III - CHAPITRE IV

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III - L. A Mgr de RHEIMS

CHAPITRE IV : DE  LA  TRADUCTION  DES LIVRES  LITURGIQUES EN LANGUE VULGAIRE

 

NOTES DU CHAPITRE IV

NOTE A

NOTE  B

 

 

Après avoir établi le principe des langues liturgiques et leurs conditions, il devrait sembler inutile d'examiner s'il est à propos de traduire les livres liturgiques en langue vulgaire. D'abord, il est démontré que de telles traductions ne pourraient être employées ni dans le service divin, ni dans la célébration des saints mystères, sans aller contre l'esprit et contre les lois de l'Église ; ce n'est donc pas cette question que nous avons à examiner ici. Mais est-il permis de mettre ces traductions entre les mains des simples fidèles, afin qu'ils puissent s'unir avec plus d'intelligence aux mystères que l'on célèbre devant eux, aux offices divins que l'on chante à l'église ? L'usage qui a prévalu en France, depuis à peu près deux siècles, de traduire les prières de la messe et de l'office, s'est-il établi sans réclamations et selon l'esprit de l’Église ? Serait-il à propos de l'abolir, ou n'est-il pas préférable de le soumettre à des règles propres à en atténuer le danger ? Telles sont les graves questions qui se présentent à nous dès l'ouverture de ce chapitre, qui n'est que la suite et le complément du précédent.

Quelque invétérée que soit la coutume établie en France à l'égard des traductions de la messe et de l'office, nous ne pouvons nous dispenser de convenir, tout d'abord, que cette coutume, quand bien même il serait trop tard pour l l'abolir, est totalement contraire à l'esprit de l'Église, et que, par conséquent, il serait à désirer que l'autorité compétente ne se fût pas relâchée des règles sévères qu'elle

 

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lui opposa, dans le principe. C'est la doctrine de la Sorbonne, des évêques de l'Assemblée de 1660, et du Siège apostolique, comme nous le verrons tout à l'heure. Cette doctrine est fondée d'abord sur le principe même en vertu duquel l'Église célèbre la Liturgie en langue non vulgaire. Une des raisons principales de cette loi universelle est le danger qu'il y aurait d'exposer les formules saintes à la curiosité profane et aux interprétations grossières de la multitude, d'amener enfin une familiarité nuisible au respect des mystères. Il est vrai que, dans le système des traductions liturgiques, la langue sacrée est maintenue dans l'Église, que ces traductions sont non avenues pour les fidèles qui ne savent pas lire ; enfin qu'elles n'ont de résultat pour ceux qui savent lire qu'autant qu'ils viennent à l'église  munis de ces Liturgies traduites, et qu'ils en font usage; mais l'intention de l'Église n'en est pas moins frustrée, et plusieurs des périls qui résulteraient de la célébration du service divin en langue vulgaire sont toujours à craindre. On sait que les jansénistes furent les auteurs et les propagateurs de cette révolution dans les : églises de France, et que le but final de cette manœuvre de la secte était d'amener insensiblement le désir de voir la langue vulgaire remplacer le latin dans la Liturgie. Dans les lieux où   ils purent agir en maîtres, on les vit célébrer les saints mystères en français, et la LXXXVI° proposition de Quesnel que nous avons rappelée au chapitre précédent, témoigne  assez des intentions calvinistes du parti, dans tout ce qu'il entreprit pour rétablir les droits du peuple fidèle, violés, selon lui, par l'obstination de Rome à le tenir isolé de la prière publique.

Il suffit de se rappeler la doctrine de l'Église catholique sur l'usage de l'Écriture sainte en langue vulgaire, pour se rendre raison des motifs que l'instinct catholique avait de repousser les traductions de la Liturgie en français. Personne n'ignore que les offices divins se composent

 

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en grande partie de passages, et même de simples versets de l'Écriture sainte, si donc l’Église avait cru devoir prendre des mesures pour que la Bible ne fût pas livrée indistinctement à toutes sortes de personnes, son éloignement pour les traducteurs de la Liturgie n'était-il pas une conséquence de la discipline qu'elle avait si sagement établie? Chez les protestants, l'usage delà Bible en langue vulgaire et l'introduction du langage populaire dans le service divin n'ont été que l'application d'un même principe ; l'Église catholique pouvait-elle se dispenser de prendre le contre-pied de ce système? Et la secte janséniste, si habile à copier Calvin en toutes choses, n'était-elle pas parfaitement d'accord avec elle-même, en menant de front ces deux maximes : proclamer comme un devoir universel et indispensable la lecture de l'Écriture sainte, et inaugurer entre les mains des fidèles des traductions de la Liturgie tout entière ? Quand le parti triomphant obtint la publication du Bréviaire parisien de 1736, il s'arrangeait de manière à voir paraître, en même temps que le texte latin destiné au clergé, la traduction de son chef-d'œuvre, à l'usage des fidèles. Nous avons rapporté ailleurs ce déplorable succès que la secte, qui s'en glorifie encore aujourd'hui (1), obtint de la faiblesse d'un prélat qui jusqu'alors s'était montré si peu favorable aux jansénistes; ce qui fit dire au plus ardent coryphée du parti, Colbert de Montpellier, que Charles de Vintimille était Balaam appelé pour maudire, et qui finissait par bénir (2).

Mais, quand bien même l'Église jugerait à propos d'accorder indistinctement à tous les fidèles la lecture des Livres saints dans des traductions en langue vulgaire, et sous ce rapport nous montrerons bientôt en quoi sa discipliné s'est adoucie, il ne s'ensuivrait pas qu'on dût étendre

 

(1)  Revue ecclésiastique, 63e livraison, Août 1843.

(2)  Lettres de M. Colbert, évêque de Montpellier, tom. IV, pag. 342.

 

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cette liberté aux livres de la Liturgie. Comme nous l'avons fait voir au chapitre précédent, les saintes Écritures ont été données pour l'enseignement et l'édification; il s'est passé de longs siècles durant lesquels l'Église n'a fait aucune loi pour en restreindre l'usage ; les règles sévères qu'elle a promulguées plus tard, quoique parfaitement justes et prudentes, présentent un caractère transitoire; mais les livres de la Liturgie sont par leur nature destinés aux prêtres et aux pontifes; s'ils renferment la tradition de l'Église, ils ne sont pas inspirés; les mystères les plus augustes leur sont confiés, et dans aucun sens les fidèles ne peuvent se plaindre qu'on leur dérobe ce qui n'a pas été écrit pour eux. Si donc l'esprit de l'Église est d'user de réserve à l'égard de la lecture de la Bible pour les simples chrétiens, comme l'enseignaient déjà les Pères, bien des siècles avant les décrets de l'Index (1), peut-on raisonnablement  s'étonner qu'elle  ait  repoussé  les  traductions liturgiques qui exposaient à   des interprétations dangereuses des textes qui ne peuvent, si sacrés qu'ils soient, revendiquer les mêmes respects que l'on doit à la Parole inspirée de Dieu. Le concile de Trente et le pape Pie IV, auxquels nous devons les règles de l'Index, étaient si loin de s'attendre qu'un temps viendrait où l'on imaginerait de traduire la Liturgie en langue vulgaire pour les simples fidèles,  qu'ils ne songèrent pas  même à proscrire ces sortes de versions. Ce ne fut qu'en 1660, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, que le fait fut dénoncé au Saint-Siège; mais l'improbation énergique du Pontife romain ne se fit pas attendre, improbation qui n'était qu'une conséquence de celle dont Rome avait déjà frappé les publications contraires à l'esprit et à la  discipline de

 

(1) S. Augustin, De Doctrina christiana, lib. I, cap.XXXIX. S. Jerôme, Comment. in Epist. ad Galatas, lib. II, cap. iv. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech. V, n° 12. S. Épiphane, In Ancorato, n° 22. S. Basile, Homil. in Psalmum XLIV, n° 2, etc.

 

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l'Église. Le P. Amelotte, de l'Oratoire, qui avait fait paraître, avec l'agrément du clergé de France, une traduction du Nouveau Testament, dans le temps même où le Siège apostolique fulmina contre la traduction du missel, n'eut pas de peine à montrer la différence profonde qui existe entre une version des saintes Écritures que les prélats d'une grande Église jugent utiles aux fidèles, et la traduction indiscrète du Livre sacerdotal qui, encore une fois, n'a point été écrit pour l'usage du peuple.

Les traductions de la messe et de l'office en langue vulgaire sont de nature à produire encore un autre inconvénient,  celui d'isoler les fidèles de la prière publique, sous prétexte de les y associer plus étroitement. En effet, il est rare que ceux qui usent de ces traductions unissent leur voix à celle de l'Église; tout se réduit bientôt à des lectures privées et silencieuses. On lit si attentivement l'ordinaire de la messe, que l'on ne songe plus à répondre Amen aux prières que le prêtre prononce au nom de toute l'Église, et il n'est pas rare de rencontrer de fort bons chrétiens, assidus à la lecture de leur paroissien depuis l'enfance, et  qui  n'ont jamais  ouvert la bouche pour répondre au Dominus vobiscum.  Il n'en était pas ainsi dans les siècles qui précédèrent cette innovation; le peuple chantait avec les prêtres  non seulement les psaumes de vêpres,   mais  les  introït, les répons et  les  antiennes. Bien loin d'avoir besoin de traduction française, les fidèles mêmes qui ne savaient pas lire n'en étaient pas moins en état de chanter avec l'Église, comme font encore aujourd'hui les paysans de ces paroisses de la Bretagne, au sein desquelles la Liturgie romaine n'a   pas souffert d'interruption.

Il y avait bien à cette époque ce qu'on appelait des Livres d'Heures, qui contenaient certaines prières de l'Église ; ordinairement, le petit office de la sainte Vierge,

 

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celui des morts, les psaumes de la pénitence, certaines hymnes, antiennes et oraisons; mais le tout en latin, et le français naïf de nos aïeux n'y paraissait que dans des prières totalement distinctes de celles de la Liturgie. Alors les fidèles prenaient un intérêt ardent au chant liturgique; ils en chérissaient les réminiscences qui accompagnaient leurs travaux, leurs joies et leurs douleurs. Dans le cours de l'année, ils marquaient les époques par les premiers mots de certains introït et de certaines antiennes (1); pendant la célébration des saints mystères, leurs yeux n'étaient point cloués sur un livre, mais fixés vers l'Autel, et c'était un spectacle touchant d'entendre avec quelle ardeur et quelle unité l’Amen s'échappait de leurs poitrines. Longtemps, dans nos églises, on put se faire une idée de l'enthousiasme avec lequel cette conclusion de toute prière publique était proférée, au siècle de saint Jérôme, qui comparait le retentissement de l’Amen liturgique à la voix d'un tonnerre céleste. (2).

Nous sentons parfaitement que nous parlons ici en présence d'un abus profondément enraciné; mais nous ne cacherons pas notre pensée, et nous nous estimerions heureux si nous pouvions contribuer en quelque chose au rétablissement des chants liturgiques, fût-ce au préjudice des lectures privées que la plupart des fidèles qui savent lire viennent faire à l'église, au préjudice aussi des

 

(1)  Dans certaines parties du diocèse du Mans, les gens de campagne désignent encore le temps de l'année qui correspond aux XIII°, XIV° et XV° dimanches après le Pentecôte, sous le nom de dimanches des Galatas ; parce que l'épître de la messe de ces trois dimanches est de saint Paul aux Galates. Nous avons interrogé maintes fois, dans les mêmes contrées, des personnes pieuses qui lisent dévotement la messe en français dans leur Eucologe, pour savoir si elles distinguaient le temps de l'année où l'Eglise lit, trois dimanches de suite, l'Epître aux Galates ; on n'a jamais pu nous répondre un seul mot. C'est une preuve, entre mille, du peu d'action qu'on prête à l'office divin, quand on met sa dévotion à s'isoler de la prière publique.

(2)  Hieron. Praef. in Epist. ad Gal., lib. II.

 

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prétendus cantiques en faveur desquels ceux qui se soucient encore du  chant dépensent leurs velléités de voix ou d'oreille. C'est donc avec bonheur que nous enregistrons ici les paroles du pieux et courageux évêque de Langres à ses diocésains   :    « Ce qu'il y aurait de mieux à faire pour les fidèles pendant que le prêtre chante, ce serait certainement d'adhérer intérieurement à ses paroles, même   sans   les  comprendre ;   de  demander  ce qu'il demande, même sans le connaître ; c'est là tout ce que faisaient les premiers chrétiens,  d'abord pendant tous les siècles où la Liturgie ne  se transmettait que par tradition orale, et encore longtemps après. C'est pour  cela qu'après les prières mystérieuses faites à voix basse par le prêtre, ils se bornaient à répondre Amen, ainsi soit-il! acte de foi sublime dans sa simplicité. Comme  s'ils eussent dit : « Nous ne savons pas ce qui nous convient le mieux, mais Dieu le sait ; nous ne savons pas ce qui glorifie mieux le Seigneur, mais l'Église le sait; or c'est l'Église qui vient de parler, car c'est en son nom et par députation expresse de sa part que vient de parler le prêtre; c'est l'Église qui a mis sur ses lèvres les prières qu'il vient de prononcer : nous y  adhérons donc quelles qu'elles soient; car nous ne pouvons rien demander de mieux que ce que l'Eglise de   mande, nous ne pouvons rien dire de mieux que ce que dit l'Église ; Ainsi soit-il donc, ainsi soit-il ! Amen, Amen (1)! »

Espérons que le mouvement liturgique qui s'étend et se propage réveillera aussi chez les fidèles le sens de l'office divin; que leur assistance à l'église en deviendra plus intelligente, et que le temps approche où, pénétrés encore de l'esprit de la Liturgie, ils sentiront le besoin de s'associer aux chants sacrés. L'estime de la langue liturgique

 

(1) Instruction   pastorale   de Mgr   l'évêque de Langres sur le chant de l'Eglise, du 28 janvier 1846, page 11.

 

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peut seule leur inspirer cet attrait ; mais cette estime ne se réveillera parmi nous qu'à mesure que les traductions des prières de l'Église perdront de leur vogue, ou du moins seront employées avec plus d'intelligence.

