu'elle n'a jamais professées,

 

II

 

des erreurs qu'elle a toujours combattues. Deux propositions résument le fond de son livre : « La réformation était nécessaire; » puis, « encore qu'avant la réformation on pût se sauver dans l'Eglise romaine, on ne le peut plus depuis la réformation, surtout après l'année 1543. »

Pour réfuter ces aphorismes avec les accusations qui les appuient, Bossuet voulut, non pas déployer de longs raisonnements, mais « exposer en toute simplicité, comme il le dit lui-même, la véritable doctrine de la sainte Eglise (1) ». A l’encontre des deux propositions du ministre, il établit deux vérités : la première, « que la réformation, comme nos adversaires l'ont entreprise est pernicieuse; » la seconde, « que si l'on a pu se sauver en la communion de l'Eglise romaine avant leur réformation prétendue, il s'ensuit qu'on y peut encore faire son salut. » D'abord la réformation est pernicieuse, et parce qu'elle brise les liens de la charité fraternelle, en établissant le schisme, et parce qu'elle arrache les chrétiens d'entre les bras de l'Eglise qui forme seule des enfants pour le ciel. Ensuite on peut encore se sauver dans l'Eglise romaine, par la raison bien simple qu'elle a toujours, après comme avant la réformation, gardé la même doctrine, la même morale et le même culte. Un trait particulier de la. discussion, c'est que le théologien catholique trouve ses principales preuves dans les aveux du ministre protestant. Il termine l'ouvrage par une exhortation touchante, qui le montre déjà tel qu'on le vit plus tard, joignant la majesté de l'éloquence à la sévérité de la doctrine.

Le maréchal de Schomberg, dont on verra le nom dans la dédicace, était gouverneur de Metz. Aussi pieux que brave, après s'être couvert de gloire sur les champs de bataille, il consacrait le repos de sa vieillesse aux œuvres de la religion, au soulagement des pauvres, à la conversion des hérétiques.

Tel est le premier ouvrage sorti de cette plume qui devait produire tant de chefs-d'œuvre. Bossuet le composa à l'âge de 25 ans, et le fit paraître à Metz, chez Jean Antoine, en 1655, in-4°. Réimprimé à Paris, en 1729 (2).

Cet écrit porte les caractères qui distinguent les sermons de la même époque. On n'accusera donc pas notre édition d'infidélité, quand on y trouvera des tournures et des expressions comme celles-ci : «Est-ce pas? — Faut-il pas? — Et ce que la vie éternelle est donnée gratuitement, ce n'est pas qu'elle ne soit donnée aux mérites. — Lavement de régénération, nettoyer les péchés, purger du péché, raser les péchés. »

 

1 Entrée en discours et proposition du sujet. — 2 L'exemplaire de la Bibliothèque impériale porte à la première page ces mots écrits de la main de l'auteur, : « Pour Monsieur Méridat, conseiller du roi en son grand conseil.— Par son très-obéissant serviteur et cousin. — Bossuet. »

 

III

 

II

 

Exposition de la doctrine catholique. — Nous avons vu que, dans la réfutation de Paul Ferry, Bossuet ne voulut faire autre chose qu'exposer la doctrine de l'Eglise catholique: Instruit par l'expérience, il savait que le raisonnement, en dépit ou plutôt à cause de ses procédés scientifiques, n'atteint pas toujours la raison, et que la dispute provoque plus souvent la résistance de l'orgueil qu'elle n'amène l'assentiment de la volonté; à ses yeux, montrer la vérité catholique dans sa simplicité majestueuse, dégagée debout mélange étranger, sans aucun ornement de l'éloquence humaine, c'était la revêtir de tous les charmes de sa beauté divine et lui donner toute la force de son empire sur les intelligences et sur les cœurs. Telle est la méthode qu'il suivait dans l'instruction de ses frères égarés par la prétendue Réforme : il racontait le dogme, si l'on peut ainsi dire; il définissait, il exposait.

Le grand nombre des protestants qui recouraient à son ministère, l'impossibilité, de se faire entendre à tous, les conversions qu'il obtenait chaque jour, tout lui commandait de mettre par écrit son enseignement. En 1668, la même année qu'il prêcha l'Avent à Saint-Thomas du Louvre, il écrivit une exposition de la doctrine catholique. Son dessein dans cet écrit fut : « 1° de proposer les vrais sentiments de l'Eglise catholique, et de les distinguer de ceux qui lui ont été faussement imputés; 2° afin qu'on ne doutât pas qu'il ne proposât véritablement les sentiments de l'Eglise, de les prendre dans le concile de Trente, où l'Eglise a parlé, décisivement sur les matières dont il s'agit;3° de proposer à Messieurs de la religion prétendue réformée, non en général toutes, les matières, mais, celles dont ils ont fait le sujet de leur rupture; 4° enfin de ne rien dire, pour faire mieux : entendre les décisions du concile, qui ne fût approuvé dans l'Eglise et manifestement conforme à la doctrine du même concile (1). » On voit tout d'abord les avantages de ce plan: fixant nettement le point de la controverse, il prévient une foule de questions qui prolongent inutilement le débat; il écarte les discussions que provoquent les opinions particulières des théologiens ; il coupe court aux objections que les protestants fondent sur les faits tronqués de l'histoire, sur l'exagération des abus, sur la calomnie.

Lu avec empressement dans un grand nombre de copies, l'ouvrage de Bossuet dissipait partout les ténèbres de l'erreur. Un descendant du fameux Duplessis-Mornay, le marquis de Dangeau avait hérité de sa mère la haine du catholicisme ; le maréchal de Turenne, aussi ferme dans ses principes qu'inébranlable sur les champs de bataille, était retenu dans la Réforme par les préjugés de l'honneur et par les liens du sang :

 

1 Exposition, 1er Avertissement.

 

IV

 

 

l'Exposition leur montra notre sainte croyance dans sa simplicité majestueuse; ils devinrent, l'un prêtre vertueux, l'autre enfant soumis de l'Eglise.

Ainsi l'Exposition, se lisait depuis, trois ans; qu'elle n'avait encore reçu d'autre publicité que celle de la transcription; Bossuet refusait de la mettre au jour par la Voie de la presse : car il n’écrivait pas pour obtenir les vains honneurs de la renommée, mais pour procurer le bien de l'Eglise : « Je ne comprends pas, disait-il, qu'on puisse se donner la peine de composer un livre dans le seul but de faire un peu de bruit (1).» Cependant Turenne lui représentait la nécessité; d'imprimer son ouvrage, l'impossibilité de donner à tous des copies des dangers que faisaient courir à la doctrine des transcriptions multiples; faites par des mains peu sûres; des savants, des évêques, des personnages élevés joignaient leurs instances à celles du grand homme ; une édition peu, correcte venait de paraître à Toulouse, et l'on en préparait d'autres dans la capitale : Bossuet se rendit.

Mais quelles difficulté ne lui présentait pas la publication de son ouvrage? C'est la doctrine de l'Eglise qu'il allait exposer à la face du monde ; il devait employer la précision qu'apporte l'Eglise dans la définition de sa doctrine; il devait éviter les formules vagues, les phrasés équivoques, tout ce qui n'offre pas une idée claire à l'esprit; il devait parler avec la simplicité de la vérité et là rigueur de la foi. Honoré de la confiance générale et se défiant de lui-même, il fit tirer son ouvrage à douze exemplaires, qu'il soumit à l'examen des évêques et des théologiens les plus renommés : c'est là ce qu'on appelle l’Edition des amis Turenne envoya son exemplaire en Angleterre dans un but de propagande religieuse; M. de Harlay, archevêque de Paris, retint le sien; parce qu'il ne voyait pas sans peine, dit-on, grandir l'influence du grand écrivain; les autres exemplaires revinrent à l'auteur chargés de notes et portant plusieurs approbations. Bossuet corrigea l'ouvrage sur les remarques de ses amis et d'après ses propres réflexions; puis il le fit publier chez Sébastien Marbre-Cramoisy, dans le mois de décembre 1671. Il était alors précepteur du dauphin, et venait de résigner l'évêché de Condom.

Les protestants firent au livre de Bossuet un accueil froid et prudent. Ils dirent que l’Exposition se rapprochait de leurs sentiments, qu'elle écartait de grandes erreurs et levait bien des difficultés ; mais ils disaient aussi qu'elle corrigeait la doctrine catholique, qu'elle l'adoucissait dans la rigueur de ses dogmes, qu'elle en cachait l'odieux par des tours adroits, plus propres à tromper les simples qu'à convaincre les sages; ils annonçaient enfin qu'elle serait condamnée par tous les organes de l'Eglise. Vaines menaces de prophètes aux abois : l’Exposition

 

1 Mémoires de Ledieu, sur l'Exposition.

 

V

 

reçut de nouvelles approbations; bien mieux, elle fut sanctionnée par l'autorité suprême. Bossuet profita de cette occasion pour réimprimer son livre. C'est ici la deuxième édition, qui parut en 1674. Elle donnait, avec l'approbation du souverain Pontife, le premier Avertissement qui se trouve à la tête de l'ouvrage.

Battus dans leurs prévisions de l'avenir, les ministres du saint évangile se replièrent sur les contes du passé; les fables après les prophéties. On sait qu'un exemplaire de l'édition des amis, destinée à la correction de l'ouvrage, fut envoyé en Angleterre par Turenne. Longtemps après l'édition véritable, faite pour le publie, cet exemplaire tomba dans les mains d'un docteur Wake, qui cherchait depuis longtemps l'occasion d'attirer sur lui l'attention publique. Sur ses révélations faites avec la prudence convenable, on dit mystérieusement en Angleterre, puis triomphalement en Hollande, que Bossuet, tout en criant contre les variations de la Réforme, avait lui-même varié dans la foi; la preuve certaine en était que la première édition de son livre différait dans des dogmes essentiels de la seconde, et qu’il avait dû la supprimer pour obtenir l'approbation de la Sorbonne. Un bénédictin anglais, le P. Johnston fit connaître à Bossuet, par une lettre de 1686, la grande découverte des ministres; et le sieur de la Croze se chargea de l'annoncer, au genre humain en 1688, dans la Bibliothèque historique universelle. De là deux nouvelles pièces, la lettre au P. Johnston, et le second Avertissement de l’Exposition. Bossuet montre, dans ces deux pièces, qu'il avait le droit de corriger son ouvrage sur l'édition des amis comme sur son manuscrit; «d'ailleurs ses corrections, dit-il, ne touchaient pas au dogme, elles ne regardaient que l'expression et la netteté du style (1). »

 

1 Il suffit d'une simple comparaison pour s'en, convaincre. Le premier imprimé porte dans le titre : Exposition de la doctrine de l'Eglise catholique; le second ajoute : sur les matières de controverse. Et plus loin, dans le corps de l'ouvrage :

 

Edition des amis.

 

Après plus d'un siècle de contestations avec Messieurs de la religion prétendue réformée, il semble qu'on ne puisse mieux faire que de leur proposer simplement la doctrine de l'Eglise catholique, en séparant, les questions qu'elle a décidées de celles qui n'appartiennent pas à la foi ; et comme l'aversion que ces Messieurs ont pour la plupart de nos sentiments est attachée... (Section I. )

 

 

Nos adversaires, qui appréhendent les conséquences importantes que nous pourrons tirer de cet aveu, tâchent de les prévenir en disant que nous détruisons ces articles, parce que nous en posons d'autres qui leur sont contraires. (Section II.)

Edition pour le public.

 

Après plus d'un siècle de contestations avec Messieurs de la religion prétendue réformée, les matières dont ils ont, fait le sujet de leur rupture doivent être éclaircies, et les esprits disposés à concevoir les sentiments de l'Eglise catholique. Ainsi il semble qu'on ne puisse mieux faire que de les proposer simplement, et les bien distinguer de ceux qui lui ont été faussement imputés. En effet j'ai remarqué en différentes occasions que l'aversion que ces Messieurs ont...

Les prétendus réformés, qui voient les avantages que nous pouvons tirer de cet aveu, veulent nous les ôter en disant que nous détruisons.....

 

 

La fin de la section, qui se trouve dans le second imprimé, n'est pas dans le premier.

 

Edition des amis.

 

La même Eglise enseigne que tout culte religieux doit se terminer à Dieu comme à sa fin nécessaire; et c'est pourquoi l'honneur qu'elle rend à la sainte Vierge et aux Saints n'est religieux, qu'à cause qu'elle leur rend cet honneur par rapport à Dieu et pour l'amour de lui. (Sect. III. )

Le Catéchisme du concile de Trente, qui l'enseigne ainsi, conclut de cette doctrine que, si l'intercession des Saints qui règnent avec Dieu blessait la médiation de Jésus-Christ, elle ne serait pas moins affaiblie par celle des fidèles; qui vivent avec nous.

 

Ainsi à parler précisément et selon le style ecclésiastique, nous n'honorons pas tant l'image d'un apôtre ou d'un martyr que nous honorons l'apôtre ou le martyr en présence de son image. (Sect. IV. )

 

 

Si cette justice qui est en nous par le Saint-Esprit n'était justice qu'aux yeux des hommes, ce serait une hypocrisie. ( Sect. VI.)

Voilà ce qu'il y a de plus nécessaire dans la doctrine de la justification ; et nos adversaires seraient extraordinairement contentieux, s'ils ne confessaient qu'il n'en faut pas savoir davantage pour être solidement chrétien. (Sec. VII.)

 

Le Fils de Dieu ayant voulu que son Eglise fût une et solidement bâtie sur l'unité, a établi et institué la primauté de saint Pierre pour l'entretenir et la cimenter. C'est pourquoi notre profession nous oblige sur ce sujet à reconnaître l'Eglise romaine comme la mère et la maîtresse (magistram) de toutes les églises , et à rendre une véritable obéissance au souverain Pontife, successeur de saint Pierre et vicaire de Jésus-Christ. Les autres droits ou prétentions que les ministres ne cessent d'alléguer pour rendre cette puissance odieuse, n'étant pas de la foi catholique, ne sont pas aussi énoncées dans la profession que nous en faisons. (Sect. XXI.)

 

Edition pour le public.

 

La même Eglise enseigne que tout culte religieux se termine à Dieu, comme à sa fin nécessaire; et, si l'honneur qu'elle rend à la sainte Vierge et aux Saints peut être appelé religieux; c'est à cause qu'il se rapporte nécessairement à Dieu.

