MERCREDI OCTAVE

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PROPRE DES SAINTS

LE MERCREDI DANS L'OCTAVE DE L'ASCENSION.

 

 

O Roi de gloire. Seigneur des armées, qui aujourd'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphelins ; mais envoyez-nous l'Esprit de vérité, selon la promesse du Père, alleluia.

O Rex gloriae Domine virtutum, qui triumphator hodie super omnes caelos ascendisti, ne derelinquas nos ; sed mitte promissum Patris in nos Spiritum veritatis, alleluia.

 

Abaissons sur la terre nos regards, que nous avons tenus jusqu'ici fixés au ciel pour y suivre Celui qui nous a quittés. Recherchons maintenant les effets du divin mystère de l'Ascension jusque dans notre humble et passagère demeure, où le Fils de Dieu a cessé de résider visiblement. Quel étonnant spectacle attire notre attention ici-bas ! Ce Jésus, qui monta aux cieux en ce jour, sans que la ville de Jérusalem s'en émût, sans qu'elle s'en fût même aperçue, sans que le genre humain s'ébranlât à la nouvelle du départ de son hôte divin ; ce même Jésus, en ce simple anniversaire d'aujourd'hui, dix-huit siècles après l'événement, émeut encore la terre tout entière de l'éclat de son Ascension. En nos tristes jours la foi est languissante; quelle est cependant la région du globe où n'habitent pas les chrétiens, soit à l'état de peuple, soit à l'état d'individus ? c'en est assez pour que l'univers entier entende dire que Jésus est

 

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monté aux cieux, et que ce jour est consacré à fêter sa glorieuse Ascension.

Durant trente-trois années il vécut de notre vie sur la terre. Fils éternel de Dieu, son séjour parmi nous fut ignoré de toutes les nations sauf une seule. Cette nation le crucifia; les Gentils ne l'eussent pas même regardé ; car « la lumière a beau luire dans les ténèbres, les ténèbres ne la comprennent pas (1) » ; et Dieu a pu « venir dans  son œuvre même, et ne pas être accueilli par les siens (2). » Au sein du peuple préparé pour sa visite, sa parole a été cette semence qui tombe sur un terrain pierreux et ne germe pas, dans les épines et est bientôt étouffée par elles, et qui rencontre à peine un coin de cette bonne terre où elle peut fructifier (3). Si, à force de patience et de bonté, il maintient autour de lui quelques disciples, leur confiance en lui est demeurée faible, hésitante, toujours prête à s'éteindre.

Et néanmoins, depuis la prédication de ces mêmes Apôtres, le nom et la gloire de Jésus sont partout ; en toutes les langues, dans toutes les races, il est proclamé le Fils de Dieu incarné; les peuples les plus civilisés comme les plus barbares sont venus à lui ; on fête sa naissance dans l'étable de Bethléhem, sa mort douloureuse sur la croix où il paya la rançon du monde coupable, sa résurrection par laquelle il confirma la mission divine qu'il était venu accomplir, enfin son Ascension qui le fait asseoir en ce jour Homme-Dieu, à la droite de son Père. Dans l'univers entier la grande voix de l'Eglise fait retentir le mystère de la glorieuse Trinité, qu'il est venu révéler au monde. Cette sainte Eglise qu'il a fondée

 

1. Johan. I, 5. — 2. Ibid. II. — 3. MATTH. XIII.

 

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enseigne à toutes les nations la vérité révélée, et dans toutes les nations elle rencontre des âmes dociles qui répètent son symbole.

Comment s'est accomplie cette merveille? comment a-t-elle persévéré et persévère-t-elle depuis dix-huit siècles ? Jésus, qui s'élève au ciel en ce jour, nous l'explique d'un seul mot : « Je m'en « vais, dit-il, et il vous est avantageux que je m'en « aille. » Qu'est-ce à dire, sinon que, dans notre état actuel, il y a pour nous quelque chose Je plus avantageux que sa présence sensible ? Cette vie n'est donc pas le moment de le voir et de le contempler, même dans sa nature humaine. Pour le connaître, pour le goûter, même dans cette humaine nature, un autre élément nous est nécessaire : c'est la foi. Or, la foi aux mystères du Verbe incarné ne commence à régner sur la terre qu'à partir du moment où il cesse d'être visible ici-bas.

Qui pourrait dire la force triomphante de la foi ? Saint Jean l'appelle d'un nom glorieux. « La foi, dit-il, c'est la victoire qui abat le monde « sous nos pieds (1). » C'est elle qui a abattu aux pieds de notre divin Chef absent de ce monde, la puissance, l'orgueil et les superstitions de la société antique; et l'hommage en est monté jusqu'au trône où prend place aujourd'hui Jésus, Fils de Dieu et fils de Marie.

