« Il faut faire ta première Communion. »

Conversion, en Italie, d'un soldat français malade.

« Je vis Sœur Thérèse comme un ange... »

Guérison physique et morale d'un soldat. Sœur Thérèse lui fait le catéchisme.

« Mince, si le bon Dieu est comme ça, il n'est pas méchant ! »

« J'ai obtenu une grande grâce... c'est la foi ! »

Remarquable et touchante protection, en faveur de Monsieur l'Archiprêtre de Béthune, dans le bombardement du 18 décembre 1917.

 

« Il faut faire ta première Communion. »

 

LE SOLDAT DE LA GUADELOUPE SUCCAB LÉONARD
A MESDAMES LES CARMÉLITES DE LISIEUX

 

Castelnaudary (Aude), le 20 novembre 1917.

 

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que j'ai reçu des grâces de Sr Thérèse de l'Enfant-Jésus. Elle m'a fait échapper à la mort, le 23 octobre dernier, à la terrible bataille de l'Aisne. Un camarade m'avait donné un « feuilleton » de cette sainte, et je l'ai priée pendant le combat. Déjà quelques jours avant, je l'avais vue pendant mon sommeil et voilà ce qu'elle me disait, avec beaucoup d'insistance : Il faut faire ta première Communion. Alors j'ai été frappé et je l'ai écoutée. J'ai fait ma première Communion sous le feu de l'ennemi, à l'âge de 33 ans. Je suis né à La Désirade (Guadeloupe), et, resté orphelin assez jeune, je me suis engagé comme mousse, et c'est pourquoi je n'ai pu aller à l'école ni au catéchisme; c'est à la guerre que mes compagnons m'ont appris un peu à écrire. J'étais catholique et j'allais à la messe, mais il me manquait le courage pour vaincre mon respect humain. La vierge Thérèse me l'a donné, et le bon camarade Lucien Thomas, qui m'avait donné son image et la médaille, m'amena au soldat-curé Chaîne, à qui je me suis confessé, plein de honte et de regret, au chemin des Dames, sous une pluie d'obus, avec le rendez-vous de me trouver le lendemain dans le village de Conny pour recevoir la communion. J'y ai été et l'ai reçue dans les ruines. A présent, je suis heureux et reconnaissant.

Avant d'avoir fait la rencontre de la Sœur Thérèse, j'étais souvent découragé et je me laissais tomber dans la tristesse, quand je me voyais seul et loin de mon pays; mais j'ose dire que, depuis que la petite sainte s'occupe de moi, je suis complètement guéri de ces tentations et je me sens fort dans les épreuves.

 

Succab Léonard,

Canonnier au 2e d'artillerie coloniale,
60e Cie.

 

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TÉMOIGNAGE DU R. P. CHAINE (S. J.). Aumônier militaire au 115e d'art.  lourde.

 

Aux Armées, le 11 décembre 1917.

 

Le 10 octobre dernier, un brave artilleur colonial, très dévot à la petite Sœur Thérèse, me fit faire la connaissance d'un soldat de la Guadeloupe, nommé Succab, garçon simple, droit et bien disposé et qui, par suite d'une existence nomade, n'avait pas fait sa première Communion. Je lui donnai une instruction sommaire, car le temps près-, sait, et, sur sa promesse qu'il continuerait d'étudier sa religion, j'eus la joie de le communier au matin du 14 octobre, dans une grotte profonde rappelant celle de Bethléem!

A deux reprises, Succab m'avait affirmé avoir vu en songe Sr Thérèse de l'Enfant-Jésus, qui lui recommandait avec insistance de faire sa première Communion, et, par son récit toujours semblable, j'ai pu me convaincre de sa sincérité.

 

L. Chaîne,
Aumônier volontaire au 112e d'art. lourde.

 

Conversion, en Italie, d'un soldat français malade.

 

Loano (Oenova), Italie, le 22 novembre 1917.

 

Ma Révérende Mère,

 

Ce n'est pas sans émotion que je vous écris ces lignes.