 Le Catéchisme du concile de Trente conclut de cette doctrine, que, si la qualité de médiateur donnée à Jésus-Christ recevait quelque préjudice de l'intercession des Saints qui règnent avec Dieu, elle n'en recevrait pas moins de l'intercession des fidèles qui vivent avec nous.

Ainsi à parler précisément et selon le langage ecclésiastique, quand nous rendons honneur à l'image d'un apôtre ou d'un martyr, notre intention n'est pas tant d'honorer l'image que d'honorer l'apôtre ou le martyr en présence de l'image.

Si la justice qui est en nous n'était justice qu'aux yeux des hommes, ce ne serait pas l'ouvrage du Saint-Esprit:

Voilà ce qu'il y a de plus nécessaire dans la doctrine de la justification et nos adversaires seraient fort déraisonnables, s'ils ne confessaient que cette doctrine suffit pour apprendre aux chrétiens qu'ils doivent rapporter à Dieu par Jésus-Christ la gloire de leur salut.

 

Le Fils de Dieu ayant voulu que son Eglise fût une et solidement bâtie sur l'unité, a établi et institué la primauté de saint Pierre pour l'entretenir et la Cimenter. C'est pourquoi nous reconnaissons cette même primauté dans les successeurs du prince des apôtres, auxquels on doit pour cette raison la soumission et l'obéissance que les saints conciles et les saints Pères ont toujours enseignée aux fidèles. Quant aux autres choses dont on sait qu'on dispute dans les écoles, quoique les ministres ne cessent de les alléguer pour rendre cette puissance odieuse, il n'est pas nécessaire d'en parler ici, puisqu'elles ne sont pas de la foi catholique.

 

   

 

Les ministres protestants répéteront-ils encore, après ce parallèle, la fable de Wake? Certainement oui. Pourquoi donc avons-nous rapporte les variantes qu'on vient de lire? Parce qu'elles font entrer plus avant dans les réponses de Bossuet, parce qu'elles renferment une précieuse leçon de style, et quelles ne se trouvent dans aucune édition.

 

VI

 

C'est dans ces conjonctures, en 1686, que Bossuet fit paraître la sixième édition de son livre, la dernière revue par lui, celle qui donna

 

 

VII

 

l'Exposition dans sa forme définitive, telle qu'elle devait passer à la postérité. Cette édition renfermait la lettre du P. Johnston et d'autres, avec les réponses. On n'y trouva pas le second Avertissement : il parut en 1689, après la nouvelle donnée par le sieur de la Croze, à la fin du sixième Avertissement aux protestants. Les éditeurs modernes ne sont point allés le chercher là; leurs réimpressions ne le donnent pas. Une fois abandonnée au public, l'Exposition fut reproduite coup sur coup; pendant un an l'imprimerie royale, dirigée par Anisson, ne livra point au public d'autre ouvrage, et les provinces en firent de nombreuses éditions. En même temps les savants de l'étranger la traduisirent dans plusieurs langues : le premier Avertissement donné d'intéressants détails sur ces traductions.

Il nous reste à signaler en peu de mots différents écrits qui suivent l'Exposition. Dans toutes les controverses qu'il eut à soutenir, Bossuet repoussa toujours les coups de l'erreur avant qu'elle eût pu faire à la vérité des blessures profondes; toujours il paralysait l'effet de l'objection par la promptitude de la réponse; quelquefois même il paraissait sur la brèche avant l'ennemi. Comme il pensait que les ministres attaqueraient les principaux dogmes exposés dans son ouvrage, préparant d'avance les moyens de la défense, il écrivit cinq dissertations sur le culte dû à Dieu, sur la vénération des images, sur la satisfaction de Jésus-Christ, sur l'Eucharistie et sur la tradition. Le judicieux controversiste se trompa cette fois-là : les protestants ne s'avancèrent pas sur le terrain du dogme; en général ils restèrent loin de la question, plaidant

 

VIII

 

des fins de non-recevoir, débitant des contes et prophétisant. Les choses se passant ainsi, Bossuet laissa les cinq dissertations dans ses portefeuilles; c'est l'abbé Leroi qui les publia, dans les Œuvres posthumes, en 1753.

De ces cinq morceaux théologiques, celui de la satisfaction de Jésus-Christ et celui de la tradition peuvent seuls être considérés comme complets; les autres n'épuisent pas, tant s'en faut, le sujet que l'auteur s'était proposé. Ainsi le travail sur le culte des images devait avoir six sections; il n'en a guère qu'une et demie. D'ailleurs ces pièces seraient moins longues, si elles avaient subi une seconde rédaction.

Bossuet cite dans les mêmes ouvrages et dans l'Exposition plusieurs écrivains protestants, nommons-les : l'Anonyme, c'est-à-dire M. de la Bastide, né à Milhau, et mort à Londres en 1704, qui écrivait sous le patronage du consistoire de Charenton; Noguier, ministre de l'évangile, qui avait de la réputation parmi les siens; Daillé, né et mort à Châtellerault, aussi ministre; Jurieu, professeur de théologie protestante d'abord à Sedan, puis à Rotterdam; Brueis, auteur dramatique et théologien réformé; Valentin Albert, qui écrivit en latin contre l'Exposition; enfin le susnommé Wake, prélat anglais, docteur d'Oxford, qui découvrit l'édition des amis, et expliqua sa découverte dans une Exposition de la doctrine de l'Eglise anglicane.

 

III.

 

Conférence avec M. Claude. C'est mademoiselle de Duras qui mit Claude aux prises avec Bossuet. Fille d'un maréchal de France et nièce de Turenney mademoiselle de Duras joignait à la distinction de la naissance la noblesse, de l'esprit : docile aux préjugés de sa race, elle professait avec simplicité les dogmes désespérants de Calvin ; du reste pure de cœur, droite d'intention, bienfaisante, charitable, elle était digne de connaître la vérité, — Le ministre Claude fut un des hommes les plus honorables de la Réforme; né à Sauvetat, aujourd'hui dans le Lot-et-Garonne, après avoir été pasteur d'abord à Nîmes, puis à Montauban, il devint en 1666 membre du consistoire de Charenton ; l'étendue de ses connaissances, la facilité de sa parole, les ressources de son imagination, la subtilité de son esprit le mirent à la tête du parti protestant.

Profondément ébranlée par la lecture de l'Exposition, mademoiselle de Duras conçut des doutes sur la Réforme et des sentiments favorables au catholicisme ; mais avant de porter un jugement définitif, elle voulut en avoir pour ainsi dire la confrontation officielle, elle voulut voir les deux croyances mises en parallèle dans une lutte entre les deux plus habiles controversistes qu'il y eût alors. Le ministre Claude consentit à sa demande, et Bossuet se rendit aux vœux du duc de Richelieu. Il fût

 

IX

 

convenu que la discussion porterait sur l'autorité de l'Eglise; dogme fondamental, qui devait entraîner la décision de tous les autres. Fixée au dernier février 1678, la conférence n'eut pas lieu ce jour-là, parce que le ministre Claude avait reçu, dit son messager, la défense de s'y rendre. Bossuet, présent à l'heure dite, profita du moment pour donner à mademoiselle de Duras, sur la matière de l'Eglise, une instruction qu'on lira dans l'ouvrage. Le jour suivant, les deux adversaires se trouvèrent en face l'un de l'autre; et la conférence eut lieu chez la comtesse de Roye, devant un petit nombre de témoins; tous calvinistes,  excepté la maréchale de Lorge. Tâchons de résumer brièvement la dispute.

— Bossuet. D'après les principes de la Réforme, il n'y a point d'autorité infaillible en matière de foi ; le simple particulier, a donc le droit de soumettre les décisions de l'Eglise à l'examen de sa raison? — Claude. Oui.— Alors le simple particulier pourra croire qu'il entend mieux l'Ecriture, par conséquent, qu'il a plus de science, plus, de lumière, plus de grâces, plus enfin le Saint-Esprit que tous les docteurs, tous les saints, toute l'Eglise ! — Pourquoi non ? A la venue du Messie, qui le reconnut pour le Sauveur du monde? des particuliers; qui le condamna ? les docteurs revêtus de l'autorité? Les individus comprirent donc mieux l'Ecriture que le corps enseignant, que l'interprète de la parole de Dieu, que la synagogue. — La synagogue n'avait reçu l'autorité que pour un temps; les prophètes l'annoncent de la manière la plus claire et la plus formelle! A la venue du divin Maître, elle tombe pour faire place à une plus haute autorité. Donnez-nous Jésus-Christ enseignant lui-même, nous n'avons plus besoin de l'Eglise ; mais si vous ôtez l'Eglise, il nous faut Jésus-Christ en personne. — Ici, à la demande de mademoiselle de Duras, le débat s'engagea sur la séparation des réformés d'avec l'Eglise romaine. — Bossuet. Vous ne pouvez non plus que tous les hérétiques, répondre à la question que les Pères faisaient aux ariens : « Où étiez-vous hier?» Pourquoi êtes-vous sortis de l'Eglise ? — Claude. Nous n'en sommes pas sortis : on nous en a chassés. — Si on ne vous en avait pas chassés, y seriez-vous restés ? — Oui. — Vous y étiez donc dans la voie de la vérité et du salut; mais encore une fois, comme communion séparée de l'Eglise, « où étiez-vous hier ?» — Rien ne nous oblige de répondre à cette question : les Juifs et les païens ne pouvaient-ils pas l'adresser aux premiers chrétiens? ne pouvaient-ils pas dire à Jésus-Christ même : On ne parlait pas de vous hier? — Quoi ! lorsque Jésus-Christ commença sa prédication, on pouvait lui dire, comme je vous le dis, qu'on ne parlait pas hier de lui ni de sa venue ! Qu'était-ce donc que saint Jean-Baptiste, et Anne la prophétesse, et Siméon, et les mages, et les pontifes qui indiquèrent Bethléem comme le lieu de sa naissance? l’a-t-il eu un seul moment où Jésus-Christ n'ait été attendu dans l'Eglise où il est né,

 

X

 

si bien attendu que les Juifs l'attendent encore? Les prophètes l'ont constamment rendu présent dans le cours des âges : « Il était hier, il est aujourd'hui et sera aux siècles des siècles (1). »

Là finit la discussion. Elle avait duré cinq heures. Les jours sui-vans, Bossuet donna de nouvelles instructions à mademoiselle de Duras, et reçut son abjuration dans le mois môme de la controverse, le 22 mars 1678.

Après avoir raconté la conférence à plusieurs de ses amis, Bossuet l'écrivit, de même que les instructions, pour mademoiselle de Duras. Son écrit se répandit à l'aide de copies, et Claude en profita pour raconter à son tour la dispute et pour combattre les instructions : dans le récit il changea sa défaite en victoire, et défigura les vérités les plus claires dans l'attaque. Bossuet revit sa Relation de la conférence, et défendit son enseignement dans un petit ouvrage intitulé : Réflexions sur un écrit de M. Claude. Il dit dans l'Avertissement qui précède la Relation : « Partout où M. Claude dira qu'il n'a pas avoué ce que je lui fais avouer dans le récit de la conférence, je m'engage dans une second»; conférence à tirer de lui encore le même aveu ; et partout où il dira qu'il n'est pas demeuré sans réponse , je le forcerai, sans autre argument que ceux qu'il a déjà ouïs, à des réponses si visiblement absurdes, que tout homme de bon sens avouera qu'il valait encore mieux se taire que de s'en être servi. » Claude n'accepta pas ce défi.

La Relation et les Réflexions furent publiées chez Sébastien Marbre-Cramoisy, en 1682, dans un volume in-12. Seconde édition, 1680. L'écrit de Claude, portant ce titre : Réponse au livre de M. de Meaux, etc., parut à La Haye en 1683. On voit que Bossuet prévint, dans la publicité, l'objection par la réponse.

 

1 Hebr., XIII, 8.

 


 

AVERTISSEMENT
POUR LA DEUXIÈME ÉDITION.

 

Il semblait que Messieurs de la religion prétendue réformée, en lisant ce traité, dévoient du moins avouer que la doctrine de l'Eglise y était fidèlement exposée. La moindre chose qu'on put accorder à un évêque, c'est qu'il ait su sa religion, et qu'il ait parlé sans déguisement dans une matière où la dissimulation serait un crime. Cependant il n'en est pas arrivé ainsi. Ce traité n'étant encore écrit qu'à la main, fut employé à l'instruction de plusieurs personnes particulières, et il s'en répandit beaucoup de copies. Aussitôt on entendit les honnêtes gens de la religion prétendue réformée dire presque partout, que s'il était approuvé, il lèverait à la vérité de grandes difficultés ; mais que l'auteur n'oserait jamais le rendre public; et que, s'il l'entreprenait, il n'éviterait pas la censure de toute sa communion, principalement celle de Rome, qui ne s'accommoderait pas de ses maximes. Il parut néanmoins quelque temps après avec l'approbation de plusieurs évoques, ce livre qui ne devait jamais voir le jour ; et l'auteur, qui savait bien qu'il n'y avait exposé que les senti ments du concile de Trente, n'appréhendait pas les censures dont les prétendus Réformés le menaçaient.

Il n'y avait certainement guère d'apparence que la foi catholique eût été trahie plutôt qu'exposée par un évêque, qui après avoir prêché toute sa vie l'Evangile sans que sa doctrine eût jamais été suspecte, venait d'être appelé à l'instruction d'un prince, que le plus grand Roi du monde et le plus zélé défenseur de la religion de ses ancêtres fait élever pour en être un jour l'un

 

2

 

des principaux appuis. Mais Messieurs de la religion prétendue réformée ne laissèrent pas de persister dans leurs premiers sentiments. Ils attendaient à toute heure un soulèvement des catholiques contre ce livré, et même des foudres de Rome.

Ce qui leur a donné cette pensée, c'est que la plupart d'entre eux qui ne connaissent notre doctrine que par les peintures affreuses que leur en font leurs ministres, ne la reconnaissent plus quand elle leur est montrée dans son naturel. C'est pourquoi il n'a pas été malaisé de leur faire passer l'auteur de l'Exposition pour un homme qui adoucissait les sentiments de sa religion, et qui cherchait des tempéraments propres à contenter tout le monde.