Nous venons maintenant à la seconde question, et après avoir considéré la traduction des livres liturgiques dans ses rapports avec les principes, voyons si, dans l'ordre des faits, cette innovation n'a pas été l'objet des réclamations les plus énergiques, en France même, au moment où elle fut implantée par une secte ardente et opiniâtre. Nous avons déjà traité en quelques mots cette matière dans notre introduction historique (1); mais nous avions réservé les plus amples détails pour le moment où la marche de notre sujet nous amènerait à traiter d'une manière spéciale la question des traductions de la Liturgie.

L'éclat qui eut lieu à l'occasion de la traduction du Missel romain par le sieur Joseph de Voisin, docteur de Sorbonne, est un des événements majeurs de l'histoire du jansénisme. Jusque-là, l'Église de France ne s'était pas encore rendu compte des intentions du parti en cette matière. Le Nouveau Testament de Mons, qui ne parut qu'en 1666, n'était pas venu éveiller l'attention des catholiques sur le projet conçu par les néo-calvinistes d'associer, au moyen de traductions, les simples fidèles à l'interprétation des textes sacrés ou ecclésiastiques. Jusqu'à cette époque, les églises étaient fréquentées avec assiduité ; mais en France, comme dans le reste du monde catholique, on s'inquiétait peu de ne pas avoir à la main, durant la messe, la traduction des prières secrètes que le prêtre prononçait. On s'unissait au sacrifice et au sacrificateur; on s'édifiait des cérémonies, on mêlait sa voix au chant des prêtres: mais l'idée ne venait pas que, pour assister dignement à la messe,  l'on  dût absolument  réciter en

 

(1) Institutions liturgiqnes, tome II, chapitre XVII.

 

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langue vulgaire ce que le prêtre lisait si mystérieusement à l'autel.

Ce n'est pas cependant que la traduction de Voisin fût la première qui eût été publiée; mais il arriva, dans cette circonstance, ce qui a coutume d'arriver : c'est que les a abus n'attirent l'attention de l'autorité que lorsqu'ils ont acquis un certain développement. Toutefois, en donnant la liste de ces traductions par manière d'apologie, Voisin fut bien obligé de reconnaître qu'elles n'étaient ni nombreuses, ni pour la plupart destinées aux fidèles. Ainsi, il cite comme la plus ancienne une version de l'ordinaire de la messe faite par l'ordre de Charles V, et qui se conservait manuscrite dans la bibliothèque du Chancelier Vient ensuite celle que Meurier, doyen de l'Église de Reims, publia, avec glose et explication, en 1587, in-4 (1). Ces deux traductions, comme on le voit, ne font rien à la question ; de semblables publications n'étant pas destinées pour l'usage des fidèles à l'église. Il en est de même d'une autre version publiée à Paris, en 1618, avec explications, par le docteur d'Illaire. Il est clair que ce n'est pas là un livre populaire, non plus que la traduction du Canon publiée par le P. Véron, sur lequel s'appuie Voisin, malgré la qualité de jésuite que portait le célèbre controversiste. Nous en dirons autant de la traduction que fit paraître, en 165i, le pieux François de Harlay, archevêque de Rouen, oncle de l'archevêque de Paris. Cette traduction, accompagnée d'un commentaire, est destinée à compléter les instructions célèbres que ce prélat a données sur la messe. Voisin cite encore une autre version de l'ordinaire de la messe, publiée par La Milletière, en 1646, avec l'approbation des évêques de Mon tau ban, de Grasse

 

(1) Pour être complet, Voisin aurait dû mentionner l'ouvrage suivant publié à Lyon, en 152o, et réimprimé en 1664 : Les Cautèles, canon et cérémonies de la Messe, ensemble la Messe, etc. Le tout en latin et en français; le latin fidèlement extrait du Missel à l'usage de Rome.

 

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et de Saint-Brieuc,et la traduction du missel entier par Catalan, imprimée en 165i, avec l'approbation de quatre docteurs de la Faculté de Paris. Nous ignorons si la traduction de La Milletière n'était pas accompagnée d'un commentaire.

Voisin a oublié, ou n'a pas connu la traduction de l'ordinaire de la messe imprimée à Lyon, en 1607, avec approbation de l'Ordinaire, et réimprimée à Rouen, en 1609. Il ne cite pas non plus la traduction entière du missel publiée en 1654, parle docteur Desplats, et réimprimée dans les années 1655, 1687 et 1697. Il paraît que la Sorbonne prit l'éveil peu de temps après, puisque, dans une déclaration de la Faculté en date de 1661, elle affirme avoir refusé, en 1655, son autorisation à une version française du Bréviaire romain.

Quoi qu'il en soit, on n'eut plus de doute sur les intentions du parti, lorsque, en 1660, on vit paraître le Missel français de Joseph de Voisin, portant l'approbation des vicaires généraux du cardinal de Retz. On sait que ce trop fameux prélat s'était voué aux intérêts de Port-Royal; ce genre d'opposition lui semblait de bon goût, et les solitaires de cette nouvelle Thébaïde, peu indulgents pour les casuistes, savaient l'être au besoin pour leurs amis. Les deux vicaires généraux du cardinal de Retz étaient Jean-Baptiste de Contes, chanoine de Notre-Dame, et Alexandre de Hodencq, curé de Saint-Séverin. Dans leur permission d'imprimer le Missel français, ils s'appuyaient sur une approbation de la Sorbonne, qui, dans sa déclaration de l'année suivante, la déclara supposée, convenant toutefois que la Faculté avait été consultée par le sieur de Voisin, non sur une traduction du missel en langue française, mais sur une explication des messes de l'année.

L'apparition du livre fit du bruit, et l'Assemblée générale du clergé tenant en ce moment ses séances à Pontoise, il ne tarda pas à lui être déféré.  La Providence avait

 

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disposé toutes choses afin d'amener, sur l'importante question des traductions populaires de la Liturgie, une décision qui exprimât tout à la fois le sentiment du clergé de France et la doctrine du Siège apostolique. Ce qu'il y eut de remarquable, c'est que le rapport contre le missel traduit fut fait par François de Harlay, qui occupa plus tard le siège de Paris, et avait déjà succédé à son oncle sur celui de Rouen. Pierre de Marca, encore archevêque de Toulouse, eut aussi une grande part à la condamnation de l'entreprise de Voisin. Ce prélat n'était pas de l'Assemblée; mais on l'y convoqua extraordinairement pour avoir son avis sur cette affaire.

Ainsi la censure des traductions françaises de la Liturgie se trouve avoir eu pour promoteurs deux des prélats les plus zélés pour le gallicanisme : le premier, qui eut plus tard l'influence la plus énergique dans l'Assemblée de 1682, et détermina d'une manière si funeste l'innovation liturgique par son Bréviaire parisien de 1680 ; le second, qui est considéré comme un des principaux docteurs du système gallican, par son fameux Traité De Concordia sacerdotii et imperii, sur lequel il avait été contraint d'envoyer à Rome une déclaration en forme de désaveu, pour avoir ses Bulles à l'évêché de Conserans, et plus tard à l'archevêché de Toulouse.

Arnauld prétend que l'Assemblée de 1660 ne s'occupa du Missel de Voisin que pour plaire au cardinal Mazarin, qui avait besoin en  ce moment de faire quelque chose , d'agréable à la Cour de Rome, dont on craignait un éclat a en faveur du cardinal de Retz, dans la personne duquel la liberté de l'Église avait été violée (1). Cette supposition ferait peu  d'honneur  à l'Assemblée;  mais   on connaît l'audace de la secte et son habitude de décliner la valeur des actes rendus contre elle, sous le prétexte des motifs

 

(1) Défense des Versions de l'Écriture sainte et des offices de l'Église, et des ouvrages des Pères, page 100.

 

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étrangers qui les auraient commandés. Toujours est-il que le fougueux docteur est obligé de convenir que l'Assemblée faisait une chose agréable à Rome, en condamnant la traduction du missel. Pour des catholiques, il n'en faut pas davantage.

Quant à ce que prétend Arnauld, que l'Assemblée, et 1 ensuite le Pape, ne condamnèrent l'œuvre de Voisin que dans la crainte qu'on ne se mît bientôt à dire la messe en français, il y a deux choses à considérer : la première, que les versions de la Liturgie à l'usage des fidèles sont condamnées par les prélats et le souverain Pontife, comme étant en elles-mêmes contraires à l'esprit de l'Eglise; la seconde, que si l'on avait des craintes au sujet de l'envahissement de la langue vulgaire jusque dans le sanctuaire, elles n'étaient pas tout à fait sans fondement, puisque le même parti qui avait fabriqué et propagé la tradition de Voisin, ne tarda pas à donner en Hollande le spectacle de la Liturgie célébrée en français, entreprise qui fut érigée en principe dans le code de la secte par la 86e proposition de Quesnel.

Un autre genre d'influence qui, selon Arnauld, pesa sur l'Assemblée de 1660, fut la domination de M. Cornet et de ses consorts (1) ; c'est dire assez que les catholiques avaient pris l'alarme, et firent leur devoir. Nicolas Cornet, grand maître du collège de Navarre, dont Bossuet, son élève, se fit une gloire de prononcer l'oraison funèbre, a eu l'honneur d'associer son nom au triomphe de l'Église et de la foi, dans la condamnation des cinq propositions de Jansénius. « Il s'était opposé dès l'abord à ces grands hommes, éloquents, hardis, décisifs, esprits forts et lumineux; mais plus capables de pousser les choses à l'extrémité que de tenir le raisonnement sur le penchant, et plus pro près à commettre ensemble les vérités chrétiennes, qu'à

 

(1) Défense des Versions de l’Écriture sainte, etc., page 165.

 

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les réduire à leur unité naturelle. Ce parti zélé et puissant charmait du moins agréablement, s'il n'emportait  tout à fait la fleur de l'École et de la jeunesse; enfin, il n'oubliait rien pour entraîner après soi toute la Faculté de Théologie. Notre sage grand maître connaissait les endroits par où ces nouveaux docteurs semblaient tenir les limites certaines, et ceux par lesquels ils s'en étaient divisés. C'est de cette expérience, de cette connaissance exquise, et du concert des meilleurs cerveaux de la Sorbonne, que nous est né cet extrait de ces cinq a propositions, qui sont comme les justes limites par lesquelles la vérité est séparée de l'erreur, et qui étant, pour ainsi parler, le caractère propre et singulier des nouvelles opinions, ont donné le moyen à tous les autres de courir unanimement contre leurs nouveautés inouïes.  »

« C'est donc ce consentement qui a préparé les voies à ces grandes décisions que Rome a données; à quoi notre très sage docteur, par la créance qu'avait même le souverain Pontife à sa parfaite intégrité, ayant si utilement travaillé, il en a aussi avancé l'exécution avec une pareille vigueur, sans s'abattre, sans se détourner, sans se ralentir : si bien que par son travail, sa con duite, et par celle de ses fidèles coopérateurs, ils ont été contraints décéder (1). »

Nous n'avons pu résister au plaisir de citer ces lignes de Bossuet, qui font si bien connaître toute l'étendue du service que Cornet rendit à l'Église universelle, en préparant la condamnation des modernes calvinistes. Si elles expliquent l'antipathie d'Arnauld et de ses consorts contre un homme qui aida puissamment Rome à porter le coup mortel aux erreurs de la secte, elles nous font comprendre en même temps les motifs qui engagèrent Cornet à signaler

 

(1) Oraison funèbre de Nicolas Cornet. Œuvres de Bossuet, tome XVII, pag. 629-31.

 

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son zèle et sa droiture dans la poursuite des traductions françaises de la Liturgie.

Nous ne pouvons donner tout le détail des séances de l'Assemblée pour la condamnation des missels en français; on peut les lire au procès-verbal (1); mais nous devons insérer ici, comme un document précieux et solennel, la lettre-circulaire que les prélats adressèrent à tous les évêques de   France, pour les engager à défendre, sous peine d'excommunication, toutes les traductions de la messe en langue vulgaire. Cette pièce, qui fut rédigée, au nom de l'Assemblée, par Pierre de Broc, évêque d’Auxerre, est remarquable par la dignité du langage, et par le soin avec lequel le sens et les motifs de la condamnation sont exposés. Elle était signée par François de Harlay, archevêque de Rouen, président de l'Assemblée, et fut insérée au procès-verbal, comme un monument de la sagesse et de l'orthodoxie des prélats français. Il faut observer que l'Assemblée, dans sa lettre aux évêques, évite de faire porter sa condamnation sur la seule traduction du Missel de Voisin, qu'elle affecte même de ne pas nommer, afin d'atteindre généralement les autres traductions françaises de la messe, qui, comme nous l'avons vu, avaient été publiées jusqu'alors pour l'usage des fidèles, même avec approbation, ou pouvaient l'être dans la suite. C'est donc en principe qu'elle déclare ces sortes de traductions illicites, et contraires à l'esprit de l'Église catholique. Voici la teneur de cette circulaire importante, telle que la reçurent tous les évêques de France qui n'étaient pas présents à l'Assemblée :

« Monsieur,

Nous avions lieu de croire que ce bienheureux concert des autorités souveraines, spirituelle et temporelle

 

(1) Procès-verbaux des Assemblées générales du  clergé  de France, tome IV, pages 623-633.

