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CONDAMNATION

 

 

RÉSULTAT D'UNE CONTROVERSE
TOUCHANT L'EUCHARISTIE

 

Agitée entre quelques Religieux et moi.

PAR MOLANUS.

 

Jugement sur le résultat d'une controverse touchant l'Eucharistie.

Quoique plusieurs théologiens, pour expliquer la présence de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, disent qu'il y est de la même manière que le soleil est dans un lieu qu'il éclaire, je suis convaincu que la comparaison, juste en quelque chose, ne l'est pas en tout point. En effet le Soleil de justice n'est pas seulement présent dans l'Eucharistie par sa vertu, comme il l'est dans tous les autres sacrements et dans tout ce qui concerne te culte divin ; mais il y est en personne : de sorte que l'Eucharistie renferme Jésus-Christ tout entier, et tout ce qui constitue cet Homme-Dieu. Je m'explique, et je dis que le corps de Jésus-Christ est précisément et substantiellement le même sur l'autel que dans le ciel et sur la croix; mais qu'il y est d'une manière différente. Il était sur la Crois d'une manière naturelle et sanglante : il est dans le ciel d'une manière visible et glorieuse, au lieu qu'il est sur l'autel d'une manière invisible, non sanglante et accessible (a) ; mais c'est toujours le même corps.

Je reconnais donc avec les Pères des deux Eglises d'Orient et d'Occident, le changement réel opéré dans l’Eucharistie, qu'on exprime par les mots de Transmutation, Transélémentation, Transsubstantiation, que les Grecs rendent par celui de metousiosis, ce qui signifie qu'après que les paroles du Seigneur ont été prononcées, il se trouve réellement sur l'autel. en vertu de l'union

 

(a) Je crois devoir traduire ainsi le mot gratiosus, qui peut souffrir plusieurs explications. ( Edit. de Leroi. )

 

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avec les espèces sensibles (a), ce qui n'y était pas; je veux dire la personne adorable de Jésus-Christ. Mais comme des choses visibles et des invisibles se rencontrent ici, et que leur réunion entraîne nécessairement quelque changement, on demande quelle sorte de changement est opéré dans les parties qui composent l'Eucharistie.

Je réponds qu'il faut faire attention aux deux tenues ad quem et à quo. Le terme ad quem est le corps de Jésus-Christ, qui maintenant glorieux, est par conséquent ingénérable et incorruptible. Les sentiments sont partagés sur la manière dont se fait le changement sur l'autel. L'opinion la plus commune est que le changement s'opère par production ou reproduction ; mais Scot, Bellarmin et d'autres docteurs soutiennent que le corps de Jésus-Christ n'est ni produit ni reproduit, et l'un dit que Jésus-Christ devient présent par une nouvelle union avec des éléments sensibles et visibles; et l'autre, qu'en se rendant présent, il conserve les accidents de ces éléments. Je laisse à ceux qui seront plus habiles que ces auteurs à décider si l'on doit admettre l'une ou l'autre de ces opinions. Mais puisque des docteurs si accrédités dans l'Eglise pensent différemment sur ce point, je ne rougirai pas d'avouer mon ignorance, et je crois qu'un tel aveu ne peut m'attirer d'anathème.

Venons au terme à quo, qui n'est autre que le pain et le vin. Si l'on me demande jusqu'à quel point le changement se fait en eux, je réponds que c'est un grand mystère, qui passe l'intelligence des hommes et peut-être celle des anges. Qui suis-je, moi, petit ver qui rampe sur la terre (b), pour entreprendre témérairement de pénétrer un tel abîme? Qui suis-je, encore un coup, moi dont l'esprit est si borné, que je ne puis atteindre à connaître la nature des insectes ; moi, qui semblable aux oiseaux nocturnes, ai les yeux trop faibles pour soutenir l'éclat du soleil? Qui suis-je avec ma raison ténébreuse, pour oser par un attentat sacrilège

 

(a) C'est là le fond de l'erreur luthérienne, que M. Bossuet s'applique particulièrement à réfuter dans sa Réponse à cet Ecrit. (Edit. de Leroi.)

(b) Je. ne rends point à la lettre les expressions trop emphatiques de l'auteur; et je me donne la même liberté dans la suite sur des expressions triviales et basses. ( Edit. de Leroi. )

 