Il a paru deux réponses à ce traité. L'auteur de la première n'a pas voulu dire son nom au public; et jusqu'à ce qu'il lui ait plu de se déclarer, nous ne révélerons pas son secret. Il nous suffit que cet ouvrage soit approuvé par les ministres de Charenton (1), et qu'il ait été envoyé à l'auteur de l'Exposition par feu M. Conrart, en qui les catholiques n'ont rien eu à désirer qu'une meilleure religion. L'autre réponse a été faite par M. Noguier, ministre considéré dans son parti, et qui a parmi les siens la réputation d'un habile théologien. Tous deux ont prétendu que l’Exposition était contraire aux décisions du concile de Trente (2): tous deux soutiennent que le dessein même d'en exposer la doctrine est réprouvé par les papes (3); et tous deux affectent de dire que M. de Condom ne fait qu'adoucir et exténuer les dogmes de sa religion (4). A les entendre parler, il semble se relâcher partout ; « il se rapproche, il abandonne les sentiments de son Eglise, et il entre dans ceux des prétendus réformés (5). » Enfin, son traité ne s'accorde pas avec la profession de foi que l'Eglise romaine propose à tous ceux de sa communion, et on lui en fait combattre tous les articles (6).

Si on en croit l'anonyme (7); ce prélat est de bonne composition

 

1 Mess. Claude, De Langle, Daillé et Allix. — 2 Anonyme, p. 3, 112, 113, 124, 137, etc.; Noguier, p. 63, 94, 95, 109, 110, etc. — 3 Au., p. 10 ; Nog., p. 40. — 4 Nog., p.. 20, 37; An., Avertiss., p. 24. — 5 Rep., p. 3; An., p. 137 ; Nog., p. 94. — 6 An., Avertiss.; p. 25-29. — 7 An., Avertiss., p. 27.

 

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sur la transsubstantiation. Il est prêt à se contenter de la réalité du corps de Jésus-Christ, telle que les prétendus réformés la croient dans le sacrement. Quand il parle de l'invocation des saints, « il tâche d'adoucir et d'exténuer le culte de l'Eglise romaine, tant dans le dogme que dans la pratique (1).» Avec le culte des saints, «il exténue celui des images, l'article des Satisfactions, celui du Sacrifice delà messe et de l'autorité des papes (2). » Sur les images, « il a honte des excès où on a porté tant le dogme que le culte (3). » L'anonyme, qui lui fait changer les expressions du concile dans la matière de la Satisfaction, veut que « ce changement dans les expressions procède du changement qu'il apporte dans la doctrine (4). » Enfin il le représente comme un homme qui revient aux sentiments de la nouvelle réforme, ou pour me servir de son expression, « comme la colombe qui revient à l'arche, ne sachant où poser son pied (5). »

Non-seulement il lui attribue des sentiments particuliers sur le mérite des. œuvres et sur l'autorité du Pape (6); mais si l'on voulait se réduire à la doctrine de l'Exposition, il semble prêt à passer ces deux articles, qui font tant de peine à ceux de sa communion.  En général il n'y a rien de plus répandu dans son livre, que le reproche qu'il fait à l'auteur de l’Exposition de s'éloigner de «la doctrine commune de l'Eglise romaine (7).» Il souhaite «que tous ceux de cette Eglise veuillent bien s'accommoder aux adoucissements de ce titre et qu'ils écrivent dans le même sens (8). Ce serait, ajoute-t-il un peu après, un heureux commencement de réformation qui pourrait avoir des suites beaucoup plus heureuses. »

Bien plus, il tire avantage de ces prétendus adoucissements. «Ces adoucissements de M. de Condom, loin, dit-il (9), de nous donner mauvaise opinion de notre réformation, nous confirment

 

1 An., p. 24. — 2 An., Avertiss., p. 24. — 3 An., p. 65. — 4 p. 114. — 5 p. 110. — 6 An., p. 104, 368. —  7 An., Avertiss., p. 23, 26. — 8 Rép., p. 3, etc.; An., Avertiss., p. 30. — 9 An., p. 85.

 

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encore davantage que les personnes honnêtes et modérées condamnent elles-mêmes, du moins une bonne partie de ce que nous condamnons, et que par conséquent elles, avouent par là en quelque manière que la réformation en serait utile et nécessaire.»

Il devrait conclure tout le contraire : car une réformation comme la leur, qui tend à un changement dans la doctrine, ne peut jamais regarder des choses qu'on voit déjà condamnées d'un commun accord. Mais les prétendus réformés veulent se persuader que les personnes honnêtes et modérées de la communion romaine, parmi lesquelles ils rangent M. de Condom, abandonnent en beaucoup de points les sentiments de leur Eglise, et reviennent le plus qu'ils peuvent à la nouvelle réforme.

Voilà ce que leur fait croire la manière étrange dont on leur dépeint la doctrine catholique. Accoutumés à la forme hideuse et terrible qu'on lui donne dans leurs prêches, ils croient que les catholiques qui l'exposent dans sa pureté naturelle, la changent et la déguisent : plus on la leur montre telle qu'elle est, plus ils la méconnaissent; et ils s'imaginent qu'on revient à eux, quand on les désabuse de leurs préjugés.

Il est vrai qu'ils ne tiennent pas toujours un même langage. L'anonyme, qui accuse M. de Condom d'avoir fait des changements si considérables dans la doctrine de l'Eglise, ne laisse pas de dire que « cette Exposition n'a rien de nouveau qu'un tour adroit et délicat; et enfin qu'elle ne contient que de ces sortes d'adoucissements apparents ; qui n'étant que dans quelque termes, ou dans des choses de peu de conséquence, né contentent personne, et ne font qu'exciter de nouveaux doutes, au lieu de résoudre les anciens. »

Il semble qu'il se repente d'avoir parlé de l'Exposition comme d'un livre qui altérait la foi de l'Eglise en tous ses points principaux , non-seulement dans les termes, mais dans le dogme.

Qu'il le prenne comme il lui plaira. S'il 'persiste à croire qu'un

 

1 An., p. 61,62.

 

livre aussi catholique que l'Exposition, soit contraire à tant de points importons de la croyance romaine, il montre qu'il n'a jamais eu que de fausses idées de cette doctrine; et s'il est vrai qu'en adoucissant seulement les termes, ou en retranchant comme il dit, des choses de peu de conséquence, la doctrine catholique lui paroisse si radoucie, il se trouvera à la fin que le fond en était meilleur qu'il ne pensait.

Mais voici la vérité. M. de Condom n'à point trahi sa conscience, ni déguisé la foi de l'Eglise ou le Saint-Esprit l’a établi évêque; et les prétendus réformes n'ont pu se persuader qu'une doctrine que sa seule exposition, et encore une exposition si simple et si courte, leur rend déjà moins étrange, fût la doctrine que tous leurs ministres leur représentent si pleine de blasphème et d'idolâtrie.

Nous devons sans doute louer Dieu d'une telle disposition puisque, encore qu'elle fasse voir dans ces Messieurs une étrange préoccupation contre nous,  elle nous fait espérer qu'ils regarderont nos sentiments avec un esprit plus équitable, quand ils seront convaincus que la doctrine de ce traité ; qui déjà leur paraît plus douce, est la pure doctrine de l’Eglise. Ainsi loin de nous fâcher de la peine qu'ils ont à nous croire lorsque nous leur proposons notre foi ; la charité  nous oblige à leur donner de tels éclaircissements, qu'ils ne puissent plus douter qu'elle ne leur ait été fidèlement proposée.

La chose parle d'elle-même; et il n'y à qu’à leur dire que le livre de l'Exposition qu’ils croyaient contraire, « non-seulement à la doctrine commune des docteurs de l'Eglise romaine, mais encore aux termes et à la doctrine du concile (1), » est approuvé dans toute l'Eglise; et qu'après avoir reçu diverses marques d'approbation à Rome aussi bien qu'ailleurs, il a enfin été approuvé par le Pape même de la manière la plus authentique et la plus expresse qu'on pût attendre.

 

1 An., p. 3.

 

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Ce livre n'eut, pas plutôt été publié, que l'auteur connut les bons sentiments qu'on en avait dans toute la France, par les lettres qu'il eu reçut de toutes sortes de personnes, laïques, ecclésiastiques, religieux et docteurs, mais surtout des plus grands prélats et des plus savants de l'Eglise, dont il aurait pu dès lors rapporter les témoignages, si la chose eût été tant soit peu douteuse ou nouvelle.

Mais comme les prétendus réformés veulent croire qu'on a en France des sentiments particuliers et plus approchants des leurs, en ce qui regarde la foi, que dans le reste de l'Eglise, et surtout à Rome, il est bon de leur rapporter comment les choses s'y sont passées.

Aussitôt que ce traité eut paru, M. le cardinal de Souillon l'envoya à M. le cardinal Bona, qu'il pria de l'examiner en toute rigueur. Il ne fallut que le temps nécessaire à recevoir les réponses de Rome à Paris, pour avoir de ce docte et saint cardinal, dont la mémoire sera éternellement en bénédiction dans l'Eglise, l'approbation honorable, qui se verra dans la suite avec les autres pièces dont on va parler.

Le livre fut imprimé pour la première fois sur la fin de l'année 1671. La réponse de ce cardinal est du 26 janvier 1672.

M. le cardinal Sigismond Chigi, dont toute l'Eglise regrette encore la perte en écrivit à M. l'abbé de Dangeau d'une manière qui n'était pas moins favorable. Il dit expressément que M. de Condom a très bien parlé sur l’autorité du Pape : et sur ce que cet abbé lui, avait écrit que quelques personnes trop scrupuleuses craignaient ici qu'on ne regardât à Rome cette Exposition comme une de ces explications du concile défendues par Pie IV, il montre combien ce scrupule est mal fondé. Il ajoute qu'il a trouvé dans le même sentiment le maître du sacré Palais, le secrétaire et les consulteurs de la congrégation dell’ Indice, tous les cardinaux qui la composent, et nommément le docte cardinal Braneas qui en était le président ; et qu'ils donnaient tous de

 

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grandes louanges au traité de l'Exposition. La lettre est du 5 avril 1072.

Le Maître du sacré Palais était alors le R. P. Hyacinthe Libelli, célèbre théologien, que son mérite et son grand savoir élevèrent un peu après à la dignité d'archevêque d'Avignon. Sa lettre du 20 avril 1072, écrite à M. le cardinal Sigismond, montre assez combien il approuva ce livre, puisqu'il dit qu'il n'y a pas seulement « une ombre de faute; et que si l'auteur souhaite qu'il soit imprimé à Rome, il donnera toutes les permissions nécessaires, sans y changer la moindre parole. »

En effet M. l'abbé Nazari, célèbre par son Journal des Savants, qu'il fait avec tant de politesse et d'exactitude, travailla dès lors à une version italienne que M. le cardinal d'Estrées faisait revoir, et dont il prenait lui-même la peine de revoir quelques endroits principaux, afin qu'elle fût entièrement conforme à l'original.

Le livre était déjà tourné en anglais par feu M. l'abbé de Montaigu, dont tout le monde a connu le zèle et la vertu, et il a eu plusieurs témoignages que sa version était bien reçue de tous les catholiques d'Angleterre. Cette version fut imprimée en 1072. Et en 1075 il se fit encore une version irlandaise du même livre, qui fut imprimée à Rome de l'impression de la congrégation De propagande: Fide.

Le R. P. Porter, de l'Ordre de Saint-François, et supérieur du couvent de Saint-Isidore, auteur de cette version, avait déjà fait imprimer à Rome même un livre latin, intitulé Securis evangelica, où une grande partie du traité de l’ Exposition était insérée pour prouver que les sentiments de l'Eglise fidèlement exposés, loin de renverser les fondements de la foi, les établissaient invinciblement.

Cependant on travaillait à la version italienne avec toute l’exactitude que méritait une matière si importante, où un seul mot mal rendu pouvait gâter tout l'ouvrage, et le R. P. Raimond Capisucchi, Maître du sacré Palais, donna sa permission pour l'imprimer

 

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dès l'an 1675, comme il paraît par une réponse qu'il fait du 27 juin de la même année à M. de Condom, qui l'en avait remercié.

Ce prélat, qui avait appris de divers endroits d'Allemagne que le traité y avait été approuvé, en reçut un plus ample témoignage par une lettre du 27 avril 1073, de M. l'évêque et prince de Paderborn, pour lors coadjuteur et depuis évêque de Munster, où ce prélat, dont le nom seul porte la louange, marquait qu'il faisait traduire l'ouvrage en latin, pour le répandre partout, et principalement en Allemagne. Mais les guerres survenues, ou d'autres occupations ayant retardé cette traduction, M. l'évêque de Castorie, vicaire apostolique dans les Etats des Provinces-Unies, souhaita de faire imprimer une version latine que l'auteur avait revue, et l'impression s'en fit à Anvers en 1078.

Un peu après et dans la même année, par les soins de cet évêque, le traité fut encore imprimé à Anvers en langue flamande, avec l'approbation des théologiens et de l'ordinaire des lieux ; et ce prélat, qui fait lui-même de si beaux ouvrages, jugea celui-ci utile à l'instruction de son peuple.

M. l'évêque et prince de Strasbourg, à qui les malheurs de la guerre ne faisaient point oublier le soin de son troupeau, conçut dans ce même temps le dessein de faire traduire ce livre en allemand, avec une lettre pastorale adressée à ses diocésains ; et ayant rendu compte au Pape de ce dessein, Sa Sainteté lui fit dire, « qu'elle connaissait ce livre il y avait déjà longtemps ; et que comme on lui rapportait de tous côtés qu'il faisait beaucoup de conversions, la traduction ne pouvait manquer d'en être utile à son peuple. »

La version italienne fut achevée avec une fidélité et une élégance à laquelle il ne se peut rien ajouter. M. l'abbé Nazari la dédia aux cardinaux de la congrégation De propagandà Fide, par l'ordre desquels elle parut dans la même année 1678, imprimée à l'imprimerie de cette congrégation.

 

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On mit à la tête de cette version la lettre du cardinal Bona, dont la minute fut trouvée à Rome entre les mains de son secrétaire, avec les approbations de M. l'abbé Ricci, consulteur du saint Office; du R. P. M. Laurent Rrancati de Laurea, religieux de l'Ordre de Saint-François, consulteur et qualificateur du saint Office, et bibliothécaire de la bibliothèque Vaticane ; et de M. l'abbé Gradi, consulteur de la congrégation dell’ Indice, et bibliothécaire de la bibliothèque Vaticane : c'est-à-dire des premiers hommes de Rome en piété et en savoir.

Le livre fut présenté au Pape, à qui la version latine avait déjà été présentée. Il eut la bonté de faire écrire à l'auteur par M. l'abbé de Saint-Luc qu'il en était satisfait, ce qu'il a répété plusieurs fois à M. l'ambassadeur de France.