 

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avait assoupi pour jamais ces funestes nouveautés de nos jours qui ont fait tant d'éclat et de  maux  dans l'Église, en séparant les cœurs et la foi des fidèles ; mais au moment où nous avons cru être dans le calme et la tranquillité, nous   avons   vu  paraître   avec   douleur d'autres  nouveautés  (bien que   sans aucun mauvais dessein du côté de ceux qui ont pris part à promouvoir la chose), dont le coup était d'autant plus à craindre, qu'elles se sont présentées sous des appas trompeurs, et des nuages formés d'une matière si déliée qu'il était bien  malaisé d'en  connaître les faux  jours, sans le secours des lumières du Ciel. Ces nouveautés,Monsieur, sont des   versions du  Missel romain en langue vulgaire, contre la pratique de l'Église et la doctrine des Conciles et des Pères, sous prétexte de l'instruction et de la consolation des fidèles. Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'ennemi de la foi et de notre salut, pour introduire ses erreurs, s'est servi des apparences trompeuses de la piété et de la dévotion. C'est par là que toutes les hérésies se sont subtilement glissées dans le sein de l'Église, et jamais nos  yeux et nos esprits ne sont trompés  que par les fausses  couleurs de la ressemblance :  mais grâces immortelles à la providence de Dieu, qui nous a donné le zèle et les lumières dans cette Assemblée générale du Clergé; fortifiés de celles de MM. les Évêques qui se sont trouvés en cette ville de Paris pour les affaires de leur Église, nous avons tâché d'empêcher, par  une délibération unanime de toutes les provinces, que ce poison ne se portât plus avant, de crainte que les âmes  innocentes ne fussent trompées en suivant ces faux prétextes d'instruction et ces ombres dangereuses de piété, en voulant pénétrer, par la lecture de ces Livres sacrés, dans des mystères qui ne  doivent être traités que par  les prêtres et les ce pasteurs de l'Église, et non par  des laïques,   moins

 

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encore par des ignorants et des femmes. C'est pourquoi l'Église, pour s'acquitter dignement de ce divin sacrifice, a reçu par tradition apostolique les ordres et les formulaires des Consécrations qu'elle fait en ses Messes et Liturgies ; et ces Livres saints, qui contiennent ses ordres et ses sacrées cérémonies, sont toujours demeurés en la possession des prêtres. Il est vrai que les Pères ont de tout temps désiré et travaillé avec grand soin à ce que les fidèles fussent instruits de la vérité et de la majesté de ces divins mystères ; qu'ils fussent présents à la célébration, et que comme étant une portion de l'Église, ils joignissent leurs vœux à l'action du prêtre, qui en est le seul et véritable sacrificateur, sous l'auto rite de Jésus-Christ ; mais ils n'ont jamais présenté aux laïques ces sacrés formulaires pour leur servir de livres de dévotion en y assistant. L'on ne peut pas de là tirer un juste sujet d'accuser ces saints Pères qui sont nos prédécesseurs, d'avoir été négligents de pourvoir aux moyens nécessaires pour l'instruction des chrétiens, dans la piété et dans l'usage de ces mystères, sous prétexte qu'ils n'ont pas introduit des versions du Missel en langues vulgaires, puisqu'ils leur en ont expliqué l'importance et l'effet avec tant de soin et d'industrie. C'est le moyen que le saint concile de Trente a prescrit, pour maintenir la doctrine orthodoxe, et pour exciter la dévotion des fidèles, ordonnant que les évêques, et par leurs ordres, les curés et les prédicateurs expliquent au peuple les mystères de la messe, les jours de dimanches et de fêtes, jugeant que leur avancement dans la doctrine et dans la piété serait plus grand et plus assuré par ces instructions, que si ce divin sacrifice était célébré en langue vulgaire, ainsi que les hérétiques ont voulu faussement persuader qu'il était nécessaire pour instruire les peuples. C'est aussi ce qui a obligé l'Assemblée de condamner ces

 

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traductions, sans qu'elle se soit engagée jusqu'à présent d'en examiner la fidélité, s'attachant à la lettre de la  décision du concile de Trente, qui n'approuve point ces versions vulgaires, s'étant contenté d'ordonner les expositions et interprétations de cet adorable mystère, dont nous avons estimé être nécessaire de vous donner avis, et vous envoyer notre délibération sur ce sujet, ne doutant point, Monsieur, que vous n'apportiez tous vos soins pour la faire exécuter dans votre diocèse, empêchant le débit et l'usage de ces sortes de missels, et faisant défense de les lire sous peine d'excommunication. Agissant de la sorte, et conservant entre nous cette unité de l'Esprit de Dieu, tant recommandée par l'Apôtre saint Paul, et demeurant liés et attachés à l’Église romaine, qui est le Siège de saint Pierre, le centre de la foi et le trône de la vérité, nous attirerons les bénédictions du Ciel sur l'Église, sur l'État et sur nous ; vous priant et exhortant d'user en ce rencontre de votre zèle et conduite accoutumée, et vous assurant que nous sommes,

 

« Monsieur,

« Vos très humbles et très affectionnés serviteurs et confrères, les Archevêques, Évêques, et autres Ecclésiastiques députés en l'Assemblée générale du clergé de France.

 

« François, Archevêque de Rouen,Président. »

 

L'évêque d'Auxerre avait pareillement rédigé, au nom de l'Assemblée, une lettre collective au Pape, pour lui rendre compte de la condamnation qu'elle venait de faire des traductions françaises du missel, et lui  demander, dans cette grave affaire, le concours de l'autorité apostolique.

 

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Cette lettre est éloquente et respire un goût d'antiquité qui rappelle les meilleurs temps. Nous l'insérons en note, à la fin de ce chapitre (1). Elle fût remise au Nonce Piccolomini, pour la transmettre à Alexandre VII.

La question du missel traduit en français avait été ouverte à l’Assemblée le 22 novembre 1660; le 7 décembre, lès prélats conclurent à la suppression de toutes les traductions, et ce fut dans la séance du 5 janvier 1661 qu'ils approuvèrent les deux lettres aux Évêques de France et au Pape, et qu'ils en décrétèrent l'envoi. Le 16 dû même mois, le Roi rendit un arrêt, sûr la demande de l'Assemblée, ordonnant, par tout le royaume, la saisie et la suppression de tous les exemplaires des traductions françaises du missel. Nous donnons ci-après le texte de cet arrêt, qui appartient a l'histoire de l'Église de France (2).

Cependant, le sieur de Voisin, mécontent dès démarchés de l'Assemblée au sujet de sa traduction, avait porté ses plaintes aux vicaires généraux dû cardinal de Retz, avec l'approbation desquels son livré avait paru. Leur appui ne lui manqua pas dans cette conjoncture. Les sieurs de Contes et de Hodencq fulminèrent par une ordonnance, en date du 19 janvier, dans laquelle ils s'appuyaient sur le fait des versions antérieures, et notamment sur la bienveillance avec laquelle l'Assemblée de 165o avait accueilli le Rituel de Rouen qui lui était présenté par l'archevêque de Harlay, dont le neveu et le successeur présidait en ce moment la nouvelle Assemblée. Ce rituel contenait une traduction française de l'ordinaire de la Messe, destinée à servir de base aux instructions que les curés devaient donner aux fidèles sur les prières du saint Sacrifice. Cette traduction, renfermée dans un livre à i'usage exclusif dés prêtres, n'avait donc rien de commun

 

(1)  Vid. la note A.

(2)  Vid. la note B.

 

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avec les versions que proscrivait l'Assemblée. Les vicaires généraux concluaient cependant à permettre derechef la lecture du missel traduit en français par lé sieur de Voisin, après avoir préalablement protesté contre l'entreprise de l'Assemblée, comme attentée sans légitime pouvoir, contre l'autorité et juridiction de l'archevêque de Paris, en son diocèse.

On sait que les Assemblées du clergé dé France n'avaient pas, à proprement parler, de juridiction, et qu'elles n'étaient en aucune façon des conciles. Celle de 1660 ne pouvait procéder dans le for extérieur contre le Missel de Voisin ; elle s'était bornée à un simple arrêté, et n'avait agi auprès des évêques non présents que par voie d'exhortation. Toutefois, les prélats assemblés furent sensibles à l'insulte que leur adressaient les vicaires généraux de Paris, et dans la séance du 14 janvier, ils prirent les résolutions suivantes : « L'Assemblée a déclaré que son arrêté du 7 décembre, qui a été fait pour le bien commun des diocèses de ce royaume et pour la conservation de l'usagé universel de l'Église, confirmé par le concile de Trente, que l'on a voulu changer au grand scandale du public, par des traductions du missel en langue Vulgaire, permises saris un pouvoir suffisant, saris le consentement de l'Église gallicane et sans l'autorité du Saint-Siège, sera exécuté selon sa forme et  teneur, et ce nonobstant l'ordonnance de MM. les vicaires généraux de Mgr l'archevêque de Paris, que l’Assemblée a déclaré contenir des maximes fausses, téméraires,  scandaleuses, tendantes à schisme, séditieuses et injurieuses à tout l'ordre épiscopal, à l'Église gallicane et à l'autorité du Roi, qui, par son arrêt  du 16 dudit mois précédent, condamne ladite ordonnance et appuie de son autorité l'exécution de la susdite délibération; et attendu la témérité du sieur Voisin qui a présenté la requête contenue dans ladite ordonnance,

 

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et des grands vicaires qui ont prononcé sur icelle, l'Assemblée a ordonné qu'il sera écrit une lettre circulaire à tous MM. les Prélats du Royaume, pour les exhorter à ne point admettre ledit Voisin à aucun emploi ecclésiastique, qu'il n'ait fait une réparation convenable, soit en présence de l'Assemblée, elle tenant encore, soit devant MM. les Prélats qui se trouveront à la Cour, après qu'elle sera finie; et à l'égard desdits vicaires généraux, elle les déclare incapables d'entrer dans les Assemblées générales du clergé, et d'y avoir voix active et passive, jusqu'à ce que par les mêmes voies ils aient réparé l'injure qu'ils ont faite à l'Église par leur ordonnance. Comme aussi elle a résolu que S. M. sera avertie de cette entreprise, et très humblement suppliée de protéger l'exécution de la pré sente délibération. Mgr l'évêque d'Auxerre a été prié de faire la lettre (1). »

Il était difficile d'infliger un blâme plus sévère aux sieurs de Contes et Hodencq; mais les deux vicaires généraux, dévoués au parti janséniste, et choisis par un prélat qui avait donné de fortes garanties à Port-Royal, tenaient bon pour l'œuvre de Voisin, dans laquelle ils respectaient naturellement une des démonstrations de la secte qui leur était chère. On les vit, le 8 juin de la même année 1661, publier un mandement sur le Formulaire d'Alexandre VII, dans lequel ils préparaient aux jansénistes un moyen d'éluder les conséquences de la signature. Ce mandement excita de nouvelles réclamations dans l'Assemblée du clergé, et motiva, sur la demande du Roi, un bref d'Alexandre VII, adressé aux deux vicaires généraux, dans lequel le Pontife les accuse de semer l'ivraie dans le champ du Seigneur, et d'être les perturbateurs de l'Église catholique (1).

 

(1) Procès-Verbaux du Clergé, tom. IV, page 629.

 

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Un autre bref, adressé au nonce Piccolomini et à l'archevêque de Toulouse, commettait ces deux prélats pour procéder contre les sieurs de Contes et Hodencq, casser leur mandement, les déposer de leur office, et élire en leur place un vicaire apostolique, s'ils le jugeaient à propos, pour l'administration du diocèse de Paris. Les deux brefs étaient du Ier août 1661. Les commissaires apostoliques hésitèrent à user de leurs pouvoirs, et telle était la puissance du parti que l'affaire s'arrangea à l'amiable. Les vicaires généraux, par un nouveau mandement, en date du 31 octobre, révoquèrent le précédent, et ordonnèrent purement et simplement la signature du Formulaire. L'année suivante, le cardinal de Retz ayant donné sa démission de l'Archevêché de Paris, le chapitre nomma ses vicaires généraux, et les sieurs de Contes et Hodencq furent écartés de l'administration. La paroisse de Saint-Séverin commença, sous le régime de Hodencq, à devenir l'un des quartiers généraux de la secte janséniste à Paris. Mais revenons à l'Assemblée de 1661.

Le 4 février, l'évêque d'Autun proposa la publication d'un recueil qui contiendrait les sentiments des auteurs catholiques sur les traductions de la Liturgie en langue vulgaire. L'Assemblée accepta ce projet avec empressement, et le livre fut en vente dès le 9 juin; nous en avons parlé ailleurs (2).

Le zèle de l'Assemblée fut sensiblement encouragé par la belle conduite de l'évêque d'Acqs, qui écrivit aux prélats une lettre dans laquelle il désavouait l'approbation qu'il avait donnée au Missel de Voisin; mais elle reçut une récompense bien plus flatteuse encore, par l'arrivée de deux brefs d'Alexandre VII, en réponse à la lettre que

 

(1)  Malorum zizaniorum in agro dominico seminatores, Ecclesiae catholicae perturbatores. (Procès-Verbaux du Clergé, tom. IV. Pièces justificatives, pag. 176.)

(2)  Institutions Liturgiques, t. II, p. 14.

 

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l’évêque d’Auxerre avait écrite au Pontife, pour soumettre la question des. traductions de la Liturgie en langue vulgaire, au jugement du Siège apostolique. Nous, avons donné ailleurs le premier de ces deux brefs (1); le second était adressé directement aux prélats de l'Assemblée, et les félicitait du zèle qu'ils avaient montré dans cette circonstance. La cause était donc désormais finie, et selon les Lettres apostoliques sollicitées par le clergé de France, la traduction du missel en langue vulgaire devait être considérée comme une nouveauté qui déformerait l’éternelle beauté de l’Église,  et capable d'engendrer la désobéissance, la témérité, l’audace, la sédition, le schisme et plusieurs autres malheurs; les auteurs d'une telle innovation devaient être regardés, comme des fils de perdition, curieux de nouveautés pour la perte des âmes, au mépris des règlements et de la pratique de l'Église. Tel est le jugement du Siège apostolique, dont on peut voir les termes dans le, premier bref, qui porte en tête ces mots : Ad futuram rei memoriam.

Mais, dès cette époque, les choses, avaient pris en France un cours irrésistible. La démonstration qu'avait faite, l'Assemblée de 1660, le jugement solennel du Saint-Siège, ne furent pas capables d'arrêter l'envahissement des nouveautés auxquelles poussait un parti tenace et puissant qui, s'il ne pouvait faire accepter tous ses dogmes, avait du moins assez de crédit pour imposer sa pratique et ses habitudes à ceux mêmes qui le repoussaient sur d'autres points, En dépit des résolutions de l'Assemblée, des brefs pontificaux, des arrêts de Louis XIV, le, Missel de Voisin continua de se vendre publiquement dans Paris. En 1663, l'audacieux traducteur publia l’Office de la Semaine sainte, qu'il fit précéder de la traduction française du Canon de la messe. Les Assemblées du clergé de 1605

 

(1) Ibid., p. 12 et 118.