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regarder curieusement dans cette arche pleine de mystères? Je dis donc comme les Athéniens, et l'Apôtre des Gentils ne s'y oppose pas. que j'adore sur l'autel un Dieu qui s'y rend présent d'une façon que j'ignore. Et quand on prendrait à la rigueur le canon du concile de Trente, que j'interprète bénignement, ce canon ne serait point contre moi; car je ne dis rien qui lui soit opposé, dès que je ne prétends pas qu'il n'y a point ou qu'il ne peut y avoir de transsubstantiation. En effet il faut être d'une audace extrême pour fixer des bornes à la toute-puissance de Dieu. Mais je doute beaucoup si l'on ne doit pas ranger cette question, savoir si dans l'Eucharistie il s'opère un changement physique, au nombre de celles qui appartiennent plutôt à la philosophie qu'à la théologie. Car la distinction entre la substance et les accidents, la matière et la forme, la quantité et la matière qu'on nomme première, et qu'on suppose être un certain suppôt qui n'est, pour parler avec l'Ecole, ni quantitatif ni sensible et qui peut-être n'est connu que comme un être de raison; tout cela, dis-je, vient de la même source, c'est-à-dire de la doctrine d'Aristote, qui a ses défenseurs et ses contradicteurs. Or la foi ne m'oblige pas à entrer dans la discussion de ces difficultés, ou, pour parler plus exactement, de ces contradictions que j'aperçois en foule. Et quoique deux conciles emploient le mot transsubstantiation, il ne faut pas tant s'arrêter au son et au terme, qu'au sens et au but que ces conciles se sont proposés. Je crois donc qu'ils avoient plutôt en vue d'établir la vérité de la présence réelle du corps de Jésus-Christ dans l'Eucharistie contre ceux qui ne le croient présent qu'en figure (a), que de déterminer comment cela s'opère, et encore moins la manière d'être de Jésus-Christ dans ce sacrement. En effet l'Epouse de Jésus-Christ, sans le secours de la philosophie, s'est nourrie pendant dix ou douze siècles dans la simplicité de la foi de cette divine nourriture, qui tout à la fois est la nourriture que le Seigneur nous présente, et le Seigneur même qui devient notre nourriture.

J'ajoute que, quoique ce soit ici le mystère des mystères, cependant comme on dit fort bien aux calvinistes qu'il n'y a plus de mystère, s'ils le font consister à mettre dans le sacrement une

 

(a) Les calvinistes. ( Edit. de Leroi. )

 

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simple figure, semblable à ces signes arbitraires dont les hommes sont convenus, je dis de même qu'on réduit le mystère à rien, on presque à rien, si, non content de croire la présence réelle, on prétend encore comprendre la manière dont elle se fait. Franchement je n'ai pas assez de pénétration pour voir que Ton soit plus obligé de connaître quelle sorte de changement se fait dans le ternie à quo que dans le terme ad quem. Vous avouez votre ignorance sur l'une de ces choses, et moi je ne me mets point en peine de pénétrer l'autre, qui me paraît ne pouvoir être connue que de Dieu. Si donc nous aimons la paix (qui est le fruit et la fin du sacrifice de l'autel ), nous n'aurons point de dispute sur ce sujet. Quant à moi, je ne suis point du nombre de ceux qui croient que Jésus-Christ n'est présent qu'en figure dans l'Eucharistie, et je ne mets aucune différence entre ces expressions : Jésus-Christ est ici dans la Cène, et ces autres : Ceci est mon corps. Mettant à L'écart les subtilités de la dialectique, que je regarde comme une fausse philosophie, je n'aime point à disputer sur ces sortes de questions, quand bien même j'en aurais une parfaite connaissance. Je pense qu'il me suffit de reconnaître avec humilité et tremblement, que dans ce redoutable mystère le corps glorieux de Jésus-Christ est présent, non-seulement dans ce qu'on appelle le sens divisé, mais encore dans le sens composé, c'est-à-dire avec sa sainte âme et sa divinité ; de sorte qu'il y est pour moi un Dieu devenu mon refuge.

Voilà en abrégé ce que je laisse à bien examiner, et ce que je soumets à la décision de l'Eglise, contre laquelle un homme sage ne peut s'élever.

 

 

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JUGEMENT SUR LE RÉSULTAT D'UNE CONTROVERSE TOUCHANT L'EUCHARISTIE,

 

PAR  L’ÉVÊQUE  DE   MEAUX.

 

Ce petit ouvrage ne contient rien que de très-véritable sur la présence réelle du corps de Jésus-Christ dans l'Eucharistie. Il est tout à la fois et très-théologique et très-orthodoxe.

 

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L'auteur a raison de mettre au nombre, des opinions indifférentes les sentiments opposés des scolastiques de la reproduction ou de l'abduction.

Il ne dit rien qui ne soit exact sur la transsubstantiation par ces paroles : « Je reconnais un changement réel opéré dans l'Eucharistie, qu'on exprime par les mots de transmutation, transélémentation, transsubstantiation, que les Grecs rendent par celui de metousiosis. »

Il n'avance rien non plus que d'exact et de bon sur le terme ad quem du changement ou de la transmutation, lequel terme est le corps et le sang de Jésus-Christ.

Sur le terme à quo, qui est le pain et le vin, il dit que « c'est un grand mystère, qui passe l'intelligence des hommes et peut-être celle des anges; » ce qui a besoin de quelque explication. Car il faut dire que par les décrets de l'Eglise, la chose même est certaine, quoique la manière dont elle se fait soit abandonnée aux disputes des théologiens.

