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LETTRE III (a).
BOSSUET A M. DE LA BROUE, ÉVÊQUE DE MIREPOIX. A Paris, ce 15 juin 1698.
Je suis fâché de me trouver d'un avis si différent du vôtre
et de celui de M. de Basville, sur la contrainte des mal-convertis pour la
messe. Quand les empereurs ont imposé une pareille obligation aux donatistes,
etc., c'est en supposant qu'ils étaient convertis ou se convertiraient : mais
les hérétiques d'à présent, qui se déclarent en ne faisant point leurs pâques,
doivent plutôt être empêchés que contraints à assister aux mystères, d'autant
plus qu'il paraît que c'est une suite de les contraindre aussi pour faire leurs
pâques ; ce qui est expressément donner lieu à des sacrilèges affreux. Si
néanmoins vous avez des raisons à opposer à celles-ci, qui jusqu'ici m'ont paru
décisives, je tâcherai d'y entrer.
Quant au bruit qu'on a répandu, qu'il y avait quelques
articles secrets en leur faveur avec l'Angleterre, il n'y aura que le temps qui
les en désabusera à fond. Je ne vois qu'un cas de les pousser par des
contraintes et amendes pécuniaires ; c'est celui où l'on saurait que les
faibles, qui ayant envie de revenir en sont empêchés par la violence des
faux-réunis, seront déterminés par l'autorité. Mais comme le nombre de ceux-là
en ce pays-ci est petit, et que le grand nombre sans comparaison est celui des
vrais opiniâtres, le remède que l'on propose aura en soi peu d'efficace. On
pourrait les contraindre aux instructions : mais selon les connaissances que
j'ai, cela n'avancera guère; et je crois qu'il faut se réduire à trois choses :
l'une, de les obliger d'envoyer leurs enfants aux écoles, faute de quoi chercher
le moyen de les leur ôter ; l'autre, de demeurer fermes sur les mariages ; la
dernière, de prendre un grand soin de connaître en particulier ceux de qui on
peut bien espérer, et de leur procurer des instructions
(a) La plupart des lettres qui vont suivre ont été
imprimées d'après les éditions, car on n'en retrouve pas les manuscrits. Nous
marquons celles que nous avons pu collationner sur les autographes.
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solides et de véritables éclaircissements : le reste doit
être l'effet du temps et de la grâce de Dieu ; je n'y sais rien davantage. Le
premier article peut avoir avec le temps un bon effet, surtout si on prend garde
à procurer de bons curés et de bons maîtres d'école aux paroisses, qui puissent
faire impression sur ces âmes tendres : ce sera semer le bon grain, qui
fructifiera en son temps. Je finis en vous assurant de mes respects, et vous
suppliant de les présenter à M. de Basville.
LETTRE IV.
M. L'ÉVÊQUE DE MIREPOIX A M. DE BASVILLE. Toulouse, ce 30 juin 1698.
J'ai reçu, Monsieur, la réponse de M. l'évêque de Meaux,
bien différente de celle que j'attendais ; la voici dans les mêmes termes, afin
que vous jugiez mieux des fondements de son sentiment, qui me paraissent aisés à
détruire (a).
Vous voyez bien, Monsieur, qu'il n'est pas malaisé de
répondre à toutes ces raisons. Premièrement, les obliger à la messe, n'est
nullement un engagement à les obliger à faire leurs pâques ; à quoi on ne
saurait penser sans horreur. Secondement, quand il dit que les nouveaux
convertis doivent plutôt être empêchés que contraints d'assister aux mystères,
il regarde l'assistance de même que la participation aux mystères, selon
l'ancienne discipline de l'Eglise, qui n'y mettait pas en effet une grande
différence. Mais il est certain que la discipline est changée à cet égard ; et
l'Eglise n'excommunie pas aujourd'hui tous les pécheurs, à qui ses pasteurs
refusent l'absolution : elle les oblige au contraire, aussi bien que les fidèles
qui sont en état de grâce, à assister aux exercices : on peut même, et on le
doit quelquefois, imposer à un de ces pécheurs à qui on refuse l'absolution,
l'obligation d'assister souvent ou tous les jours à la messe. Or il n'en faut
pas davantage
(a) Suit la lettre précédente.