Je fus appelé, le 15 novembre dernier, par une religieuse de l'hôpital civil, au chevet d'un pauvre soldat français, afin d'essayer de le ramener à Dieu. Après bien des efforts, je dus, non sans douleur, me retirer, n'ayant rien obtenu. La nuit suivante, il me vint tout à coup l'idée de confier cette conquête spirituelle à Sr Thérèse de l'Enfant-Jésus; il s'agissait d'un de ses compatriotes, et il me semblait qu'elle en aurait une particulière pitié. Je priai donc avec ferveur la petite sainte, et je fus exaucé de suite, car spontanément, le lendemain, le malade demanda à se confesser et reçut avec piété la sainte Communion.

Vive Sœur Thérèse qui a ouvert le Ciel à tant d'âmes égarées !

Veuillez agréer, ma Rde Mère, etc.

 

R. P. Francesco Saverio
dell' Immacolata Concezione,

Carme déchaussé.

 

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« Je vis Sœur Thérèse comme un ange... »

Contrexéville, le 23 décembre 1917. Hôpital n° 9, Cosmopolitain lit n° 69

 

A MONSIEUR LE CURÉ DE LA PAROISSE DE CONTREXÉVILLE (Vosges).

 

Ayant eu foi, depuis mars 1916, en la Servante de Dieu, Thérèse de l'Enfant-Jésus, je tiens à vous exposer le fait ci-dessous, en vous priant de vouloir bien le faire parvenir au monastère des Carmélites de Lisieux.

Le 3 octobre 1917, mon régiment, le 2e tirailleurs de marche, de Tlemcen (Algérie), était désigné pour prendre possession du secteur du bois de Courrières et Bezonvaux.

Le 4 octobre, mon groupe arrivait dans la vallée, et j'étais désigné par mon chef pour défendre, en cas d'attaque, la tête du boyau qui amenait à nos lignes, et qui s'avançait à 60 mètres en avant vers les lignes ennemies.

Depuis cette date, jusqu'au 13 octobre 1917, nous étions exposés journellement à des bombardements intenses et à des émissions de gaz, dont je fus toujours épargné.

Les coups de main ennemis étaient fréquents dans les autres groupes de mon régiment.

Voyant cet état de choses, je dis à mon lieutenant : « Il faut certainement nous attendre avant d'être relevés à recevoir, nous aussi, un coup de main. »

Et voici ce qui arriva :

Le 14 octobre, vers 3 heures et demie du matin, j'étais à ma plaça habituelle, lorsque je fus ébloui tout d'un coup par une grande clarté argentée, et quelle ne fut pas ma stupéfaction, lorsque, devant mes yeux, je vis Sœur Thérèse comme un ange. Elle allait de gauche à droite, tenant à la main un sabre très court. Force me fut de la suivre, et je me trouvai face à un marais qui faisait une défense naturelle et était situé derrière nos lignes. Je me frottai les yeux, me pinçai et me dis à moi-même : « Tu ne dors pas pourtant. Qu'est-ce que cela veut dire ? » Bref, je repris de nouveau ma place primitive, et revis avec étonnement cette vision faisant le même trajet.

Alors je compris que c'était un avertissement du Ciel. Je ne perdis pas une minute; je passai une inspection rapide à mon poste, et je fis débouchonner mes grenades, au cas d'une attaque imprévue.

Le tout terminé, je pris ma montre, qui me donnait 4 heures, et je pensai : c'est juste l'heure où d'habitude les Boches font leur coup de main. Je ne dis rien à mes hommes, sauf de bien veiller et d'être attentifs. Il n'y avait pas deux minutes que je surveillais le côté du marais que je vis se glisser une ombre rampante, puis deux, puis trois, en file indienne. Je crus tout d'abord à l'arrivée de la patrouille de relève et fis aussitôt une sommation en arabe par le mot « Shkoune », qui veut dire : « Qui va là? » Mais, pour toute

 

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réponse, j'entendis l'éclatement d'une grenade, qui, heureusement, vint tomber au delà du petit parapet du boyau. « Voilà les Boches, m'écriai-je. Bombardez, les grenadiers! » Je lançai aussitôt trois grenades, puis je vis un Allemand qui s'avançait vers moi. Pas d'hésitation, d'un coup de pistolet automatique, je le tuai net et il tomba à mes pieds.

