Jésus, mon Bien-Aimé, rappelle-toi ! ...

Air : Rappelle-toi.

 

« Ma fille, cherche celles de mes paroles qui respirent le plus d'amour; écris-les, et puis, les gardant précieusement comme des reliques, aie soin de les relire souvent. Quand un ami veut réveiller au coeur de son ami la vivacité première de son affection, il lui dit : Souviens-toi de ce que tu éprouvais quand tu me dis un jour telle parole; ou bien : Te souviens-tu de tes sentiments à telle époque, un tel jour, en un tel lieu ? Crois-le donc, les plus précieuses reliques qui demeurent de moi sur la terre sont les paroles de mon amour, les paroles sorties de mon très doux Coeur. »

NOTRE-SEIGNEUR à sainte Gertrude.

 

 

Oh ! souviens-toi de la gloire du Père,

Rappelle-toi les divines splendeurs

Que tu quittas, t'exilant sur la terre,

Pour racheter tous les pauvres pécheurs.

O Jésus ! t'abaissant vers la Vierge Marie,

Tu voilas ta grandeur et ta gloire infinie.

De ce sein maternel

Qui fut ton second ciel,

Oh ! souviens-toi !

 

Rappelle-toi qu'au jour de ta naissance,

Quittant le ciel, les Anges ont chanté

« A notre Dieu : gloire, honneur et puissance

Et paix aux coeurs de bonne volonté! »

Depuis dix-neuf cents ans, tu remplis ta promesse.

Seigneur, de tes enfants, la paix est la richesse

Pour goûter à jamais

Ton ineffable paix,

Je viens à toi !

 

Je viens à toi, cache-moi dans tes langes,

En ton berceau je veux rester toujours !

Là, je pourrai, chantant avec les anges,

Te rappeler les fêtes de ces jours

O Jésus ! souviens-toi des bergers et des mages

Qui t'offrirent, joyeux, leurs coeurs et leurs hommages ;

Du cortège innocent

Qui te donna son sang,

Oh ! souviens-toi !

 

Rappelle-toi que, les bras de Marie,

Tu préféras à ton trône royal;

Petit enfant, pour soutenir ta vie,

Tu n avais rien que le lait virginal !

A ce festin d'amour que te donne ta Mère,

Oh ! daigne m'inviter, Jésus, mon petit frère,

De ta petite soeur

Qui fit battre ton Coeur,

Oh ! souviens-toi !

 

Rappelle-toi que tu nommas ton père

L'humble Joseph, qui, par l'ordre du Ciel,

Sans t'éveiller sur le sein de ta Mère,

Sut t'arracher aux fureurs d'un mortel.

Verbe-Dieu, souviens-toi de ce mystère étrange

Tu gardas le silence et fis parler un ange !

De ton lointain exil

Sur les rives du Nil,

Oh ! souviens-toi !

 

Rappelle-toi que, sur d'autres rivages,

Les astres d'or et la lune d'argent,

Que je contemple en l'azur sans nuages,

Ont réjoui, charmé tes yeux d'enfant.

De ta petite main qui caressait Marie,

Tu soutenais le monde et lui donnais la vie.

Et tu pensais à moi !

Jésus, mon petit Roi,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi que, dans la solitude,

Tu travaillais de tes divines mains;

Vivre oublié fut ta plus chère étude,

Tu rejetas le savoir des humains !

O toi qui d'un seul mot pouvais charmer le monde,

Tu te plus à cacher ta sagesse profonde...

Tu parus ignorant!

O Seigneur tout-puissant,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi qu'étranger sur la terre,

Tu fus errant, toi, le Verbe éternel !

Tu n'avais rien, non pas même une pierre,

Pas un abri, comme l'oiseau du ciel.

O Jésus ! viens en moi, viens reposer ta tête,

Viens !... à te recevoir mon âme est toute prête.

Mon bien-aimé Sauveur,

Repose dans mon coeur,

Il est à toi !

 

Rappelle-toi les divines tendresses

Dont tu comblas les tout petits enfants ;

Je veux aussi recevoir tes caresses.

Ah ! donne-moi tes baisers ravissants !

Pour jouir dans les cieux de ta douce présence,

Je saurai pratiquer les vertus de l'enfance

Tu nous l'as dit souvent :

« Le Ciel est pour l'enfant..... »

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi qu'au bord de la fontaine

Un Voyageur, fatigué du chemin,

Fit déborder sur la Samaritaine

Les flots d'amour que renfermait son sein.

Ah ! je connais Celui qui demandait à boire

Il est le « Don de Dieu », la source de la gloire !