 

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et de 1670 désavouèrent par leur silence la conduite des prélats de 1660; elles jugèrent, comme dit avec triomphe le docteur Arnauld, qu'il était de l'honneur du clergé de ne point réveiller une affaire si mal entreprise (1); aussi vit-on paraître, en 1673, une nouvelle traduction de l’Office de la Semaine sainte, précédée, comme celle de Voisin, d'un ordinaire de la Messe en français.

En 1680, les traductions de l'ordinaire de la Messe s'étaient si fort multipliées en France, et souvent avec l'approbation d'un ou plusieurs docteurs de cette Soronne qui, vingt ans  auparavant, les déclarait illicites, que Nicolas Le Tourneux crut pouvoir en prendre ouvertement la défense, dans son livre De la meilleure manière d'entendre la Messe. Au chapitre VI, il ne fait pas difficulté de soutenir que ces versions, loin d'être contraires à l'esprit de l'Eglise, lui sont parfaitement conformes (2). Le livre parut avec privilège, et avec les approbations de dix docteurs de la Faculté de Paris ; sur quoi Antoine Arnaud se permet de dire, et avec raison : « Aurait-on souffert ce  livre ? aurait-il été  approuvé par tant de docteurs, et si généralement estimé, si le sentiment de ceux qui avaient approuvé la version du, missel n'eut depuis longtemps prévalu sur celui de l'Assemblée qui en  avait   condamné si   durement   toutes les traductions (3) ? »

Il est regrettable de trouver qu’un aveu du même genre dans la bouche de Bossuet, qui livre quelquefois des secrets étranges dans sa correspondance, qu'il ne croyait pas destinée à voir le jour. Le bref contre le Missel de Voisin, donné par Alexandre VII, n'a jamais été porté

 

(1) Défense des versions de l'Écriture sainte et des Offices de l'Eglise, pag. 126.

(2)  Pages 211, 212, 277.

(3)  Défense des versions de l'Écriture sainte et des Offices de l'Église, pag. 133.

 

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au parlement, ni lettres patentes vues. On n'a eu, en France, aucun égard à ce bref, et l'on fut obligé, pour l'instruction des nouveaux catholiques, de répandre des milliers d'exemplaires de la Messe en français (1). »

Ainsi, c'était en vain que l'Assemblée de 1660 avait fait appel aux principes les plus sacrés contre une innovation qu'elle jugeait funeste à l'Église;   en vain que  le Siège apostolique,   sollicité par  les  prélats,   avait   foudroyé l'innovation, et avait joint le secours de son autorité aux efforts du zèle d'une Assemblée que présidait un archevêque aussi peu suspect de mysticisme que l'était François de Harlay, où siégeait un prélat aussi zélé pour les maximes  françaises que  l'était Pierre de Marca,  une Assemblée enfin qui acceptait l'influence d'un docteur aussi cher à Bossuet que Nicolas Cornet. Avec tout cela, on n'a eu, en  France, aucun égard au bref du souverain Pontife. Il faut avouer que le gallicanisme est un système commode. Si le Pape publie à Rome des Constitutions, la France ne les reçoit pas, attendu que la promulgation au Champ de Flore est non avenue ; si une Assemblée du clergé sollicite du souverain Pontife un bref d'approbation des mesures qu'elle croit devoir prendre pour le bien de l'Église, vingt-cinq ans après, un évêque aussi grave que Bossuet vient nous apprendre qu'on n'a eu aucun égard à ce bref. Qui donc gouvernait l'Église dans le système gallican ? Les évêques ? Mais il suffit de quelques années pour qu'une nouvelle Assemblée du clergé laisse tomber dans le mépris des prescriptions  pour la sanction desquelles l'Assemblée précédente avait invoqué les foudres de l'Église.   Le Pape ? Mais on ne lui fait même pas l’honneur d'avoir égard aux jugements qu'on lui a demandés avec instance, et qu'il a rendus dans les

 

(1) Œuvres complètes. Edition de Le Bel. Tom. XLII, pag. 474.

 

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formes les plus solennelles. Reste donc le Parlement de Paris, juge nécessaire des besoins de l'Église, mais qui dans cette circonstance n'avait pas été appelé à enregistrer les arrêts du Saint-Siège, et à viser les lettres patentes du Roi sur le bref. Telle était la situation de l'Église, en France, à la fin du XVII° siècle.

Bossuet dit que l’on fut obligé, pour l'instruction des nouveaux catholiques, de répandre des milliers d'exemplaires de la Messe en français ; mais il devait dire aussi que dans les années mêmes qui suivirent l'Assemblée de 1660, les traductions de la Messe en langue vulgaire se multipliaient sans aucune opposition, et que les approbations et privilèges du Roi ne leur manquaient pas. Plus tard, on crut que la révocation de l'Édit de Nantes, accueillie avec tant d'enthousiasme par les prélats de 1682, et avec une froideur si marquée par le Siège apostolique, exigeait une démonstration solennelle en faveur des traductions liturgiques. L'idée première d'employer ce moyen à la conversion des protestants est due à Pellisson. C'était lui qui, dès 1676, de concert avec la Cour et plusieurs évêques, avait d'abord fait imprimer et distribuer dans le royaume un missel latin-français, en cinq volumes. La même année, il donna aussi un ordinaire de la Messe, qui fut réimprimé, toujours dans le même but, par l'évêque de Saintes, en 1681.

Cette mesure fut déployée avec un luxe extraordinaire, quand l'Édit de révocation, qui date de 1685, eut été publié. François de Harlay, par ordre de Sa Majesté, décréta à cent mille exemplaires, l'impression des Heures catholiques, précédées de l'ordinaire de la Messe en français. Peu après, cent mille autres exemplaires de l'ordinaire seul sortirent des presses de Martin et Muguet, imprimeurs à Versailles. Tout cela, disait-on, devait produire de grands effets, en accélérant la conversion des protestants;  au   reste,  ce   moyen  tout  nouveau   dans

 

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l'Eglise, dut leur paraître plus doux que les dragonnades, mais les enfants prodigues traités si favorablement pouvaient bien inspirer quelque jalousie aux aînés, auxquels naguères on avait défendu, sous la menace de l'excommunication, ce qu'on devait bientôt offrir avec tant d'empressement à ceux qui ne songeaient pas à le demander.

Une telle mesure mise à exécution sans le consentement du Saint-Siège, qui, assurément, ne l'eût pas sanctionnée, émancipait désormais tous les catholiques de France de l'obligation qu'on leur faisait en 1660 d'apprendre la langue de l'Église, s'ils voulaient lire le Canon; eut-elle de grands résultats pour la conversion des prétendus réformés ? il est difficile de l'apprécier aujourd'hui. Mais si on veut savoir combien de questions difficiles peut soulever, dans l'esprit d'un catholique non théologien, la lecture de l'ordinaire de la Messe en langue vulgaire, qu'on lise le livre de Bossuet qui a pour titre: Explication de quelques difficultés sur les prières de la Messe, q un nouveau catholique (1). Dans cet excellent opuscule, l'Évêque de Meaux fait preuve d'une admirable entente du dogme chrétien sur le Sacrifice, et du génie des prières liturgiques ; mais il faut convenir qu'un laïque sans études, une simple femme, mis en rapport avec les prières de l'Église par la coutume invétérée de leur jeter aujourd'hui l'ordinaire de la Messe en français, pourront toujours plus facilement sentir les difficultés auxquelles répond Bossuet, que les réponses savantes et victorieuses par lesquelles il y satisfait. Le concile de Trente, Alexandre VII et l'Assemblée de 1660, nous semblent avoir mieux; protégé les intérêts de la foi à l'égard des simples fidèles, que ne l'ont fait les promoteurs de la mesure contraire, et il ne peut y avoir à s'en étonner que ceux aux yeux desquels

 

(1). Œuvres complètes. Tome XXIV.

 

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une entreprise gallicane l'emporte en autorité sur un concile général, un Pape et une Assemblée du clergé de France agissant de concert avec le Siège apostolique.

Mais pendant que l'on colportait dans la Saintonge, le Dauphiné et autres provinces, habitées par les prétendus Réformés, le Canon de la messe traduit en français, un incident étrange vint faire sentir à François de Harky et à ses collègues de 1682, l'inconvénient dans lequel il est facile de tomber, quand on veut être plus sage que l'Église.

Le 15 novembre 1687, paraissait à Paris une traduction du Bréviaire romain en français, préparée par Nicolas Le Tourneux. Ce livre était revêtu de l'approbation des docteurs Chedeville et de Rivière. Assurément, rien n'était moins étonnant que la publication d'un bréviaire en français dans un temps où la France était inondée de traductions de l'ordinaire de la Messe, imprimées par ordre du Roi et avec l'approbation de François de Harlay. On pouvait même dire à décharge que l'esprit de l'Église était moins violé par une traduction du bréviaire en langue vulgaire, que par une version française du missel; car il n'est personne qui ne sente la différence intrinsèque qui existe entre, un livre qui contient simplement la louange de Dieu, et celui qui renferme les augustes mystères du redoutable Sacrifice. Il y avait eu déjà plusieurs versions du bréviaire en langue, vulgaire, Sans parler de celle qu'avait publiée en langue allemande Frédéric Staphylus, conseiller d'État de l'empereur Ferdinand Ier, vers le milieu du XVII° siècle, l'abbé de Marolles en avait fait paraître une en français, et l'avait dédiée au cardinal Mazarin, dès l'année 1659. Il est vrai que quatre ans auparavant, l'avocat Jacques Corbin avait tenté d'obtenir de la Sorbonne l'approbation d'une version française du bréviaire, et n'avait pu obtenir cette faveur de la Faculté, à laquelle il l'avait fait demander par le docteur de la Morlière. Le docteur Grandin  était alors syndic, et le

 

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rejet de la proposition est consigné en ces termes sur les registres de la Faculté : Magister noster de la Morlière petiit licentiam probandi versionem gallicam breviarii romani, cujus supplicatio rejecta est (1).

Quoi qu'il en soit, le jugement sur les versions de la Liturgie en langue vulgaire par l'Assemblée de 1660 et par Alexandre VII, n'établissait point de distinction entre le missel et le bréviaire, mais proscrivait généralement toutes les traductions françaises des prières de l'Église. D'un autre côté, il était évident par les faits, qu'une inexplicable palinodie avait lieu en ce moment même dans toute la France sur cette matière. On devait donc penser que si l'autorité diocésaine s'attaquait au Bréviaire français de Nicolas Le Tourneux, la censure porterait uniquement sur les principes jansénistes que ce dangereux écrivain ne manquait jamais d'insinuer dans ses nombreux écrits. Il en arriva tout autrement.

Le 10 avril 1688 parut une sentence de l’officiaiité de Paris, portant condamnation de la traduction française du Bréviaire romain. L'official était Cheron, abbé de la Chalade et prieur de Saint-Jean de Brou, et la sentence condamnait « l'impression et la traduction en langue française du Bréviaire romain, comme étant une nouveauté faite contre les conciles, les délibérations des Assemblées du clergé ou les ordonnances du diocèse de Paris, les édits et les ordonnances du Roi ; contre l'esprit et l'usage de l'Église, et encore comme n'étant

 

(1) Pour compléter la notice que nous donnons ici sur les anciennes traductions de la Liturgie en français, indiquons les deux ouvrages suivants : Les Hymnes en français, translatées nouvellement et imprimées à Paris, 1498, petit in-4; la traduction est en vers, et l'ouvrage est orné de vingt-huit miniatures : Les Heures de Notre-Dame, réformées et corrigées par le commandement de Pie, Pape cinquième du nom ; le tout translaté du latin en français, 1577, in-8. Cette dernière traduction avait pour auteur Nicolas de Fraxinis ou des Frênes, docteur de Louvain

 

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ladite   version   ni   pure,   ni   fidèle,   contenant   aussi plusieurs sens qui conduisent à l'erreur, et qui peuvent être la source et la pépinière de plusieurs hérésies, et comme y ayant dans cette traduction plusieurs erreurs et hérésies condamnées par l'Église. »

C'était d'abord une chose assez étrange de voir l'official de François de Harlay rappeler les délibérations de l'Assemblée de 1660 et les ordonnances du diocèse de Paris, après tant d'éditions de la Liturgie en français, et l'impression des cent mille exemplaires de l'ordinaire de la Messe, avec l'approbation de ce prélat. Parmi les conciles auxquels Cheron en réfère, se trouve au premier rang le saint concile de Trente, et Ton a vu ce qu'était devenue son autorité  en cette matière. Les édits et ordonnances royaux rendus en 1661 n'avaient point empêché qu'on ne délivrât, depuis plus de vingt ans, le privilège du Roi aux nombreuses traductions de la Liturgie qui se répandaient en France, et la plupart avaient été imprimées à Paris. A lire la sentence de l'official, on croirait que les choses en étaient restées au point où les  avait placées  l'Assemblée  de   1660,   si  une  réticence   affectée   sur  le bref d'Alexandre VII qui valait bien en autorité la délibération  des Assemblées du clergé,   et même les édits et ordonnances  royaux, n'attestait une certaine gêne   à ce sujet dans l'auteur de la sentence.

Il était clair pour tout le monde qu'on évitait d'alléguer un décret récent du Siège apostolique qui était violé tous les jours; cependant la Déclaration de 1682 ne pouvait s'opposer à la déférence que l'on eût montrée envers un jugement du Siège apostolique, qui n'avait eu pour objet que de proscrire des nouveautés reconnues par l'official lui-même contraires à l'esprit et à l'usage de l'Eglise. Il était donc évident que l'Archevêché de Paris commençait à sentir le fond de la situation. Le concile de Trente, Alexandre VII,   l'Assemblée  de  1660,   avaient

 

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proscrit les versions, parce qu'elles pouvaient devenir un instrument de propagande entre les mains des hérétiques, et Nicolas Le Tourneux s'était chargé de prouver que les craintes et lés précautions étaient fondées. Aussi l'official, après avoir condamné en principe les traductions de la Liturgie en langue vulgaire, censurait spécialement celle du Bréviaire romain par Nicolas Le Tourneux, comme infectée des erreurs du jansénisme.

