Réunion des Protestants I
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RECUEIL DE LETTRES ET DE PIÈCES
CONCERNANT
UN PROJET DE RÉUNION DES PROTESTANTS DE FRANCE A L'ÉGLISE CATHOLIQUE.

 

 

LETTRE PREMIÈRE.  BOSSUET A FERRY.  Metz, 1660.

LETTRE II.  BOSSUET A FERRY.  Sans date.

LETTRE III. BOSSUET A FERRY.  Explication de différents points de controverse.  8 juillet 1666.

DU MÉRITE DES ŒUVRES.

DE L'EUCHARISTIE ET DU SACRIFICE.

DU CULTE DES SAINTS.

LETTRE IV.  BOSSUET A FERRY.  Nouvelle explication sur le sacrifice de l'Eucharistie.  A Metz, le 15 juillet 1666.

LETTRE V.  BOSSUET A FERRY.  Sans date.

LETTRE VI.  BOSSUET A FERRY.  Sans date.

LETTRE VII.  BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.) Le 20 août 1666.

LETTRE VIII.  BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.)  Le 21 août 1666.

LETTRE IX.  BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.)  Le 1er septembre 1666.

LETTRE X.  BOSSUET A SON PÈRE. (Extrait.) Le 14 septembre 1666.

LETTRE XI.  BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.)  Le 20 septembre 1660.

LETTRE XII.  BOSSUET PÈRE A FERRY.  Sans date.

LETTRE XIII.  FERRY A...  Le 8 février 1667.

LETTRE XIV.  BOSSUET A...  Récit de ce qui avait été traité entre le ministre Ferry et l'abbé Bossuet, dans plusieurs conférences particulières qu'ils avaient eues ensemble.  Le 24 août 1666.

LETTRE XV. MAIMBOURG (1) A FERRY.  A Paris, ce 8 septembre 1666.

LETTRE XVI.  FERRY A BOSSUET.  A Metz, le 15 septembre 1666.

LETTRE XVII.  FERRY A MAIMBOURG.  A Metz, le 18 septembre 1666.

LETTRE XVIII.  MAIMBOURG A FERRY.  Coullonges, le 23 octobre 1666.

LETTRE XIX.  BOSSUET A FERRY.  A Gassicourt, le 28 octobre 1666.

LETTRE XX.  BEGNEGGHER, DE STRASBOURG, A BACHELLÉ, PASTEUR.  27 janvier 1667.

LETTRE XXI.  BEGNEGGHER A  BACHELLÉ.  3 février 1667.

RÉCIT  FAIT PAR LE MINISTRE FERRY, De ce qui s'est passé au sujet du Projet de réunion.

RÉPONSE  Donnée par les ministres de Metz,  sur la proposition qui leur avait été faite  de travailler à la réunion.

RELATION  Faite par le ministre Ferry, de différent faits,  qui ont rapport au Projet de réunion.

PROJET DE RÉUNION DES DEUX RELIGIONS,  PAR LE MINISTRE DU BOURDIEU (a).

LETTRE XXII.  BOSSUET AU DUC DE NOAILLES (a).  23 octobre 1683.

RECUEIL  DE DISSERTATIONS ET DE LETTRES  CONCERNANT UN PROJET DE RÉUNION DES PROTESTANTS D'ALLEMAGNE,  A L'ÉGLISE CATHOLIQUE.

PREMIÈRE PARTIE,  qui CONTIENT LES DISSERTATIONS

COPIE DU PLEIN POUVOIR  Donné pur l'empereur Léopold, à M. l'évêque de Neustadt en Autriche, pour travailler à la réunion des protestants d'Allemagne (a).

 

LETTRE PREMIÈRE.
BOSSUET A FERRY.
Metz, 1660.

 

Monsieur ,

 

J'envoie apprendre des nouvelles de votre santé, et vous supplier de me mander quel jour nous pourrons conférer ensemble. Ce sera dès aujourd'hui, si votre commodité le permet, sinon le jour que vous en aurez le loisir. Je me rendrai chez vous et en votre bibliothèque, vous suppliant seulement que nous soyons seuls et en liberté. Songez à votre santé, et croyez que je suis très-parfaitement à vous.

 

Bossuet, grand doyen de Metz.

 

LETTRE II.
BOSSUET A FERRY.
Sans date.

 

Je vous envoie, Monsieur, par écrit ce que j'eus l'honneur de vous dire dernièrement. Je l'aurais fait plus tôt, si j'en eusse eu le loisir. Je vous prie de me mander si je pourrai avoir l'honneur de vous entretenir jeudi matin, et de me croire à jamais,

 

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
Bossuet.

 

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LETTRE III.
BOSSUET A FERRY.
Explication de différents points de controverse.
8 juillet 1666.

 

DU MÉRITE DES ŒUVRES.

 

Sur le mérite des œuvres, l'Eglise catholique croit que la vie éternelle doit être proposée aux enfants de Dieu, et comme une grâce qui leur est miséricordieusement promise par Notre-Seigneur Jésus-Christ, et comme une récompense qui leur est fidèlement rendue en vertu de cette promesse (1).

Elle croit que le mérite des œuvres chrétiennes provient de la grâce sanctifiante qui nous est donnée gratuitement par Jésus-Christ, et que c'est un effet de l'influence continuelle de ce divin chef sur ses membres.

Comme c'est le Saint-Esprit qui fait en nous par si grâce tout ce que nous faisons de bien, l'Eglise catholique ne peut croire que les bonnes œuvres des fidèles ne soient très-agréables à Dieu et de grande considération devant lui ; et elle se sert du mot de mérité pour signifier la valeur, le prix et la dignité de ces œuvres, que nous faisons par la grâce du Saint-Esprit. Mais comme toute leur sainteté vient de Dieu qui fait les bonnes œuvres en nous, elle enseigne qu'en couronnant les mérites de ses serviteurs, il couronne ses dons (2).

Enfin elle enseigne que nous qui ne pouvons rien de nous-mêmes, pouvons tout avec celui qui nous fortifie ; en telle sorte que l'homme n'a rien de quoi se glorifier ni de quoi se confier en lui-même, mais que toute sa confiance et toute sa gloire est en Jésus-Christ, en qui nous vivons, en qui nous menions, en qui nous satisfaisons, faisant des fruits dignes de pénitence, qui ont

 

1 Ce sont les propres paroles du concile de Trente, sess. V, cap. XVI — 2 Absit ut christianus homo in se ipso vel confidat vel glorietur, et non in Domino, cujus tanta est erga omnes homines bonitas, ut eorum velit esse merita quae sunt ipsius dona. Ibid.

 

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de lui toute leur force, par lui sont offerts au Père, et en lui sont acceptés par le Père (1). C'est pourquoi nous demandons tout, nous espérons tout, nous rendons grâces de tout par Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc. Nous ne comprenons pas qu'on puisse nous attribuer une autre pensée.

 

DE L'EUCHARISTIE ET DU SACRIFICE.

 

Sur la sainte Eucharistie, l'Eglise distingue deux choses, savoir : la consécration et la manducation ou participation actuelle de cette viande céleste.

Par la consécration, nous croyons que le pain et le vin sont changés réellement au corps et au sang de Jésus-Christ.

Par la manducation, nous croyons recevoir ce corps et ce sang aussi réellement et aussi substantiellement qu'ils ont été donnés pour nous à la croix.

Nous croyons que ces deux actions distinctes, c'est-à-dire tant la consécration que la manducation, sont très-agréables à Dieu.

C'est en la consécration que consiste principalement l'action du sacrifice que nous reconnaissons dans l'Eucharistie, en tant que la mort de Jésus-Christ y est représentée, et que son corps et son sang y sont mystiquement séparés par ces divines paroles : « Ceci est mon corps ; ceci est mon sang. »

Nous croyons donc que par ces paroles, non-seulement Jésus-Christ se met lui-même actuellement sur la sainte table, mais encore qu'il s'y met revêtu des signes représentatifs de sa mort. Ce qui nous fait voir que son intention est de s'y mettre comme immolé ; et c'est pourquoi nous disons que cette table est aussi un autel.

Nous croyons que cette action par laquelle le l'ils de Dieu est posé sur la sainte table sous les signes représentatifs de sa mort, c'est-à-dire la consécration, porte avec soi la reconnaissance de

 

1 Nam qui ex nobis tanquam ex nobis nihil possumus, eo cooperante qui qui nos confortat omnia possumus : ita non habet undè glorietur ; sed omnis gloriatio nostra in Christo est, in quo vivimus, in quo meremur, in quo satisfaciamus, facientes fructus dignos pœnitentiae, qui ex illo vim habent, ab illo offeruntur Patri, per illum acceptantur à Patre. Sess. XIV, cap. VIII.

 

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la haute souveraineté de Dieu, en tant que Jésus-Christ présent y renouvelle la mémoire de son obéissance jusqu'à la mort de la croix, et l'y perpétue en quelque sorte.

Nous croyons aussi que cette même action nous rend Dieu propice , parce qu'elle lui remet devant les yeux la mort volontaire de son Fils pour les pécheurs, ou plutôt son Fils même revêtu, comme il a été dit, des signes représentatifs de cette mort par laquelle il a rte apaise.

C'est pour cela que nous disons que Jésus-Christ s'offre encore dans l'Eucharistie : car s'étant une fois dévoué pour être notre victime, il ne cesse de se présenter pour nous à son Père, selon ce que dit l'Apôtre, qu'il paraît pour nous devant la face de Dieu (1).

Il ne faut point disputer du mot. Si l'on entend par offrir l'oblation qui se fait par la mort de la victime, il est vrai que Jésus-Christ ne s'offre plus. Mais il s'offre en tant qu'il paraît pour nous, qu'il se présente pour nous à Dieu, qu'il lui remet devant les yeux sa mort et son obéissance, en la manière qui est expliquée ici.

Nous croyons donc que sa présence sur les saints autels, en cette figure de mort, est une oblation continuée qu'il fait de lui-même, et de sa mort et de ses mérites pour le genre humain. Nous nous unissons à lui en cet état, et nous l'offrons ainsi qu'il s'offre lui-même, protestant que nous n'avons rien à présenter à Dieu que son Fils et ses mérites. Si bien que le voyant par la foi présent sur l'autel, nous le présentons à Dieu comme notre unique propitiateur par son sang ; et tout ensemble nous nous offrons avec lui, comme hosties vivantes, à la majesté divine.

Ce n'est pas bien raisonner que de dire que l'oblation de la croix n'est pas suffisante, supposé que Jésus-Christ s'offre encore dans l'Eucharistie ; de même qu'il ne s'ensuit pas qu'à cause qu'il continue d'intercéder pour nous dans le ciel, son intercession sur la croix soit imparfaite et insuffisante pour notre salut.

Tout cela n'empêche donc pas qu'il ne soit très-véritable que Jésus-Christ n'est offert qu'une fois parce que encore qu'il se soit

 

1 Hebr., IX, 24.

 

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offert en entrant au monde pour être notre victime, ainsi que l'Apôtre le remarque (1) ; encore que nous croyions qu'il ne cesse de se présenter pour nous à Dieu, non-seulement dans le ciel, mais encore sur la sainte table, néanmoins tout se rapporte à cette grande oblation par laquelle il s'est offert une fois à la croix, pour être mis en notre place et souffrir la mort qui nous était due. Et nous savons que tout le mérite de notre rédemption est tellement attaché à ce grand sacrifice de la croix, qu'il ne nous reste plus rien à taire dans celui de l'Eucharistie que d'en célébrer la mémoire et de nous en appliquer la vertu.

Aussi ne pensons-nous pas que la victime que nous présentons dans l'Eucharistie y doive être de nouveau effectivement détruite, parce que le Fils de Dieu a satisfait une fois très-abondamment à cette obligation par le sacrifice de la croix, comme l'apôtre saint Paul le prouve divinement dans son Epître aux Hébreux (2). Tellement que le sacrifice de l'Eucharistie étant établi en commémoration, il n'y faut chercher qu'une mort et mie destruction mystique, en laquelle la mort effective que le Fils de Dieu a soufferte une fois pour nous soit représentée.

Tel est le sacrifice de l'Eglise : sacrifice spirituel, où le sang n'est répandu qu'en mystère, où la mort n'intervient que par représentation; sacrifice néanmoins très-véritable, en ce que Jésus-Christ qui en est l'hostie, y est réellement contenu sous cette figure de mort ; mais sacrifice commémoratif, qui ne subsiste que par sa relation au sacrifice de la croix (3), et en tire toute sa vertu.

 

DU CULTE DES SAINTS.

 

Sur le culte religieux, l'Eglise catholique enseigne qu'il se doit rapporter à Dieu comme à sa fin nécessaire ; et c'est pourquoi l'honneur qu'elle rend à la sainte Vierge et aux Saints fait partie de la religion, à cause qu'elle leur rend cet honneur par relation et pour l'amour de Dieu seul.

 

1 Hebr., X, 5 — 2 Ibid., VII, 27. — 3 Ut relinqueret sacrificium, quo cruentum illud semel in cruce peragendum repraesentaretur, ejusque memoria in finem usque  saeculi permaneret, atque illus salutaris virtus in remissionem eorum, quae a nobis quotidie committuntur, peccatorum applicaretur. Conc. Trid., sess. XXII, cap. I.

 

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Elle défend expressément de croire aucune divinité ou vertu et efficace, dans les images, pour laquelle elles doivent être révérées, ni d'y mettre et attacher sa confiance, et veut que tout l'honneur se rapporte aux prototypes qu'elles représentent (1).

On peut connaître en quel esprit elle honore les images, par proportion de l'honneur qu'elle rend à la croix et au livre de l'Evangile. Tout le monde voit bien que dans la croix elle adore le crucifié; et que si ses enfants inclinent la tète devant le livre de l'Evangile et le baisent, tout cet honneur se termine à la vérité éternelle qui nous y est proposée.

L'Eglise catholique nous apprend à prier les Saints de se rendre nos intercesseurs, dans le même esprit de charité et de société fraternelle que nous en prions les fidèles qui sont sur la terre, avec cette différence qu'elle croit les prières de ceux-là sans comparaison plus efficaces, à cause de l'état de gloire où ils sont. Néanmoins elle n'impose aucune obligation aux particuliers de s'adresser à eux, et leur conseille seulement cette pratique comme très-sainte! et très-profitable.