C'est toi l’eau qui jaillit,

Jésus ! tu nous as dit :

« Venez à moi !

 

« Venez à moi, pauvres âmes chargées;

« Vos lourds fardeaux bientôt s'allégeront,

« Et, pour toujours, dans mon Coeur submergées,

« De votre sein des sources jailliront. »

J'ai soif, ô mon Jésus ! cette eau, je la réclame.

De ses torrents divins daigne inonder mon âme;

Pour fixer mon séjour

En l'océan d'amour,

Je viens à toi !

 

Rappelle-toi qu'enfant de la lumière,

Souvent, hélas ! je néglige mon Roi ;

Oh ! prends pitié de ma grande misère,

Dans ton amour, Jésus, pardonne-moi !

Aux affaires du ciel daigne me rendre habile,

Montre-moi les secrets cachés dans l'Evangile.

Ah ! que ce livre d'or

Est mon plus cher trésor,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi que ta divine Mère

A sur ton Coeur un pouvoir merveilleux ;

Rappelle-toi qu'un jour, à sa prière,

Tu changeas l'onde en vin délicieux.

Daigne aussi transformer mes oeuvres indigentes...

A la voix de Marie, ô Dieu ! rends-les ferventes

Que je suis son enfant,

Mon Jésus, bien souvent,

Rappelle-toi !

 

Rappelle ci que souvent les collines

Tu gravissais au coucher du soleil ;

Rappelle-toi tes oraisons divines,

Tes chants d'amour à l'heure du sommeil !

Ta prière, ô mon Dieu, je l'offre avec délice

Pendant mes oraisons, pendant le saint office

Là, tout près de ton Coeur, Je chante avec bonheur,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi que, voyant la campagne,

Ton divin Coeur devançait les moissons;

Levant les yeux vers la sainte Montagne,

De tes élus tu murmurais les noms.

Afin que ta moisson soit bientôt recueillie,

Chaque jour, ô mon Dieu, je m'immole et je prie.

Que ma joie et mes pleurs

Sont pour tes moissonneurs,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi cette fête des Anges,

Cette harmonie au royaume des cieux,

Et le bonheur des sublimes phalanges,

Lorsqu'un pécheur vers toi lève les yeux !

Ah l je veux augmenter cette grande allégresse...

Jésus, pour les pécheurs je veux prier sans cesse;

Que je vins au Carmel

Pour peupler ton beau ciel,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi cette très douce flamme

Que tu voulais allumer dans les coeurs

Ce feu du ciel, tu l'as mis en mon âme,

Je veux aussi répandre ses ardeurs.

Une faible étincelle, ô mystère de vie,

Suffit pour allumer un immense incendie.

Que je veux, ô mon Dieu, Porter au loin ton feu,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi cette fête splendide

Que tu donnas à ton fils repentant ;

Rappelle-toi que pour l'âme candide,

Tu la nourris toi-même, à chaque instant!

Jésus, avec amour tu reçois le prodigue...

Mais les flots de ton Coeur, pour moi, n'ont pas de digue.

Que tes biens sont à moi,

Mon Bien-Aimé, mon Roi,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi que, méprisant la gloire,

En prodiguant tes miracles divins

Tu t'écriais : « Comment pouvez-vous croire

« Vous qui cherches l'estime des humains?

« Les oeuvres que je fais vous semblent surprenantes

« Mes amis en feront de bien plus éclatantes. »

Que tu fus humble et doux,

Jésus, mon tendre Epoux,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi qu'en une sainte ivresse

L'Apôtre-vierge approcha de ton Coeur !

En son repos il connut ta tendresse ;

Et tes secrets il les comprit, Seigneur

De ton disciple aimé je ne suis pas jalouse;

Je connais tes secrets, car je suis ton épouse...

O mon divin Sauveur,

Je m'endors sur ton Coeur.

Il est à moi !

 

Rappelle-toi qu'au soir de l'agonie,

Avec ton sang se mêlèrent tes pleurs;

Perles d'amour ! leur valeur infinie

A fait germer de virginales fleurs.

Un Ange, te montrant cette moisson choisie,

Fit renaître la joie en ton âme bénie ;

Jésus, que tu me vis Au milieu de tes lis,

Rappelle-toi !

 

Ton sang, tes pleurs, cette source féconde

Virginisant les calices des fleurs,

Les a rendus capables, dès ce monde,

De t'enfanter un grand nombre de coeurs.

Je suis vierge, ô Jésus ! Cependant, quel mystère !

En m'unissant à toi, des âmes je suis mère...

Des virginales fleurs

Qui sauvent les pécheurs,

Oh ! souviens-toi !

