Inv. Ste CROIX

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LE III MAI.

L'INVENTION DE LA SAINTE CROIX.

 

Il convenait que notre divin Roi se montrât à nos regards appuyé sur le sceptre de sa puissance, afin que rien ne manquât â la majesté de son empire. Ce sceptre est la Croix, et il appartenait au Temps pascal de lui en présenter l'hommage. Naguère la Croix s'offrait à nous comme un objet d'humiliation pour notre Emmanuel, comme le lit de douleur sur lequel il expirait ; mais depuis, n'a-t-il pas vaincu la mort ? et cette Croix, qu'est-elle devenue, sinon le trophée de sa victoire ? Qu'elle paraisse donc, et que tout genou fléchisse devant ce bois auguste par lequel notre Emmanuel a conquis les honneurs que nous lui rendons aujourd'hui.

Le jour où nous célébrâmes sa naissance, nous chantions avec Isaïe : « Un petit enfant nous est né, un fils nous a été donné ; il porte sur son épaule le signe de sa principauté (1). » Nous l'avons vu, en effet, portant sur son épaule cette Croix, comme Isaac porta le bois de son sacrifice ; mais aujourd'hui elle n'est plus pour lui un fardeau. Elle brille d'un éclat qui ravit les regards des Anges, et après avoir été adorée par les hommes aussi longtemps que doit durer ce monde, elle paraîtra tout à coup sur les nuées du

 

1. Introït de la Messe du jour.

 

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ciel, pour assister près du juge des vivants et des morts à la sentence favorable de ceux qui l'auront aimée, à la réprobation de ceux qui l'auront rendue inutile pour eux par leur mépris ou par leur oubli.

Durant les quarante jours que Jésus passe encore sur la terre, il ne juge pas à propos de glorifier l'instrument de sa victoire. La Croix ne doit reparaître qu'au jour où, tout invisible qu'elle sera demeurée, elle aura conquis le monde à celui dont elle redit les grandeurs. Il a reposé trois jours dans le tombeau ; elle restera trois siècles ensevelie sous les ombres; mais elle aussi ressuscitera ; et c'est cette admirable résurrection que la sainte Eglise célèbre aujourd'hui. Jésus a voulu, quand les temps ont été accomplis, accroître les joies pascales, en révélant à force de prodiges ce monument auguste de son amour pour nous. Il nous le laisse entre les mains, pour notre consolation, jusqu'au dernier jour; n'est-il pas juste que nous lui en fassions hommage?

Jamais l'orgueil de Satan n'avait éprouvé de défaite aussi poignante que celle qui fondit sur lui, lorsqu'il vit que le bois, instrument de notre perte, était devenu l'instrument de notre salut. Sa rage impuissante se tourna contre cet arbre sauveur qui lui rappelait si cruellement et la puissance irrésistible de son vainqueur, et la dignité de l'homme racheté à un tel prix. Il eût voulu anéantir cette Croix redoutable; mais, sentant son impuissance à réaliser un si coupable dessein, il tenta du moins de profaner et de cacher à tous les regards un objet si odieux pour lui. Il poussa donc les Juifs à enfouir honteusement Je bois sacré que le monde entier révère. Au pied du Calvaire, non loin du sépulcre, s'ouvrait une

 

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excavation profonde. C'est là que les hommes de la synagogue précipitent la Croix du Sauveur avec celles des deux larrons. Les clous, la couronne d'épines, l'inscription détachée de la Croix, vont la rejoindre dans ce gouffre, que les ennemis de Jésus font remplir de terre et de décombres. Le sanhédrin pense en avoir fini avec la mémoire de ce Nazaréen, que l'on a pu crucifier sans qu'il soit descendu de la Croix.