Dès lors, ce fut un échange formidable de grenades et presque un corps-à-corps. Je ne perds pas courage, je harangue mes hommes, et, blessé bientôt, je n'en commande que de plus fort : « Bombardez ! » Mais plus de réplique du côté de l'ennemi. N'en pouvant plus, je m'assieds sur le parapet. Tout était redevenu calme; je fus relevé par mon chef de section qui arriva en renfort, puis évacué sur le poste de secours avec tous mes hommes dont 4 blessés.

Je n'oubliai pas aussitôt de remercier ma Protectrice, qui, depuis décembre 1916, m'a toujours préservé, et dont l'avertissement céleste avait été pour nous le salut.

Cette déclaration est certifiée par l'écrivain lui-même dont la signature ci-dessous peut être publiée; il recommande à tous ses camarades la plus grande confiance en la Servante de Dieu, Thérèse de l'Enfant-Jésus.

 

A. Diez,

sergent au 2e tirailleurs de marche, au front, s. i. 132.
6e rég. de tirailleurs, à Tlemcen (Algérie).

 

ATTESTATION

 

Je soussigné, curé de Contrexéville, certifie que la déclaration ci-dessus est d'un soldat en qui on peut avoir toute confiance, et je suis heureux d'ajouter à sa reconnaissance toute ma gratitude à celle qui passe son Ciel à faire du bien sur la terre.

 

N. Renaut, curé de Contrexéville (Vosges),
le 24 décembre 1917.

 

 

Guérison physique et morale d'un soldat. Sœur Thérèse lui fait le catéchisme.

 

X... (France). le 13 mars 1917.

 

Ma Mère,

 

Pardonnez-moi d'être assez osé pour vous écrire ces lignes, mais je remplis un devoir envers Sr Thérèse de l'Enfant-Jésus.

Depuis le début de la guerre, j'ai fait campagne dans l'infanterie, et j'ai eu bien souvent recours à la petite sainte aux moments les plus critiques, et ma foi, grâce à elle, je n'ai jamais été blessé.

Cependant, le 2 janvier de cette année, près d'A... (Meurthe-et-

 

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Moselle), je fus atteint de pneumonie; j'étais dans les tranchées, et le mal débuta par un frisson général et une sueur froide par tout le corps. Le lendemain, je passai à la visite, et Ton m'évacua d'abord à l'infirmerie, puis ensuite à l'hôpital de B... Mon état empirait toujours, et le docteur jugea utile de prévenir ma famille.

J'avais un veilleur pour la nuit, à mon chevet, et me sentant perdu, je lui réclamai l'aumônier. Il me répondit qu'il n'y en avait pas à l'ambulance, et alors je pris mon chapelet pour me recommander à Dieu et à Sœur Thérèse, afin qu'ils me donnent la force de souffrir patiemment.

Le jour suivant, 6 janvier au soir, la fièvre monta davantage encore; j'étouffais de plus en plus, ma poitrine se soulevait, et bientôt j'eus une crise épouvantable; je me raidis et j'avais des soubresauts terribles; après quoi, j'eus quelques instants d'affaissement général, avec une impossibilité totale de respirer. Et pourtant, au milieu de cet accès, je ne perdis pas un instant connaissance; je me rappelle très bien qu'une infirmière de la Croix-Rouge me prit le poignet en regardant sa montre, et, se retournant,dit aux camarades qui jouaient aux cartes dans la salle : « Il trépasse. »

Mais voilà que tout à coup, j'aperçus devant mon lit une grande lueur; au début, je crus que c'était la faiblesse qui me troublait la vue, mais quand la nuit fut complètement venue, je revis la même lumière, et puis la petite Sœur Thérèse avec l'auréole. J'en éprouvai un bonheur que jamais je ne pourrai exprimer, et je n'hésite pas à dire que cette nuit-là a été à la fois la plus pénible de ma vie par les grandes souffrances endurées, mais aussi la plus heureuse. Je pourrai, ma Mère, quand j'irai à Lisieux, sur la tombe de ma Bienfaitrice, vous donner plus de détails de vive voix. En attendant, je vous envoie une petite offrande pour Sœur Thérèse, en vous assurant de ma sincérité.

 

Soldat X..., en convalescence.