L'auteur, qui semblait n'avoir plus rien à désirer après une telle approbation, en fit avec un profond respect ses très-humbles remerciements au Pape, par une lettre du 22 novembre 1678, dont il reçut réponse par un bref de Sa Sainteté du 4 janvier 1679, qui contient une approbation si expresse de son livre, que personne ne peut plus douter qu'il ne contienne la pure doctrine de l'Eglise et du Saint-Siège.

Après cette approbation, il n'eût plus été nécessaire de parler des autres : mais on est bien aise de faire voir comment ce livre, que les ministres menaçaient d'une si grande contradiction dans l'Eglise, et qu'ils croyaient si contraire à sa doctrine commune, a passé pour ainsi dire naturellement par tous les degrés d'approbation, jusqu'à celle du Pape même, qui confirme toutes les autres.

Messieurs de la religion prétendue réformée peuvent voir maintenant combien on les abusait, quand on leur disait (1) « qu'on savait une personne catholique qui écrivait contre l'Exposition de M. de Condom. » Ce serait certainement une chose rare, que ce bon catholique, que les catholiques n'ont jamais connu, eût été faire confidence aux ennemis de l'Eglise de l'ouvrage qu'il

 

1 An., Avertiss., p. 23.

 

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méditait contre un évêque de sa communion. Mais il y a trop longtemps que cet écrivain imaginaire se fait attendre; et les prétendus réformés seront de facile créance, s'ils se laissent dorénavant amuser par de semblables promesses.

Ainsi une des questions qu'il s'agissait de vider, au sujet de l’Exposition, est entièrement terminée. On n'a plus besoin de réfuter les ministres qui soutenaient que la doctrine de l'Exposition n'était pas celle de l'Eglise. Le temps et la vérité ont réfuté leurs sentiments d'une manière qui ne souffre point de réplique.

M. Noguier, pour être assuré que M. de Condom a bien expliqué la croyance catholique, voulait entendre parler l'oracle de Rome. « Je ne fais pas, dit-il, (1) un grand fondement sur l'approbation que Messieurs les évêques ont donnée par écrit. Les autres docteurs ne manquent pas de pareilles approbations ; et après tout il faut que l'oracle de Rome parle sur les matières de la foi. L'anonyme a eu la même pensée ; et tous deux ont supposé qu'il n'y aurait plus de procès à faire sur ce sujet à M. de Condom; quand cet oracle aurait parlé. Il a parlé cet oracle que toute l'Eglise catholique « écouté avec respect dès l'origine du christianisme ; et sa réponse a fait voir que ce qu'avait dit ce prélat n'a rien de nouveau ni de suspect, rien enfin qui ne soit reçu dans toute l'Eglise.

Mais en vidant cette question; la décision des autres se trouve insensiblement bien avancées.

M. de Condom a soutenu que la doctrine catholique n'avait jamais été bien entendue par les prétendus réformés, et que les auteurs de leur schisme leur avaient grossi les objets, afin d'exciter leur haine. La chose ne peut maintenant recevoir de difficulté, puisqu'il est constant d'un côté que le livre de l’Exposition leur propose la foi catholique dans sa pureté, et de l'autre qu'elle leur a paru moins étrange qu'ils ne se l'étaient figurée.

Que s'ils reconnaissent que leurs prétendus réformateurs, pour

 

1 Nog., p. 41.

 

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les animer contre l'Eglise où leurs ancêtres avaient servi Dieu, et où ils avaient eux-mêmes reçu le baptême, ont eu besoin de recourir à des calomnies qui paraissent maintenant insoutenables ; comment peuvent-ils se dispenser d'en venir à un nouvel examen? et comment ne craignent-ils pas de persévérer dans un schisme qui est fondé manifestement sur de faux principes, même dans les choses principales ?

Ils ont cru, par exemple, être bien fondés à se séparer de l'Eglise, sous prétexte qu'en enseignant le mérite des bonnes œuvres, elle détruisait la justification gratuite et la confiance que le chrétien doit avoir en Jésus-Christ seul. C'est principalement sur cet article qu'a été fondée leur rupture. L'anonyme se contente de dire que l'article de la justification est un des principaux qui ont donné lieu à la réformation (1). » Mais M. Noguier tranche plus net. « Ceux, dit-il, qui ont été les auteurs de notre réformation, ont eu raison de proposer l'article de la justification, comme le principal de tous, et comme le fondement le plus essentiel de leur rupture (2). » Maintenant donc que M. de Condom leur dit avec toute l'Eglise, « qu'elle croit n'avoir de vie, et qu'elle n'a d'espérance qu'en Jésus-Christ seul; qu'elle demande tout, qu'elle espère tout ; qu'elle rend grâces de tout par Notre-Seigneur Jésus-Christ ; enfin qu'elle met en lui toute l'espérance du salut (3) : » que demande-t-on davantage? Elle dit « que tous nos péchés nous sont pardonnes par une pure miséricorde, à cause de Jésus-Christ; que nous devons à une libéralité gratuite la justice qui est en nous parle Saint-Esprit; et que toutes les bonnes œuvres que nous faisons, sont autant de dons de la grâce (4). » L'auteur de l'Exposition, qui enseigne cette doctrine, ne l'enseigne pas comme sienne : à Dieu ne plaise. Il l'enseigne comme la doctrine claire et manifeste du saint concile de Trente ; et le Pape approuve son livre. Après cela on dira encore que le concile de Trente et l'Eglise  romaine renversent la justification gratuite, et la confiance que le

 

1 An., p. 86. — 2 Nog., p. 83. — 3 Expos., n. 7. — 4 Expos., ibid.

 

 

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fidèle doit avoir en Jésus-Christ seul : est-ce une chose supportable? et quand nous nous tairions, les pierres ne crieront-elles pas qu'on nous fait tort?

Aussi faut-il avouer, comme il a été remarqué dans l'Exposition (1) que les disputes qu'ont excitées les prétendus réformés sur un point si capital, sont de beaucoup diminuées, pour ne pas dire tout à fait anéanties. Personne n'en doutera, si on considère ce qu'a écrit l'anonyme sur le mérite des œuvres, avec l'approbation de quatre ministres de Charenton. « Nous reconnaissons, dit-il, de bonne foi que M. de Condom, et ceux de l'Eglise romaine qui font paraître des sentiments plus purs sur la grâce, parlent presque partout comme nous. Nous convenons avec eux du principal (2). » Mais puisqu'il promettait tant de bonne foi, il devait donc reconnaître que M. de Condom, qu'il fait ici d'une secte particulière, n'a pas dit un mot sur le mérite des œuvres qui ne fût tiré du concile. Il a dit «que la vie éternelle doit être proposée aux enfants de Dieu, et comme une grâce qui leur est miséricordieusement promise par le moyen de notre Sauveur Jésus-Christ, et comme une récompense qui est fidèlement rendue à leurs bonnes œuvres et à leurs mérites, en vertu de cette promesse. » Il a dit a que les mérites sont des dons de Dieu. » Il a dit « que nous ne pouvons rien par nous-mêmes, mais que nous pouvons tout avec celui qui nous fortifie, et que toute notre confiance est en Jésus-Christ : » et le reste, qu'on pourra voir en son lieu. C'est par là qu'il a satisfait les prétendus réformés, et leur a fait dire qu'ils étaient d'accord avec lui du principal. Comme donc ces propositions sont tirées de mot à mot du concile, ils ne peuvent plus s'empêcher de reconnaître qu'on a fait cesser te principal sujet de leurs plaintes, en proposant seulement les décrets et les propres termes de ce concile tant haï et tant blâmé parmi eux.

Qu'est-ce qui les choque le plus dans les satisfactions que l'Eglise exige des fidèles, si ce n'est l'opinion qu'ils ont que les catholiques

 

1 Expos., n. 7. — 2 An., p. 104. — 3 Expos., n. 7.

 

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regardent celle de Jésus-Christ comme insuffisante? Nieront-ils que leurs catéchismes et leurs confessions de foi ne s'appuient sur ce fondement? Que diront-ils donc maintenant que l'auteur de l'Exposition leur crie avec toute l'Eglise, que «  Jésus-Christ Dieu et homme était seul capable, par la dignité infinie de sa personne, d'offrir à Dieu pour nos péchés une satisfaction suffisante ; que cette satisfaction est infinie ; que le Sauveur a payé le prix entier de notre rachat; que rien ne manque à ce prix, puisqu'il est infini ; et que les réserves de peines qu'il fait dans la pénitence, ne proviennent d'aucun défaut du paiement, mais d'un certain ordre qu'il a établi pour nous retenir par de justes appréhensions et par une discipline salutaire (1) ? »

Ces choses et toutes les autres, qui font dire à l'anonyme que l'auteur exténue la doctrine de la satisfaction, et qu'il retourne à l’arche comme la colombe, sont la pure doctrine de l'Eglise et du concile.de Trente, reconnue pour telle par le Pape même. Comment donc veut-on faire croire qu'elle regarde comme un supplément de la satisfaction de Jésus-Christ ce qu'elle donne seulement comme un moyen de l'appliquer ; et en quelle sûreté de conscience les prétendus réformés ont-ils pu, sous de si fausses présuppositions, violer la sainte unité que Jésus-Christ a tant recommandée à son Eglise ?

Ils regardent avec horreur le sacrifice de nos autels, comme si on y faisait mourir Jésus-Christ encore une fois. Qu'a fait l'auteur de l’ Exposition, pour diminuer cette horreur injuste, que de leur représenter fidèlement la doctrine de l'Eglise ? Il leur a dit que ce sacrifice est de nature à n'admettre qu'une mort mystique et spirituelle de notre adorable victime (2), qui demeure toujours impassible et immortelle; et que bien loin de diminuer la perfection infinie du sacrifice de la croix, « il est établi seulement pour en célébrer la mémoire et en appliquer la vertu (3). » L'anonyme assure sur cela que M. de Condom exténue la doctrine de

 

1 Expos., n. 8. — » Expos., n. 12. — 8 Ibid.

 

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l'Eglise catholique ; et M. Noguier assure aussi qu'il n'en a pas exposé la vérité (1). Cependant il n'a fait que suivre la doctrine du concile, dont il a produit les propres termes (2) ; et toute l'Eglise approuve son Exposition. Qui ne voit donc qu'elle n'a semblé plus accommodante et plus adoucie aux prétendus réformés, qu'à cause qu'ils n'y trouvent plus les monstres qu'ils s'y étaient figurés?

L'anonyme nous a dit lui-même que « l'article de l'invocation des Saints est un dès plus essentiels de la religion (3). » C'est aussi un de ceux où il lui paraît que M. de Condom « adoucit le plus les dogmes de son Eglise; » car il l'en accuse jusqu'à trois fois (4). Mais qu'a dit M. de Condom ? Ce que dit le Catéchisme du concile, ce que dit le concile même et la confession de foi qui en est tirée, ce que disent tous les catholiques, « que les Saints offrent des prières pour nous (5) ; » voilà ce que dit la confession de foi , « qu'ils les offrent par Jésus-Christ; » voilà ce que dit le concile : en un mot, que nous les prions dans le même esprit que nous prions «nos frères qui sont sur la terre, de prier avec nous et pour nous notre commun Maître, au nom de notre commun Médiateur, qui est Jésus-Christ (6).» Voilà ce qu'a tiré M. de Condom du concile, du Catéchisme, de tous les actes publics de l'Eglise catholique; et c'est pourquoi sa doctrine a été si approuvée.

Cette réponse suffit pour renverser par les fondements ce qui a causé tant d'horreur aux prétendus réformés.

Leur catéchisme nous accuse «d'idolâtrie, à cause que par le recours que nous avons aux Saints, nous mettons en eux une partie de notre confiance, et leur transférons ce que Dieu s'est réservé (7). »

Mais au contraire, il paraît qu'en priant les Saints, nous les prions seulement de prier pour nous; prière qui par sa nature ne se peut jamais adresser à l'Être indépendant, loin qu'il se la soit

 

1 Nog., p. 286. — 2 Expos., ibid. — 3 An., p. 61. — 4 An., p. 24, 35; Rép., p. 24. — 5 Expos., n. 4. — 6 Ibid. — 7 Catéch., Dim. 34.

 

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réservée. Que si cette forme de prier : Priez pour nous, diminuait la confiance qu'on a en Dieu, elle ne serait pas moins condamnable envers les vivons qu'envers les morts; et saint Paul n'aurait pas dit si souvent : « Mes frères, priez pour nous (1). » Toute l'Ecriture est pleine de prières de cette nature.

Mais, dit leur confession de foi, c'est renverser la médiation de Jésus-Christ, « qui nous commande de nous retirer privément en son nom vers son Père (2). » Comment le peut-on penser, puisque les Saints qui sont au ciel, non plus que les fidèles qui sont sur la terre, n'interviennent pas par eux-mêmes, ni en leur propre nom, mais au nom de Jésus-Christ, comme l'enseignent tous les catholiques après le concile (3)?

Ainsi l'Eglise catholique n'a qu'à déclarer, comme elle fait, que son intention n'a jamais été de demander autre chose aux Saints que d'humbles prières faites au nom de Jésus-Christ, et de la nature de celles que les fidèles font sur la terre les uns pour les autres : ce peu de mots convaincront éternellement les prétendus réformés d'avoir eu pour elle une haine injuste.

Aussi M. Noguier nous déclare-t-il, « que quoi qu'en dise M. de Condom, il ne se persuadera jamais que l'Eglise romaine n'ait point d'autre intention, en disant qu'il est utile d'invoquer les Saints, si ce n'est que nous leur demandions le secours de leurs prières, comme l'on demande celui des fidèles qui vivent parmi nous (4) » Que dira-t-il maintenant qu'il voit l'Eglise romaine approuver si visiblement ce qu'en effet M. de Condom n'a fait que puiser dans la croyance universelle de sa communion? Mais « pourquoi donc, poursuit M. Noguier, les catholiques demandent-ils, non les prières seulement, mais l'aide, la protection et le secours de la Vierge et des Saints (5), comme si ce n'était pas une sorte d'aide, de secours et de protection, » que de recommander des malheureux à celui qui seul les peut soulager? Telle est la

 

1 I Thess., V, 25; II Thess., III, 1; Hebr., XIII, 18. — 2 Confess., art. 24. — 3 Expos., n. 4. — 4 Nog., p. 54. — 5 Nog., p. 57.