Je dis que par les décrets de L'Eglise, la chose même est certaine. Voici le décret du concile de Trente, session XIII, canon II : « Si quelqu'un dit que la substance du pain et du vin reste dans le très-saint sacrement de l'Eucharistie ;... et nie l'admirable et singulier changement de toute la substance du pain au corps, et de toute la Substance du vin au sang, de sorte qu'il ne reste du pain et du vin que les seules apparences qu'il soit anathème. » Ce canon du concile de Trente répond au chapitre IV de la même session, qui porte pour titre : De la transsubstantiation.

Suivant ce canon, il est clair qu'il ne reste rien dans l'Eucharistie de la substance du pain et du vin, puisque toute la substance du pain et du vin est changée au corps et au sang de Jésus-Christ. Ou voit donc évidemment quel est le sentiment de l'Eglise, contre laquelle, dit fort bien l'auteur, un homme sage ne peut s'élever.

Le décret du concile de Trente est conforme à celui du concile de Latran tenu sous Innocent III, chapitre I, De la foi catholique.

Il est pareillement conforme à la profession de foi de Bérenger de Tours, dans laquelle il confesse « que le pain et le vin

 

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deviennent par un changement de substance, la vraie et propre chair et le propre sang de Jésus-Christ. » Bérenger fit cette profession de foi dans le sixième concile de Rome, lorsqu'il y abjura pour la seconde fois son hérésie.

L'Eglise condamne donc expressément ceux qui diraient qu'il reste dans l'Eucharistie quelque chose de la substance du pain ou du vin, soit qu'ils nommassent cette substance matière, ou seulement forme.

Certainement l'auteur a raison de prétendre que les questions qu'on forme pour distinguer « la substance et les accidents, la matière et la forme, la quantité et la matière qu'on nomme première, appartiennent plutôt à la philosophie qu'à la théologie. » Mais il n'en est pas moins certain, de quelque terme qu'on se serve pour exprimer la substance du pain et du vin, qu'il n'en reste pas la moindre partie : autrement l'Eglise aurait fait mie fausse décision, en disant que toute la substance est changée et qu'il ne reste que les apparences.

En conséquence je dis qu'il est certain que le changement est Vraiment physique, je veux dire réel et véritable, et non pas seulement moral et en prenant le terme de changement dans un sens impropre, puisque c'est un vrai changement d'une chose en une autre.

Le pieux et savant auteur avoue « qu'il se fait un changement réel, qu'on exprime par les mots de transmutation, etc. » Or un changement réel est sans doute un changement physique. Il est donc certain par l'auteur même, qu'il se fait dans le pain et dans le vin un changement physique, non une sorte de changement qui n'affecte que la qualité et les accidents, mais un changement réel et effectif, en vertu duquel une substance devient une autre substance.

Il s'agit ici de la chose même, et non simplement de la manière dont elle se fait, puisque l'Eglise a clairement décidé la chose même, en exprimant le changement du pain et du vin par les mots de transmutation, transélémentation, transsubstantiation.

J'avoue qu'il s'agit de la manière dans cette question, savoir si par la transsubstantiation la matière du pain et du vin est réduite

 

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au néant, ce que saint Thomas nie, et dans cette autre : de quelle nature sont les espèces qui restent? et dans quelques autres questions semblables ; mais quand on parle du changement d'une substance en une autre substance, il s'agit de la chose même, et non de la manière dont elle se fait.

Les décrets de l'Eglise sur ce point sont conformes à ces expressions employées également par les anciens Pères de l'Orient et de l'Occident : « Ce qui paraît pain n'est pas pain, mais le corps de Jésus-Christ : ce qui paraît vin, n'est pas vin, mais le sang de Jésus-Christ : le pain est changé au corps, et le vin au sang, aussi véritablement que dans les noces de Cana l'eau fut changée en vin par Jésus-Christ : le Saint-Esprit est présent ; et par sa vertu comme par un feu invisible, le pain et le vin sont dévorés, sont consumés, de la même manière que la victime d'Elie, sur laquelle le feu du ciel descendit. » Ces expressions et d'autres semblables marquent un changement véritable, physique et substantiel. Et toute cette doctrine est fondée sur ce que Jésus-Christ n'a pas dit : Ici, ou : dans une telle chose est mon corps; ce qui aurait exprimé que le corps était joint au pain; mais : Ceci est mon corps; par où l'Eglise et tous les Pères ont toujours entendu que la substance, qui auparavant était pain, devenait le corps de Jésus-Christ : ce qui ne se peut opérer que par un changement réel, et non par l'union des deux substances.

Telle est certainement la foi catholique, que le pieux auteur fait profession de vouloir suivre.

Au reste, si l'on trouve encore quelques difficultés dans ce que je viens de dire, je les éclaircirai volontiers.

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