Quarante ans plus tard, Jérusalem succombait sous le poids de la vengeance divine. Bientôt les lieux de notre rédemption étaient souillés par la superstition païenne; un petit temple à Vénus sur le Calvaire, un autre à Jupiter sur le saint sépulcre : telles furent les indications par lesquelles la dérision païenne conserva, sans le vouloir, le souvenir des merveilles qui s'étaient accomplies sur ce terrain sacré. A la poix de Constantin, les chrétiens n'eurent qu'à renverser ces honteux monuments, et le sol arrosé du sang rédempteur reparaissait à leurs yeux, et le glorieux tombeau se rouvrait à leur piété. Mais la Croix ne se révélait pas encore, et continuait de reposer dans les entrailles de la terre. Pour relever le sceptre du grand Roi, il fallait une main royale. La pieuse impératrice Hélène, mère du libérateur de l'Eglise, fut désignée par le ciel pour rendre au Christ, sur le théâtre même de ses humiliations, les honneurs qui lui sont dus comme Roi du monde. Avant de jeter les fondements de la basilique de la Résurrection, cette digne émule de Madeleine et des autres saintes femmes du sépulcre désira avec ardeur retrouver l'instrument du salut. Une tradition conservée chez les Juifs fut interrogée; et l'impératrice connut vers quel endroit il était à propos de diriger les fouilles. Avec

 

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quelle sainte anxiété elle suivit les travaux ! avec quel transport de joie elle aperçut le bois de la rédemption, que l'on ne discernait pas encore, il est vrai, mais qui devait être présent dans l'une des trois croix mises à découvert ! Son ardente prière s'élevait vers le Sauveur, qui seul pouvait révéler le divin trophée de sa victoire ; l'évêque Macaire unissait ses vœux à ceux de la pieuse princesse ; et les prodiges à l'aide desquels le discernement se fit avec certitude récompensèrent la foi qui n'aspirait au miracle que pour la plus grande gloire du Rédempteur.

C'en était fait, et l'Eglise entrait en possession de l'instrument du salut des hommes. L'Orient et l'Occident tressaillirent à la nouvelle de cette sublime découverte que le ciel avait conduite, et qui venait mettre le dernier sceau au triomphe du christianisme. Le Christ scellait sa victoire sur le monde païen, en élevant ainsi son étendard, non plus figuré, mais réel, ce bois miraculeux, scandale autrefois pour les Juifs, folie aux yeux des gentils, et devant lequel tout chrétien fléchira désormais le genou.

Hélène ne tarde pas à inaugurer l'arbre sacré dans la basilique qu'elle a construite, et qui réunit dans sa vaste enceinte le sépulcre glorieux et la colline du crucifiement. Un autre sanctuaire s'élève sur le lieu où reposa la Croix durant trois siècles ; de nombreux degrés conduisent le pèlerin jusqu'au fond de ce mystérieux asile. Alors commence une succession innombrable de pieux voyageurs venus des quatre vents du ciel pour honorer les lieux sur lesquels s'est opéré le salut de l'homme, et rendre leurs hommages au buis libérateur. Mais les desseins miséricordieux du ciel ne permettent pas que le précieux gage de

 

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l'amour du Fils de Dieu envers notre humble race soit le partage qu’un seul sanctuaire, quelque sacré qu'il soit déjà Hélène a détaché de l'arbre du salut une portion considérable qu'elle destine à Rome, la nouvelle Jérusalem. Ce don précieux reposera dans la basilique élevée par son fils sur les jardins de Sessorius, et le peuple romain appellera désormais ce sanctuaire la basilique de Sainte-Croix-en-Jérusalem.

Mais par le cours des âges la sainte Croix honorera de sa présence bien d'autres lieux de la terre. Déjà dés le IV° siècle saint Cyrille de Jérusalem attestait que les pèlerins qui obtenaient qu'on en détachât pour eux quelques légers éclats, avaient étendu au monde entier le bienfait divin (1), et saint Paulin de Noie nous apprend qu'aucune diminution ne se faisait sentir sur le bois immortel (2). Au VI° siècle, sainte Radegonde sollicite et obtient de l'empereur Justin II un fragment de la portion considérable que possède le trésor impérial de Constantinople. La Gaule ne pouvait entrer plus noblement en participation du précieux instrument de notre salut que par les mains de sa pieuse reine; et Venance Fortunat composait, pour l'arrivée de l'auguste relique, l'hymne admirable que l'Eglise chantera jusqu'à la fin des siècles lorsqu'elle veut célébrer les grandeurs de la sainte Croix. Jérusalem, après des alternatives de perte et de recouvrement, finit par perdre sans retour l'objet divin qui faisait sa principale gloire. Constantinople en hérite encore ; et cette ville devient la source de nombreuses largesses qui, principalement à l'époque des croisades, viennent enrichir les Eglises de l'Occident. Il s'établit

 