La sentence de l'officialité causa une grande rumeur dans le public ; les jansénistes s'en montrèrent blessés au point que François de Harlay se trouva obligé de publier lui-même une ordonnance, en date du 3 mai de la même années 1688, pour soutenir le jugement de son officiai. L'embarras perce de tous côtés dans cette pièce vraiment difficile à rédiger par un prélat qui n'avait point intention de proscrire d'autres versions de la Liturgie que celle du Bréviaire romain par Le Tourneux. Mais l'affaire était lancée ; il fallait aller jusqu'au bout. François de Harlay fut donc contraint détenir, dans son ordonnance, le môme langage qu'il tenait, vingt-huit ans auparavant, à l'Assemblée de 1660, et de dire, à son tour, que les versions de la Liturgie étaient contraires à l'usage et à l'esprit de l'Eglise. Pressé dans ses retranchements, il n'osa cependant rappeler en termes précis le bref d'Alexandre VII ; mais il y fit une allusion patente dans cette phrase de l'ordonnance : « Au reste, il n'y a aucun temps où l'abus des traductions de l'Écriture, des missels et des bréviaires, ne soit dangereux et à craindre, lors principalement qu'elles sont faites à l'insu et sans la permission des évêques, puisque le Saint-Siège, l'Église gallicane et la Faculté de théologie, dans ces sortes de circonstances, les ont condamnées sans distinction. »

Ainsi, François de Harlay convenait d'une condamnation du Saint-Siège contre les versions de la Liturgie ; or nul  autre pape qu'Alexandre VII n'avait donné sur

 

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cette matière le  sentiment du Siège apostolique. Bossuet n'a donc pas raison de dire qu'on n’avait en aucun égard au bref; dans cette circonstance, François de Harlay, qui l'avait sollicité à la tête de l'Assemblée de 1660, se trouvait heureux de pouvoir l'alléguer, et y avait beaucoup d'égard. Toutefois, on doit observer l'habileté avec laquelle le prélat se tire de l'inconvénient où le plaçaient tant de traductions de la Liturgie publiées  sous ses  yeux et avec son approbation, antérieurement à là sentence de son officiai. Son moyen est d'insinuer, comme on  vient de lé voir, que ces sortes de  versions n'ont pas  été proscrites, si elles   portent  l'approbation   des   évêques.   Telle  n'était cependant pas la doctrine de l'Assemblée de 1660, présidée par François de Harlay lui-même, qui écrivait à tous les évêques de France, comme   nous  l'avons  vu, pour l'es engager à défendre, sous peine  d'excommunication, l'usage des versions de la Liturgie, sur ce principe absolu que la Liturgie né doit jamais être traduite en langue   vulgaire.   Le  prélat   oubliait aussi  que  la  célèbre Assemblée dont il avait été le président avait voté des éloges à   l'évêque d'Acqs, qui, après la lecture de la circulaire, avait solennellement révoqué l'approbation qu'il avait cru pouvoir  donner à là traduction du Missel en français.

François de Harlay expose, comme un grief contre les versions, qu'elles «conduiraient insensiblement les fidèles à introduire la langue vulgaire dans, les exercices publics de la religion, contre l'esprit des conciles et la pratique de l'Église. » C'était rentrer tout à fait dans les maximes de l'Assemblée de 1660; mais il était évident, comme on le remarquera, que l'approbation de l'évêque n'enlevait pas cet inconvénient de la Liturgie.

Un embarras non moins grand dans la situation était la facilité avec laquelle les versions de là Liturgie, et la vente même du Missel de Voisin s'étaient exécutées depuis

 

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la condamnation générale par l'Assemblée, et surtout la publication des cent mille exemplaires de l'ordinaire de la Messe en français, après la révocation de l'Édit de Nantes. L'archevêque se borne à répondre qu'au fond « on a condamné les versions de l'Écriture et des Pères de l'Église qui étaient sans noms d'auteurs, et qui n'étaient pas autorisées de la permission des archevêques, lorsqu'on leur en a porté les plaintes, et qu'ils ont reconnu, dans l'examen qu'ils en ont fait, qu'elles contenaient une mauvaise doctrine. » François de Harlay évite de nommer les versions de la Liturgie, qui sont précisément en question, et affecte de ne parler que de l'hypothèse où les versions en général contiendraient des erreurs. Mais bientôt la nécessité de défendre les cent mille exemplaires l'oblige de faire reparaître adroitement les traductions de la Liturgie, dans la phrase suivante, et de soutenir ouvertement : « que les versions tant de l'Écriture que des prières de l'Église n'ont été suspectes et condamnées qu'au temps où les hérétiques en abusaient ; que les défendre maintenant est un contre-temps insoutenable, puisque c'est ôter aux nouveaux convertis les consolations qu'ils tirent des livres saints. » Mais si l'on doit une si grande indulgence aux nouveaux convertis, faudra-t-il refuser aux anciens catholiques la faculté de lire l'ordinaire de la Messe en français ? Il est clair que cela n'est plus possible. Reste à savoir ce que devient l'esprit de l’Église manifesté en 1660 par l'accord du Saint-Siège, de l'Église gallicane et de la Faculté de théologie contre les versions. Le Prélat et son officiai auraient donc mieux fait de passer sous silence l'esprit de l'Église, et de se borner à proscrire le Bréviaire romain de Le Tourneux comme infecté des erreurs jansénistes. Mais pourquoi dire que les versions tant de l'Ecriture que des prières de l’Église n'ont été suspectes et condamnées qu'au temps où les hérétiques en abusaient ?

 

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Ce temps durait encore en 1688, et la preuve c'est que la censure de l'official et l'ordonnance de l'archevêque condamnent le Bréviaire de Le Tourneux comme infecté d'hérésie. Les contradictions se multiplient ici dans une proportion étrange : on sent qu'il faut justifier à tout prix les cent mille exemplaires publiés par l'ordre du Roi. Les circonstances majeures qu'a fait naître la révocation de l'Édit de Nantes dominent tout ici, et il faut absolument glorifier un coup d'État dans lequel le Roi et les Évêques ont vu, en dépit d'Innocent XI, la compensation des actes de 1682.

Mais avec tout cela les jansénistes remarquaient malicieusement que plusieurs des traductions d'hymnes el d'oraisons incriminées dans la sentence et dans l'ordonnance se trouvent mot à mot dans les Prières chrétiennes selon l’esprit de l’Église,pour servir d'instruction aux nouveaux catholiques sur les devoirs ordinaires de la religion, recueillies, augmentées et imprimées par l'ordre de M. l'archevêque de Paris. Le prélat, qu'on n'a jamais accusé de jansénisme, répond « que cela s'est pu glisser par la faute de l'imprimeur ou par l'inadvertance des réviseurs, qui ne sont pas (comme tout le monde sait) les auteurs de la traduction de ces deux ou trois oraisons, et qui n'ont jamais été soupçonnés, sur ces matières, de la moindre nouveauté. Aussitôt que cette version est venue à notre connaissance, nous avons mandé le libraire pour la faire corriger, afin d'en faire passer la correction dans les éditions suivantes. » Rien assurément de plus explicable dans un temps et dans un pays où la plus subtile et la plus remuante des hérésies était présente partout ; nous nous garderons donc d'accuser ici François de Harlay; mais l'aveu que fait le prélat ne donne-t-il pas lieu de regretter qu'il ne s'en soit pas tenu toujours à, la doctrine qu'il enseignait avec ses collègues dans l'Assemblée de 1660, sur les traductions de la Liturgie

 

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en langue vulgaire ? Il faut qu'il y ait des hérésies, dit l'Apôtre (1); il sera donc toujours à craindre que les hérétiques ne corrompent la Liturgie. Toutes les fois qu'ils ont pu rédiger les formules saintes, ils l'ont fait au profit de leurs erreurs; peut-on se promettre qu'ils ne chercheront pas à les insinuer dans des traductions, si la porte leur est ouverte de ce côté ? Ainsi la raison d'État, qui avait dicté la révocation de  l'Édit de Nantes, produisit,plus que toute autre cause, en France, cette grande révolution qui a jeté, sans retour probable, les formules sacrées entre les mains des simples fidèles. Nous avons maintenant à enregistrer plusieurs faits qui serviront à éclairer la marche de cette innovation dont le Jansénisme s'aida puissamment, et qui contribua, chez les catholiques, à développer un certain esprit de laïcisme dans les choses de la religion, et en même temps à refroidir la piété dans les actes liturgiques, dont le chant et la langue sacrée sont les auxiliaires naturels.

La   sentence  de  l’official   et   l'ordonnance   de   l'archevêque de Paris excitèrent à un haut degré la colère de la secte janséniste. Arnauld, qui penchait alors vers son déclin, ne trouva pas indigne de lui de protester par un pamphlet contre cette double mesure qui semblait menacer les destinées de son parti. Mais dans ce livre intitulé : Défense des versions de l'Écriture sainte, des offices de l'Église et des ouvrages des Pères, qui parut à Cologne, en 1688, il ne dissimula pas non plus son espoir de voir ce dernier effort en faveur des doctrines du concile de Trente, d'Alexandre VII et de l'Assemblée de 1660, rendu inutile par la force même des choses. Le vieux docteur ne craint pas de dire qu'il est trop tard pour remonter ainsi trente ans en arrière, et ne dissimule en rien l'insolence

 

(1) I. Cor. XI.  19.

 

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de la victoire. Nous avons cité quelques lignes de son plaidoyer, et on a pu voir avec quel superbe dédain il traite l'Assemblée de 1660, dans sa lutte contre le prélat qui l'avait présidée, et qui ne pouvait dissimuler l'embarras que lui causait un tel souvenir.

Le XVIII° siècle vit la continuation de ce triomphe, et pas un diocèse n'échappa au mouvement qui poussait s vers les versions de la Liturgie. On s'en alarma d'autant moins qu'un grand nombre de ces traductions étaient revêtues de l'approbation des Ordinaires. Dans les diocèses gouvernés par des prélats jansénistes, comme Montpellier, Auxerre, Bayeux, Senez, ces versions étaient plus que suspectes; dans ceux que régissaient des évêques personnellement étrangers à la secte, mais qui laissaient à ses adeptes la liberté d'agir dans l'ordre de la religion, — et cette classe de Prélats était nombreuse, comme on le voit par les mémoires du temps, — les inconvénients n'étaient pas moins à craindre; enfin, dans ceux qui avaient le bonheur d'avoir à leur tête des Évêques résolus à ne ménager en rien l'hérésie et ses fauteurs, si l'on pouvait se promettre de ne pas voir sortir des presses du diocèse les dangereux produits de l'esprit de secte, sous la forme de paroissiens ou d'eucologes, les inconvénients qu'avaient voulu prévenir Alexandre VII et l'Assemblée de 1660 n'en étaient pas moins produits. Si exactes que fussent les traductions de la Liturgie, elles restaient tout aussi formellement contraires à l'esprit de l'Église, quant au principe de la langue sacrée et du respect des Mystères, et n'en offraient pas moins à l'interprétation des simples fidèles les formules sacrées, que l'usage inviolable de l'Église a été de réciter en secret à l'autel, dès le temps même où ces formules étaient conçues dans une langue que le peuple parlait encore.

La manie de la langue vulgaire alla jusqu'à produire des rituels  diocésains, dans lesquels les rubriques sacerdotales

 

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pour l'administration des sacrements étaient rédigées en français. Le Rituel d'Aleth, proscrit par le Saint-Siège, en 1668, donna ce funeste exemple, et il s'étendit successivement à un grand nombre d'Églises (1). On a de la peine à trouver la raison qui porta un si grand nombre de prélats à favoriser un tel abus. Les rubriques des missels et des bréviaires nouveaux demeuraient en latin, bien que la substance de ces livres fût traduite en français pour l'usage des fidèles, le rituel n'a jamais été l'objet de versions populaires, craignait-on donc que les prêtres, s'ils n'avaient eu le secours de rubriques en français, ne fussent exposés à conférer invalidement les sacrements? Nous ne le croyons pas, à une époque surtout où les études classiques et ecclésiastiques étaient bien autrement fortes qu'aujourd'hui. Nous pensons plutôt qu'il faut chercher la raison de cette étrange innovation dans l'indifférence pour la langue sacrée, résultat de la facilité avec laquelle on permettait désormais l'usage des versions aux fidèles. Plusieurs Églises de France, à la tête desquelles nous citerons celle de Paris, sont restées jusqu'à ce jour étrangères à cet abus; mais il est triste de voir des Églises aussi illustres que celles de Lyon, de Reims, etc., recommander par leur exemple une violation si manifeste du secret des Mystères.

Le même système a été appliqué aux livres d'offices destinés à l'usage des religieuses. Depuis deux siècles environ , on a donné, en France, des éditions du Bréviaire romain, ainsi que des Bréviaires monastique et cistercien, avec les rubriques en langue vulgaire. Pourquoi ne Teuton pas fait pour des religieuses, quand les prêtres eux-mêmes,

 

(1) Le seul rituel avec les rubriques françaises, dont nous ayons connaissance, antérieurement à celui d'Aleth, est le Rituel de Poitiers, publié en 1655 par le chapitre de cette église, le siège vacant. Voir l'excellent Mémoire de M. l'abbé Cousseau, sur l'ancienne Liturgie du diocèse de Poitiers, page 122.

 

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ouvrant le rituel pour administrer le baptême ou l’extrême-onction, y trouvaient en français tout le détail des rites qu'ils avaient à observer? Cependant les religieuses des autres pays qui ont gardé les rubriques latines, sont tout aussi exactes dans l'observation des règles de l'office que peuvent l'être celles de France; nous pourrions même ajouter, sur expérience personnelle, qu'elles les surpassent de beaucoup en ce point.