Saint Léon le Grand, le sublime interprète du mystère de l'Incarnation, a pénétré cette doctrine de son coup d'œil toujours si sûr, et il l'a rendue avec l'éloquence qui lui est familière. « Après avoir accompli la prédication de l'Evangile et les mystères de la nouvelle Alliance, nous dit-il,

 

1. Johan. V, 4.

 

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Jésus-Christ notre Seigneur s'élevant au ciel sous les yeux de ses disciples, a mis un terme à sa présence corporelle ici-bas, et il doit demeurer à la droite de son Père jusqu'à ce que soient accomplis les temps divinement destinés à la multiplication des enfants de l'Eglise ; après quoi il reviendra pour être le Juge des vivants et des morts, dans la même chair avec laquelle il est monté. Ainsi donc, tout ce qui avait été visible ici-bas en notre Rédempteur a passé dans l'ordre des Mystères; et afin de rendre la foi plus excellente et plus ferme, la vue a été remplacée par un enseignement dont l'autorité , entourée d'un rayonnement céleste , entraîne les cœurs des croyants.

« C'est par la vertu de cette foi dont l'Ascension du Seigneur a accru l'énergie, et que le don de l'Esprit-Saint est venu fortifier, que ni les chaînes, ni les cachots, ni l'exil, ni la faim, ni les bûchers, ni la dent des bêtes féroces, ni les supplices inventés par la cruauté des persécuteurs, n'ont pu effrayer les chrétiens. C'est pour leur fidélité à cette foi que, dans le monde entier, non seulement des hommes, mais même des femmes, non seulement des enfants et des adolescents, mais des jeunes filles délicates, ont combattu jusqu'à l'effusion de leur sang. C'est cette foi qui a chassé les démons, fait disparaître les maladies, ressuscité les morts. De là, nous avons vu les bienheureux Apôtres eux-mêmes qui, après avoir clé confirmés par tant de miracles, instruits par tant de discours du Seigneur, s'étaient laissé effrayer par les indignités de sa Passion, et n'acceptèrent la vérité de sa résurrection qu'après avoir hésité ; nous les avons vus changés aussitôt après son Ascension, à tel point que les choses qui jusqu'alors

 

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ne leur inspiraient que de la terreur, devinrent tout à coup pour eux une source d'allégresse. Toute la force du regard de leur âme s'était dirigée sur la divinité de celui qui est assis à la droite du Père ; la vue de son corps ne retardait plus la vigueur de leur œil, dès lors qu'ils pénétraient le Mystère, et arrivaient à comprendre qu'en descendant des cieux il ne s'était pas séparé de son Père, pas plus qu'en y remontant il ne s'était isolé de ceux qui avaient été ses disciples.

« Le moment donc où le Fils de l'homme, qui est aussi le Fils de Dieu, s'est manifesté d'une façon plus excellente et plus auguste, est celui où il s'est retiré dans la gloire et la majesté de son Père ; car c'est alors que, par un procédé ineffable, il s'est rendu plus présent par sa divinité, à mesure que son humanité s'éloignait de nous davantage. C'est alors que la foi plus éclairée que l'œil terrestre s'est approchée d'un pas plus ferme de celui qui est le Fils égal au Père, qu'elle n'a plus eu besoin de palper dans le Christ cette nature humaine par laquelle il lui est inférieur. La substance de ce corps glorifié est demeurée la même ; mais la foi des croyants avait désormais son rendez-vous là où non plus une main de chair, mais une intelligence spirituelle est admise à toucher le Fils égal au Père. De là vient que le Seigneur ressuscité, lorsque Marie-Madeleine , qui représentait l'Eglise, s'élançait pour saisir ses pieds, l'arrêta par ces paroles : « Ne me touche pas; car je ne suis pas monté encore vers mon Père » ; comme s'il eût dit : « Je ne veux plus que tu arrives à moi par une voie sensible, ni que tu me reconnaisses au contact humain ; je t'ai réservée à une plus sublime expérience; j'ai préparé pour toi un sort plus digne d'envie. Lorsque je

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serai monté vers mon Père, c'est alors que tu me saisiras, mais d'une manière plus parfaite et plus vraie, parce que les sens étant dépassés, la foi te révélera ce que tes yeux ne verront pas encore (1). »

Il est donc inauguré par le départ de notre Emmanuel, ce règne de la foi qui doit nous préparer à l'éternelle vue du souverain bien; et cette heureuse foi, qui est notre élément, nous donne en même temps toute la lumière compatible avec notre faible condition présente pour saisir et adorer le Verbe consubstantiel au Père, et pour avoir l'intelligence des Mystères que ce Verbe incarné a opérés ici-bas dans son humanité. Un grand nombre de siècles nous séparent du moment où il se rendit visible sur la terre, et nous le connaissons mieux que ne le connurent et ne le goûtèrent ses propres disciples avant son Ascension sur le mont des Oliviers. Il nous était donc véritablement avantageux qu'il s'éloignât; sa présence eût gêné l'essor de notre foi, et notre foi seule pouvait remplir l'intervalle qui le sépare de nous, jusqu'à ce que nous ayons pénétré « à l'intérieur du voile ».