1. Cateches. IV, X, XIII. — 2. Epist. XII.

 

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comme de nouveaux centres de religion envers la sainte Croix, aux lieux où reposent les fragments insignes; de toutes parts la piété convoite une parcelle du bois salutaire. Le fer divise respectueusement les parties plus considérables, et peu à peu nos régions s'en trouvent remplies. La vraie Croix est partout, et il n'est pas de chrétien qui, dans le cours de sa vie, n'ait été à même d'en vénérer quelque fragment. Mais qui pourrait compter les actes d'amour et de reconnaissance que la vue d'un si touchant objet enfante dans les cœurs ? et qui ne reconnaîtrait dans cette profusion successive un stratagème de la bonté divine pour raviver en nous le sentiment de la rédemption sur laquelle reposent nos espérances éternelles ?

Qu'il soit donc aime, ce jour où la sainte Eglise unit le souvenir triomphal de la sainte Croix aux joies de la résurrection de celui qui a conquis par elle le trône où nous le verrons bientôt monter. Rendons grâces pour le bienfait signalé qui a restitué aux hommes, à l'aide des prodiges, un trésor dont la possession eût manqué à la dot de la sainte Eglise. En attendant le jour où le Fils de l'homme doit l'arborer sur les nuées du ciel, il l'a confiée à son Epouse comme le gage de son second avènement. En ce jour, il rassemblera par sa puissance tous ces fragments épars; l'arbre de vie étalera toute sa beauté aux regards des élus, et les conviera au repos éternel sous son ombre délectable.

 

La sainte Liturgie offre en ces termes le récit du grand événement qui fait l'objet de la fête.

 

Après l'insigne victoire  que l'empereur Constantin remporta sur Maxence sous l'étendard de la Croix du Seigneur qui lui avait été divinement manifesté, sa mère Hélène, en ayant reçu l'avertissement en songe, se rendit à Jérusalem dans le but d'y faire des recherches pour retrouver la vraie Croix. Arrivée dans cette ville, elle fit abattre une statue de marbre qui représentait Vénus, et que les Gentils, afin d'abolir tout souvenir de la Passion de Jésus-Christ, avaient placée depuis environ cent quatre-vingts ans au lieu même où la Croix avait été plantée. Elle fit la même chose au lieu où était la crèche du Sauveur et en celui de la Résurrection, ayant fait ôter du premier l'idole d'Adonis, et du second celle de Jupiter.

 

APRÈS qu'on eut nettoyé le lieu où devait se trouver la Croix, et que l'on eut creusé profondément, on tira de terre trois crois : mais le titre qui eut t'ait reconnaître celle du Seigneur se trouvait à part. Comme on était incertain sur celle des trois à laquelle ce titre avait appartenu, un miracle vint faire cesser les doutes. Macaire, évêque de Jérusalem, ayant adresse d'abord à Dieu ses prières, ordonna de faire toucher les trois croix, l'une après l'autre, à une femme qui était gravement malade. Les deux premières ne produisirent aucun effet ; mais le contact de la troisième rendit subitement la santé à l'infirme.

 

Hélène, avant ainsi découvert la Croix instrument du salut, éleva au même lieu une église magnifique, où elle laissa une partie de ce bois précieux enchâssée dans un étui d'argent. Elle porta l'autre à son fils Constantin, et on la déposa à Rome, dans l'Eglise appelée de Sainte-Croix-en-Jérusalem, qui fut construite sur l'emplacement du palais de Sesso-rius. Hélène apporta encore à son fils les clous avec lesquels le très saint corps de Jésus-Christ avait été attaché à la croix. Constantin porta une loi qui défendait que désormais on fît subir à quelqu'un le supplice de la croix. Ainsi un objet qui jusqu'alors avait donné aux hommes l'idée d'opprobre et de mépris, devint ce qu'il y a de plus glorieux et de plus digne de respect.

 

 

Les Eglises de l'Orient et de l'Occident ont produit un grand nombre de compositions liturgiques en l'honneur de la sainte Croix ; nous en choisirons quelques-unes qui pourront servir d'expression à la piété du lecteur, en commençant par l'immortel cantique de Venance Fortunat.

 

 

HYMNE.

 

L'étendard du Roi s'avance; voici briller le mystère de la Croix, sur laquelle celui qui est la Vie a souffert la mort, et par cette mort nous a donne la vie.