Elle croit avec toute l'antiquité chrétienne, que plusieurs des fidèles trépassés sont en état d'être soulagés par les prières et les sacrifices des vivants ; mais elle ne détermine pas en quel lieu ils sont détenus, ni quelle est la nature et la matière de leurs peines.

Elle honore l'Eglise romaine comme la Mère et la Maîtresse de toutes les Eglises, Matrem ac Magistram ; et croit que l'apôtre saint Pierre et ses successeurs ont reçu de Jésus-Christ l'autorité principale pour régir le peuple de Dieu, entretenir l'unité du corps et conserver le sacré dépôt de la foi ; mais elle n'oblige pas à reconnaître l'infaillibilité dans la doctrine ailleurs que dans tout le corps de l'Eglise catholique.

Si Messieurs de la religion prétendue réformée n'ont pas encore

 

1 Non quòd credatur inesse aliqua in iis divinitas vel virtus, proter quam sint colendœ..., vel quòd fiducia in imaginibus sit figenda, etc. Sed quoniam honos qui eis exhibetur refertur ad prototypa. .; ità ut per imagines quas osculamur..., Christum adoremus, et sanctos quorum similitudinem gerunt veneremur. Conc. Trid., sess. XXV, cap. de Invocatione, etc.

 

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les yeux ouverts pour connaître la vérité des articles ci-dessus, tous ceux qui sont éclairés ne peuvent refuser d'avouer du moins, selon leurs principes, qu'ils ne contiennent rien qui renverse les fondements du salut.

 

J. B. Bossuet, grand doyen de Metz.

 

LETTRE IV.
BOSSUET A FERRY.
Nouvelle explication sur le sacrifice de l'Eucharistie.
A Metz, le 15 juillet 1666.

 

L'essence du sacrifice de l'Eucharistie, consiste précisément dans la consécration, par laquelle en vertu des paroles de Jésus-Christ, son corps et son sang précieux sont mis réellement sur la sainte table, mystiquement séparés sous les espèces du pain et du vin.

Par cette action précisément prise, et sans qu'il y soit rien ajouté de la part du prêtre, Jésus-Christ est offert réellement à son Père, en tant que son corps et son sang sont posés devant lui, actuellement revêtus des signes représentatifs de sa mort.

Comme cette consécration se fait au nom, en la personne et par les paroles de Jésus-Christ, c'est lui véritablement et qui consacre et qui offre, et les prêtres ne sont que simples ministres.

La prière qui accompagne la consécration, par laquelle l'Eglise déclare qu'elle offre Jésus-Christ à Dieu par ces mots : Offerimus, et autres semblables, n'est point de l'essence dusacrifice, qui peut absolument subsister sans cette prière.

L'Eglise explique seulement par cette prière qu'elle s'unit à Jésus-Christ qui continue à s'offrir pour elle, et qu'elle s'offre elle-même à Dieu avec lui ; et en cela le prêtre ne fait rien de particulier que tout le peuple ne fasse conjointement, avec cette seule différence, que le prêtre le fait comme ministre public et au nom de toute l'Eglise.

Cela étant bien entendu, il paraît que cette oblation réelle du

 

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corps et du sang de Jésus-Christ est une suite de la doctrine de la réalité, et qu'il ne faut point demander à l'Eglise autre commission pour offrir que celle qui lui est donnée pour consacrer, puisque l'oblation en son essence c'est la consécration elle-même.

Je ne dis plus rien du rapport de cette oblation avec celle de la croix, parce que je crois l'avoir assez expliquée dans mon écrit précédent. Seulement il faut prendre garde d'éviter l'équivoque du.mot d'offrir, ainsi que cet écrit le remarque, et tenir pour très-assuré qu'on ne peut pas s'éloigner davantage de l'intention de l'Eglise, que de croire qu'elle cherche dans le sacrifice de l'Eucharistie quelque chose qui doive suppléer à quelque défaut du sacrifice de la croix, qu'elle sait être d'un mérite, d'une perfection et d'une vertu infinis ; si bien que tout ce qui se fait ensuite ne tend qu'à nous l'appliquer.

Lorsque l'Eglise catholique dit ces mots : Offerimus et autres semblables, dans sa liturgie, et qu'elle offre Jésus-Christ présent sur la sainte table à son Père par ces paroles, elle ne prétend point par cette oblation présenter à Dieu ni lui faire un nouveau paiement du prix de son salut, mais seulement employer les mérites et l'intercession de Jésus-Christ auprès de lui, et le prix qu'il a payé une fois pour nous en la croix.

 

 

J. B. Bossuet, doyen de l'Eglise de Metz.

 

LETTRE V.
BOSSUET A FERRY.
Sans date.

 

Monsieur ,

 

Vous m'obligerez beaucoup de m'envoyer présentement, par ce porteur, les Actes du colloque de Poissy, dont vous venez de me parler, et de marquer les endroits que vous estimez considérables. Je les parcourrai avant mon départ, et donnerai bon ordre que le livre vous soit soigneusement rendu. Je suis très-parfaitement à vous,

 

BOSSUET.

 

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LETTRE VI.
BOSSUET A FERRY.
Sans date.

 

Monsieur ,

 

Je crois avoir déjà fait quelques avances très-considérables pour l'affaire que vous m'avez recommandée. J'espère qu'elle sera trouvée juste et raisonnable en votre personne : et comme je n'ai pu encore aller à la Cour tant qu'elle a été à Fontainebleau, à cause des occupations qui m'ont arrêté ici : à présent qu'elle est à Vincennes, je prétends que dans peu de temps je pourrai vous en donner des nouvelles assurées, et telles que vous les souhaitez.

Cependant je vous supplie de voir le récit que j'ai dressé le plus simplement que j'ai pu des choses que nous avons traitées, et d'avoir la bonté de dire à mon père ce que vous en jugerez, et s'il y a eu quelque chose de plus ou de moins. Je vous garderai sur ce sujet et sur toutes choses tel secret que vous prescrirez ; et de mon côté je n'empêche pas que vous ne communiquiez tout ce que je vous ai donné par écrit, à ceux à qui vous le jugerez à propos.

Permettez que je vous conjure de nouveau de vous appliquer à la grande et importante affaire dont nous avons parlé , et croyez que c'est de très-bonne foi et sans avoir dessein de tromper ni de violenter personne, que l'on y veut travailler. Au reste je ne puis assez vous dire combien je vous suis acquis, ni l'extrême désir que j'ai de vous faire connaître que je suis de cœur, Monsieur, votre très-humble et obéissant serviteur.

 

Bossuet, grand doyen de Metz.

 

 

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LETTRE VII.
BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.)
Le 20 août 1666.

 

Je pense à M. Ferry, et verrai avant mon départ tout ce qui se pourra faire pour lui. La Cour est un peu difficile pour les moindres grâces qui ont quelque apparence de suite. J'y agis comme pour moi-même.....

 

LETTRE VIII.
BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.)
Le 21 août 1666.

 

Je vous prie de rendre en main propre à M. Ferry, cette lettre ou mémoire (a), et de lui dire que j'espère faire, à son contentement, l'affaire qu'il m'a recommandée, et de le prier de vous dire ce qu'il pense de ce mémoire...

 

LETTRE IX.
BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.)
Le 1er septembre 1666.

 

Je vous prie de dire à M. Ferry que j'ai parlé au Roi avec tous les témoignages d'estime dus à son mérite. Il me reste à instruire M. le Tellier, que je n'ai pu encore voir. Je puis bien lui dire néanmoins que l'affaire semble prendre un bon train. Les PP. Jésuites, nommément le P. Armât, prennent fort bien la chose et entrent dans nos sentiments...

 

(a) La lettre ni et la lettre iv renfermant l’Explication de différent points de controverse.

 

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LETTRE X.
BOSSUET A SON PÈRE. (Extrait.)
Le 14 septembre 1666.

 

Sur le sujet de M. Ferry, j'ai parlé de son affaire au Roi et à M. le Tellier, avec tout le bon témoignage que j'ai pu rendre de sa personne et de son mérite. On paraît disposé à l'obliger : on désire savoir les termes du règlement, en vertu duquel on prétend l'exclure du droit de faire fonction après qu'il aura un successeur, et les raisons particulières qu'il a contre. Je suis instruit de ce dernier, il faut avoir les termes du règlement. Vous pouvez l'assurer que je n'omettrai rien de ce qui dépendra de moi pour son service.

Il est vrai que plusieurs théologiens d'importance confèrent ici des moyens de terminer les controverses avec Messieurs de la religion prétendue réformée, et de nous réunir tous ensemble. Il y a quelques ministres convertis, fort capables, qui donnent des ouvertures qui sont bien écoutées : ils procèdent sans passion et avec beaucoup de charité pour le parti qu'ils ont quitté ; c'est ce que vous pouvez dire à M. Ferry, et que très-assurément on veut procéder chrétiennement et de bonne foi.

 

LETTRE XI.
BOSSUET A SON PÈRE. (extrait.)
Le 20 septembre 1660.

 

Je fais un voyage de huit ou dix jours ; à mon retour je ferai plus ample réponse à M. Ferry. Je vous supplie de lui dire en attendant, que pour son affaire particulière on n'omettra rien ; pour la générale, dont nous avons parlé ensemble, qu'on est persuadé qu'il y peut beaucoup et qu'il a bonne intention. Il a bien pris

 

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mes pensées, et plût à Dieu que tous eussent ses lumières et sa droiture.

 

LETTRE XII.
BOSSUET PÈRE A FERRY.
Sans date.

 

Voilà, Monsieur, les extraits au vrai, que vous avez désirés de moi, des lettres de mon fils. Je vous demande pour moi la satisfaction qu'il vous a plu me promettre de l'honneur de votre conférence sur les points portés dans le mémoire que je vous ai mis en main de la part de mon fils, de l'affection cordiale duquel je vous assure comme de la mienne. Je suis, Monsieur, votre, etc.

 

Bossuet.

 

Faites-moi savoir quand il vous plaira que je vous voie et chez vous et à votre loisir, sans incommodité, dès aujourd'hui ou demain, pourvu que ce ne soit pas demain matin.

 

 

LETTRE XIII.
FERRY A...
Le 8 février 1667.

 

La dernière lettre que M. Bossuet père m'a communiquée de M. son fils, ne portait autre chose, sinon ces mots : « Je pense ou je crois qu'à force de tourner l'affaire de M. Ferry, nous en tirerons quelque chose de favorable. » Et parce que je n'avais rien répondu en la mienne du 2 décembre 1666, à ce qu'il m'avait écrit dans sa précédente, touchant l'invocation des Saints, parce que je voyais bien que nous ne tomberions pas d'accord facilement sur cet article, qu'il voulait être laissé dans le culte public, il ajoutait à son père qu'il reconnaissait bien que ces matières ne se pouvaient traiter commodément, que dans des entretiens familiers et en présence.

 

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LETTRE XIV.
BOSSUET A...
Récit de ce qui avait été traité entre le ministre Ferry et l'abbé Bossuet, dans plusieurs conférences particulières qu'ils avaient eues ensemble.
Le 24 août 1666.

 

Nous sommes demeurés d'accord que nous étions obligés de part et d'autre de travailler de tout notre pouvoir à remédier au schisme qui nous sépare, et fermer une si grande plaie.

Je lui ai dit que, de notre part, la disposition était plus grande que jamais pour s'y appliquer et en chercher les moyens :

Que le plus nécessaire de tous était de nous expliquer aimablement, et que le temps et l'expérience ayant montré qu'il y avait beaucoup de malentendu et de disputes de mots dans nos controverses, on a sujet d'espérer que par ces éclaircissements elles seront ou terminées tout à fait, ou diminuées considérablement :

Que pour cette raison, un grand nombre de nos théologiens étaient résolus de chercher les occasions de conférer de ces matières avec les ministres que l'on croirait les plus doctes, les plus raisonnables et les plus enclins à la paix ; et que l'ayant toujours cru tel, j'aurais grande joie que nous puissions nous ouvrir à fond, comme aussi lui de son côté en a témoigné beaucoup.

Il nous a semblé à tous deux qu'un siècle et demi de disputes devait avoir éclairci beaucoup de choses, qu'on devait être revenu des extrémités, et qu'il était temps plus que jamais de voir de quoi nous pouvions convenir.

Il a trouvé bon et nécessaire d'examiner les causes principales qui ont éloigné de nous ceux de sa communion, et de considérer ce qui serait à expliquer de leur part ou de la nôtre, pour faire qu'ils pussent ou revenir tout à fait à nous, ou du moins se rapprocher.

Nous sommes convenus que la question préalable et qu’il fallait poser pour fondement, était de savoir si les dogmes pour lesquels

 

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ils nous ont quittés, détruisaient selon leurs principes les fondements du salut.

Etant entrés dans le détail, il a accordé que l'article de la réalité dans l'Eucharistie ne détruisait pas ce fondement, vu que ni nous ni les luthériens ne dénions point la présence de Jésus-Christ dans le ciel en la manière ordinaire des corps.

Quant à la transsubstantiation, il a reconnu que les siens soutenaient aux luthériens que nous raisonnions en cela plus conséquemment qu'ils ne font, et que c'était un des arguments dont ils se servaient contre eux.

Et pour l'adoration, il a dit qu'il ne pourrait ni l'improuver ni la condamner en ceux qui croient en la présence de Jésus-Christ dans le saint Sacrement.

Sur le sacrifice de l'Eucharistie, après les explications que je lui ai données par écrit, il est demeuré d'accord qu'il n'y avait plus de difficulté. Et toutefois je n'ai rien avancé qui ne soit approuvé universellement parmi les nôtres; et très-assurément l'Eglise se contentera que nos adversaires en conviennent : ce qui doit donner grande espérance de s'accorder dans les autres points, pourvu qu'on veuille s'entendre, puisqu'on a pu convenir de celui-ci, sur lequel lui-même avait cru qu'il y aurait le plus de peine:

A l'égard de la justification, il est aussi convenu d'abord qu'en nous entendant bien, toute la question se résoudrait ou à des disputes de mots ou à des choses très-peu nécessaires ; en telle sorte qu'il n'y aurait pas de difficulté pour cet article, qui est néanmoins le principal et le plus essentiel de tous.