 

C'est le mardi de Pâques, 10 avril 1917, que le soldat X... vint à Lisieux en pèlerinage d'actions de grâces, et la Mère Prieure du Carmel recueillit de sa bouche les détails suivants :

Agé de vingt-six ans, ouvrier dans la vie civile, il avait toujours rempli ses devoirs religieux avant la guerre, ayant été élevé chrétiennement; mais depuis, au front, il s'était quelque peu relâché et laissé entraîner par de mauvais exemples.

C'est après six mois de campagne qu'un camarade lui donna une image de Sr Thérèse de l'Enfant-Jésus, lui conseillant de recourra elle dans les dangers. « Dès lors, assura-t-il, je me sentis de la confiance en cette sainte, sa figure me plaisait; je ne lisais pourtant rien de tout ce qui était écrit sur l'image, mais chaque jour je récitais un Pater et un Ave en son honneur, et je l'invoquais souvent. »

Le soir du 6 janvier 1917, à l'hôpital, il souffrait atrocement de sa pneumonie, avec une fièvre de 41° 5. Après la crise aiguë dont il a parlé dans sa lettre, il put s'asseoir dans son lit, comme aidé par une

 

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main invisible, car, seul, il était absolument incapable de cet effort. Il vit alors au-dessus de son lit une grande clarté, puis celle-ci disparut, et Sœur Thérèse se montra à lui; elle avait une auréole, mais il ne la voyait que dans une pénombre mystérieuse, bien qu'il la reconnût parfaitement d'après l'image qu'il possédait, et il éprouva au même instant une joie indicible.

— Je voudrais bien, dit-il avec véhémence, recommencer à souffrir tout ce que j'ai souffert, et cela pendant des années, pour avoir encore une nuit pareille!

— Mais vous avez donc vu Sœur Thérèse toute la nuit? lui demanda la Mère Prieure.

Il répondit avec une sincérité qui ne pouvait laisser place au doute :

— Oui, depuis 10 heures du soir jusqu'à 5 heures du matin, et elle m'a instruit tout le temps. Et moi aussi, j'ai fait la conversation avec elle. J'avais des doutes sur certaines vérités de la religion, et elle m'a tout fait comprendre ; c'était comme si elle m'avait fait le catéchisme. Elle m'a dit encore que cette vie n'est rien, et qu'il y en a une meilleure, et que tout ce qu'on peut endurer sur la terre, ce n'est rien en comparaison du bonheur qui nous en récompensera. Comme j'éprouvais beaucoup de chagrin de m'être éloigné de Dieu, elle m'a consolé en m'assurant que si j'avais le repentir et une grande confiance, le bon Dieu oublierait tout, et je pourrais tout de même lui plaire. Elle m'a fait penser à plusieurs saints qui avaient été pécheurs avant d'être saints... Tout cela, c'était comme des paroles qui s'imprimaient jusqu'au fond de mon âme, je me sentais un courage à souffrir n'importe quoi en ce monde, pourvu que je serve bien le bon Dieu et que j'aille avec lui au Ciel. Et ce courage, il me dure encore. Je vais retourner au front vendredi, et en première ligne, mais ça ne me fait aucunement peur; si je meurs, j'irai au Ciel, Sœur Thérèse me l'a promis.

— Mais peut-être étiez-vous endormi, et vous avez vu Sœur Thérèse en rêve? questionna encore la Mère Prieure.

— Oh! non, ma Mère, repartit vivement le soldat, j'étais bien assis sur mon lit, et réveillé tout comme à l'instant où je vous parle. J'aurais bien voulu mourir pendant cette nuit, mais elle m'a répondu : « Non » par un signe de tète. Et le matin, en effet, je me suis trouvé hors de danger, ma fièvre était tombée, je respirais librement, en un mot, j'entrais en convalescence.

A présent, qu'on vienne blaguer sur la religion devant moi, je sais quoi répondre; je me moque de tout ce qu'on pense et je ne crains qui que ce soit. Je sais bien pourtant que si je racontais ce qui m'est arrivé à ceux qui m'entouraient alors, ils n'en croiraient rien, mais, voyez-vous, quand c'est soi-même qui a entendu et vu pareille chose, on croit, je vous assure, et on vivrait cent ans qu'on ne l'oublierait jamais! « D'ailleurs, je m'en remets complètement à Dieu, sachant tien que je ne peux convaincre personne de ces choses-là et que la petite Sœur Thérèse n'attend pas le jugement de ces incrédules, mais celui du Pape pour être proclamée bienheureuse. »

 

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DU MÊME

 

Du Front, en la nuit de Noël 1917.