 

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protection que nous pouvons recevoir de la sainte Vierge et des Saints. Ce n'est pas un petit secours d'être aidé de leurs prières, puisqu'elles sont tout ensemble si humbles, si agréables et si efficaces. Mais pourquoi disputer des mots, puisque la chose est constante? L'Exposition produit aux ministres des témoignages certains, où il paraît «qu'en quelques termes que soient conçues les prières que nous adressons aux Saints, l'intention de l'Eglise et de ses fidèles les réduit toujours à cette forme : Priez pour nous (1). » N'importe, les ministres « ne se le persuaderont jamais. » Il faudrait rayer dans leurs catéchismes et dans leur profession de foi ces accusations d'idolâtrie dont elles sont pleines; il faudrait retrancher de leurs prêches tant d'invectives sanglantes qui n'ont que ce fondement : ils ne peuvent s'y résoudre ; et quelque déclaration que nous puissions faire de nos sentiments, ils n'en croiront ni le concile, ni son Catéchisme, ni notre confession de foi, ni les évêques, ni le Pape même.

Il n'est pas besoin de répéter ce qui est dit dans l’Exposition (2) sur les autres objections, principalement sur celle où l'on accuse l'Eglise d'attribuer aux Saints une science et une puissance divine, pendant qu'elle enseigne qu'ils ne savent ni ne peuvent rien par eux-mêmes. Mais le reproche d'idolâtrie a encore un autre fondement , qu'on accuse M. de Condom d'avoir exténué (3) comme les autres. C'est l'article des images, où toutefois il n'a cherché aucun autre adoucissement que d'avoir fidèlement exposé le sentiment de l'Eglise.

Il n'en faut pas davantage pour faire évanouir tout le soupçon d'idolâtrie selon les propres principes des prétendus réformés, et ils n'ont pour cela qu'à confronter avec la doctrine de leur catéchisme celle du concile de Trente représentée dans l’Exposition.

Leur catéchisme demande si dans ce précepte : « Tu ne te feras image taillée, » Dieu défend de faire aucune image. Il répond que « non, mais que Dieu défend seulement d'en faire, ou pour

 

1 Expos., n. 4. — 2 Ibid. — 3 An., Avertiss., p. 24; Rép., p. 65.

 

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figurer Dieu, ou pour adorer (1). » Voilà les deux choses qu'ils croient condamnées dans ce précepte du Décalogue.

Peut-être nous feront-ils la justice de croire que nous ne prétendons pas figurer Dieu ; et que s'ils voient dans quelques tableaux le Père éternel dans la forme où il lui a plu de paraître si souvent à ses prophètes, nous ne prétendons non plus déroger à sa nature invisible et spirituelle que lui-même, quand il s'est montré sous cette forme. Le concile leur explique assez sur ce sujet, « qu'on ne prétend pas pour cela figurer ou exprimer la Divinité ,... ni lui donner de couleurs (2) ; » et je croirais leur faire tort d'en venir à un plus grand éclaircissement.

Passons donc à la seconde partie de leur doctrine, et apprenons de leur catéchisme « quelle forme d'adoration est condamnée. C'est, dit la Réponse, de se prosterner devant une image pour faire son oraison, de fléchir le genou devant elle, ou faire quelque autre signe de révérence, comme si Dieu se démontrait là à nous. » Voilà en effet Terreur des Gentils et le propre caractère de l'idolâtrie. Mais qui croit avec le concile « que les images n'ont ni divinité ni vertu pour laquelle on les doive révérer (3) ; » et qui en met toute la vertu à rappeler la mémoire des originaux, ne croit pas que Dieu « s'y démontre à nous. » Il n'est donc pas idolâtre de l'aveu des prétendus réformés, et selon la propre définition de leur Catéchisme.

L'anonyme semble avoir senti cette vérité à l'endroit où, nous objectant ce commandement du Décalogue, il dit lui-même que Dieu « défend de faire des images et de les servir (4). » Il a raison. Les paroles de ce précepte sont expresses : et les images dont il y est parlé sont celles qu'il est défendu de faire, aussi bien que de servir, c'est-à-dire, selon l'explication de son Catéchisme, celles qui sont faites « pour figurer Dieu, celles qui sont faites pour le démontrer présent, » et qu'on sert dans cet esprit comme pleines de divinité. Nous n'en faisons, ni n'en souffrons de cette

 

1 Dim. 23. — 2 Sess. xxv. — 3 Expos., n. 5. — 4 P. 67.

 

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sorte. Nous ne servons pas les images ; à Dieu ne plaise : mais nous nous servons des images pour nous élever aux originaux. Notre concile, si odieux à l'Eglise prétendue réformée, ne nous en apprend pas un autre usage : en est-ce assez pour dire, comme elle fait dans sa propre Confession de foi (1), que « toutes sortes d'idolâtries ont vogue dans l'Eglise romaine ? » Est-ce pour cela que sa discipline nous appelle les Idolâtres (2), et notre religion l'Idolâtrie (3) ? Sans doute ils ont autre chose que notre doctrine dans l'esprit, quand ils nous donnent le nom de Gentils : ils croient que nous suivons leurs abominables erreurs, et que nous croyons comme eux que Dieu se démontre à nous dans les images.

Sans ces funestes préjugés, sans ces noires idées qu'ils se forment des sentiments de l'Eglise, des chrétiens n'auraient jamais cru que baiser la croix en mémoire de celui « qui a porté nos iniquités sur le bois (4), » fût un crime si détestable, ni qu'une démonstration si simple et si naturelle des sentiments de tendresse que ce pieux objet tire de nos cœurs, nous dût faire considérer comme si nous adorions Baal, ou les veaux d'or de Samarie.

Dans cette étrange préoccupation des prétendus réformés, le Traité de l’Exposition leur devait paraître, comme en effet il leur a paru, un livre plein d'artifice, qui ne faisait qu'adoucir et exténuer les sentiments catholiques. Maintenant qu'ils voient clairement que tout l'artifice de ce livre est de démêler les sentiments qu'on a imputés à l'Eglise d'avec ceux dont elle fait profession, comme tout l'adoucissement qu'il apporte dans la doctrine est de lui avoir ôté le masque affreux dont les ministres la couvrent, qu'ils confessent que cette Eglise n'était pas digne de l'horreur qu'ils ont eue pour elle, et qu'elle mérite du moins d'être écoutée.

Il ne faut plus qu'ils accusent le Pape ni le Saint-Siège de diminuer l'adoration qui est due à Dieu, ni la confiance que le chrétien doit établir en sa bonté seule par Notre-Seigneur Jésus-

 

1 Art. 28. — 2 Discip., art. 11,13. — 3 Art. 42. — 4 I Petr., II, 24.

 

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Christ, puisqu'ils voient sans aller plus loin que le Traité de l'Exposition, qui n'est fait que pour expliquer ces deux vérités, a reçu dans Rome et du Pape même une approbation si authentique.

Cela étant, ils auront honte du titre qu'ils donnent au Pape. On n'y peut penser sans horreur, ni entendre sans étonnement que les prétendus réformés, qui se vantent de suivre l'Ecriture de mot à mot, voyant que l'apôtre saint Jean qui a seul nommé l'Antéchrist, nous répète trois ou quatre fois que « l'Antéchrist est celui qui nie que Jésus-Christ soit venu en chair (1), » osent seulement penser que celui qui enseigne si pleinement le mystère de Jésus-Christ, c'est-à-dire sa divinité, son incarnation, la surabondance de ses mérites, la nécessité de sa grâce et la confiance absolue qu'il y faut avoir, ne laisse pas d'être l'Antéchrist que saint Jean nous a désigné.

Mais on objecte aux papes qu'ils sont « ce méchant et cet homme d'iniquité qui s'est assis dans le temple de Dieu et se fait adorer comme Dieu (2), » eux qui se confessent non-seulement mortels, mais pécheurs; qui disent tous les jours avec tous les autres fidèles : « Pardonnez-nous nos offenses ; » et qui n'approchent jamais de l'autel, sans confesser leurs péchés et sans dire dans la partie la plus sainte du sacrifice, qu'ils espèrent la vie éternelle, « non par leurs mérites, mais par la bonté de Dieu, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ (3). »

Il est vrai qu'ils soutiennent la primauté que Jésus-Christ leur a donnée en la personne de saint Pierre : mais c'est par là qu'ils avancent l'œuvre de Jésus-Christ même; œuvre de charité et de concorde, qui n'eût jamais été parfaitement accomplie, si l'Eglise universelle et tout l'ordre épiscopal n'avait sur la terre un chef du gouvernement ecclésiastique pour faire agir les membres en concours, et consommer dans tout le corps le mystère de l'unité

 

1 I Joan., II, 22; IV, 3; 11 Joan., 7. — 2 II Thess., II, 3, 4. — 4 Canon de la messe.

 

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tant recommandée par le Fils de Dieu. Ce n'est rien dire que de répondre que l'Eglise a dans le ciel son Chef véritable qui l'unit en l'animant de son Saint-Esprit : qui en doute? Mais qui ne sait que cet Esprit, qui dispose tout avec autant de douceur que d'efficace, sait préparer des moyens extérieurs proportionnés à ses desseins? Le Saint-Esprit nous enseigne et nous gouverne au dedans : c'est pour cela qu'il établit des pasteurs et des docteurs qui agissent au dehors. Le Saint-Esprit unit le corps de l'Eglise et le gouvernement ecclésiastique : c'est pour cela qu'il met à la tête un Père commun et un économe principal qui gouverne toute la famille de Jésus-Christ. Nous prenons ici à témoin la conscience de Messieurs de la religion prétendue réformée. Dans ce siècle malheureux où tant de sectes impies tâchent de saper peu à peu les fondements du christianisme, et croient que c'est assez d'avoir seulement nommé Jésus-Christ, pour ensuite introduire dans le sein de la Chrétienté l'indifférence des religions et l'impiété manifeste, qui ne voit l'utilité d'avoir un Pasteur qui veille sur le troupeau, et qui soit autorisé d'en-haut pour exciter tous les autres, dont la vigilance se relâcherait? Qu'ils nous disent de bonne foi, si ce ne sont pas les sociniens, les anabaptistes, les indépendants, ceux qui sous le nom de la liberté chrétienne veulent établir l'indifférence des religions, et tant d'autres sectes pernicieuses qu'ils improuvent aussi bien que nous, qui s'élèvent avec le plus d'ardeur contre le Siège de saint Pierre, et qui crient le plus haut que son autorité est tyrannique. Je ne m'en étonne pas : ceux qui veulent diviser l'Eglise, ou la surprendre, ne craignent rien tant que de la voir marcher contre eux sous un même chef comme une armée bien rangée. Ne faisons querelle à personne, mais songeons seulement d'où viennent les livres où cette dangereuse licence et ces doctrines antichrétiennes sont enseignées : du moins on ne niera pas que le Siège de Rome, par sa propre constitution, ne soit incompatible avec toutes ces nouveautés; et quand nous ne saurions pas par l'Evangile que la

 

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primauté de ce Siège nous est nécessaire, l'expérience nous en convaincrait. Au reste il ne faut pas s'étonner si l'on a approuvé sans peine l'auteur de l'Exposition, qui met l'autorité essentielle de ce Siège dans les choses dont on est d'accord dans toutes les écoles catholiques. La Chaire de saint Pierre n'a pas besoin de disputes : ce que tous les catholiques y reconnaissent sans contestation, suffît à maintenir la puissance, qui lui est donnée pour édifier, et non pour détruire. Les prétendus réformés ne devraient plus avoir ces vains ombrages dont on leur fait peur. Que leur sert d'aller rechercher dans les histoires les vices des Papes? Quand ce qu'ils en racontent serait véritable, est-ce que les vices des hommes anéantiront l'institution de Jésus-Christ et le privilège de saint Pierre? L'Eglise s'élèvera-t-elle contre une puissance qui maintient son unité, sous prétexte qu'on en aura abusé? Les chrétiens sont accoutumés à raisonner sur des principes plus hauts et plus véritables, et ils savent que Dieu est puissant pour maintenir son ouvrage au milieu de tous les maux attachés à l'infirmité humaine.

Nous conjurons donc Messieurs de la religion prétendue réformée, par la charité qui est Dieu même et par le nom chrétien qui nous est commun, de ne plus juger de la doctrine de l'Eglise par ce qu'on leur en dit dans leurs prêches et dans leurs livres, où l'ardeur de la dispute et la prévention, pour ne rien dire de plus, font souvent représenter les choses autrement qu'elles ne sont; mais d'écouter cette Exposition de la doctrine catholique. C'est on ouvrage de bonne foi, où il ne s'agit pas tant de disputer que de dire nettement ce qu'on croit; et où pour voir combien l'auteur a procédé simplement, il n'y a qu'à considérer son dessein.

Il a promis dès l'entrée, 1° de proposer les vrais sentiments de l'Eglise catholique, et « de les distinguer de ceux qui lui ont été faussement imputés (1). »

2° Afin qu'on ne doutât pas qu'il ne proposât véritablement les

 

1 Expos., n. 1.

 

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sentiments de l'Eglise, il a promis de les prendre « dans le concile de Trente, où l'Eglise a parlé décisivement sur les matières dont il s'agit, »

3° Il a promis de proposer à Messieurs de la religion prétendue réformée, non en général toutes les matières, mais « celles qui les éloignent le plus de nous ; » et pour parler plus précisément, celles dont « ils ont fait le sujet de leur rupture. »

4° Il a promis que ce « qu'il dirait, pour faire mieux entendre les décisions du concile, serait approuvé dans l'Eglise, et manifestement conforme à la doctrine du même concile. »

Tout cela paraît simple et droit. Et premièrement personne ne peut trouver étrange qu'on distingue les sentiments de l'Eglise d'avec ceux qui lui sont faussement imputés. Quand on s'échauffe démesurément faute de s'entendre, et que de fâcheux préjugés causent de grandes disputes, il n'y a rien de plus naturel, ni rien de plus charitable que de s'expliquer nettement. Les saints Pères ont pratiqué un moyen si doux et si innocent de ramener les esprits. Pendant que les ariens et les demi-ariens décriaient le symbole de Nicée et la consubstantialité du Fils de Dieu par les fausses idées qu'ils y attachaient, saint Athanase et saint Hilaire, les deux plus illustres défenseurs de la foi de Nicée, leur représentaient le sens véritable du concile; et saint Hilaire leur disait : « Condamnons tous ensemble les mauvaises interprétations ; mais ne détruisons pas la sûreté de la foi… Le consubstantiel peut être mal entendu : Etablissons de quelle manière on pourra le bien entendre… Nous pouvons poser entre nous l'état véritable de la foi, si on ne renverse pas ce qui a été bien établi et qu'on ôte la fausse intelligence (1). »

C'est la charité elle-même qui dicte de telles paroles, et qui suggère de tels moyens de réunir les esprits. Nous pouvons dire de même à Messieurs de la religion prétendue réformée : Si le mérite des œuvres, si les prières adressées aux Saints, si le sacrifice

 

1 Hilar., lib. de Syn., n. 88, 91, col. 1201, 1202 et 1205.

 

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de l'Eucharistie et ces humbles satisfactions des pénitents qui tâchent d'apaiser Dieu, en vengeant volontairement sur eux-mêmes par des exercices laborieux sa justice offensée; si ces termes que nous tenons d'une tradition qui a son origine dans les premiers siècles, faute d'être bien entendus; vous offensent, l'auteur de l’Exposition se présente à vous pour vous en donner la simple et naturelle intelligence, que l'Eglise catholique a toujours fidèlement conservée. Il ne dit rien de lui-même; il n'allègue pas des auteurs particuliers; et afin qu'on ne puisse le soupçonner d'altérer les sentiments de l'Eglise, il les prend dans les propres termes du concile de Trente, où elle s'est expliquée sur les matières dont il s'agit. Qu'y avait-il de plus raisonnable?