Au sujet des prières adressées aux Saints, je l'ai fait souvenir qu'il avait écrit et enseigné formellement dans son Catéchisme, qu'elles n'avaient pas empêché nos pères d'être sauvés, pourvu qu'ils aient mis toute leur confiance en Jésus-Christ ; et il est demeuré d'accord de l'avoir ainsi enseigné.

Après que je lui eus exposé ce que dit le concile de Trente qu'il ne faut point attacher sa confiance aux images, ni croire en elles aucune vertu pour laquelle elles doivent être honorées, mais

 

1 Sess. XXV.

 

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qu'on ne leur rend aucun honneur qu'en mémoire et par relation à ceux qu'elles représentent, il n'y fit pas, la première fois que nous en parlâmes, beaucoup de difficulté ; mais une seconde fois il s'y arrêta un peu davantage, me faisant néanmoins connaître que l'on pourrait convenir en cet article et en celui de la prière des Saints, à cause que nous ne reconnaissons aucune obligation aux particuliers de pratiquer ces choses.

En effet, de là on peut voir que nous sommes bien éloignés de mettre l'essentiel de la religion dans ces pratiques, qui ne font partie du culte religieux qu'autant qu'elles se rapportent à Dieu, qui en est la fin essentielle et dernière.

Nous parlâmes peu du purgatoire et de la prière pour les morts, mais lui ayant récité mot à mot les passages de saint Augustin dans le Manuel à Laurent (1), et dans les Sermons XVII (2) et XXXII (3) des Paroles de l’Apôtre, où il distingue nettement trois sortes de morts, dont les uns sont très-bons et n'ont pas besoin de nos prières, les autres très-mauvais, et ne peuvent en être soulagés, les troisièmes comme entre deux et reçoivent un grand secours par les vœux et les sacrifices de l'Eglise, ce qui est en termes formels la doctrine que nous professons, il n'approuva pas cette créance; mais lui ayant demandé s'il se serait séparé pour cela de la communion de saint Augustin, il me répondit que non.

Nous n'avons parle que de ces articles ; et en les traitant nous ne sommes pas entrés dans la question , savoir s'il les faut croire ou non, mais seulement dans celle s'ils renversent le fondement du salut ; et cela in ayant donné sujet de lui demander quel était ce fondement du salut, il a décidé nettement, ainsi qu'il l'avait déjà fait dans ses écrits, que c'était celui de la justification et de la confiance eu Dieu par Jésus-Christ seul, qu'il a appelé le sommaire de la religion chrétienne, et sur lequel nous avons reconnu plusieurs fois que nous conviendrions très-facilement, pourvu que nous voulussions nous entendre.

Je lui ai rapporté sur ce sujet quelques endroits du concile de Trente, où il est déclaré que le chrétien n'a de « confiance qu'en

 

1 Enchirid. Cap. CIX et CX, n. 29.— 2 Cap. I, nunc serm. CLIX, n. 1.— 3 Cap. II, nunc serm. CLXXII, n. 2.

 

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Jésus-Christ; » et la prière que nous faisons tous les jours dans le sacrifice de la messe en ces mots : Nobis quoque peccatoribus, de multitudine miserationum tuarum sperantibus, partem aliquam et societatem donare digneris cum beatis apostolis tuis et martyribus, intra quorum nos consortium non œstimator meriti, sed veniœ quœsumus largitor admitte, per Christian Dominum nostrum.

Ainsi puisqu'il est constant qu'on ne peut nous accuser de nier ce fondement du salut, je crois qu'il est impossible de n'avouer pas que notre doctrine ne renverse point ce principe essentiel de la foi et de l'espérance du chrétien.

Sur cela m'ayant demandé si, quand lui et les siens seraient demeurés d'accord que notre doctrine ne détruit pas les fondements du salut, nous croirions les pouvoir obliger par là à la professer, et par conséquent à embrasser notre communion : je lui ai répondu nettement que ce n'était pas ma pensée, et ai reconnu que c'étaient deux choses à examiner avec eux séparément, savoir si une doctrine était véritable ou fausse, et savoir si elle renversait le fondement du salut ou non ; que l'aveu de ce dernier ne tirait point à conséquence pour l'autre, et qu'il ne pouvait les engager à autre chose qu'à confesser que de tels dogmes dévoient être supportés, mais non pour cela avoués ni professés.

J'ai ajouté toutefois que ce serait toujours une grande avance de convenir de ce point, si nous pouvions ; que c'était par celui-là qu'il fallait commencer de traiter de la réunion et le poser pour fondement; que quand nous ne pourrions pas aller plus avant quant à présent, ce serait toujours beaucoup d'avoir levé un si grand obstacle ; que si lui ou les siens pouvaient être persuadés de ce point, ils étaient obligés en conscience de rendre ce témoignage à la vérité, surtout s'ils en étaient requis ; que l'obligation de remédier au schisme était telle, qu'il n'y avait point de salut pour celui qui refuserait non-seulement de conclure, mais même d'acheminer cette affaire par toutes les voies raisonnables ; et que quand nous ne pourrions pas tout terminer d'abord, la charité chrétienne nous obligeait indispensablement de donner toutes les ouvertures possibles à ceux qui travailleront après nous

 

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à un ouvrage si nécessaire, et de diminuer autant qu'il se pourrait nos disputes et nos controverses ; et tous ces articles ont passé entre nous comme indubitables.

M. Ferry m'ayant dit que c'était une entreprise digne du Roi de travailler à un si grand œuvre, j'ai répondu que cette affaire regardant la religion et la conscience, devait être premièrement traitée entre les théologiens, pour voir jusqu'à quel point elle pourrait être acheminée ; mais qu'il ne fallait nullement douter que la piété du Roi ne l'engageât à faire tout ce qui se pourrait pour un ouvrage de cette importance, sans violenter en rien la conscience des uns ni des autres, de quoi on savait que Sa Majesté était entièrement éloignée.

 

Bossuet, grand doyen de l'église de Metz.

 

LETTRE XV. MAIMBOURG (1) A FERRY.
A Paris, ce 8 septembre 1666.

 

J'ai reçu vos deux lettres, qui me furent rendues avant-hier au matin par notre correspondant, bien fermées et en fort bon état. Je ne saurais vous exprimer la joie et la consolation qu'elles m'ont données, à cela près que j'ai quelque déplaisir de ce qu'il semble que ma paresse vous ait donné sujet de croire pour quelque temps, que j'eusse oublié la personne du monde pour qui j'ai le

 

1 Théodore Maimbourg quitta le parti de l'Eglise catholique, et embrassa celui de la religion prétendue réformée. Pour justifier son apostasie, il écrivit une lettre à son frère, qui fut imprimée en 1659. On a de lui une Réponse sommaire à la Méthode du cardinal de Richelieu, qu'il dédia à madame de Turenne, et dont il est parlé dans cette lettre. Il y prit le nom de la Ruelle, et envoya le manuscrit à Samuel Desmarets, qui le publia à Groningue l'an 1664; édition dont il se plaignait beaucoup, comme on le verra par cette lettre. Quelque éloigné qu'il parût de l'Eglise catholique, il ne laissa pas d'y rentrer en 1664, et il y était lorsque le livre de l’Exposition de la Foi catholique, de M. Bossuet, parut; mais peu après il l'abandonna une seconde fois, et se retira en Angleterre, où il fut chargé de l'éducation d'un fils naturel de Charles II. Ce fut là qu'il publia une fort méchante Réponse à l'Exposition, en 1688. Il l'avait annoncée à ses amis avant que de lever le masque, et c'est ce qui donna lieu à la Bastide, protestant, de dire qu'un catholique écrivait contre l'Exposition... Il mourut à Londres vers l'an 1693. (Edit. de Déforis.)

 

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plus de vénération, d'estime et de tendresse; mais Dieu soit loué de ce que ma dernière m'a justifié dans votre esprit, et a effacé ces lâcheuses impressions, comme vous me faites la grâce de m'en assurer.

Pour ma réponse au livre de M. le cardinal de Richelieu, les reproches que vous me faites sur ce sujet me font trop d'honneur. Cet ouvrage, Monsieur, dans l'état où il est, n'est pas assurément digne de vous; et les choses qu'on y a fourrées en plus de deux cents endroits, nie font tant de honte, que j'avais résolu de le désavouer absolument. Ceux qui avaient pris le soin de l'impression n'ont pas eu celui de m'en faire donner quelques exemplaires; néanmoins il faut tâcher d'en recouvrer quelqu'un pour vous satisfaire, et c'est une commission que je donnerai à Varenne, parce que j'en ai cherché inutilement jusqu'ici.

Venons, s'il vous plait, à ce qu'il y a d'essentiel dans notre commerce; et commençant par M. Daillé , je vous dirai, Monsieur, que je nai pas cru qu'il fût à propos de lui communiquer vos deux premières lettres, ne sachant pas s'il trouvera bon que je vous eusse écrit sans sa participation ce qu'il m'a confié. Il serait, ce nie semble, plus à propos que nous plissiez la peine de m'en écrire une où il ne fût parlé en aucune façon de l'avis que j'ai pris la liberté de vous donner, mais seulement du désir que vous avez de vous expliquer nettement, et à lui et à moi, des choses que vous craignez qu'on n'ait prises tout au rebours de votre pensée et de la sincérité de vos intentions, comme quelques-uns semblent déjà l'avoir fait sans désigner pourtant personne. J'enverrais cette lettre à M. Daillé avec mie autre de ma façon, pour appuyer de mon petit raisonnement ce que vous auriez avancé pour l'accomplissement d'un dessein aussi juste et aussi salutaire que celui qui vous est proposé, et sur la réponse qu'il me ferait nous verrions quelles mesures il y a à prendre et à garder avec lui.

Pour les assemblées dont on vous a parlé, je vous dirai aussi que je sais très-certainement qu'il s'en tient ici entre des personnes très-habiles, où l'on traite des moyens de ramener les esprits. Je sais de plus avec la même certitude, qu'il y a des

 

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personnes d'autorité qui ont bon ordre de tout écouter. A la vérité, je vois bien qu'on ne veut pas sonner le tambour, de peur d'effaroucher les esprits; mais je crois savoir par des voies aussi certaines, que L'autorité se déclarera quand il faudra, et que ce ne sont pas les voies violentes, mais plutôt celles de la douceur qu'on veut tenter. Il est bien vrai néanmoins que la disposition est plus éloignée que jamais de favoriser nos églises, ni de faire aucune grâce au général; mais on favorisera sans doute, et de la lionne manière, le dessein de la réunion en général.

J'ai eu l'honneur de voir M. l'abbé Bossuet, selon que vous me l'aviez prescrit. Je vous assure qu'il a pour votre chère personne tous les sentiments d'estime et d'amitié qu'on peut avoir pour un des plus grands hommes, des plus sages et des mieux intentionnés de notre siècle. C'est ainsi qu'il parle de vous, avec épanchement de cœur; et il est difficile de l'entendre sur ce chapitre, sans ajouter encore quelque chose aux sentiments les plus avantageux qu'on aurait déjà conçus de votre mérite.

Il est vrai qu'il a eu la bonté de inexpliquée les choses avec tant de netteté et d'équité, et qu'il les met dans un si beau jour, qu'il ne me reste plus de difficulté sur les matières que vous avez déjà examinées ensemble. Après lui avoir fait voir tous les articles de votre lettre qui le regardaient, il m'a montré tous les écrits qu'il vous avait envoyés, tant à Metz qu'ici. Je ne m'étonne pas, après des éclaircissements si considérables, que vous vous sentiez obligé d'approfondir ces matières selon toutes les ouvertures que l'on vous donnera et je trouve en effet que l'on ne s'est jamais expliqué si clairement.

Je lui ai témoigné là-dessus que je doutais fort qu'il fût avoué de ces choses; mais il s'est moqué de ma crainte, et m'a demandé en riant si je le croyais homme à vouloir s'exposer à un désaveu; puis reprenant sérieusement, il m'a dit qu'il n'avançait rien de lui-même ; qu'à la vérité Ions n'expliquaient pas les choses avec une égale netteté, mais que tous convenaient de ce fond ; et que plût à Dieu qu'il ne tint plus qu'à l'aveu; que pour lui il n'avait jamais enseigné, ni été enseigné, ni cru autrement : qu'au reste il était bien certain que sa doctrine était conforme au concile

 

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de Trente et aux théologiens de sa communion : mais qu'il n'était pas nécessaire d'entrer avec nous dans cette discussion, qu'il fallait voir si nous pourrions convenir, indépendamment de tout cela, et s'attacher au fond des choses. Il a persisté dans tout ce qu'il vous a écrit sur le sacrifice, sur la justification et les autres points. Il m'a souvent interpellé moi-même si j'avais été enseigné d'une autre manière, lorsque j'étais dans leur communion ; et il est vrai que mes notions étaient fort semblables ou fort approchantes, que ceux qui s'expliquaient bien et qui étaient les plus habiles tenaient un même langage. Il parle d'une manière à bien soutenir ses sentiments parmi les siens, et à y faire venir beaucoup d'autres. Et ce qui m'a le plus satisfait, c'est que je suis convaincu pleinement de sa sincérité, que je puis vous répondre de toutes les paroles qu'il vous a données et qu'il vous donnera à l'avenir. Je vous supplie, Monsieur, de faire fondement là-dessus, et d'être bien persuadé, comme je le suis, qu'il ne permettra jamais que sur les avances que vous vous serez laites l'un à l'autre, on vous pousse plus loin que vous ne voudriez aller. Il m'a répété plusieurs lois que s'il reconnaissait que l'on ne procédât pas de bonne foi, aucune considération ne pourrait l'empêcher de se retirer de la chose et d'en avertir ses amis, étant très-persuadé que Dieu ne veut pas être servi par de mauvaises voies, et qu'il faut poser pour un fondement inébranlable la sincérité et la droiture en toutes sortes de négociations, mais particulièrement en celle-ci.