 

Ma Révérende Mère,

 

Il m'est doux en cette nuit de Noël de venir un peu, parla pensée, au Carmel de ma petite sainte; j'aurais été si heureux d'y assister à la Messe de minuit et d'y communier, mais, étant de tranchées, je n'ai pu faire qu'une modeste prière en montant ma faction. Il est vrai que c'est là que je prie le mieux, dans le silence de la nuit ; quand seul le canon tonne, il me semble que c'est une heure solennelle pour prier. Alors, dans ces moments de solitude où je veille, j'aime beaucoup m'entretenir avec ma petite Sœur du Ciel, qui ne m'a pas abandonné depuis cette belle nuit du 6 janvier, que je serais si content de revivre, et dont le souvenir efface toutes les misères de ma campagne. Oh! oui, ma Mère, quel bonheur j'ai eu ce jour-là! depuis, je ne suis plus seul; plus mon métier de soldat est dur et dangereux, plus ma Protectrice m'accompagne invisiblement; et pourtant je ne méritais pas tant de grâces, il faut qu'elle soit bien bonne cette petite Sœur Thérèse ! J'ai l'intention, à ma prochaine permission, de retourner voir sa tombe à Lisieux.

Agréez, ma Rde Mère, etc.

 

X...

 

Une lettre du même, datée du 8 juin 1918, exprime les mêmes sentiments.

En décembre 1917, la mère de notre soldat écrivait au Carmel de Lisieux : « Mon fils a gardé de sa maladie un souvenir inexplicable. Il m'a avoué lui-même que s'il n'y avait pas eu une intervention extraordinaire de Sœur Thérèse, jamais un tel changement n'aurait pu s'opérer dans son âme. Il s'est consacré au Sacré-Cœur, fréquente les offices le plus possible, et à chacune de ses permissions, il ne manque pas d'aller communier; enfin, il n'est plus le même. »

 

Vve X...

 

« Mince, si le bon Dieu est comme ça, il n'est pas méchant ! »

 

Aux Armées, 26 décembre 1917.

 

Ma Révérende Mère,

 

Je suis un petit soldat favorisé de Sr Thérèse de l'Enfant-Jésus, et il y a bien longtemps que je suis tenté de vous l'écrire. Voilà, en abrégé, mon histoire.

 

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Je suis de la région de Lisieux, et j'ai été élevé bien chrétiennement par ma mère. Mes parents étant pauvres, j'ai dû commencer à travailler vers l'âge de douze ans, et, malheureusement, influencé par de mauvais camarades, je suis tombé alors dans de" bien gros péchés. A dix-huit ans, j'allai à Paris, ce qui ne me rendit pas meilleur, mais la honte de mes fautes commençait à mettre un frein à mes vices, et malgré tout Dieu ne m'abandonnait pas, car je combattais. Enfin, ma santé s'étant très affaiblie, je revins chez mes parents, que je ne quittai plus jusqu'à la guerre. En août 1914, je fus appelé au dépôt de Lisieux pour y faire mon instruction militaire, et je tâchai de me conserver bon, malgré les mauvais exemples. C'est là qu'une bonne dame de la ville me donna un petit livre rose, de 10 centimes, sur Sœur Thérèse, et voilà qu'un dimanche, vers la fin du mois de novembre 1914, en me rendant chez moi en permission, à X..., je me mis à lire la brochure de la petite sainte Carmélite. J'arrivai à ce passage : « Ah! je le sens bien, quand même j'aurais sur la conscience tous les crimes qui se peuvent commettre, je ne perdrais rien de ma confiance, j'irais, le cœur plein de repentir, me jeter dans les bras de mon Sauveur. » Et je me dis : Mince! si le bon Dieu est comme ça, il n'est pas méchant tout de même, et je n'aurai plus peur de Lui!