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pour faire voir que si les pécheurs sont exclus d'offrir ie
sacrifice de l'autel avec le prêtre et avec Jésus-Christ, qui est le principal
prêtre, à cause de l'état de péché qui les empêche d'être un même corps avec
lui, ils y peuvent assister utilement en une autre manière, non comme prêtres
qui offrent le sacrifice avec le prêtre, mais comme fidèles pour qui le
sacrifice est offert. Je me souviens d'avoir expliqué à fond cette différence
dans un sermon sur le sacrifice, que vous avez entendu à Montpellier, et que M.
de Meaux a entendu à Paris. Mais M. de Meaux suppose lui-même cette différence,
puisqu'il dit que dans les lieux où les faibles, «qui ayant envie, » etc. Car en
quelque grand nombre que se trouvassent ces faibles, il ne voudrait pas qu'on
les contraignît tous à faire leurs pâques : or cette différence posée, tout ce
qu'on objecte n'a aucune difficulté. Troisièmement, quand M. de Meaux dit que
les empereurs, qui ont obligé les donatistes à assister aux mystères, ont
supposé qu'ils étaient convertis, il se trompe manifestement : il n'y a sur cela
qu'à lire la lettre de saint Augustin à Vincent Rogatiste (1). Ce qu'il ajoute,
«ou qu'ils se convertiraient, » est très-véritable ; et c'est aussi ce que nous
espérons, au moins de la plus grande partie de ceux que l'on contraindra à
assister aux mystères.
Ainsi, Monsieur, je ne crois pas que nous devions changer
de sentiment : je le manderai à M. de Meaux (a). Le quiétisme l'occupe si fort,
qu'il ne lui a pas laissé le temps d'approfondir notre question : il a été
frappé des sacrilèges qu'on fit faire dès les commencements ; et cette idée l'a
empêché de distinguer l'assistance d'avec la participation aux mystères.
Ce qu'il dit sur les mariages est fort bon : mais si le Roi
et les magistrats royaux ne punissent pas ceux qui vivent ensemble comme mariés,
sous prétexte que les curés ne les ont pas mariés à la première réquisition, et
sans qu'ils aient donné des preuves suffisantes de catholicité, la fermeté que
nous aurons sur cela ne servira qu'à remplir le royaume de concubinages.
1 Ep. XCIII.
(a) On n'a point sa lettre.
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J'ajoute à ce que M. de Meaux dit des mariages, que si le
Roi voulait qu'il en fût de tous les emplois, de toutes les professions,
commissions, etc., comme il est de droit divin des mariages ; c'est-à-dire,
qu'il fallût être catholique pour y parvenir; et avoir donné auparavant des
marques certaines de catholicité, il aurait bientôt converti tous les réunis de
son royaume ; et il ne tient qu'à lui d'en faire une déclaration, ou de
l'ordonner en quelque autre manière qu'il le jugera à propos.
Je prends part au reste, Monsieur, à la joie que vous avez
de voir toute votre illustre famille réunie pour quelques jours à Montpellier.
Si l'honnête homme que vous connaissez ne me te-noit ici par deux appels comme
d'abus et par deux autres procès par-dessus, j'irois faire ma cour à M. le
président de Lamoignon, à qui je vous supplie d'offrir mes respects. Je suis
toujours très-respectueusement, etc.
LETTRE V.
M. MOREL, VICAIRE-GÉNÉRAL DE TOULOUSE, A BOSSUET (a). A Toulouse, ce 2 août
1698.
Nous avons tous une si grande vénération pour vous,
Monseigneur, dans nos provinces, qu'un chacun désire avoir l'honneur d'être
connu de vous. Pour moi je ne doute pas, Monseigneur, que ceux qui viendront
après nous dans les siècles à venir, ne vous révèrent et tous vos ouvrages,
comme nous révérons les anciens Pères de l'Eglise et leurs ouvrages.
L'Eglise vous est obligée, et à Monseigneur l'archevêque de
Paris, de la destruction du quiétisme en France : car sa réponse à M. de Cambray
et votre relation obligent tout le monde dans nos provinces à prévenir la
condamnation de Rome. J'espère aussi, Monseigneur, que vous entrerez dans le
senti
(a) Nous donnons ici cette lettre à Bossuet, quoique nous
n'en ayons point de ce prélat à M. Morel, parce que sa lettre a rapport à
beaucoup d'autres de différents personnages, qui suivront bientôt. (Les édit. )
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sentiment de Messeigneurs les évêques du Languedoc,
touchant la conduite qu'ils jugent à propos que l'on tienne à l'égard des
nouveaux catholiques de ce royaume, et que par ce moyen le grand ouvrage de la
destruction du calvinisme se consommera en France. L'expérience que j'ai depuis
plus de vingt années que je suis chargé de leur conduite et de leur instruction
en qualité de vicaire général, me persuade que si on ne les oblige aux exercices
extérieurs de la religion, l'athéisme succédera en France au calvinisme. Je n'ai
jamais été d'avis qu'on les obligeât à recevoir les sacrements, mais seulement
aux exercices extérieurs. J'ai l'honneur d'être avec respect, etc.