Je ne dois pas vous omettre qu'en parlant du sacrifice de la messe, il ne m'a pas dit précisément que tout ce que le prêtre dit après ces paroles : Hoc est, etc., fût inutile; mais bien que ce n'était point en cela qu'était l'essence de l'action du sacrifice, et que très-certainement tous les théologiens catholiques en étaient d'accord, même qu'absolument le sacrifice pouvait être accompli en son essence sans ces prières ; ce qui est la même chose que ce qu'il vous a donné par écrit.

Il m'a bien dit en passant . qu'il y a de vieux préjugés dont nous aurions peine, et vous en particulier, à revenir; mais il ne laisse pas d'être fort satisfait de votre conférence : il dit que vous

 

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entrez dans le fond mieux que personne; que vous êtes solidement docte, d'un esprit doux, paisible et parfaitement bien tourné. Vous pouvez juger, Monsieur, si j'ai fait un écho aux plus justes louanges et aux plus véritables qui aient jamais été données.

J'ai cru aussi que, pour satisfaire à vos intentions qui m'étaient marquées par votre lettre, je devais m'informer pour quelle raison on s'était adressé particulièrement à vous; et il m'a dit qu'il ne savait pas quelles pouvaient être les pensées des autres là-dessus ; mais qu'il présumait bien que ce ne pouvait être que votre grande réputation, votre capacité et votre manière d'agir si civile et si raisonnable, qui fait qu'on a mieux aimé entrer en commerce avec vous qu'avec d'autres qui n'ont pas les mêmes qualités , mais que pour lui outre cela il avait ses raisons particulières : que monsieur son père et lui avaient toujours été liés d'amitié avec vous ; que s'il avait eu les mêmes liaisons avec vos autres confrères, il leur aurait parlé sans difficulté et leur aurait dit les mêmes choses, même à M. Daillé, s'il le connaissait ; qu'il en chercherait les occasions, et n'en perdrait aucune de s'expliquer de la même sorte avec tous ceux qui voudraient y entendre.

Enfin, Monsieur, il a traité avec moi d'une manière qui me fait trop voir que l'on y peut prendre une entière confiance. Mais, sans cela, je puis vous dire que j'ai trop bien éprouvé sa sincérité, sa fidélité et son zèle, même à bien servir ses amis, depuis plus de douze ans que j'ai l'honneur de le connaître, pour en douter aucunement.

Je sais de plus par l'organe du Père Maimbourg, mon cousin, que les Jésuites de Metz ont écrit de vous fort avantageusement et en termes pleins d'estime au Père Annat; que cette compagnie entre fort dans le dessein de la réunion en général; et puisque ceux-là y entendent, il juge qu'il faut de nécessité que le concours soit universel, et que les dispositions y soient très-grandes.

A Dieu ne plaise donc, Monsieur, que nous apportions de notre cote quelque obstacle à une œuvre si désirée, et que la Providence semble déjà avoir si fort avancée; et puisque vous m'ordonnez de dire mon sentiment sur votre procédé en cette rencontre,

 

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je ne puis que louer infiniment votre inclination pour la paix, et pour entendre les explications et ouvertures qui y conduisent, particulièrement dans un temps où nous sommes menacés de la dernière désolation, si nous ne prenons comme il faut et comme vous faites, ce seul expédient qui nous est offert pour nous sauver.

Je suis à la source des choses; j'ai des habitudes et des connaissances assez considérables pour pénétrer assez avant dans l'état de nos affaires; et pour vous dire beaucoup de choses en un mot, il est temps de penser sérieusement à la paix, et je serais fâché que les premières ouvertures vous en ayant été faites, vous n'eussiez pas la gloire toute entière de sa conclusion, pour couronner une aussi belle vie que la votre. De tous côtés on nous quitte, et ministres et gens de condition; car je dis qu'on nous quitte, quand je sais qu'on est sur le point de nous quitter, et qu'on ne fait autre chose que chercher une belle porte pour sortir et pour se retirer.

Je suis persuadé, aussi bien que vous, que l'accord n'est pas impossible; et le vrai, le sur et l'infaillible moyen est de faire ce que vous avez fait, qui ne peut réussir qu'à la gloire de Dieu, et au repos universel de son Eglise et do son royaume. Surtout il n'y a rien de plus nécessaire ni de plus juste que la résolution que vous avez prise de répondre en sincérité, quand vous vous serez enquis de quelque chose, et d'aider à la réduire au dernier point où elle pourra être mise, par les éclaircissements que vous pourrez y donner. Si tout le monde agissait de cette manière, on irait bien loin. Il ne faut point feindre de dire nettement ce qu'on pense, quand on ne pense que bien, que paix et que réunion. A la vérité les esprits mal faits en tirent quelquefois de mauvaises conséquences, auxquelles il faut obvier autant qu'on peut; mais aussi faut-il avouer de bonne foi tout ce qui est véritable, et diminuer par ce moyen, autant qu'on le peut, les controverses qui nous séparent.

J'ai trouvé très-raisonnable ce que M. l'abbé Bossuet vous a écrit là-dessus; et y ayant fait réflexion, j'ai pensé que c'était cette raison-là, de dire la vérité tout simplement, qui avait dù

 

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obliger M. Daillé et le synode de Charenton de dire ce qu'ils ont dit sur le sacrement de la Cène, sans se mettre en peine des avantages que l'on en voudrait tirer, nonobstant lesquels ils ont bien fait d'enseigner la vérité : et ce serait bien fait aussi de taire de même, dans tous les autres points où l'on pourrait s'accorder. Je ne vois donc pas qu'il faille écouter ici les sentiments de réserve que quelques-uns proposent. On se défendra toujours bien des mauvaises conséquences, des abus et des surprises ; et il ne faut jamais craindre d'avouer et de déclarer ce qui sera trouvé véritable.

Vous avez grande raison d'appréhender les syncrétismes et accords qui ne subsistent que dans des paroles ambiguës et équivoques. Mais de la manière dont vous traitez les choses, on viendra au dernier point d'éclaircissement, on verra à pur et à plein de quoi on pourra convenir, et ce qui se pourra faire pour mettre en repos la conscience d'un chacun. Le premier bien qui pourrait revenir d'une réunion serait celui-ci, qu'entrant dans mie même communion sous des explications raisonnables, on bannirait en peu de temps tous les abus grossiers qui se sont glissés depuis quelques siècles dans la religion chrétienne. Je vous supplie de peser bien ceci : Intelligenti pauca.

Les affaires de la maison où je suis engagé m'obligent à partir demain pour y retourner, chargé des ordres et des arrêts nécessaires pour arrêter le cours des vexations que nous souffrions depuis quatre mois par la chicane d'un curé et d'un chapitre de chanoines, nos voisins, qui croyaient se prévaloir du temps. Mais, Monsieur, si nous pouvons lier un commerce entre nous trois, je veux dire M. de Bossuet, vous et moi, le chemin serait bien plus court, en lui adressant tout droit les lettres que vous me ferez l'honneur de m'écrire sur cette matière, vous réservant toujours pourtant la liberté de m'écrire tout ce qu'il vous plaira par la voie de M. Gamart, qui me fera tenir vos lettres en toute sûreté; ; et je vous assure que cette correspondance entre nous trois est, si je ne me trompe, très-conforme à la sincérité de nos intentions. Toutefois, Monsieur, je soumets cela à votre prudence et discrétion. Envoyez-moi le chiffre, s'il vous plaît, mais qu'il

 

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soit le moins embrouillé et le moins difficile qu'il se pourra; et surtout informez-moi bien de votre santé si précieuse en ce temps-ci. Je vous embrasse du plus tendre de mon cœur, et suis au delà de tout ce que je puis dire, Monsieur, votre très, etc.

 

DE PLERVILLE (a).

 

 

J'oubliais à vous dire que je me suis rencontré avec un nommé M. de la Parc, ci-devant ministre de Montpellier et maintenant catholique romain. C'est un de ceux qui s'appliquent le plus à proposer les ouvertures de réunion, et le fait dans des sentiments assez équitables, à ce qui paraît. C'est mi homme savant et modéré , et qui a ici des entrées, des habitudes et même de la créance qui peuvent beaucoup avancer les choses. Mais je ne me suis expliqué de rien à lui, ne le connaissant pas assez ; car je crois qu'il est toujours bon de se tenir un peu sur ses gardes, mais non pas toutefois jusqu'au point que nous fermions la bouche et que nous ôtions les moyens à ceux qui travaillent à un si grand bien. Mandez-moi, Monsieur, de quelle sorte vous voulez que je me conduise en de pareilles rencontres, et avec des personnes qui sont dans cette disposition ; car je vous assure qu'il s'en trouve beaucoup tous les jours, et au dedans et au dehors.

 

LETTRE XVI.
FERRY A BOSSUET.
A Metz, le 15 septembre 1666.

 

Monsieur ,

 

Au même temps que monsieur votre père m'eut fait l'honneur de me rendre votre chère lettre et le Mémoire dont il vous a plu l'accompagner, il me remit à vous faire réponse quand il serait de retour d'un petit voyage de huit ou dix jours, dont il n'est revenu que depuis deux ou trois seulement. Pendant cela je me suis tiré des bains, et ai mis fin à l'usage des remèdes pour

 

(a) Il prenait ici ce nom factice, mais son vrai nom était Maimbourg, tel qu'il le signera dans la lettre qui suivra. (Edit. de Déforis.)

 

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autant de temps qu'il plaira à Dieu. Je n'ai pas laissé d'être entièrement inutile au dessein que vous me recommandiez. J'ai reçu avis de Paris qu'on m'y avait rendu de mauvais offices, et n'ai pas laissé de convaincre l'auteur, sans l'en accuser, que j'avais raison d'en user comme j'ai fait, et qu'il ne se pouvait pas mieux autrement. Par là je l'ai rendu susceptible d'un meilleur sentiment. J'espère même d'y faire entrer ceux de ce même rang, en les y attirant sans qu'ils s'aperçoivent que l'on en soit empressé.

J'ai dit, comme vous m'avez ordonné , à monsieur votre père quelques petites remarques de mémoire sur quelques articles de notre histoire que vous avez pris la peine de mettre par ordre ; mais ce sont choses qu'il faut traiter en personne, et pour cela j'attends la vôtre précieuse, le temps approchant auquel vous me l'avez fait espérer, et je souhaite que raccommodement qu'on vous propose soit digne de votre approbation. Alors , Monsieur, nous pourrons nous faire entendre à loisir l'un à l'autre sur les choses déjà traitées et sur celles qui restent encore à l'être.

Sur le général, vous m'avez tant dit et tant fait dire, et tant écrit de si bonnes choses, que je commence à mieux espérer, et à me sentir vous être plus obligé que je n'aurais cru, pour l'honneur que vous m'avez fait de me donner la première part à cette communication. Celui qui a eu l'honneur de vous voir (a) à ma prière, en est si bien persuadé, qu'il n'a pas fait moins d'efforts sur moi pour cela, qu'il en faudrait pour convertir une multitude d'incrédules. Mais, Monsieur, les grands biens que vous lui avez dits de moi, où je pense reconnaître votre style, me mettent et me tiennent en une confusion agréable : car ne pouvant douter sans crime de la pureté de votre âme, et ne pouvant pas croire ce qu'il m'en a écrit sans perdre le reste de ma modestie et sans me mettre en danger d'être pris pour un autre, je vois en cela un malentendu de votre part qui m'est si avantageux, que quand tous les avis seraient éclaircis, je dois désirer que celui-là ne le soit jamais. Croyez donc, Monsieur, s'il vous plait, que c'est le seul

 

(a) Théodore Maimbourg, le même qui a écrit la lettre qui précède celle-ci Déforis.)

 

 

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que je prendrai à tâche de faire durer, et crue je ferai tout ce qui me sera possible pour vous y entretenir, en continuant d'agir de la manière que j'ai commencé, et que vous approuvez, et que je ne m'en cacherai à personne, parce qu'il n'y a rien Que de salutaire et que d'honorable.

Je ne sais maintenant comment passer d'un si bel endroit des choses que vous lui avez dites de moi, à ceux de deux ou trois de vos lettres, où monsieur votre incomparable père a pris la peine de me lire deux ou trois fois les favorables témoignages que vous avez eu la bonté de hasarder de moi en de si grands lieux, que je n'ose pas même prononcer après vous, parce que ce n'est pas à moi que vous les avez nommés, et que je ne les lui ai pas osé seulement demander par extrait. Et c'est, Monsieur, m'engager avec vous d'une manière bien rare et bien extraordinaire. Vous n'avez pourtant rien obligé qui ne soit à vous, et dont vous ne puissiez toujours répondre. J'ai seulement à pourvoir qu'on ne vous puisse reprocher en ce sujet le défaut des grands hommes, d'avoir volontiers trop bonne opinion de ce qu'ils aiment, parce qu'ils le veulent aimer. C'est aussi sans doute ce que je tâcherai au moins de faire de bonne foi, quelque succès que Dieu veuille donner à l'affaire que vous conduisez si bien, qui me sera toujours glorieuse d'avoir été portée si haut, et de n'y avoir pas été trouvé indigne de votre protection. Cependant, Monsieur, pour n'y défaillir point de ma part en ce que je puis faire, je vous envoie, comme vous m'avez ordonné, un gros paquet des choses qui la concernent : car j'ai cru ne pouvoir point vous représenter mieux au naturel les termes du règlement que vous désirez, que par les pièces entières. Vous y verrez, Monsieur, celle de M. le lieutenant-général et les deux sur lesquelles il l'a appuyée : la première qui est un arrêt du 2 de mai 1631, détruite expressément par la bouche sacrée du Roi, parlant deux ans après, mise en un autre arrêt contradictoire du 22 septembre 1633 avec ample connaissance de cause; et l'autre qui est l'apostille en réponse à l'article de Messieurs de votre clergé, laquelle ne casse point le prétendu intrus, ne nous réduit point au nombre de quatre, ne défend point de prêcher, sinon sans

 

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permission, mais seulement de ne pas augmenter notre nombre, ce qu'aussi nous n'avions point fait. Mais. Monsieur, ces pièces n'ont servi que de prétexte : car je sais de la propre bouche de l'original que le vrai motif a été de me réduire à quitter tout à fait la chaire à mon gendre, comme on croyait et qu'il y avait apparence de croire, en l'état où j'étais alors, que je le ferais plutôt que de laisser partir mes enfants d'avec moi ; de sorte que m’étant résolu au contraire, il est avenu contre l'intention de ceux qui m'ont procuré ce déplaisir, que je la remplis toute entière, et prêche deux fois plus que je n'aurais fait.