 

C’est là que transperce du fer cruel d'une lance, son ente épancha l'eau et le sang pour laver la souillure de nos crimes.

 

Il s'est accompli, l'oracle de David qui, dans ses vers inspirés, avait dit aux nations : « Dieu régnera par le bois. »

 

Tu es beau, tu es éclatant, arbre paré de la pourpre du Roi ; noble tronc appelé à l'honneur de toucher des membres si sacrés.

 

Heureux es-tu d'avoir porté suspendu à tes bras celui qui fut le prix du monde ! Tu es la balance où fut pesé ce corps, notre rançon ; tu as enlevé à l'enfer sa proie.

 

Salut, ô Croix, notre unique espérance ! toi qui nous as conduits aux joies pascales, accrois la grâce dans le juste, efface le crime du pécheur.

 

Que toute âme vous glorifie, ô Trinité, principe de notre salut ; vous nous donnez la victoire par la Croix, daignez y ajouter la récompense. Amen.

 

 

L'Eglise Romaine emploie dans l'Oiïîcc d'aujourd'hui les Répons et les Antiennes qui suivent. Ils respirent un parfum d'antiquité qui rend plus pénétrante encore l'onction dont ils sont remplis.

 

RÉPONS ET ANTIENNES.

 

R/. La sainte Eglise célèbre le glorieux jour où fut manifesté le bois triomphal, * Sur lequel notre Rédempteur a rompu les liens de la mort, et surmonté la perfidie du serpent, alleluia.

V/. Le Verbe du Père a découvert le chemin de notre salut, étant suspendu au bois, * Sur lequel il a rompu les liens de la mort, et surmonté la perfidie du serpent, alleluia.

 

R/. Voici l'arbre très digne qui s'élève au milieu du paradis, * Sur lequel l'auteur du salut a vaincu par sa mort la mort de tous les hommes, alleluia.

V/. Hélène, mère de Constantin, a recherché avec ardeur la Croix si belle et si radieuse, * Sur laquelle l'auteur du salut a vaincu pari sa mort la mort de tous les

hommes, alleluia.

 

R/. Au moment où le ciel révèle à la terre le gage saré, la foi dans le Christ est confirmée : * Les prodiges divins que la verge de Moïse opéra autrefois en figure se renouvellent, alleluia.

V/. Au contact de la Croix les morts ressuscitent, et les grandeurs de Dieu se révèlent. * Les prodiges divins que la verge de Moïse opéra autrefois en figure se renouvellent, alleluia.

 

Ant. Sauvez-nous, ô Christ Sauveur, par la vertu de la Croix ; vous qui avez sauvé Pierre sur la mer, ayez pitié de nous, alleluia.

 

Ant. Voici la Croix du Seigneur: ennemis, prenez la fuite ; il a vaincu, le Lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, alleluia.

 

Ant. Ta cime s'élève au-dessus de tous les cèdres, ô Croix à laquelle fut attachée la Vie du monde, sur laquelle le Christ a triomphé, et la mort a vaincu la mort pour toujours, alleluia.

 

Ant. O Croix plus brillante que tous les astres, illustre dans le monde entier, aimée des hommes, toi dont la sainteté s'élève au-dessus de tout ; seule tu as été digne de porter le trésor du monde. Bois, objet de notre amour, tu portes suspendu à tes clous sacres un fardeau plus cher encore ; bénis et sauve ce peuple rassemblé aujourd'hui pour chanter tes louanges, alleluia, alleluia.

 

Le moyen âge de nos Eglises latines ne pouvait demeurer muet sur les louanges de la sainte Croix. Nous lui emprunterons d'abord cette Séquence fameuse attribuée à Adam de Saint-Victor

 

SÉQUENCE.

 

Célébrons avec transport les louanges de la Croix, nous pour qui la Croix a été le principe de l'allégresse et de la gloire ; dans la Croix nous triomphons, par la Croix nous remportons sur notre farouche ennemi la victoire qui nous assure la vie.

 

Que nos deux concerts pénètrent jusqu'aux deux ; il mérite, ce bois cher aux hommes, que l'on consacre à sa gloire les plus doux accents. Mettons d'accord et nos voix et nos vies ; quand la vie ne contredit pas les chants que la voix fait entendre, c'est alors que la mélodie est agréable au ciel.