Il en est de même des brefs, ordos, ou directoires du choeur, qui, dans plusieurs de nos diocèses de France, s'impriment en français. Sans doute, on a voulu par là venir au secours des personnes qui, étant employées dans le service divin, ignorent néanmoins la langue latine. Le fait est cependant que dans la plus grande partie de la France où cet abus n'a pas pénétré, les chantres et les sacristains, dans les églises même de la campagne, ne sont jamais embarrassés pour démêler, à travers les signes abréviatifs d'un ordo en langue latine, les commémorations que l'on doit faire au chœur, la couleur et le genre des ornements qui doivent être préparés. De telles nouveautés sont cependant acceptées comme un droit, et attestent, avec bien d'autres que nous rencontrerons dans le cours de cet ouvrage, l'affaiblissement graduel des traditions, et le besoin de remonter bientôt à la source des usages catholiques.

Le XVII° siècle avait donc été vaincu dans sa résistance aux versions de la Liturgie; le XVIII°  vit consommer la refonte entière de la Liturgie elle-même, dans le plus grand nombre des Églises de France. Nous avons montré ailleurs comment la principale part dans cette déplorable révolution doit être attribuée à la nouvelle Liturgie parisienne de 1736. Un bréviaire et un missel, élaborés par des mains jansénistes, vinrent remplacer à l'autel et au chœur, dans l'Église de Paris, les livres romains déjà mutilés par François de Harlay et par   le cardinal de

 

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Noailles. Nous ne reviendrons pas sur cet épisode si important de l'histoire ecclésiastique du siècle dernier; mais nous devons raconter ici comment la nouvelle Liturgie fut immédiatement appelée à jouir des honneurs de la traduction en langue vulgaire. Il n'était pas au pouvoir de Charles de Vintimille, après avoir, dans l'acceptation du bréviaire, prêté la main à un parti qu'il avait jusqu'alors énergiquement combattu, de rappeler le souvenir de l'Assemblée de 1660, et du bref d'Alexandre VII. Depuis lors on avait marché, et il ne s'agissait plus de traduire le Missel romain pour les fidèles de Paris, mais bien de mettre en français un missel et un bréviaire qui n'étaient plus romains. Les temps avaient changé et la Liturgie avec eux. Elle n'était plus désormais à Paris l'ensemble des formules universelles de l'Église latine ; elle était un livre empruntant toute son autorité d'un prélat particulier, et devait sa disposition et sa composition même à des hommes qui avaient d'autres pensées et une autre foi que celles de l'Eglise. Les auteurs de l'œuvre ne pouvaient pas avoir de doute qu'elle ne dût jouir bientôt de la popularité par le moyen des traductions; ils avaient même compté sur ce résultat de leurs labeurs, et nous ne pouvons mieux expliquer la joie de leur triomphe qu'en transcrivant ici un passage du Journal de la secte qui, à lui seul, en dira plus que tout ce que nous pourrions ajouter. Nous prenons d'un peu haut cette citation, afin de prouver une fois de plus à certaines personnes de bonne foi que nous n'avons pas calomnié la Liturgie de Paris, en la représentant comme un dépôt dans lequel ses auteurs ont eu l'intention positive de rassembler toutes leurs oppositions contre le solennel jugement par lequel le Siège apostolique, et avec lui l'Église universelle, a flétri pour jamais l'hérésie janséniste. Déjà nous avions cité en faveur de nos conclusions de nombreux témoignages de la secte : la préoccupation  n'a pas permis qu'on en tînt compte ;

 

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nous insérons donc ici ce long fragment, à l'usage de ceux qui n'ont pas voulu lire les premiers, ou qui les auraient oubliés :

« Le Bréviaire et le Missel de Paris sont encore un sujet fécond de réflexions, pour un homme attentif à  considérer les moyens que Dieu prend pour faire ce qu'il veut de ceux mêmes qui ne font pas ce qu'il veut. Le cardinal de Noailles meurt, et M. de Vintimille lui succède. Celui-ci frappe, abat, détruit. Il interdit les a confesseurs, il ferme la bouche aux prédicateurs, il désole les séminaires, les collèges, la Sorbonne; et après avoir tout renversé, Dieu se sert de lui pour relever de dessous toutes ces ruines la Vérité qui paraît opprimée. Quel meilleur préservatif pouvait-on nous donner contre la Bulle, qu'un Bréviaire où l'on retrouve le langage sacré qu'elle proscrit, et les v. dogmes des Pères qu'elle anathématise? Toutes les oraisons du Missel sont autant de professions de foi contre la Bulle. Qu'annoncent-elles ? (On ne saurait y être trop attentif.) Des aveux continuels de notre langueur, de notre misère, de notre impuissance pour le a bien; des cris redoublés du besoin d'une grâce forte, puissante, efficace, et qui sache dompter les volontés a les plus rebelles, grâce qui opère en nous le vouloir et le faire, grâce qui nous donne ce que Dieu nous commande, grâce par laquelle Dieu nous applique à toute bonne œuvre, lui-même faisant en nous ce qui lui est agréable. Qu'il est doux, en récitatif ces oraisons, de retrouver le langage sacré que la Bulle nous interdit! Mais que Dieu ait mis dans le cœur de M. de Vintimille de nous donner de telles armes contre la Bulle, voilà ce qu'on ne se lasse point d'admirer en disant la messe, ou en récitant le bréviaire. L'admiration passe jusqu'aux fidèles, qui ont l'avantage de pouvoir dire en français tout ce que le clergé dit en latin. Autre merveille,

 

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qui sert à montrer comment Dieu fait son œuvre au milieu des contradictions les plus violentes, et comment il sait vaincre les obstacles les plus insurmontables en apparence (1). »

Le rédacteur arrive ensuite aux avantages que la secte a retirés des traductions de la Liturgie en langue vulgaire, r et dévoile en ces termes les intentions de ses chefs foudroyés par le bref d'Alexandre VII, en 1661 : « Quels combats M. Arnauld n'a-t-il pas eu à soutenir pour défendre le droit qu'ont les fidèles de lire l'Écriture sainte en langue vulgaire ? Et quel bruit n'a-t-on pas fait contre les versions de l'office public de l'Église ? On avait de vieilles traductions, contre lesquelles on ne disait rien, parce qu'on ne les lisait pas, ou qu'on les lisait peu. Grâce à Messieurs de Port-Royal, la Bible, le Missel et le Bréviaire romain, tout fut traduit de nouveau, et les fruits abondants que les fidèles ont retirés de ces traductions, ont justifié pleinement ceux qui les leur ont mis entre les mains (2). »

Ainsi la secte se proclame satisfaite de l'effet produit par les versions qu'elle a fournies; elle ne Test pas moins sur le sujet des traductions qui ne sont pas émanées d'elle, mais dont la publication n'est en réalité que l'adoption sans retour des principes que Voisin soutint en 1661 contre l'Assemblée du clergé, et Arnauld, en 1688, contre François de Harlay et son officiai. Elle s'approprie le mérite de tout, depuis les exemplaires de l'ordinaire de la Messe lancés dans le public par ordre du Roi, à l'appui de la révocation de l'Édit de Nantes, jusqu'à l'approbation du Bréviaire de Paris, donnée par le grand vicaire de Charles de Vintimille.

« Louis XIV fit distribuer aux nouveaux convertis cent mille exemplaires d'Heures qui contenaient l'ordinaire

 

(1)  Nouvelles ecclésiastiques. 1er janvier 1747.

(2)  Ibid.

 

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de la Messe en français, cent mille exemplaires séparés du même ordinaire, et cinquante mille Nouveaux Testaments. Aujourd'hui l'ordinaire de la Messe se trouve dans un grand nombre de livres de piété (1). Mais ce qui est encore plus remarquable, c'est l'Approbation du feu syndic de Sorbonne, Romigny, qu'on voit à la tête du Bréviaire de Paris mis en français. M. de Romigny, en qualité de grand vicaire de M. de Vintimille, chargé de sa part de revoir et examiner les livres d'Église et de prières destinés à l'usage des laïques de son diocèse, déclare que ces traductions ne peuvent qu'être très utiles, tant aux religieuses qu'aux personnes de piété qui veulent suivre les saints offices qui se récitent et qui se chantent, etc. »

« Comparez ce langage avec celui que tenait l'Official de Paris contre le Bréviaire français de M. Le Tourneux ; quelle différence ! Cependant, entre le gouvernement de M. de Harlay, où l'on condamnait les traductions de l'office de l'Église, et celui de M. de Vintimille où on les a approuvées, il n'y a que l'épiscopat de M. le cardinal de Noailles. Disons plutôt : M. le cardinal de Noailles a lui-même approuvé les traductions de l'office de l'Église, et s'est fait un devoir de les mettre entre les mains de son peuple. Appuyons nous donc sur Dieu ; fions-nous à lui, et laissons-le » faire. Sous le ciseau et sous le marteau des persécutions» son œuvre avance, et les hommes sont trop faibles pour l'arrêter (2). »

C'est ainsi que la grande révolution due à la persévérance

 

(1)  Dans leur zèle pour multiplier les traductions de l'ordinaire de la Messe, et pour en répandre l'usage, les jansénistes ne se contentèrent pas de le placer en tête de plusieurs éditions du Nouveau Testament et de divers livres de prières particulières ; ils allèrent jusqu'à publier une édition de l'Imitation de Jésus-Christ, traduite par le jésuite Gonnelieu, en ayant soin de la faire précéder de l'ordinaire de la Messe.

(2)  Nouvelles ecclésiastiques. 1er janvier 1747.

 

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de la secte, était célébrée par elle près d'un siècle après l'Assemblée de 1660. Les temps étaient changés, en effet; car loin de contester avec le parti sur ses doctrines relatives aux versions de la Liturgie, Charles de Vintimille avait publié, sans préjudice des paroissiens pour l'usage commun, une traduction complète des nouveaux Missel et Bréviaire parisiens, dès l'année 1738. Il y eut encore une traduction du bréviaire en 1742, huit volumes in-4°; puis un autre en 1767, à laquelle les Nouvelles ecclésiastiques reprochent des tendances opposées à celles de la version publiée par Charles de Vintimille (1).

Si on nous demande maintenant quelles furent les réclamations du sentiment catholique contre une innovation que l'Église de France elle-même repoussait avec tant de vigueur un siècle auparavant, et qui semble établie en loi aujourd'hui, nous avons quelques faits à produire comme indices d'une réaction qui devait être vaincue et qui le fut en effet. Nous avons parlé suffisamment de la sentence de l'official de Paris et de l'ordonnance de François de Harlay, qui furent obligés, l'un et l'autre, pour justifier leur censure, de réveiller le souvenir des faits qui avaient eu lieu trente ans auparavant, quoique ces faits eussent été démentis par des mesures subséquentes, que l'archevêque aussi bien que l'official étaient obligés d'avouer. Deux ans plus tôt, en 1686, le docteur Jollain avait demandé à la Faculté de Paris la permission de mettre l'approbation à un ordinaire de la Messe en français, qui 1 devait être publié avec quelques explications; le Syndic de 4a Faculté eut encore assez de fermeté pour obliger le docteur Jollain et l'auteur lui-même à retirer le titre qui annonçait l'ordinaire de la Messe, et d'en substituer un autre qui n'annonçât que des explications sur cette partie la   plus  sacrée de la Liturgie. Le livre fut  imprimé à

 

(1) 21 février 1770.

 

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Rouen, et ne contenait en effet que les explications promises par le titre.  La Faculté fit preuve de courage dans cette occurrence; elle ne s'était pas  compromise par la publication des cent mille exemplaires.

Dans tout le cours du XVIII° siècle, on vit les prêtres et les religieux qui avaient loyalement embrassé la cause de la foi dans la question de la Bulle, réagir en grand nombre contre l'envahissement des traductions de la Liturgie, mais principalement de l'ordinaire de la Messe. Le journal de la secte ne laisse pas une année sans émettre des réclamations contre les entreprises des missionnaires en cette matière. Ainsi en 1728, il dénonce la mission donnée à Chartres par les jésuites, dans laquelle le savant Père de Tournemine avait prêché contre la traduction de l'ordinaire de la Messe. La même année, à Castellane et à Senez, ce sont les capucins qu'on accuse du même crime. En 1732, les Nouvelles adressent le même reproche à des prêtres séculiers de Rouen. En 1733, elles dénoncent les jésuites de Langres comme coupables d'avoir ôté l'ordinaire de la Messe aux Ursulines de cette ville. L'évêque de Laon comparaît l'année suivante, comme l'ayant fait déchirer en tête des Heures,du Nouveau Testament et de l'Imitation de Jésus-Christ, qui se trouvaient entre les mains des religieuses de la Congrégation. Dans le même moment, ainsi que nous l'apprend la feuille janséniste, les jésuites, après une mission qu'ils avaient donnée à Ribémont, allèrent par les maisons de la ville déchirer dans les livres qui la contenaient la traduction de cette même prière liturgique. En 1735, c'est le prédicateur d'une station à Saint-Malo qui tonne du haut de la chaire contre les traductions. L'année suivante, le journal nous transporte à Amiens, où, dans le cours d'une mission que le pieux évêque de la Mothe d'Orléans faisait donner à son peuple par les jésuites, le P. Duplessis prêche ouvertement dans le sens de l'Assemblée de 1660. En 1740, les

 

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jésuites reparaissent encore sur la même thèse, à Loudun ; les dominicains, à Vienne, en 1752; les capucins, à Stenay, en 1760, etc.

Nous ne pousserons pas plus loin cette investigation chronologique(1), elle suffira pour montrer à quel point les deux partis, celui de la foi et celui de l'hérésie, se trouvaient en présence sur cette question, et combien il a fallu de temps et d'efforts pour en venir à l'indifférence qui semble régner aujourd'hui sur les versions de la Liturgie. Nous ne doutons pas que les pages que nous venons d'écrire ne surprennent plusieurs de nos lecteurs, à une époque où, dans l'ordre de la religion, tant de gens sont disposés à accepter le fait comme un droit. Il nous eût été cependant facile de fortifier d'un grand nombre de détails la revue historique que nous nous sommes imposé de faire ici ; mais nous ne devions pas dépasser les bornes qui nous sont prescrites par notre plan général, et il est temps de terminer sur cette matière, en abordant le côté pratique de la question.