J'ai encore, Monsieur, à vous faire une très-humble prière, qui est de vous souvenir de cette attache qui m'est de la dernière importance, et qui doit me servir pour le rang après tout le reste. Pour cela il me serait nécessaire de l'avoir par devers moi par forme de brevet, et même qu'on n'en sût rien à présent, afin qu'il ne semble point à personne que je l'eusse obtenue par quelque engagement, qui serait un soupçon fort aisé à prendre et bien contraire à mes intentions. Mais enfin je m'aperçois, Monsieur, que c'est faire une trop longue lettre, à un homme de votre dignité, de mes affaires particulières qui ne vaudront jamais la peine que vous avez eue de la lire, et encore moins celle que vous avez prise d'en tant parler, ni la hardiesse que j'ai eue de les mettre entre vos mains, où je vous supplie pourtant me permettre que je les laisse, comme je fais aussi en celles de Dieu, auquel je recommande aussi les vôtres de tout mon cœur, dont il sait toutes les intentions, qui sont assurément celles que je vous ai protesté d'avoir, et entre autres, celle de vivre et de mourir votre, etc.

 

LETTRE XVII.
FERRY A MAIMBOURG.
A Metz, le 18 septembre 1666.

 

Monsieur,

 

Je crois qu'il serait superflu que je misse beaucoup de temps à vous assurer que votre lettre du 8 m'a bien apporté de consolation.

 

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Outre la qualité naturelle que votre style a de plaire, cette dernière est si bonne à vous exprimer sur les choses qui me touchent, et si riche en particularités de l'affaire dont vous parlez, que j'en suis comblé; et à chaque fois de plusieurs que je l'ai lue, j'y ai toujours trouvé quelque nouvelle bonté et quelque richesse cachée, tellement que ma joie s'en accumule tous les jours. Et quoique je n'aie pas dû différer à vous en rendre toutes les grâces que j'en puis concevoir, je ne pense pas être encore au bout de bien savoir ce que je vous en dois. Je l'ai lue presque toute entière au Père de Rhodes, jésuite et procureur du collège, qui l'a admirée en toutes ses clauses et en tout son contexte : c'est celui de la maison avec lequel j'ai lié plus d'amitié. Il a pris grand soin de moi durant mes longues et âpres douleurs ; m'a amené un de sa robe qui se tient au Pont-à-Mousson, et qui fait la médecine avec grande réputation, et est souvent venu demander des nouvelles à ma porte, sans entrer, pour ne donner lieu à aucun soupçon, ni ne me causer le scandale que le génie qui en a écrit par-delà n'a pu éviter, ou qu'il n'a pas été marri de trouver.

Je vous dirai ici en passant, puisque j'y suis tombé, que j'aurai bien de la peine à me résoudre de vous écrire une nouvelle lettre sur le gros de l'affaire, puisque celui qui vous en a parlé ne l'a pas fait à dessein que je le susse, et ne vous a pas considéré assez mon ami pour croire que vous m'en dussiez rien apprendre, et ni moi le sien pour vouloir que je fusse informé d'une chose dont il a dû croire que je devais être averti. Il suffira, s'il vous plaît, quand vous le verrez, de lui faire à fond cette histoire, je veux dire celle de la proposition qui m'a été faite, et de la manière que je m'y suis conduit jusqu'à présent.

Après ces parenthèses et retournant au principal sujet de nos lettres, je vous dirai, Monsieur, que j'ai eu une raison particulière de communiquer une partie de votre dernière à ce personnage; c'est qu'il me dit, il y a quelque temps, qu'il avait écrit de moi au Père Annat, et lui avait répondu de ma sincérité, autant qu'il désirait qu'il fût assuré de la sienne : et une personne d'honneur, qui a vu sa lettre, m'assura encore hier qu'elle portait que je suis un homme incorruptible et non intéressé, et lui

 

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en donnait quelques marques que je crois qu'il n'ignorait pas : de sorte qu'ayant trouvé en la vôtre ce que le Père Maimbourg votre cousin vous en a dit, j'ai été bien aise de lui donner le contentement qu'il m'a témoigné recevoir de cette preuve que j'avais de la vérité de son dire, et de prendre cette occasion, en le remerciant, de l'assurer que j'en veux toujours être persuadé. C'est le premier qui m'a fait l'ouverture de ce grand dessein, et me la fit d'une manière sérieuse et si franche, et avec une telle avance d'abord, que je crus ne devoir pas, comme vous dites, Monsieur, lui fermer la bouche sur une chose que j'ai désirée toute ma vie, et dont j'ai fait plus d'une fois déclaration et où je n'ai trouvé personne qui m'ait contredit.

J'ai écrit amplement à M. l'abbé Bossuet par le courrier précédent; c'est une personne d'un vrai honneur, en qui j'ai confiance entière, et qui m'oblige d'une haute manière et en des lieux où je ne croyais pas que mon nom dût jamais être porté, comme j'ai appris par ce que monsieur son père m'a fait l'honneur de me lire de ses lettres; et s'il réussit, comme il le désire et comme je l'espère, il aura plus fait seul que tout le monde. Je ne m'explique pas à lui sur le dernier Mémoire qu'il m'a envoyé, parce que nous voilà bien près du temps qu'il m'a fait espérer son retour, étant des choses qui ne peuvent être si bien traitées qu'en présence.

Si je vous ai dit le mot d'inutile, j'ai peut-être passé son expression, mais non pas son sens; car j'ai pris ce mot au regard du sacrifice : or il avoue que tout ce qui suit la consécration n'y sert de rien, et par conséquent y est inutile, je veux dire, au sacrifice, qui est de quoi nous convenons; tellement que sa pensée doit être, et est aussi en effet, que tout ce que le prêtre a intention de faire, est de rendre la victime déjà sacrifiée présente (a) ; et tout ce que Jésus-Christ y veut faire, présupposé qu'il y soit présent, est, non pas de se sacrifier de nouveau, mais de se montrer et exhiber à Dieu, déjà sacrifié en la croix, et rien davantage. C'est ce que nous appelons son intercession, et ce que nous exprimons en l'une de nos prières publiques, que je lui ai lue

 

(a) Ces paroles ne reproduisent pas toute la doctrine de Bossuet : on le verra tout à l'heure, dans la lettre XVII.

 

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et dont il s'est contenté. Tout le différend qui reste, est qu'il croit que cette exhibition se fait à l'autel de leurs temples, et nous en celui du sanctuaire céleste, comme dit l'Apôtre; de sorte que tout est réduit à la présence réelle : c'est aussi l'explication de ces deux messieurs de la société, lesquels m'ont parlé. Et cela étant réglé de la sorte, tous les arguments que nous avons tant faits contre la vocation des prêtres à sacrifier, nous deviennent inutiles, et une grande controverse est mise à fin.

Mais assurément, Monsieur, ce n'est pas la théologie ancienne de l'Eglise romaine; et quoique Bellarmin et Suarez que je vous ai nommés, et plusieurs autres qui ont commencé à la raffiner, aient beaucoup attribue et quelquefois tout le sacrifice à l'acte de consacrer, néanmoins ils veulent qu'il y entre aussi de la part du ministre public un acte d'offrir, bien qu'ils avouent que l'Ecriture n'en dit rien, parce qu'il n'y a point de sacrifice sans oblation, c'est-à-dire sans intention actuelle ou habituelle d'offrir et de présenter quelque chose à Dieu. Mais j'ai posé en fait, et nous avons promis de part et d'autre de ne regarder point à la manière dont personne se serait exprimé ci-devant, mais d'aller droit au fond; et comme il vous a dit à vous, Monsieur, indépendamment d'aucune autorité que de la parole de Dieu. Et plût à Dieu que nous en fussions quittes pour dire qu'ils ne se sont pas assez bien expliqués, et que nous ne les avons pas assez bien entendus, bien que quelqu'un m'ait écrit sur cela d'une manière un peu rude et avec un dilemme atroce, pour réfuter cette manière de nous rapprocher.

On m'avait déjà parlé de M. Daillé, et j'ai deux collègues qui l'ont connu . M. Ancillon et M. de Combles, particulièrement ce dernier qui l'a précédé ou qui l'a suivi en une même église. Ils m'ont fait une partie de son histoire, mais ils ne nient pas qu'il ne soit savant. J'en ai plus appris de M. de D..... Je n'ai rien à vous dire de la manière dont vous aurez a user de moi avec lui ou avec d'autres. En celle dont j'agis, je ne crois pas avoir raison de me cacher à personne : mais vous avez tant d'amitié pour moi et vous êtes si sage partout, que je me dois entièrement négliger entre vos mains. Il me suffira bien, quand il s'en présentera des

 

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occasions, que mes intentions vous sont bien connues et que vous les approuvez ; car vous les saurez bien expliquer.

Au surplus, Monsieur, vous m'avez offert, vos amis et vos connaissances à Paris, la source des choses; et puis vous m'écrivez que vous en partez le lendemain, sans me dire où vous allez et si vous reviendrez, et quand : vous pouvez penser que vous me laissez bien embarrassé. Je vous écris néanmoins par l'adresse que vous m'avez prescrite, et vous envoie un chiffre dont j'ai garde le double, comme vous l'avez désiré et sauf à y ajouter.

J'oubliais de vous dire que l'on a voulu me persuader que le Roi a déjà un mémoire signé de dix-huit ou vingt pasteurs, qui reconnaissent qu'on se peut sauver en l'Eglise romaine. J'ai répondu que si cela est, il faut que ce soit des gens qui y sont déjà ou qui y doivent entrer, comme j'ai dit à ceux qui m'ont parlé ci-devant de le signer. Après tout, Monsieur, il ne nous faut pas laisser surprendre par ces exemples. J'avoue que ce sont des achoppements aux faibles, mais il ne le faut pas être; et quoique je croie qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut supporter, je n'estime pas pardonnable à ceux qui les improuvent de retourner à les faire, et moins d'en croire d'autres qui ne doivent pas être dissimulées; car il vaudrait beaucoup mieux n'avoir jamais connu la voie de justice, etc.; mais c'est assez à un homme si intelligent.

Pour la fin, mandez-moi, s'il vous plait, où est votre séjour plus ordinaire ; comment se porte Mademoiselle et quelle famille vous avez, et quand vous espérez retourner à Paris, et si vous aurez reçu cette lettre bien conditionnée. Adieu cependant, mon cher Monsieur; et priez toujours Dieu pour moi, comme je fais pour vous, singulièrement à ce qu'il nous fasse la grâce de lui demeurer fidèles, et de nous revoir ensemble avec les véritables bienheureux. C'est en sa grâce et en cette espérance que je vous embrasse de tout mon cœur, que je vous remercie humblement de tout le bien que vous dites de moi et que vous me faites, et que je veux être à vivre et à mourir, Monsieur, votre, etc.

 

FERRY

 

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Je vous supplie très-humblement. Monsieur, de conserver cette lettre, pour me la renvoyer un jour si j'en ai besoin, pour montrer la pureté de mes intentions en la profession de la vérité; et pour cette fin je vous prie d'y noter quelque part, quel jour vous l'aurez reçue.

 

 

LETTRE XVIII.
MAIMBOURG A FERRY.
Coullonges, le 23 octobre 1666.

 

MONSIEUR,

 

J'aurais bien de la confusion de toutes les louanges que vous me faites la grâce de me donner par votre dernière, du 18 de septembre, si je ne savais de quelle source elles partent, et que ce serait une vanité dont je ne suis pas capable par la grâce de Dieu, que d'attribuer à mon mérite ce que je tiens de votre pure bonté et de celle de vos amis. Tout ce que je puis m'attribuer avec justice, c'est, Monsieur, une passion sincère, vive et constante à vous honorer comme mon père et comme un des plus grands hommes de notre siècle; et je vous axone qu'il me fâcherait que vous n'eussiez pas toute la gloire d'une paix tant désirée, si c'est le bon plaisir de Dieu de la faire éclore en nos jours.

Peut-être, Monsieur, que le procédé de M. Daillé, tout grand homme qu'il est, n'est pas exempt de quelque jalousie qu'il n'ait pas été le premier à qui l'on ait fait les premières ouvertures de ce dessein. Quoi qu'il en soit, je ne désespère point, malgré les difficultés que j'y prévois, d'en voir une heureuse conclusion, puisque Dieu vous a, ce semble, choisi entre tous pour une oeuvre de cette importance, et qu'il a voulu qu'une réputation aussi belle et aussi pure que la votre fût comme le principal fondement et le principal appui de tout ce grand édifice.

Le point du sacrifice est assurément un des plus difficiles à ajuster; mais je suis persuade qu'il n'est pas impossible de s'approcher et de s'entendre là-dessus, comme sur la plupart de nos autres controverses; et que dans les conférences que vous aurez avec notre illustre abbé et ces autres amis que vous me marquez,

 

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vous ne puissiez enfin trouver des éclaircissements et des biais qui pourront satisfaire les plus délicats, sans blesser leur conscience ni la vérité.

Je voudrais bien être assez heureux pour me trouver à des entretiens ou il y aura tant à profiter; et le zèle de la paix, plutôt qu'aucune opinion que j'aie de ma petite capacité, me fait presque croire que je pourrais bien n'y être pas absolument inutile. Mais le moyen de rompre les liens qui m'attachent ici . sans le secours de ceux entre les mains de qui Dieu a mis toutes les choses qui me manquent? Je suis comme ce pauvre paralytique de l'Evangile : Hominem non habeo; cependant je fais ce que je puis par-deçà, et peut-être que nies efforts ne seraient pas sans quelque succès, si cette malheureuse passion, je veux dire la jalousie, ne se mêlait pas d'interpréter nos intentions contre toute la netteté de mon procède et de mes paroles. Il ne faut pas pourtant que cela nous rebute, Monsieur, ni oublier que nous ne sommes pas responsables des événements qui dépendent de Dieu seul, mais seulement des choses qu'il a mises en notre pouvoir. Après tout, in magnis voluisse sat est, et comme dit Cicéron, Turpe est quaerendo defatigari, cùm id quod quaetitur sit pulcherrimum.