 

Célébrez la Croix, serviteurs de la Croix ; c'est par la Croix que les dons de la vie céleste sont venus réjouir vos cœurs ; dites donc tous ensemble, et que chacun répète : « Hommage à toi, arbre salutaire, principe de salut pour le monde entier ! »

 

Autel du salut, autel illustre et fortuné, qui fus rougi du sang de l'Agneau, de l'Agneau sans tache, qui purifia le monde de son antique péché.

 

La Croix est l'échelle des pécheurs, par laquelle le Roi des cieux, le Christ, attira toutes choses à lui ; par sa forme quadrangulaire, elle montre que sa vertu s'étend aux quatre confins du monde.

 

La Croix n'est pas un mystère nouveau, son culte ne date pas d'hier ; par elle Moïse rendit douces les eaux amères, par elle il fit jaillir les sources du rocher.

 

Point de salut dans la maison, si l'homme n'imprime sur la porte ce signe protecteur ; qu'il le fasse seulement, et il sera sauf du glaive, et son premier-né lui sera conservé.

 

La pauvre femme de Sarepta, cherchant le bois, trouva le salut ; sans ce bois cher à la foi, ni l'huile ni la farine n'auraient abondé dans sa maison.

 

Ces mystères furent longtemps cachés sous les symboles de l'Ecriture; mais aujourd'hui les bienfaits de la Croix éclatent au grand jour; les rois ont embrassé la foi, les ennemis sont en déroute ; par la Croix seule, sous le Christ notre chef, un seul de nous met en fuite mille adversaires.

 

Rome vit Maxence submergé dans le Tibre avec ses vaisseaux ; ailleurs, les Thracesetles Perses furent taillés en pièces, et le chef ennemi tomba sous les coups d'Héraclius.

 

La Croix rend forts et victorieux ceux qu'elle protège, elle guérit maladies et langueurs ; par elle les démons sont repoussés; aux captifs elle rend la liberté, aux morts une vie nouvelle ; elle rétablit toute créature dans sa dignité première.

 

Hommage à toi, bois triomphal, ô Croix, salut du monde ! Nul arbre ne t'est comparable pour le feuillage, pour la fleur ni pour le fruit; remède des chrétiens, sois la force de ceux qui sont sains, guéris ceux qui sont malades ; en ion nom l'homme obtientce qui dépasserait ses forces.

 

O toi qui as consacré cet arbre, daigne nous écouter célébrant les louanges de la Croix ; après cette vie, transporte les serviteurs de ta Croix au séjour de la lumière véritable. Ils honorent l'instrument de ton supplice ; délivre-les des tourments de l'enfer ; et quand viendra le jour delà colère, mets-nous en possession des joies éternelles.

Amen.

 

 

L'Hymne suivante, pleine de grandeur et de majesté, se trouve dans nos anciens Bréviaires romains-français, à la fête de l'Invention de la sainte Croix.

 

HYMNE.

 

Salut, ô Croix sainte ! salut, ô gloire du monde, notre espoir véritable, source de nos joies, signe de salut, protection dans les périls, arbre de vie qui portes celui qui est la Vie universelle!

 

Rachetés sur toi, nous aimons à chanter tes louanges, Croix adorable, prin-cipe de vie, l'amour et l'honneur des hommes. Nous aimons à redire: Le bois nous fit esclaves, et tu nous affranchis, ô bois !

 

O Christ, toi qui anéantis sur la Croix la faute originelle, daigne nous purifier de nos taches personnelles ; aie pitié de l'homme fragile ; par ta Croix sainte pardonne à ceux qui sont tombés.

 

Par le signe de la Croix protège, sauve, bénis, sanctifie ton peuple tout entier; écarte les maux de l'âme et du corps ; que tout fléau se dissipe en présence de ce signe tout-puissant.

 

Louange à Dieu le Père dans la Croix de son Fils ! Hommage pareil à l'Esprit-Saint ! Joie aux Anges, les citoyens du ciel ! Honneur sur la terre à l'Invention de la Croix ! Amen.

 

            Nous choisirons entre les compositions liturgiques que l'Eglise grecque a produites en l'honneur de la sainte Croix, le Canon ou Hymne qui suit. Il a pour auteur saint Théodore Studite.

 

CANON.