Combien est profond l'aveuglement de ces hommes qui ne sentent pas la puissance surhumaine de cet élément de la foi, par lequel le monde a été non seulement vaincu, mais transformé ! Ils prétendent avoir découvert la fabrication des Evangiles, et ils ne voient pas cet Evangile vivant qui résulte de dix-huit siècles de foi unanime, qui ressort de la confession généreuse de tant de millions de martyrs, de la sainteté de tant de justes, de la conversion successive de tant de nations, à commencer par les plus civilisées et

 

1. De Ascensione Domini, Sermo II.

 

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à finir par les plus barbares. Certes, celui-là qui, après avoir visité un coin de cette terre durant quelques années, n'a eu besoin que de disparaître pour attirer à lui la foi des plus grands génies comme des cœurs les plus simples et les plus droits, est bien ce qu'il nous a dit être : le Fils éternel de Dieu. Gloire et action de grâces soient donc à vous, Seigneur, qui, pour nous consoler de votre départ, nous avez donné la foi par laquelle l'œil de notre âme s'épure, l'espérance de notre cœur s'enflamme, et les divines réalités que nous possédons se font sentir à nous dans toute leur puissance ! Conservez en nous ce don précieux de votre bonté toute gratuite, accroissez-le sans cesse, faites qu'il s'épanouisse dans toute sa maturité, au moment solennel qui doit précéder celui où vous vous révélerez à nous face à face.

 

Nous célébrerons aujourd'hui le mystère de l'Ascension en empruntant la voix d'une de nos Eglises les plus septentrionales, tombée, hélas ! comme toutes ses sœurs de la Suède, sous le joug du luthéranisme. C'est une Séquence tirée du dernier missel d'Abô, dans la Finlande. La composition de cette pièce se rapporte au XIV° ou au XV° siècle.

 

SÉQUENCE.

 

Nations, applaudissez, menez des chœurs de fête : le Christ triomphe, il remonte victorieux, traînant après lui les dépouilles qu'il a conquises ; il monte au son joyeux de la trompette.

 

Oh ! quelle gloire entoure aujourd’hui le Fils du souverain Seigneur! Comme il s'élève, le fruit de la terre, au-dessus de tous les trônes du ciel.

 

De même que Moïse étant entré dans le Tabernacle, le peuple est entraîné à contempler un spectacle si étonnant ; ainsi les hommes de Galilée ne peuvent détacher leurs regards de la nuée qui leur a soustrait Jésus.

 

Elie s'élève au ciel, laissant à Elisée son double esprit et son manteau ; le Christ, montant à son tour, fait part à ses serviteurs du trésor de ses grâces.

 

Le véritable Jacob a passé le Jourdain, et à travers la souffrance, se servant de la croix pour bâton, aujourd'hui il revient escorté de Jeux bataillons, les Anges et les âmes rachetées, et il porte avec lui le trésor qu'il a conquis

 

C'est le vaillant qui, vainqueur des portes de la mort, entre avec gloire; c'est le Seigneur des armées, dont un signe, un regard, fait trembler le triple univers.

 

Le Père invite son Fils à s'asseoir sur le trône jusqu'à ce qu'il ait réduit, de gré ou de force, ses ennemis à lui servir de marchepied. Le voilà siégeant au plus haut des cieux, en possession d'honneurs infinis ; mais à la fin il doit revenir, pour juger les bons et les méchants sur leurs actions même les plus secrètes.

 

Dieu vengeur, venez avec clémence, on ce jour où nous serons présentés en face de votre trône ; en cette vie, faites-nous goûter dès le matin votre miséricorde ; et transportez-nous bientôt dans la vie éternelle, pour y prendre part à la gloire future.

Amen.

 

Nous terminerons, comme les jours précédents, par une des belles prières du Bréviaire mozarabe dans le cours de l'Octave.

 

CAPITULA.

 

Seigneur Jésus-Christ, qui avez élevé avec tant de gloire votre trône dans votre cité de Jérusalem qui est l'Eglise; vous qui en avez fait si glorieusement la conquête et qui de son sein vous élevez dans un si beau triomphe jusqu'au Père, et nous manifestez les grandeurs de votre Ascension dans la nature humaine que vous avez revêtue, daignez agréer nos vœux et accepter nos œuvres, afin que nous puissions posséder le royaume avec vous dans la gloire éternelle. Amen.

 

 

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