 

Rappelle-toi qu'abreuvé de souffrance

Un Condamné, se tournant vers les cieux,

S'est écrié : « Bientôt dans ma puissance

« Vous me verrez paraître glorieux ! »

Qu'il fût le Fils de Dieu, nul ne le voulait croire,

Car elle se cachait son ineffable gloire.

O Prince de la Paix!

Moi, je te reconnais...

Je crois en toi !

 

Rappelle-toi que ton divin Visage,

Parmi les tiens, fut toujours inconnu !

Mais tu laissas pour moi ta douce image...

Et tu le sais, je t'ai bien reconnu !

Oui, je te reconnais, même à travers tes larmes,

Face de l'Eternel, je découvre tes charmes.

Que ton regard voilé

Mon coeur a consolé,

Rappelle-toi !

Rappelle-toi cette amoureuse plainte

Qui, sur la croix, s'échappa de ton Coeur.

Ah ! dans le mien, Jésus, elle est empreinte

Oui... de ta soif il partage l'ardeur !

Plus il se sent blessé de tes divines flammes,

Plus il est altéré de te donner des âmes.

Que, d'une soif d'amour,

Je brûle nuit et jour,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi, Jésus, Verbe de vie,

Que tu m'aimas jusqu'à mourir pour moi !

Je veux aussi t'aimer à la folie ;

Je veux aussi vivre et mourir pour toi

Tu le sais, ô mon Dieu, tout ce que je désire,

C'est de te faire aimer, et d'être un jour martyre.

D'amour je veux mourir.

Seigneur, de mon désir,

Oh ! souviens-toi !

 

Rappelle-toi qu'au jour de ta victoire,

Tu nous disais : « Celui qui n'a pas vu

« Le Fils de Dieu tout rayonnant de gloire.

« Il est heureux... si quand même il a cru ! »

Dans l'ombre de la foi, je t'aime et je t'adore

O Jésus, pour te voir j'attends en paix l'aurore.

Que mon désir n'est pas

De te voir ici-bas,

Rappelle-toi !

 

Rappelle-toi que, montant vers le Père,

Tu ne pouvais nous laisser orphelins ;

Que, te faisant prisonnier sur la terre,

Tu sus voiler tes rayons tout divins;

Mais l'ombre de ton voile est lumineuse et pure,

Pain vivant de la foi, céleste nourriture.

O mystère d'amour !

Mon Pain de chaque jour

Jésus, c'est toi !

 

Jésus, c'est toi qui malgré les blasphèmes

Des ennemis du Sacrement d'amour,

C'est toi qui veux montrer combien tu m'aimes,

Puisqu'en mon coeur tu fixes ton séjour.

O Pain de l'exilé ! sainte et divine Hostie !

Ce n'est plus moi qui vis ; mais je vis de ta vie

Ton ciboire doré,

Entre tous préféré,

Jésus, c'est moi !

 

Jésus, c'est moi ton vivant sanctuaire

Que les méchants ne peuvent profaner.

Reste en mon coeur, n'est-il pas un parterre

Dont chaque fleur vers toi veut se tourner ?

Mais, si tu t'éloignais, ô blanc Lis des vallées!

Je le sais bien, mes fleurs seraient vite effeuillées.

Toujours, mon Bien-Aimé,

Jésus, Lis embaumé,

Fleuris en moi !

 

Rappelle-toi que je veux sur la terre

Te consoler de l'oubli des pécheurs ;

Mon seul Amour, exauce ma prière

Ah ! pour t'aimer, donne-moi mille coeurs

Mais c'est encore trop peu, Jésus, beauté suprême,

Donne-moi pour t'aimer ton divin Coeur lui-même ;

De mon désir brûlant,

Seigneur, à chaque instant,

Oh ! souviens-toi

 

Rappelle-toi que ta volonté sainte

Est mon repos, mon unique bonheur ;

Je m'abandonne et je m'endors sans crainte

Entre tes bras, ô mon divin Sauveur !

Si tu t'endors aussi lorsque l'orage gronde,

Je veux rester toujours en une paix profonde ;

Mais pendant ton sommeil,

Jésus ! pour le réveil Prépare-moi !

 

Rappelle-toi que souvent je soupire

Après le jour du grand avènement.

Qu'il vienne enfin l'Ange qui doit nous dire

 « Le temps n'est plus, venez au jugement! »

Alors rapidement je franchirai l’espace,

Et j'irai me cacher en ta divine Face.

Qu'au séjour éternel

Tu dois être mon ciel,

Rappelle-toi !

 

21 octobre 1895.

 

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