 

Ce jour est un jour de joie. En ressuscitant, le Christ a fait disparaître la mort ; la vie apparaît dans tout son éclat ; Adam sorti du tombeau conduit les chœurs dans l'allégresse; faisons entendre aussi nos chants de victoire.

 

Le jour est venu d'adorer la Croix précieuse; en ce moment elle étincelle des rayons du Christ ressuscité ; vener tous, embrassons-la, couvrons-la de nos baisers avec une joie spirituelle.

 

Apparais à mes regards, ô Croix du Seigneur, toi dont la gloire est sans limites ; montre-moi ta beauté, ton éclat divin ; sois propice à ton adorateur, afin qu'il chante dignement tes louanges ; je m'entretiens avec toi, je te serre dans mes bras comme un être plein de vie.

 

Le ciel et la terre s'unissent dans un même concert ; car la Croix bienheureuse a été offerte aux regards de l'univers entier; c'est sur elle que le Christ attaché fut immolé ; dans la joie de nos coeurs honorons-la par nos baisers.

 

Le divin Moïse figura jadis ta Croix, ô Christ Dieu, lorsqu'il divisa les eaux avec sa verge, conduisant le peuple d'Israël à travers la mer Rouge, et chantant à ta gloire le cantique du passage.

 

La Croix que nous baisons aujourd'hui, c'est celle que figurait Moïse par ses bras étendus ; par elle nous mettons en fuite l'Amalec spirituel ; par elle aussi, Seigneur, nous obtenons le salut.

 

L'allégresse est aujourd'hui au ciel et sur la terre ; car il a été révélé au monde. le signe de la Croix trois fois heureuse ; sa vue seule fait couler sur nous une grâce éternelle.

 

Comment reconnaîtrons-nous, ô Christ, le bienfait que tu nous accordes d'adorer ta Croix si digne d'hommages, sur laquelle ton sang divin a été répandu, ta chair a été attachée par les clous? C'est en la couvrant de nos baisers que nous te rendons grâces.

En ce jour consacré à l'adoration de ta Croix, les Anges forment des chœurs et tressaillent de joie ; car c'est sur la Croix, ô Christ, que tu as écrasé l'armée des démons et sauvé la race humaine.

 

L'Eglise est devenue un second paradis ; elle possède l'arbre de vie qui était la gloire du premier ; c'est ta Croix, ô Seigneur ! par son contact, elle nous rend participants de l'immortalité.

 

L'oracle du Psalmiste est accompli : car voici que nous adorons l'escabeau de tes pieds immaculés, en vénérant ta Croix, ce bois très aimé.

 

Le bois que Jérémie a vu mettre dans ton pain par tes ennemis, c'est ta Croix, ô miséricordieux ! Nous la couvrons de baisers, nous célébrons tes liens et ton sépulcre, la lance et les clous.

 

En ce jour les plus suaves parfums s'exhalent des cassolettes divines ; la Croix est inondée d'un baume de vie ; aspirons l'odeur céleste qu'elle répand, adorons-la avec foi à jamais.

 

Viens, Elisée ! dis-nous quel est ce bois que tu plongeas dans l'eau. C'est la Croix du Christ qui nous a tirés de l'abîme de la mort ; adorons-la avec foi à jamais.

 

Jacob vit la figure de ta Croix, ô Christ ! lorsqu'il adora le sommet de la verge divine que tenait Joseph; il y entrevovait le sceptre de ta royauté, que maintenant nous adorons à jamais.

 

Jeté dans la fosse aux lions, le grand prophète Daniel étendit ses mains en forme de croix ; il échappa sain et sauf à la gueule des bètes féroces, bénissant le Christ à jamais.

 

Tous les arbres des forêts tressaillent et font entendre leurs cantiques, en ce jour où nous embrassons avec effusion le bois de la Croix, dont le Christ a glorifié le sommet, comme l'avait prédit le divin prophète David.

 

Un arbre m'avait donné la mort ; je t'ai retrouvé, arbre de vie, ô Croix qui portes le Christ ! tu es ma garde invincible, ma défense contre les démons ; en ce jour je t'adore et jeté crie : Sanctifie-moi par ta gloire.

 

Réjouis-toi et triomphe. Eglise de Dieu ; car trois fois heureuse tu adores aujourd'hui le bois de la très sainte Croix, autour de laquelle les chœurs des Anges assistent dans une crainte respectueuse, comme pour la servir.