Le soir venu, je rentrai à la caserne pour l'appel, et je me couchai aussitôt avant l'extinction des feux. Un moment après, tous dormaient, et alors je commençai ma prière, mais tout d'un coup, je ne sais pas comment dire une grâce pareille, voilà que pendant une heure de temps, mon cœur, sur lequel je serrais une relique de Sœur Thérèse, me semblait éclater, tant j'aimais Dieu, et je répétais continuellement : « Mon Dieu, je vous aime trop, pour vouloir vous offenser jamais. »

C'est ainsi que s'opéra ma conversion définitive. Quelques jours après, je lus le volume Histoire d'une Ame. Que de sainteté et de poésie dans ce livre, c'est un trésor que je ne vendrais pas pour un million !

Naturellement, je ne me sépare plus de ma petite Sœur, et, avec son aide, j'espère bien, après la guerre, être séminariste. Déjà, je profite de mes loisirs pour apprendre le latin avec M. l'Aumônier.

J'ai célébré hier, avec joie, la fête de Noël. Après avoir servi la Messe de minuit et communié, j'allai faire deux heures de faction contre les gaz. Une fois relevé, je souhaitai, en m'endormant, de faire quelque beau rêve en rapport avec cette nuit bénie; ordinairement, je n'ai point de bons rêves, et j'en suis quelquefois peiné, mais, cette fois, mon désir fut exaucé. Pendant mon sommeil, Sœur Thérèse s'approcha de moi : oh ! qu'elle était belle ! et dans sa belle main, elle prit la mienne, pour me faire descendre les marches d'un escalier. Elle s'éloigna ensuite, et je me réveillai un peu triste. « Pourquoi, me disais-je, m'a-t-elle fait descendre, au lieu de monter vers le Ciel?» Mais la lumière se fit bientôt dans mon esprit : « Oui, mon petit, pensai-je, il faut que tu descendes, que tu sois humble, méprisant les honneurs, les richesses et tous les biens terrestres. Descends, descends

 

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encore, deviens toujours plus petit pour te rapprocher davantage de Dieu. »

Voilà la leçon que j'ai tirée de mon rêve, et je crois bien que je ne me trompe pas?

J'ai confiance en Sœur Thérèse, la Jeanne d'Arc de nos temps, pour la fin heureuse de cette guerre. Avec elle, il est impossible que la France soit vaincue.

 

Un petit converti de Sœur Thérèse.
Soldat X...,

du 119e d'inf.

 

« J'ai obtenu une grande grâce... c'est la foi ! »

 

Tarzon (Maroc occidental), le 9 janvier 1918.

 

Ma Révérende Mère,

 

Je suis sur un front dangereux, au poste le plus avancé du Maroc, dans la région des Sidi-Raou, qui compte encore 25.000 à 30.000 indigènes non soumis. Là, pas de prêtre, et comme il pourrait m'arriver malheur dans ma fonction de sentinelle, la nuit, je vous prie, ma Révérende Mère, de m'envoyer un scapulaire de votre sainte maison, avec une relique de Sr Thérèse de l'Enfant-Jésus, que je porterai toujours sur moi.

Il y a six ans que j'ai obtenu la plus grande des grâces de votre petite sainte, et cette grâce c'est la foi.

Depuis, je me suis fait son apôtre, en passant aux uns et aux autres le beau livre Histoire d'une Ame. Quelques-uns en rient, mais ils sont peu nombreux. A Kenitra, j'ai prêté le volume à un vieux territorial, père de cinq enfants, homme très intelligent, mais incrédule au dernier degré. Ça se trouvait un dimanche, où il était de planton, et, par conséquent, pas trop occupé. Il emporta seulement avec lui du linge à laver, et aussi le livre que je lui avais confié la veille. Quand je le revis le soir, je lui demandai : « Eh bien ! L'as-tu lu? — Tu mériterais que je me fâche, me répondit-il presque en colère, lorsque j'ai commencé à mettre le nez dedans, je n'ai pas pu faire autre chose, et j'ai rapporté mon linge sale ! »

Et voici une âme de plus à Dieu. Hier encore, ce fut le tour d'un caporal, qui maintenant est plongé dans la Vie de la petite Sœur.

Pour moi, je suis bien content de mon moyen, et je continuerai de m'en servir.

Recevez, etc.

 

L. C,

1ère Cie, 2e Bon de marche du Maroc.