On me mande de Paris que M. de Bossuet est allé à la campagne, et que notre correspondant en devait partir le 15 du courant pour un voyage de deux ou trois mois. Ainsi je vous supplie, Monsieur, de prendre maintenant l'adresse de vos lettres chez M. de Combel, secrétaire du Roi, rue des Fossés-Montmartre, en mettant mon nom, et non pas celui de Plerville qui lui serait inconnu.

Votre chère lettre m'a été bien et fidèlement rendue le 19 du courant; j'ai marqué ce jour au haut de la lettre, comme vous l'avez désiré, et je la garderai soigneusement, afin de vous la renvoyer, lorsque vous le désirerez.

La longueur de ma dernière, et la hâte que j'avais à la veille de mon départ, me firent oublier de vous dire que je parfois pour retourner ici, chargé des ordres du Roi, et pour arrêter les persécutions d'un curé et de quelques mauvais voisins, qui menaçaient

 

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cette maison d’une désolation entière. Mais l'envie que j'avais de me rendre en diligence dans la province avec des ordres si favorables, ne m'empêcha pas de quitter la route ordinaire, pour prendre celle de Saumur et de là par Thouars, afin d'avoir l'honneur d'y voir les personnes qui vous touchent de si près, et de conférer avec M. Baucelin de toutes les choses que vous m'aviez fait l'honneur de m'écrire ; mais par malheur ils étaient à une journée de là, et le guide que j'avais pris à Saumur et qui m'avait loué un cheval, ne voulut jamais consentir à ce petit détour, parce qu'il dit que nous manquerions à Blaye l'occasion qui l'avait fait résoudre à ce voyage, ce qui était véritable.

Vous me faites trop de grâces, Monsieur, des soins que vous avez la bonté de prendre de ma petite famille. Elle consiste en deux enfants, un petit garçon de six ans et mie fille qui entre dans la douzième. Ils sont ici tous deux avec leur mère, logés dans le château même, qui est un des plus beaux et des plus magnifiques de la Guyenne. Je suis, avec toute la tendresse et tout le respect possibles, Monsieur, votre très-humble, etc.,

 

MAIMBOURG.

 

 

LETTRE XIX.
BOSSUET A FERRY.
A Gassicourt, le 28 octobre 1666.

 

Depuis la très-obligeante lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, Monsieur, j'ai presque toujours été comme errant en divers endroits ; et une personne puissante et très-bien intentionnée pour l'affaire qui vous touche, ayant été aussi toujours absente pendant ces vacations, je n'ai pu faire encore le dernier effort que je prétends faire par son entremise, pour vous faire accorder la grâce que vous désirez. J'ai laissé néanmoins à Paris des gens très-bien instruits de la chose, et en résolution de vous y servir dans l'occasion. Je n'en ai rien appris depuis, à cause des petites courses que j'ai faites en divers lieux.

Voici le temps qui approche que tout le monde se rassemblera,

 

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et que nous pourrons tout réunir pour obtenir ce que nous souhaitons, et surmonter les difficultés cpie nous avons trouvées plus grandes que nous ne pensions dans l'esprit du maître, parce qu'à ne vous rien dissimuler, il nous a paru peu disposé à faire des choses qui peuvent être tirées à conséquence par d'autres ; si bien que ceux qui traitaient la chose avec une très - favorable intention pour vous, ont jugé à propos de ne presser pas dans le temps que j'ai été à la Cour, et je n'ai point appris qu'ils aient réussi, ni même rien tenté depuis pour les raisons que j'ai marquées.

Quoi qu'il en arrive, Monsieur, vous pouvez tenir pour certain que je n'omettrai rien en cette rencontre de ce que je croirai pouvoir être utile à votre dessein. J'ai préparé, autant qu'il a été en moi les esprits; et le témoignage que j'ai rendu de votre personne a été assurément tel que votre mérite extraordinaire me l'a inspiré. J'ajouterai envers tout le monde et dans toutes les occasions, ce que je croirai pouvoir servir, et du moins j'aurai la joie de pouvoir parler de vous avec L'honneur qui est du à un homme de votre force.

Au reste il faut avouer que votre zèle et votre prudence ne peuvent être assez loués dans la conduite que vous tenez avec vos messieurs. C'est un pas important que de disposer à entendre, et votre science, votre autorité, votre poids, votre singulière modération nous y sont absolument nécessaires. Je vous assure qu'on a dessein de procéder de très-bonne foi, et je puis vous le dire avec certitude, parce que je suis instruit à fond de l'affaire, et je vous confesserai en confiance que j'y suis un peu écouté.

A l'égard des explications que je vous ai données, ne soyez en aucun doute, s'il vous plaît, qu'elles ne soient très-constantes parmi les nôtres; tellement que si vos messieurs les remisent aussi bien que vous avez fait, il n'y aura rien a désirer sur ces articles.

Je ne feins point de vous dire, encore une fois, que l'essence du sacrifice de l'Eucharistie consiste précisément dans la consécration, c'est-à-dire dans l'action par laquelle le ministre, ou

 

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plutôt Jésus-Christ même, rend son corps et sou sang présents sur la sainte table par l'efficace de ses paroles, et que Jésus-Christ n'y est offert mystiquement, qu'en tant que par cette action il se représente lui-même à son Père, revêtu des signes de mort, et comme ayant été immolé par une mort effective.

Les prières qui se font devant et après ne sont en aucune sorte nécessaires pour l'essence de ce sacrifice, et c'est le commun avis de nos plus grands théologiens ; ce qui n'empêche pas que nous ne les tenions très-saintes, très-vénérables pour leur antiquité, que nous voyons témoignée presque de mot à mot par les Pères, et pleines d'un esprit apostolique qui se fait sentir à tous ceux à qui Dieu ouvre le cœur pour les bien entendre. Mais enfin nous enseignons constamment que le sacrifice peut subsister sans ces prières, à la manière que je vous ai exposée; et en un mot je ne doute pas qu'il ne soit renfermé tout entier dans la seule consécration.

Il ne faut pas taire toutefois que le cardinal Bellarmin y ajoute quelque chose. Car c'est son opinion, que pour la vérité de ce sacrifice il désire quelque manière de destruction réelle qu'il établit dans la consomption des espèces, dans laquelle tous ceux qui croient la réalité sont obligés de reconnaître qu'il arrive une cessation de l'être que Jésus-Christ acquiert dans ce sacrement; et cette cessation n'est toujours qu'une mort mystique, puisque la personne de Jésus-Christ demeure toujours inviolable en elle-même. Mais quoiqu'il soit véritable que tous ceux qui posent la réalité doivent aussi confesser par une suite nécessaire cette cessation d'être dans la consomption des espèces consacrées, toutefois ni les plus doctes théologiens, ni même Suarez et Vasquez n'accordent pas à Bellarmin qu'elle puisse être essentielle à l'action du sacrifice, puisque la consomption le suppose déjà fait, et que c'est là qu'on y participe.

Vous remarquerez, s'il vous plait, que ces deux façons d'expliquer le sacrifice de l'Eucharistie ne mettent rien, quant au fond, que ce qui suit nécessairement de l'institution de Jésus-Christ, supposé la réalité. Il est. permis aux docteurs de proposer chacun leurs pensées pour exposer les mystères ; et pourvu

 

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que le fond demeure entier, la théologie peut s'exercer à satisfaire la variété des esprits par diverses explications.

Mais je tiens que l'un des moyens qu'il faut prendre et retenir avec plus de soin dans le dessein d'accommoder nos controverses, c'est de s'arrêter aux expositions les plus simples et les moins embarrassées, qui sont aussi ordinairement les plus véritables. Et c'est pourquoi, Monsieur, j'ai choisi celle que vous avez approuvée et de laquelle il est certain que tous nos théologiens seront très-contents, et qu'aucun n'en demandera davantage pour l'intégrité de la foi, personne n'étant astreint à suivre les sentiments particuliers du cardinal Bellarmin.

Je fais cette lettre plus longue que je n'avais médité, afin de répondre exactement à un article de la vôtre. Mais puisque j'ai commencé une fois de me jeter sur la controverse, sans controverse néanmoins autant que je puis, puisque mon intention est plutôt de concilier que de disputer, et de proposer des explications dans lesquelles on puisse convenir que de traiter des questions sur lesquelles on chicanerait sans fin : il faut encore que je vous dise ma pensée sur un mot que vous avez dit à mon père.

Il m'a écrit, Monsieur, que vous lui aviez témoigné que vous souffriez beaucoup de difficulté touchant l'invocation des Saints. Si c'est touchant la question au fond, savoir si la doctrine que nous tenons sur ce sujet est bonne ou mauvaise, je sais assez les raisons que les vôtres ont accoutumé de nous opposer. Mais ce n'est pas en cette manière que nous avons considéré ces choses. Nous sommes convenus de peser d'abord, non ce qu'elles sont en elles-mêmes, mais le rapport qu'elles ont avec le fondement du salut ; et en cette sorte j'avoue, vu les grandes et pénétrantes lumières que Dieu vous a données sur ce sujet-là, que je ne puis m'imaginer en façon quelconque ce qui peut arrêter en ce point.

Est-il possible que vous croyiez que nous invoquions les Saints comme Dieu? Et n'avons-nous pas dit assez clair, que nous ne les appelions à notre secours que comme nos conserviteurs, et dans Le même esprit de communion qui fait que nous prions tous

 

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nos frères d'offrir pour nous leurs oraisons, c'est-à-dire tous nos membres à concourir avec nous à notre commune félicité?

Peut-être que vous direz que nous attribuons aux Saints qui sont avec Dieu quelque manière de science divine, en croyant qu'ils pénètrent le secret des cœurs, entendant les prières qu'on leur adresse. Mais vous savez, Monsieur, que nous sommes bien éloignés de ce sentiment. Lorsque le Fils de Dieu nous a enseigné que l'on se réjouit au ciel, devant Dieu, de la conversion des pécheurs , il ne présuppose pas dans les habitants de cette région céleste une science universelle des secrets mouvements des cœurs, ni de ce qui se passe en ce bas monde. Nous entendons aisément que les esprits bienheureux se réjouissent de ces miraculeux événements, autant qu'il plaît à Dieu leur en donner la connaissance; et de même, quand on dira que les Saints qui sont dans la gloire peuvent connaître nos prières, ou par le ministère des anges qui sont établis par ordre de Dieu esprits administrateurs pour concourir à l'ouvrage de notre salut, ou par quelque autre manière de révélation divine, jamais votre bonne foi ni votre sincérité ne vous permettront de penser que ce soit élever les Saints à la science ni à la puissance divine.

Quand donc vous ne voudriez pas demeurer d'accord qu'ils commissent en cette sorte les prières qu'on leur fait , tout ce que vous pourriez conclure de plus fort, c'est qu'elles sont inutiles ; mais qu'elles aillent à renverser cet unique fondement du salut dont nous avons tant de l'ois parlé, c'est-à-dire la confiance en Jésus-Christ seul, c'est ce que je ne puis entendre. Jésus-Christ est jaloux; mais c'est mal interpréter sa jalousie, que de penser qu'elle s'offense que nous croyions que ses serviteurs puissent obtenir en son nom beaucoup de grâces à leurs frères, ni que nous nous adressions à eux pour cela, ni que nous espérions quelque avantage plus grand du concours de leurs prières que nous ne ferions des nôtres seules. Est-ce s'éloigner de Jésus-Christ que de prier ses serviteurs et ses membres, et ses membres unis avec lui, non-seulement par la grâce, mais par la société de la même gloire, de prier pour nous par Jésus-Christ même? N'est-ce pas pour cela et dans cette vue que vous-même avez prêché

 

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et écrit que la prière des Saints n'empêchait pas le salut de nos ancêtres, parce qu'elle présupposait le fondement essentiel, c'est-à-dire l'espérance en Jésus-Christ seul?

Je ne sais pas, Monsieur, ce que vous avez découvert depuis, qui vous fait trouver tant de difficulté dans cette prière. Mais je suis très-assuré que, pour peu qu'il vous plaise de vous élever au-dessus des vieux préjugés, et de suivre les lumières qui vous sont données, vous verrez que ce n'est non plus renverser le fondement du salut, de prier saint Pierre vivant avec Dieu, que de le prier vivant avec nous.

Mais il faut considérer ici que les plus grands hommes ne voient pas tout; et que si Dieu n'étend leurs vues, elles demeureront toujours trop bornées. C'est donc de lui et du temps qu'il faut tout attendre ; et c'est pourquoi je ne cesse de le prier qu'il vous fasse voir combien il est véritable que l'Eglise catholique a retenu constamment le fondement du salut, et que de là vous entendiez combien donc elle a été protégée d'en haut.

Peut-être que vous verrez dans une vérité si manifeste, qu'il ne fallait point s'en séparer, et qu'il n'est rien de plus nécessaire que d'y retourner bientôt. Mais, Monsieur, vous êtes déjà très-déterminé à en chercher les moyens. Je vous en pourrais proposer beaucoup qui me semblent très-efficaces et très-bien fondes, mais desquels nous ne conviendrions peut-être pas. Reste donc que nous cherchions ceux dont nous pourrons convenir, ou pour achever tout à fait, ou du moins pour avancer un si grand ouvrage.

Je travaillerai avec diligence à terminer mes affaires, pour m'en retourner au plus tôt ; et je vous assure en vérité que ce qui me presse le plus, c'est le désir de continuer nos conférences. J'en espère de grands progrès pour le bien que nous souhaitons, et on peut tout espérer d'une intention aussi pure et d'une charité aussi patiente qu'est celle que vous témoignez, plus encore par vos oeuvres que par vos paroles. Les grandes lumières, la sincérité, la modération, tout concourt en vous à me faire désirer de traiter la chose avec vous plutôt qu'avec aucun autre, quoique selon mon désir je voudrais parler à tous ; mais il faut suivre les

 

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conseils de Dieu, qui paraissent dans les ouvertures qu'il nous donne par sa Providence.