 

 

« Le Christ crucifié est la force et la sagesse même de Dieu (1). » C'est la célèbre parole de votre Apôtre, ô Jésus ! et nous en voyons aujourd'hui la vérité. La Synagogue voulut anéantir votre gloire en vous clouant à un gibet; elle se délectait en pensant qu'il est écrit dans la loi de Moïse : « Maudit celui qui est suspendu au bois (2) ! » Et voici que ce gibet, ce bois infâme, est devenu votre trophée le plus insigne. Dans les splendeurs de votre résurrection, la Croix, loin de jeter une ombre sur les rayons de votre gloire, relève d'un éclat nouveau l'ineffable magnificence de votre triomphe. Vous avez été attaché au bois, vous avez pris sur vous la malédiction ; crucifié entre deux scélérats, vous avez passé pour un vil imposteur, et vos ennemis ont insulté à votre agonie sur ce lit de douleur. Si vous n'eussiez été qu'un homme, il ne restait de vous qu'une mémoire déshonorée ; la croix eût dévoré sans retour votre gloire passée, ô fils de David ! Mais vous

 

1.  Cor. I, 23. — 2. Deut., XXI, 23.

 

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êtes le Fils de Dieu, et c'est la croix qui nous le prouve. Le monde entier se prosterne devant elle et l'adore; c'est elle qui vous l'a conquis, et les hommages qu'elle reçoit vengent surabondamment votre gloire de l'éclipsé passagère que votre amour pour nous lui imposa un jour. On n'adore pas un gibet, ou, si on l'adore, c'est le gibet d'un Dieu. Oh ! béni soit celui qui a été suspendu au bois ! En retour de nos hommages, divin Crucifié, accomplissez en notre faveur la promesse que vous avez faite : « Lorsque je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi (1). »

Pour nous attirer plus efficacement, vous déposez aujourd'hui entre nos mains le bois même du haut duquel vous nous avez tendu vos bras. Ce monument de votre victoire, sur lequel vous vous appuierez au dernier jour, vous daignez nous le confier jusqu'à la fin des siècles, afin que nous puisions en lui une crainte salutaire de la divine justice qui vous a attaché à ce bois vengeur Je nos crimes, un amour toujours plus tendre envers vous, ô notre victime qui n'avez point recule devant la malédiction, afin que nous fussions bénis! La terre entière vous rend grâces aujourd'hui pour le don inestimable que vous lui avez octroyé. Votre Croix divisée en fragments sans nombre est présente en tous lieux ; il n'est pas de région dans le monde chrétien qu'elle ne consacre et ne protège.

Que n'avons-nous la piété d'Hélène, ô Sauveur, pour savoir connaître comme elle « la hauteur et la profondeur, la longueur et la largeur du mystère caché dans votre Croix (2) » ! C'est parce qu'elle a aimé ce divin mystère, qu'elle a recherché

 

1. JOHAN. XII, 32. — 2. Eph. III, 18.

 

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la Croix avec tant d'ardeur ; mais quel sublime spectacle cette pieuse princesse nous offre en ces jours de votre triomphe ! D'une main elle orne votre glorieux sépulcre ; de l'autre elle arrache votre Croix aux ombres qui la couvraient; qui jamais proclama, avec cette majesté, le mystère pascal ? Le sépulcre nous crie : « Il est ressuscité, il n'est plus ici » ; la Croix nous dit : « Je ne l'ai retenu qu'un moment, et il s'est élancé dans sa gloire. » O Croix ! ô sépulcre ! que son humiliation a été rapide, et que le règne qu'il a conquis par vous est assuré ! Nous adorons en vous les vestiges de son passage, et vous demeurez sacrés à jamais, parce qu'il s'est servi de vous pour notre salut. Gloire soit donc à vous, ô Croix, objet de notre amour et de notre admiration en ce jour! Continuez de protéger ce monde qui vous possède ; soyez-lui le bouclier qui le défende contre l'ennemi, le secours présent partout qui conserve le souvenir du sacrifice mêlé à celui du triomphe; car c'est par vous, ô Croix, que le Christ a vaincu, qu'il règne et qu'il commande. CHRISTUS VINCIT, CHRISTUS REGNAT, CHRISTUS IMPERAT.

 

 

 

 

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