Il n'est personne, après les raisons et les faits que nous avons exposés, qui puisse désormais soutenir que les traductions de la Liturgie pour l'usage des fidèles sont en elles-mêmes conformes à l'esprit de l'Église; faut-il en conclure que tous les paroissiens et tous les eucologes doivent être immédiatement jetés au feu, et interdire maintenant aux fidèles de France un usage invétéré que la plupart d'entre eux pratiquent d'autant plus innocemment qu'ils ne l'ont jamais entendu blâmer? Nous pensons qu'il est trop tard pour entreprendre avec fruit une pareille réforme; mais il n'est pas moins évident que les

 

(1) Il est à propos de noter ici que, jusque dans le XVIII° siècle, les savants rédacteurs du Journal de Trévoux eurent le courage de braver le préjugé qui s'établissait déplus en plus en faveur des versions. Les Nouvelles ecclésiastiques dénoncent la franchise de ce recueil sur la question, spécialement dans les années 1744 et 1749.

 

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lois et l'esprit de l'Église en cette matière réclament au moins quelques restrictions dans l'usage illimité que les fidèles font de ces traductions.

Une des raisons qui nous portent à avancer qu'une suppression absolue des versions en usage ne serait pas opportune, est d'abord la longueur du temps qui s'est écoulé depuis l'époque où les fidèles de France ont commencé à jouir de cette tolérance. Des mesures sévères auraient pour résultat d'exciter une perturbation fâcheuse, sans aucune préparation qui mît les fidèles à même de comprendre les motifs de cette conduite. D'un autre côté, on ne peut disconvenir que les dangers qu'on avait à craindre du côté des théories jansénistes sur le saint Sacrifice ne se soient éloignés de nous ; l'esprit de la secte et ses habitudes ont laissé pour longtemps encore des traces profondes, mais ses dogmes et ses intentions sont aujourd'hui ignorés du grand nombre. Reste donc à donner satisfaction à l'esprit de l'Église, qui, jusqu'à la fin des siècles, sera de traiter avec mystère les choses saintes, et à concilier les nécessités de la situation avec les règlements des conciles et du Siège apostolique.

Il nous semble que le moyen d'obtenir ce résultat serait d'abord d'insister auprès des fidèles sur le mérite qu'ils auraient à suivre l'Église dans ses chants et ses cérémonies, ces chants étant destinés à réunir en commun les vœux du peuple et ceux des prêtres, et ces cérémonies ayant pour but d'instruire et d'édifier l'assistance. Cette réserve faite, il est, ce nous semble, permis de penser qu'on pourrait appliquer dans une certaine mesure aux prières de la Liturgie la règle par laquelle le Saint-Siège a cru devoir adoucir, dès le siècle dernier, la discipline générale qui prohibait l'usage de l'Écriture sainte en langue vulgaire? Le 13 juin 1757, la sacrée Congrégation de l'Index rendit, par ordre de Benoît XIV, un décret portant que désormais les versions de la Bible en langue

 

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vulgaire pourraient être permises indistinctement aux fidèles, si ces mêmes versions avaient été approuvées par le Saint-Siège, ou encore si elles étaient publiées avec des annotations extraites des saints Pères ou des auteurs doctes et catholiques (1). » Ainsi fut modifiée la régie de l'Index qui jusqu'alors interdisait aux fidèles, sous peine d'excommunication, de lire ou de retenir les versions de l'Écriture en langue vulgaire, hors le cas où ils en auraient obtenu la permission de l'évêque ou de l'Inquisiteur.

Le décret de 1757 ne parle pas, il est vrai, des traductions de la Liturgie, et il est peu probable que l'on pût jamais obtenir du Saint-Siège, pour un missel ou un bréviaire mis en langue vulgaire à l'usage des fidèles, l'approbation apostolique ; mais dans l'état où les choses se trouvent en France, on pourrait introduire l'esprit du décret dans la pratique, à raison des circonstances. Ainsi, la traduction des Introït, Oraisons, Épîtres, Évangiles, etc., pour le Missel; des Psaumes, Hymnes, Leçons, Oraisons, etc., pour le Bréviaire, si elle était accompagnée de notes ou de gloses, au moyen desquelles on éclaircirait les passages difficiles, on préviendrait les difficultés, on exposerait le sens que l'Église attache à telles paroles, à tels rites, le tout emprunté à la doctrine des saints Pères et des Docteurs orthodoxes ; une telle traduction, disons-nous, semblerait légitimée jusqu'à un certain point par l'esprit du décret de 1757, et perdrait une partie des inconvénients qui ont déterminé l'Église à déclarer les versions de la Liturgie contraires à son esprit.

Mais afin de donner satisfaction au principe de la langue sacrée, et pour maintenir le secret auguste qui doit

 

(1) Quod si hujusmodi Bibliorum versiones vulgari lingua fuerint ab apostolica Sede approbatae, aut editae cum annotationibus desumptis ex sanctis Ecclesise Patribus, vel ex doctis catholicisque viris, conceduntur. (Décret, S. Congregationis Indicis.  13 Junii 1757.)

 

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environner le plus profond de nos Mystères, il nous semble évident que cette liberté ne devrait jamais s'étendre à l'ordinaire de la Messe, quand bien même la traduction en serait accompagnée de notes et d'explications. C'est principalement cette prière sacrée que le concile de Trente, Alexandre VII, et l'Assemblée de 1660 signalent comme ne pouvant être exposée, sans profanation et sans péril, aux yeux du vulgaire ; c'est au moyen des versions des prières de l'oblation et du canon, que les jansénistes ont voulu altérer la notion du Sacrifice chrétien, quand à la part que les fidèles y prennent; enfin, l'ordinaire de la Messe, composé presque tout entier des paroles de l'Église, diffère essentiellement des autres prières ou lectures du missel et du bréviaire, dont la majeure partie est empruntée à l'Écriture sainte. Nous venons de voir que l'Église a cru devoir adoucir ses prohibitions sur l'usage de la Bible, pour le cas où les versions paraîtraient accompagnées d'annotations destinées à éclaircir le texte, et à prévenir les fausses interprétations. L'Écriture sainte ne change pas de nature pour être employée dans la Liturgie; mais le décret de 1757 n'a pas non plus la vertu de transformer en Écriture sainte les formules liturgiques rédigées par l'Église.

Un coup d'œil sur les diverses Années chrétiennes expliquera pleinement notre pensée. En 1685, Nicolas Le Tourneux inséra le Missel français de Voisin en entier dans son Année chrétienne. Au commencement du siècle suivant, le P. Croiset lui opposa un ouvrage du même genre, mais dans lequel il se bornait à donner la traduction des Épîtres et Évangiles et de la Collecte de chaque Messe. Quelques années après, vers 1745, les traductions de la Liturgie étant de plus en plus l'objet d'une mode irrésistible, et le décret de 1757 devant bientôt adoucir la discipline sur les versions de l'Écriture sainte, à la condition qu'elles seraient approuvées du Saint-Siège, ou accompagnées d'annotations puisées à des sources

 

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orthodoxes, le P. Griffet crut pouvoir donner, dans son Année du chrétien, la traduction du missel entier, en y joignant une glose destinée à prévenir, les écarts dans lesquels l'ignorance de la théologie aurait pu jeter les simples fidèles; mais il ne voulut pas que l'on trouvât dans son livre les formules qui accompagnent le divin Sacrifice, exposées à la familiarité du vulgaire par une traduction imprudente. Cette réserve toute catholique lui valut la réprobation et les anathèmes de la feuille janséniste. Dernièrement, nous avons vu Monseigneur l'évêque de Langres, dans son Mandement sur le chant de l'Église, que nous avons déjà cité, énoncer comme évêque le principe qu'avaient appliqué comme écrivains les PP. Croiset et Griffet. Le prélat, après avoir remarqué que le Saint-Siège défend de répandre parmi les « peuples la traduction de l'ordinaire de la Messe dans la   langue du pays, » ajoute : « Quoique nous l'ayons fait nous-même jusqu'ici, pour aplanir un peu les difficultés de certaines circonstances, nous n'approuverons  dorénavant aucun  livre qui renfermerait cette traduction littérale (1). »

Il nous semble que, par cette manière de procéder, on arriverait à une conciliation des principes anciens et des nécessités du présent, et on ôterait une contradiction qui ne doit pas exister plus longtemps entre la  loi inviolable qui prescrit l'usage de la langue sacrée à l'autel, et une pratique introduite irrégulièrement,  et qui  rend   cette prescription presque illusoire; car enfin, il ne faut pas être plus sage que l'Église. La piété des fidèles aurait-elle à souffrir d'une mesure qui laisserait tomber en désuétude l'usage où ils  sont de  lire  l'ordinaire de la Messe en français ? Nous ne le pensons pas. Cette formule solennelle et mystérieuse du saint Sacrifice, rédigée dans la plus haute antiquité, n'est point en rapport avec les expressions

 

(1) Page 12.

 

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en usage aujourd'hui dans la piété privée. Pleine de gravité et revêtue d'un caractère officiel, elle n'a point ce genre d'onction à la portée de tous, que l'on recherche dans, les prières dont on veut aider sa dévotion, et plus d'une fois nous avons entendu des fidèles convenir qu'ils avaient peu de goût à la lire pendant la messe. Cependant, la manie est telle en cette matière, que, dans un grand nombre de maisons d'éducation, on force jusqu'aux enfants à lire durant le saint Sacrifice cette formule qu'ils ne peuvent comprendre, et à l'égard de laquelle ils contractent pour le reste de leur vie une routine invincible. Il faudrait un volume entier pour mettre dans tout son jour, à l'usage des fidèles même intelligents, tout ce que l'ordinaire de la messe renferme de profondeur dans la diction, d'allusions dans les images et le choix des termes, de dogmes en action souvent dans une seule phrase, de formes empruntées partie à la langue latine des deux premiers siècles de l'ère chrétienne, partie au génie des saintes Ecritures. Nous convenons volontiers que cette formule, éclaircie sous ces divers points à la fois, serait d'un grand secours pour aider les fidèles à s'unir au prêtre et à toute l'Église dans l'action du saint Sacrifice ; mais peut-on se promettre de voir arriver le commun des fidèles à cette intelligence d'un texte si profond, lorsqu'il n'est pas rare d'entendre des prêtres mêmes convenir que les prières de l'Oblation et du Canon ne sont pas pour eux sans obscurités ?

Nous ajouterons de plus que, dans le temps même où les langues sacrées existaient encore dans l'usage vulgaire, les formules du Sacrifice se récitaient secrètement à l'autel, comme on le fait aujourd'hui, et que les fidèles ne les avaient pas en leur possession. Aujourd'hui que l'Église en interdit seulement la traduction, qu'on étende, selon la pensée de Fénelon, la connaissance de la langue latine; que Ton publie, pour l'usage des fidèles qui ne la

 

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possèdent pas, des exercices pour l'assistance à la Messe qui les mettent plus en rapport avec l'esprit des formules que récite le prêtre et des cérémonies qu'il accomplit; que, selon la prescription du concile de Trente, on explique du haut de la chaire, dans le plus grand détail, tout ce que dit, tout ce que fait le sacrificateur à l'autel, et bientôt les fidèles n'auront plus à regretter d'être privés d'une formule en langue française qu'il leur est plus facile d'apprendre par cœur, que de goûter et de comprendre avec fruit.

Les principes et les faits exposés dans le cours de ce chapitre nous ramènent à la conclusion que nous avons déjà signalée en terminant celui qui précède. Telle est la majesté des livres liturgiques, qu'ils doivent être garantis contre la familiarité du vulgaire, et par la langue sacrée dans laquelle ils sont écrits, et par le silence mystérieux de l'autel dans les moments les plus sublimes, et par l'extrême réserve à laquelle doit être soumise la traduction des formules dont ces livres se composent (1).

 

(1) Au moment même, où Dom Guéranger écrivait ces lignes, Mgr Parisis, évêque de Langres, proposait à  la sacrée Congrégation  des Rites cette question :

Episcopus Lingonensis, ad pedes S. V. humiliter quaerit an liceat ordinarium Missœ in linguam vernaculam traducere, et sic traductum, approbante Episcopo, ad usum fidelium typis mandare ?

La réponse fut rendue en ces termes :

Ex audientia Sanctissimi, die 6 junii 1851.

Sanctissimus mandavit ut Episcopus orator moneat traductores ut a cœpto abstineant, ejusdemque operis impressionem et publicationem inhibeat.

Cette réponse officielle ne laissait aucun doute sur les intentions du Saint-Siège, le vénérable auteur s'y est conformé dans son Année liturgique, dans laquelle, fidèle à ses principes autant qu'à l'obéissance due aux décisions de l'Église, il n'a jamais traduit l'ordinaire de la messe. Pour les autres parties du Missel et du Bréviaire, qui sont d'un usage ordinaire parmi les fidèles, il a suivi la méthode indiquée ci-dessus. Il  a traduit toutes ces formules, mais en les accompagnant d'explications aussi pieuses que savantes ; ce travail a été béni de Dieu et a produit des fruits merveilleux dans les âmes. (N. de l'Éditeur.)

 

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NOTES DU CHAPITRE IV

 

NOTE A

 

BEATISSIMO PATRI  ALEXANDRO  VII, PONTIFICI  MAXIMO

 

BEATISSIME   PATER

 

Priscus, laudabilis, atque perpetuus ecclesia; Gallicanas mos est, ut sive congregati quolibet quinquenniis Praesules, sive qui in Curia Regia pro variis Ecclesiarum suarum negotiis degunt, juxta nominis ac dignitatis suae rationem super gregem dominicum vigilantes, utpote in partem sollicitudinis tuae vocati, illud imprimis tanquam optimi Pastores curent, ne in ovilia sua aut lupus irrumpat, aut vulpes illae parvulae, quoe demoliuntur vineam Domini Sabaoth, caute in eam, sed perniciose irrepant, sparsis novitatum zizaniis, tanto nocentioribus, quanto illœ, ut habet Divus Augustinus, sub ementito nomine servitutis Dei decipiunt.