J'apprends que vous avez fait votre semaine. Que je crains pour votre santé, et que je désire avec ardeur que nous puissions vous procurer un repos honnête et avec les circonstances que vous aviez raison de souhaiter! Je me sens bien obligé à M. Maimbourg, notre ami commun, qui vous a si bien expliqué les sentiments d'estime et d'affection que j'ai pour vous. Vous me l'avez enlevé, et qui sait si ce ne serait point pour travaillera nous réunir tous en Jésus-Christ? C'est un homme très-capable de tout bien. Mais il s'en est allé bien loin de nous. Dieu est puissant pour ramasser quand il lui plaira , par les voies qu'il sait, tous ceux qu'il veut employer à son œuvre. Je suis, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

 

BOSSUET.

 

Pardonnez la mauvaise écriture et les fautes de ce volume que je ne puis pas relire.

 

LETTRE XX.
BEGNEGGHER, DE STRASBOURG,
A BACHELLÉ, PASTEUR.
27 janvier 1667.

 

Me trouvant, il y a deux ans, à Ratisbonne, je rencontrai à la Cour de Sa Majesté impériale deux religieux espagnols qui y négociaient des affaires secrètes, lesquels parlaient de cette réunion (des religions) comme d'une affaire fort aisée, et à laquelle le Roi leur maître avait une inclination très-forte, et même leur avait donne commission d'en conférer avec les nôtres. A moins que Dieu ne fasse des miracles, ces choses ne me semblent désormais que de beaux songes. Et quelquefois la peau de lion ne servant plus de rien, on prend celle du renard.

 

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LETTRE XXI.
BEGNEGGHER A  BACHELLÉ.
3 février 1667.

 

Depuis que j'ai su qu'un des piliers de la religion protestante s'est amusé d'entretenir, plus de deux ans, un de ses ministres à la Cour de Rome pour la flatter, je ne m'étonne plus de ce qu'il vous a plu me mander dernièrement d'une nouvelle espèce de syncrétisme.

Les grands se moquent de Dieu, qui se moquera d'eux; à quoi il a ajouté ces paroles, ou semblables : mais bien que les choses changeraient en pis, je ne changerai en rien la résolution que j'ai faite de demeurer (a)...

 

RÉCIT
FAIT PAR LE MINISTRE FERRY,
De ce qui s'est passé au sujet du Projet de réunion.

 

Le dimanche 9 janvier 1667, sur le soir, MM. de Dampierre et de Batilly vinrent me trouver chez moi pour me dire, comme ils firent, que M. le lieutenant-général avait été chercher M. de Dampierre chez lui ; et qu'ayant appris de madame sa femme qu'il était au catéchisme, il l'avait priée d'envoyer un laquais le prier de sa part, lorsqu'il en sortirait, de prendre avec lui M. de Batilly, et de le venir trouver pour quelque chose importante qu'il avait à leur communiquer. Eux étant arrivés, il leur avait dit avoir charge de ne leur parler qu'on présence de M. de la Voitgarde ; qu'étant allés ensemble chez lui et l'y ayant trouvé, il leur avait alors déclaré qu'il avait ordre, et faisait sourdement entendre que c'était du Roi, de leur faire entendre que Sa Majesté désirait  

(a) Ferry a ajouté de sa main, à cet extrait, l'observation suivante : « Peut-être qu'il entend parler de M. Spanheim, qui a bien été en ce temps-là à Rome connu de tous pour caresser les grands, et où il a composé et fait imprimer un livre de médailles. »

 

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passionnément de voir tous ses sujets réunis en une même créance, que ce serait une couronne ajoutée à la sienne ; qu'ils en communiquassent donc avec les quatre pasteurs, et eux avec peu d'autres. Et au cas qu'ils y trouvassent les esprits disposés, on choisirait de part et d'autre, en pareil nombre, gens paisibles qui conféreraient ensemble sans dispute des moyens de s'accorder. Sur lequel récit que ces Messieurs me firent, je leur fis connaître que je trouvais cette préposition étrange, qu'assurément il n'y avait point d'ordre du Roi, et je leur en dis mes raisons; et même que le sentiment de ceux qui m'avaient parlé était que cela ne se fit qu'en une assemblée générale du royaume, mais qu'auparavant il y aurait bien des préparations à faire; et je leur dis que j'en parlerais le mercredi suivant, après le prêche, à mes collègues, lesquels ayant tous prié de monter en notre chambre, M. de Batilly présent, nous trouvâmes bon d'un commun accord d'en parler à quelques autres que nous appellerions avec nous. Mais parce que M. de Comble, qui était de semaine, ne put être induit à s'y trouver qu'après sa semaine, nous remîmes à nous assembler le lundi suivant ; et parce que ce jour-là les diacres rendaient leurs comptes en la chambre ordinaire du conseil, je proposai que ce fût chez M. du Bac, fort contraire à cette proposition comme sa femme, le plus âgé , et qui avait sa maison au milieu de la ville et à deux issues, et fut prise l'heure à trois après midi ; et proposai d'y appeler M. Bachellé, le ministre, à cause de la matière, à qui fut aussi ajouté M. Jennet, s'il était en ville, avec mesdits sieurs Dampierre et Batilly, M. du Chat, conseiller, qui fut contre, M. Persod, conseiller, MM. Duclos, frères, M. Ancillon; tous lesquels étant assemblés ledit jour, à ladite heure, excepté M M. Jennet et du Chat, la proposition étant ouverte par lesdits deux Messieurs , et moi voulant prendre les voix comme étant de semaine, je fus prié par MM. mes collègues, les du Bac et autres de la compagnie, de commencer à opiner, à cause de l'importance de la matière : à quoi je crus ne devoir pas résister; et après avoir témoigné ma surprise de cette proposition, dit les raisons que je croyais avoir de ne croire pas que le Roi eût donné charge de la faire, fait un succinct récit de ce que M. de Bossuet et les Jésuites

 

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avouaient, les avances qu'ils avaient faites, le sujet qu'il y avait de louer Dieu, de les voir nous avouer des articles pour lesquels on nous avait autrefois persécutés, que cela pouvait servir à faire voir aux raisonnables qu'il n'y avait pas tant de sujet de nous haïr qu'ils avaient cru ; je dis pourtant que je ne voyais pas grande espérance qu'ils fussent avoués, en tout cas que ce n'était pas à nous à entrer en ces discussions, que nous n'étions qu'une église particulière et hors du royaume, qui avons pourtant une même confession de foi et même discipline signées avec les églises de France, sans lesquelles nous ne devions rien faire de cette nature ; mais qu'il fallait faire une réponse honnête et modeste, parce que le Roi en pourrait être averti. Toute la compagnie ayant été de mon avis, je proposai, et M. du Bac aussi, de le mettre par écrit, ce qui fut trouvé bon, et du papier et de l'encre apportés à l'instant. Sur quoi je lus à la compagnie la minute que j'en avais toute dressée , laquelle sembla un peu trop longue ; et après que la manière d'en faire mie autre eut été fort contestée, que M. du Bac et MM. du Clos et Ancillon, avocats, se furent joints ensemble pour en faire une autre et l'eurent lue, elle fut encore plus débattue : enfin il fallut se rapprocher de la mienne ; et après que j'eus fort insisté à ce qu'on y mît quelques offres d'y apporter en temps et lieu tout ce que nous pourrions, selon que la vérité et la conscience pourraient permettre, enfin toute la compagnie s'y réunit, l'ayant trouvée raisonnable, sans péril et sans conséquence, et qui pourrait satisfaire Sa Majesté, aussi bien que tous les autres qui la pourraient voir, et qu'il en fallait instruire. Et étant enfin dressée comme elle est ici, je proposai de la signer ; mais je fus suivi de peu. Les ayant remis au retour des deux Messieurs, qui furent priés de la porter à M. le lieutenant-général ; ce qu'ils firent dès le lendemain, car il était six heures et demie quand nous sortîmes ; et les ayant ledit M. le lieutenant-général menés chez M. de la Voitgarde, là ils lui firent la réponse verbale, et enfin la lui laissèrent copiée ; et parce qu'ils lui refusèrent de la signer avec lui, il refusa de leur donner copie de la proposition qu'il en avait faite, comme il avait offert. Ce que M. de Batilly ayant rapporté à la même compagnie le mardi 25, chez

 

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M. du Bac, excepté M. de Dampierre, et M. Fibiel appelé, qui n'y avait pu être la première fois, il tut dit qu'on en demeurerait là; et MJ. du Clos fut prier M. de Dampierre de dire à M. le lieutenant-général, s'il le trouvait à ta remontre, et s'il lui en tenait encore quelques propos, que la compagnie n'avait point trouvé devoir rien faire davantage, et de mettre entre les mains de M. Ancillon ledit avis.

 

RÉPONSE
Donnée par les ministres de Metz,
sur la proposition qui leur avait été faite
de travailler à la réunion.

 

Messieurs, nous avons fait rapport à Messieurs nos ministres et autres assemblés avec eux, de votre proposition touchant la réunion. Ils nous ont dit que c'est une chose que tous les bons François doivent désirer de tout leur cœur, pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Mais comme notre église est unie en une même confession de foi et de discipline avec les autres du royaume, et qu'elle n'est que particulière, elle n'a point de droit, et ne peut délibérer sur cette proposition que conjointement avec les autres églises de France ; étant prêts en ce cas de contribuer en une si bonne œuvre tout ce que la vérité et leur conscience peuvent permettre.

 

RELATION
Faite par le ministre Ferry, de différent faits,
qui ont rapport au Projet de réunion.

 

Le samedi 5 février 1667, le Père de Rhodes m’étant venu voir, après m'avoir déjà cherché deux fois, je lui demandai des nouvelles de la proposition qui nous avait été faite par M. le lieutenant-général, qu'il me témoigna savoir bien, mais non notre réponse par écrit et surtout la danse, que nous étions prêts de contribuer conjointement avec les églises de France ce que la conscience et la vérité pourraient permettre, et en somme protesta ne rien savoir du second voyage de MM. de Dampierre et

 

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de Batilly vers lui. De cela nous passâmes au gros de l'affaire, et ensuite je lui dis que nul de nous n'avait cru qu'il en eût eu aucun ordre du Roi ; que les uns disaient qu'il n'avait aucun ordre que du Père Annat ou conseil de conscience, et les autres que c'était un concert fait avec le Père Adam et la congrégation des Jésuites.

Sur quoi il m'avoua ingénument, sous le secret pourtant, qu'il n'avait eu nul ordre pour cela, mais que le Père Adam étant sur son adieu, M. le lieutenant-général lui demanda et à lui de Rhodes, s'il y aurait du mal qu'il nous fit cette proposition; à quoi ils ne s'opposèrent point, pourvu qu'il y eût apparence qu'elle dût être bien reçue et approuvée à la Cour; et ensuite me dit que le Père Adam en avait donne avis au Père Annat, et que lui Père de Rhodes lui en avait écrit au long, à quoi le premier s'en était remis, mais qu'il n'avait eu aucune réponse.

        Sur quoi je lui dis que cette proposition avait bien été faite à contre-temps, qu'elle m'avait causé de la peine et du déplaisir ; lui en fis un récit sommaire; et ajoutai que le jeudi précédent, 3 de ce mois, M. du Chat, conseiller, m'était venu montrer mie lettre qu'il avait reçue de M. Conrard, son beau-frère, où j'étais maltraite, quoique non nommé, à l'occasion de mes éloges qu'on publiait partout de pacifiques, et comme si je donnais les mains ou traitais déjà des moyens de la réunion. Je le fis souvenir que je leur avais toujours dit que je ne me séparerais jamais de mes frères et collègues; que je ne quitterais jamais rien de la vérité : que tout ce que je leur avais promis était d'ouïr les adoucissements ou éclaircissements qu'ils me voudraient donner sur les controverses et explications du malentendu, et de leur en dire mon sentiment en bonne conscience et autant que la vérité le pourrait permettre, et sans aucun engagement; et que j'avais toujours dit que cette affaire n'était pas pour être traitée à part, mais en une grande assemblée du clergé avec les ministres de France, convoquée avec l’avis d'un synode national ; que c'était l'ouvrage d un grand Roi qui n'avait plus rien a l'aire a Taris bous ses yeux; et cela, disais-je, pour m'en détourner, comme n'étant pas du royaume, ni membre de synodes, afin de détourner aussi ce qu’on

 

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me disait que le Roi m'appellerait : ce qu'il reconnut être entièrement véritable.

Et pour la fin, sur ce qu'il me faisait les recommandations du Père Adam, dont il disait être chargé par trois lettres, et qu'il serait bientôt ici pour se préparer au Carême, de le conjurer et le prier à son arrivée de se passer de prendre la peine de me venir voir : ce qu'il me promit, en me disant qu'il voyait que je souffrais dedans et dehors.

Sur la proposition qui nous a été faite par MM. de Dampierre et de Batilly. de la part de M. de la Voitgarde, lieutenant de Roi en cette ville et gouvernement, et de M. le lieutenant-général au bailliage et siège royal de cette dite ville, et par ordre, comme ils ont dit, de penser aux moyens de parvenir à la réunion des religions d'entre ceux de la religion catholique romaine et nous, et d'en conférer entre nous et après avec ceux d'entre eux qui nous seront proposés de leur part en tel nombre qu'il sera avisé de part et d'autre : répondons avec tout le respect qu'il appartient que la désunion qui y est survenue au siècle passé ayant été une extrémité à laquelle les nôtres n'ont cru se devoir réduire que pour le repos de leurs consciences et pour pouvoir servir Dieu sans l'offenser, il ne nous saurait rien être présenté de plus agréable que la proposition et les moyens de pouvoir retourner à le servir ensemble comme il le veut être ; mais que ne nous étant rien propose de particulier, nous n'avons aussi rien à répondre de plus exprès quant à présent ; étant prêts, s'il nous en est fait ci-après quelque ouverture, d'en dire nos sentiments, après que nous aurons pourtant communiqué le tout à nos Frères du royaume, avec lesquels nous avons signé une même Confession de foi et avons une même discipline, auxquels cette affaire doit être commune avec nous, et en la communion desquels nous faisons profession de vouloir demeurer; promettant néanmoins d'apporter de notre part aux occasions toute la disposition possible, et qui doit être attendue de bons sujets et de bons citoyens, et autant que la matière et la conscience le pourront permettre.

 

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PROJET DE RÉUNION DES DEUX RELIGIONS,
PAR LE MINISTRE DU BOURDIEU (a).