LETTRE VI.
BOSSUET A M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE DE PARIS. A Germigny, ce 12 juin 1699.
Dans la tranquillité où je suis ici, mon cher Seigneur, je
me suis souvenu d'un endroit de saint Augustin, qui est cité dans l'ouvrage que
vous savez, mais non pas avec l'exactitude qui est à désirer dans cet ouvrage (a).
C'est celui du chapitre XIV de Correptione et Gratiâ, après le passage
d'Esther et de Mardochée, pour montrer que les volontés humaines ne peuvent pas
résister à la volonté de celui qui fait tout ce qui lui plait dans le ciel et
dans la terre ; c'est là qu'il faut insérer ces mots : « Ce qui n'est pas vrai
seulement, à cause qu'il fait ce qu'il veut de ceux qui n'ont pas fait ce qu'il
a voulu : » De his quœ faciunt quœ non vult, ipse facit quod vult; « mais
encore à cause qu'il tourne où il lui plaît, et comme il lui plaît, les volontés
les plus rebelles. Ainsi, » etc. Voilà tout le plan de saint Augustin sur cette
matière.
Au reste, Monseigneur, je goûte avec joie dans ma solitude
le plaisir de vous voir appelé de Dieu à soutenir la doctrine de
(a) Cet ouvrage n'a été imprimé qu'après la mort de
Bossuet. On s'est conformé dans toutes les éditions, même dans la première de
1710, à la correction marquée dans cette lettre. (Les édit.)
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saint Augustin sur la grâce et sur la nécessité d'aimer
Dieu d'un amour du moins commencé, pour être véritablement converti et capable
d'être justifié. On fait les derniers efforts pour étouffer cette doctrine, sans
laquelle il n'y a point de christianisme, sous prétexte de piété et de
l'efficace des sacrements. Si la doctrine contraire s'établit jusque dans
l'épiscopat, comme je vois qu'on y travaille, tout est perdu. C'est à vous qu'il
est réservé de détruire cette doctrine : j'y emploierai sous vos ordres tout ce
qui sera jamais en mon pouvoir, et je consacre à cet ouvrage important tout le
reste de ma vie. Tout à vous, avec le respect sincère que vous savez.
LETTRE VII.
A MILORD PERTH. A Germigny, ce 29 juin 1699.
Il a fallu à Sa Majesté une bonté extrême pour vouloir bien
se donner la peine d'écrire la lettre que j'ai osé prendre la liberté de lui
demander en faveur de mon neveu. Il n'a pas voulu paraître à la Cour de Modène,
sans s'y montrer sous les marques de la protection de la Reine. Je vous supplie,
Milord, d'en faire à Sa Majesté, avec une profonde soumission, mes très-humbles
remerciements, et de me croire toujours avec un respect sincère, etc.
LETTRE VIII.
RÉPONSE AU CAS PROPOSÉ PAR SA MAJESTÉ, Sur l'opposition de M. l'ancien évêque de
Fréjus (a), au sacre de l'abbé de Fleury, nommé à cet évêché.
Le cas exposé dans le Mémoire envoyé par l'ordre de Sa
Majesté, savoir quel égard on doit avoir à l'opposition de l'ancien
(a) Luc d'Aquin, qui en 1697 donna sa démission, contre
laquelle il prétendit réclamer ensuite ; ce qui occasionna une grande
contestation, sur laquelle Bossuet fut consulté par ordre du Roi, et fit la
présente réponse. Nous n'avons pas trouvé le Mémoire qui fut envoyé à l'évêque
de Meaux, et qui aurait pu nous fournir quelque détail sur cette affaire. (Les
prem. édit.)
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évêque de Fréjus au sacre de son neveu et à celui de M.
l'évêque de Fréjus d'aujourd'hui, quoique l'espèce en soit nouvelle et ne se
trouve ni dans le droit ni, que je sache, dans les auteurs, peut être aisément
résolu par les principes généraux.