Cum itaque prodiisset nuperis hisce diebus Missale Romanum, e latino in vulgarem linguam conversum, ac per columnas divisum, habens ex una parte textum latinum, ex altera vero gallicum, ad rei novitatem continuo animum ereximus, reque primum apud nos qui publica Cleri gallicani Comitia, Pontissarae coacta, ac deinde Lutetiam translata celebramus, accurate perpensa, illam omnino improbavimus tanquam ab Ecclesiœ consuetudine alienam, nec nisi cum ingenti animarum pernicie conjunctam.

Ne quid tamen in  re tanti momenti festinato aut praecipitanter agere videremur, caeterorum etiam hujus regni Antistitum, qui forte in hac ipsa Curia pro emergentibus quotidie piis causis ad tempus morantur, numero sex supra triginta reperti, Coetum collegimus, qui omnes diligentissime discussis utriusque partis rationum momentis, nihil ut ad perfectam veritatis notitiam assequendam desiderari posset, censuerunt communibus Votis, non modo qui Episcopali caractere insigniti sunt, verum etiam qui secundi Ordinis in ecclesia Gallicana partes tenent, qua natalibus, qua Doctoratus laurea,   qua morum integritate   spectatissimi,  prohibendam esse et abrogandam novam hanc Missalis Romani editionem, ac in nostratem linguam translationem, et alias hujusmodi : hortandosque   universos Galliarum Praesules, Fratres et Collegas nostros, per Epistolam encyclicam, ut eorum quilibet in suis dioecesibus, earum distributionem, lectionem et usum,   etiam sub   anâthematis interminatione,   fidelibus Interdicant. Orandum praeterea christianissimum nostrum Regem, qua» tenus solita qua praestat pietate, a gloriosissimis Regibus antecessoribus suis quasi haereditario jure ad  se transfusa et accepta, brachii regalis

 

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opem ad saluberrimum hocce Decretum potentius executioni mandandum _ non deneget.

Inducti autem fuimus, Beatissime Pater, hoc est universus iste Patrum et Comitiorum generalium Cœtus, multis, iisque gravissimis rationibus, quae Beatitudinem tuam rerum omnium encyclopaedia et cogitatione pollentem non latent : ac potissimum quod praeter antiquitatis reverentiam, postulet ipsa Christianorum rituum ac mysteriorum dignitas atque majestas, ut ea vulgo et quibusvis obviis non exponantur, ne ipsa sua frequentia et assiduitate vilescant, sintque eo magis vera et veneranda, quo rariora : neve apicum, syllabarum, aut verborum immutatio, quas ex singulorum idiomatum dialecto et proprietate oritur, scandalum aliquod vel offendiculum in rebus fidei ac doctrinae ponat, fiatque hinc quod est in libris Regum ut unaquœque gens atque provincia fabricata sit sibi Deum suum, dum peculiarem religionem a proprio cerebro sibi fingit ex depravatis, aut maie intellectis sacris codicibus, uti fecere olim Waldenses, alias pauperes de Lugduno, aliœque ejusmodi hominum fœces ac pestes ; et patrum nostrorum memoria, in Septentrionalibus maxime plagis, atque in ipsa nostra Gallia, ubi orthodoxa fides ac religio (proh dolor!) plures in sectas misère scissa est, atque lacerata, Lutherus, Calvinus, Beza, eorumque sequaces, qui virus suum ex adulterata prassertim sacrae Scripturae ac divinorum Officiorum in familiarem linguam versione per infimae sortis homines et imperitam plebem disseminarunt. Unde celeberrima toto orbe Parisiensis academia, et quas mirum ei decus peperit florentissima Sorbonae schola, cujus definitiones inoffenso quilibet fidelis decurrere potest pede, dum novam istam doctrinam ante plures annos adversus Erasmum virgula notavit censoria, eam, inter alia, Bohemorum errori viam sternere pronuntiavit.

Enim vero, Beatissime Pater, verbo Dei scripto nihil melius, aut utilius ; nihil alio sensu pejus, aut periculosius,cum sit optimi succi corruptio pessima, et a Vincentio Lirinensi adversus prophanas hœresum novitates calamo pugnante, Scriptura divina liber hœreticorum dicatur; nec ullus unquam contra fidem error exortus est, qui non se aliquo sacrarum Litterarum corrupto textu tanquam clypeo objecto tutatus sit. Et ideo quemadmodum illius explanatio a sacro Tridentino concilio mire commendatur parochis, et animarum rectoribus, ut inter ipsa Missarum solemnia, aut divinorum celebrationem, sacra eloquia singulis diebus vernacula lingua exponant, cum ipsa Missa magnam contineat populi fidelis eruditionem ; ita et ipsius de verbo ad verbum redditio damnatur atque prohibetur, eo quod haec plurium errorum causa fuerit ac seminarium. Testatur id B. Petrus Apostolus, qui de B. Pauli Epistolis ait : Sicut et carissimus frater noster Paulus secundum datam sibi sapientiam scripsit vobis per Epistolas, in quibus sunt quaedam difficilia intellectu, quae indocti et instabiles depravant ad suam et aliorum perditionem : indoctam plebeçulam, ac prœsertim fœminas haud dubie significans, quarum nonnullœ tanquam infelicis Evae filiae, serpenti antiquo credulam

 

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nimis aurem praebentes,et insita levitate, caecaque cupiditate ductae sciendi bonum et malum, altius quam par est volantes, in praeceps facile ruunt, et scrutatrices factae Majestatis opprimuntura gloria,ut non immeritocon queratur D. Hieronymus : Cum tractent fabrilia fabri, solam Scripturarum artem esse quam sibi passim omnes vindicant, quam garrula anus, quam delirus senex, quam sophista verbosus pro libito interpretantur, lacerant, docent antequam discant : alios adducto supercilio grandia verba tonantes, inter mulierculas de sacris litteris philosophari.

Ex quibus colligere licet, Pater Sancte, Evangelii et Missa; lectionem, aliis vitam,aliis mortem afferre, prorsusque non decere aut expedire, ut Missale, seu Sacerdotalis liber, qui sub sera et sacro sigillo in plurimis nostratibus Ecclesiis clausus etiamnum religiose custoditur, manibus omnium teratur indiscriminatim.

Sed quia antiqua Patrum traditio et consuetudo nos admonet, ut in arduis quœstionibus, quas vel fidei controversias, vel ecclesiasticae disciplinas regulas, divinique cultus, aut sacrosancti Missa; sacrifici ritus respiciunt, consulatur prima Sedes, cum ad eam pertineat regimen universalis Ecclesiae, ac juxta Prophetam in omni loco offeratur divino Numini ac nomini oblatio munda, a quo secundum multos Missa nomen suum ex hebraïca radice ac notatione sortita est : nihil nobis, Beatissime Pater, fuit antiquius, quam ut post editum superius hocce decretum, quo, S. R. Ecclesiae sponsas tuae vestigiis inherentes, omnium tum divinae Scripturae, tum augustissimi Sacrificii Ritualium ac Missalium, ut vocant librorum in vulgarem linguam translationes damnavimus, illud in manibus Illustrissimi Domini Piccolominei, Caesariensis Archiepiscopi, Sanctitatis tuas Nuntii, reverenter consignatum, protinus ad te referremus.

Tu enim is es, Beatissime Pater, in quo, et per quem Episcopatus unus est, qui merito inde diceris apex sacerdotii, fons ecclesiasticas unitatis, Ecclesiae vertex, et princeps episcopalis Corona. Fiat ergo per te ut idem dicamus omnes, et non sint in nobis schismata. Fiat, inquam, pax in virtute tua. Floreat Ecclesia tuo saeculo, sicuti revera floret, sopito, diplomatum tuorum vigore, novarum quaestionum et heterodoxorum dogmatum igne, ac incendio. Sit illa non jam turris Babel ob confusionem linguarum, quibus divinas laudes recitari passim volunt perfidi novatores, sed Hierusalem, id est visio pacis, quœ œdificatur ut civitas concors, cujus participatio ejus in idipsum. Et qui in ea Cathedra dignissime sedes ac praesides ejus vice, cui venti et mare obtemperant, seda et compesce suprema auctoritate tua exurgentes in Ecclesias pelago procellas ; comprime tumentes haeresum fluctus feri maris, despumantes, ut ait B. Judas Apostolus, suas confusiones, sydera errantia, etc., facque ut unus Deus una voce ubique laudetur ; et nostris ea de re decretis, quibus Ecclesiae sanctae usum et consuetudinem asseruimus, ea qua in toto illius districtu potestate a Deo solo tibi tradita vales, per Apostolica rescripta

 

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vim et robur adde, generali Constitutione ad hoc ipsum, si ita Sanetitati . Tuae videbitur, sub pœnis, arbitrio tuo, in transgressores infligendis lata, nec in Gallia tantummodo,sed etiam ubique terrarum valitura; ut quemadmodum a solis ortu usque ad occasum laudabile nomen Domini, et potestas ejus potestas aeterna quae non auferetur ; ita quoque ejus Vicarii, id est, Beatitudinis Tuae mandato, quam late patet universus orbis christianus, in quo illa dominatur a mari usque ad mare, eadem lingua, eodemque Spiritu, divina Cantiea, Mysteria et Officia celebrentur. Sic te nobis, et Ecclesiae incolumem Dei providentia servet ad multos annos eosque felicissimos, prout ex animo vovent, Lutetiae Parisiorum, die septima mensis januarii, anno Domini 1661,

 

Sanctitatis Tuas, Beatissime Pater,

devotissimi ac obsequentissimi filii et servi, Cardinales, Archiepiscopi.Episcopi, aliique Ecclesiastici viri in Generalibus Gallicani cleri Comitiis congregati,

 

Franciscus, Archiep. Rothomagensis, Proeses.

 

De mandato Eminentissimorum ac Illustrissimorum Dominorum qui supra, totiusque caetus cleri Gallicani.

 

Abbas. Thoreau, a secretis,

 

NOTE  B

 

Arrêt du Conseil d'État par lequel le Roy ordonne que les traductions qui ont été faites du Missel romain en françois, seront supprimées ; avec défense d'en vendre ny acheter, à peine de quinze cens livres d'amende, et confiscation des exemplaires.

 

Sur ce qui a été remontré au Roy étant en son Conseil, par les Députez de l'Assemblée générale du Clergé, que par la délibération du 7 Décembre dernier, elle aurait prohibé la lecture et l'usage des traductions en françois du Missel romain, faites depuis peu, par le Sieur Voisin et autres, comme une nouveauté contraire à la pratique de l'Eglise, et ensuite aurait supplié Sa Majesté d'interposer son autorité pour l'exécution d'une si sainte résolution ; et d'autant que les Libraires ne cessent point défaire le débit de ces Livres, ny le peuple de s'en servir, lesdits Députez supplioient Sa Majesté d'empêcher la continuation de ces désordres, par les moyens qu'elle jugera plus à propos. La matière mise en Délibération : Le Roy étant en son Conseil, a ordonné et ordonne que lesdits Livres, contenant les traductions en françois du Missel romain, seront supprimés, suivant ladite Délibération de l'Assemblée ; et que tous les exemplaires seront saisis, en quelque part du royaume qu'ils se trouvent, soit dans les boutiques des Libraires, ou dans les maisons particulières.

 

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Enjoint au Lieutenant civil de procéder incontinent à ladite saisie dans l'étendue de cette ville de Paris, et aux autres Lieutenans des Bailliages et Seneschaussées, chacun en son ressort ; par devant lesquels les particuliers qui auront lesdits Livres, seront tenus de les représenter, pour être supprimés ; à peine de quinze cens Livres d'amende : et sous pareille peine et confiscation des exemplaires, Sa Majesté fait inhibitions et défenses à tous Libraires de vendre aucun desdits livres,et à ses Sujets de les acheter. Fait au Conseil d'Etat du Roy, Sa Majesté y étant, tenu à Paris le 16e jour de Janvier 1661.

Louis par la Grâce de Dieu Roy de France et de Navarre : A nôtre amé et féal Conseiller en nôtre Conseil d'Etat et Lieutenant civil de nôtre bonne ville de Paris le Sieur d'Aubray : Salut. Ayant ordonné par l'Arrêt de nôtre Conseil d'Etat, dont l'extrait est cy-attaché, la suppression des livres contenant les traductions en françois du Missel romain, suivant la Délibération de l'Assemblée générale du Clergé de France, et que tous les exemplaires seront saisis en quelque part du Royaume qu'ils se trouvent, soit dans les boutiques des Libraires, ou dans les maisons particulières. Nous voulons et vous mandons très expressément, que conformément audit arrêt, vous ayez à procéder incontinent à la saisie desdits livres dans l'étendue de nôtre dite ville de Paris. Mandons aussi aux autres Lieutenans des Bailliages et Seneschaussées de ce Royaume, de faire le semblable, chacun dans leur ressort. Enjoignons aux particuliers qui auront desdits livres, de les représenter par devant eus, pour être supprimez. Faisons très expresses inhibitions et défenses à tous Libraires de vendre aucuns desdits livres, et à nos Sujets d'en acheter sur les peines contenues audit Arrêt, à l'exécution duquel Nous entendons que vous teniez soigneusement la main, et que vous Nous informiez de la diligence que vous y aurez apportée chacun à votre égard. Mandons à tous Huissiers ou Sergents sur ce requis, qu'à vous en ce faisant ils obeyssent, sans autre permission que la présente et celles que vous leur en donnerez. Et parce qu'on aura besoin dudit Arrêt, et des présentes en divers lieux, Nous voulons qu'aux copies deviennent collationnées par nos améz et féaux Conseillers et Secrétaires, foy soit adjoutée comme à l'Original : Car tel est nôtre plaisir. Donné à Paris le 16 Janvier, l'an de Grâce 1661. Et de nôtre règne le dix-huitième. Signé, Louis ; et plus bas, Par le Roy. De Guenegaud. Et scellé du grand Sceau de cire jaune.

 

 

 

 

 

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