C'est la seconde chose qu'il avait promise, et en cela il n'a fait que suivre l'exemple des prétendus réformés. Ces Messieurs se plaignent, aussi bien que nous, qu'on entend mal leur doctrine; et le moyen qu'ils proposent pour s'en éclaircir n'est pas différent de celui dont se sert M. de Condom. Leur synode de Dordrecht demande « qu'on juge de la foi de leurs églises, non par des calomnies qu'on ramasse deçà et delà, ou par les passages des auteurs particuliers, que souvent on cite de mauvaise foi, ou qu'on détourne à un sens contraire à l'intention des auteurs; mais par les confessions de foi des églises, par la déclaration de la doctrine orthodoxe qui a été faite unanimement dans ce synode (1). »

C'est donc des décrets publics qu'il faut apprendre la foi d'une Eglise, et non des auteurs particuliers, qui peuvent être mal allégués, mal entendus, et même mal expliquer les sentiments de leur religion. C'est pourquoi pour exposer aux prétendus réformés ceux de la nôtre, il n'y avait qu'à produire les décisions du concile de Trente.

Je sais que le nom seul de ce concile choque ces Messieurs; et l'anonyme témoigne souvent ce chagrin (2). Mais que lui servent

 

1 Conclusio synodi Dordr., in Syntagm. Confess. fidei; édit. Genev., part. II, p. 46. — 2 Anon., p. 7.

 

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ses reproches? Il ne s'agit pas ici de justifier le concile : il suffit, pour l'usage qu'en a voulu faire l'auteur de l'Exposition, que la doctrine de ce concile soit reçue sans contestation par toute l'Eglise catholique, et que sur les matières controversées elle ne reconnaisse point d'autres décisions que les siennes.

Les prétendus réformés ont toujours voulu faire croire que ces décisions étaient ambiguës; et l'anonyme nous reproche encore « qu'elles peuvent recevoir un double et un triple sens » Ceux qui n'ont lu ce concile que dans les invectives des ministres et dans l'histoire de Fra Paolo, son ennemi déclaré, le croiront ainsi : mais un mot les va satisfaire. Il est vrai qu'il y a eu des matières que le concile n'a pas voulu décider; et ce sont celles dont la tradition n'était pas constante, et dont on disputait dans les écoles : il avait raison de les laisser indécises.

Mais pour celles qu'il a décidées, il a parlé si précisément, que parmi tant de décrets de ce concile, qui sont produits dans le livre de l’Exposition, l'anonyme n'en a pu remarquer un seul où il ait trouvé ces doubles et ces triples sens qu'il nous objecte. En effet on n'a qu'à les lire; on verra qu'ils n'ont aucune ambiguïté et qu'on ne peut pas s'expliquer plus nettement.

On peut mettre à la même épreuve l'Exposition elle-même; et par là on pourra juger si l'anonyme a raison de reprocher à l'auteur de ce Traité « ces termes vagues et généraux dont il enveloppe , dit-il, les choses les plus difficiles (2). »

La troisième chose qu'a promise l'auteur de l’Exposition, c'est de traiter les matières qui ont donné sujet à la rupture. C'est précisément ce qu'il fallait faire. Il n'y a personne qui ne sache que dans les disputes il y a toujours certains points capitaux auxquels les esprits s'arrêtent. C'est à ceux-là que doit s'attacher celui qui songe à finir ou à diminuer les contestations. Aussi l'auteur de l'Exposition a-t-il déclaré d'abord aux prétendus réformés, qu'il leur exposerait les matières dont ils ont fait le sujet de

 

1 Anon., p. 11, 12. — 2 Avert, p. 24; Rép., p. 12.

 

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leur rupture (1); et afin qu'il n'y eût aucune surprise, il déclare encore à la fin, « que pour s'attacher à ce qu'il y a de principal, il laissait quelques questions que Messieurs de la religion prétendue réformée ne regardaient pas comme un sujet légitime de rupture (2). » Il a fidèlement tenu sa parole, et les seuls titres de l’Exposition peuvent faire voir qu'il n'a omis aucun de ces articles principaux.

Ainsi l'anonyme ne devait pas dire que « M. de Condom a des termes choisis pour passer à côté des difficultés qui lui font le plus de peine ; qu'il laisse plusieurs questions ; et se hâte de passer à celle de l'Eucharistie, où il a cru pouvoir s'étendre avec moins de désavantage (3). »

Quelle idée il voudrait donner du livre de l’Exposition ! Mais elle se détruit par elle-même. On voit assez que M. de Condom devait s'étendre sur la matière de l'Eucharistie, non parce qu'il croyait le pouvoir faire avec moins de désavantage, mais parce que cette matière est en effet la plus difficile et la plus remplie de grandes questions. Ainsi il se trouvera qu'il traite les choses avec plus ou moins d'étendue, selon qu'elles paraissent plus ou moins embarrassantes, non à lui, mais à ceux pour qui il écrit. Que s'il est vrai qu'il passe à côté des difficultés qui lui font le plus de peine, il demeurera pour constant que celles qui lui en font le moins, sont justement les plus essentielles, et celles où les prétendus réformés se sont toujours crus les plus forts. Il a traité du culte qui est dû à Dieu, des prières que nous adressons aux Saints, de l'honneur que nous leur rendons, aussi bien qu'à leurs reliques et à leurs images. Il a parlé de la grâce qui nous justifie, du mérite des bonnes œuvres, de la nécessité des œuvres satisfactoires, du purgatoire et des indulgences, de la confession et de l'absolution sacramentale, de la présence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, de l'adoration qui lui est due, de la transsubstantiation et du sacrifice de l'autel, de la

 

1 Expos., n. 1. — 2 Expos., Concl. — 3 Avert, p. 22; Rép., p. 168.

 

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communion sous une espèce, de l'autorité de la tradition et de celle de l'Eglise, de l'institution divine de la primauté du Pape, où il a dit en un mot ce qu'il fallait croire de celle de l'épiscopat. Il a exposé toutes ces matières; et il ne faut qu'un peu d'équité pour lui avouer que, loin d'éviter les difficultés, comme l'anonyme le veut faire croire, il s'est attaché au contraire principalement à celles où les prétendus réformés ont le plus de peine. L'anonyme nous dit lui-même « que l'invocation des Saints est un des articles les plus essentiels de la religion ; » et il ajoute en même temps que « c'est un de ceux sur lesquels M. de Condom s'est le plus arrêté (1). » Quelle matière est traitée plus exactement dans l’Exposition que celle de l'Eucharistie et du Sacrifice, celle des images, celle du mérite des œuvres et des satisfactions? Et n'est-ce pas sur ces points que les prétendus réformés souffrent le plus de difficulté? Enfin nous leur demandons à eux-mêmes s'il n'est pas vrai qu'étant satisfaits sur les matières traitées dans l’Exposition, ils n'hésiteraient plus à embrasser la foi de l'Eglise? Il est donc certain que l'auteur y a traité les points capitaux sur lesquels nous convenons tous que roulent toutes nos disputes. Bien plus ! il s'est toujours attaché à ce qui fait le nœud principal de la difficulté, puisqu'il s'applique principalement, comme il l'a promis d'abord (2), aux endroits où l'on accuse la doctrine catholique d'attaquer les fondements de la foi et de la piété chrétienne. Ce n'est donc point pour éviter les difficultés, qu'il a laissé quelques questions qui ne sont que des suites et de plus amples explications de celles qu'il a traitées, ou en tout cas qui sont telles qu'elles n'arrêteront jamais personne : mais au contraire, c'est pour s'attacher avec moins de distraction aux difficultés capitales, d'où dépend la décision de nos controverses.

L'auteur de l’Exposition n'a pas été moins fidèle à exécuter la quatrième chose qu'il avait promise, qui était de ne rien dire, pour mieux faire entendre le concile, « qui n'y fût

 

1 Anon., p. 61. — 2 Expos., n. 2.

 

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manifestement conforme, et qui ne fût approuvé dans l'Eglise (1).»

        L'anonyme prend ces paroles, et tout le dessein de l’Exposition, pour « une preuve qui montre que la doctrine de l'Eglise romaine, tout éclaircie et toute décidée qu'elle était dans le concile de Trente, n'est pas pourtant si claire, qu'elle n'ait besoin d'explication (2). » M. Noguier semble aussi tirer une pareille conséquence (3) ; et ils ont tous deux regardé l’Exposition comme une explication dont l'obscurité du concile a eu besoin.

Mais on sait que ce n'est pas toujours l'obscurité d'une décision, surtout en matière de foi, qui fait qu'elle est prise à contre-sens: c'est la préoccupation des esprits, c'est l'ardeur de la dispute, c'est la chaleur des partis qui fait qu'on ne s'entend pas les uns les autres, et que souvent on attribue à son adversaire ce qu'il croit le moins.

Ainsi quand l'auteur de l’Exposition propose aux prétendus réformés les décisions du concile de Trente, et qu'il y ajoute ce qui peut servir à leur ôter les impressions qui les empêchent de les bien entendre, on ne doit pas conclure de là que ces décisions sont ambiguës; mais seulement qu'il n'y a rien de si bien digéré, ni de si clair, qui ne puisse être mal entendu quand la passion ou la prévention s'en mêlent.

Que sert donc à M. Noguier et à l'anonyme (4) d'objecter à l'auteur de l'Exposition la bulle de Pie IV ? Le dessein de l’Exposition n'a rien de commun avec les gloses et les commentaires que ce Pape a défendus avec beaucoup de raison. Car qu'ont fait ces commentateurs et ces glossateurs, surtout ceux qui ont glosé sur les lois? qu'ont-ils fait ordinairement, sinon de charger les marges des livres de leurs imaginations, qui ne font le plus souvent qu'embrouiller le texte et qu'ils nous donnent cependant pour le texte même ? Ajoutons que pour conserver l'unité, ce même Pape n'a pas dû permettre à chaque docteur de proposer

 

1 Expos., n. 1. — 2 An., Rép., p. 11. — 3 Nog., p. 39, 40. — 4 An., p. 10; Nog., p. 40.

 

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des décisions sur les doutes que la suite des temps et les vaines subtilités pouvaient faire naître. Aussi n'a-t-on rien de semblable dans l’Exposition. C'est autre chose d'interpréter ce qui est obscur et douteux, autre chose de proposer ce qui est clair et de s'en servir pour détruire de fausses impressions. Ce dernier est précisément ce que l'auteur de l’Exposition a voulu faire. Que s'il a joint ses réflexions aux décisions du concile, pour les faire mieux entendre à des gens qui n'ont jamais voulu les considérer de bonne foi, c'est que. leur préoccupation avait besoin de ce secours. Mais pourquoi parler plus longtemps sur une chose qui n'a plus de difficulté ? Nous avons donné en trois mots un moyen certain pour éclaircir ceux qui s'opiniâtreront à soutenir cette ambiguïté du concile. Ils n'ont qu'à lire dans l'Exposition les décrets qui y sont produits, et à se convaincre par leurs propres yeux.

Ce qu'il y a ici de plus important, c'est que l'auteur de l’Exposition ne s'est point trompé, quand il a promis que ce qu'il dirait pour faire entendre le concile, serait manifestement du même esprit et approuvé dans l'Eglise. La chose parle d'elle-même, et les pièces suivantes le feront paraître.

Il ne faut donc plus penser que les sentiments exposés dans cet ouvrage soient des adoucissements ou des relâchements d'un seul homme. C'est la doctrine commune, qu'on voit aussi pour cette raison universellement approuvée. Il ne sert de rien après cela à M. Noguier, ni à l'anonyme de nous objecter (1), ni ces pratiques qu'ils prétendent générales, ni les sentiments des docteurs particuliers. Car sans examiner ces faits inutiles, il suffit de dire en un mot que les pratiques et les opinions, quelles qu'elles soient, qui ne se trouveront pas conformes à l'esprit et aux décrets du concile, ne font rien à la religion, ni au corps de l'Eglise catholique, et ne peuvent par conséquent, de l'aveu même des prétendus réformés (2), donner le moindre prétexte de se séparer d'avec nous,

 

1 An. p. 2, etc.; Nog., p. 38, etc. — 2 Expos., n. 1; Daillé, Apol., c. 6; Nog., p. 8.

 

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puisque personne n'est obligé ni de les approuver ni de les suivre.

Mais il faudrait, disent-ils, réprimer tous ces abus : comme si ce n'était pas un des moyens de les réprimer que d'enseigner simplement la vérité, sans préjudice des autres remèdes que la prudence et le zèle inspire aux évêques.

Pour le remède du schisme pratiqué par les prétendus réformateurs, quand il ne serait pas détestable par lui-même, les malheurs qu'il a causés et qu'il cause encore dans toute la Chrétienté nous en donneraient de l'horreur.