Il faut donc présupposer premièrement qu'il y a des
appellations, même en définitive, auxquelles on ne doit avoir aucun égard,
telles que sont, par exemple, celles que le droit appelle frustratoires, celles
qui se font au préjudice d'une évidente notoriété, et enfin celles qui se font
par fraude ou par malice, comme il est porté par le même droit : Extrav.
Pervenit, Comuluit, Suggestum. De appell. etc., eod.
Secondement, on peut dire, à plus forte raison, la même
chose des oppositions vagues et en l'air, et qui ne saisissent aucun juge,
telles que sont celles dont il s'agit.
Troisièmement, que les évêques pourvus par le saint Siège,
selon la discipline présente, sont obligés de se faire sacrer dans le temps
porté par le droit ; c'est-à-dire aux termes du concile de Trente, trois mois
après l'expédition de leurs bulles, sous les peines décernées au même concile,
sess. VII, cap. IX; sess. XXIII, cap. II.
Quatrièmement, que selon la même discipline, le consacrant
et les assistants ne sont juges de rien, mais simples exécuteurs des bulles
apostoliques, où la commission de faire le sacre leur est adressée.
Cela supposé, il est clair que les oppositions dont il
s'agit sont de nul effet; et que les consacrants ni M. l'évêque de Fréjus n'y
doivent avoir aucun égard.
Il n'en serait pas de même si l'opposant avait formé son
opposition à Rome à l'expédition des bulles; car alors le Pape y aurait fait
droit, selon qu'il eût avisé par sa prudence. Mais depuis que les bulles sont
expédiées, la consécration n'est plus qu'une exécution du décret apostolique :
le Pape même n'y peut plus rien ; et s'il y pouvait survenir quelque difficulté
particulière, il serait tenu par les concordats de nommer des juges in partibus.
Mais en l'état où sont les choses, l'évêque qu'on doit sacrer est obligé par le
droit à se faire sacrer dans le temps : les consacrants qui
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ont reçu la commission du Pape, ne peuvent que prêter leur
ministère à cette sainte action, et on ne les peut accuser de rien, puisque
selon la règle de droit ce qu'on fait par ordre du juge ne peut être accusé
d'aucune fraude : De regulis Juris, XXIV.
Le Pape fait aujourd'hui la fonction de seul et souverain
juge en cette matière, lorsqu'il expédie les bulles après les informations
authentiques et en connaissance de cause. Pendant qu'on y procédait, la voie
d'opposition était ouverte à tous ceux qui pouvaient y prétendre intérêt : on a
laissé passer ce temps ; et en se taisant on a consenti, selon la règle de
droit. C'est donc en vain qu'on veut revenir à contester quand il ne s'agit plus
que d'exécution.
Il en est à peu près de même que dans les charges et
offices royaux. Lorsqu'on a laissé passer le temps fatal de l'opposition au
sceau, c'est en vain qu'on s'oppose à l'installation et réception de l'officier
légitimement pourvu.
Si on a eu raison de n'avoir aucun égard à la première
opposition, la seconde est encore plus vaine ; puisque premièrement, l'opposant
n'a fait aucune diligence pour faire juger son opposition ni relever son appel,
depuis les 15 et 19 juin 1697 jusqu'à présent : secondement, que M. le Nonce
ayant instruit Sa Sainteté de cette affaire, elle lui fit écrire le A mars 1698,
que le recours de l'ancien évêque était injuste et calomnieux : troisièmement,
que depuis ce temps le Pape, sans avoir égard à cette vaine opposition, a
reconnu le neveu de l'ancien évêque pour vrai évêque de Fréjus sur la démission
de son oncle, et l'a transféré à Séez en cette qualité, comme il paraît par ses
bulles et par le bref du 12 août 1698 : quatrièmement, qu'il a pourvu de
l'évêché de Fréjus M. l'abbé de Fleury, nommé à cet évêché par Sa Majesté, sans
que l'ancien évêque y ait fait aucune opposition.
Il ne lui sert de rien d'en avoir tenté une entre les mains
de M. le Nonce, qui n'avait point de pouvoir pour la recevoir, étant sans
juridiction en France, comme il l'a lui-même reconnu ; et qui de plus ayant
informé le Pape de ce qui s'était passé, a reçu ordre de passer outre à
l'information du nouveau nommé ; et pour réponse à l'ancien évêque, que s'il
avait quelque chose à
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alléguer, il pouvait se pourvoir à Rome : ce que n'ayant
pas même tenté, il paraît manifestement qu'il n'a voulu faire qu'un bruit
inutile, se taisant où il fallait parler, et parlant où et quand le droit ne lui
donnait aucun recours.