 

Nous, ministres soussignés, ayant dessein de porter notre obéissance aux ordres de Sa Majesté aussi loin que les grands intérêts de notre conscience pourront nous le permettre, et espérant de sa bonté royale que, voyant les avances que nous voulons faire vers la religion qu'il professe, il ordonnera qu'on nous laissera en repos, et que toutes nos affaires seront en assurance; nous promettons de contribuer de notre pouvoir au religieux dessein qu'il a de ranger tous ses sujets sous le même ministère, et pour cet effet de nous réunir à l'église gallicane, si elle veut nous accorder les articles suivants, selon la promesse solennelle qu'elle a faite dans l’Avis pastoral, de relâcher de ses droits en faveur de la paix, et de rectifier les choses qui auront besoin de remède, si la plaie du schisme est une fois fermée. Voici les articles :

I. Qu'il n'y aura point d'obligation de croire le purgatoire; qu'on ne disputera point de part ni d'autre sur cet article, et qu'on parlera avec une grande retenue de l'état où sont les âmes incontinent après la mort.

II. Que l'on ôtera des temples les images de la très-sainte Trinité; que les autres, que l'on trouvera à propos d'y laisser, ne resteront que pour servir d'ornement à l'église ou pour une simple

 

(a) L'abbé Millot dit dans ses Mémoires politiques et littéraires : « Le duc de Noailles, commandant de Languedoc, soupirait pour l'exécution d'un projet l'orme depuis longtemps, auquel plusieurs savants théologiens avaient travaillé, mais qu'on ne verra jamais réalisé sans une espère de miracle. C'était de réunir les protestant à l'Eglise catholique. Bourdieu, ancien ministre de Montpellier, lui envoya un Mémoire, pour être présenté au Roi, sur un objet si désirable. Après l'avoir examiné et fait examiner avec soin, le duc resta persuadé que ce Mémoire traduit à rendre les catholiques huguenots, et non les huguenots catholiques. Il ne le présenta point; mais il le communiqua au célèbre Bossuet, l'oracle de l'Eglise de France et le plus redoutable adversaire des novateurs. »

Après cette citation, Déforis ajoute : « Nous ignorons la date précise de ce Projet de réunion, qui n'est pas marquée dans la copie qui nous en a été confiée avec les originaux des autres Pièces qui précèdent. Mais il paraît par les Mémoires de l'abbé Millot, qu'il est de 1684.

 

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instruction historique; et que les pasteurs avertiront soigneusement les peuples d'éviter sur ce point les abus, qui ne sont que trop communs parmi les personnes mal instruites.

III. Que les reliques et les autres dépouilles des Saints, de la vérité desquelles on n'aura pas raison de douter, seront conservées avec grand respect ; mais qu'elles n'entreront point dans le service de la religion, et qu'on ne nous obligera pas de leur rendre aucun culte.

IV. Que l'on n'envisagera que Dieu, seul objet de notre adoration et de notre culte, qu'on instruira le peuple de prendre bien garde de ne rien attribuer aux créatures, pour si éminentes qu'elles soient, qui soit propre ni particulier à Dieu ; mais que cependant, puisque les Saints s'intéressent dans nos misères, on peut prier Dieu d'accorder aux prières de l'Eglise triomphante les grâces que l’indifférence de nos oraisons n'obtiendrait jamais de lui.

V. Qu'entre les cérémonies de l'Eglise chrétienne, le baptême et l'Eucharistie sont les plus augustes, et que Tonne donnera aux autres le nom de sacrement que dans un sens large et étendu.

VI. Que sur la nécessité du baptême on s'en tiendra particulièrement au canon du concile de Trente, sans lui donner autre forme ou étendue que celle que ces paroles renferment : Si quis quis dixerit baptismum liberum esse, hoc est non necessarium esse ad salutem, anathema sit. C'est pourquoi on ne donnera aucune modification au canon X du chapitre précédent, qui déclare qu'il n'est pas permis à toutes personnes d'administrer les sacrements, ce droit n'appartenant qu'aux ministres de l'Eglise, qui ont reçu de Jésus-Christ le pouvoir de les conférer.

VII. Que Jésus-Christ est réellement présent dans le sacrement de l'Eucharistie, quoique les voies de sa présence soient incompréhensibles à l'esprit humain ; et par conséquent on n'obligera personne à définir la manière de sa présence, ni on n'en disputera point, puisqu'elle passe notre intelligence et que Dieu ne nous l'a pas révélée.

VIII. Que quand on communiera, on sera dans une posture d'adoration : les communiants rendront alors à Jésus-Christ les

 

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honneurs suprêmes qui ne sont dus qu'à Dieu, sans exiger autre chose de personne, pour les espèces de la matière de ce sacrement, que cette vénération profonde qu'on doit aux choses saintes.

IX. Qu'il sera permis au peuple de lire les Ecritures saintes, et que l'on les lira publiquement dans l'église; que le service se fera en langue vulgaire ; que la coupe sera administrée au peuple; que Ton ne reconnaîtra point d'autre sacrifice proprement dit que celui de la croix. Les pasteurs enseigneront aux fidèles que l'Eglise chrétienne n'a qu'une seule victime, qui s'est une seule fois immolée; et que l'Eucharistie est un sacrifice de commémoration, ou la présentation que le chrétien fait à Dieu du sacrifice de la croix : qu'avant de nous obliger à recevoir l'usage de la confession, on corrigera les abus qui s'y sont glissés, et l'on y apportera les modifications nécessaires pour le repos des consciences.

X. Qu'on ne regardera les jeûnes et toutes les mortifications que comme des aides à la piété, et les moyens pour se conserver en l'état de la grâce.

XI. Qu'on reformera les maisons des religieux, et surtout celle des mendiants, ne conservant sur pied que les sociétés anciennes, comme celles de Saint-Benoît, des Jésuites, des Pères de l’Oratoire ; mais les soumettant toutes uniquement à l'inspection et à l'autorité des évêques.

XII. Que les ministres seront conserves dans l'état ecclésiastique, et qu'ils tiendront un rang distingué dans l'Eglise, excepte les bigames, auxquels on aura égard de quelque autre manière.

XIII. Que Jésus-Christ ayant confié gratuitement à ses ministres les sacrements et les choses saintes, ils les dispenseront aussi gratuitement, sans les vendre, comme on a fait jusqu'ici.

XIV. Qu'on déchargera le peuple de ce grand nombre de fêtes qui les accablent, ne conservant que celles des mystères de la rédemption, celles des apôtres, des Saints et Saintes du premier siècle.

XV. Que les bornes que la dernière assemblée de France a données à l'autorité du Pape, seront inviolables; et que, pour le

 

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rang qu'il doit tenir avec les évêques de la chrétienté, il ne sera regardé tout au plus que comme primas in ter pares.

XVI. Que les pratiques et les cérémonies qui ne conviendront pas à la majesté de la religion, et dont on ne trouve point les traces dans la plus pure antiquité, seront abolies.

XVII. Que sur les questions du mérite des œuvres et de la grâce, on s'en tiendra à la doctrine de saint Augustin et à l’Exposition de M. de Meaux.

 

Signé DU BOURDIEU, LA COSTE.

 

Dieu veuille répandre de plus en plus son esprit sur les hommes, afin qu'ils ne soient qu'un cœur et qu'une âme, et que nous puissions voir en nos jours cette bienheureuse réunion, selon les vœux et les prières de tous les gens de bien de l'une et de l'autre communion, à laquelle tous ceux qui ont du talent doivent travailler, soit de parole, soit par écrit. Amen.

 

 

LETTRE XXII.
BOSSUET AU DUC DE NOAILLES (a).
23 octobre 1683.

 

Je ne m'étonne pas, non plus que vous, qu'on ait deviné une chose si grossière touchant la proposition de s'en tenir aux canons. Celui qui la fait n'est pas loin du royaume de Dieu : mais il faut savoir de lui,

1° Dans quel siècle il se borne.

2° S'il n'entend pas joindre aux canons les Actes que nous avons très-entiers des conciles qui les ont faits.

3° Si dans les canons des conciles, dont nous n'avons pas

 

(a) Déforis cite de nouveau l'abbé Millot : « Cependant le duc de Noailles écrivit à Bourdieu, en lui adressant un autre Projet de réunion, qu'il l'exhortait, lui et ses confrères, à y concourir avec un esprit de paix et de vérité ; qu'alors il serait en état de l'aire valoir auprès du Roi ses bonnes intentions; qu'il n'oublierait rien pour en procurer le succès, et qu'il donnerait volontiers sa vie pour un si grand bien. Bourdieu lui envoya ses réflexions sur le projet, et sur les moyens de l'exécuter, et proposa de s'en tenir aux canons par rapport aux points dont on ne pourrait convenir. Le duc consulta Bossuet, dont il reçut cette réponse.

 

 

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d'autres actes que les canons mêmes, il n'entend pas que l'on supplée à ce manquement par les auteurs de ce même siècle.

4° S'il croit avoir quelques bonnes raisons pour s'empêcher de recevoir la doctrine établie par le commun consentement des Pères qui ont été dans le même temps.

5° S'il peut croire de bonne foi que tout se trouve dans les canons, qui constamment n'ont été faits que sur les matières incidentes, et très-rarement sur les dogmes.

Une réponse précise sur ces cinq demandes, nous donnera le moyen de l'éclaircir davantage, pour peu qu'il le veuille et qu'il aime la paix autant qu'il veut le paraître.

Qu'il ne dise pas que c'est une chose immense que d'examiner la doctrine par le commun consentement des Pères, qui ont vécu du temps des conciles dont il prend les canons pour juges ; car on pourrait en cela lui faire voir, en moins de deux heures, des choses plus concluantes qu'il ne croit. Un petit extrait de cette lettre, et des réponses aussi précises que sont ces demandes, nous donneront de grandes ouvertures.

Je suis à vous de tout mon cœur, et prie Dieu qu'il vous conserve, et toute la famille, que je respecte au dernier point.

 

 

RECUEIL
DE DISSERTATIONS ET DE LETTRES
CONCERNANT UN PROJET DE RÉUNION DES PROTESTANTS D'ALLEMAGNE,
A L'ÉGLISE CATHOLIQUE.

 

PREMIÈRE PARTIE,
qui CONTIENT LES DISSERTATIONS

COPIE DU PLEIN POUVOIR
Donné pur l'empereur Léopold, à M. l'évêque de Neustadt en Autriche, pour travailler à la réunion des protestants d'Allemagne (a).

 

Léopold par la grâce de Dieu empereur des Romains, etc., à tous les fidèles de notre royaume de Hongrie et de Transylvanie, Etats ou autres, de quelque condition, dignité ou religion qu'ils soient, qui verront, liront ou entendront lire ceci, salut et notre grâce.

Toutes les lois divines et humaines contenant une obligation formelle, et les conclusions des diètes de l'Empire, aussi bien que les lettres de fraîche date de la plus grande partie des protestants, qui depuis peu sont entrés eu conférence avec notre féal et bien-aimé le très-révérend Christophe, évêque de Neustadt, marquant la grande nécessité qu'il y a que nous aspirions à ce que dans les royaumes et provinces des chrétiens, tant dedans que dehors de l'Empire, il y ait une parfaite union, non-seulement à l'égard du temporel, mais encore à lézard du spirituel, autant qu'il

 

(a) Nous n'avons pas trouvé dans les papiers de Bossuet l'original latin de  cet acte. (Edit. de Déforis.)

 

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concerne la foi orthodoxe et le véritable culte d'un même Dieu et que sinon toutes (comme la sainte Ecriture et la raison nous font pourtant espérer avec l'aide de Dieu) au moins les essentielles controverses, difformités et méfiances soient levées ou diminuées, d'autant qu'il paraît à plusieurs et se trouve ainsi en effet en grande partie, que les diversités de sentiments sur les points principaux viennent du défaut de la charité mutuelle et de la patience nécessaire pour bien entendre et expliquer sincèrement le vrai sens et opinion d'un chacun, et les significations différentes qu'on donne aux termes ou mots qu'on emploie : et ayant de plus considéré avec combien de succès et d'utilité ledit évêque a travaillé dans la diète de l'Empire et ailleurs, tant sur cette matière sainte qu'à l'égard de la conservation de notre dit royaume de Hongrie.

A ces causes, nous avons jugé à propos de lui donner par la présente plein pouvoir, en tout ce qui regarde notre autorité et protection royale, et une commission générale de notre part, de traiter avec tous les Etats, communautés, ou même particuliers de la religion protestante dans tous nos royaumes et pays, mais particulièrement avec ceux de Hongrie et de Transylvanie, touchant ladite réunion en matière de foi et extinction ou diminution des controverses non nécessaires, soit immédiatement ou par députés ou lettres; et de faire partout avec eux, bien que sous ratification ultérieure, pontificale et royale, tout ce qu'il jugera le plus convenable et utile à gagner les esprits, et à obtenir cet te sainte fin de la réunion qu'on se propose. Et en ce point, nous donnons aussi à tous susdits protestants nos sujets de Hongrie et de Transylvanie, y compris encore leurs ministres ou prédicateurs, une pleine faculté de venir trouver ledit évêque au lieu où il pourra être, et d'envoyer à lui publiquement ou secrètement.

Mandons sérieusement et sévèrement, en vertu de celle-ci, sous grièves peines à tous ceux que leur charge oblige d avoir égard à ces choses, de ne faire ni laisser faire aucun empêchement à ceux qui viendront ou enverront audit évêque, sur l'invitation qu'il leur aura faite pour la sainte fin susdite; mais de leur faire toutes sortes de faveurs : comme aussi nous assurons

 

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ledit évêque de notre très-clémente protection pour tous les cas et lieux où besoin sera, et particulièrement à l'égard de cette sainte occupation et de la sollicitation qu'il pourra faire touchant l'exercice de religion, ou tolérance, on autres matières appartenantes: le tout en vertu et témoignage de nos présentes lettres-patentes, en forme de sauf-conduit et plein pouvoir. Donné en notre cité de Vienne en Autriche, le 20 du mois de mars de l'an 1601.

 

( L. S.)

 

Signé LEOPOLDUS.

Blasius Jachlin . E. L. Nitrensis. Johannes Maholanus.

 

 

 

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