Je ne veux point reprocher ici aux prétendus réformés les abus qui sont parmi eux. Cet ouvrage de charité ne permet pas de semblables récriminations. Il nous suffit de les avertir que, pour nous attaquer de bonne foi, il faut combattre, non les abus que nous condamnons aussi bien qu'eux, mais la doctrine que nous soutenons. Que si en l'examinant de près, ils trouvent qu'elle ne donne pas un champ assez libre à leurs invectives, ils doivent enfin avouer qu'on a raison de leur dire que la foi que nous professons est plus irréprochable qu'ils n'avaient pensé.

Reste maintenant à prier Dieu qu'il leur fasse lire sans aigreur un ouvrage qui leur est donné seulement pour les éclaircir. Le succès est entre les mains de celui qui seul peut toucher les cœurs. Il sait les bornes qu'il a données aux progrès de l'erreur et aux maux de son Eglise affligée de la perte d'un si grand nombre de ses enfants. Mais on ne peut s'empêcher d'espérer quelque chose de grand pour la réunion des chrétiens, sous un Pape qui exerce si saintement et avec un désintéressement si parfait le plus saint ministère qui soit au monde, et sous un Roi qui préfère à tant de conquêtes, qui ont augmenté son royaume, celles qui lui feraient gagner à l'Eglise ses propres sujets.

 


 

AVERTISSEMENT
DES ÉDITIONS PUBLIÉES APRÈS 1689.

 

 

Je n'aurais rien à remarquer sur cet ouvrage, ni sur l’Avertissement qui a été mis à la tête de la seconde édition avec les approbations, si les protestants n'avaient affecté de relever depuis peu dans leurs journaux ce que quelques-uns d'eux avaient avancé, qu'il y avait eu une première édition de ce livre fort différente des autres et que j'avais supprimée : ce qui est très-faux.

Ce petit livre fut d'abord donné manuscrit à quelques personnes particulières : et il s'en répandit plusieurs copies. Lorsqu'il le fallut imprimer, de peur qu'il ne s'altérât et aussi pour une plus grande utilité, je résolus de le communiquer, non-seulement aux prélats qui l'ont honoré de leur approbation, mais encore à plusieurs personnes savantes pour profiter de leurs avis, et me réduire, tant dans les choses que dans les expressions, à la précision que demandait un ouvrage de cette nature. C'est ce qui me fit résoudre à en faire imprimer un certain nombre, pour mettre entre les mains de ceux que je faisais mes censeurs. La petitesse du livre rendait cela fort aisé, et c'était un soulagement pour ceux dont je demandais les avis. Le plus grand nombre de ces imprimés m'est revenu ; et je les ai encore, notés de la main de ces examinateurs que j'avais choisis, ou de la mienne, tant en marge que dans le texte. Il y a deux ou trois de ces exemplaires qui ne mont point été rendus ; aussi ne me suis-je pas mis fort en peine de les retirer. Messieurs de la religion prétendue réformée, qui se plaisent assez à chercher de la finesse et du mystère dans ce qui vient de nous, ont pris de là occasion de débiter que c'était là une

 

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édition que j'avais supprimée, quoique ce ne fût qu'une impression qui devait être particulière, comme on vient de voir, et qui en effet l'a tellement été que mes adversaires n'en rapportent qu'un seul exemplaire, tiré à ce qu'ils disent, de la prétendue bibliothèque de feu M. de Turenne, à qui cette impression ne fut point cachée pour les raisons que tout le monde peut savoir.

Voilà tout le fondement de cette édition prétendue. On a embelli la fable de plusieurs inventions, en supposant que cet ouvrage avait été extrêmement concerté, et en France, et avec Rome, et même que cette impression avait été portée à la Sorbonne, qui, au lieu d'y donner son approbation, y avait changé beaucoup de choses : d'où l'on a voulu conclure que j’avais varié moi-même dans ma foi, moi qui accusais les autres de variations. Mais premièrement, tout cela est faux. Secondement, quand il serait vrai, au fond, il n'importerait en rien.

Premièrement donc, cela n'est pas. Il n'est pas vrai qu'il y ait eu autre concert que celui qu'on vient de voir, ni qu'on ait consulté la Sorbonne, ni qu'elle ait pris aucune connaissance de ce livre, ni que j'aie eu besoin de l'approbation de cette célèbre compagnie. En général elle sait ce qu'elle doit aux évêques, qui sont par leur caractère les vrais docteurs de l'Eglise ; et en particulier il est public que ma doctrine, que j'ai prise dans son sein, ne lui a jamais été suspecte, ni quand j'ai été dans ses assemblées simple docteur, ni quand j'ai été élevé, quoique indigne, à un plus haut ministère. Ainsi tout ce qu'on dit de l'examen de ce corps, ou même de ses censures, est une pure illusion, autrement les registres en feraient foi : on n'en produit rien, et je ne m'exposerais pas à mentir à la face du soleil sur une chose où il y aurait cinq cents témoins contre moi si j'en imposais au public.

C'est donc déjà une évidente calomnie que cette prétendue censure ou répréhension de la Sorbonne, comme on voudra l'appeler. Le reste n'est pas plus véritable. Toutes les petites corrections qui ont été faites dans mon EXPOSITION , se sont faites par moi-même

 

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sur les avis de mes amis, et pour la plupart, sur mes propres réflexions. Au reste ceux qui voudront examiner les changements qu'on m'objecte, n'ont qu'à consulter le propre exemplaire qu'on m'oppose, entre les mains de ceux qui s'en sont servis : ils verront que ces changements ne regardent que l'expression et la netteté du style, et ils demeureront d'accord qu'il n'y a non plus de conséquence à tirer des corrections de cet imprimé, que de celles que j'aurais faites sur mon manuscrit, dont il tenait lieu.

Mais après tout, supposé qu'il y eût eu quelque correction digne de remarque, au lieu que toutes celles qu'on a rapportées ne méritaient même pas qu'on les relevât : quand a-t-il été défendu à un particulier de se corriger soi-même, et de profiter des réflexions de ses amis ou des siennes? Il est vrai qu'il est honteux de varier sur l'exposition de sa croyance dans les actes qu'on a dressés, examinés, publiés, avec toutes les formalités nécessaires pour servir de règle aux peuples : mais il n'y a rien de semblable dans mon EXPOSITION : c'est en la forme où elle est que je l'ai donnée au public, et qu'elle a reçu l'approbation de tant de savants cardinaux et évêques, de tant de docteurs, de tout le Clergé de France, et du Pape même. C'est en cette forme que les protestants l'ont trouvée pleine des adoucissements, ou plutôt des relâchements qu'ils y ont voulu remarquer ; et cela étant posé pour indubitable, comme d'ailleurs il est certain que ma doctrine est demeurée en tous ses points irrépréhensible parmi les catholiques, elle sera un monument éternel des calomnies dont les protestants ont tâché de défigurer celle de l'Eglise ; et on ne doutera point qu'on ne puisse être très-bon catholique en suivant cette Exposition, puisque je suis avec elle depuis vingt ans dans l'épiscopat, sans que ma foi soit suspecte à qui que ce soit.

 


 

APPROBATIONS.

 

 N.B. Les originaux en latin et en italien n'ont pas été repris dans cette édition. Vous pouvez les retrouver facilement dans Google.

 

APPROBATION
De Messeigneurs les Archevêques et Evêques.

 

Nous avons lu le traité qui a pour titre : Exposition de la Doctrine de l'Eglise catholique sur les matières de controverse, composé par messire Jacques-Bénigne Bossuet, évêque et seigneur de Condom, précepteur de Monseigneur le Dauphin ; et nous déclarons qu'après l'avoir examiné avec autant d'application que l'importance de la matière le mérite, nous en avons trouvé la doctrine conforme à la foi catholique, apostolique et romaine. C'est ce qui nous oblige de la proposer comme telle aux peuples que Dieu a soumis à notre conduite. Nous sommes assurés que les fidèles en seront édifiés; et nous espérons que ceux de la religion prétendue réformée qui liront attentivement cet ouvrage, en tireront des éclaircissements très-utiles pour les mettre dans la voie du salut.

 

CHARLES-MAURICE LE TELLIER, archev. duc de Rheims.

C. DE ROSMADEC , archevêque de Tours.

FEUX , évêque et comte de Châlons.

DEGRIGNAN , évêque d'Usez.

D. DE LIGNY, évêque de Meaux.

NICOLAS, évêque d'Auxerre.

GABRIEL, évêque d'Autun.

MARC, évêque de Tarbes.

ARMAND-JEAN , évêque de Béziers.

ETIENNE, évêque et prince de Grenoble.

JULES, évêque de Tulle.

 


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LETTRE
De Monseigneur le Cardinal Bona à Monseigneur le Cardinal de Bouillon.

 

J'ai reçu le livre de M. l'évêque de Condom, que V. E. m'a fait l'honneur de m'envoyer ; et comme je connais la qualité de cette faveur et m'en estime très-honoré, je vous rends grâces de tout mon cœur, et du présent, et du soin que vous prenez d'augmenter ma bibliothèque. Je l'ai lu avec une attention particulière : et parce que V. E. me marque que quelques-uns y trouvent quelques fautes, j'ai voulu particulièrement observer en quoi il pouvait être repris. Mais en effet je n'y saurais trouver que la matière de très-grandes louanges, puisque sans entrer dans les questions épineuses des controverses, il se sert d'une manière ingénieuse, facile et familière, et d'une méthode pour ainsi dire géométrique, pour convaincre les calvinistes par des principes communs et approuvés, et les forcer à confesser la vérité de la foi catholique. Je puis assurer V. E. que j'ai senti, en le lisant, une satisfaction que je ne puis exprimer; et je ne m'étonne pas que l'on y ait trouvé à redire, puisque tous les ouvrages qui sont grands et au-dessus du commun, ont toujours des contradicteurs. Mais la vérité l'emporte à la fin, et la qualité de l'arbre se fait connaître par les fruits. Je m'en réjouis avec l'auteur, qui par cet ouvrage a donné un essai de ses grands talents, et pourra par plusieurs autres rendre de grands services à l'Eglise. A Rome, le 19 janvier 1672.

 


LETTRE
De Monseigneur le Cardinal Sigismond Chigi, à M. l'abbé de Dangeau.

 

J'ai reçu avec votre lettre le livre de l'Exposition de la Doctrine catholique, composé par l'évêque de Condom. Je l'ai trouvé plein d'érudition, et d'autant plus propre à convertir les hérétiques, qu'il les presse par de vives raisons sans aucune aigreur. J'en ai parlé au Père Maître du sacré Palais et au Secrétaire de la Congrégation dell' Indice : j'ai connu que personne n'en avait mal parlé à ces Pères, qui me parurent au contraire remplis d'estime pour cet ouvrage. Je m'en suis aussi entretenu avec Messeigneurs les Cardinaux de la Congrégation ; et j'ai trouvé entre tous les autres Monseigneur le Cardinal Brancas très-porté à estimer le livre, et à donner des louanges à l'auteur. Ainsi je ne doute pas que M. de Condom ne reçoive ici la même approbation qui lui a été accordée partout ailleurs, et qui est si légitimement due à son savoir et à son travail. Je vous suis très-obligé de m'avoir donné le moyen de l'admirer, et j'ai reconnu en cela votre honnêteté ordinaire. L'auteur est serré dans ses preuves et explique très-nettement le sujet qu'il traite, en

 

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faisant voir la véritable différence qui est entre la croyance des catholiques et celle des ennemis de l'Eglise. Je ne pense pas qu'on puisse condamner la méthode dont il se sert pour expliquer la doctrine enseignée dans le concile de Trente; cette méthode ayant été pratiquée par plusieurs autres écrivains, et étant maniée dans tout son livre avec beaucoup de régularité. Certainement il n'a jamais eu dans l'esprit de donner des interprétations aux dogmes du concile, mais seulement de les rapporter très-bien expliqués dans son ouvrage, en sorte que les hérétiques en demeurent convaincus, et de tout ce que la sainte Eglise les oblige de croire. Il parle bien de l'autorité du Pape, et toutes les fois qu'il traite du Chef visible de l'Eglise, on voit qu'il est plein de respect pour le Saint-Siège. Enfin, je vous redis encore une fois que M. de Condom ne peut être trop loué. A Rome, le 5 avril 1672.

 


 

LETTRE
Du Révérendissime Père Hyacinthe Libelli, alors Maître du sacré Palais et maintenant Archevêque d'Avignon, à Monseigneur le Cardinal Sigismond Chigi.

 

J'ai lu le livre de M. de Condom, qui contient l’Exposition de la doctrine de l’Eglise. Je dois à V. E. une reconnaissance infinie de ce qu'elle m'a fait employer quatre heures si utilement et si agréablement. Il m'est impossible d'exprimer combien cet ouvrage m'a plu, et par la singularité du dessein, et par les preuves qui y correspondent. La doctrine en est saine dans toutes ses parties, et l'on ne peut pas y apercevoir l'ombre d'une faute. Pour moi, je ne vois pas ce qu'on y pourrait objecter ; et quand l'auteur voudra que le livre soit imprimé à Rome, j'accorderai toutes les permissions nécessaires, sans y changer un seul mot. Cet auteur, qui a beaucoup d'esprit, a montré un grand jugement dans ce traité, où laissant à part les disputes qui ne font d'ordinaire qu'accroître la discorde, parce qu'il est rare de trouver des hommes qui veuillent céder les prérogatives de l'esprit à leurs compagnons, il a trouvé un autre moyen plus facile de traiter avec les calvinistes, dont on doit espérer bien plus de fruit. En effet, dès qu'on leur fait perdre l'horreur qu’ils ont sucée avec le lait pour nos dogmes, ils s'approchent de nous plus volontiers; et découvrant la mauvaise foi de la doctrine qu'ils ont apprise de leurs maîtres, dont la maxime principale est que nos dogmes sont horribles et incroyables, ils s'appliquent avec plus de tranquillité d'esprit à chercher la vérité catholique. C'est à quoi il faut soigneusement les exhorter, n'y ayant point de meilleur moyen de les faire renoncer à leurs erreurs; et V. E. avait grande raison de dire ces derniers jours que la vérité catholique sera toujours victorieuse dans l'esprit de tout homme sage qui

 

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saura la considérer sans préoccupation, par comparaison à l'hérésie. Je prends la liberté d'adresser à V. E. ce long discours, ne pouvant renfermer en moi-même le plaisir que m'a donné la lecture du livre dont elle a bien voulu me faire part. Je la prie de me continuer de semblables faveurs. A Rome, le 26 avril 1673.

 


LETTRE
De Monseigneur l’Evêque et Prince de Paderborn, alors Coadjuteur et depuis Evêque de Munster, à l'Auteur.