De là on conclut que ces oppositions et appellations sont
évidemment de la nature de celles dont on a parlé, et qui sont nommées dans le
droit frauduleuses ou malicieuses, puisqu'elles ne peuvent avoir aucun effet que
pour troubler l'église de Fréjus, en tenir l'état en incertitude, et la priver
de la consolation d'avoir un pasteur.
Le prétexte de l'ancien évêque, tiré du défaut de liberté,
montre encore le même dessein. La crainte qu'il allègue comme le motif de sa
démission, quand elle serait véritable, ce qui ne peut pas même être présumé
d'un Roi si juste et si sage, ne serait pas de celles qui tombent, aux termes du
droit, dans l'esprit d'un homme constant. Il a pu faire à Rome tous les actes
qu'il eût voulu, avec la même liberté qu'il a eue de porter ses plaintes au Pape
par sa lettre du S juillet 1697, où il énonce tout ce qu'il lui plaît. En France
même, on voit par les actes qu'il a faits, ou tenté de faire, qu'il n'y avait
rien qui ne lui fût également permis. Ainsi il aurait tout dit et tout fait,
s'il n'avait senti en sa conscience qu'il n'avait rien à dire et à faire de
légitime, et qu'il succomberait partout. Sa rélégation, qui a d'autres causes,
ne l'empêche point d'agir juridiquement ; et c'est ici un prétexte pour faire
durer éternellement l'affaire du monde qui demande le plus de célérité,
puisqu'il s'agit de l'état et de la paix d'une église.
Par là se voit la résolution des difficultés proposées dans
le Mémoire de M. l'évêque de Fréjus. On peut s'opposer à un mariage, jusqu'à ce
qu'il soit célébré, sans doute parce que cette opposition saisit un juge
certain. Par la même raison, on peut s’opposer à l'ordination d'un sous-diacre,
d'un diacre, ou d'un prêtre : l'évêque est présent, et il est le juge naturel.
Ici l'opposition non-seulement ne saisit personne, mais encore demeure en
suspens, et n'est autre chose, pour ainsi parler, qu'un coup tiré en l'air.
On objecte le canon XL du troisième concile de Carthage ;
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l'espèce en est bien différente. En ces temps le
consécrateur, qui était le métropolitain, était avec sa province le juge naturel
des oppositions qui se pouvaient faire à la consécration d'un évêque : ici c'est
tout le contraire, comme on a vu ; et il ne s'agit que d'une simple et
nécessaire exécution des ordres supérieurs.
Mais, dit-on, si au sacre d'un évêque un opposant met en
fait qu'il est hérétique, par exemple, ou quelque autre accusation également
relevante, passera-t-on outre sans examiner ? Je réponds : Si l'autorité de !a
personne qui avance ces faits précis et décisifs est assez grande pour mériter
qu'on y ait égard, on peut suspendre la cérémonie, non point en vertu d'une
opposition qui alors ne peut rien avoir de juridique, mais par prudence
seulement.
Je conclus qu'on ne doit avoir aucun égard à toutes les
oppositions ou appellations que l'ancien évêque de Fréjus a faites ou pourrait
faire, puisqu'elles ne peuvent tendre qu'à troubler la paix de l'Eglise.
J'ajoute, ce qui est ici très-essentiel, que toutes ces
oppositions se font au préjudice d'un tiers. Ce n'est pas tant M. de Fréjus qui
a droit par ses bulles d'être sacré ; c'est l'église de Fréjus que l'on tâche de
priver, par des longueurs visiblement affectées et sans aucune fin, du droit
d'avoir un évêque qui lui représente Jésus-Christ.
Il paraît néanmoins deux choses à faire, s'il plaît à S. M.
: l'une, par le soin qu'elle prend des églises affligées, et par la protection
qu'elle accorde à la discipline ecclésiastique, de donner un arrêt pareil à
celui du 28 avril 1698, pour contenir ceux qui pourraient brouiller à Fréjus ;
l'autre, si elle l'a agréable, d'interposer son autorité pour faire régler la
récompense que M. de Séez devra à son oncle ; en sorte qu'il ne puisse la
refuser raisonnablement : ce qui paraît, à vrai dire, être l'intention cachée de
toutes ces oppositions.
Tout le reste qu'on ferait ne pourrait que nuire, et donner
du poids à ce qui n'en peut avoir aucun. Délibéré à Meaux, ce 1er août 1699.
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