 

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Remarquable et touchante protection, en faveur de Monsieur l'Archiprêtre de Béthune, dans le bombardement du 18 décembre 1917.

 

Institut Saint-François-de-Sales, Berck-Plage, le 1er février 1918.

 

Je dois à Sr Thérèse de l'Enfant-Jésus diverses protections dont la plus remarquable m'a été accordée, le 18 décembre 1917, lors d'un terrible bombardement.

Il faut dire que ma confiance en la Servante de Dieu est très grande et que, dans ma paroisse, une messe est offerte, au moins toutes les semaines, pour obtenir sa prompte béatification.

Voici donc ce qui m'arriva :

D'abord, au matin de ce 18 décembre, étant à l'autel, je fus saisi, au moment de l'offertoire, d'une inexprimable angoisse. Je me tournai alors vers le Sacré-Cœur et murmurai : « Qu'est-ce à dire, Seigneur? » Et il me sembla comprendre cette réponse intérieure : « Sois sans crainte, je te sauverai. »

Le soir, à 4 heures et demie, devant le Tabernacle, j'éprouvai à nouveau cette même tristesse étrange et indéfinissable. A 5 heures, devant donner la Bénédiction du T. S. Sacrement, je sortais de la sacristie, précédé des enfants de chœur et suivi de l'organiste et du chantre, quand, à peine avais-je fait un pas dans notre étroit couloir, qu'une explosion formidable retentit derrière moi. Arrêté, assourdi, courbant les épaules sous une avalanche de pierres, je perdis un instant connaissance. Mais, soudain, sous l'influence peut-être du violent courant d'air qui se produisit tout à coup, je me ranimai et relevai. J'aperçus alors, arrivant elle-même en tête de cette colonne d'air, la petite Sœur Thérèse ; son scapulaire flottait au gré du vent, elle paraissait portée. S'arrêtant devant moi et me regardant avec compassion, elle me dit ce seul mot : « Partez! » J'obéis aussitôt, me sentant alerte, bien que perdant du sang en abondance par une blessure à la tête, et une autre à la jambe. Mon surplis tout maculé était en loques, et ma soutane tailladée de mille façons. Bientôt deux Anglais accourus sur le lieu du désastre, m'escortèrent jusqu'à ma demeure où l'on me pansa sommairement, puis une voiture d'ambulance me transporta à l'hôpital, où je fus placé de suite sur la table d'opération et endormi. A 7 heures, je me réveillai dans un bon lit, sous le regard bienveillant de deux religieuses franciscaines, et j'appris peu à peu tous les malheurs survenus : l'organiste décapité; le chantre râlant, la poitrine défoncée; un enfant de chœur tué net d'un éclat à la tempe; la sacristie démolie, la voûte de la nef latérale de l'église, percée, et tous les vitraux brisés. Pour moi, j'avais une large blessure au mollet droit, mais l'os n'avait pas été atteint; le coup reçu à la tête n'offrait aucune gravité.

Gloire au Sacré-Cœur, gloire à Marie, actions de grâces à la petite Sœur qui aida encore à mon prompt rétablissement, lequel déjoue

 

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toutes les prévisions des médecins. Ils me condamnaient à deux mois de complet repos, et, dès le 25 janvier, j'étais debout et pouvais célébrer la sainte Messe; le 29, je fus même en état de prononcer le panégyrique de Saint-François de Sales, dont la maison hospitalière qui m'abrite invoque le patronage.

Ancien professeur de philosophie et doué d'un tempérament froid, il me semble que je n'ai rien du visionnaire; je garde donc la conviction profonde d'avoir contemplé de mes yeux les traits de mon aimable Protectrice, au milieu de cette scène de deuil où sa pitié l'attira vers moi. Désormais, la chère petite sainte n'aura pas de plus fidèle apôtre que le pauvre prêtre qui lui doit tant !

 

L. Duflot, Archiprêtre de Béthune.

 

Ce prêtre distingué et d'une érudition remarquable dédia ainsi son dernier ouvrage, L'Apologétique Chrétienne : « A la Servante de Dieu, Thérèse de l'Enfant-Jésus, religieuse carmélite, en hommage reconnaissant. »

En tête du volume, il inséra la relation qu'on vient de lire sur la protection dont il fut l'objet, le 18 décembre 1917.