 

Le Roi très-Chrétien vous ayant confié l'instruction et l'éducation de son fils, né pour une si grande fortune, son jugement suffit pour rendre recommandable à tout le monde et à toute la postérité votre mérite et votre savoir. Mais vous avez donné un nouveau lustre à votre réputation et à la doctrine chrétienne, par un monument immortel de votre esprit, je veux dire par cet excellent livre qui porte pour titre : Exposition de la Doctrine de l'Eglise catholique, qui n'a pas seulement attiré de très-grands applaudissements de tous les catholiques, mais a forcé les hérétiques mêmes de donner à votre génie et à votre érudition des louanges très-véritables. On voit éclater dans cet admirable traité jioe facilité incroyable à développer les choses les plus difficiles, les plus hautes et les plus divines, et en même temps une aimable sincérité et une charité vraiment chrétienne, capables d'attirer doucement ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, les éclairer et les conduire dans le chemin de la paix : de sorte que vous paraissez choisi entre les évêques, pour soumettre les ennemis de la foi catholique au joug de la vérité, qui est si doux. Afin donc que l'utilité de ce bel ouvrage fût plus étendue, et qu'elle pût se répandre par toute l'Allemagne et dans les autres nations, j'ai conçu le dessein de le faire traduire en latin : mais après avoir lu votre lettre du 24 avril, j'ai douté si je devais passer plus avant ou quitter mon entreprise, parce que j'ai reconnu que vous possédiez parfaitement la langue latine aussi bien que la française, et que vous l'écrivez si purement, que si quelqu'autre que vous voulait traduire vos ouvrages, au lieu d'orner ces belles productions de votre esprit, il les défigurerait. Il faudrait plutôt vous prier dé mettre en latin ce que vous avez mis au jour. Mais parce que vous n'en avez peut-être pas le loisir, et que si vous l'aviez, il vaudrait mieux vous prier de composer un plus grand nombre d'ouvrages que de traduire ceux que vous avez déjà composés, puisque vous l'avez agréable, je presserai celui à qui j'ai donné cette charge d'achever ce qu'il a commencé, et je vous enverrai la version de votre livre, pour la revoir et la corriger vous-même. Au reste j'honorerai toujours infiniment

 

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votre vertu et votre doctrine; et je m'appliquerai à cultiver votre amitié par toutes sortes de moyens, puisque cette version que j'ai fait commencer, et votre bonté m'y ont donné une ouverture si favorable. Continues de m'aimer, grand prélat, qui servez si bien l'Eglise; et en donnant à Monseigneur le Dauphin tant de belles instructions, ménagez-moi quelque part dans le souvenir et dans l'affection d'un si grand prince», Faites aussi, s'il vous plaît, mes compliments à M. le Duc de Montausier. En mon château, aux confluents de la Lippe, de la Padère et de l’Alise, le 29 mai 1673.

 


LETTRE
Du Révérendissime Père Raimond Capisucchi, Maître du Sacré Palais, à l'Auteur.

 

Après avoir admiré avec tous les autres un mérite aussi rare que le vôtre, il fallait encore que je vous marquasse l'inclination particulière que j'ai à vous servir à l'occasion de l'excellent et docte ouvrage que vous avez composé pour la défense de la foi catholique, qui vient d'être traduit en italien, pour être utile à tout le monde. Je vous dois une reconnaissance infinie de l'occasion que vous m'avez fait naître de vous rendre quelque service. Nous sommes tous ici en attente de la publication de ce bel ouvrage, pour jouir du fruit de vos nobles travaux. Personne n'en aura plus de joie que moi, qui ressens et ressentirai toute ma vie un désir ardent de me rendre digne de l'honneur de vos commandements. Je finis en vous assurant de mes respects, etc. A Rome, le 90 juin 1675.

 


 

APPROBATIONS
DE L'EDITION ROMAINE DE 1678.

 

APPROBATION
Du seigneur Michel-Ange Ricci, Secrétaire de la sacrée Congrégation des Indulgences et des saintes Reliques, et Consulteur du saint Office.

 

Ce que le concile de Trente a fait avec un grand soin, quand il a entièrement séparé la doctrine de la foi d'avec les opinions et les disputes de l'Ecole, et qu'il a expliqué cette doctrine de foi en termes clairs et précis; ce qu'avait fait autrefois Tertullien, en condamnant par des préjugés certains la conduite des hérétiques qui se sont séparés de

 

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l’Eglise; ce que d'autres ont pratiqué, quand ils ont ingénieusement combattu les hérétiques par leurs propres principes et leurs propres règles : c'est ce que messire Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Condom, a fait en cet ouvrage avec un ordre très-clair et d'une manière courte et persuasive, qui fait connaître l'excellent esprit de l'auteur. Cet ouvrage étant maintenant traduit élégamment, pour la commodité des Italiens, du français en leur langue maternelle, je l'estime digne d'être imprimé et mis en lumière. A Rome, le 5 août 1678.

 

MICHEL-ANGE RICCI.

 


 

APPROBATION
De P. M. Laurent Brancati de Laurea, Consulteur et Qualificateur des Congr. Consist., des Indulg., des Rites, de la Visite, et du saint Office, et Bibliothécaire de la Bibliothèque Vaticane.

 

J'estime digne de lumière le petit traité ou discours imprimé en français et en diverses langues, et maintenant traduit du français en italien, dans lequel Monseigneur l'illustrissime Jacques-Bénigne Bossuet, évêque et seigneur de Condom, combat fortement d'un style noble, mais grave et solide, les ministres de la religion prétendue réformée et leurs sectateurs, tant par les règles communes et fondamentales de l'Eglise que par leurs propres principes, montrant que ce ne sont pas les catholiques, comme le pensent les ministres, mais les ministres eux-mêmes, qui n'ont pas su tirer les conséquences nécessaires des dogmes qui leur sont communs avec nous, et qui ensuite, pour avoir mal pris l'Ecriture et les conciles, ont quitté la communion de l'Eglise catholique. Que s'ils examinaient sans passion les règles des catholiques, fondées sur les conciles, principalement sur celui de Trente, ils reviendraient sans doute, avec la grâce de Dieu, à la sainte unité : ce que cet auteur leur fait voir d'one manière douce, mais victorieuse, en parcourant tous les points de controverse. Fait au couvent des douze Apôtres, à Rome, le 25 juillet 1678.

 

F. LAURENT DE LAUREA. Min. Convent.

  


 

APPROBATION
De M. l'abbé Etienne Gradi.

 

J'ai lu avec soin et avec application l'excellent ouvrage de Messire Jacques-Bénigne, évêque de Condom, fidèlement et élégamment traduit en italien, où la doctrine de l'Eglise est expliquée d'une manière nette

 

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et précise. Il a fait sur moi l'impression que font d'ordinaire les meilleurs écrits produits par la saine doctrine et la souveraine raison, où le lecteur se persuade qu'il n'aurait pu dire autre chose, ni parler autrement, s'il avait entrepris de traiter le même sujet. Ce qui m'a le plus ravi, c'est la modération et la sagesse avec laquelle l'auteur a choisi les choses qu'il avance. Il a retranché tout ce qui ne sert qu'à allonger les disputes et rendre la bonne cause odieuse, et s'est renfermé dans la vérité, comme dans un fort qu'il ne met pas seulement hors de péril, mais bon d'atteinte. Il s'applique tout entier à bien établir l'état de la question qu'il débarrasse par là, et la rend facile à juger. Ainsi tous ceux oui s'intéressent à la paix de l'Eglise et au salut de leur âme, ne doivent point cesser, s'ils m'en croient, de feuilleter ce livre jour et nuit, et il est impossible qu'il ne leur donne de la honte et du regret d'avoir des sentiments différents de la foi orthodoxe.

Je suis de cet avis, moi ETIENNE GRADI, Consulteur de la sacrée Congrég. de l'Index, et Préfet de la Biblioth. Vatic.

 

Soit imprimé, s'il plaît au Révérendissime Père Maître du sacré Palais apostol.

I. DES ANGES, Archev. Vicegér. de Rome.

 

Soit imprimé.

F. RAIMOND CAPISUCCHI, Maître du sacré Palais apostolique.

 


 

BREF
DE NOTRE SAINT PERE LE PAPE.

 

INNOCENT XI, PAPE.

 

Vénérable Frère, salut et bénédiction apostolique. Votre livre de l'Exposition de la Foi catholique, qui nous a été présenté depuis peu, contient une doctrine, et est composé avec une méthode et une sagesse qui le rendent propre à instruire nettement et brièvement les lecteurs, et à tirer des plus opiniâtres un aveu sincère des vérités de la foi. Aussi le jugeons-nous digne, non-seulement d'être loué et approuvé de nous, mais encore d'être lu et estimé de tout le monde. Nous espérons que cet ouvrage, avec la grâce de Dieu, produira beaucoup de fruit, et servira à étendre la foi orthodoxe; chose qui nous tient sans cesse occupés, et qui fait notre principale inquiétude. Cependant nous nous confirmons de plus en plus dans la bonne opinion que nous avons toujours eue de votre vertu et de votre piété, et nous sentons augmenter l'espérance que

 

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avons conçue depuis longtemps de l'éducation du Dauphin de France, qui confié à vos soins avec des inclinations si dignes du Roi son père et de ses ancêtres, se trouvera rempli des instructions convenables au fils du Roi très-Chrétien, que sa naissance appelle à gouverner un royaume si florissant, et tout ensemble à servir de protecteur à la religion catholique. Le Roi, qui vous a choisi parmi tant de grands hommes dont la France est pleine pour un emploi où il s'agit de jeter les fondements de la félicité publique, recevra une éternelle gloire du bon succès de vos soins, selon cet oracle de l'Ecriture qui nous apprend qu'un sage fils est la gloire de son père. Continuez donc toujours à travailler fortement à un si important ouvrage, puisque même vous voyez un si grand fruit de votre travail. Car nous apprenons de tous côtés, et nous ne pouvons l'apprendre sans en ressentir une extrême consolation au milieu des maux qui nous environnent, que ce jeune prince se porte avec ardeur à la vertu, et qu'il donne chaque jour de nouvelles marques de son esprit et de sa piété. Nous pouvons vous assurer que rien n'est plus capable de vous attirer notre affection paternelle, que l'emploi de vos soins à loi inspirer tous les sentiments qui font un grand roi, afin que dans un âge plus mûr, heureux et victorieux aussi bien que le Roi son père, il règle par de saintes lois, et réduise à de bonnes mœurs les nations barbares et ennemies du nom chrétien, que nous espérons voir bientôt assujetties à l'empire de ce grand Roi, maintenant que la paix qu'il vient de rendre à l'Europe lui laisse la liberté de porter dans l'Orient ses armes invincibles. Au reste soyez persuadé que la dévotion et le respect que votre lettre fait si bien paraître envers le Saint-Siège, et envers nous-même, qui y présidons, quoiqu'indigne, au gouvernement de l'Eglise catholique, trouve en nous une affection mutuelle, dont vous recevrez des marques dans toutes les occasions qui se présenteront: et nous vous donnons de bon cœur notre bénédiction apostolique. Donné à Rome à Saint-Pierre, sous l'anneau du Pêcheur, le IV janvier MDCLXXIX, le me de notre pontificat.

 

Signé MARIUS SPINULA.

 

Et au-dessus : A notre vénérable Frère Jacques, évêque de Condom.

 

 


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SECOND BREF
DE NOTRE SAINT PÈRE LE PAPE.

 

INNOCENT XI, PAPE.

 

Vénérable Frère, salut et bénédiction apostolique. Nous avons reçu le livre de l'Exposition de la Foi catholique, que vous nous avez fait présenter avec le discours dont vous l'avez augmenté, où il paraît une grâce, une piété et une sagesse propres à ramener les hérétiques à la voie du salut. Ainsi nous confirmons volontiers les grandes louanges que noys ions avons données pour cet excellent ouvrage, espérant de plus en plus qu'il sera d'une grande utilité à l'Eglise. Mais c'est surtout de votre application continuelle à cultiver les bonnes inclinations du Dauphin de France, que nous attendons de grands avancements de la religion catholique; car nous apprenons de toutes parts le merveilleux progrès de ce Prince, qui vous donne beaucoup de gloire, en devenant tous les jours par vos soins un parfait modèle de piété et de sagesse. Une si sainte éducation nous console dans les extrêmes peines que nous ressentons à la vue des maux que l'Eglise souffre et des périls dont elle est menacée. Mais vous-même vous adoucissez nos inquiétudes par le beau témoignage que vous nous donnez de votre obéissance filiale dans votre lettre du septième de juin, où nous avons reconnu cet ancien esprit et ces sentiments des saints évêques de l'Eglise gallicane. De notre part nous pouvons TOUS assurer, vénérable Frère, que vous reconnaîtrez dans l'occasion, par des marques particulières de notre bienveillance, l'affection que nous avons pour vous, et l'estime que nous faisons de votre vertu universellement reconnue. Et cependant nous vous donnons de bon cœur notre bénédiction apostolique. Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, sous l'anneau du Pêcheur, le XIIe jour de juillet MDCLXXIX, et le troisième de notre pontificat.

 

Signé MARIUS SPINULA.

 

Et sur le dos : A notre vénérable Frère Jacques-Bénigne, évêque de Condom.

 

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EXTRAIT des Actes de l’Assemblée générale du Clergé de France de 1682, concernant la religion, Monseigneur l'Archevêque de Paris président, imprimés en la même année chez Léonard, imprimeur du Clergé, titre : Mémoire contenant les différentes méthodes dont on peut se servir très-utilement pour la conversion de ceux qui font profession de la religion prétendue réformée, dressé dans cette Assemblée et envoyé par toutes les provinces, avec l'Avertissement pastoral de l'Eglise gallicane.

 

La dixième méthode est celle de M. l'Evêque de Meaux, ci-devant, évêque de Condom, dans son livre intitulé : Exposition de la Doctrine de l'Eglise catholique ; par laquelle, en démêlant sur chaque article ce qui est précisément de la foi de ce qui n'en est pas, il fait voir qu'il n'y a rien dans notre créance qui puisse choquer un esprit raisonnable, à moins que de prendre pour notre créance des abus de quelques particuliers que nous condamnons, ou des erreurs qu'on nous impute très-faussement, ou des explications de quelques docteurs, qui ne sont pas reçues ni autorisées de l'Eglise.

 

 

 

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